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Pour renforcer l’effectivité de la règle selon laquelle « le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail » (C. trav., art. L. 1221-2), le législateur encadre le recours aux contrats de travail précaires que sont le contrat à durée déterminée (C. trav., art. L. 1242-1 et s.) ou le contrat de mission (C. trav., art. L. 1251-5). Les non-respect des conditions de fond – cas de recours limitativement énumérés par la loi – et de forme – exigence d’un écrit, délai de carence entre deux contrat, etc. – permet en principe au salarié de demander la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.

Dans le cadre d’une relation de travail temporaire, tant l’entreprise utilisatrice que l’entreprise de travail temporaire peuvent méconnaître leurs obligations au moment du recours au contrat de mission. Le code du travail ne prévoit que l’hypothèse d’une requalification de la relation de travail entre l’entreprise utilisatrice et le salarié. Bien qu’aucun contrat n’existe entre les deux parties, il est admis que leur relation peut être rétroactivement regardée comme un CDI prenant effet à la date du premier jour de la mission, lorsque l’entreprise utilisatrice continue de faire travailler ce salarié au terme du contrat de mission, ou lorsqu’elle a recouru à ce contrat sans pouvoir justifier d’un motif prévu par la loi (C. trav., art. L. 1251-39 et L. 1251-40 ; v. par ex. Soc. 21 janv. 2004, n° 03-42.754, D. 2004. 326 ). La Cour de cassation admet en outre, dans le silence des textes, qu’une demande en requalification en CDI soit formulée à l’encontre de l’entreprise de travail temporaire n’ayant pas respecté le formalisme applicable au contrat de mission. Le salarié peut en effet « agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite n’ont pas été respectées » (Soc. 13 avr. 2005, n° 03-41.967, D. 2005. 1111 ; Dr. soc. 2005. 1038, obs. C. Roy-Loustaunau ). La requalification peut résulter, par exemple, de ce que le contrat de mission n’a pas été établi par écrit (C. trav., art. L. 1251-16 ; Soc. 13 déc. 2006, n° 05-44.956, Dr. soc. 2007. 770, obs. C. Roy-Loustaunau ) ou de la succession de contrats de mission sans respect du délai de carence applicable (C. trav., art. L. 1251-36 et s. ; Soc. 12 juin 2014, n° 13-16.362, Dalloz actualité, 8 juill. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 1332 ).

La chambre sociale de la Cour de cassation admet que deux actions en requalification soient exercées concurremment, l’une contre l’entreprise utilisatrice, l’autre contre l’entreprise de travail temporaire, dès lors qu’elles reposent sur des fondement différents (Soc. 20 mai 2009, n° 07-44.755, Dalloz actualité, 4 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1543 ; ibid. 2010. 342 et les obs. ). Le salarié ne peut toutefois prétendre à une double indemnisation ; en cas de responsabilité partagée entre les deux entreprises, elles doivent être condamnées in solidum à indemniser le préjudice subi par le salarié (Soc. 20 déc. 2017, n° 15-29.519). Seule l’indemnité de requalification, qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, est obligatoirement à la charge de l’entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 1251-41) ; son paiement ne peut donc être demandé à l’entreprise de travail temporaire (Soc. 13 juin 2012, n° 10-26.387, Dalloz actualité, 10 juill. 2012, obs. B. Ines ; D. 2012. 1682 ). Les autres conséquences financières de la requalification, en particulier celles résultant de la rupture du contrat requalifié, peuvent en revanche être supportées par les deux entreprises au regard de leurs fautes respectives.

En l’espèce, un salarié avait été engagé par une entreprise de travail temporaire. Entre le 19 mai 2008 et le 15 février 2013, il avait conclu avec elle 218 contrats de mission pour exercer différentes fonctions au sein d’une entreprise utilisatrice. Il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de la relation de travail avec l’entreprise utilisatrice en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture de ce contrat de travail. Cette dernière a appelé en garantie l’entreprise de travail temporaire.

La cour d’appel de Colmar, le 19 avril 2018, a condamné solidairement les deux entreprises au paiement de diverses sommes : l’entreprise utilisatrice car elle avait recouru au travail temporaire sans être en mesure de justifier d’un motif prévu par la loi ; l’entreprise de travail temporaire car elle n’avait pas respecté les délais de carence applicables entre différents contrats de mission. La première a été condamnée au paiement d’une indemnité de requalification et de 80 % des sommes liées à la rupture du contrat requalifié (indemnité de rupture et remboursement des allocations chômage à Pôle Emploi). La seconde a été condamnée au paiement des 20% restants. La chambre sociale de la Cour de cassation a eu à analyser les moyens présentés dans le pourvoi formé par l’entreprise utilisatrice et dans un pourvoi incident formé par l’entreprise de travail temporaire.

L’entreprise utilisatrice reprochait aux juges du fond d’avoir requalifié sa relation de travail avec le salarie en contrat de travail à durée indéterminée. Elle considérait d’une part que le recours au travail temporaire était justifié, d’autre part que le non-respect du délai de carence entre deux contrats de mission était imputable à l’entreprise de travail temporaire, dont la responsabilité devait être engagée. Elle arguait en outre que la requalification imputable aux deux entreprises ne pouvait « peut faire naître qu’un contrat de travail à durée indéterminée auxquels les deux entreprises [étaient] cocontractantes, en qualité de co-employeurs ». Par conséquent, la responsabilité des deux co-employeurs devait, selon le moyen, être identique et ne pouvait être modulée en fonction de la nature et de la gravité des fautes commises par chacun.

Selon le moyen présenté par l’entreprise de travail temporaire, l’obligation de respecter un délai de carence entre deux contrats de mission n’était pas propre à l’entreprise de travail temporaire, dès lors que l’entreprise utilisatrice pouvait être sanctionnée pénalement en cas d’inobservation de cette obligation (C. trav., art. L. 1255-9). Elle contestait par ailleurs la requalification en CDI de sa relation avec le salarié, aucune disposition légale ne prévoyant une telle sanction. Enfin, en admettant qu’une telle sanction pût être appliquée, elle considérait que l’entreprise de travail temporaire était en l’espèce responsable de l’inobservation du délai de carence et que les juges du fond ne caractérisaient pas en quoi elle aurait agi de concert avec l’entreprise utilisatrice pour justifier une condamnation in solidum.

Par un arrêt du 12 novembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette les pourvois formés par les deux entreprises. Elle rappelle d’abord « qu’en cas de litige sur le motif de recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat ». Or, cette dernière se contentait de critiquer la pertinence des documents produits aux débats par le salarié, qui dénonçait une pratique habituelle de l’entreprise d’un recours à des embauches précaires pour limiter ses dépenses, sans apporter aucune donnée concrète justifiant des motifs de recours à l’embauche précaire du salarié.

Elle écarte ensuite les arguments de l’entreprise de travail temporaire, au motif que les dispositions de l’article L. 1251-40 du code du travail applicables au litige – qui précisent la sanction encourue par une entreprise utilisatrice qui recourt de manière illicite à un contrat de mission – n’excluent pas la possibilité pour le salarié d’agir contre l’entreprise de travail temporaire lorsque les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d’œuvre est interdite n’ont pas été respectées. Les juges du fond « ayant fait ressortir que l’entreprise de travail temporaire avait conclu plusieurs contrats de mission au motif d’un accroissement temporaire d’activité sans respect du délai carence », alors que ce motif ne faisait pas partie de ceux permettant de recourir à des contrats de mission successifs (v. C. trav., art. L. 1251-37), ont justement requalifié la relation contractuelle entre le salarié et l’entreprise de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée. Ils ont exactement déduit de ce manquement de l’entreprise de travail temporaire à ses obligations dans l’établissement des contrats de mission que cette dernière devait être condamnée in solidum avec l’entreprise utilisatrice à supporter les conséquences de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, à l’exception de l’indemnité de requalification, dont l’entreprise utilisatrice est seule débitrice. Sur ces points, la Cour de cassation ne fait qu’appliquer une jurisprudence constante (v. supra).

Elle rejette enfin l’argument de l’entreprise utilisatrice selon lequel les deux entreprises seraient co-employeurs du salarié après la requalification et rappelle le pouvoir souverain des juges du fond pour apprécier la part de responsabilité des entreprises co-obligées, au regard des fautes commises par chacune d’entre elles. Il est vrai que la requalification de la relation de travail à l’égard des deux entreprises peut revenir à les considérer rétroactivement comme des co-employeurs de fait, dès lors que cette relation repose sur les mêmes contrats de missions litigieux. Cette situation ne répond pas, cependant, aux critères jurisprudentiels (récemment redéfinis – Soc. 25 nov. 2020, n° 18-13.769, D. 2020. 2348 ) nécessaires à la reconnaissance d’une telle relation (v. R. Marié, Dr. ouvr. 2009. 581, obs. sous Soc. 20 mai 2009, n° 07-44.755). La chambre sociale de la Cour de cassation fait donc le choix d’écarter ce moyen pour poursuivre l’application de sa jurisprudence, aux termes de laquelle les juges du fond peuvent condamner in solidum les deux entreprises à réparer le préjudice subi par le salarié et apprécier souverainement la part de responsabilité de chacune d’entre elles (Soc. 24 avr. 2013, n° 12-11.793, Dalloz actualité, 15 mai 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 1143 ; Dr. soc. 2013. 576, chron. S. Tournaux ; 20 déc. 2017, n° 15-29.519, préc.).

Auteur d'origine: lmontvalon

L’article 1er, reprenant la mesure 7 du Ségur de la santé, prévoyait la création d’une profession médicale intermédiaire, située entre le médecin diplômé d’un bac +10 et l’infirmière titulaire d’un bac +3. Devant la levée de boucliers des médecins et des paramédicaux, l’article a été totalement réécrit en commission des affaires sociales.

En lieu et place de la création d’une nouvelle profession, le gouvernement devra, dans les six mois suivant la publication de la loi, remettre au Parlement un rapport réalisant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération.

Le chapitre 2 de la proposition est consacré à l’évolution...

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Auteur d'origine: emaupin

Le requérant, un ressortissant français, a saisi la Cour en invoquant les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 10 (droit à la liberté d’expression) de la convention pour se plaindre de manquements de l’État à ses obligations positives de protéger la vie et l’intégrité physique des personnes. Il dénonçait notamment les limitations d’accès aux tests de diagnostic et une atteinte à la vie privée des personnes qui décèdent seules du virus.

Pour se prévaloir d’un manquement, un requérant doit pouvoir démontrer qu’il a subi directement les effets de la mesure litigieuse. Or, M. Le Mailloux se plaignait in abstracto de l’insuffisance et de l’inadéquation des mesures prises par l’État...

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Auteur d'origine: pastor
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Constituant une entrave à la liberté de travailler du salarié, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser une contrepartie financière (Soc. 10 juill. 2002 n° 00-45.135 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; ibid. 3111, obs. J. Pélissier ; ibid. 2003. 1222, obs. B. Thullier ). S’il est admis que la cause de la clause de non-concurrence réside dans la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, la chambre sociale ne recourt pas à cette notion. C’est pourtant bien ce fondement qui est visé par la décision du 4 novembre statuant sur la validité d’une clause de non-concurrence.

Un salarié avait été recruté dans une société comportant moins de cinquante salariés en qualité de cadre commercial. Une clause de non-concurrence prévoyant une indemnité de 100 % de la rémunération de l’intéressé sur vingt-quatre mois payable en une fois en contrepartie d’un engagement de non-concurrence sur deux départements. L’intéressé fut élu délégué du personnel titulaire, puis désigné par un syndicat représentatif délégué syndical. Le salarié a ensuite démissionné de ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical, à effet au 1er janvier 2014, et fut convoqué le 15 juillet 2014 à un entretien préalable fixé au 24 juillet 2014, qui aboutit sur son licenciement économique notifié le 6 octobre 2014.

L’intéressé saisit alors les juridictions prud’homales d’une demande en nullité du licenciement ainsi qu’en paiement de diverses sommes.

Les juges du fond le déboutèrent de sa demande en nullité du licenciement, et...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La théorie du « préjudice nécessaire », selon laquelle l’existence d’un préjudice pour le salarié est présumé du fait du seul manquement de l’employeur à l’une de ses obligations, a connu un important reflux dans la jurisprudence travailliste à partir de 2016. La chambre sociale de la Cour de cassation l’a abandonnée dans la plupart des champs où elle l’avait auparavant consacrée. Elle ne considère plus, entre autres, que l’absence de visite médicale de reprise (Soc. 17 mai 2016, n° 14-23.138), l’absence de document unique d’évaluation des risques (Soc. 25 sept. 2019, n° 17-22.224, RDT 2019. 792, obs. M. Véricel ), la non-délivrance des documents de fin de contrat (Soc. 22 mars 2017, n° 16-12.930, Dalloz actualité, 26 avr. 2017, obs. M. Roussel) ou encore la nullité d’une clause de non-concurrence (Soc. 25 mai 2016, n° 14-20.578, Dalloz actualité, 15 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1205 ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 773, obs. J. Mouly ; RDT 2016. 557, obs. L. Bento de Carvalho ) causent nécessairement un préjudice au salarié. Il appartient à ce dernier de démontrer qu’il a subi un préjudice, dont l’existence et l’évaluation relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Si la Cour de cassation a manifesté par ce reflux le souhait de revenir « à une application plus orthodoxe des règles de la responsabilité civile et commune à l’ensemble des chambres civiles de la Cour de cassation » (Rapport annuel 2016, p. 247), elle n’a pas renoncé à l’appliquer en toute circonstance. La présomption de préjudice pouvait encore être appliquée lorsqu’un texte ou une règle en consacrait clairement le principe (SSL n° 1721, 2 mai 2016, entretien P. Florès). Le nécessaire préjudice du salarié est notamment toujours reconnu en cas d’absence d’institutions représentatives de l’employeur imputable à l’employeur. Aux termes d’un arrêt rendu par la chambre sociale le 17 octobre 2018 (n° 17-14.392, Dalloz actualité, 26 nov. 2018, obs. H. Ciray ; D. 2018. 2142 ; ibid. 2019. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2019. 88, obs. J. Mouly ; ibid. 250, étude Y. Pagnerre et S. Dougados ; RDT 2018. 862, obs. V. Ilieva ), « l’employeur qui met en œuvre une procédure de licenciement économique, alors qu’il n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel et sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de...

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Auteur d'origine: lmontvalon

L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) 2020 a été une nouvelle fois revu à la hausse, pour être porté à 218,9 milliards d’euros, en hausse de 9,2 % par rapport à 2019 afin de faire face aux dépenses liées à l’épidémie. En 2021, l’ONDAM devrait atteindre 224,6 milliards d’euros et le déficit 34,9 milliards d’euros.

En outre, la crise sanitaire est à l’origine de nombre de mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale 2021 (LFSS), en particulier pour la mise en œuvre du Ségur de la santé. Est ainsi prévue une revalorisation des carrières des personnels non médicaux dans les établissements de santé et les établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (EHPAD). Mais aussi des aides de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements finançant un dispositif de soutien aux professionnels de l’aide à domicile. La CNSA contribuera également au versement d’une « prime covid » aux mêmes personnels.

Pilotage...

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Auteur d'origine: pastor
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La question du régime de protection des salariés dotés d’un mandat extérieur à l’entreprise est souvent délicate à gérer pour les entreprises. D’abord, parce qu’elles peuvent ne pas être informées de l’existence du mandat. Aussi la jurisprudence a-t-elle déjà pu préciser que le salarié bénéficiant d’un mandat extérieur à l’entreprise ne peut se prévaloir de sa protection que si, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, il a informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance (Soc. 14 sept. 2012, n° 11-21.307 P, Dalloz actualité, 27 sept. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 2179 ; RDT 2013. 48, obs. J.-M. Verdier ; Constitutions 2012. 624, obs. C. Radé ). Ensuite, parce que la nature même du mandat extérieur peut prêter à interrogation quant à son régime de protection au regard des règles du code du travail. Tel était précisément le cas dans l’arrêt du 4 novembre 2020 présentement commenté.

En l’espèce, un salarié recruté comme technico-commercial, par ailleurs élu en qualité d’adjoint délégué au sport dans une municipalité de plus de 10 000 habitants, avait rompu la relation de travail qui l’unissait à son employeur par une rupture conventionnelle homologuée tacitement par la Direccte.

L’intéressé saisit les juridictions prud’homales d’une demande d’annulation de cette rupture conventionnelle pour absence d’autorisation de la Direccte malgré son statut de salarié protégé.

Les juges du fond firent droit à sa demande, de sorte que la société s’est pourvue en cassation.

Pour l’entreprise en effet, la qualité d’adjoint délégué au sport dans une commune n’est pas un mandat ouvrant droit au bénéfice de la protection prévue par le code du travail impliquant l’exigence d’une autorisation administrative préalable à la rupture du contrat, en lieu et place de la simple homologation de droit...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La haute juridiction était saisie par la Conférence des évêques de France, l’archevêque de Paris, des communautés religieuses et des associations d’un référé-liberté visant à faire suspendre les dispositions du I de l’article 47 du décret du 29 octobre 2020, dans leur rédaction issue du décret du 27 novembre 2020, qui limitent à trente personnes les rassemblements dans les établissements de culte.

Comme lors de sa précédente ordonnance, qui avait refusé de suspendre les restrictions à la liberté de culte au nom de la sécurité sanitaire (v. CE 7 nov. 2020, n° 445825, Civitas (Assoc.), Dalloz actualité, 10 nov. 2020, obs. E. Maupin ; AJDA 2020. 2180 ; JA 2020, n° 629, p. 13, obs. X. Delpech ), le juge des référés rappelle que la liberté du culte, liberté fondamentale, doit être conciliée avec l’objectif de...

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Auteur d'origine: emaupin
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Parmi les libertés essentielles dont jouit le salarié dans l’entreprise et en dehors, la liberté d’agir en justice occupe une place de choix. Introduite par la loi du 13 juillet 1983 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la liberté d’agir en justice a été consolidée en 2001 à l’article L. 1134-4 du code du travail, compris dans le titre III relatif aux discriminations. En partie tirée de l’alinéa premier du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, la protection du salarié qui agit en justice contre son employeur apparaît comme une véritable garantie contre les mesures de sanction dissimulée (ou non). Le droit d’agir en justice est aujourd’hui élevé au rang de liberté fondamentale par la Cour de cassation (Soc. 6 févr. 2013, n° 11-11.740, Dalloz actualité, 27 févr. 2013, obs. B. Ines ;  D. 2013. 440 ; ibid. 2014. 1115, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2013. 415, note J. Mouly  ; RDT 2013. 630, obs. P. Adam ), une atteinte caractérisée entraînant à elle seule la nullité de la rupture (C. trav., art. L. 1235-3-1). Faut-il encore pouvoir démontrer un lien de cause à effet entre le licenciement et l’action en justice. À cet égard, la Cour de cassation nous livre un précieux mode d’emploi dans l’arrêt du 4 novembre 2020 ici commenté.

En l’espèce, plusieurs salariés avaient saisi le conseil de prud’hommes d’une demande d’annulation d’une sanction disciplinaire prononcée pour non-respect des lieux de pause. Ils contestaient par ailleurs une note de service imposant à l’ensemble du personnel de respecter les lieux de pause définis dans le planning hebdomadaire. Dans le mois ayant suivi l’introduction de l’action en justice, l’employeur avait diligenté un contrôle inopiné dont l’issue l’avait conduit à mettre les salariés à pied à titre conservatoire, avant de les licencier pour faute grave. Estimant que le licenciement était intervenu en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice, les salariés saisissaient la formation de référé du conseil de prud’hommes afin...

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Auteur d'origine: Dechriste

Un bonus-malus censuré sur la forme

Le premier point litigieux relevé par le Conseil d’État dans sa décision du 25 novembre 2020 tient en effet aux modalités du bonus-malus dont l’entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2021, qui ne pouvaient selon l’éminente juridiction pas être fixées par arrêté.

Ce mécanisme instaurant un bonus-malus sur la cotisation patronale d’assurance chômage des entreprises d’au moins onze salariés en fonction du « taux de séparation de l’entreprise » est issu du règlement d’assurance chômage publié par le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 (règl., annexe A, art. 50-2 à 51). Or, pour détailler les modalités d’application du bonus-malus, le décret a renvoyé à des arrêtés ministériels. Le juge administratif voit dans cette pratique « une subdélégation illégale », dans la mesure où il aurait fallu fixer ces règles par décret.

C’est en particulier le taux de séparation moyen au-delà duquel un secteur d’activité est soumis au bonus-malus et les secteurs d’activité concernés qui, parce qu’ils « sont des éléments déterminants de la modulation du taux de contribution de chaque employeur », n’auraient pas dû être fixés par simple arrêté et auraient dû corrélativement être définis avec davantage de précision dans le décret.

Celui-ci se bornait en effet à imposer que le taux de séparation moyen soit fixé en fonction de l’écart entre les taux de séparation moyen des différents secteurs d’activité et à exiger que les secteurs d’activité concernés soient identifiés par référence à la nomenclature des activités françaises (régl., art. 50-3). Ce point n’étant pas divisible du reste des dispositions relatives au bonus-malus, c’est assez classiquement que la juridiction administrative remettra en cause l’ensemble du dispositif de bonus-malus prévu par le décret.

