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Si la figure du contrat renvoie par définition à un rapport équilibré et égalitaire, cette conception théorique a rapidement cédé le pas devant la réalité de la relation de travail salariée. Construit à mi-chemin entre contrat et pouvoir, le droit du travail a dû justifier la subordination du salarié et l’expression de l’autorité patronale. Cette difficulté s’est en particulier manifestée s’agissant de la modification par l’employeur des conditions d’emploi du salarié. Depuis la jurisprudence Le Berre (Soc. 10 juill. 1996, n° 93-40.966 P, Dr. soc. 1996. 976, obs. H. Blaise ), on distingue classiquement la modification du contrat de travail du simple changement des conditions de travail. La modification du contrat de travail s’analyse comme une atteinte à un élément essentiel du contrat (rémunération, qualification, lieu de travail, temps de travail). La mesure projetée par l’employeur ne peut aboutir que si le salarié y consent. En revanche, le simple changement des conditions de travail, lié au pouvoir de direction de l’employeur, s’impose au salarié qui ne peut refuser sous peine de se voir reprocher une insubordination.

Le problème se pose en des termes sensiblement identiques lorsque la modification du contrat de travail intervient à titre de sanction disciplinaire. Dans cette hypothèse, le pouvoir disciplinaire de l’employeur infuse la sphère contractuelle. Si l’employeur dispose en principe d’une grande latitude en ce qui concerne la sanction des manquements du salarié, il se trouve ici confronté au cadre contractuel préétabli. Il en va notamment ainsi en cas de rétrogradation ou de mutation disciplinaire puisque cela emporte un changement de qualification professionnelle ou de lieu de travail. On sait de longue date qu’une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire, ne peut être imposée au salarié (Soc. 16 juin 1998, n° 95-45.033 P, Hôtel Le Berry, D. 1999. 125 , note C. Puigelier ; ibid. 171, obs. M.-C. Amauger-Lattes ; ibid. 359, chron. J. Mouly ; Dr. soc. 1998. 803, rapp. P. Waquet ; ibid. 1999. 3, note C. Radé  ; 15 juin 2000, nº 98-43.400 ; 17 juin 2009, nº 07-44.570 P, Dalloz actualité, 30 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1765, obs. S. Maillard ). S’agissant d’une rétrogradation, ce dernier est libre de refuser, l’employeur étant toutefois admis à prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute au lieu et place de la sanction initiale (Soc. 11 févr. 2009, n° 06-45.897 P, Dalloz actualité, 24 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1738, obs. S. Maillard , note J. Mouly ). Si le problème naît le plus souvent du refus opposé par le salarié, l’acceptation expresse de celui-ci n’est pas sans poser quelques difficultés. En effet, le salarié qui accepte de manière claire et non équivoque les conditions d’une rétrogradation disciplinaire est-il admis à contester par ailleurs le bien-fondé de la sanction ? Telle était la question soumise à la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt du 14 avril 2021.

En l’espèce, un salarié s’était vu notifier, sous réserve de son acceptation, une rétrogradation disciplinaire emportant diminution de sa rémunération brute mensuelle à raison d’un comportement jugé violent et agressif à l’égard d’un directeur. Le salarié avait d’abord accepté le changement de poste, lequel avait été contractualisé par voie d’avenant, avant de saisir la juridiction prud’homale d’une demande en annulation de la sanction. Celui-ci souhaitait ainsi obtenir le rétablissement sous astreinte dans un poste de qualification et rémunération équivalentes à son précédent emploi. Par jugement du 10 mai 2016, le salarié obtenait l’annulation de la sanction de rétrogradation et était réintégré dans la catégorie socioprofessionnelle qu’il occupait avant la notification de sa rétrogradation. L’employeur contestait le jugement devant la cour d’appel de Paris et obtenait gain de cause. Pour la cour d’appel, le salarié n’était pas fondé à remettre en cause la sanction dès lors qu’il avait signé l’avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire (Paris, 12 déc. 2018, n° 16/08871). Estimant que la simple signature d’un avenant portant rétrogradation disciplinaire ne prive pas le salarié de la faculté de contester la sanction dont il a fait l’objet, le salarié formait un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris en ce qu’il considérait la sanction fondée et déboutait le salarié des demandes formées à ce titre. Pour la haute juridiction, « l’acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction ». Avec cette solution, la chambre sociale renoue avec une jurisprudence ancienne consistant à admettre que le salarié a bien un intérêt à agir en vue de la contestation de la rétrogradation disciplinaire même s’il a consenti à sa mise en œuvre. (Soc. 18 juin 1997, nº 95-40.598). Quand bien même le salarié accepte la rétrogradation, le conseil de prud’hommes est tenu d’apprécier la régularité de la procédure suivie et de vérifier si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier la sanction.

Dans le cas présent, la cour d’appel s’était contentée de relever que l’intéressé avait retourné l’avenant signé et comportant la mention « lu et approuvé » dans lequel figuraient son nouvel emploi avec ses attributions, son lieu de travail, ses conditions d’hébergement, sa rémunération et la durée du travail. Aux termes des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, et en dépit de l’accord exprès du salarié, les juges se devaient de vérifier si la sanction était régulière en la forme et justifiée ou proportionnée à la faute commise. Pour la chambre sociale, le juge ne peut en aucun cas se soustraire au contrôle juridictionnel de la motivation de la sanction. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas se retrancher derrière la signature, en parfaite connaissance de cause, de l’avenant consolidant la modification de la qualification professionnelle et, par voie de conséquence, de la rémunération. Les juges devaient nécessairement « s’assurer […] de la réalité des faits invoqués par l’employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée au salarié ».

On sait que l’acceptation par le salarié de la modification intervenue à titre de sanction ne peut résulter de son silence et de la seule poursuite du contrat de travail aux conditions nouvelles (Soc. 15 juin 2000, n° 98-43.400 ; 1er avr. 2003, n° 01-40.389 P, Dr. soc. 2003. 666, obs. A. Mazeaud ). Toutefois, lorsqu’il est possible de réunir des éléments manifestant la volonté claire et non équivoque du salarié, ni ce dernier ni l’employeur ne peuvent logiquement imposer le retour à l’état antérieur du contrat. Dès lors que la rétrogradation disciplinaire avait été soumise à l’assentiment du salarié et qu’il n’était pas en mesure de justifier de l’existence d’un vice de consentement, celui-ci aurait pu se voir opposer la novation du contrat de travail en application de l’article 1103 du code civil. Cela est d’autant plus vrai si l’on admet que la jurisprudence Hôtel Le Berry a été justifiée au nom du droit commun des contrats. En effet, suivant la théorie contractuelle du pouvoir, l’employeur tire ses prérogatives de la force obligatoire du contrat et de l’adhésion légitimante du salarié : la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire se trouve à la fois justifiée et restreinte par le consentement du salarié. À ce titre, le raisonnement de la cour d’appel était tout à fait audible.

Telle n’est pourtant pas la voie suivie par la chambre sociale. Le fait pour le salarié de contractualiser la modification de sa qualification professionnelle n’induit pas le renoncement à une action en contestation de la sanction disciplinaire. C’est une chose de consentir à la modification de la qualification professionnelle, c’en est une autre d’approuver la véracité et la gravité des griefs invoqués à l’appui de la sanction. Le salarié est donc légitime à invoquer le « socle contractuel » pour contraindre l’employeur dans la mise en œuvre de la modification disciplinaire du contrat de travail. En revanche, l’employeur ne peut pas s’appuyer sur l’avenant valablement signé pour faire obstacle à l’action en contestation de la sanction initiée par le salarié.

La solution mérite d’être saluée. Dans la pratique, le salarié aura tendance à accepter la modification disciplinaire de son contrat de travail par crainte que son refus n’aboutisse à un licenciement à raison des faits fautifs qui lui sont imputés. Dans ces circonstances, la « valeur de la parole donnée » doit donc être largement relativisée. Priver le salarié de sa faculté de contester par ailleurs le bien-fondé de la sanction reviendrait à occulter cette situation de fait et l’obligation qui incombe au juge de contrôler systématiquement les manquements invoqués et leur caractère fautif ainsi que la licéité et la proportionnalité de la sanction.

Auteur d'origine: Dechriste

Afin de mener à bien ses missions, et notamment de lui permettre de rendre un avis utile lors des consultations opérées par le chef d’entreprise, le comité social et économique dispose de la possibilité de recourir à des expertises.

Ces dernières, menées par un expert-comptable ou un expert habilité, peuvent ainsi concerner les orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-87), sa situation économique et financière (C. trav., art. L. 2315-88 s.) ou encore la politique sociale de celle-ci, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2315-91 s.). Au-delà de ces expertises, qui visent les consultations récurrentes du CSE (C. trav., art. L. 2312-17 s.), un expert peut également être désigné à l’occasion de certaines opérations exceptionnelles dans l’entreprise : utilisation du droit d’alerte économique, licenciement collectif, OPA… (C. trav., art. L. 2315-92).

Plus originale est l’expertise prévue, pour les entreprises d’au moins 300 salariés, par les articles L. 2315-94 3° et L. 2315-95 du code du travail. Celle-ci vise à permettre de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle dans l’entreprise (l’existence de ces deux dispositions concurrentes sur le même sujet est d’ailleurs...

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Auteur d'origine: Cortot
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Le recours hiérarchique auprès du ministre du Travail contre la décision de l’inspecteur du travail concernant l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est un sujet lourd de conséquences, qui a pu déjà faire naître un certain contentieux. Ainsi, il avait été précédemment jugé qu’en cas de décision confirmative expresse, le ministre ne peut pas légalement, à la fois confirmer l’autorisation de l’inspecteur du travail, seule créatrice de droits, et dans la même décision, délivrer une seconde autorisation de licenciement (CE 5 sept. 2008, n° 303992 A, Sté Sorelait, AJDA 2008. 1630 ; Dr. soc. 2008. 1251, concl. Y. Struillou ; RJS 2008, n° 1101) ; dans ce cas, la demande tendant à l’annulation de la seule décision ministérielle doit être regardée comme tendant également à l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail (CE 5 sept. 2008, n° 303707 A, Sté Sapa Profiles Puget, AJDA 2008. 1630 ; Dr. soc. 2008. 1251, concl. Y. Struillou ; SSL 2009, n° 1388).

Mais qu’en est-il lorsque l’inspecteur du travail a, après avoir une première fois autorisé le licenciement, retiré sa décision pour de nouveau formuler une décision d’autorisation ? Le ministre doit-il statuer sur les deux décisions successives ou peut-il se borner à se prononcer sur la dernière d’entre elles lorsqu’il entend refuser l’autorisation ? C’est sur terrain et sur la question de l’office du ministre dans le cadre d’un recours hiérarchique que l’arrêt du 16 avril 2021 nous apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, une salariée protégée avait fait l’objet d’une procédure de licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, au cours de laquelle l’inspecteur du travail a successivement refusé par décision implicite la demande d’autorisation de licencier adressée par l’employeur, retiré sa décision de refus pour lui substituer une décision d’autorisation, puis a à nouveau retiré sa décision d’autorisation, pour finalement de nouveau prendre une décision d’autorisation de licenciement.

L’intéressée avait alors formé un recours hiérarchique auprès du ministre du Travail contre la décision de l’inspecteur du travail.

Le ministre ainsi saisi a, par une première décision implicite, rejeté...

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Auteur d'origine: Dechriste

En l’espèce, une salariée avait été engagée en qualité de chef de projet par une société qui fit l’objet d’une absorption en date du 1er octobre 2012. L’intéressée fut convoquée par son employeur initial le 24 septembre à un entretien préalable à un éventuel licenciement ayant eu lieu le 9 octobre de la même année, qui déboucha sur un licenciement pour motif économique quelques jours plus tard par la société absorbante, à laquelle avait été transféré son contrat dans le cadre de la fusion-absorption.

La salariée a ensuite saisi la juridiction prud’homale, notamment afin de solliciter le paiement d’indemnités réparant le préjudice causé par la privation du bénéfice des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) arrêté le 28 novembre au sein de la société absorbante, soit plus d’un mois après son licenciement.

Les juges du fond la déboutèrent de sa demande, de sorte que celle-ci se pourvût en cassation. Selon l’intéressée, le licenciement étant intervenu pendant l’élaboration du PSE, elle devait pouvoir prétendre au bénéfice de son contenu, notamment des dispositions relatives à l’indemnité de licenciement supraconventionnelle ainsi que celles relatives au bénéfice du versement d’une somme prévue pour les salariés justifiant d’un projet de création d’entreprise.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi va, au visa de l’article L. 1233-61 du code du travail dans sa version applicable au moment des faits ainsi que de l’article 1231-1 du code civil, casser l’arrêt d’appel. Elle va, en effet, affirmer le principe selon lequel le PSE ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat a été rompu avant son adoption, tout en le nuançant immédiatement en précisant que salarié qui a été privé...

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(Original publié par Dechriste)

Après la remise du rapport Frouin au ministre du Travail fin décembre 2020 formulant ses propositions pour « réguler les plateformes numériques » au gouvernement, la ministre du Travail avait en effet missionné une task force composée de Bruno Mettling, Mathias Dufour et Pauline Trequesser pour travailler un projet d’ordonnance relatif aux « modalités de représentation » des travailleurs de plateforme de transport « et les conditions d’exercice de cette représentation ».

L’ordonnance est prise sur le fondement de l’habilitation prévue au 2° de l’article 48 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, qui autorise le gouvernement à prendre les mesures nécessaires afin de déterminer les modalités de représentation des travailleurs indépendants définis à l’article L. 7341-1 du code du travail recourant pour leur activité aux plateformes mentionnées à l’article L. 7342-1 du même code et les conditions d’exercice de cette représentation. Cette habilitation détermine conséquemment le périmètre de cette nouvelle représentation qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux seuls travailleurs indépendants des plateformes qui fixent les prix et les services et ne concerne donc que le secteur d’activités des VTC (conduite d’une voiture de transport avec chauffeur) et le secteur des livraisons à vélo, scooter ou tricycle.

Dans ces deux secteurs d’activité – qui représentent près de 100 000 travailleurs –, une élection nationale, à tour unique et par vote électronique, sera organisée afin de permettre aux travailleurs indépendants de désigner les organisations qui les représenteront. Il s’agira d’un scrutin sur sigle. L’objectif étant d’assurer de la continuité, dans un secteur où les changements sont nombreux et où le turn-over des travailleurs est...

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(Original publié par Dechriste)
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Bien qu’il s’inscrive dans un régime général instauré jusqu’au 31 décembre 2021, l’état d’urgence sanitaire ne peut être maintenu en vigueur au-delà du 1er juin, les parlementaires ayant instauré une date butoir afin de pouvoir exercer un contrôle des mesures de confinement qui portent atteintes considérables aux libertés individuelles et publiques (L. n° 2021-160, 15 févr. 2021, art. 1 et 2 ; v. AJDA 2021. 303 ). Il fallait donc que l’exécutif propose un nouveau texte à la représentation nationale pour pouvoir continuer à bénéficier des prérogatives nécessaires pour combattre l’épidémie de covid-19.

L’amorce d’une sortie

Le projet de loi, présenté en conseil des ministres le 28 avril, instaure donc un régime transitoire à compter du 2 juin et jusqu’au 31 octobre 2021, visant à amorcer le rétablissement des règles de droit commun. Ce régime est repris de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, validé avec réserves par le Conseil constitutionnel (9 juill. 2020, n° 2020-803 DC, AJDA 2020. 2274, note M. Verpeaux ). Il permet au pouvoir réglementaire de garder la possibilité de limiter les déplacements et l’utilisation des moyens de transport, de restreindre les conditions d’ouverture de certains établissements recevant du public et de limiter les réunions et rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Dans ce cadre, le Premier ministre pourra imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’une collectivité d’outre-mer de présenter un test de dépistage négatif, un certificat de vaccination ou un document attestant de leur rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, ce qui correspond au projet de certificat vert numérique de la Commission européenne. Saisi pour avis, le Conseil d’État estime que « le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient dès lors le maintien des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie, pour une durée adéquate » (avis n° 402632, NOR : PRMX2111684L).

Seront maintenues les mesures d’adaptation des règles applicables aux juridictions qui autorisent notamment le recours, pour la tenue d’une audience ou d’une audition, à des moyens de télécommunication audiovisuelle ou de communication électronique, ainsi que le transfert de compétence d’une juridiction empêchée vers une autre juridiction. Seront également prolongées, d’une part, les mesures mises en place par l’article 6 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 pour permettre la tenue des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur et, d’autre part, le délai fixé au dernier alinéa de l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 prévoyant notamment les règles de convocation de l’organe délibérant des collectivités territoriales et de leurs groupements et des conseils d’administration et bureaux des services d’incendie et de secours.

Mesures d’isolement et de quarantaine

Afin de faire face à de nouveaux variants et à la circulation hétérogène du virus sur le plan international, les règles relatives aux mesures d’isolement ou de quarantaine sont précisées : comme c’est déjà le cas outre-mer, le représentant de l’État pourra s’opposer au choix du lieu d’hébergement retenu par l’intéressé, s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure et à permettre son contrôle, et de déterminer, le cas échéant, un lieu d’hébergement et permettront de mieux garantir l’effectivité de ces mesures à l’arrivée sur le territoire, notamment des personnes en provenance de zones à risque. Cette disposition est susceptible de porter atteinte au droit des personnes concernées à mener une vie familiale normale, résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const. 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC, Dalloz actualité, 12 juin 2017, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2017. 1197 ; D. 2017. 1193 ; ibid. 2018. 1344, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2017. 345, Décision ; ibid. 449, chron. O. Le Bot ), à leur liberté d’aller et de venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Cons. const. 24 mai 2017, n° 2017-631 QPC, Constitutions 2017. 340, Décision ; ibid. 454, chron. L. Domingo ) ainsi qu’au droit au respect de la vie privée résultant de l’article 2 de cette déclaration (Cons. const. 10 juin 2009, n° 2009-580 DC, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, Dalloz actualité, 11 juin 2009, obs. J. Daleau ; AJDA 2009. 1132 ; D. 2009. 1770, point de vue J.-M. Bruguière ; ibid. 2045, point de vue L. Marino ; ibid. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy  ; Dr. soc. 2010. 267, chron. J.-E. Ray ; RFDA 2009. 1269, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 97, obs. H. Périnet-Marquet  ; ibid. 293, obs. D. de Bellescize ; RSC 2009. 609, obs. J. Francillon  ; ibid. 2010. 209, obs. B. de Lamy  ; ibid. 415, étude A. Cappello ; RTD civ. 2009. 754, obs. T. Revet ; ibid. 756, obs. T. Revet ; RTD com. 2009. 730, étude F. Pollaud-Dulian ). Pour autant, le Conseil d’État estime toutefois que, compte tenu des objectifs sanitaires poursuivis, la disposition envisagée vise à garantir l’efficacité des mesures de placement en isolement ou en quarantaine lorsque leur exécution dans le lieu choisi, y compris le domicile de la personne, peut porter atteinte à la santé de tiers présents sur place ou compromettre la lutte contre la propagation de l’infection.

Par ailleurs, au vu de l’importance des données recueillies dans les systèmes d’information pour suivre et gérer efficacement l’évolution de la situation sanitaire, ces données seront rassemblées au sein du système national des données de santé dans les conditions et selon les garanties de droit commun fixées par le code de la santé publique.

Aménagements pour les élections en Corse, Guyane et Martinique… y compris en extérieur

Enfin, le projet comporte des dispositions relatives à l’organisation des élections départementales, régionales et aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique qui se dérouleront en juin prochain. Afin d’assurer leur sécurisation sanitaire et de faciliter la participation des électeurs, il procède à diverses adaptations du droit électoral tenant compte de la crise sanitaire et de l’organisation simultanée, en métropole, de deux scrutins. Un site internet public permettra de consulter une version électronique des professions de foi des candidats. Le service public audiovisuel et radiophonique devra organiser un débat avant chaque tour entre les candidats têtes de liste aux élections régionales, des assemblées de Corse, de Guyane, de Martinique. Les panneaux d’affichage seront installés dès que l’état ordonné des listes de candidats aux élections aura été publié par le représentant de l’État afin de permettre aux candidats d’apposer leurs affiches avant le début de la campagne électorale.

Le projet prévoit ensuite des adaptations pour faciliter l’organisation matérielle des opérations de vote. Sous certaines conditions, les opérations pourront se dérouler en extérieur. Enfin, le projet assouplit les exigences relatives au matériel électoral – isoloirs et tables de dépouillement – notamment pour faciliter et fluidifier l’organisation simultanée de deux scrutins dans la même salle.

(Original publié par pastor)
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L’idée générale qui ressort de la réforme projetée consiste à rendre le temps de la détention plus utile et à favoriser la réinsertion des détenus par une plus grande responsabilisation et une implication de ces derniers dans leur propre parcours carcéral. Le texte fait en cela écho aux finalités de la peine dont les modalités d’exécution visent « à préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions » (C. pr. pén., art. 707). Parmi les mesures proposées, on relèvera à titre liminaire l’article 15 du projet de loi, qui prévoit la création, par voie d’ordonnance, d’un code pénitentiaire regroupant et organisant les règles relatives à la prise en charge des personnes détenues, au service public pénitentiaire et au contrôle des établissements pénitentiaires. Ce code, dont la création a été préconisée par la commission Cotte dans son rapport de décembre 2015 Pour une refonte du droit des peines, serait en grande partie constitué de la codification de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et d’une extraction de textes figurant au code de procédure pénale, afin de rendre ces dispositions plus accessibles et lisibles. En ce qui concerne ensuite les mesures substantielles par lesquelles le projet de loi entend assurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, deux séries de dispositions retiendront essentiellement notre attention. D’une part, il s’agit de la réglementation bienvenue du statut du travailleur détenu et, d’autre part, des modifications – plus controversées – du régime d’aménagement des peines. Seulement deux ans après la grande réforme du droit des peines opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ce projet de loi se propose donc, une nouvelle fois, de venir renforcer le sens de la détention et l’efficacité de l’exécution des peines.

Renforcer le sens de la détention

Dans la droite ligne de la récente loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, le présent texte prévoit d’améliorer les conditions de travail en détention par la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire et l’octroi de divers droits sociaux aux travailleurs détenus.