Et c’est consécutivement à ce premier constat que l’arrêté du 27 novembre 2019, fixant à 150 % ce taux de séparation moyen et listant les sept secteurs d’activité soumis au bonus-malus, est déclaré illégal.

Ce premier chef de censure relève essentiellement d’une question de compétence formelle et n’augure pas à notre sens de modification substantielle – sur le fond – dans la version qui sera prochainement revue par le gouvernement. Notons que, cette annulation ne prenant effet qu’à compter du 1er janvier 2021 (date à partir de laquelle l’entrée en vigueur de la modulation de la contribution des employeurs devait s’appliquer, avec effet pour les périodes courant à compter du 1er mars 2021), cela laisse le temps au gouvernement d’adapter le mécanisme afin de le rendre conforme. Le ministère du Travail avait du reste envisagé d’en différer l’entrée en vigueur à compter de 2023, à l’occasion d’une réunion avec les partenaires sociaux du 12 novembre 2020.

En sus du bonus-malus, c’est aussi le calcul du salaire journalier de référence (SJR) qui se voit censuré par l’éminente juridiction.

Le calcul du salaire journalier de référence censuré sur le fond

Le Conseil d’État va en effet également annuler, en raison d’une violation du principe d’égalité, les règles de détermination du SJR, entrant dans le calcul de l’allocation d’assurance chômage. Il y est prévu que le SJR est égal au salaire de référence divisé par le nombre de jours calendaires de la période de référence (régl., art. 13).

Les nouvelles règles prennent en compte les jours travaillés et les jours non travaillés pour le calcul du SJR, là où seuls les jours travaillés pendant la période étant antérieurement considérés.

Si le juge administratif y voit un objectif légitime (contrer l’effet pervers du recours à des contrats courts fractionnés qui permettait, pour un même nombre d’heures de travail, d’avoir un SJR plus élevé que le salarié en CDI à temps partiel sur la même période), il relève dans le même temps que les nouvelles règles conduisent à des variations du SJR allant du « simple au quadruple » pour un même nombre d’heures de travail. En pénalisant fortement les allocataires travaillant de manière discontinue, le nouveau mode de calcul apparaît ainsi, à l’appréciation du Conseil d’État, opérer « une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi », de sorte qu’il y a lieu d’annuler non seulement les dispositions de l’article 13, mais aussi celles relatives à la durée d’indemnisation et celles relatives au salaire de référence, desquelles elles ne sont pas divisibles.

Fort heureusement, cette annulation n’aura aucune conséquence sur les allocataires, comme l’a indiqué le ministère dans un communiqué du 25 novembre 2020, rappelant qu’il « n’y aura d’interruption de droits à l’assurance chômage pour aucun allocataire », les règles nouvelles ayant été reportées au 1er avril 2021 du fait de la crise sanitaire de la covid-19 et le gouvernement prévoyant de corriger le tir en proposant des adaptations « conformes à la décision du juge » en concertation avec les partenaires sociaux d’ici là.

Le gouvernement avait en effet en tout état de cause annoncé, lors de la conférence du dialogue social du 26 octobre 2020, un nouveau report de la réforme de l’assurance chômage au 1er avril 2021, intégrant des ajustements d’ores et déjà identifiés par les partenaires sociaux et toujours avec l’ambition du « plein respect de la philosophie de la réforme ».

C’est enfin dans cette même logique de délai supplémentaire que s’inscrit la dernière ordonnance du 25 novembre 2020.

Prolongation possible de l’indemnisation des chômeurs en fin de droit

L’ordonnance n° 2020-1412 du 25 novembre, prise en application de l’article 10 de la loi du 14 novembre 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire, vient en effet fixer des dispositions spécifiques en matière de durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi dans le contexte économique et social fragilisé par la crise sanitaire.

Ainsi, les demandeurs d’emploi épuisant leurs droits à compter du 30 octobre 2020 à l’allocation de retour à l’emploi, à l’allocation de solidarité spécifique ou à l’allocation d’assurance dont la charge est assurée par certains employeurs publics pourront bénéficier d’une prolongation de leurs droits pendant une durée ayant vocation à être fixée par arrêté et qui ne pourra excéder le dernier jour du mois civil au cours duquel intervient la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit à ce jour le 28 février 2021). Un décret en Conseil d’État est par ailleurs attendu pour en préciser les modalités.

Cette mesure, intervenant au profit des demandeurs d’emploi arrivant en fin de droit durant le second confinement, remobilise ainsi le même « filet de sécurité sociale » qui fut déployé en mars dernier lors du premier confinement.

Auteur d'origine: Dechriste
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Notre décennie aura été marquée par de profondes mutations technologiques, revitalisant un débat centenaire sur le progrès technique, ses enjeux et ses écueils. Le droit du travail n’aura pas échappé à ces transformations et fait aujourd’hui partie des nombreux secteurs concernés par la révolution numérique. Pour le plus grand plaisir des optimistes. Au grand regret des plus réticents. Cette métamorphose exponentielle crée de nouvelles perspectives et bouleverse le cadre préétabli, obligeant par là même le législateur à une réaction souvent attendue, parfois controversée.

Le développement des nouvelles technologies d’information et de communication a contribué à l’émergence des plateformes numériques, dont certaines ont progressivement acquis un statut d’intermédiaire sur le marché des biens et des services, mais également sur le marché de l’emploi. Pour preuve, certaines plateformes ont pour objet de mettre en relation des entreprises utilisatrices et des personnes ayant le statut d’auto-entrepreneur pour des missions de courte durée dans des secteurs variés (pour l’exemple des plateformes en ligne d’enseignement de la conduite, CAA Lyon, 1er oct. 2020, n° 19LY00254). Cette pratique n’est pas sans poser quelques difficultés si l’on admet que la mise à disposition de travailleurs est classiquement l’apanage des entreprises de travail temporaire. Témoignage des questionnements générés, un arrêt du 12 novembre 2020 a récemment confronté ces deux modèles d’intermédiation.

En l’espèce, une société de travail temporaire spécialisée dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration (Staffmatch) avait saisi le tribunal de commerce de Créteil d’une demande en référé afin de faire reconnaître l’existence d’un trouble manifestement illicite dès lors que l’un de ses concurrents (Brigad) avait prétendument manqué à la réglementation relative au travail temporaire et fausser le jeu de la concurrence. Cette demande est rejetée faute de violation manifeste d’une règle de droit (T. com. Créteil, ord. réf., 13 mars 2018, Sté Staffmatch France c/ Sté Brigad). Dans un arrêt u 15 novembre 2018 (Paris, 15 nov. 2018, n° 18/06296), la cour d’appel de Paris rappelait l’existence d’une présomption de non-salariat pour les travailleurs indépendants ayant recours à une plateforme numérique et estimait qu’aucun élément manifeste ne permettait de faire tomber cette présomption. Dès lors que la société Brigad exerçait de façon licite une activité d’exploitation de plateforme numérique légalement reconnue, il n’y avait pas lieu de retenir l’existence d’un trouble manifestement illicite. La société Staffmatch formait alors un pourvoi en cassation.

Par un arrêt rendu le 12 novembre 2020, la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel. S’appuyant sur les articles L. 7341-1 et suivants du code du travail, la Cour de cassation rappelle la présomption de non-salariat qui couvre les travailleurs indépendants ayant recours, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une plateforme de mise en relation par voie électronique. La chambre sociale valide le raisonnement de la Cour d’appel en ce qu’elle a « constaté l’absence d’indices suffisants permettant avec l’évidence requise en référé de renverser la présomption de non-salariat prévue à l’article L. 8221-6 du code du travail pour les travailleurs indépendants s’y inscrivant ». L’argumentaire développé par l’entreprise de travail temporaire était insuffisant pour caractériser une incompatibilité avérée entre le statut d’auto-entrepreneur des travailleurs employés par la plateforme numérique Brigad et la réalité des missions effectuées. Dès lors que « n’était pas établi avec évidence le fait que la société Brigad exerce de façon illicite une activité d’exploitation de plateforme numérique légalement reconnue », l’hypothèse d’une fraude manifeste à la loi devait être écartée.

En définitive, il était reproché à la société Brigad d’orchestrer la mise à disposition de salariés tout en se soustrayant aux charges et obligations imposées aux entreprises de travail temporaire (C. trav., art. L. 1251-1 s. et art. L. 1251-45 s.). Á cet égard, le raisonnement de la chambre sociale est sans détour : quand bien même ils seraient « recrutés, sélectionnés, contrôlés et sanctionnés directement par la plateforme » et qu’« ils ne gèrent, ni la facturation, ni les démarches administratives », les travailleurs employés par la société Brigad le sont sous le statut d’auto-entrepreneur. Dès lors qu’ils sont immatriculés au registre du commerce et des sociétés, ils « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription » (C. trav., art. L. 8221-6) et bénéficient par ailleurs des engagements de la plateforme en matière de responsabilité sociale des entreprises (C. trav., art. L. 7342-1). Sous couvert de ces dispositions légales qui ont vocation à encadrer « l’essor des plateformes numériques telles que celle en litige », la cour d’appel avait refusé de voir « une violation évidente de la règle de droit ». Suivant son analyse, l’activité de la société Brigad consisterait avant tout « à identifier des profils d’indépendants inscrits gratuitement sur cette plate-forme sous réserve de justifier de leur expérience dans le domaine de l’hôtellerie et de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés » et à « les mettre en relation avec les entreprises du secteur ayant publié une annonce correspondant à leurs besoins de services occasionnels d’un professionnel ».

La cour d’appel ne nie pourtant pas l’existence de points de friction entre les deux modèles, le tribunal de commerce a d’ailleurs admis que les parties demanderesses et la société Brigad se situaient « sur le même marché […] mais avec des propositions différentes » (T. com. Créteil, ord. réf., 13 mars 2018, préc.). Néanmoins, elle constate que la société Brigad n’a fait que mobiliser l’arsenal juridique existant pour organiser, de manière licite, une activité sensiblement proche de celle des agences d’intérim. Finalement, le cadre légal tel qu’il est établi fait obstacle à la reconnaissance d’un trouble manifestement illicite puisqu’il entérine, par le jeu de la présomption, ce modèle de mise en relation triangulaire.

À première vue, la solution semble à rebours de la ligne jurisprudentielle tracée à l’encre rouge ces derniers mois (v. not. Soc. 28 novembre 2018, n° 17-20.079, Take it Easy, D. 2019. 177, et les obs. , note M.-C. Escande-Varniol ; ibid. 2018. 2409, édito. N. Balat ; ibid. 2019. 169, avis C. Courcol-Bouchard ; ibid. 326, chron. F. Salomon et A. David ; ibid. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJ contrat 2019. 46, obs. L. Gamet ; Dr. soc. 2019. 185, tribune C. Radé ; RDT 2019. 36, obs. M. Peyronnet ; ibid. 101, chron. K. Van Den Bergh ; Dalloz IP/IT 2019. 186, obs. J. Sénéchal ; JT 2019, n° 215, p. 12, obs. C. Minet-Letalle ; RDSS 2019. 170, obs. M. Badel ; Soc. 4 mars 2020, n° 19-13.316, Uber, D. 2020. 490, et les obs. ; ibid. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; AJ contrat 2020. 227, obs. T. Pasquier ; Dr. soc. 2020. 374, obs. P.-H. Antonmattei ; ibid. 550, chron. R. Salomon ; RDT 2020. 328, obs. L. Willocx ). Par plusieurs arrêts largement médiatisés, la Cour de cassation n’avait pas hésité à requalifier le contrat d’un travailleur de plateforme considéré comme indépendant en contrat de travail. Néanmoins, les enjeux de la présente décision étaient ailleurs. Il ne s’agissait pas pour l’agence d’intérim d’obtenir la requalification en contrat de travail mais de démontrer que les modalités de mise en relation via cette plateforme numérique s’inscrivaient dans un cadre frauduleux et portaient atteinte au principe de libre concurrence. En tant que telle, la solution ne fait donc pas obstacle à une action prud’homale en requalification initiée par un travailleur référencé. Celui-ci devra néanmoins démontrer, à la lumière de la jurisprudence de 1996 (Soc. 13 nov. 1996, n° 94-13.187, Société Générale, D. 1996. 268 ; Dr. soc. 1996. 1067, note J.-J. Dupeyroux ; RDSS 1997. 847, note J.-C. Dosdat ), en quoi la relation qui l’unit à la plateforme est constitutive d’un lien de subordination juridique et économique. Il faudra alors s’en remettre à la casuistique pour savoir si ce « modèle économique » peut perdurer sans pour autant travestir une relation contractuelle susceptible de relever du régime du salariat.

 Finalement, cette position est relativement compréhensible : quand bien même cette cohabitation est discutable, il n’appartient nullement à la Haute juridiction de dépeindre le paysage dans lequel doivent harmonieusement évoluer les sociétés d’intérim et les plateformes numériques de mise en relation. En effet, les changements sociétaux obligent le législateur à une réaction lorsque les schémas traditionnels s’en trouvent largement éprouvés. D’une certaine manière, les juges en appellent à l’intervention étatique pour que soient clarifiées les conditions de mise en concurrence de deux modèles à la fois singuliers et analogues. Cette évolution paraît donc souhaitable, pour autant que l’on admet que les charges et obligations imposées aux entreprises de travail temporaire sont justifiées par la nécessaire protection des droits des travailleurs. Malgré les révisions successives (loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ; loi n° 2019-1428 du 24 déc. 2019 d’orientation des mobilités), le droit n’en n’a donc pas terminé avec la problématique du recours à l’« exosalariat » ou, plus largement, de la « désalarisation ».

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Aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à la cessation d’activité de l’entreprise, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Dans cette dernière hypothèse, il est de jurisprudence constante que la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ne peut être valablement invoquée que lorsqu’une menace pèse sur la compétitivité de l’entreprise et que c’est bien cette menace qui justifie la réorganisation ayant abouti à ses suppressions, modifications ou transformations de postes (Soc. 31 mai 2006, n° 04-47.376 P, RDT 2006. 102, obs. P. Waquet  ; 15 janv. 2014, n° 12-23.869, Dalloz jurisprudence).

Ainsi, le souci d’une meilleure organisation n’exonère pas l’employeur de son obligation de caractériser une telle « menace » (Soc. 22 sept. 2010, n° 09-65.052, Dalloz jurisprudence).

Pour autant, si le juge doit vérifier pour tout licenciement économique la réalité et le sérieux du motif invoqué, il ne lui appartient cependant pas de porter une appréciation sur les choix de gestion de l’employeur et leurs conséquences sur l’entreprise (Cass., ass. plén., 8 déc. 2000, n° 97-44.219 P, D. 2001. 1125 , note J. Pélissier ; Dr. soc. 2001. 126, concl. P. de Caigny ; ibid. 133, note A. Cristau ; ibid. 417, note A. Jeammaud et M. Le Friant  ; 27 juin 2001, n° 99-45.817 ; 8 juill. 2009, n° 08-40.046 P, Just. & Cass. 2010. 501, rapp. A.-M. Grivel ; RDT 2009. 584, obs. F. Géa  ; 14 sept. 2010, n° 09-66.657 ; 24 mai 2018, nos 16-18.307 s.). En d’autres termes, le juge doit s’interroger sur la réalité du motif économique invoqué mais ne peut porter une appréciation sur l’opportunité du licenciement en tant qu’outil pour faire face au motif économique.

Cette limite au pouvoir d’appréciation du juge, posée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, tend finalement à préserver le pouvoir de direction économique reconnu à l’employeur tout en protégeant les salariés d’une décision arbitraire.

À l’inverse, si le juge ne peut s’immiscer dans les choix de gestion de l’employeur, la jurisprudence considère que ce dernier ne peut se prévaloir d’une situation économique qui résulte d’une :

• « attitude intentionnelle et frauduleuse » de sa part ou « d’une situation artificiellement créée résultant d’une attitude frauduleuse » (Soc. 9 oct. 1991, n° 89-41.705 P ; 13 janv. 1993, n° 91-45.894 P ; 12 janv. 1994, n° 92-43.191) ;

• légèreté blâmable de sa part (Soc. 22 sept. 2015, n° 14-15.520) ;

• d’agissements fautifs, allant au-delà des seules erreurs de gestion (Soc. 24 mai 2018, n° 17-12.560 P, Dalloz actualité, 13 juin 2018, obs. W. Fraisse ; D. 2018. 1158 ; Rev. sociétés 2018. 604, note A. Couret ; RDT 2018. 523, obs. S. Vernac ).

Un licenciement économique qui survient dans les circonstances précitées est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation a également rendu une décision similaire en matière de cessation d’activité, lorsque la faute de l’employeur en est à l’origine (Soc. 16 janv. 2001, n° 98-44.647 P, D. 2001. 2170 , obs. C. Boissel ; Dr. soc. 2001. 413, note J. Savatier ; 23 mars 2017, n° 15-21.183 P, D. 2017. 766 ), même dans la situation où la cessation d’activité de l’entreprise résulte de sa liquidation judiciaire (Soc. 8 juill. 2020, n° 18-26.140 P, D. 2020. 1469 ).

La question posée pour la première fois aux hauts magistrats était de savoir si la faute de la société à l’origine de la menace pesant sur sa compétitivité pouvait priver de cause réelle et sérieuse les licenciements intervenus dans le cadre d’une réorganisation.

Dans l’espèce rapportée, des salariés avaient été licenciés pour motif économique après avoir refusé la modification de leur contrat de travail à la suite d’une réorganisation de l’entreprise ayant donné lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi.

Pour juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d’appel de Caen a jugé que la société a commis une faute à l’origine de la nécessité de la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise par sa réorganisation. Elle retient en particulier que « le péril encouru en 2014 par la compétitivité de l’entreprise au moment de la mise en œuvre de la procédure de licenciement n’est pas dissociable de la faute de la société, caractérisée par des décisions de mise à disposition de liquidités empêchant ou limitant les investissements nécessaires, ces décisions pouvant être qualifiées de préjudiciables comme prises dans le seul intérêt de l’actionnaire, et ne se confondant pas avec une simple erreur de gestion » (Caen, 2 août 2018, nos 16/03791 à 16/03793).

Concrètement, dans le cadre d’une opération de rachat d’entreprise par endettement (leverage buy out) (LBO), les ressources financières du groupe ont été utilisées pour le remboursement d’un emprunt, empêchant ainsi le financement des nécessaires et incontournables investissements stratégiques, alors même qu’apparaît à la même époque et selon l’employeur l’essor d’un marché on line nécessitant de proposer des prestations spécialisées et adaptées et la multiplication d’entreprises au modèle innovant ou spécialisées ayant une activité concurrentielle.

La Cour de cassation, dans la décision commentée, pose le principe que la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est susceptible priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à cette réorganisation.

Néanmoins, elle censure la décision de la cour d’appel, considérant qu’elle a caractérisé par des motifs insuffisants la faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise.

Le message que souhaite manifestement envoyer la Cour de cassation, à la lecture de sa note explicative, est qu’elle reste attentive à ce que, sous couvert d’un contrôle de la faute, les juges du fond n’exercent pas un contrôle sur les choix de gestion de l’employeur.

Pour autant, la décision de la cour d’appel de Caen était particulièrement motivée et ne pointait pas, selon nous, une simple erreur de gestion. Il ne peut cependant être nié que la frontière entre les choix de gestion de l’employeur, sur lesquels le juge n’a pas à porter une appréciation, et la faute de l’employeur paraît plus mince en matière de réorganisation que de difficultés économiques ou cessation d’activité.

La Cour de cassation semble donc ouvrir une porte qu’elle referme immédiatement.

Toutefois, il appartiendra à la juridiction de renvoi, en l’occurrence la cour d’appel de Paris, de se prononcer à nouveau sur cette affaire.

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Depuis l’arrêt Consort Telle, l’obligation d’information du patient avant la réalisation d’un acte médical doit porter sur les risques prévisibles et courants comme sur les risques exceptionnels lorsqu’ils sont graves (CE 5 janv. 2000, n° 181899, Lebon avec les concl. ; AJDA 2000. 180 ; ibid. 137, chron. M. Guyomar et P. Collin ; D. 2000. 28 ; RFDA 2000. 641, concl. D. Chauvaux ; ibid. 654, note P. Bon ; RDSS 2000. 357, note L. Dubouis ). Par la suite, le Conseil d’État a précisé qu’un manquement à l’obligation d’information engage la responsabilité de l’hôpital dans la mesure où il a privé le patient d’une chance de se soustraire au risque lié à l’intervention en refusant qu’elle soit pratiquée, et a écarté la perte de chance « dans le cas où l’intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus » (CE 10 oct. 2012, n° 350426, Beaupère, Mme Lemaitre, Lebon ; AJDA 2012. 1927 ; ibid. 2231 , note C. Lantero ; D. 2012. 2518, obs. D. Poupeau ; ibid. 2013. 40, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2658, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; RDSS 2013. 92, note D. Cristol ). La section du contentieux a jugé nécessaire de préciser la portée de cette dernière formulation jurisprudentielle. Elle considère que la perte de chance, qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, peut être écartée « s’il résulte de l’instruction, compte tenu de ce qu’était l’état de santé du patient et son évolution prévisible en l’absence de réalisation de l’acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu’il aurait fait, qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, il aurait consenti à l’acte en question ».

À la suite d’une chute ayant provoqué une désinsertion du tendon du muscle jumeau externe de son genou gauche, Mme V. a subi une intervention chirurgicale visant à refixer ce tendon. Cette intervention a été suivie d’une paralysie du pied, due à une compression accidentelle du nerf fibulaire. Elle a recherché la responsabilité de l’établissement en raison du préjudice de perte de chance ayant résulté pour elle du manquement d’information sur les risques inhérents à l’intervention. Pour rejeter sa demande d’indemnisation, la cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé qu’il était certain que Mme V., qui souffrait d’importantes douleurs et de grandes difficultés à se déplacer, aurait, compte tenu de l’absence d’alternative thérapeutique à l’intervention chirurgicale qui lui était proposée, encore consenti à cette opération si elle avait été informée des risques d’atteinte au nerf fibulaire qu’elle comportait. Dès lors, le manquement de l’établissement à son devoir d’information n’a privé Mme V. d’aucune chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l’opération.

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Avant la création d’un statut général de lanceur d’alerte par la loi Sapin 2 (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique), le législateur avait déjà édicté certaines règles visant à protéger des salariés ayant dénoncé de bonne foi des faits de corruption (C. trav., art. L. 1161-1, abrogé par la loi Sapin 2), un risque grave pour la santé publique ou l’environnement (C. trav., art. L. 4133-5 , également abrogé par la loi Sapin 2) ou des faits susceptibles de constituer un délit ou un crime (C. trav., art. L. 1132-3-3).

Cette dernière protection a été intégrée en 2013 (L. n° 2013-1117, 6 déc. 2013, relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière) au chapitre du code du travail relatif au principe de non-discrimination : « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, […] pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ». En cas de litige, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à la déclaration ou au témoignage du salarié (C. trav., art. L. 1132-3-3). Comme toute mesure discriminatoire, la mesure prise à l’encontre d’un salarié ayant relaté ou témoigné de tels faits encourt la nullité (C. trav., art. L. 1132-4).

En l’espèce, un salarié engagé en qualité de consultant s’était vu confier une mission auprès d’un technocentre Renault. Dans le cadre de cette mission, le salarié avait envoyé un courriel à caractère politique à des salariés et syndicats de la société Renault. Il y suggérait notamment, dans le cadre d’une manifestation prévue contre le projet de loi El Khomri, de regrouper toutes les contestations relatives à « l’oligarchie en place » afin de la « faire vaciller ». Il proposait également la projection du documentaire Merci Patron ! pour engager un débat avec les salariés de l’entreprise. Informé de cet envoi, l’employeur avait échangé avec le salarié lors d’un entretien qui s’était tenu le 16 mars 2016. Il lui avait alors indiqué que les mails envoyés sur l’adresse professionnelle des syndicats pouvaient être consultés par la société Renault, et qu’il n’était pas censé, en qualité d’intervenant, dialoguer avec les syndicats de cette entreprise. Après une procédure disciplinaire ayant abouti à l’avertissement du salarié pour « violation du guide d’information de la société Renault et notamment de sa lettre de mission au technocentre », le salarié avait finalement été licencié pour faute grave le 21 avril 2016. L’employeur lui reprochait d’avoir enregistré à son insu l’entretien du 16 mars 2016 et d’avoir communiqué cet enregistrement à des tiers afin d’assurer sa diffusion sur le site internet YouTube. Le contenu de cette vidéo avait été repris par plusieurs médias dans le cadre d’articles de presse ou d’émissions télévisées. Ces agissements constituaient, pour l’employeur, un manquement du salarié à ses obligations de loyauté et de bonne foi.

Le salarié considérait que son licenciement était intervenu en violation de la protection des lanceurs d’alerte et avait sollicité devant le juge des référés la cessation du trouble manifestement illicite résultant de la nullité de son licenciement. Les syndicats s’étaient joints à sa demande. Le 27 février 2018, la cour d’appel de Versailles a prononcé la nullité du licenciement et a condamné l’employeur au paiement de diverses sommes au salarié et aux syndicats, au motif que le salarié avait révélé des faits d’atteinte à la liberté d’expression dans le cadre d’échanges avec un syndicat. Pour les juges du fond, il était par conséquent « recevable à invoquer le statut de lanceur d’alerte », ce dont il résultait que le licenciement devait être annulé en application des articles L. 1132-3-3 et L. 1132-4 du code du travail. L’employeur a formé un pourvoi en cassation contre cette décision, arguant que le salarié ne pouvait prétendre à « la qualité de “lanceur d’alerte” en l’absence de la moindre caractérisation d’une faute pénale de l’employeur ».

Par un arrêt du 4 novembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles. Rappelant la teneur de la protection instaurée par l’article L. 1132-3-3 du code du travail alors en vigueur, elle indique que les juges du fond ont statué « sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime », condition nécessaire à la mise en œuvre de la protection des lanceurs d’alerte. Le salarié avait bien eu connaissance des propos de l’employeur dans l’exercice de ses fonctions. Sa mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Soc. 8 juill. 2020, n° 18-13.593, D. 2020. 1468 ; Légipresse 2020. 470 et les obs. ; ibid. 557, étude Apolline Cagnat et A. Lefebvre ), ne semblait pas pouvoir être retenue dès lors qu’il avait simplement diffusé un enregistrement dont la véracité n’était pas contestée. Toutefois, les éléments de fait présentés par le salarié – les propos de l’employeur – ne permettaient pas de présumer qu’il avait relaté ou témoigné de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime.

L’entrave à la liberté d’expression relève des « atteintes à la paix publique » et est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (C. pén., art. 431-1). Est plus précisément répréhensible l’entrave concertée et à l’aide de menaces, comme la participation à une action – menaces, jets d’œufs menés de concert par un groupe d’étudiant – ayant rendu impossible la tenue d’une conférence par un homme politique (Crim. 22 juin 1999, n° 98-81.831, D. 2000. 127 , obs. B. de Lamy ). Les simples reproches formulés par l’employeur lors de l’entretien litigieux ne semblaient pas pouvoir recevoir cette qualification ; le salarié ne pouvait dès lors pas invoquer la protection prévue à l’article L. 1132-3-3 du code du travail.

Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013. Les juges de la chambre sociale considéraient en effet que devait être annulé, « en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression […], le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales », y compris lorsque la dénonciation résultait de la production de documents confidentiels (Soc. 30 juin 2016, n° 15-10.557, Dalloz actualité, 8 juill. 2016, obs. M. Peyronnet ; D. 2016. 1740, et les obs. , note J.-P. Marguénaud et J. Mouly ; RDT 2016. 566, obs. P. Adam ; Légipresse 2016. 391 et les obs. ; ibid. 536, comm. W. Bourdon, B. Repolt et Apolline Cagnat ). En l’absence d’infraction pénale de l’employeur, cette solution ne pouvait être transposée au cas d’espèce.

La nullité du licenciement ne pouvait-elle pas reposer sur la violation d’une liberté fondamentale (C. trav., art. L. 1235-3-1), à savoir la liberté d’expression, protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (v. par ex. Soc. 28 avr. 1988, n° 87-41.804 ; 17 janv. 2018, n° 16-21.522) ? Le salarié qui use de cette liberté est en principe protégé du pouvoir disciplinaire de l’employeur sauf en cas d’abus, résultant par exemple d’insultes (Soc. 6 mars 2019, n° 18-12.449) ou de critiques excessives, dénigrantes et malveillantes (Soc. 12 déc. 2012, n° 11-19.497). L’exercice de sa liberté d’expression ne doit pas non plus constituer un manquement du salarié à son obligation de loyauté, de nature à causer un préjudice à l’entreprise. La Cour européenne des droits de l’homme considère à cet égard que cette obligation impose que toute divulgation d’informations confidentielles soit d’abord effectuée auprès d’un supérieur ou d’une autre autorité ou instance compétente. La divulgation au public ne doit être envisagée qu’en dernier ressort (CEDH 21 juill. 2011, req. n° 28274/08, Heinisch c. Allemagne). Cette exigence se retrouve dans le statut général des lanceurs d’alerte instauré par la loi Sapin 2, qui impose un signalement à l’employeur ou au supérieur hiérarchique, ainsi qu’à l’autorité judiciaire avant tout signalement public (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, art. 8). La très large diffusion de propos de l’employeur enregistrés à son insu avait conduit ce dernier à justifier le licenciement par un manquement du salarié à cette obligation de loyauté. Le recours à l’article L. 1132-3-3 du code du travail aurait permis « d’excuser » le salarié et de priver l’employeur de son pouvoir de sanction, à condition que les agissements reprochés à l’employeur aient été pénalement répréhensibles.

Auteur d'origine: lmontvalon

C’est pour favoriser la négociation collective dans les petites entreprises, très nombreuses en pratique, que le législateur a introduit l’article L. 2143-6 du code du travail, qui permet encore aujourd’hui à un syndicat représentatif de désigner un délégué syndical dans les entreprises de moins de cinquante salariés parmi les représentants du personnel. Or, s’il est notoire que délégué syndical et représentant du personnel bénéficient tous deux du statut de salarié protégé, n’en demeure pas moins la question de savoir quel régime de protection a vocation à s’appliquer dans cette hypothèse, en particulier concernant la période supplémentaire de protection s’appliquant au terme du mandat. Tel était le domaine sur lequel l’arrêt présentement commenté apportait des éléments de réponse, en sus d’une problématique liée à la validité d’une clause de non-concurrence (sur le moyen portant sur la clause de concurrence, v. Soc. 4 nov. 2020, n° 19-12.279, Dalloz actualité, à paraître, obs. L. Malfettes).

Un salarié avait été recruté dans une société comportant moins de cinquante salariés en qualité de cadre commercial. L’intéressé fut élu délégué du...

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Auteur d'origine: Dechriste

Mme C. a été opérée en 2006 pour l’implantation de deux prothèses mammaires fabriquées par la société Poly Implant Prothèse (PIP). À la suite d’une inspection, qui a montré que la société commercialisait des implants remplis d’un gel de silicone différent de celui indiqué dans le dossier d’évaluation, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a décidé le 29 mars 2010, sur le fondement de l’article L. 5312-1 du code de la santé publique, de suspendre la mise sur le marché des implants mammaires fabriqués par cette société.

Conformément aux préconisations de l’AFSSAPS, la requérante a, en 2011, fait explanter ses prothèses mammaires. Elle a ensuite recherché la responsabilité de l’État du fait de la...

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Auteur d'origine: pastor

Un patient de l’hôpital de la Timone, atteint d’une maladie génétique évolutive, a subi une radiochirurgie pour traiter le neurinome dont il était atteint. Immédiatement après cette opération, il a totalement perdu l’audition de l’oreille droite et présenté divers troubles de la sensibilité, du goût, de l’odorat et de la déglutition. Il a saisi le tribunal administratif de Marseille qui, après avoir appelé l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) en cause, a mis à sa charge le versement de 101 200 € aux ayants droit du patient, décédé en cours de procédure. En appel, la somme a été ramenée à 44 080 € mais la cour a estimé, compte tenu du jeune âge du patient et de son état de santé antérieur, que les conséquences de l’intervention devaient être regardées comme notablement plus graves que les troubles auxquels le patient était exposé de manière suffisamment probable, et que, par suite,...

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Auteur d'origine: pastor
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Le phénomène de l’« ubérisation » frappe nombre de secteurs économiques. Celui de l’enseignement de la conduite n’y échappe pas. Il faut dire que le législateur l’a encouragé, au nom de l’objectif de démocratisation du permis de conduire. Pour la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (art. 28 à 30), dite « loi Macron », cette démocratisation devait passer par une libéralisation de l’enseignement de la conduite. À cette fin, plusieurs mesures contenues dans cette loi ont cherché à moderniser les relations entre les élèves et les écoles de conduite, en offrant notamment la possibilité à ces dernières de conclure des contrats sous une forme dématérialisée, sous réserve de la réalisation préalable d’une évaluation de l’élève par un enseignant dans le local ou dans un véhicule de l’établissement. Sur le fondement de cette législation, sont apparues des plateformes dématérialisées proposant à des candidats libres au permis de conduire une mise en relation avec des enseignants indépendants (exerçant généralement leur activité sous le régime du micro-entrepreneur) de la conduite censés être bénévoles, mais louant en réalité un véhicule d’apprentissage à l’élève, la plateforme se rémunérant par une commission perçue sur le prix de la location du véhicule. Plusieurs plateformes de ce type ont ainsi vu le jour ces dernières années (Ornikar, Le permis libre, etc.).

Ce mode inédit d’exercice de l’enseignement de la conduite a inévitablement suscité une levée de boucliers de la part des exploitants d’auto-écoles « traditionnels » et de leurs représentants, qui ont vu en ces nouveaux acteurs une source de concurrence déloyale. Ce qui a suscité une réaction des pouvoirs publics. Une réponse ministérielle a même pris position en leur faveur : elle a pu considérer ces pratiques comme illégales, un tel schéma constituant, selon elle, un contournement de l’obligation de dispenser l’enseignement de la conduite à titre onéreux dans le cadre d’un établissement agréé (Rép. min., H. Féron, n° 89118, JOAN Q 7 juin 2016, p. 5097). Par ailleurs, une instruction ministérielle relative aux opérations de contrôle en matière d’enseignement de la conduite invitant les préfets à procéder régulièrement à des opérations de contrôle sur ces plateformes, et plus précisément à s’assurer, d’une part, que ces opérateurs détiennent effectivement l’agrément requis et, d’autre part, qu’elles ne se rendent pas coupables de travail dissimulé. L’idée implicitement exprimée dans cette instruction réside dans le fait que l’activité des enseignants de la conduite ayant recours à une plateforme de mise en relation par voie électronique serait susceptible de révéler un lien de subordination entre l’enseignant et la plateforme (Instr. 6 mai 2017 relative aux opérations de contrôle en matière d’enseignement de la conduite, NOR : INTS1708686J).

Sur la base de cette instruction, les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi Auvergne-Rhône-Alpes ont diligenté un contrôle contre la société exploitant la plateforme « Le permis libre », qui a conclu à l’existence de liens salariaux dissimulés entre l’exploitant de la plateforme et les moniteurs affiliés à cette dernière sous le régime du micro-entrepreneur (anciennement auto-entrepreneur). Au visa de ces conclusions, le préfet du Rhône a, par arrêté du 13 avril 2018, prononcé, sur le fondement des dispositions de l’article L. 8272-2 du code du travail, siège du pouvoir de sanction administrative du travail illégal, la fermeture administrative pour une durée de trois mois, de l’établissement mis en cause.

Évidemment, les exploitants de la plateforme ne sont pas restés sans réaction et ont saisi le tribunal administratif de Lyon. Celui-ci a d’abord suspendu en référé l’exécution de l’arrêté préfectoral compte tenu du doute sérieux quant à la légalité de celui-ci (TA Lyon, ord. réf., 22 mai 2018, n° 1803117). Puis, par un jugement sur le fond, le même tribunal a partiellement annulé l’arrêté, limitant la fermeture administrative de la société exploitant la plateforme à un mois et demi (TA Lyon, 20 nov. 2018, n° 1803116). Les dirigeants de cette société ont alors fait appel de ce jugement, afin d’obtenir l’annulation complète et pas seulement partielle de l’arrêté préfectoral. Ils ont obtenu gain de cause, la cour administrative d’appel de Lyon ayant refusé de reconnaître l’existence d’un lien de subordination entre la plateforme et les moniteurs affiliés. Il faut dire que, en application de l’article L. 8221-6 du code du travail, les personnes exerçant leur activité sous le régime du micro-entrepreneur sont des travailleurs indépendants et qu’ils « bénéficient » à ce titre d’une présomption de non-salariat envers leur donneur d’ordre. Il s’agit cependant d’une présomption simple, qui peut être renversée en rapportant la preuve contraire, ce qui suppose, comme l’affirme classiquement la cour administrative d’appel de Lyon et s’agissant de l’administration, que cette dernière établisse « que les intéressés fournissent directement ou par personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci ».

Or, l’existence d’un lien de subordination permanent, critère de la relation salariée, n’est pas établie en l’occurrence, juge la Cour. En particulier, elle relève que si « les tarifs des heures de conduite sont fixés et modifiés unilatéralement par la [plateforme] qui reverse la rémunération aux moniteurs, ceux-ci sont libres de proposer leur service à d’autres structures agréées de formation à la conduite automobile, de choisir le nombre d’heures d’enseignement à dispenser sous l’enseigne [X], leurs horaires, leur secteur géographique ou bien encore de renoncer à proposer leur prestation sans qu’aucun objectif quantitatif ne puisse leur être imposé ». Par ailleurs, poursuit-elle, « si les moniteurs doivent accepter de se soumettre à l’évaluation des candidats, si la [plateforme] se réserve la faculté de suivre le taux de réussite à l’examen du permis de conduire par enseignant, ces clauses sont dépourvues de prérogative hiérarchique permettant de contraindre un moniteur à modifier ses pratiques ». En d’autres termes, les avis clients et autres « like » ne peuvent être la source d’un pouvoir hiérarchique assimilable à celui d’un employeur, dès lors qu’ils n’entraînent pas, en cas d’avis négatif, le déclenchement d’un pouvoir correcteur dans le comportement du moniteur d’auto-école . Enfin, la Cour relève que si la plateforme « dispose d’un pouvoir de sanction en cas d’annulation par le formateur d’une réservation en deçà du délai contractuel de quarante-huit heures ou en cas de mauvaise évaluation par les élèves, ces stipulations visent, comme dans toute relation d’affaires, à pénaliser la partie qui n’exécute pas ou exécute mal ses obligations et n’instaurent pas de lien de subordination entre le gestionnaire de la plateforme et ses prestataires ». On aurait aimé connaître la teneur exacte de ce pouvoir de sanction, en l’espèce, toujours est-il que la cour administrative d’appel de Lyon a estimé qu’il n’était pas suffisamment pénalisant pour les moniteurs pour pouvoir constituer l’indice d’un lien de subordination. La plateforme ici en cause ne va probablement pas aussi loin que la foodtech Take Eat Easy, qui se réservait la faculté d’adresser des pénalités (« strike ») à ses livreurs à vélo (« bikers ») en cas de manquement de ceux-ci à leurs obligations contractuelles, le cumul de quatre strikes conduisant à la désactivation du compte du livreur et donc à la résiliation de son affiliation à la plateforme.

C’est d’ailleurs incontestablement dans le sillage de l’arrêt Take Eat Easy de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 novembre 2018 que cet arrêt du 1er octobre 2020 se situe (Soc. 28 nov. 2018, n° 17-20.079, D. 2019. 177, et les obs. , note M.-C. Escande-Varniol ; ibid. 2018. 2409, édito. N. Balat ; ibid. 2019. 169, avis C. Courcol-Bouchard ; ibid. 326, chron. F. Salomon et A. David ; ibid. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJ contrat 2019. 46, obs. L. Gamet ; Dr. soc. 2019. 185, tribune C. Radé ; RDT 2019. 36, obs. M. Peyronnet ; ibid. 101, chron. K. Van Den Bergh ; Dalloz IP/IT 2019. 186, obs. J. Sénéchal ; JT 2019, n° 215, p. 12, obs. C. Minet-Letalle ; RDSS 2019. 170, obs. M. Badel ). Pour mémoire, dans l’arrêt Take Eat Easy, la Haute juridiction avait pris soin, pour requalifier en contrat de travail les contrats d’affiliation des bikers, d’inscrire sa solution dans la cadre de la définition la plus classique du lien de subordination, à savoir l’existence d’ordres, de directives et de sanctions en cas de mauvaise exécution du travail. La cour administrative d’appel ne se réfère nullement, en revanche, aux critères du lien de subordination retenus dans l’arrêt Uber rendu par la même chambre sociale, qui avait donné une importance toute particulière à l’existence d’un service organisé exploité par la plateforme de transport (Soc. 4 mars 2020, n° 19-13.316, D. 2020. 490, et les obs. ; ibid. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; AJ contrat 2020. 227 , obs. T. Pasquier ; Dr. soc. 2020. 374, obs. P.-H. Antonmattei ; ibid. 550, chron. R. Salomon ; RDT 2020. 328, obs. L. Willocx ).

On relèvera, enfin, une fois, n’est pas coutume, que la requalification d’un contrat de prestation de services indépendant en contrat de travail n’est pas recherchée ici par le « faux indépendant », l’inspection du travail, l’URSSAF ou encore par le procureur de la République, mais par l’administration, dans le cadre de son pouvoir de sanction administrative contre le travail dissimulé. En toute hypothèse la démarche reste la même : requalifier une relation indépendante en relation salariée. Le contentieux en la matière relève alors de la compétence du juge administratif et non pas du juge privé (conseil de prud’hommes en premier ressort), mais, et c’est heureux, le premier recourt aux mêmes critères que le second pour retenir l’existence d’un éventuel lien de subordination, ce qui devrait déboucher sur une convergence de solutions entre les deux ordres de juridiction sur cette question.