Instauration d’un contrat d’emploi pénitentiaire

L’article 11 du projet de loi crée un contrat d’emploi pénitentiaire qui a vocation à remplacer l’acte unilatéral d’engagement qui reliait jusque là la personne détenue à l’administration pénitentiaire. Il s’agit d’une avancée considérable visant à améliorer les conditions de travail en détention, en inscrivant l’activité professionnelle des détenus dans une relation contractuelle. Le travail en détention, qui était longtemps forcé et perçu comme un châtiment supplémentaire, est en effet considéré, depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, comme un gage de réinsertion sociale. L’article 717-3 du code de procédure pénale prévoit en ce sens que les établissements pénitentiaires doivent prendre toutes dispositions pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées qui en font la demande. Pourtant, on constate que l’activité en détention est limitée dans la pratique et en forte baisse depuis une vingtaine d’années, en raison de facteurs multiples, tels que la crise économique et la surpopulation carcérale. En effet, selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, moins d’un tiers des détenus travaillent aujourd’hui en prison, en majorité dans des emplois peu considérés. Surtout, leurs conditions de travail sont très éloignées du droit du travail avec peu de garanties et une rémunération largement en deçà du SMIC horaire (OIP, Le travail en prison, en France, en 2020).

Le nouveau régime pourrait remédier à ces limites, en permettant notamment de transposer certaines dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, au temps de repos, aux heures supplémentaires et aux jours fériés. En fonction du donneur d’ordre choisi, le contrat pourra unir la personne détenue à l’administration pénitentiaire, à une entreprise, une association ou un service chargé de l’activité de travail. Le projet de loi précise également, en son article 12, le processus de recrutement qui sera scindé en deux étapes (une première étape de classement au travail par le chef d’établissement et une seconde étape d’affectation sur un poste de travail), ainsi que les modalités de formation, de suspension et de cessation de la relation de travail. Ces dispositions permettront de rapprocher les conditions de travail en détention du droit commun applicable en milieu libre, tout en prenant en compte les contraintes inhérentes au cadre carcéral.

Amélioration des droits sociaux des travailleurs détenus

Le projet de loi prévoit également d’ouvrir des droits sociaux aux travailleurs détenus afin de favoriser leur réinsertion, tels que les droits à l’assurance chômage, à l’assurance vieillesse, à la retraite complémentaire, à l’assurance maternité, à l’assurance invalidité ou décès, ainsi qu’à l’assurance maladie. L’article 14 comprend à cet effet une habilitation à prendre par voie d’ordonnance des dispositions législatives en ce sens. L’habilitation devra également permettre de favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention et de lutter contre la discrimination et le harcèlement au travail.

Outre l’amélioration de la protection des droits des personnes incarcérées, le projet de loi a pour objectif de rendre le travail en prison plus attractif pour les entreprises, en permettant par exemple d’intégrer les opérateurs économiques implantés en détention dans le code de la commande publique afin qu’ils puissent bénéficier des dispositions relatives aux marchés réservés. Cela devrait avoir pour effet d’augmenter l’offre d’emploi et, partant, de permettre à un plus grand nombre de détenus de travailler.

Ces avancées, dont les modalités devront être définies par décret ou ordonnance, sont d’autant plus importantes que le travail en détention « vise à préparer l’insertion ou la réinsertion professionnelle de la personne détenue » (C. pr. pén., nouv. art. 719-10). Les nouvelles dispositions devraient ainsi assurer aux détenus des conditions de travail plus respectueuses de leur dignité tout en favorisant leur insertion socioprofessionnelle, facteur essentiel de prévention de la récidive lors de leur retour dans la société. Qui plus est, les activités de travail sont prises en compte pour l’appréciation des efforts de réinsertion et de bonne conduite des condamnés, dans le cadre de l’exécution de leur peine (C. pr. pén., art. 717-3).

Renforcer l’efficacité de l’exécution des peines

À la différence des aménagements classiques de peine qui reposent sur les efforts de réadaptation sociale et le « projet de sortie » de prison de la personne condamnée, les réductions de peine et la libération sous contrainte sont des mécanismes plus ou moins automatiques. Ceux-ci sont modifiés par le projet de loi, tantôt dans le sens d’une individualisation accrue, tantôt dans celui d’une automatisation de la sortie de détention.

Réforme des mécanismes de réduction de peine

L’article 9 du projet de loi prévoit de supprimer les crédits de réduction de peine automatiques, au profit d’un système reposant sur la récompense des efforts de réinsertion. L’aménagement des peines serait ainsi moins généralisé pour être davantage individualisé. Le mécanisme actuel, découlant des articles 721 et suivants du code de procédure pénale, comprend en effet un crédit de réduction immédiatement applicable dès la mise à l’écrou et portant sur l’ensemble de la peine prononcée, complété le cas échéant par des réductions supplémentaires de peine accordées par le juge de l’application des peines (JAP) aux condamnés ayant manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale.

Ce mécanisme, jugé incompréhensible pour les citoyens et les justiciables, est remplacé par un dispositif unique de réduction de peine que pourra octroyer le JAP, de manière progressive, lorsque le condamné aura donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou aura manifesté des efforts sérieux de réinsertion sociale (dont la loi propose une liste non exhaustive, par exemple l’exercice d’une activité de travail, la réussite à un examen ou l’indemnisation de la victime). Le bénéfice des réductions de peine est ainsi véritablement personnalisé, la décision étant prise par le JAP après avis de la commission de l’application des peines. La durée des réductions de peine peut atteindre au maximum six mois par an pour les peines supérieures ou égales à un an et quatorze jours par mois pour les peines inférieures à un an. Le projet de loi maintient un régime dérogatoire à l’égard des personnes condamnées pour un acte de terrorisme, pour lesquelles le montant total des réductions de peines pouvant être accordées sera réduit de moitié (C. pr. pén., art. 721-1-1). Il prévoit également la possibilité d’un retrait des réductions de peine accordées pour sanctionner les incidents en détention. Le nouveau régime est complété par la possibilité d’une réduction de peine exceptionnelle, pouvant aller jusqu’au tiers de celle-ci, en cas de comportement exemplaire à l’égard de l’institution pénitentiaire, tel que le fait de s’interposer en cas d’agression d’un surveillant pénitentiaire (C. pr. pén., nouv. art. 721-4). Ce mécanisme existe déjà dans le dispositif actuel au profit des condamnés qui ont permis de faire cesser ou d’éviter la commission d’infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée (C. pr. pén., art. 721-3).

La logique est donc inversée : auparavant, les crédits de réduction de peine bénéficiaient automatiquement à tous les détenus, sous menace d’un retrait en cas de mauvaise conduite ; dorénavant, les réductions de peine ne seront accordées que sur la base du mérite, en cas de bonne conduite et d’efforts de réinsertion. Le nouveau système est en réalité proche de celui qui était en vigueur avant 2004 et qui comprenait des réductions ordinaires de peine pour bonne conduite et des réductions supplémentaires de peine en cas d’efforts de réadaptation, lesquelles seront donc fusionnées en une seule et même catégorie. Un tel système présente l’avantage d’inciter les détenus à faire des efforts pour s’impliquer dans leur parcours d’exécution de peine et, par voie de conséquence, de maintenir l’ordre dans les établissements pénitentiaires et de favoriser la prévention de la récidive. Il conduira cependant inévitablement à alourdir la tâche des juges de l’application des peines – avec le risque de revenir à la pratique qui était d’usage sous l’empire du système antérieur à 2004, consistant accorder la réduction de peine à tous les détenus n’ayant pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire… et donc à un automatisme de fait.

Le Conseil d’État, dans son avis du 8 avril 2021, souligne que le régime proposé ne permettra plus « à l’administration pénitentiaire et au détenu de connaître, dès l’incarcération, la date prévisionnelle de libération, ce qui facilitait la préparation de la sortie de prison ». En outre, il « est de nature à générer des disparités de traitement importantes entre les détenus en fonction des critères d’appréciation adoptés par les magistrats appelés à statuer sur leur cas ».

Le nouveau mécanisme s’appliquera aux personnes incarcérées à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction, par dérogation à l’article 112-2, 3°, du code pénal. Or, s’agissant d’une loi rendant plus sévère le régime d’exécution des peines, le texte risque de se heurter à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui pourrait y voir une violation du principe de légalité criminelle (v. en ce sens CEDH, gr. ch., 21 oct. 2013, Del Rio Prada c. Espagne, req. n° 42750/09, Dalloz actualité, 24 juill. 2012, obs. O. Bachelet ; D. 2012. 2917, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; AJ pénal 2012. 494, obs. M. Herzog-Evans ; RSC 2012. 698, obs. D. Roets ).

Par ailleurs, il est à craindre que la réforme ne conduise à accroître la surpopulation carcérale. Comme il ressort de l’étude d’impact, cela dépendra de la pratique des juges de l’application des peines et sera fonction des réductions de peine effectivement accordées. Une telle crainte est toutefois compensée par l’extension de la libération sous contrainte qui devrait réduire la densité carcérale.

Systématisation de la libération sous contrainte en fin de courte peine

À contre-courant de la logique justifiant la suppression des crédits de peine automatiques, le projet de loi prévoit une extension de la libération sous contrainte (C. pr. pén., art. 720) qui serait systématiquement applicable aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans, lorsque le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois mois. Dans ce cas, la libération devra en effet intervenir de plein droit, sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement de l’intéressé. Le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-222, 23 mars 2019, qui avait déjà renforcé le caractère systématique de cette mesure en faisant de son octroi le principe lorsqu’une peine de cinq ans au plus arrive aux deux tiers de son exécution. Le JAP ne peut ainsi la refuser qu’en cas d’impossibilité d’aménager la peine au regard des critères énoncés à l’article 707 du code de procédure pénale. Mais, jusque là, l’octroi de la mesure était subordonné à un examen préalable de la situation du condamné par le JAP qui disposait encore d’une certaine marge d’appréciation. Dorénavant, elle sera applicable de plein droit pour les peines les plus courtes approchant de leur terme. Le principe de l’exécution de la fin de peine hors les murs, afin de favoriser l’accompagnement et la réinsertion des sortants de prison, est donc renforcé.

Si une telle mesure peut avoir pour effet positif de désengorger les prisons tout en évitant les « sorties sèches », elle interroge quant à la cohérence du projet de loi : une plus grande individualisation de l’aménagement de peine, d’un côté, et une automatisation de l’aménagement, de l’autre. Il est toutefois à noter que la libération sous contrainte de plein droit sera exclue dans deux hypothèses, à savoir en cas de condamnation pour les infractions les plus graves (crimes, actes terroristes, violences sur mineur ou conjoint) ou lorsque la personne aura fait l’objet de sanctions disciplinaires pendant la durée de sa détention. Cette dernière précision permet, une fois de plus, d’exclure l’aménagement de peine en cas de mauvaise conduite en détention.

Enfin, il convient de mentionner l’article 5 du projet de loi qui a vocation à limiter le recours à la détention provisoire en imposant au juge, au-delà d’un délai de huit mois, de favoriser une voie alternative, notamment l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ou le dispositif électronique mobile antirapprochement applicable en cas de violences au sein du couple (C. pr. pén., art. 137-3). Cet encadrement, quoique timide, doit être salué quand on sait que près d’un tiers des détenus sont actuellement des personnes en détention provisoire, le recours à cette mesure aggravant donc considérablement le surpeuplement carcéral.