Auteur d'origine: Delpech

Le premier arrêt (n° 428198) concerne l’illégalité d’un refus d’autorisation de licenciement pour vice de procédure. Un tel refus illégal constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard de l’employeur si celui-ci subit un préjudice direct et certain. L’employeur peut alors solliciter le versement d’une indemnité en réparation du préjudice et il appartient au juge, selon le Conseil d’État, « de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être...

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Auteur d'origine: pastor
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par Loïc Malfettesle 10 novembre 2020

Soc. 14 oct. 2020, F-P+B, n° 19-12.275

Il ressort de l’article L. 1231-5 du code du travail que dès l’instant où le contrat de travail unissant un salarié à une filiale située à l’étranger est rompu, la société mère se doit d’en assurer le rapatriement avec une obligation de reclassement de ce dernier sur un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions. Il a été précisé en application de cet article que le salarié rapatrié ne peut alors prétendre à une rémunération identique à celle dont il bénéficiait au sein de la filiale dans des conditions très différentes, et que son refus d’un poste qui ne constituait pas un déclassement caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc. 22 mars 1982, n° 80-15.496 P). Mais quid lorsque le salarié ne se voit proposer qu’un déclassement et que celui-ci le refuse ? Sur quelle base salariale les indemnités de rupture doivent-elles être calculées lorsque la société-mère entend le licencier ? Ce sont à ces questions que l’arrêt du 14 octobre vient apporter des éléments de réponse.

Un salarié engagé en qualité d’ingénieur commercial avait profité d’une mobilité intra-groupe en occupant un poste de directeur commercial dans une société filiale soumise au droit américain. Cette dernière l’ayant licencié, la société mère basée en France dans laquelle il occupait son emploi d’origine lui...

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Auteur d'origine: Dechriste
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L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016 (AJDA 2016. 285 ) sur dix zones géographiques, va donc être étendue. Cinquante nouveaux territoires vont être concernés par cette seconde vague.

Mais pour n’en laisser aucun de côté, la voie à une augmentation dérogatoire par décret a été ouverte.

La question de la participation financière des départements au financement de l’expérimentation, pomme de discorde entre les deux chambres (contrairement aux députés [AJDA 2020. 1688 ], les sénateurs ont refusé de voter...

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Auteur d'origine: emaupin

Indemnisation de l’activité partielle

Indemnité versée au salarié

Compte tenu de la situation sanitaire, l’entrée en vigueur du dispositif réformé de l’activité partielle de droit commun (initialement prévue au 1er novembre 2021) est finalement reportée au 1er janvier 2021. Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2020, l’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur au salarié reste fixée à 70 % de la rémunération horaire brute de référence (C. trav., art. R. 5122-18).

Le décret n° 2020-1316 apporte, par ailleurs des précisions sur le cumul de l’indemnité compensatrice de congés payés et de l’indemnité d’activité partielle. À compter du 1er novembre, lorsque les congés payés sont dus sous la forme d’une indemnité compensatrice, cette indemnité est versée en plus de l’indemnité d’activité partielle.

À compter du 1er janvier 2021, le taux passe à 60 % du salaire horaire de référence ; le salaire de référence étant limité à 4,5 fois le Smic horaire. Il n’y aura plus, en principe, de remboursement majoré au profit des secteurs protégés.

Sur la question du calcul de l’indemnité, le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 précise les modalités de calcul de l’indemnité pour les salariés percevant des éléments de rémunération variable ou versés selon une périodicité non mensuelle. Pour ces salariés, le salaire de référence tient compte de la moyenne de ces éléments de rémunérations perçus au cours des 12 mois civils précédant le premier jour de placement activité partielle de l’entreprise.

Enfin, ce même décret pose la règle selon laquelle l’indemnité versée par l’employeur ne peut excéder la rémunération nette horaire « habituelle » du salarié (art. R. 5122-18 mod.).

Allocation versée à l’employeur

Aux termes de l’article D. 5122-13 du code du travail, modifié par le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est égal pour chaque salarié à 70 % de la rémunération horaire brute. Mais par dérogation à cet article, le décret n° 2020- 810 du 29 juin 2020 a fixé le taux horaire de l’allocation, hors secteurs protégés, à 60 % de la rémunération horaire brut limité à 4,5 Smic horaire pour la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2020. Cette date du 30 septembre a  finalement été reportée par le décret n° 2020-1319 au 31 décembre 2020.

L’allocation perçue par l’employeur reste donc maintenue à 60 % dans le cadre général et le taux de 70 % pour les secteurs les plus impactés par la crise sanitaire est également prorogé par le décret n° 2020-1319 jusqu’au 31 décembre 2020.

Ce décret prévoit en outre que le bénéfice de l’allocation majorée est étendu aux entreprises accueillant du public fermée partiellement (cette mesure étant destinée à prendre en compte les fermetures dues au couvre-feu, notamment) et la liste des secteurs d’activité bénéficiant du taux majoré d’allocation est complété. Est ainsi ajouté le secteur du « conseil et assistance opérationnelle apportées aux entreprises et autres organisations de distribution de films cinématographiques en matière de relations publiques et de communication » et le secteur des « cars et bus touristiques » est remplacé par un secteur plus générique, les « transports routiers réguliers de voyageurs » et les « autres transports ».

À compter du 1er janvier 2021, le taux de l’allocation sera abaissé à 36 % et le taux horaire minimal passe de 8,03 € à 7,23 €. En l’absence de précision d’une modulation selon les secteurs d’activité, ce taux est - pour l’instant - prévu pour être un taux unique (C. trav., art. D. 5122-13, mod. par Décr. n° 2020-1319 du 30 oct. 2020, art. 1er).

Modalités de recours à l’activité partielle

Les décrets du 31 octobre modifient par ailleurs plusieurs modalités de mise en œuvre de l’activité partielle.

Autorisation de placement en activité partielle

Pour recourir au dispositif d’activité partielle, une demande préalable d’autorisation doit être adressée au Préfet du département par l’employeur. Cette demande doit être faite au plus tard dans les 30 jours qui suivent le placement des salariés en activité partielle et la DIRECCTE dispose ensuite de 15 jours pour accorder ou refuser la demande. La consultation du comité social et économique est en outre nécessaire pour les entreprises d’au moins 50 salariés. Le décret n° 2020-1316 prévoit désormais que le comité doit également être informé, au terme de chaque autorisation de recours à l’activité partielle, des conditions dans lesquelles elle a été mise en œuvre (art. R. 5122-2 mod. par Décr. n° 2020-1316 du 30 oct. 2020).

S’agissant toujours de l’autorisation de placement en activité partielle, le décret n° 2020-1316 pérennise la possibilité des demandes groupées pour les entreprises à établissements multiples. Ainsi, lorsqu’une demande d’autorisation préalable d’activité partielle ou de renouvellement porte, pour le même motif et la même période sur au moins 50 établissements implantés dans plusieurs départements, l’employeur peut adresser une demande unique au titre de l’ensemble des établissements à la Dirrecte de l’établissement où est implanté l’un quelconque des établissements concernés. Cette règle avait été introduite par l’article 4 du décret n° 2020-794 du 26 juin et devait prendre fin le 31 décembre 2020 ; elle a finalement été codifiée (C. trav., art. R. 5122-2).

S’agissant de la durée de cette autorisation, les modalités sont modifiées à compter du 1er janvier 2021. Le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 avait fixé à 12 mois la durée maximale d’autorisation d’activité partielle. Le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 modifie cette durée maximale d’autorisation. Elle peut être accordée pour une durée maximum de 3 mois, renouvelable dans la limite de 6 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 12 mois consécutifs.

Toutefois, en cas de sinistre ou d’intempéries de caractère exceptionnel, l’autorisation peut être accordée pour une durée maximum de 6 mois renouvelable ; Dans cette hypothèse, il est précisé que l’autorisation sera accordée si l’employeur souscrit notamment des engagements spécifiques : maintien de l’emploi des salariés pour une certaine durée, actions spécifiques de formation… (C. trav., art. R. 5122-9 mod.).

Activité partielle de longue durée (APLD)

Enfin s’agissant de l’activité partielle de longue durée (APLD), le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 apporte quelques précisions.

Tout d’abord, le décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 relatif à l’APLD est modifié à compter du 1er novembre afin d’aligner le taux horaire de l’allocation d’activité partielle spécifique au taux horaire de l’allocation partielle de droit commun lorsque ce taux est supérieur.

Enfin ce même décret prévoit que les institutions représentatives du personnel et, le cas échéant les organisations syndicales signataires de l’accord collectif d’APLD, sont informées de la demande de l’employeur à la Dirrecte de ne pas rembourser les allocations d’activité partielle en cas de licenciement économique ou de l’information faites par la Dirrecte à l’employeur de ne pas demander un tel remboursement.

Auteur d'origine: Dechriste
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Le père ou le second parent d’un enfant doit-il bénéficier des mêmes droits et protections que la mère ? La question est d’actualité alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit d’étendre à vingt-cinq jours, dont sept jours obligatoires, la durée du congé de paternité ou d’accueil de l’enfant (auxquels s’ajoutent les 3 jours de congé de naissance). Si les protections octroyées avant la naissance de l’enfant restent réservées à la femme enceinte, celles octroyées après la naissance sont de plus en plus partagées avec le second parent, au nom du principe d’égalité. C’est le cas notamment de la protection contre le licenciement.

Le code du travail organise la protection de l’emploi de la femme enceinte et de la jeune mère : le licenciement est prohibé pendant la durée du congé maternité ; pendant toute la durée de la grossesse et les dix semaines suivant le retour de la salariée dans l’entreprise, il est conditionné à une faute grave ou une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse et à l’accouchement (C. trav., art. L. 1225-4). Le juge communautaire a précisé que la directive à l’origine de ces dispositions légales (Dir. 92/85/CEE du 19 oct. 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, art. 10) devait être interprétée en ce sens qu’elle « interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d’un enfant pendant la période de protection […], mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision avant l’échéance de cette période » (CJCE 11 oct. 2007, aff. C-460/06, Paquay, Rec. I, p. 8511 ; RJS 2008. 103, obs. Lafuma).

Cette interprétation est aujourd’hui bien ancrée dans la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui sanctionne par exemple l’engagement d’un salarié durant le congé de maternité d’une salariée ayant eu pour objet de pourvoir à son remplacement définitif (Soc. 15 sept. 2010, n° 08-43.299 P, D. 2010. 2166, obs. L. Perrin ; Dr. soc. 2010. 1256, obs. F. Favennec-Héry ; RDT 2011. 31, obs. M. Mercat-Bruns ) ou un entretien téléphonique informant la salariée protégée des modalités d’un licenciement pour motif économique à venir (Soc. 1er févr. 2017, n° 15-26.650). Il n’était cependant pas certain qu’elle dût être étendue aux périodes de protection contre le licenciement du second parent.

Depuis 2014 (L. n° 2014-873 du 4 août 2014), ce dernier bénéficie également d’une protection post-natale : un licenciement ne peut intervenir qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour motif étranger à l’arrivée de l’enfant. Initialement prévue pour quatre semaines après la naissance, cette période de protection dure désormais dix semaines (C. trav., art. L. 1225-4-1 issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016). Ces dispositions, rappelant celles applicables à la mère au retour de son congé de maternité, doivent-elles être interprétées comme interdisant également à l’encontre du second parent les mesures préparatoires au licenciement ? Telle était la question posée aux juges du Quai de l’Horloge dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté.

En l’espèce, un salarié avait bénéficié, à la suite de la naissance de son enfant le 20 novembre 2015, de cette période de protection contre le licenciement pour une durée qui était alors fixée à quatre semaines, jusqu’au 18 décembre 2015. Le 26 novembre 2015, il avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s’était tenu le 10 décembre 2015. Son licenciement pour insuffisance professionnelle était intervenu le 23 décembre 2015. Il a alors saisi la juridiction prud’homale.

La cour d’appel de Chambéry, le 29 novembre 2018, a annulé ce licenciement en raison des mesures préparatoires au licenciement mises en œuvre alors que le contrat ne pouvait être rompu. L’existence de mesures préparatoires était évidente, la procédure de licenciement ayant débuté durant la période de protection du salarié, même s’il avait finalement été prononcé à l’expiration de celle-ci. L’employeur contestait toutefois l’interprétation des juges du fond, considérant qu’il était légitime à prendre de telles mesures. Il a donc formé un pourvoi en cassation.

Il arguait que la prohibition des mesures préparatoires au licenciement résultant de l’application de l’article L. 1225-4 du code du travail tel qu’interprété à la lumière de la direction 92/85/CEE du 19 octobre 1992 avait pour objet « d’éviter “des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes”, considérées comme un groupe à risque particulièrement sensible devant être protégé contre les dangers les affectant spécifiquement, avant et après l’accouchement ». Selon le moyen, « c’est pour donner plein effet à ces dispositions et parer à ce risque que la Cour de justice a considéré que la prohibition instituée par la directive devait s’étendre aux actes préparatoires au licenciement des travailleuses ». L’employeur considérait donc qu’aucune règle n’empêchait la mise en œuvre de tels actes à l’égard du second parent.

Par un arrêt du 30 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation approuve le moyen et casse l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, au motif que l’article L. 1225-4-1 du code du travail ne mettant pas en œuvre l’article 10 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992, l’employeur était en droit de prendre des mesures préparatoires au licenciement du père durant la période de protection contre la rupture de son contrat.

Du strict point de vue de l’application des textes, cette décision est logique. La directive de 1992 à l’origine de la protection contre le licenciement de la mère vise exclusivement à « promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ». L’interprétation de ces dispositions par la Cour de justice des communautés européennes, selon laquelle cette protection induisait une interdiction non seulement du licenciement, mais également des mesures préparatoires à celui-ci, ne concerne que les personnes entrant dans le champ d’application de cette directive. Si le juge interne doit appliquer les dispositions de l’article L. 1225-4 du code du travail à la lumière de cette interprétation proposée par le juge européen, cette obligation ne s’étend pas à celles de l’article L. 1225-4-1, qui n’a pas vocation à protéger la santé de la mère. Ainsi les juges sont-ils seulement tenus d’appliquer à la lettre le texte, qui interdit le licenciement d’un salarié dans les dix semaines (quatre semaines pour les dispositions en vigueur au moment des faits) suivant la naissance de son enfant, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant. En l’espèce, malgré l’existence de mesures préparatoires, le licenciement était bien intervenu à l’expiration de la période de protection et était donc conforme aux exigences légales.

La solution n’en demeure pas moins discutable au regard de ses effets. Il est possible de considérer, d’abord, que la protection du second parent contre la rupture de son contrat est illusoire si la procédure de licenciement est engagée plusieurs semaines avant que l’employeur retrouve le pouvoir de le licencier. Le parent sait alors que son contrat ne sera pas rompu jusqu’à une certaine date, tout en sachant son avenir dans l’entreprise compromis. L’on peut ensuite penser que si l’interdiction des mesures préparatoires à l’égard de la mère a vocation à éviter « des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes » (CJCE 11 oct. 2007, aff. C-460/06, préc.), cette interdiction devrait être étendue au second parent. Une jeune mère peut souffrir de savoir son emploi menacé si l’employeur organise la rupture de son contrat avant même son retour dans l’entreprise. La perspective de perte d’emploi à court terme, associée aux charges financières nouvelles générées par l’arrivée d’un enfant, peut être source de dégradation de la santé, physique ou mentale, de la mère. Mais il en va de même, finalement, si c’est l’emploi de son conjoint qui est menacé, au regard des conséquences que le licenciement aura sur les revenus du couple.

Auteur d'origine: Dechriste

Le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l’aide médicale de l’État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France, s’inscrit dans un mouvement de durcissement de l’accès à l’aide médicale de l’État (AME) entamé depuis plusieurs années. La loi...

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Auteur d'origine: pastor

Jusqu’au bout, sénateurs et députés sont restés divisés sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Le 30 octobre, la commission mixte paritaire a échoué, le Sénat reprochant à l’Assemblée nationale de ne pas donner au Parlement les moyens de contrôler l’exercice des pouvoirs exceptionnels du gouvernement. Ils avaient en effet ramené au 31 janvier 2021 le terme de l’état d’urgence sanitaire et supprimé la prolongation du régime transitoire de sortie afin que le Parlement puisse se prononcer au terme de trois mois d’application de l’état d’urgence sanitaire.

Enorme couac

Finalement, les députés – qui ont le dernier mot – devaient voter en nouvelle lecture, le 4 novembre, pour une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 suivi d’un régime transitoire jusqu’au 1er avril 2021, qui adapte celui qui avait été institué, le 11 juillet dernier, à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Cela ne s’est cependant pas passé comme prévu. En raison du cafouillage créé concernant un éventuel couvre-feu en Ile-de-France, annoncé trop précipitamment par le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal et des élus de la majorité pas assez nombreux lors de la séance du 3 novembre à 21 h, l’opposition a réussi à ramener la prorogation au 14 décembre. Un autre amendement a également été adopté, prévoyant que le confinement décrété par l’exécutif ne pourra être renouvelé au-delà du 30 novembre qu’après accord du Parlement. Sans aucun doute, le gouvernement va demander une nouvelle délibération sur l’article premier. Par ailleurs, le texte proroge dans la même mesure les systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie, à savoir le système d’information national de dépistage (SI-DEP), qui centralise l’ensemble des résultats des tests effectués, et Contact Covid, élaboré par l’Assurance maladie pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts. Le projet de loi autorise également le gouvernement à agir par ordonnance dans de nombreux domaines (prolongation de la durée de validité de certains titres de séjour ; mesures relatives à l’activité partielle, aux contrats des sportifs et de leurs entraîneurs ; règles de délibération des collectivités territoriales, en particulier de quorum ; congés de reconversion des militaires ; réserve civique mais aussi adaptation des compétences de l’Autorité de régulation des transports de manière à permettre la modulation des redevances pour services rendus par les services publics aéroportuaires, etc.).

Des limites et des exceptions

Avant la promulgation de la loi, le gouvernement peut s’appuyer sur le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 qui prescrit, dans ce cadre, les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19. Ce texte, fait de restrictions et de dérogations multiples, interdit les réunions de plus de six personnes sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public. Mais ne sont pas concernés les activités professionnelles, les services de transport et les établissements recevant du public dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit (refuges et fourrières ; cliniques vétérinaires ; organisation d’épreuves de concours ou d’examens, etc.). Cette dérogation ne s’applique pas à la célébration de mariages, limités à six personnes. Les lieux de culte sont autorisés à rester ouverts, dans la limite de trente personnes, mais tout rassemblement en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires. Les déplacements de personne hors du lieu de résidence sont interdits, sauf attestations dérogatoires spécifiques et évitant tout regroupement de personnes. Le décret habilite les préfets de département à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent.

Quarantaine et mise à l’isolement

Une mesure de mise en quarantaine ou de placement et maintien en isolement peut être prescrite à l’entrée sur le territoire ou dans l’une des collectivités ultramarines pour les personnes ayant séjourné, au cours du mois précédant cette entrée ou cette arrivée, dans une zone de circulation de l’infection. La mesure se déroule, au choix de la personne qui en fait l’objet, à son domicile ou dans un lieu d’hébergement adapté à la mise en œuvre des consignes sanitaires qui lui sont prescrites, en tenant compte de sa situation individuelle et familiale. Lorsque la mesure interdit toute sortie du domicile ou du lieu d’hébergement, ses conditions doivent permettre à la personne concernée un accès aux biens et services de première nécessité, ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur, en prenant en compte les possibilités d’approvisionnement et les moyens de communication dont dispose la personne concernée par la mesure.

Pour une vue d’ensemble de l’impact budgétaire, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a détaillé le 29 octobre les mesures déployées pour un coût estimé, à ce stade, de 15 milliards d’euros par mois confiné.

Services publics : objectif continuité

Conformément à l’objectif de continuité des services publics, annoncé par le président de la République, la justice ne va pas se reconfiner. Le retard accumulé au premier semestre en raison de la grève des avocats, puis du confinement n’a pas été rattrapé et, si les conditions matérielles de fonctionnement des juridictions judiciaires ne se sont pas améliorées, les tribunaux judiciaires n’auront pas à mettre en place des « plans de continuité d’activité ». Les juridictions administratives vont également poursuivre une activité pratiquement normale. Autre exception à ce reconfinement : les écoles, collèges et lycées resteront ouverts avec un protocole sanitaire renforcé. Les crèches aussi, tandis que le supérieur bascule entièrement dans l’enseignement en ligne. Une circulaire du 29 octobre relative à la continuité du service public dans les administrations et les établissements publics de l’État encourage le télétravail pour les activités qui le permettent, mais de nombreux services, telles les finances publiques qui manipulent des données sensibles, ne sont pas en mesure de mettre des outils informatiques à dispositions de leurs agents.

Auteur d'origine: pastor

L’aide juridictionnelle a fortement augmenté ces dernières années. Si, pour les avocats, cette hausse reste insuffisante, pour Bercy, elle l’a été de 226 millions d’euros entre 2015 et 2021 (+ 62 %). En septembre, le rapport Perben recommandait une augmentation de 100 millions d’euros.

Lundi, le gouvernement proposait une réforme coûtant 50 millions d’euros. Une hausse présentée par Éric Dupond-Moretti comme une première marche. Reste à savoir quelles seront les conditions pour monter la suivante. La réforme des retraites ayant été pour l’instant enterrée, elle ne peut plus faire l’objet d’un compromis.

Le ministre hier a évoqué plusieurs éléments en négociation avec les avocats : « Nous devons discuter de plusieurs de leurs engagements, d’abord en matière de déontologie – mais ce n’est peut-être pas la question la plus importante –, ensuite sur l’expérimentation de l’avocat en entreprise. Nous sommes en train d’en discuter et, comme vous le savez, ce n’est pas simple. »

Selon nos informations, le ministère réfléchit à une expérimentation qui pourrait avoir lieu à Paris (qui concentre un grand nombre d’avocats et dont le barreau n’a jamais été frontalement opposé à la création de l’avocat en entreprise) ou plus vraisemblablement dans les Hauts-de-Seine (qui concentrent un grand nombre d’entreprises). Il faudra aussi trouver un véhicule législatif pour porter l’expérimentation.

Pour financer l’aide juridictionnelle, le rapport Moutchou-Gosselin proposait le retour du droit de timbre. Si la Chancellerie y est sensible, le gouvernement a promis de ne pas créer de nouveaux impôts. Autre contrepartie évoquée par le ministre : une réforme de la formation des avocats et de son coût. Sandrine Clavel et Kami Haeri viennent de rendre un rapport sur le sujet.

Trois autres amendements ont été adoptés. D’abord, une proposition Laurent Saint-Martin, dans les suites de son rapport sur l’Agrasc, qui vise à renforcer le rôle de l’agence et permettre l’affectation des biens saisis, notamment des voitures, aux services judiciaires. La chancellerie travaille à ce que des biens de moindre valeur soient donnés aux associations.

L’Assemblée nationale a aussi rétabli un délai de forclusion pour le dépôt des mémoires de frais et prolongé de deux ans l’expérimentation d’une tentative de médiation familiale préalable obligatoire.

Auteur d'origine: babonneau
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Principal garant du respect des libertés individuelles et collectives dans l’entreprise, le délégué du personnel a longtemps été un protagoniste majeur de la représentation des salariés. Ayant pour mission de représenter le personnel devant l’employeur et de transmettre les réclamations inhérentes à la relation de travail, le délégué du personnel était un interlocuteur privilégié de l’employeur. Disparu à l’issue de la refonte des institutions représentatives du personnel, la mission qui lui incombait est aujourd’hui incorporée dans le champ de compétence du comité social et économique (C. trav., art. L. 2312-5).

Afin que les représentants du personnel puissent remplir cette fonction, le code du travail leur reconnaît un droit d’alerte : lorsqu’ils constatent, « notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché » (C. trav., art. L. 2312-59 et L. 2313-2 anc.), les membres élus du CSE en avisent immédiatement l’employeur. Celui-ci doit alors diligenter une enquête. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de l’atteinte, le salarié, ou le représentant du personnel si le salarié concerné averti par écrit ne s’y oppose pas, peut saisir le conseil de prud’hommes qui statue en référé. Le juge peut alors ordonner sous astreinte « toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte » (C. trav., art. L. 2312-59 et L. 2313-2 anc.).

Si les représentants du personnel se sont rapidement approprié cette procédure, il est parfois difficile de savoir ce qui justifie, dans la pratique, qu’ils exercent leur droit d’alerte. Par un arrêt du 14 octobre 2020, la chambre sociale est venue clarifier l’objet de ce dispositif presque trentenaire (L. n° 1446, 31 déc. 1992, relative à l’emploi, au développement du travail à temps partiel et à l’assurance-chômage) en précisant une nouvelle fois le domaine d’action du représentant du personnel.

En l’espèce, un délégué du personnel avait exercé son droit d’alerte, estimant qu’il existait une irrégularité quant au calcul de l’indemnité de congés payés des salariés intérimaires. La société ayant refusé de réaliser une enquête conjointe, le délégué du personnel saisissait la juridiction prud’homale d’une demande d’injonction sous astreinte afin que la société réintègre certaines primes dans l’assiette de calcul des indemnités compensatrices de congés payés. Jugeant que le litige résultait d’un « simple désaccord dans le déroulement de la relation de travail », la cour d’appel restait insensible aux arguments des demandeurs. Le salarié et le syndicat formaient un pourvoi en invoquant l’existence d’une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés individuelles dans l’entreprise, laquelle justifiait l’exercice du droit d’alerte.

La Cour de cassation rejette le pourvoi : dès lors que l’exercice du droit d’alerte était motivé par une éventuelle erreur sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires, la demande « n’entrait pas dans les prévisions de l’article L. 2313-2 du code du travail ». Pour la chambre sociale, la demande tendant à la régularisation du montant de l’indemnité compensatrice de congés payés était étrangère au droit d’alerte du représentant du personnel.

En substance, la chambre sociale était amenée à s’interroger sur l’objet du droit d’alerte et sur les hypothèses pouvant justifier son exercice. S’agissant du délégué du personnel, l’ancien article L. 2313-2 délimitait strictement le champ du droit d’alerte, à savoir les atteintes « aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles ». Si la généralité des notions utilisées pouvait laisser entrevoir un domaine d’action assez large, force est de constater que la Cour de cassation en a rapidement restreint la portée.

Au vu de la jurisprudence passée, la décision ne surprend guère. On sait par exemple que les membres du comité social et économique ne peuvent exercer leur droit d’alerte pour demander le paiement d’arriérés de salaire ou d’heures supplémentaires (Soc. 3 févr. 1998, n° 96-42.062, D. 1998. 63 ). Ils ne peuvent pas non plus agir en nullité des licenciements intervenus consécutivement à une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles (Soc. 3 nov. 2010, n° 09-42.360, Dalloz jurisprudence) ni faire annuler une sanction disciplinaire, pour laquelle le salarié dispose d’une voie de recours spécifique (Soc. 9 févr. 2016, n° 14-18.567, RDT 2016. 491, obs. P. Adam ). Au contraire, il est admis qu’ils puissent agir en justice afin de réclamer la suppression d’enregistrements vidéo réalisés à l’insu du salarié pour le licencier (Soc. 10 déc. 1997, n° 95-42.661, D. 1998. 28  ; Dr. soc. 1998. 127, note B. Bossu ; ibid. 202, obs. G. Couturier  ; 3 nov. 2010, n° 09-42.360, Dalloz jurisprudence). De même, un représentant du personnel peut exercer son droit d’alerte pour s’assurer que l’employeur n’a pas abusivement consulté les messages personnels stockés sur l’ordinateur professionnel d’un salarié (Soc. 17 juin 2009, n° 08-40.274, Dalloz actualité, 29 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1832, obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 2671, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Gelbard-Le Dauphin ; Dr. soc. 2010. 267, chron. J.-E. Ray ; RDT 2009. 591, obs. L. Marino ; RTD civ. 2010. 75, obs. J. Hauser ).

Finalement, le droit d’alerte ne saurait être mobilisé à l’appui d’un grief purement matériel, l’atteinte invoquée doit être véritablement liberticide ou discriminatoire. Pour reprendre une formule anciennement mobilisée par la chambre sociale, le droit d’alerte ne couvre « que les actions ayant pour objet de veiller à la protection des personnes et des libertés individuelles et collectives » (Soc. 3 févr. 1998, n° 96-42.062, préc.). Dans le cas présent, la Cour de cassation a estimé que les conditions de mise en œuvre de la procédure d’alerte n’étaient pas réunies. On peut néanmoins se demander si la violation de la législation sur les congés payés des intérimaires ne constitue pas, en elle-même, une atteinte au droit au repos et à la santé des travailleurs. C’est d’ailleurs ce que faisaient valoir les demandeurs à l’appui du pourvoi. Peut-on en effet admettre qu’il s’agit d’un simple « désaccord dans le déroulement de la relation de travail », alors même que l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 8 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou encore la Convention OIT n° 52 de 1956 font du droit au repos un élément clé de la relation de travail salariée ? Ceci étant, il faut admettre que les revendications du délégué du personnel étaient d’ordre purement arithmétique et ne concernaient pas une privation réelle dont les salariés avaient été victimes s’agissant de la prise de congés payés.

Une autre piste pouvait conduire à admettre le caractère discriminatoire du mode de calcul de l’indemnité de congés payés puisque les salariés intérimaires et permanents faisaient l’objet d’un traitement différencié. On le sait, l’atteinte mise en lumière par le représentant du personnel peut « notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière […] de rémunération » (C. trav., art. L. 2312-59). Néanmoins, la Cour de cassation a récemment jugé que l’action fondée sur le principe d’égalité de traitement et justifiée par le défaut de versement d’une prime aux salariés intérimaires employés dans deux entreprises utilisatrices ne constituait pas un exercice licite du droit d’alerte (Soc. 9 sept. 2020, n° 18-25.128, Dalloz jurisprudence). Sur ce point, la position de la Cour de cassation laissait donc peu de place à l’incertitude.

Auteur d'origine: Dechriste

Le 20 décembre 2017, la Cour de cassation a inauguré une construction jurisprudentielle dont nous savions que les trois avis ne constituaient que les premières pierres. Un arrêt publié du 14 octobre 2020 apporte une nouvelle pierre à l’édifice, mais sans l’achever. Si la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges d’appel quant à la régularité de l’acte d’appel, elle rappelle néanmoins la sanction applicable lorsqu’il s’agit de discuter de la régularité d’un acte d’appel quant à la mention des chefs critiqués.

En l’espèce, un employeur fait appel d’une ordonnance de référé du conseil de prud’hommes l’ayant débouté de sa demande en instauration d’une nouvelle expertise.

Il rédige sa déclaration d’appel de cette manière : « Objet/portée de l’appel : appel total : en ce que l’ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL CDE pourrait avoir pour objectif d’éviter le paiement de l’indemnité de licenciement due à monsieur XY ».

Devant la cour d’appel, le salarié intimé soutient que « l’appel est irrecevable en application des dispositions de l’article 901, 4°, du code de procédure civile ».

La chambre sociale de la cour d’appel relève que l’acte d’appel vise la motivation du jugement, non un chef de décision, et déclare en conséquence l’appel irrecevable.

Les chefs du jugement ne sont pas les motifs du jugement

Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a pris avis auprès de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (C. pr. civ., art. 1015-1), « la déclaration d’appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué ».

Elle ne précise toutefois pas ce que l’appelant aurait dû mentionner dans son acte d’appel.

L’employeur, appelant, avait été débouté de sa demande. Il est vraisemblable que le dispositif du jugement dont appel était rédigé de cette manière : « déboute la SARL CDE de toutes ses demandes », sans autres précisions.

Il peut être restrictif, et dangereux, de ne s’en tenir qu’au seul dispositif, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de faire appel d’un jugement de débouté.

En effet, il est douteux que l’appelant satisfasse aux dispositions de l’article 901, 4°, imposant de mentionner les chefs « expressément » critiqués s’il fait appel du jugement en ce qu’il a « débouté X de l’ensemble de ses demandes » (Procédures d’appel, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 318).

Si l’on considère que la déclaration doit se suffire à elle-même pour apprécier la dévolution, alors cette mention est insuffisante pour satisfaire à l’exigence du texte, et se conformer à ce que devrait être l’objectif de la réforme.

L’intimé qui reçoit l’acte d’appel doit comprendre sur quoi porte l’appel, de manière à ce qu’il sache s’il est concerné par ce recours, et dans quelle mesure. Ainsi, si l’intimé constate que l’appel est limité à des chefs qui ne le concernent pas, il pourra s’abstenir de se faire représenter, et donc d’exposer des frais de procédure. Mais il ne s’agit pas pour l’appelant, au stade de la déclaration d’appel, de motiver son recours et de préciser en quoi il ne se satisfait pas du jugement qu’il entend contester. C’est l’objet des conclusions.

Mentionner les motifs du jugement, et a fortiori les motifs de l’appel, ne permet pas de satisfaire à l’exigence du texte. L’appelant doit mentionner ce qui a été jugé.

En l’espèce, le conseil de prud’hommes avait débouté l’employeur de sa demande en nouvelle expertise, estimant que la procédure mise en place par l’employeur pourrait avoir pour...

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Auteur d'origine: Dargent

L’ouverture des tribunaux et l’absence d’activation des plans de continuité d’activité ressemblent fort à une indispensable bouée de sauvetage pour le ministère de la Justice. Après un premier confinement qui avait dévoilé ses failles en matière de numérisation (lire aussi l’interview du président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël), relevées dans plusieurs rapports parlementaires, l’adoucissement des conditions du second confinement devrait en effet permettre d’éviter un nouveau long supplice numérique dans les tribunaux. Car, cinq mois après le déconfinement, le télétravail de certains agents, en particulier les greffiers, mais aussi des magistrats, se heurte toujours aux mêmes problématiques : sous-dotation en équipement informatique, accès impossible à distance à la chaîne applicative civile Winci ou encore défaillances de la visioconférence. « Le niveau d’impréparation est toujours aussi sidérant, résume David Melison, trésorier adjoint de l’Union syndicale des magistrats. Malgré les critiques énormes émises sur le fonctionnement du ministère pendant le confinement, nous en sommes toujours au même point. »

Livraisons d’ultraportables toujours en cours

Ainsi, le déploiement des 3 500 nouveaux ultraportables est toujours en cours, alors que la perspective d’un rebond de la pandémie à l’automne était déjà évoquée en mai dernier. Les livraisons de cet équipement informatique, qui a tant fait défaut aux greffes lors du premier confinement, sont en cours depuis le début du mois d’octobre. Elles doivent se terminer à la fin de l’année. 90 % des magistrats et la moitié des greffiers devraient alors être équipés d’un des 18 000 ordinateurs. « J’ai demandé à la secrétaire générale d’achever au plus vite le plan prévu de déploiement des ordinateurs portables, afin de permettre au plus grand nombre d’entre vous d’exercer votre activité professionnelle, si c’est possible, à distance », a indiqué, dans une vidéo diffusée jeudi soir, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. « Il aurait fallu faire cette commande plus tôt », regrette Isabelle Besnier-Houben, la secrétaire générale du Syndicat des greffiers de France - FO. « Tout se fait dans l’urgence : la semaine dernière, c’était la course pour savoir quel ordinateur les greffiers pouvaient emporter avec eux, rapporte-t-elle. Et, à Dijon, les 300 stagiaires de l’École nationale des greffes vont devoir traverser toute la France ce lundi 2 novembre pour récupérer leur dotation informatique. »

La question du nombre d’ordinateurs ultraportables, devenue l’indicateur numérique mis en avant par la place Vendôme, masque cependant d’autres difficultés informatiques encore plus inquiétantes. La principale réside dans l’impossibilité, aujourd’hui, d’accéder à distance à la plupart des applications de la chaîne civile, basées sur un logiciel conçu dans les années 1990. Ce qui empêche de facto le télétravail. Un problème ancien qui doit être résolu avec le projet Portalis, au déploiement prévu pour… décembre 2025. Vendredi, lors d’une conférence de presse, le ministère de la Justice a annoncé mener des tests pour permettre l’accès à distance du logiciel de la chaîne civile Winci TGI. Le ministère espère désormais savoir très rapidement si cet accès à distance pourra être généralisé, une annonce qui laisse sceptique. « On nous expliquait auparavant que ce n’était pas possible pour des raisons de sécurité informatique, rappelle Henri-Ferréol Billy, secrétaire national de la CGT des Chancelleries et services judiciaires. Mais l’accès à distance changerait la vie des agents du civil, qui pourraient alors travailler à distance quasiment comme ceux du pénal, en répondant aux avocats ou en produisant des convocations. » Autre problème toujours non résolu, celui du dispositif de visioconférence, qui ne donne toujours pas satisfaction. Au point de le voir substituer par des logiciels privés tels que Zoom, WhatsApp ou encore Skype.

Deux points de satisfaction

Malgré ce panorama plutôt sombre, deux points de satisfaction sont à souligner. Le réseau privé virtuel (VPN) est désormais suffisamment dimensionné – selon Le Monde, il autorise aujourd’hui plus de 100 000 connexions par jour. Et la nouvelle plateforme d’échanges numériques Plex, qui permet d’échanger avec les avocats de grosses pièces jointes dans les affaires pénales, semble également avoir trouvé son public. Le ministère a compté ainsi plus de 27 000 échanges en septembre. Mais seulement 5 000 avocats ont créé leur compte sur la plateforme, signe d’une diffusion pour l’instant relative de l’outil dans la profession. « Elle a le mérite d’exister, mais dans le quotidien des juridictions la plateforme n’a pas changé grand-chose », observe, sans enthousiasme, un magistrat niçois. « Ce sont les seuls points d’amélioration visibles, le reste, ce sont des effets d’annonce, abonde le magistrat David Melison. Nous n’avons pas fait de progrès significatifs et, si nous rebasculons dans un confinement dur, nous serons juste davantage en capacité de nous organiser. Lors du premier confinement, nous avons su faire. Mais au prix d’une dégradation de la justice. »

Auteur d'origine: babonneau

Pour Éric Dupond-Moretti, « nous devons tous ensemble, membres du même ministère, garder confiance en l’avenir et être à la hauteur des attentes des Français qui – surtout en cette période difficile – ne peuvent se passer du service public de la justice ».

S’agissant des mesures à prendre :

• Les services d’accueil uniques des justiciables resteront ouverts mais sur rendez-vous.

• L’activité juridictionnelle sera maintenue en présence des personnes « dûment convoquées », dans le respect des mesures sanitaires applicables à la covid-19.

• Le déploiement des ordinateurs portables, inexistant lors du premier confinement notamment pour les greffiers, devra être achevé « au plus vite ».

• Les mesures sanitaires seront tout autant appliquées au personnel pénitentiaire qu’au personnel dont la présence ponctuelle et régulière est requise.

• Concernant plus particulièrement les prisons : « le respect des mesures sanitaires ne conduit pas à remettre en cause les conditions de vie comme les parloirs ou le travail en détention », a ajouté Éric Dupond-Moretti. Lors du confinement de mars, toutes les visites et les activités avaient été interrompues.

• L’activité des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sera également maintenue « avec les adaptations et précautions nécessaires ».

• Un suivi régulier de la situation sera mis en place avec les chefs de cours d’appel « de zone de défense », les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Et avec les organisations syndicales, a-t-il précisé également.

 

À consulter également, paru vendredi 30 octobre 2020 :

Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Et notamment, au titre des exceptions, sont autorisés :

- à l’article 4, 7° : les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

- à l’article 45, I : Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public, sauf :

les salles d’audience des juridictions,
 les crématoriums et les chambres funéraires,
 l’activité des artistes professionnels,
 les activités mentionnées au II de l’article 42, à l’exception de ses deuxième, troisième et quatrième alinéas.
Auteur d'origine: babonneau

Il n’y a pas de temps à perdre, Michel M…, prévenu, se positionne à la barre du tribunal de Nanterre pour répondre aux questions du président. « Comment expliquez-vous la différence avec le prix de vente d’autres biens dans cette même rue ? Avez-vous effectué les diligences pour faire estimer ce bien ? » Le dossier est dense, déjà renvoyé car, prévu sur une seule journée au départ, les faits sont nombreux, quatorze séries de faits imbriqués ; le prévenu est un notaire. Il faut tout évoquer, et la demande de renvoi de la défense a déjà pris du temps au tribunal. Le président l’entreprend derechef sur les premiers faits : il aurait escroqué les héritiers de Marthe P…, décédée en 2009, en sous-évaluant le bien qu’ils l’avaient chargé de vendre. Quelques jours après avoir signé la promesse de vente, l’acheteur, une société civile immobilière (SCI), en a signé une en tant que vendeur, réalisant sans délai un bénéfice de 18 %. Michel M… a réalisé les deux ventes, pour lesquelles il a perçu des émoluments, et touché de généreux honoraires de négociations, dit l’accusation, pour avoir sciemment minoré la valeur de l’appartement. « Qu’avez-vous fait pour vous assurer qu’il n’y avait pas une meilleure offre ? » Le président attend une réponse claire, et il l’attend fissa, car le tribunal doit examiner une série de quatorze faits impliquant la commission d’un impressionnant panel d’infractions de droit pénal des affaires. Inutile, dit Michel M…, le prix correspondait aux aspirations de ses clients, qui avaient besoin de vendre vite pour payer leurs droits de succession. Une aubaine pour ce notaire indélicat, pensent l’accusation et la partie civile, Anne-Marie G…, son associée (ils étaient quatre) chargée de ce dossier, mais qui lui a délégué l’évaluation du bien. Michel M… semble ne pas comprendre le problème. « Un marchand de biens, dès qu’il a signé la promesse de vente, il cherche la revente », rappelle-t-il, sans percevoir que c’est le fait qu’il ait manœuvré à cet effet qui lui est reproché. Me Emmanuel Tordjman, l’avocat de Michel M…, est très attentif et se permet de nombreuses interruptions, en défenseur vigilant, lorsqu’il estime que ce qui est dit est inexact. « Vous plaiderez, Maître », lui répète le président d’une voix de plus en plus contrariée à mesure que les débats prennent du retard sur la pendule. Me Tordjman rouspète un peu. « Je le plaiderai ! », répète-t-il, sur un ton excédé.