(Original publié par Thill)
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Il est rare que la Cour de cassation se prononce sur la prescription applicable en matière de discrimination. Les quelques décisions référencées dans le code du travail sont antérieures à la réforme des délais de prescription issue de la loi du 17 juin 2008. À l’époque, les faits de discrimination bénéficiaient de la prescription trentenaire de droit commun (Soc. 15 mars 2005, n° 02-43.560, D. 2005. 1053, obs. E. Chevrier ; ibid. 2499, obs. B. Lardy-Pélissier et J. Pélissier ; Dr. soc. 2005. 827, obs. C. Radé ; RTD civ. 2006. 303, obs. J. Mestre et B. Fages  ; SSL 2005, n° 1225, p. 20, note Sargos). Ce format permettait d’apprécier la discrimination sur un temps long, ce qui se révélait fort utile pour établir une discrimination portant sur l’évolution de carrière. La chambre sociale avait d’ailleurs permis qu’un juge puisse apprécier la réalité de la discrimination subie au cours de la période non prescrite en procédant à des comparaisons avec d’autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification à la même date que l’intéressée, celle-ci fût-elle antérieure à la période non prescrite (Soc. 4 févr. 2009, n° 07-42.697, Dalloz actualité, 20 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 634, obs. S. Maillard ; Dr. soc. 2009. 612, obs. C. Radé ; JCP S 2009. 1173, obs. Bugada).

La loi du 17 juin 2008 a abaissé le délai de prescription de droit commun à cinq ans, déplaçant les (rares) difficultés liées à la durée du délai de prescription vers celles (beaucoup plus nombreuses) liées au point de départ de ce délai. La discrimination ne peut parfois pas se résumer à un seul fait identifiable. Le refus d’une promotion peut être ponctuellement justifié, mais la multiplication des refus de promotion, conduisant à la stagnation d’une personne dans sa carrière professionnelle, peut révéler un caractère discriminatoire. Or la « révélation » de la discrimination est l’élément déclencheur du délai de prescription (C. trav., art. L. 1134-5).

Un arrêt inédit de la chambre sociale du 22 mars 2007 (n° 05-45.163 NP) était venu préciser le sens du terme « révélation » : il ne s’agit pas seulement de la date à laquelle le salarié a eu connaissance des faits de discrimination, mais plutôt de celle où il a « exactement connu » le préjudice lié à la discrimination subie. Cette logique dégagée par la Cour de cassation semble avoir été retenue lors des débats parlementaires. La révélation devrait être entendue comme le moment où la victime a « la connaissance du manquement et du préjudice en résultant » (v. le rapport n° 847 de E. Blessig fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi [n° 433], adoptée par le Sénat, portant réforme de la prescription en matière civile).

L’affaire donnant lieu à l’arrêt de la chambre sociale du 31 mars 2021 réunit l’ensemble de ces problématiques liées à la prescription. La salariée avait été embauchée en 1976, elle est devenue représentante syndicale en 1977. En 1981, suspectant l’existence d’un retard de carrière lié à son engagement syndical, elle saisit l’inspection du travail qui rendra un rapport appuyant sa réclamation et conduira à ce que l’employeur la repositionne sur un emploi administratif. C’est là la première particularité de l’affaire : il y a eu une première alerte de la salariée et une correction réalisée par l’employeur. Mais la salariée se plaint d’avoir découvert en 2008 de nouveaux éléments attestant une discrimination sur l’ensemble de sa carrière.

La demande de la salariée introduite en 2012 était-elle prescrite ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer le point de départ de la prescription. Les juridictions du fond ont toutes deux considéré que la salariée ayant dénoncé la discrimination à son employeur et ayant obtenu l’appui de l’inspection du travail dès 1981, l’action contre cette discrimination était prescrite en 2011, autrement dit trente ans après sa « révélation ». Quid alors des nouveaux éléments obtenus en 2008 ? Ces derniers n’ont pas été étudiés par la cour d’appel et c’est ce qui motive la cassation en l’espèce. Pour la chambre sociale, « si la salariée faisait état d’une discrimination syndicale ayant commencé dès l’obtention de son premier mandat en 1977 et dont elle s’est plainte en 1981, période couverte par la prescription trentenaire, elle faisait valoir que cette discrimination s’était poursuivie tout au long de sa carrière en termes d’évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait que la salariée se fondait sur des faits qui n’avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription ».

La solution rend, par son analyse, les effets de la discrimination tout aussi importants dans le déclenchement du délai de prescription que les faits qui les engendrent. C’est parfaitement logique puisque l’effet principal de la discrimination, à savoir le « désavantage », fait partie intégrante des éléments de qualification de la discrimination. Il est étonnant cependant que la Cour de cassation ne distingue pas en l’espèce deux périodes de discrimination. L’une prescrite du fait qu’elle a été dénoncée et corrigée par l’employeur, ce qui justifierait l’enclenchement du délai de prescription dès 1981 à la condition que la discrimination ait bien été entièrement corrigée. L’autre en 2008 avec la découverte de nouveaux éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination sur l’évolution de carrière. Pour la Cour de cassation, il semblerait que ça ne soit pas la découverte d’éléments probatoires qui enclenche le délai de prescription mais le fait que les effets de la discrimination continuent de se produire.

Cette décision réitère les interrogations suscitées récemment par la décision du tribunal judiciaire de Paris en matière d’action de groupe et de non-rétroactivité de la loi (TJ Paris, 15 déc. 2020, n° 18/04058, Dalloz actualité, 11 févr. 2021, obs. M. Peyronnet ; JA 2021, n° 633, p. 10, obs. X. Delpech  ; Dr. soc. 2021. 97, étude C. Radé ). En effet, en créant cette action, le législateur est venu limiter son utilité, notamment, en empêchant que soient invoqués à l’appui d’une action de groupe des faits antérieurs à sa création par la loi de 2016 sur la justice du 21e siècle.

Ainsi, pour résoudre les questions liées au point de départ de la prescription et à la non-applicabilité de la loi dans le temps, il serait possible de considérer que l’absence de correction d’une discrimination constitue un fait discriminatoire. Ainsi, tant que l’employeur ne prendrait pas les mesures nécessaires et adéquates visant à faire cesser la différence de traitement, il commettrait une discrimination. La discrimination s’apparenterait alors à une infraction continue, ce qui faciliterait l’application des règles de prescription. Une autre proposition visait à faire partir le délai de prescription de la rupture du travail, étant considéré que, tant que perdure le lien de subordination, le salarié victime n’est pas en mesure de se battre avec son employeur sur le terrain de la discrimination.

(Original publié par peyronnet)

Avant d’aborder les nombreux dossiers qui vont rythmer cette fin de quinquennat, la rédaction de Dalloz actualité profite d’une semaine de « vacances unifiées » pour savourer pleinement le confinement printanier. Retour lundi 26 avril.

À très vite.

Auteur d'origine: Dargent

En séance publique, les sénateurs avaient adopté une motion tenant à opposer la question préalable. Les députés sont donc revenus à la version votée le 18 mars (v. AJDA 2021. 656).

Reconnaissance de la fonction de chef de service

En lieu et place de la création d’une nouvelle profession, l’article 1er prévoit la remise d’un rapport dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération. Plusieurs dispositions du texte concernent les...

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Auteur d'origine: emaupin

Les déclarations préalable à la CNIL, c’est terminé depuis le 25 mai 2018. Le traitement des données personnelles, notamment celles des salariés par les services de ressources humaines, doit répondre aux obligations du RGPD. Ce règlement n’a toutefois pas supprimé toutes les exigences d’analyse préalable de l’effet d’un traitement de données personnelles. Lorsque ce dernier est particulièrement sensible, les entreprises doivent mettre en œuvre au préalable une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD, ou PIA en anglais).

Mais en 2018 lors de l’entrée en vigueur du RGPD, peu d’entreprises et de collectivités avaient pris le temps de se conformer à la nouvelle règlementation. En réaction, la CNIL leur a accordé un délai de grâce de trois ans pour réaliser l’analyse d’impact des traitements de données mis en place avant le 25 mai 2018. La date fatidique approche. Au 25 mai 2021, plus d’excuses pour avoir omis de réaliser cette étude d’impact.

Des contrôles accrus à partir de mai 2021 ?

L’approche de cette date pourrait donner le top départ de contrôles CNIL plus poussés, selon Éric Barbry, avocat associé du cabinet Racine, spécialisé en droit des données personnelles. « Je n’ai constaté chez mes clients aucun contrôle CNIL depuis mai 2018 concernant le respect des règles relatives aux analyses d’impact. Tous les traitements RH mis en œuvre après mai 2018 devraient avoir fait l’objet d’une telle analyse, or ce n’est pas le cas. Je pense que la CNIL attend la fin du délai de mise en conformité pour opérer un tour de vis pour toutes les entreprises. »

Il reste un peu plus d’un mois aux...

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Auteur d'origine: Thill
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La rédaction de la lettre de licenciement pour inaptitude est un enjeu majeur à la fois pour le salarié, qui aspire à connaître les raisons exactes pour lesquelles son contrat se voit rompu, et pour l’employeur, qui doit s’assurer de sa précise rédaction et motivation, sous peine de se voir condamner à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (V. not., Soc. 9 avr. 2008, n° 07-40.356 P, D. 2008. 2268, obs. B. Ines , note C. Lefranc-Hamoniaux ; ibid. 2306, obs. M.-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, C. Dupouey-Dehan, B. Lardy-Pélissier, J. Pélissier et B. Reynès ; Dr. soc. 2008. 757, obs. G. Couturier ; RDT 2008. 378, obs. F. Héas ). Mais l’employeur doit-il aller jusqu’à préciser au cours de la procédure les motifs qui s’opposent au reclassement dans le courrier alors qu’il a régulièrement proposé un emploi de reclassement au salarié intéressé, et que ce dernier l’a refusé ?

Telle était au premier chef la question posée aux juges dans l’arrêt du 24 mars 2021 présentement commenté.

En l’espèce, un salarié engagé en qualité de dépanneur installateur a été victime d’un accident du travail, à la suite duquel il a été déclaré inapte à son poste de travail, à l’issue de deux examens du médecin du travail. Il a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

L’intéressé a par la suite saisi les juridictions prud’homales de demandes liées à la rupture de son contrat. Celui-ci reprochait en effet à son employeur de ne pas lui avoir notifier préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement les motifs qui s’opposait à son reclassement.

Les juges du fond le déboutèrent cependant de ses demandes....

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Auteur d'origine: Dechriste

Discuté en raison de son obscurité, le cadre juridique de la contestation de l’avis d’inaptitude du médecin du travail a fait l’objet de plusieurs évolutions législatives successives, la dernière en date ayant reformulé les termes de l’article L. 4624-7 pour plus de clarté. La loi travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 avait déjà transféré le recours contre les avis du médecin du travail initialement confié à l’inspecteur du travail aux juridictions prud’homales en formation des référés, mais en des termes suggérant que le salarié ou l’employeur ne pourraient que contester « les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail », et non les autres éléments de ces avis et propositions. Le texte n’indiquait pas clairement non plus que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes se substituait aux avis et décisions prises par le médecin du travail. La dernière réforme en date, issue de l’ordonnance n° 2017-1387 accompagnée du décret d’application n° 2017-1698, est encore venue reformuler les termes des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 pour plus de clarté. Peut être faudrait-il retracer en deux lignes ces évolutions (Loi de 2016 puis ord. n° 2017-1387 puis décret d’application n° 2017-1698). À la lecture du premier de ces articles, la contestation porte désormais bien sur les « avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale ». L’article R. 4624-45 précisant quant à lui qu’il était alors « statué en la forme des référés », formule aujourd’hui substituée par « selon la procédure accélérée au fond » (Décr. n° 2019-1419 du 20 déc. 2019). Mais le juge saisi sur ce fondement peut-il substituer sa décision à l’avis rendu par un médecin en cas d’irrespect par ce dernier des dispositions légales et réglementaires ?