Le cas suivant : Mme L…, décédée à 101 ans (précision apportée par le prévenu), avait légué l’usufruit d’un appartement à ses neveux et nièces dans un testament olographe rédigé en 1989. À son décès en 2005, Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il indique à sa consœur en charge de ne pas faire figurer les volontés de la défunte, dans la mesure où les légataires visés sont depuis décédés, ce qui constituerait un faux en écriture authentique.

Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il s’occupe de nombreux actes préparatoires, et la vente est promise à l’un de ses amis. Entre la signature de la promesse et la vente, l’acquéreur personne physique se mue en une pimpante SCI, dont le nom VANO 44 laisse à penser qu’elle a été créée ad hoc, car l’appartement est situé rue Vanneau, à Paris. L’ami de Michel M… ne possède que 5 % des parts ; l’autre associée, Nadia M…, en possède 95 %. Nadia M… est mariée à Michel M… sous le régime de la communauté de biens. Elle aurait dû comparaître à ses côtés, mais son cas a été disjoint, car elle est hospitalisée. En procédure, l’ami a admis avoir été un gérant de paille. Michel M… explique : cette SCI, c’était juste pour dépanner un ami qui faisait face à de soudaines difficultés financières (entre la promesse de vente et la vente), ayant perdu l’opportunité d’un emploi qui lui était promis. Pour démêler tout cela, le président entend obtenir des réponses brèves aux questions fermées qu’il égrène. « Est-ce que, par la date de sa création, cette SCI avait pour vocation exclusive l’acquisition de ce bien ? » C’est le délit de prise illégale d’intérêt qui est visé. La réponse est ambiguë, le président fulmine, Me Tordjman l’interrompt, le président explose : « Laissez-moi terminer, Maître ! Là, je vais vraiment commencer à m’énerver sérieux, alors taisez-vous ! » Mais il est trop tard, le président ne peut plus retenir sa fureur. L’avocat ne se tait pas, mais sa voix est désormais couverte par celle du président : « C’est une affaire complexe, un puzzle, et moi je n’aime pas les puzzles ! » Il cogne son bureau, se lève et décrète une suspension pour se calmer « Vous et moi ! », hurle-t-il en pointant l’avocat du doigt.

La sérénité retrouvée, le tribunal aborde les deux dossiers suivants, très semblables. Là encore, Michel M… présente aux vendeurs un seul et unique acheteur, un couple d’amis. « Vos liens d’amitié étaient-ils connus ? Oui ? Comment expliquez-vous que votre épouse acquiert 50 % des parts dans la SCI acquéreur ? Comment cela se fait-il qu’à chaque fois, une SCI se crée au moment de la vente ? » Michel M… est soupçonné d’avoir été intéressé à cette vente, par le biais de son épouse (prise illégale d’intérêts), et de n’avoir pas négocié le prix au mieux des intérêts de ses clients. Pourtant, « pour des raisons déontologiques », dit-il, Michel M… a confié la finalisation de la vente à un confrère. La procureure : « Peut-on passer des actes dans les opérations auxquelles on est directement intéressé ? — Non. — Dans les deux cas, vous présentez à des clients aux abois un seul et unique acquéreur, vos amis. Il n’y a pas un moment, avant la révélation des faits qui vous sont reprochés, où vous vous posez la question sur vos pratiques ? Non ? Tout était clean ? » Michel M… bredouille une non-réponse, son avocat explique : « Le compromis est signé par les époux B… (les amis en question), alors que la SCI existe depuis un an », preuve que sa création n’est pas idoine. « Ce n’est donc qu’après que l’idée d’acquérir le bien avec la SCI est formulée. » La procureure indique que le confrère ayant finalisé la vente a dit ignorer que Michel M… fut partie à la vente. « Je pense qu’il ne dit pas la vérité », répond le prévenu. « Le tribunal appréciera » (ritournelle).

Il faut désormais se pencher sur un abus de confiance, puisqu’il est reproché à Michel M… d’avoir payé son avocat avec les finances de son étude. Il comptait rembourser, son avocat fiscaliste lui a dit : pas de problème. « Vous n’avez pas pensé à consulter votre ordre, vu ce qu’il vous est déjà reproché ? » Nous sommes en 2011 et 2012, la procédure a été déclenchée en décembre 2010. « Une partie des honoraires a servi pour payer votre défense pénale ? » Le prévenu louvoie. « J’essaie de garder mon calme, vous savez très bien quels sont les enjeux de cette procédure », se contient le président. Me Tordjman à la rescousse : « S’il n’en a pas parlé à la chambre des notaires, c’est à cause des mauvaises relations qu’ils entretiennent, le président de cette même chambre ayant été poursuivi par Michel M… pour diffamation. » Puis viennent des frais de déménagement, payés par l’étude, pour son compte personnel. Il objecte : il s’agissait de déménager des meubles lui appartenant dans l’étude. Son associée n’a jamais vu les bibliothèques. Et ce cocktail, payé par l’étude, qui eut lieu chez lui au lendemain de son anniversaire. « C’était un cocktail professionnel », soutient-il. Le président semble se tendre à nouveau. Il n’y croit pas. Il craque. « Moi, je ne pose plus de questions, vous nous baladez, nous vous interrogeons sur des pratiques qui posent question, et vous répondez par des pirouettes ! »

Dans ce climat pesant de fin d’audience, après avoir examiné ces faits et bien d’autres, comme, par exemple, un autre faux en écriture authentique pour avoir signé une vente alors que, mis en examen la veille, il avait été suspendu dans ses fonctions, ou comme un autre faux, commis au préjudice d’Albert Uderzo, qu’il a un temps été soupçonné d’avoir escroqué (seule une facture douteuse, fausse pour l’accusation, a été retenue contre lui), les parties civiles ont plaidé, et la procureure a requis deux ans d’emprisonnement assortis d’un mandat de dépôt différé, 200 000 € d’amende, une interdiction définitive d’exercer. Alors que Me Tordjman plaidait, il fut interrompu. En effet, il faisait état à l’oral d’arguments présentés dans des conclusions (62 pages) qu’il avait communiquées le jour même aux autres parties, qui n’ont donc pas pu en prendre connaissance. Ultime esclandre et solution rigoureuse : le procès sera mis en continuation (au 19 mars), ce qui signifie que les avocats et la procureure reprendront leurs plaidoiries et leur réquisitoire, dans le respect du principe du contradictoire. Mais Michel M…, qui demandait souvent s’il pouvait se rasseoir, n’aura plus à se lever pour répondre aux questions du président.

Auteur d'origine: babonneau
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Dans un droit du travail marqué par l’importance croissante de la norme conventionnelle et la multiplication des dispositions légales dérogeables ou supplétives, les règles « qui revêtent un caractère d’ordre public » apparaissent comme les dernières limites à liberté de négociation des partenaires sociaux (C. trav., art. L. 2251-1). Celles qui enjoignent à l’employeur d’« assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav., art. L. 4121-1 s.), en participant de l’effectivité pour ces derniers du droit fondamental à la santé (Préambule de la Constitution de 1946, al. 11 ; Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 31, § 1), en font assurément partie. Aucun accord collectif, fût-il négocié avec les représentants des salariés, ne saurait donc dispenser l’employeur de mettre en œuvre certaines mesures de prévention des risques.

En l’espèce, un avenant à un accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans le secteur du transport sanitaire avait été conclu le 16 juin 2016. Une organisation syndicale ayant participé aux négociations sans signer cet avenant avait saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de certaines de ses dispositions, notamment celles relatives aux temps d’habillage et de déshabillage (art. 6). Le syndicat contestait plus précisément la possibilité laissée à l’employeur de ne pas assurer l’entretien de la tenue de travail des ambulanciers moyennant le versement d’une indemnité d’entretien.

Ces dispositions étaient en apparence conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation imposant à l’employeur d’assurer l’entretien des tenues de travail dont il impose le port au salarié, soit en organisant lui-même cet entretien, soit en versant une indemnité aux salariés concernés (Soc. 19 sept. 2013, n° 12-15.137 ; 14 févr. 2018, n° 16-25.563). Le contentieux était cependant né de ce que les salariés astreints au port d’une tenue de travail dans le secteur du transport sanitaire étaient exposés à des risques particuliers, notamment celui de contamination de leur tenue par des agents biologiques pathogènes.

Le 5 juillet 2018, la cour d’appel de Paris a confirmé l’annulation par le tribunal de grande instance saisi du paragraphe litigieux de l’article 6 de l’avenant précité, au motif qu’il était contraire à l’obligation de sécurité incombant à l’employeur, laquelle induisait une obligation d’assurer l’entretien des tenues des salariés. Les organisations patronales signataires de l’accord ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Selon ces dernières, l’article en cause ne déchargeait pas l’employeur de son obligation mais prévoyait seulement une compensation financière pour le salarié dans l’hypothèse où il aurait effectivement assuré l’entretien de sa tenue. Elles arguaient en outre que l’obligation de sécurité de l’employeur n’était pas assurée par la fourniture d’une tenue de travail et de son entretien, mais par la fourniture d’un équipement obligatoire correspondant aux dispositions d’un arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectées aux transports sanitaires. Les juges ne pouvaient donc pas, selon le moyen, déduire un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de la seule possibilité de compenser l’absence d’entretien effectif de la tenue de travail par l’employeur par une indemnité d’entretien.

Par un arrêt du 23 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les organisations patronales et confirme donc la décision d’annulation rendue par les juges du fond, en rappelant « qu’une convention ou un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public » (C. trav., art. L. 2251-1).

L’employeur, débiteur d’une obligation de sécurité, doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », en mettant en œuvre certains « principes généraux de prévention » : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, etc. (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2 ; Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei ). Si cette obligation suppose la mise en place d’un plan de prévention de l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés, des dispositions réglementaires du code du travail guident l’employeur dans la prévention de risques spécifiques.

Il lui appartient notamment de prendre « des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition aux agents biologiques » pathogènes (C. trav., art. R. 4422-1 ; art. R. 4424-1 s.). Il doit, à cette fin, fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements de protection appropriés, et faire en sorte, lorsque ces équipements sont réutilisables, qu’ils soient « rangés dans un endroit spécifique, nettoyés, désinfectés et vérifiés avant et après chaque utilisation et, s’il y a lieu, réparés ou remplacés » (C. trav., art. R. 4424-5). En l’espèce, si la tenue de travail n’était pas, au sens strict, un équipement de protection des salariés, la cour d’appel a relevé « qu’il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes vinssent contaminer les tenues de travail des ambulanciers ». Ce risque de contamination devait faire l’objet de mesures de prévention et supposait notamment l’entretien de cette tenue fût assuré par l’employeur lui-même.

Ne pourrait-on pas cependant attendre du salarié, lui aussi débiteur d’une obligation de sécurité lui imposant de prendre soin de sa santé et de celles de ses collègues (C. trav., art. L. 4122-1), qu’il assure l’entretien de sa tenue de travail si la consigne lui est donnée par l’employeur ? Le versement d’une indemnité serait en outre conforme avec les dispositions légales aux termes desquelles « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » (C. trav., art. L. 4122-2). L’obligation de sécurité du salarié est toutefois sans incidence sur le principe de responsabilité de l’employeur face aux risques professionnels (C. trav., art. L. 4122-1 ; Soc. 13 juin 2019, n° 18-11.115, RJS 10/1209, n° 552) ; elle permet tout au plus à l’employeur de sanctionner un salarié ne respectant pas les consignes de sécurité (Soc. 30 sept. 2005, n° 04-40.625, D. 2006. 973 , note H. K. Gaba ; Dr. soc. 2006. 102, obs. J. Savatier ) mais ne le dispense pas de prendre les mesures de prévention les plus adaptées aux risques auxquels sont exposés les salariés. Or, octroyer au salarié une indemnité venant compenser les frais engagés pour réaliser lui-même l’entretien de sa tenue, c’est courir le risque que le nettoyage ne soit pas effectivement réalisé. L’entretien par l’employeur apparaît alors comme la seule mesure de prévention efficace.

Que les partenaires sociaux soient associés à la réflexion sur les mesures de prévention à mettre en œuvre dans une entreprise ou une branche est une – bonne – chose. Qu’ils puissent, par la signature d’un accord collectif, décharger l’employeur d’une partie de ses obligations en matière de santé au travail en est une autre. Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle logiquement que la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ne se négocie pas.

Auteur d'origine: Dechriste

Le principe de parité des candidatures à l’élection du comité sociale et économique (CSE) implique que les listes syndicales doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (C. trav., art. L. 2314-30). Tout manquement à ce principe est classiquement sanctionné par l’annulation par le juge de l’élection du ou des élus du sexe surreprésenté en surnombre (C. trav., art. L. 2314-32). Mais qu’en est-il du mandat de l’intéressé dans l’intervalle séparant l’élection de la décision d’annulation ? Doit-on considérer sa candidature comme étant elle aussi annulée subséquemment, de sorte qu’il doive être réputé comme n’ayant jamais été élu ? En d’autres termes, l’annulation de l’élection d’un élu du sexe surnuméraire est-elle rétroactive ? Telle était la question posée dans l’affaire présentement commentée.

En l’espèce, l’élection d’un membre titulaire de la délégation au CSE d’un EPIC avait été annulée pour non-respect des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes par la liste de candidats présentée par le syndicat Sud logement social.

L’employeur, ayant saisi les juges du fond pour demander l’annulation consécutive de la candidature du salarié concerné, s’est vu débouter de sa...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Présenté en Conseil des ministres le 21 octobre, le projet de loi dote le gouvernement, pour la seconde fois cette année, d’outils extraordinaires pour freiner la progression de l’épidémie de coronavirus.

Deux en un

Ce texte permet de prolonger l’état d’urgence sanitaire, déclaré par décret sur l’ensemble du territoire national depuis le 17 octobre 2020, au-delà du délai d’un mois autorisé par la loi (CSP, art. L. 3131-13 ; v., AJDA 2020. 1938 ), et d’intégrer les dispositions du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, dont l’examen au Parlement a été interrompu (v., AJDA 2020. 1686 ).

Le gouvernement veut proroger jusqu’au 16 février 2021, soit pour une durée de trois mois, l’état d’urgence sanitaire. Comme le prévoit...

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Auteur d'origine: pastor
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« Tu veux voir à quoi ressemble la prochaine collection Petit Bateau ? Tiens, regarde… »

Si divulguer les secrets de son entreprise à l’occasion d’une soirée entre amis a toujours été une faute sur le plan contractuel, l’employeur avait rarement vent de l’affaire et ne pouvait guère – dans l’hypothèse inverse – apporter la preuve de ce manquement. L’audience et la confidentialité de la divulgation étaient globalement maîtrisées par l’auteur de cette dernière. On ne peut en dire autant lorsque la divulgation d’informations confidentielles se fait par le biais d’une publication sur un profil Facebook « privé », mais auquel plus de 200 personnes ont accès, parmi lesquelles se trouvent des collègues et des salariés d’entreprises concurrentes. Telle est l’erreur commise par Mme A… qui a été dénoncée à son employeur par l’un de ses « amis », capture d’écran à l’appui. L’employeur ainsi alerté sur les indiscrétions de l’une de ses cheffes de projet, a cherché à établir l’ampleur de la divulgation en enquêtant sur l’identité des personnes ayant eu accès aux photos de la prochaine collection, recoupant au besoin les informations disponibles sur Facebook avec celles disponibles sur les réseaux sociaux « professionnels ». À la suite de ces investigations, l’employeur a procédé au licenciement pour faute grave de la salariée au motif d’une violation de la clause de confidentialité à laquelle elle été soumise.

La salariée a donc saisi la juridiction prud’homale, estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Déboutée de ses prétentions en appel, elle se pourvoit en cassation en arguant que la production de la copie d’écran par l’employeur constituerait un mode de preuve déloyal et que cette violation serait une atteinte disproportionnée à sa vie privée.

La Cour de cassation, par une décision du 30 septembre 2020, rejette le pourvoi de la salariée. Dans un premier temps, la chambre sociale répond sur la question de la déloyauté de la preuve en rappelant que « l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve ». Elle note à cet égard que la cour d’appel « a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme “amie” sur le compte privé Facebook de Mme A… » et qu’en conséquence, elle « a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal ». Ainsi, on peut imaginer que, si l’employeur avait lui-même cherché à accéder au profil Facebook privé d’une employée, ou s’il avait fait pression sur l’un de ses « amis » pour obtenir des informations privées, les juges auraient pu qualifier ces méthodes de « stratagèmes » et juger la preuve irrecevable, car obtenue de manière déloyale. Il n’en est rien en l’espèce, la preuve ayant été « spontanément communiquée ».

Reste que la preuve communiquée porte bien sûr sur des éléments tirés de la vie privée de la salariée et peut donc, malgré la loyauté de sa production, constituer une atteinte à la vie privée. La Cour poursuit sa démonstration en rassurant sur le fait que la production par l’employeur d’une copie d’écran d’un mur Facebook privé constitue bien une atteinte à la vie privée protégée par les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile. Le principe du droit au respect de la vie privée du salarié, reconnu notamment par l’arrêt Nikon (Soc. 2 oct. 2001, Sté Nikon France, n° 99-42.942 P, R. p. 351 ; D. 2001. 3148, et les obs. , note P.-Y. Gautier ; ibid. 3286, interview P. Langlois ; ibid. 2002. 2296, obs. C. Caron ; Dr. soc. 2001. 915, note J.-E. Ray ; ibid. 2002. 84, étude A. Mole ; RTD civ. 2002. 72, obs. J. Hauser ; BICC 1er nov. 2001, concl. Kehrig ; JCP E 2001. 1918, note Puigelier ; Gaz. Pal. 2002. 377, note Bridenne ; Defrénois 2002. 1407, obs. Raynouard ; LPA 22 nov. 2001, note Piot et Heslaut ; ibid. 10 déc. 2001, note Picca ; ibid. 19 mars 2002, note F. Petit ; RJPF 2002-1/12, note Bossu ; CCE 2001, n° 120, note A. Lepage ; ibid. Chron. 24, obs. Devèze et Vivant), reste donc intact. L’inverse aurait été surprenant. Le salarié, selon cette jurisprudence Nikon, ayant « droit même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée », « en particulier le secret des correspondances », ce droit ne peut qu’être d’autant plus préservé lorsque les faits sont hors du temps et du lieu de travail. La Cour a d’ailleurs déjà eu l’occasion de considérer que les paramétrages retenus par l’utilisateur d’un réseau social pouvaient être utilisés pour déterminer la nature privée ou publique des propos qui y sont tenus (Soc. 12 sept. 2018, n° 16-11.690 P, Dalloz actualité, 10 oct. 2018, obs. H. Ciray ; D. 2018. 1812 ; ibid. 2019. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta  ; RDT 2019. 44, obs. R. Dalmasso ; RJS 11/2018, n° 656 ; JSL 2018, n° 462-2, obs. M. Hautefort ; JCP 2018. 1019, obs. D. Corrignan-Carsin ; SSL 2018, n° 1830, obs. J.-E. Ray ; JCP S 2018. 1328, obs. G. Loiseau ; Lexbase soc. 2018, n° 755, n° N5627BXP, obs. C. Radé).

Pour autant, des faits tirés de la vie privée peuvent occasionnellement être rattachés à la sphère professionnelle (v., sur la perte du permis de conduire d’un chauffeur justifiant son licenciement, Soc. 2 déc. 2003, n° 01-43.227 P, R. p. 303 ; D. 2004. 2462, et les obs. , note B. Boudias ; Dr. soc. 2004. 550, obs. J. Savatier  ; RTD civ. 2004. 263, obs. J. Hauser ; ibid. 729, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP 2004. II. 10025, note D. Corrignan-Carsin ; ibid. I. 177, n° 7, obs. J.-F. Cesaro ; RJPF 2004-4/15, obs. Putman). Ce lien est établi en l’espèce au regard du contenu « professionnel » de la publication et de ses destinataires. En effet, la salariée y dévoile des informations confidentielles de l’entreprise. Non seulement ces informations portent atteinte aux intérêts de cette dernière, mais elles constituent également une violation d’une obligation contractuelle, la salariée étant soumise à une clause de confidentialité du fait de ses fonctions. La chambre sociale va donc procéder à un contrôle de proportionnalité. Elle considère en l’espèce que « la cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires ». On remarque que l’appréciation de la nécessité de la production d’éléments portant atteinte à la vie privée est faite au regard de « l’exercice du droit à la preuve » – ce qui est chose rare – et que la proportionnalité au but poursuivi est appréciée quant à elle au regard de « l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires ». Cette approche avait déjà été retenue dans le contentieux social concernant la preuve du travail dominical (comme a pu le remarquer C. Radé, in Lexbase Hebdo, éd. soc., n° 840, 15 oct. 2020, n° N4864BYS) : « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Soc. 9 nov. 2016, n° 15-10.203 P, Dalloz actualité, 25 nov. 2016, obs. M. Roussel ; D. 2017. 37, note explicative de la Cour de cassation , note G. Lardeux ; ibid. 2018. 259, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; Just. & cass. 2017. 170, rapp. A. David ; ibid. 188, avis H. Liffran  ; Dr. soc. 2017. 89, obs. J. Mouly ; RDT 2017. 134, obs. B. Géniaut ; RTD civ. 2017. 96, obs. J. Hauser ; JCP 2016. 1281, obs. N. Dedessus-Le-Moustier ; ibid. 2017. 585, obs. J. Mayer).