C’est autour de cette question que l’avis du 17 mars 2021 et l’arrêt du 24 mars 2021 rendus tous deux par la chambre sociale de la Cour de cassation apportent des éléments de réponse.

L’étendue du pouvoir du juge en matière de contestation d’un avis du médecin du travail

La première décision commentée (n° 21-70.002) invitait la chambre...

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Auteur d'origine: Dechriste
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L’interdiction de licencier un salarié pendant les périodes de suspension de son contrat pour maladie (C. trav., art. L. 1225-9 pour les suspensions d’origine professionnelle ; interdiction étendue aux suspensions d’origine non-professionnelle en vertu de l’interdiction des discriminations fondées sur l’état de santé – C. trav., art. L. 1132-1) admet des exceptions prévues par la loi ou la jurisprudence.

Lorsque l’arrêt de travail a pour origine une maladie ou un accident non professionnel, la Cour de cassation fait application, par analogie (Soc. 2 févr. 1999, n° 96-42.831, D. 1999. 69 ; Dr. soc. 1999. 419, obs. A. Mazeaud ; ibid. 566, étude P. Waquet ), des exceptions prévues lorsque le salarié a été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (C. trav., art. 1225-9 – faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou la maladie). Elle admet également, comme le rappelle l’arrêt commenté, le licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais la perturbation objective du fonctionnement de l’entreprise lié à l’absence prolongée ou aux absences répétées du salarié, rendant nécessaire son remplacement définitif.

En l’espèce, une salariée, directrice d’une association, en arrêt de travail à compter de mai 2012, avait été licenciée le 27 mars 2013 en raison de la désorganisation de l’association du fait de son absence prolongée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif. Elle avait saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement.

La cour d’appel de Paris a décidé, le 28 août 2018 que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que l’absence de la salariée perturbait effectivement le fonctionnement de l’association et que celle-ci avait procédé à son remplacement définitif dans un délai jugé « raisonnable ».

La salariée a formé un pourvoi en cassation. Les griefs formulés à l’encontre de l’arrêt d’appel reposaient principalement sur la reconnaissance du caractère « raisonnable » du délai au terme duquel son remplacement était intervenu. Selon le moyen, la nécessité de procéder à son remplacement définitif n’était pas établie dès lors que celui-ci était intervenu six mois après le licenciement, ce qui privait pour effet...

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Auteur d'origine: lmontvalon

Le port d’arme est strictement encadré, et nécessite l’octroi d’une autorisation délivrée par le préfet. À l’instar du retrait d’un agrément nécessaire à la poursuite du contrat de travail (Soc. 19 oct. 2016, n° 15-23.854, RJS 1/2017, n° 17), le retrait de cette autorisation indispensable à l’exercice des fonctions du salarié, peut justifier la rupture de son contrat de travail.

Le retrait de l’autorisation de port d’arme est une décision administrative susceptible de faire l’objet de recours. Une difficulté surgit lorsque la décision de retrait est annulée postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Tél était le cas dans l’affaire jugée le 17 mars 2021. En l’espèce, le préfet de police de Paris avait abrogé l’autorisation de port d’arme d’un salarié qui occupait les fonctions d’agent de sécurité de la RATP. Le préfet avait notamment considéré que le comportement du salarié laissait à craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui étaient confiées pour assurer ses missions. La direction de la RATP avait alors prononcé la révocation du salarié le même jour. Le tribunal administratif, sur recours du salarié, avait annulé la décision du préfet pour erreur manifeste d’appréciation. Par suite, le salarié avait saisi la juridiction prud’hommale pour que soit jugée...

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Auteur d'origine: Dechriste

Aux termes de l’article L. 5312-1 du code du travail, Pôle emploi prospecte le marché du travail, oriente et accompagne les demandeurs d’emploi et procède aux inscriptions sur la liste des demandeurs d’emploi, tient celle-ci à jour, assure le contrôle de la recherche d’emploi et le service des allocations d’assurance chômage. Le bénéfice du statut de demandeur d’emploi et, au-delà, l’indemnisation des chômeurs sont conditionnés à un certain nombre de critères. Pour prétendre à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), les salariés involontairement privés d’emploi doivent en effet remplir des conditions d’activité (périodes d’affiliation) ainsi que des conditions d’âge, d’aptitude physique, de chômage, d’inscription comme demandeur d’emploi et enfin de recherche effective et permanente d’emploi.

Dans la réalisation de sa mission de service public, Pôle emploi est donc garant de la mise en œuvre de ces critères : le demandeur d’emploi peut ainsi être radié (C. trav., art. L. 5412-1 s. ; C. trav., art. R. 311-3-5 anc.) et l’attribution du revenu de remplacement peut être suspendue voire définitivement supprimée (C. trav., art. L. 5426-2, R. 5426-3 et R. 351-28 anc.). Il en va notamment ainsi lorsque le bénéficiaire a commis une fraude afin d’être ou de demeurer inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi. Dans cette hypothèse, on peut s’interroger sur la latitude dont dispose Pôle emploi pour réprimer les fausses déclarations réalisées par les personnes privées d’emploi ? Dans quel cadre et à quel titre la suspension du versement des allocations peut-elle intervenir ? À cet égard, une réponse nous est apportée par un arrêt du 17 mars 2021.

En l’espèce, après plusieurs années de prise en charge (entre juin 2002 et janvier 2007), l’ASSEDIC – aux droits de laquelle succédait Pôle emploi Nouvelle-Aquitaine – avait interrompu le versement de l’allocation à une personne qui s’était déclarée privée d’emploi et dont elle contestait la qualité...

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Auteur d'origine: Dechriste

Calcul du salaire journalier de référence (SJR)

Le 25 novembre 2020, le Conseil d’État avait annulé les dispositions relatives au calcul du SJR prévues par le règlement général d’assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019, au motif qu’elles instauraient une « différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi » (Dalloz actualité, 1er déc. 2020, obs. L. Malfettes). Le décret du 30 mars rétablit et aménage ces modalités de calcul.

Ainsi, à compter du 1er juillet 2021, le salaire pris en considération pour déterminer le montant de la partie proportionnelle de l’allocation journalière est établi à partir des rémunérations perçues pendant la période de référence d’affiliation de vingt-quatre mois (36 mois pour les salariés de plus de 53 ans). Si des périodes d’inactivité existe dans cette période de référence, elles sont bien prises en compte. Mais afin de répondre à la censure du Conseil d’État et ne pas trop pénaliser les salariés dont les périodes d’emploi sont très morcelées, un plafond de ce nombre de jours non travaillés pris en compte dans le calcul est prévu. Le nombre de jours d’inactivité retenu ne pourra...

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Auteur d'origine: Dechriste
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En cas d’annulation de vol ou de retard important (très exactement de plus de trois heures : CJCE 19 nov. 2009, aff. C-402/07 et C-432/07, Sturgeon, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ), la compagnie aérienne est tenue, conformément au règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, d’indemniser les passagers aériens pour un montant qui varie entre 250 et 600 € en fonction de la distance qui aurait dû être couverte par le vol (art. 7, § 1er). Il en est toutefois autrement en cas de « circonstances extraordinaires » (art. 5, § 3). Celles-ci sont souvent invoquées par les compagnies aériennes pour échapper à leur obligation d’indemnisation. Mais souvent en vain, car elles ne sont admises que dans des conditions très strictes. Il existe une jurisprudence foisonnante sur cette question, qui émane de la Cour de justice de l’Union européenne (mais les juridictions nationales ne sont pas en reste ; pour une illustration récente, v. Civ. 1re, 17 févr. 2021, n° 19-21.362 F-P, Dalloz actualité, 23 mars 2021, obs. X. Delpech, qui juge que si l’avion atterrit sur un autre aéroport que celui initialement prévu, le transporteur aérien est tenu d’indemniser le passager, même en cas de retard inférieur à trois heures), qui est très favorable aux intérêts des passagers. Elle s’explique par l’objectif principal assigné par le règlement (CE) n° 261/2004 : « assurer un niveau élevé de protection des passagers » (consid. 1).

Ainsi, un problème technique survenu à l’aéronef ne constitue de telles circonstances, sauf si ce problème « découle d’événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective » (CJCE 22 déc. 2008, aff. C-549/07, Wallentin-Hermann, RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ). Il en est de même d’une « grève sauvage » du personnel navigant à la suite de l’annonce surprise d’une restructuration (CJUE 7 avr. 2018, aff. C-195/17, Krüsemann, Dalloz actualité, 15 mai 2018, obs. X. Delpech ; D. 2018. 1587 , note P. Dupont et G. Poissonnier ; ibid. 1412, obs. H. Kenfack ; JT 2018, n° 209, p. 15, obs. X. Delpech ). La solution avait fortement déplu, on s’en doute, aux compagnies aériennes. Une grève sauvage n’est-elle pas un événement imprévisible ? À l’évidence, non pour la Cour de justice, qui considère, en substance, que les risques découlant des conséquences sociales qui accompagnent des mesures de restructuration et réorganisation sont inhérents à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne. C’est dire que les dirigeants d’une compagnie aérienne qui décideraient d’une restructuration de cette dernière doivent anticiper toutes les conséquences qui...

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Auteur d'origine: Delpech

Condamné à indemniser la veuve et les filles d’un patient décédé en janvier 2013 suite à plusieurs épisodes de chocs septiques postérieurs à une opération subie en 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, l’hôpital a appelé en garantie la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), qui était son assureur jusqu’au 30 septembre 2013. La cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à sa demande.

Il résulte des articles L. 1142-2 du...

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Auteur d'origine: emaupin
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Louée pour la grande flexibilité qu’elle offre dans la gestion du temps de travail des cadres ou des salariés qui bénéficient d’un certain degré d’autonomie, la convention de forfait-jours est aujourd’hui bien ancrée dans les pratiques. Pour autant, les dangers d’un tel dispositif n’ont jamais été ignorés. Chacun sait l’importance accordée par le législateur à la problématique de la santé et sécurité au travail, la durée du travail et les temps de repos en étant une variable constante. Sur le principe, la convention de forfait-jours permet de déroger à la durée légale ou conventionnelle du travail sur la base d’un forfait établi sur l’année et décompté en jours. Le salarié n’étant pas soumis au respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, la mise en œuvre pratique du mécanisme de forfait-jours a rapidement laissé entrevoir des difficultés quant au suivi de la charge de travail du salarié.

Il est vrai que le salarié conserve le bénéfice des garanties offertes en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés payés et de jours fériés chômés dans l’entreprise. Il est également vrai que la conclusion d’une convention de forfait-jours est subordonnée à sa prévision par une convention collective de branche ou d’entreprise, laquelle est réputée encadrer les modalités de recours au dispositif. Toutefois, ces garde-fous se sont vite révélés insuffisants pour garantir une durée raisonnable de travail (v. en ce sens : CEDS, 11 décembre 2001, récl. n° 9/2000). Au visa des droits fondamentaux de l’Union européenne et des principes constitutionnels, la jurisprudence a alors renforcé ses exigences en conditionnant la validité de la convention de forfait-jours au niveau de garantie offert par les dispositions conventionnelles. La Cour de cassation a ainsi affirmé que la convention ou l’accord collectif instituant le recours au forfait-jours devait garantir le respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 P, D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 474, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ). À défaut, la convention de forfait-jours est nulle et le droit commun trouve à s’appliquer s’agissant notamment du décompte hebdomadaire de la durée du travail.