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Petite exception dans le paysage juridique traditionnel, le statut du journaliste professionnel s’accompagne de nombreuses règles dérogatoires au droit commun du travail. Pour preuve, une commission arbitrale est chargée d’évaluer le montant de l’indemnité due à un journaliste professionnel licencié ou désireux de résilier son contrat, lorsque son ancienneté au service de la même entreprise excède quinze ans. La commission est également saisie lorsque le journaliste se voit imputer une faute grave ou des fautes répétées, quelle que soit la durée de l’ancienneté (C. trav., art. L. 1712-4). Il convient de préciser que la commission arbitrale, composée de manière paritaire, est seule compétente pour fixer le montant de l’indemnité de licenciement, à l’exclusion de toute autre juridiction (Soc. 13 avr. 1999, n° 94-40.090, Dalloz jurisprudence).

Si le bénéfice de l’indemnité de congédiement est normalement assuré aux « journalistes professionnels », la question s’est néanmoins posée concernant plus particulièrement les collaborateurs des « agences de presse ». À cet égard, l’arrêt du 30 septembre 2020 est d’une importance certaine puisqu’il vient clarifier, au terme d’un revirement de jurisprudence, le champ d’application du dispositif.

En l’espèce, un journaliste recruté en 1982 avait été licencié par l’Agence France Presse (AFP) pour faute grave le 14 avril 2011. Celui-ci avait saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir paiement de diverses indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En août 2012, le journaliste saisissait la commission arbitrale des journalistes afin qu’elle statue sur sa demande d’indemnité de licenciement. L’AFP se voyait condamnée au paiement d’une certaine somme et formait par la suite un recours en annulation contre cette décision. S’appuyant sur une lecture combinée des articles L. 7112-2, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, l’AFP estimait que le bénéfice de l’indemnité de congédiement et la voie du recours à la commission arbitrale étaient exclusivement offerts aux journalistes des « entreprises de journaux et périodiques », ce qu’elle n’est pas. Par conséquent, l’AFP se prévalait de l’incompétence de la commission arbitrale afin d’obtenir l’annulation de la sentence.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’AFP en s’en remettant à une locution élémentaire : « Il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas ». Dès lors que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail ne font pas spécifiquement mention des « entreprises de journaux et périodiques », le dispositif légal était applicable aux journalistes professionnels « au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit ».

La chambre sociale opère ainsi un revirement de jurisprudence. Par le passé, la Cour de cassation réservait le bénéfice de l’indemnité de congédiement aux seuls journalistes professionnels appartenant aux entreprises de journaux et périodiques : « il résulte de l’article L. 7112-2 du code du travail que seules les personnes mentionnées à l’article L. 7111-3 et liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l’indemnité de congédiement instituée par l’article L. 7112-3 » (Soc. 13 avr. 2016, n° 11-28.713, Dalloz actualité, 4 mai 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 900 ; Légipresse 2016. 263 et les obs. ; ibid. 411, comm. F. Gras ; JAC 2016, n° 36, p. 11, obs. X. Aumeran ). Déjà, sous l’empire des anciennes dispositions légales (C. trav., art. L. 761-4 anc. ; C. trav., art. L. 761-5 anc.), la jurisprudence écartait la compétence de la commission arbitrale dès lors que cette double condition n’était pas satisfaite (Soc. 22 oct. 1996, n° 94-17.199, Dalloz jurisprudence).

Quand bien même les collaborateurs des « agences de presse » se voyaient reconnaître la qualité de « journaliste professionnel », ces derniers étaient néanmoins privés d’une partie des droits attachés au statut. Certains auteurs s’interrogeaient notamment sur la véritable « intention du législateur » ainsi que sur une possible « malfaçon dans la rédaction du texte » (Rép. trav., v° Journaliste, par E. Derieux, n° 381). Témoignage des questionnements générés, la cour d’appel de Paris transmettait à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la constitutionnalité de cette différence de traitement (Paris, 13 févr. 2018, n° 17/13655, Dalloz jurisprudence). Par un arrêt du 9 mai 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation refusait néanmoins de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, invoquant l’absence de nouveauté de la question soulevée ainsi que le défaut d’interprétation jurisprudentielle constante (Soc. 9 mai 2018, n° 18-40.007, Légipresse 2018. 313 et les obs. ; ibid. 2019. 571, étude E. Derieux et F. Gras ). Par cette référence à l’inconstance de la jurisprudence, la Cour de cassation ne laissait-elle pas déjà entrevoir une possible inflexion ?

Désormais, la Cour de cassation opte donc pour une interprétation différente. Si l’article L. 7112-2 fait expressément référence aux « entreprises de journaux et périodiques » s’agissant de la durée du préavis, les articles L. 7112-3 et L. 7112-4, qui concernent respectivement le montant de l’indemnité de rupture et le recours à la commission arbitrale, n’y font en revanche pas mention. L’AFP s’était appuyée sur l’arborescence du code du travail pour en déduire que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 étaient, comme l’article qui les précède, exclusivement applicables aux journalistes des « entreprises de journaux et périodiques ». À défaut de précision, la Cour de cassation estime au contraire que le bénéfice des dispositions légales est ouvert à l’ensemble des journalistes professionnels, sans qu’il y ait lieu de s’intéresser outre mesure à la qualité de leur employeur.

En définitive, seul le statut de journaliste professionnel importe réellement. Depuis toujours, la détermination du statut professionnel est centrale dans le contentieux de la rupture du contrat de travail d’un journaliste, la commission arbitrale étant d’ailleurs tenue de surseoir à statuer tant que le conseil des prud’hommes ne s’est pas prononcé sur la qualité professionnelle de l’intéressé (Paris, 23 oct. 1992, Modes et Travaux). La chambre sociale nous invite donc à reprendre l’article L. 7111-3, lequel définit le journaliste professionnel comme « toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Dans le cas présent, la qualité de l’intéressé ne faisait aucun doute. En l’occurrence, peu importe que l’AFP ne soit pas considérée comme une « entreprise de journaux et de périodiques », le journaliste licencié pouvait légitimement saisir la commission arbitrale afin qu’elle détermine l’indemnité due au titre de la rupture.

Auteur d'origine: Dechriste

En réponse à l’épidémie de coronavirus, la loi du 25 avril 2020 avait prévu le placement en activité partielle des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave de l’infection ainsi que des personnes partageant leur foyer. Un décret daté du 5 mai 2020 avait alors défini 11 situations dans lesquelles une telle vulnérabilité était reconnue. Un nouveau décret du 29 août 2020 est ensuite venu restreindre le champ d’application du dispositif en réduisant à quatre les situations éligibles, tout en supprimant l’extension aux personnes partageant le foyer des sujets jugés vulnérables. Si ce resserrement des conditions d’accès au dispositif d’activité partielle peut aisément s’expliquer au regard de considérations budgétaires, il pouvait susciter des interrogations quant à la cohérence des critères retenus à l’aune d’un contexte épidémique toujours préoccupant. Ces interrogations se sont matérialisées par un recours de plusieurs requérants devant le juge des référés dirigé contre ce dernier décret, dont l’ordonnance du 15 octobre 2020 ci-après commentée constitue la réponse.

Le Conseil d’Etat fut en effet saisi d’une requête en référé aux fins de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 pris pour l’application de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020.

Parmi les griefs formulés par les requérants - dont la ligue nationale contre l’obésité - à l’égard de l’acte réglementaire litigieux, était invoqué le fait qu’il méconnaîtrait l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 en ce qu’il limite indûment la liste des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection à la Covid-19 et serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il ne qualifie pas certaines catégories de personnes comme vulnérables.

Il serait en outre entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il met fin dès le 31 août 2020 au chômage partiel des salariés du secteur privé qui partagent le domicile d’une personne vulnérable.

Il méconnaîtrait encore aux yeux des requérants les articles 221-6 et 222-19 du code pénal réprimant respectivement l’homicide involontaire et les blessures involontaires graves, ainsi que le principe de sécurité juridique en ce qu’il impose un retour au travail à de nombreux salariés vulnérables ou partageant le domicile de personnes vulnérables dès le 31 août 2020, sans prévoir de délai d’adaptation suffisant.

Le Conseil d’Etat va entendre ces arguments et prononcer la suspension de l’exécution des articles 2, 3 et 4 du décret du 29 août 2020 jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur leur légalité. Il estime dans le même temps que le ministre pouvait légalement décider que les salariés cohabitant avec une personne vulnérable ne bénéficieront plus de l’activité partielle.

Le juge administratif a en effet estimé que bien que les dispositions de l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 laissent au Premier ministre un large pouvoir d’appréciation pour définir les critères selon lesquelles une personne doit être regardée comme vulnérable, il lui incombe, dans la mise en œuvre de ce pouvoir réglementaire, de justifier de critères pertinents au regard de l’objet de la mesure et cohérents entre eux.

Reconnaissant qu’il pouvait à ce titre prendre en compte l’évolution de la situation sanitaire et la moindre circulation du virus à la date à laquelle il a pris le décret litigieux, ainsi que le renforcement des mesures de protection des personnes lors de leurs déplacements sur leur lieu de travail, pour retenir une liste de situations et de pathologies plus étroite que celle résultant du décret du 5 mai 2020, la haute juridiction considère toutefois qu’il ne pouvait en exclure des situations ou pathologies exposant - en l’état des connaissances scientifiques - à un risque de développer une forme grave d’infection à la Covid-19 équivalent ou supérieur à celui de situations ou pathologies pour lesquelles il a estimé ne pas devoir mettre fin à la mesure.

En d’autres termes, l’insuffisante justification de la cohérence des nouveaux critères choisis justifie la suspension de l’exécution du décret du 29 août 2020, de sorte que les critères de vulnérabilité du précédent décret du 5 mai 2020 s’appliquent à nouveau le temps qu’il soit statué sur sa légalité au fond.

La solution s’explique en effet à la lumière des arguments avancés par le ministre pour justifier l’ajustement des critères. Ce dernier justifiait sa décision sur la prise en considération de la littérature scientifique et de l’avis du Haut conseil de la santé publique. Rien pourtant dans ces sources ne justifiait de façon claire et unanime une différenciation, notamment dans la population des personnes souffrant d’obésité ou de diabète selon qu’ils ont plus ou moins de 65 ans.

L’on notera encore l’argument peu approprié du ministre évoquant la possibilité pour les cas nouvellement exclus du décret de recourir à un arrêt de travail de droit commun prescrit par leur médecin. Il a en effet été justement relevé par le juge que cette possibilité n’avait fait l’objet d’aucune information ni d’aucun rappel lors et depuis l’entrée en vigueur du décret du 29 août 2020. Au contraire, il avait même été indiqué aux médecins, notamment sur le site ameli.fr, qu’à compter du 1er septembre 2020, parmi les personnes vulnérables plus particulièrement exposées à la covid-19, « seuls les assurés couvrant les 4 situations [prévues par le décret du 29 août 2020] » pouvaient « obtenir un arrêt de travail et être indemnisés ».

Devant ces incohérences, le juge de l’urgence a justement conclu à l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte, justifiant la suspension de ses dispositions jusqu’à ce que soit rendue une décision au fond.

Sans préjuger de ce que sera la décision rendue au fond, l’ordonnance laisse aussi entrevoir une marge importante d’appréciation du gouvernement dès l’instant où il s’assure d’une justification cohérente des ajustements qu’il décrète, en atteste la suppression – non suspendue – du bénéfice de l’activité partielle aux salariés cohabitants avec une personne vulnérable, l’article 1er du décret du 29 août 2020 n’étant pas cité dans le dispositif ordonnant la suspension de l’exécution.

Auteur d'origine: Dechriste
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Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés et aux termes de l’article L. 1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions est dès lors nulle.

Dans une affaire jugée le 16 septembre dernier, un salarié engagé en qualité d’ingénieur d’études reprochait à son employeur de l’avoir retiré d’une mission auprès d’une entreprise cliente de manière injustifiée et de ne pas lui en avoir communiqué les raisons. Il indiquait par un courrier adressé à son employeur qu’il se considérait « dans une situation proche du harcèlement ». Toujours par courrier, l’employeur répondit que la « communication insuffisante ou même absente avec le client », qui avait « eu des répercussions négatives sur la qualité des livrables et le respect des délais de livraison », expliquait cette décision. Après plusieurs vaines tentatives de l’employeur de convocation du salarié pour explications et préparation des futures missions, les refus du salarié ont entraîné son licenciement motivé aux termes de la lettre du licenciement (qui ne mentionne pas la mauvaise foi du salarié dans ses allégations relatives au harcèlement moral), notamment par l’« attitude de fermeture extrême » du salarié. Estimant que son licenciement était en réalité fondé sur sa dénonciation de faits de harcèlement moral à son encontre, il a saisi la juridiction prud’homale pour en obtenir la nullité. L’employeur, quant à lui, contestait le harcèlement moral allégué et invoquait la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation de faits de harcèlement moral, estimant que celui-ci, en toute connaissance de cause, avait présenté des faits mensongers dans le cadre d’une stratégie de pression et de communication afin de s’affranchir de ses obligations contractuelles.

Étaient ainsi soulevées deux questions : l’employeur pouvait-il invoquer devant le juge la mauvaise foi du salarié alors même qu’il ne l’avait pas mentionnée dans la lettre de licenciement ? Et, dans cette acceptation, le juge pouvait-il reconnaître la mauvaise foi du salarié ?

La jurisprudence selon laquelle « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce », est désormais bien établie (Soc. 10 mars 2009, n° 07-44.092 P, Dalloz actualité, 24 mars 2009, obs. L. Perrin ; D. 2009. 952, obs. L. Perrin ; RDT 2009. 376, obs. B. Lardy-Pélissier ; ibid. 453, obs. P. Adam  ; 7 févr. 2012, n° 10-18.035 P, Dalloz actualité, 21 févr. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 507 ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ). En l’espèce, les juges du fond ont notamment retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait de la contradiction existant entre son souhait affiché d’obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s’expliquer loyalement avec l’employeur sur lesdits motifs.

En revanche, cette décision est l’occasion pour la chambre sociale d’apporter une précision inédite et surprenante au regard du principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La Cour de cassation considère en effet que l’absence dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge. Ainsi, le fait que la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément la mauvaise foi du salarié n’empêche pas sa reconnaissance par le juge au regard des éléments rapportés par l’employeur. Solution plutôt clémente pour l’employeur, peut-être parce que la mauvaise foi, comme la fraude, corrompt tout. Mais il est difficile de ne pas mettre en parallèle la décision du 13 septembre 2017 (n° 15-23.045, Dalloz actualité, 6 oct. 2017, obs. J. Cortot ; D. 2017. 1838 ; ibid. 2018. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ) qui considère que le salarié qui n’a pas expressément qualifié d’agissements de harcèlement moral les faits qu’il a dénoncés ne peut se prévaloir de la protection contre le licenciement prévue pour avoir relaté de tels agissements.

Auteur d'origine: Dechriste

La première affaire (n° 431618) concerne le point de départ du délai pour saisir le juge administratif en l’absence de proposition de logement. Selon le Conseil d’État, il résulte du II de l’article L. 441-2-3-1 et de l’article R. 441-18 du code de la construction et de l’habitation (CCH) ainsi que de l’article R. 778-2 du code de justice administrative, « que, lorsqu’une commission de médiation reconnaît à un demandeur, sur le fondement des dispositions du III ou du IV de l’article L. 441-2-3 du CCH, une priorité d’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, sans spécifier que l’accueil ne peut être proposé que dans...

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Auteur d'origine: emaupin

Cette décision est l’occasion de rappeler qu’il résulte de la liberté d’entreprendre que tout ancien salarié peut, en principe, créer une activité concurrentielle à celle de l’entreprise pour le compte de laquelle il exerçait son travail subordonné. Toutefois, le salarié est tenu par une obligation de loyauté. En effet, le contrat de travail, comme toute convention légalement formée, doit être exécuté de bonne foi. Selon le droit commun, il oblige en outre « non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » (C. civ., art. 1135). La doctrine estime depuis longtemps que le salarié est naturellement redevable d’une obligation de loyauté lui interdisant de nuire d’une quelconque façon à l’employeur, notamment en étant à la fois collaborateur et concurrent (G.-H. Camerlynck, Traité de droit du travail. Tome 1. Le contrat de travail, 2e éd., 1982, Dalloz, n° 216 et mise à jour 1988 par M.-A. Moreau-Bourlès ; P. Durand et A. Vitu, Traité de droit du travail, Dalloz, t. 2, 1950, § 318 ; Y. Picod, Devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, LGDJ, 1988). L’obligation de loyauté s’impose par conséquent même en l’absence de disposition expresse du contrat de travail, ce qui n’empêche pas les parties, par précaution, d’en rappeler par écrit l’existence (Soc. 30 janv. 1985, D. 1985. IR 476, 1re esp., obs. Y. Serra ; Paris, 18 mai 1993, RJS 6/1994, n° 828). La Cour de cassation a déjà considéré qu’est constitutif d’une faute grave le fait pour un salarié d’avoir exercé, au cours de ses congés et pendant dix jours, les mêmes fonctions chez un concurrent de son employeur (Soc. 5 juill. 2017, n° 16-15.623, Dalloz actualité, 31 juill. 2017, par M. Peyronnet). Précédemment, la chambre sociale avait admis que « commet une faute grave le salarié...

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Auteur d'origine: Fraisse
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La conclusion d’une rupture conventionnelle est soumise à une procédure particulièrement bornée par le législateur, gage de l’expression libre et éclairée de la volonté des parties. Aussi apparaît-il classique que chacune des parties reçoive un exemplaire de la convention, l’article 1375 du code civil disposant que l’acte « qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct ». Qu’en est-il alors lorsque l’employeur n’est pas en mesure de prouver qu’un exemplaire a bien été remis au salarié ? C’est précisément sur ce point que l’arrêt présentement commenté apporte des réponses.

En l’espèce, un salarié embauché par une société en tant que couvreur avait conclu une rupture conventionnelle avec cette dernière plus de quinze années plus tard.

L’intéressé a ensuite saisi la juridiction prud’homale en invoquant la nullité de cette rupture et en sollicitant les indemnités afférentes, au motif qu’il n’avait pas reçu un exemplaire de la convention. Si la juridiction de premier degré débouta l’intéressé de sa demande, la cour d’appel valida quant à elle le raisonnement du salarié en annulant la convention de rupture, et indiqua que cette annulation produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au soutien de sa décision, la cour d’appel avançait le fait que l’employeur ne rapportait pas la preuve de la remise au salarié d’un exemplaire du texte au salarié.

L’employeur se pourvut alors en cassation. Selon lui, les dispositions du code du travail relatives à la rupture conventionnelle n’imposent pas – sous peine de nullité – que chaque partie dispose d’un exemplaire de ladite convention. Il ajoute au surplus qu’il appartient en tout état de cause à celui qui invoque une cause de nullité d’en rapporter la preuve.

L’employeur conteste enfin le fait que l’absence de preuve de la remise d’un exemplaire de la convention au salarié entraîne nécessairement sa nullité, sans avoir à rechercher si cela avait été de nature à affecter le libre consentement de l’intéressé et son droit de se rétracter en connaissance de cause.

La chambre sociale de la Cour de cassation livre une réponse sans ambages. Pour les hauts magistrats, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.

Sur le terrain de la charge de la preuve, la haute juridiction précise qu’en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve. Autrement dit, il appartient à l’employeur d’être en mesure de prouver la remise d’un exemplaire au salarié.

La solution vient confirmer la ligne jurisprudentielle dessinée récemment. La chambre sociale avait en effet eu l’occasion de juger qu’un exemplaire de la convention de rupture signé par les deux parties devait être remis à chacune d’entre elles, au risque de voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle (v. Soc. 3 juill. 2019, n° 17-14.232 P, Dalloz actualité, 19 juill. 2019, obs. M. Favrel ; D. 2019. 1454 ; JA 2019, n° 605, p. 10, obs. D. Castel ; ibid. 2020, n° 613, p. 40, étude P. Fadeuilhe ; Dr. soc. 2019. 984, obs. J. Mouly  ; 3 juill. 2019, n° 18-14.414 P, Dalloz actualité, art. préc. ; D. 2019. 1453 ; JA 2020, n° 613, p. 40, étude P. Fadeuilhe ; Dr. soc. 2019. 984, obs. J. Mouly ).

La justification retenue au soutien de la présente solution est identique à celle qui avait justifié les solutions rendues en 2019, puisque la Cour y indiquait déjà qu’à ses yeux, seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander son homologation et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.