Dans le prolongement de cet arrêt, de nombreuses conventions et accords collectifs ont été mis en cause à raison des garanties insuffisantes offertes. Tel est notamment le cas des secteurs des industries chimiques (Soc. 31 janv. 2012, n° 10-19.807 P, D. 2012. 445 ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1765, chron. P. Bailly, E. Wurtz, F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier et A. Contamine ; Dr. soc. 2012. 536, obs. P.-H. Antonmattei ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ), du commerce de gros (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540 P, D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ), du notariat (Soc. 13 nov. 2014, n° 13-14.206, D. 2014. 2413 ; ibid. 2015. 104, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, S. Mariette, N. Sabotier et P. Flores ; RDT 2015. 195, obs. G. Pignarre ), de l’hôtellerie et restauration (Soc. 7 juill. 2015, n° 13-26.444) ou, plus récemment, des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs (Soc. 6 nov. 2019, n° 18-19.752 P, D. 2019. 2186 ; ibid. 2020. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2019, n° 609, p. 11, obs. D. Castel ; ibid. 2020, n° 612, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ). Par un arrêt du 24 mars 2021, la Haute juridiction poursuit sa démarche casuistique et se prononce sur l’accord du 23 juin 2000 applicable au secteur du bricolage. Si tant est qu’il le faille, la chambre sociale décortique son raisonnement en mobilisant, sans surprise, les textes européens et constitutionnels qu’elle a coutume d’invoquer : le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et bien sûr, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

La Cour de cassation estime que le cadre institué par l’accord n’est « pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail ». Dans le cas présent, l’accord se bornait à prévoir qu’il incombait au chef d’établissement de veiller « à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci ». En parallèle, il était simplement précisé qu’ils devaient bénéficier d’« un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives », qu’ils ne pouvaient « être occupés plus de six jours par semaine » et qu’ils devaient bénéficier d’« un repos hebdomadaire d’une durée de 35 heures consécutives ». Faute de prévoir un « suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable », l’accord est réputé incompatible avec le droit à la santé et au repos. La convention de forfait-jours conclut sur la base des dispositions litigieuses encourait donc la nullité. Contrairement à ce qu’avait jugé la cour d’appel, la salariée était fondée à obtenir un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires, de repos compensateurs et d’indemnité pour travail dissimulé.

Du fait de l’intervention postérieure du législateur (loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016) et de la possibilité reconnue à l’employeur de « sécuriser » les conventions de forfait-jours, il est peu probable que la jurisprudence continue à se densifier. Les conventions et accords collectifs ont, pour la plupart, été modifiés pour intégrer ces contraintes jurisprudentielles et mettre en place un dispositif de suivi de la charge de travail. Pour le reste, le code du travail organise aujourd’hui un cadre contraignant qui présente l’avantage d’être explicite. L’employeur et les partenaires sociaux sont formellement tenus d’assurer un contrôle et une répartition optimale du temps de travail ainsi qu’une meilleure articulation entre vies personnelle et professionnelle (C. trav., art. L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65), sans quoi le recours au forfait-jours est exclu.

Auteur d'origine: Dechriste
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Institué par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite loi « Macron »), le statut de défenseur syndical a permis de clarifier les conditions de recrutement, de formation et de travail des délégués des organisations syndicales jusqu’alors habilités à représenter gratuitement les salariés en justice (les « délégués permanents ou non permanents des organisations syndicales ouvrières ou patronales »). Aux termes de l’article L. 1453-4 du code du travail, le défenseur syndical « exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale ». Cela suppose qu’il figure sur une liste établie tous les quatre ans par le DIRECCTE (DREETS depuis le 1er avril) sur proposition des organisations syndicales et patronales représentatives. Au titre de son mandat, le défenseur syndical bénéficie du statut protecteur instauré par l’article L. 1453-1 A du code du travail.

Le défenseur syndical figure donc sur la liste limitative des personnes habilitées à assister ou représenter les parties devant le conseil de prud’hommes. Il en va également ainsi du conjoint, du partenaire lié par un PACS ou du concubin, des salariés ou des employeurs appartenant à la même branche d’activité et, bien entendu, des avocats (C. trav., art. L. 1453-1 A). Il convient toutefois de noter que la représentation par un avocat ou un défenseur syndical est obligatoire en appel (C. trav., art. R. 1461-1 et R. 1461-2). S’il est le seul à pouvoir représenter une partie en cause d’appel, outre un avocat, le défenseur syndical doit néanmoins disposer d’un mandat spécial de représentation. À cet égard, la question s’est posée de savoir si un salarié, défenseur syndical et partie à une instance prud’homale, pouvait assurer sa propre représentation devant la cour d’appel. Dans un arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale s’y refuse et nous livre les clés d’intelligibilité.

En l’espèce, un salarié, par ailleurs défenseur syndical, avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. À la suite d’une ordonnance rendue le 16 novembre 2018, le salarié avait, seul, interjeté appel de la décision rendue en première instance. Dans ce contexte, la cour d’appel avait invité les parties à s’expliquer sur le moyen de nullité de la déclaration d’appel tiré de ce que le salarié assurait sa propre représentation en appel. Par un arrêt rendu en référé le 18 juin 2019, la cour d’appel de Besançon déclarait nulle la déclaration d’appel formée et déposée par le salarié en son nom. Estimant qu’il lui était possible de se représenter lui-même en justice à raison de son statut de défenseur syndical, le salarié formait un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la nullité de la déclaration d’appel. La chambre sociale livre sa solution de manière extrêmement pédagogique. Suivant les dispositions des articles R. 1461-2 et L. 1453-4 du code du travail, la Cour relève d’abord que « l’appel porté devant la chambre sociale de la cour d’appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire », les parties étant tenues de « s’y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical ». Aux termes de l’article 411 du code de procédure civile, la représentation en justice est fondée sur un mandat, lequel est défini par le code civil comme l’« acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Par nature, le mandat implique un lien interpersonnel jugé incompatible avec la possibilité d’assurer sa propre représentation en justice : le défenseur syndical, exerçant un mandat de représentation en justice, ne pouvait pas « confondre en sa personne les qualités de mandant et de mandataire ». Suivant le même raisonnement, la chambre sociale aurait pu admettre que le défenseur syndical avait implicitement ratifié le mandat qu’il s’était donné à lui-même pour interjeter appel d’une décision à laquelle il était partie. Ce n’est toutefois pas la logique suivie par la haute juridiction.

Une lecture combinée de ces dispositions amène la chambre sociale à trancher en défaveur du demandeur au pourvoi : « un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud’homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice ». Quand bien même il pouvait justifier de son statut de défenseur syndical, il appartenait au salarié de constituer avocat ou de choisir un défenseur syndical afin d’être représenté en cause d’appel. À défaut d’avoir donné mandat à un autre défenseur syndical, le salarié n’était pas admis à former et déposer la déclaration d’appel, dont la nullité est confirmée. Sur ce point, la solution ne surprend guère : on sait de longue date que le défaut de mandat de représentation constitue une irrégularité de fond sanctionnée par la nullité (Soc. 5 mars 1992, nos 88-45.188 et 88-45.190).

D’un point de vue strictement pratique, et si l’on tient compte des aménagements prévus à l’article 930-2 du code de procédure civile, rien ne semblait faire obstacle à ce que le défenseur syndical puisse mener lui-même à bien sa représentation. À cet égard, le salarié faisait valoir l’existence d’une restriction injustifiée du droit d’accès au juge (Conv. EDH, art. 6, § 1). Reprenant à son compte la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation précise qu’il en va du respect des principes de bonne administration de la justice et d’efficacité de la procédure d’appel.

La solution fait écho à la jurisprudence rendue par le Conseil d’État s’agissant de la représentation en justice de l’avocat. Il avait ainsi été admis que la définition du mandat (là encore par référence à l’article 1984 C. civ.) et le principe d’indépendance de l’avocat faisaient obstacle à ce que ce dernier se représente lui-même dans une instance à laquelle il était personnellement partie : « ces dispositions relatives au mandat, ainsi que le principe d’indépendance de l’avocat, impliquent nécessairement que l’avocat soit une personne distincte du requérant, dont les intérêts personnels ne soient pas en cause dans l’affaire, et font obstacle à ce qu’un requérant exerçant la profession d’avocat puisse, dans une instance à laquelle il est personnellement partie, assurer sa propre représentation » (CE 22 mai 2009, req. n° 301186, Manseau, Lebon ; AJDA 2009. 1073 ). Dès lors qu’un avocat engagé à titre personnel dans un procès ne peut postuler pour lui-même, le cheminement suivi par la Cour de cassation paraît tout à fait audible.

Auteur d'origine: Dechriste

La progression de l’épidémie de covid-19 a conduit le gouvernement à réactiver, dès le mois d’octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national jusqu’au 1er juin 2021. Dans le cadre de cette législation, un décret n° 2021-296 du 19 mars 2021 est intervenu pour modifier le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et pour instaurer, dans une première liste de dix-neuf départements en situation sanitaire critique, des restrictions de déplacement en journée ainsi qu’un couvre-feu – ces mesures ayant, depuis lors, été étendues à l’ensemble du territoire national. Ces nouvelles restrictions s’appliquent à toute personne résidant dans les départements concernés, sans distinction ou exception dérogatoire pour les personnes bénéficiant de la campagne de vaccination nationale.

Aussi le 22 mars 2021, un retraité de 83 ans demeurant dans un des départements soumis à ces obligations a saisi le Conseil d’État d’un référé liberté, présenté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin de lui demander de suspendre l’exécution des mesures de restriction de déplacement en tant qu’elles s’appliquent également aux personnes vaccinées. Le requérant soutenait que...

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Auteur d'origine: pastor

Aux termes de l’ordonnance de renvoi, les 16 prévenus cumulaient à eux tous 81 chefs de prévention. Mais mardi dernier, la procureure a requis, outre une requalification, 54 relaxes (sans compter les resserrements de périodes de prévention). L’édifice qui demeure est baroque, puisque les liens entre complices et auteurs principaux sont aussi distendus que ceux entre recels et infractions originaires. Depuis le début du procès, la CFO qui représente la personne morale est au centre de la première ligne des avocats de la défense, de sorte que, visuellement, tous l’entourent, y compris ceux qui la mettent en cause. Ses coprévenus sont installés en retrait, dans la salle. C’est au tour de leurs avocats respectifs de plaider.

Commençons par les quatre policiers renvoyés pour avoir consulté l’ancien fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées). Alain a voulu filer un coup de main à son « cousin de Corse » : son avocat insiste sur le fait qu’il « ne connaît personne dans cette salle, et personne ne le connaît ». À propos du cumul de deux préventions (divulgation de données sensibles et violation du secret professionnel), il parle de « pléonasme judiciaire ». Certes, Alain a procédé à 167 consultations (« ça fait beaucoup »), mais n’en a tiré aucun bénéfice et n’avait « aucune quelconque volonté de nuire à ces gens ». Il poursuit sur le sens d’une peine d’emprisonnement avec sursis (la procureure a requis deux ans) : « Comment voulez-vous qu’à la retraite, dans ses montagnes corses, il consulte [à nouveau] des fichiers ? » L’avocat d’un autre policier dénonce « le vide sidéral en termes d’administration de la preuve » pour requérir la relaxe. Un confrère évoque « un procès en sorcellerie » et insiste sur la collaboration à l’enquête et les états de service (presque) irréprochables de son client. Un autre explique qu’on ne peut plus reconstituer exactement qui a fait quoi et invoque « la jurisprudence du tribunal qui n’en a pas » pour lui demander de « faire preuve de modération ».

Direction le magasin d’Avignon (Vaucluse), avec l’avocat de Patrick, ancien directeur et « cousin de Corse » d’un policier. Il estime que les échanges entre eux étaient de l’ordre du commentaire, et ne portaient donc pas vraiment sur des données personnelles : « Peux-tu jeter un œil ? », demandait l’un ; « Rien de méchant », répondait l’autre. L’avocat de Fabrice, responsable sécurité du magasin, commence par expliquer que « la France a inventé la protection des données personnelles, avec la loi de 1978 ». Ce qui, au demeurant, est inexact : c’est plutôt le Land de Hesse (Allemagne). Toujours est-il qu’il insiste sur l’imprécision de la réponse reçue par son client (« quatre personnes connues »). « Très subsidiairement », il plaide la dispense d’inscription au B2.

Passons au magasin de Reims (Marne). Le conseil de son directeur, Richard, prend la précaution de plaider sur les cinq préventions « abandonnées » par le parquet. Avant de demander au tribunal d’écarter les deux qui restent, tout en faisant mine de s’auto-objecter un principe inédit : « Relaxe sur relaxe ne vaut. » Il précise que les 203 candidats figurant sur la liste qui concerne son client ont tous été embauchés. Ajoute, à l’attention des syndicats parties civiles : « Vous défendez les salariés, c’est bien, mais vous n’avez pas pensé au simple salarié qu’était Richard. Il était des vôtres. » L’avocat du responsable sécurité du magasin, Clarel, plaide la relaxe, mais avec deux subsidiaires : dispense de peine et non-inscription au B2.

On en vient à Jean-Pierre, le patron de la société qui a fourni de « vrais faux » STIC recueillis par le biais de son fameux (et fumeux) logiciel Pegase. Contre lui, la procureure a requis deux ans, dont un avec sursis, pour trois chefs de prévention (sur les sept de l’ordonnance). « On a beaucoup rigolé avec cette histoire de Pegase », attaque son avocat : « Mon opinion, c’est qu’il est beau, il court vite, il a de jolies ailes, il vole, mais c’est un mythe. » Faisant allusion à la récente saisie de pseudo-cachets de MDMA, en fait de simples bonbons, il ajoute : « C’était du “STIC Tagada”. Du sucre, du vent. […] À un moment, il va même falloir se poser la question de le poursuivre pour escroquerie. » Selon lui, le seul lien que l’on puisse établir entre son client et un policier, c’est avec un certain Gaston, placé sous le statut de témoin assisté avant de bénéficier d’un non-lieu : « Il ne peut pas être complice d’une personne qui a été mise hors de cause […], ça n’a aucun sens. » L’avocat ajoute, bravache : « Je ne produis pas d’éléments de personnalité [car] il sera relaxé, et ce sera justice. »

On se rapproche de la société avec Dariusz, le directeur administratif et financier (DAF) qui a contresigné plusieurs factures émises par Jean-Pierre « Pegase ». Son avocat reprend les préventions : « L’élément intentionnel, s’agissant de mon client, repose sur trois lignes de la quatrième des six versions d’un coprévenu, je ne pense pas que vous ayez un standard de preuve satisfaisant. » D’autant que quatre autres coprévenus disent l’inverse : « Pourquoi leurs déclarations auraient-elles moins de poids ? » Il revient enfin sur le contrôle limité du contresignataire d’une facture, et sur le principe même de la poursuite d’un DAF pour son simple contreseing : « Ce serait le poste le plus exposé d’une société, plus encore que celui de PDG. »

« J’ai une affection toute particulière pour les journalistes, même si j’en poursuis beaucoup », commence l’avocat de Claire, ancienne DRH dont la procureure a requis la relaxe intégrale. Propos liminaire de pure forme, puisque tout ce que la salle compte de cartes de presse (et de parties civiles) se fait copieusement engueuler pendant une bonne demi-heure. « Je vais tout de même faire un petit peu de droit », lance-t-il : « Cette matière que des avocats qui l’ignorent tentent d’enseigner à des magistrats qui l’ont oubliée. » Il ajoute : « Une poursuite doit être intelligible à un prévenu, parce que l’avocat n’est pas obligatoire. Or elle ne peut comprendre quoi que ce soit à ce gloubi-boulga. » Il entrecoupe ses phrases d’incises tellement longues qu’au moment où il les termine, on ne se souvient plus comment elles avaient commencé. Puis conclut : « Vous la relaxerez, mais pas seulement. Vous la réhabiliterez. »

On en vient à Sylvie, directrice adjointe de la gestion du risque. Selon son avocate, « l’enquête a bien établi la répartition des rôles. La prérogative de ma cliente, c’était l’hygiène et la sécurité, […] elle n’intervenait que de manière totalement résiduelle dans le domaine […] de la sûreté ». À propos d’échanges d’informations au sein du service, elle ajoute : « On dit que c’était un open space, mais on ne demande pas une condamnation […] sur la base de la disposition d’un bureau. » Elle poursuit sur le directeur du service : « Il joue à la victime, lâchée par son adjointe. Il inverse complètement les rôles. Il était son supérieur, elle obéissait à ses directives et lui rendait compte […]. Il avait l’obligation professionnelle, pour ne pas dire morale, de ne pas lui demander de faire quelque chose d’illégal. »

On passe à l’avocat de Jean-Louis, directeur général au début de la période de prévention. Il pointe les nombreuses imprécisions rédactionnelles de l’ordonnance de renvoi concernant son client, puis ajoute : « Lorsqu’il dit qu’il ne savait rien, on peut le croire ou ne pas le croire, ce n’est pas le problème. Ce qu’il dit est possible. » Il plaide ensuite… un adage de droit romain : testis unus, testis nullus (« un seul témoin, pas de témoin »). Et d’ajouter : « C’est encore pire quand [c’est] un coprévenu. » Il revient sur les réquisitions de la procureure (« une peine qui marque sa vie ») pour en prendre le contre-pied : « Le sens de la peine, selon le code, ce n’est pas de marquer au fer rouge. »

Avance l’avocat de Stefan, qui a succédé à Jean-Louis à la tête de la filiale française en cours de prévention, et dont le parquet a requis la relaxe pure et simple. Lui insiste sur le choc des cultures à l’arrivée de son client en France : « Ce qui est interdit en France, pour nous, c’est une évidence. Mais croyez-vous que ce soit une évidence partout dans le monde ? » Il fait un parallèle : « Préparer un témoin […], pour nous, c’est une subornation. Dans d’autres contrées, ne pas le préparer serait une faute professionnelle. » Il revient à la connaissance de son client : « Personne ne l’informe : un, que ça existe ; deux, que c’est illégal. »

On arrive aux avocats des deux principaux antagonistes du dossier : Jean-François, le directeur de la gestion du risque, et la personne morale. Le premier fait mine de saluer « une défense magnifiquement organisée, dans un concert superbe, chacun jouant sa partition sous le contrôle d’un chef d’orchestre », qui n’est autre que le second. En retour, ce dernier lui donne du « mon contradicteur », alors qu’ils sont du même côté de la barre. Commençons donc par l’avocat de Jean-François, qui tente de démonter la thèse d’une initiative personnelle. Il cite plusieurs déclarations de coprévenus et de témoins, dont il ressort que ce dernier serait « un bon petit soldat ». Qu’avec son adjointe, « ils avaient l’habitude de se couvrir et, dans chaque action, […] d’informer leur hiérarchie avant et après ». Qu’ils étaient tous deux « de bons exécutants ». « Il a un certain nombre de qualités pour le poste », poursuit l’avocat : « Il a une certaine rigidité, et il rend compte. Et puis il est discret. […] Et même trop. S’il avait envoyé un mail à chaque fois, il ne serait pas devant votre juridiction à porter ce fardeau. »

Il résume ce qui constitue selon lui la solution d’Ikea pour faire taire les fortes têtes, et notamment les syndicalistes : « On brise, et si on ne peut pas, on paye. Et si on ne peut pas payer, on brise quand même. » Il passe ensuite en revue les deux préventions retenues par le parquet. La collecte : « On en revient à la thèse de départ sur ce que Jean-Pierre a vendu ou pas. Du vent ? Des fraises Tagada ? On sait aussi que mon client ne fait pas de collecte dans les fichiers RH, puisqu’il n’y a pas accès. » Le recel (habituel) de divulgation : « Les auteurs poursuivis pour [sont] uniquement des policiers, […] or on n’a aucun lien avec eux. » Sur cette seconde infraction, il note au passage que « la poursuite ne peut être exercée que sur plainte de la victime », ce qui n’est pas le cas ici.

Dernier avocat à plaider dans ce procès, celui de la personne morale. Il revient d’abord sur l’éviction du précédent : « Il ne s’agissait pas de sacrifier le bouc émissaire, mais d’appliquer des règles managériales habituelles dans ce type de situation. » Puis passe aux réquisitions de la procureure, selon lesquelles les lacunes du dossier et de l’ordonnance « n’amoindrissent pas la responsabilité des personnes que vous avez à juger dans ce dossier » : « Je suis d’accord [avec elle], ça n’amoindrit pas cette responsabilité. Ça l’exclut. » Il revient sur la responsabilité pénale des organes ou représentants, en martelant : « On est sur des infractions “in-ten-tio-nnelles”. On vous a dit qu’ils étaient menteurs ou incompétents, mais ils ont parfaitement le droit de mentir, et l’incompétence n’est pas un élément constitutif. » Sur le dossier lui-même, il avance : « J’ai l’impression qu’un virus a frappé un certain nombre d’acteurs de ce dossier, celui de la paresse intellectuelle et juridique. Puisque les médias avaient pris le parti de David contre Goliath, pourquoi s’embêter à faire du droit ? »

Il rebondit ensuite sur l’extension de la période de prévention : « Ce ne sont pas des infractions occultes, et comme on ne nous a pas permis […] d’en discuter avant la clôture des débats, c’est réglé. » Sur l’absence de contrôle lors de la contresignature des factures, il rejette la faute sur Jean-François, le directeur de la gestion du risque : « Il nous explique qu’ils ont tous été incompétents parce qu’ils n’ont rien vérifié, mais c’est lui qui s’est fait embourber 187 000 € pour du vent. » Après quelques considérations sur le recel, il sort une botte secrète : la société a été renvoyée sous sa forme sociale actuelle, celle d’une SAS représentée par des personnes physiques. Or, sur la période de prévention, il s’agissait d’une SNC représentée par des personnes morales. Il explique ensuite : « Normalement, quand on plaide la relaxe, on ne plaide pas la peine. Mais à treize millions de dommages et intérêts et deux millions d’amende, je vais quand même en dire un mot. » Avant de conclure par une citation (au mieux) apocryphe : « L’avocat ferait n’importe quoi pour gagner un procès. Parfois, il dirait même la vérité. »

Du début de la procédure, en 2012, jusqu’aux derniers instants du procès, tous les acteurs du dossier auront donc « refusé l’obstacle » des données personnelles. On tiendrait presque le début d’une histoire drôle : des travaillistes, des affairistes et des pénalistes se retrouvent devant une chambre « éco-fi »… de quoi parlent-ils ? Réponse : de tout, sauf de droit des données. Délibéré au 15 juin 2021.