Si la solution apparaît louable dans ses objectifs, elle n’en est pas moins fort rigoureuse pour les employeurs. En effet, rappelons-le, ce n’est qu’à la fin du délai de rétractation de quinze jours – qui court lui-même à compter de la signature du document par les deux parties – que la convention de rupture peut être envoyée pour homologation. Il apparaît salutaire, pour que le salarié puisse pleinement profiter de cette faculté de réflexion et exprime son consentement en parfaite connaissance de cause, que celui-ci se voie communiquer l’exemplaire écrit de la convention. Le fait d’ériger cette formalité au rang de formalité substantielle sanctionnée par la nullité peut néanmoins prêter à discussion, en particulier en l’absence de disposition expresse en ce sens dans le code du travail et à la lecture du nouvel article 1375 du code civil qui semble faire de la formalité du double original dans le cas d’un contrat synallagmatique une mesure ad probationem. Le caractère particulier de la rupture conventionnelle et la nécessité de donner son plein effet à la procédure administrative qui lui est inhérente pourront alors tenir lieu de justification pour la transformer en formalité ad validitatem.

Ce qui nous semble encore plus sévère tient enfin à la charge de la preuve que la chambre sociale décide de faire peser sur la seule personne de l’employeur. Il aurait été possible de considérer qu’il appartenait à celui qui invoque une cause de nullité de rapporter la preuve de cette cause. Telle n’est pas la règle posée en la matière par les hauts magistrats, le salarié n’ayant pas même à invoquer un vice de son consentement, la seule évocation d’une absence de remise d’un exemplaire, non contredite par la preuve contraire de l’employeur, suffira désormais à voir prononcer la nullité de la rupture.

La solution apparaît contestable dans l’hypothèse où la nullité serait prononcée pour cette simple défaillance formelle, alors même que le consentement du salarié ne s’en est pas trouvé biaisé. Pire, elle laisse la porte ouverte à l’hypothèse d’un salarié qui, de mauvaise foi et bien qu’ayant reçu un exemplaire de son employeur, tirerait partie du fait que ce dernier ne se soit pas aménagé la preuve de cette remise.

Aussi les employeurs devront-ils à l’avenir se montrer vigilants, en s’aménageant la preuve de la bonne remise d’un exemplaire au salarié, le cas échéant en recourant à un accusé de remise dûment signé par le salarié (en sus du document cerfa de rupture conventionnelle), ou encore, comme cela semble être suggéré dans le présent arrêt, avec une mention portée sur le formulaire selon laquelle un exemplaire a bien été remis à chacune des parties. La sécurisation des futures ruptures conventionnelles se fera désormais à ce prix.

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L’arrêt commenté a eu à trancher une question inédite : en l’absence d’intention de nuire du salarié licencié uniquement pour faute lourde, le juge prud’homal doit-il vérifier si le licenciement repose néanmoins sur une faute de nature à justifier le licenciement disciplinaire ?

La réponse à cette question n’est pas évidente car, à la différence du licenciement pour faute grave, qui suppose une faute d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis (Soc. 25 janv. 2006, n° 04-44.918 P, D. 2006. 394 ; ibid. 2702, obs. A. Lepage, L. Marino et C. Bigot ; Dr. soc. 2006. 848, note C. Mathieu-Geniaut  ; RJS 2006. 270, n° 392. - Soc. 12 juill. 2005, n° 03-41.536 P, D. 2005. 2176 ), ou du licenciement pour faute « simple », qui suppose une faute suffisamment sérieuse pour rompre le contrat de travail, le licenciement pour faute lourde suppose la démonstration d’une intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise (Soc. 25 sept. 2019, n° 18-14.267, Dalloz jurisprudence ; 8 févr. 2017, n° 15-21.064 P, Dalloz actualité, 3 mars 2017, obs. J. Cortot ; D. 2017. 411 ; ibid. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2017. 378, obs. J. Mouly ; RDT 2017. 264, obs. P. Adam ; 22 oct. 2015, n° 14-11.801 P, Dalloz actualité, 23 nov. 2015, obs. W. Fraisse ; D. 2015. 2186 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ).

En l’espèce, c’est cette intention qui a déclenché la volonté de l’employeur de rompre le contrat de travail pour faute lourde et, à défaut d’intention, le licenciement s’en trouve privé de sa cause originelle. Dans cette circonstance particulière, il paraît tentant de soutenir que le juge ne serait pas tenu de vérifier si le licenciement disciplinaire peut être justifié par une requalification du degré de gravité de la faute.

Néanmoins, il est acquis en jurisprudence que, « si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement » (Soc. 22 oct. 2015, n° 14-11.801, préc. ; 6 juill. 2017, n° 16-11.519).

Si le juge ne peut aggraver la faute retenue par l’employeur (Soc. 20 déc. 2017, n° 16-17.199, Dalloz actualité, 23 janv. 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. 15 ; ibid. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Soc. 26 juin 2013, n° 11-27.413, D. 2013. 1692 ; ibid. 2014. 302, chron. P. Flores, F. Ducloz, C. Sommé, E. Wurtz, S. Mariette et A. Contamine ; Dr. soc. 2013. 757, obs. J. Mouly ), il lui appartient donc de qualifier les faits dans les limites fixées par la lettre de licenciement disciplinaire (Soc. 22 févr. 2005, n° 03-41.474, D. 2005. 794 ) et de rechercher si le licenciement est justifié à raison de la faute reprochée au salarié, peu important son degré de gravité.

Dans la droite ligne de cette jurisprudence, la Cour de cassation confirme dans l’arrêt examiné la nécessité pour le juge de vérifier l’existence d’une faute susceptible de justifier le licenciement, y compris en présence d’une faute lourde qui ne repose sur aucune intention de nuire du salarié.

En l’espèce, pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel avait jugé que, si les faits reprochés à la salariée pouvaient constituer des fautes, ils étaient exclusifs de toute intention de nuire, de sorte que le licenciement fondé sur cette intention était nécessairement privé de sa cause réelle et sérieuse.

Saisie du pourvoi formé par l’employeur, la Cour de cassation a cassé l’arrêt attaqué et a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si les fautes relevées étaient suffisamment graves ou sérieuses pour justifier un licenciement.

La décision de la Cour de cassation obéit ainsi à une logique qui s’évince de l’office du juge prud’homal : celui-ci a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article 12 du code de procédure civile.

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Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran et le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, ont présenté mardi 29 septembre, lors d’une conférence de presse, le PLFSS 2021. L’avant-projet, diffusé également par d’autres médias, est à lire en pièce jointe.

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Entre 2014 et 2017, les effectifs de la société Mobipel, propriété du groupe Illiad (Free), ont été réduits de 60 %, de 711 à 287 salariés, 424 salariés en moins pour ce centre d’appels situé à Colombes (Hauts-de-Seine), mais 807 départs de l’entreprise, car Mobipel a aussi recruté. « Il y a à mon sens une décision claire, et non dite au comité d’entreprise », dit l’inspecteur du travail intervenu à la demande des salariés, au tribunal correctionnel de Nanterre. Ce dégraissage massif serait un plan social déguisé, alors que le comité d’entreprise (aujourd’hui comité social et économique) n’a pas été consulté, ce qui constituerait – c’est l’objet du débat – un délit d’entrave au fonctionnement du comité. La cession par Free à une autre entreprise, qui s’est portée actionnaire majoritaire à l’automne 2018, accrédite l’idée qu’en catimini, Free aurait pu souhaiter, et même prévoir de se débarrasser de ce centre d’appels. Alors que l’entreprise se targuait de traiter en interne les demandes de ses clients, la vente à un groupe spécialisé dans les centres d’appels dénote une volonté claire d’externaliser ce service pour faire des économies.

« Avant, les conditions étaient low cost, maintenant, c’est le low cost du low cost », résume en marge de l’audience un représentant syndical. Le centre d’appels a déménagé dans la commune voisine de Gennevilliers et, sur les 300 salariés restant au moment de la cession, une centaine demeure. Mais entre 2014 et 2017, assurent les avocats de la direction et de la directrice, poursuivis mais absents à l’audience, ils ont tout fait pour sauver le site de Colombes, en mauvaise posture au regard de la santé florissante des quatre autres centres d’appels. « Un fait disciplinaire important : des abandons de postes, des retards injustifiés, et même des fraudes ! » explique l’avocat de Mobipel, qui déplore le silence du rapport du comité d’entreprise sur ce point. Les conflits collectifs minent le centre, qui a fait l’objet d’un reportage Cash investigation, en 2017, qui a écorné l’image de Free. « Des personnes sont là simplement pour recharger leurs allocations chômage, puis créent les conditions de leur licenciement. Il s’agit d’un fléau sur le site de Mobipel », poursuit l’avocat. Au cabinet d’expertise missionné pour établir un rapport sur la situation, la direction aurait évoqué un problème de « fait religieux et communautaire », car le site est entouré de cités. En 2015, puis en 2016, précise l’avocat, « nous avons recruté 142, puis 88 personnes, et pendant cette période, nous refusons les ruptures conventionnelles ». Pourquoi, alors, un solde négatif ? « L’attractivité de ce site est très faible pour les demandeurs d’emploi. » L’avocat fait même état d’un boycott de la part de Pôle emploi, qui refusait de publier leurs annonces et d’accompagner les personnes souhaitant s’engager avec Mobipel. « C’est un site extrêmement violent, une violence endémique », insiste l’avocat. Il évoque une séquestration, un enlèvement, des violences graves. Pour le syndicaliste, qui commente la situation après l’audience, c’est la direction qui a créé les conditions d’une ambiance délétère, afin de diminuer une action syndicale jugée trop véhémente.

Dans le détail, certains chiffres (une ribambelle de chiffres dont chaque partie a saupoudré les débats) sont éloquents. Parmi les 807 personnes à avoir quitté l’entreprise, 28 % l’ont fait de leur propre chef. Les autres ont quitté l’entreprise à l’initiative de l’employeur, dont une part non négligeable a été licenciée pour faute. « On pourrait s’interroger sur ces nombreuses suppressions de postes, qui pourraient avoir un motif économique. Mais un plan de sauvegarde de l’emploi est très coûteux et nuit à la réputation », dit l’inspecteur du travail. « C’est une décision pensée, structurée pour se débarrasser d’une population désignée comme à problème », est-il écrit dans le rapport du cabinet d’expertise. « On a décidé de stopper les recrutements, stabiliser les effectifs afin de faire monter les salariés en compétence », dit l’ancienne présidente, aujourd’hui prévenue, sur procès-verbal.

Entre ces deux versions, il n’y a qu’une différence d’intention. Sans volonté de choix à dimension stratégique, pas d’obligation légale de consulter le CE, et donc pas d’infraction. Le raisonnement est semblable pour le projet de cession. Les représentants des personnels n’ont été prévenus du projet qu’en mars 2018, six mois avant la cession à la société Comdata. La procureure ne pouvant, dit-elle, prouver que le comité d’entreprise a été insuffisamment informé de ce projet, elle requiert une relaxe partielle, mais le délit d’entrave au fonctionnement du CE est, selon elle, constitué par le fait de ne pas avoir consulté le comité. « Ce que l’on reproche aux prévenus, ce n’est pas une absence de consultation du comité d’entreprise sur quelque chose de soudain, mais sur une décision stratégique, qui trouve à s’appliquer dans le temps, progressivement, insidieusement. » Elle requiert 5 000 € d’amende à l’encontre de l’ancienne présidente, et 30 000 € contre l’entreprise.

En défense, l’avocat de la direction s’interroge : « Pourquoi les représentants du personnel ne demandent pas de consultation ? Pourquoi ne posent-ils pas de questions, lors des consultations annuelles ? » Il souligne que l’entreprise a communiqué chaque mois sur le nombre de sorties et leurs motifs, et le nombre d’entrées dans l’entreprise. Il martèle, en somme, que Mobipel a tout fait pour sauver ce centre d’appels miné par la violence et les problèmes, face auxquels Free a dû capituler.

La décision sera rendue le 18 octobre.

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Il est aujourd’hui acquis que la cessation d’activité constitue un motif de licenciement économique, sous réserve de l’absence d’une faute de l’employeur ou d’une légèreté blâmable de sa part. Aussi, si les éléments qui caractérisent le motif économique sont réunis, la jurisprudence a pu faire preuve de modération dans l’étendue de son contrôle du pouvoir de gestion de l’employeur. Elle a ainsi pu reconnaître qu’il ne peut être fait grief à l’employeur d’agir avec légèreté blâmable lorsqu’il licencie les salariés concernés au seul motif qu’il a commis des erreurs de gestion (telle que celle d’avoir créé des emplois qu’il n’a pu financer, V. Soc. 14 déc. 2005, n° 03-44.380, D. 2006. 98 , position réaffirmée dans une décision sur la recevabilité d’une QPC, Soc. QPC, 10 sept. 2019, n° 19-12.025). Mais qu’en est-il de l’appréciation de cette légèreté blâmable dans un contexte de liquidation judiciaire ? L’arrêt présentement commenté apporte quelques éléments de réponse.

En l’espèce, une secrétaire comptable a été licenciée pour motif économique à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société qui l’employait. La salariée, soutenant que la cessation d’activité de l’entreprise résultait d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur, a saisi la juridiction prud’homale afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir fixer sa créance dans la procédure collective. Les juges du fond rejetèrent les demandes de l’intéressée, de sorte que celle-ci se pourvu en cassation.

Pour la salariée en effet, le...

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Il est désormais bien acquis qu’un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire (Soc. 23 juin 2009, n° 07-45.256, Dalloz actualité, 15 juill. 2009, obs. B. Ines ; RDT 2009. 657, obs. C. Mathieu-Géniaut ). Le principe de l’exclusivité des faits relevant de la vie professionnelle renvoie toutefois à la question de la détermination de ce qui peut – ou non – se rattacher à la sphère professionnelle du salarié, et donc constituer une faute disciplinaire. Si l’occurrence des faits aux temps et lieux de travail permet d’établir une présomption de caractère professionnel, la jurisprudence a su s’affranchir de ce double critère temporel et géographique lorsque le fait litigieux a davantage de liens avec la vie professionnelle du salarié qu’avec sa vie personnelle (v., concernant un salarié d’hypermarché ayant volé le téléphone portable d’une cliente alors qu’il se trouvait en tenue de travail à la billetterie du magasin située dans la galerie marchande, Soc. 26 juin 2013, n° 12-16.564, Dalloz jurisprudence). Et tel était le cas dans l’affaire présentement commentée.

En l’espèce, un steward a été licencié pour faute grave pour avoir manqué à ses obligations professionnelles et porté atteinte à l’image de la compagnie aérienne qui l’employait. Ce dernier avait en effet soustrait le portefeuille d’un client d’un hôtel dans lequel il séjournait en tant que membre d’équipage de la société.

Les juges du fond saisis de l’affaire jugèrent son licenciement fondé et déboutèrent l’intéressé de ses demandes d’indemnisation. Celui-ci forma alors un pourvoi en cassation, en invoquant notamment le non-respect d’une garantie de fond prévue par la procédure disciplinaire conventionnelle applicable au sein de la compagnie, à savoir l’information écrite des délégués du personnel titulaires de l’établissement et du collège auquel appartient le salarié en cause, sauf opposition écrite de ce dernier.

La Cour de cassation va rejeter ce premier moyen en précisant que, si la procédure conventionnelle prévoit effectivement une information préalable des représentants du personnel quant à l’engagement d’une procédure disciplinaire, elle n’impose pas que cette information écrite expose les faits motivant la sanction envisagée, contrairement à ce qu’avançait le salarié licencié. La compagnie ayant procédé à l’information préalable des instances représentatives du personnel qu’une procédure disciplinaire allait être initiée, il ne pouvait alors lui être reproché la violation d’une garantie procédurale conventionnelle.

La seconde et plus importante argumentation de l’intéressé au soutien de son pourvoi a consisté à contester le rattachement à la vie professionnelle des faits reprochés, afin qu’ils échappent au pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Ce rattachement professionnel, établi par la cour d’appel, s’est toutefois vu confirmé par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a estimé que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié, dans la mesure où ils avaient été commis pendant le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la société, qui y avait réservé à ses frais les chambres. À l’appui de cette conclusion, les magistrats relèvent encore que c’est à la société que l’hôtel avait signalé le vol et que la victime n’avait pas porté plainte en raison de l’intervention de la compagnie. Cette solution livre une typique illustration de la difficulté d’identifier clairement la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle venant borner le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Si les faits se déroulant aux temps et lieux de travail n’appellent qu’assez peu de questionnement, il en est tout autrement de ces situations où le salarié commet des faits répréhensibles hors des stricts temps et lieux de travail mais dont l’environnement est directement corrélé avec l’emploi de l’intéressé. La solution posée n’allait donc pas totalement de soi, la jurisprudence ayant par exemple déjà considéré que le vol d’enjoliveurs commis par un salarié sur le véhicule d’un collègue de travail garé à l’extérieur de l’entreprise relevait de sa vie personnelle (Soc. 19 sept. 2007, n° 05-45.294).

Il semble que la jurisprudence tende à se montrer plus sévère avec le salarié lorsque celui-ci adopte un comportement inapproprié à l’égard de clients de la société qui l’emploie, engageant ipso facto l’image de celle-ci.

Il est également possible de considérer que le temps d’escale, s’il ne peut à proprement parler pas être analysé comme un temps de travail effectif, doit – en matière disciplinaire – être considéré pour le personnel naviguant comme un temps très particulier, à plus forte raison lorsque celui-ci s’effectue au sein d’un hôtel que la compagnie prend à sa charge dans le cadre d’un partenariat commercial. Cette idée vient prolonger l’hypothèse dans laquelle la jurisprudence avait reconnu la faute d’un salarié ayant eu un comportement agressif et violent à l’égard de ses collègues lors d’un voyage d’agrément offert à tous les lauréats d’un concours, et ce même si ces faits ne s’étaient pas produits sur le lieu habituel de travail (Soc. 8 oct. 2014, n° 13-16.793, D. 2014. 2056 ; JA 2014, n° 509, p. 12, obs. D. Rieubon ; Dr. soc. 2014. 1064, obs. J. Mouly ).

Il conviendra donc, pour apprécier l’étendue spatiale et temporelle du pouvoir disciplinaire de l’employeur, de mesurer – au-delà des seuls temps et lieux de travail – si les faits litigieux se sont malgré tout déroulés dans un contexte professionnel, en considérant à la fois la qualité des protagonistes, la nature des faits, l’endroit et la période pendant laquelle ceux-ci ont eu lieu.  

Auteur d'origine: Dechriste

Après plusieurs prorogations, la décision a été rendue le 14 août par le tribunal judiciaire. Saisi par vingt-huit requérants représentés par Me David Dokhan (l’un d’eux est décédé au cours de la procédure), le tribunal s’était vu demander la régularisation de la situation de ces interprètes-traducteurs depuis 2000, puisque le décret du 17 janvier 2000, avançaient-ils, établissait déjà leur appartenance au statut de collaborateurs occasionnels du service public. L’État, pour sa part, estimait que seul un décret de 2015 les qualifiait ainsi, et demandait le rejet de leurs demandes pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de ce décret.

Le tribunal a d’abord rappelé que les interprètes-traducteurs sont des collaborateurs occasionnels du service public (CSS, art. L. 311-3). « Le caractère occasionnel de la collaboration a été analysé comme étant accessoire à une activité principale », rappelle le tribunal. « Or, poursuit-il, le terme collaboration occasionnelle aurait dû, devait et doit s’entendre comme l’activité non permanente de l’interprète-traducteur qui peut être requis par l’autorité judiciaire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à tout moment de la journée et de la nuit, comme ne pouvant pas l’être pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. » Ainsi, peu importe le volume horaire consacré à la collaboration à une mission de service public de ces interprètes-traducteurs, peu importe le nombre de réquisitions dont ils font l’objet, la nature « occasionnelle » de leur collaboration tient au fonctionnement spécifique de leur profession.

Par ailleurs, le tribunal a confirmé que le décret de 2015 « n’a fait que transcrire une règle qui aurait dû être appliquée dès le 19 janvier 2000 », date d’entrée en vigueur du décret du 17 janvier.

Néanmoins, aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la prescription quadriennale s’applique aux cas d’espèce, estime le tribunal. L’État est donc condamné à payer les cotisations sociales, salariales et patronales, afférentes à l’ensemble des missions d’interprète judiciaire des vingt-sept requérants, depuis le 1er janvier 2011.

« C’est une décision satisfaisante, même si mes clients n’ont pas obtenu la régularisation de l’ensemble de leurs missions », a réagi Me David Dokhan. « Il y avait un risque, compte tenu de l’arrêt du 14 juin 2019 rendu par le pôle social de la cour d’appel de Paris, qui avait une interprétation différente de la nature “occasionnelle” de la collaboration », rappelle-t-il. Le délai d’appel court jusqu’à la mi-septembre.

Auteur d'origine: babonneau

Le décret poursuit le travail d’harmonisation et de simplification des procédures en matière civile. Il modifie l’article...

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Initialement, ces textes devaient répondre à des besoins de trésorerie de court terme mais l’épidémie de covid-19 est passée par là, rendant nécessaire de transférer à la caisse d’amortissement de la dette sociale de nouvelles dettes d’un montant maximal de...

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Auteur d'origine: pastor

La rédaction de Dalloz actualité s’éclipse quelques semaines pour mieux vous retrouver le 31 août.

D’ici là, nous vous souhaitons de bonnes vacances et de bonnes lectures, si le cœur vous en dit. Il y a de quoi s’occuper sur Dalloz actualité.

À très vite, donc.

Auteur d'origine: babonneau