 

 

Sur le procès Ikea, Dalloz actualité a également publié :

• Procès Ikea : ouverture et premiers interrogatoires, par Antoine Bloch le 25 mars 2021

• Procès Ikea : « On m’a laissé tout seul comme une merde me débrouiller », par Antoine Bloch le 29 mars 2021

• Procès Ikea : « Sont-ils des menteurs, ou simplement des incompétents ? », par Antoine Bloch le 1er avr. 2021

Auteur d'origine: Thill

L’affichage et la diffusion de communications syndicales sont une modalité incontournable de l’exercice du droit syndical dans l’entreprise. S’exerçant dans le cadre de la section syndicale, cette faculté d’expression ne s’en trouve pas moins encadrée par des règles assez précises définies aux articles L. 2142-3 et suivants du code du travail. Celles-ci bornent son exercice dans le cadre de l’entreprise. Mais qu’advient-il lorsqu’il est question de salariés n’exerçant pas leur travail au sein de l’entreprise originaire, mais au sein d’une entreprise utilisatrice dans le cadre d’une mise à disposition ? Telle était précisément le cas dans l’arrêt du 17 mars 2021 présentement commenté.

En l’espèce, un syndicat de pilotes de la compagnie Air France a assigné ladite compagnie ainsi que la société Transavia appartenant au même groupe pour qu’il soit ordonné que les pilotes d’Air France détachés à Transavia France puissent prendre connaissance des tracts et publications syndicales diffusés par le syndicat.

Débouté de sa demande par les juges du fond, le syndicat s’est pourvu en cassation en faisant valoir qu’Air France n’était pas en droit de lui interdire de diffuser de l’information syndicale par voie électronique aux salariés mis à disposition de la société Transavia, la première n’ayant aucun pouvoir de contrainte sur la seconde. La cour d’appel avait en effet assis son raisonnement sur le fait que l’employeur initial ne détenait aucun pouvoir pour contraindre la société utilisatrice à procéder à la diffusion d’une information syndicale en son sein.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, a invalidé le raisonnement de la cour d’appel. Elle a, en effet, au visa des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 et L. 2314-23 du code du travail, affirmé que les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale au sein de l’entreprise peuvent diffuser des communications syndicales aux salariés de l’entreprise. Les salariés mis à disposition d’une entreprise extérieure, qui demeurent rattachés à leur entreprise d’origine, doivent en effet pouvoir accéder à ces informations syndicales. La haute juridiction pose clairement une obligation à l’égard de l’employeur : celle de...

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Auteur d'origine: Dechriste

La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause le lundi de Pâques. 

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Auteur d'origine: Dargent
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L’ambition affichée par le Parlement européen dans sa résolution du 10 mars 2021 s’inspire de la loi française (Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre). Le devoir de vigilance prend progressivement pied dans le débat juridique. Il s’agit d’imposer à certaines sociétés la vigilance sur l’activité de leur sphère d’influence (sous-traitants, fournisseurs, filiales, etc.) concernant le respect de certains droits essentiels. Les sociétés concernées sont qualifiées de « sociétés dominantes » en raison du pouvoir qu’elles détiennent sur d’autres acteurs économiques.

La montée en puissance du devoir de vigilance de la société dominante s’effectue en trois étapes : 1) le temps des mesures volontaires ; 2) le temps des premières obligations ; 3) le temps de l’effectivité. L’adoption d’une directive européenne pourrait en constituer l’aboutissement dans le cadre continental.

Le temps des mesures volontaires. Conscientes des enjeux, de nombreuses sociétés dominantes ont adopté une démarche volontaire de vigilance. Une caractéristique commune émerge : la valeur juridique incertaine de ces engagements. Accompagnés par plusieurs organisations internationales (not. l’OCDE [« Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales », 25 mai 2011] et l’ONU [« Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », Haut-Commissariat aux droits de l’homme, 2011], ils constituent du « droit mou » dont l’effectivité est questionnée. Leur dépassement est rapidement apparu comme une nécessité.

Le temps des premières obligations. L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 constitue un point de rupture. L’intervention du « droit dur », apparaissant désormais comme un impératif, prend forme dans les lois françaises (loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre) et néerlandaise (Wet van 24 oktober 2019 n. 401 houdende de invoering van een zorgplicht ter voorkoming van de levering van goederen en diensten die met behulp van kinderarbeid tot stand zijn gekomen [loi relative à l’introduction d’un devoir de diligence pour empêcher la fourniture de biens et de services provenant du travail d’enfant]). Au niveau international, l’ONU entame des démarches pour la mise en place d’un « instrument international juridiquement contraignant ». Toujours en cours, elles ne semblent pas en mesure d’aboutir à court terme. L’Union européenne (UE) montre également sa détermination à s’engager, tout d’abord au moyen d’une démarche sectorielle (Règl. [UE] n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil « établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché », 20 oct. 2010 ; Règl. [UE] 2017/821 du Parlement européen et du Conseil « fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque », 17 mai 2017), complétée par de strictes obligations de reporting non financier (Dir. 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil, 22 oct. 2014, modifiant la dir. 2013/34/UE).

Le temps de l’effectivité ? Après ces premières étapes, des voix s’élèvent afin d’aller plus loin. Elles ont été entendues par le Parlement européen qui se saisit désormais du sujet avec une ambition renouvelée. La résolution adoptée le 10 mars 2021 le démontre. Celle-ci est complétée d’un projet de directive clé en main qui pourrait servir de base de réflexion à la Commission. La directive s’inspirerait largement de la loi vigilance française. Sa philosophie serait identique et la méthode retenue similaire. Il s’agirait d’imposer à la société dominante : 1) d’identifier au sein de sa sphère d’influence les activités à risque concernant « les droits de l’homme, l’environnement et la bonne gouvernance » ; 2) de mettre en place une « stratégie de vigilance » en y associant les « parties prenantes » ; 3) d’assurer la publicité de cette stratégie. La société dominante serait tenue de prendre « toutes les mesures de précaution requises […] pour éviter le préjudice » subi en raison de manquements aux droits humains/environnementaux, soit une obligation de moyens. Le lien avec le droit français est évident. Celui-ci impose aux « sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre » d’établir, publier et mettre en œuvre un plan de vigilance comprenant « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » (C. com., art. L. 225-102-4).

Pourrait aboutir une forme de consécration européenne de l’initiative du législateur français. Une nuance s’impose. Ses failles et difficultés de mise en œuvre, mises en lumière par de nombreux commentateurs, semblent avoir été prises en compte par le projet de directive. Celle-ci apporterait de sensibles améliorations en faveur de la dimension contraignante du devoir de vigilance. Il s’agirait notamment :

De définitions rigoureuses : l’article 3 du projet de directive est consacré aux « définitions » : parties prenantes, fournisseurs, sous-traitants, etc. Il est ainsi donné des contours précis aux termes utilisés. Cette démarche est essentielle en raison de l’utilisation d’expressions non juridiques issues de la RSE. La loi vigilance est apparue comme défaillante et largement perfectible sur ce point (V. not., Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, D. 2017. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; Constitutions 2017. 234, chron. P. Bachschmidt ; ibid. 291, chron. B. Mathieu ).

D’une association obligatoire des parties prenantes : l’article 5 du projet de directive garantirait « le droit pour les syndicats […] et pour les représentants des travailleurs, d’être associés de bonne foi à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de vigilance de leur entreprise ». Plus généralement, l’association des parties prenantes ne serait pas une option pour la société dominante mais une obligation. Cela n’est pas le cas dans la loi vigilance : « les dispositions selon lesquelles le plan de vigilance « a vocation » à être élaboré avec les « parties prenantes de la société » ont une portée incitative » (Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, préc.).

D’une autorité indépendante chargée de veiller au respect du devoir de vigilance : l’article 12 du projet de directive imposerait la désignation « d’une ou plusieurs autorités nationales compétentes chargées de surveiller l’application de la directive, une fois transposée en droit national […] ». Cette autorité de surveillance devrait être indépendante et disposer de ressources, d’une infrastructure, de l’expertise et de locaux adéquats. Il lui serait accordé un large pouvoir d’enquête et de sanction (art. 13). Dans le cadre de la loi vigilance, cette autorité n’existe pas malgré l’habitude du droit français à recourir à un tel mécanisme (v. l’agence française anticorruption (AFA) de la loi Sapin II (loi n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique). Il s’agit de l’une de ses principales failles, utilement corrigée par le projet de directive.

De sanctions administratives : l’article 18 du projet de directive imposerait, en cas de manquement au devoir de vigilance commis par la société dominante, des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ». Il est précisé que « les autorités compétentes nationales peuvent en particulier infliger des amendes calculées sur la base du chiffre d’affaires d’une entreprise […] ». Le mécanisme de l’amende s’inspire de la loi vigilance adoptée définitivement par l’Assemblée nationale. Il y était prévu que « le juge [puisse] condamner la société au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ». Cette amende civile a été censurée par le Conseil constitutionnel en raison de l’imprécision des termes retenus par le législateur (Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, préc.). En cas de transposition de la directive, il devra se montrer plus exigeant. L’amende permettrait de suppléer les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre du devoir de vigilance. En parallèle des sanctions, l’article 13 du projet de directive imposerait un sévère pouvoir administratif de suspension temporaire de l’activité de la société dominante en cas de manquement grave au devoir de vigilance. La loi vigilance permet simplement au juge d’ordonner sous astreinte un respect des obligations (C. com., art. L. 225-102-4).

D’une présomption de responsabilité en cas de préjudice : en raison du caractère « de moyens » du devoir de vigilance, la responsabilité civile associée est nécessairement du fait personnel. Il s’agit de déterminer si le manquement de la société dominante à son devoir de vigilance est en causalité avec le préjudice subi par un tiers. La loi vigilance opère une référence directe aux articles 1240 et 1241 du code civil (C. com., art. L. 225-102-4). Si le projet de directive confirme le recours à la responsabilité civile du fait personnel, il envisage un mécanisme innovant de présomption réfragable de responsabilité (art. 19). Il ne s’agirait plus pour le tiers de prouver la causalité d’une faute avec le préjudice subi, mais à la société dominante de démontrer avoir « pris toutes les mesures de précaution requises […] pour éviter le préjudice, ou que le préjudice se serait produit même si toutes les précautions nécessaires avaient été prises », soit une obligation de moyens renforcée.

De la qualification de loi de police : selon l’article 20 du projet de directive, « les États membres veillent à ce que [s]es dispositions […] soient considérées comme des dispositions impératives dérogatoires au sens de l’article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 », dit « Rome II ». Il s’agirait d’imposer de manière heureuse la qualification de loi de police (et de sûreté) au devoir de vigilance afin de garantir son déploiement au-delà des frontières européennes. Cette précision, sollicitée par de nombreux acteurs, a été écartée sans véritable explication par le législateur français dans le cadre de la « loi vigilance ».

En conclusion : le chemin vers un devoir de vigilance européen de la société dominante sera long. La résolution adoptée par le Parlement le 10 mars 2021 démontre une volonté politique. Les prochains mois permettront de savoir si celle-ci se traduira en actes.

Auteur d'origine: Thill
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Au cinquième jour du procès, plaidoiries des parties civiles. Dont, semble-t-il, une nette majorité de « prud’homalistes » : « Cette pâte humaine que l’on retrouve quasi-exclusivement dans les juridictions pénales, je l’avais un peu oubliée », confesse un avocat. Il est beaucoup question de contexte, de « RSE », pour ainsi dire : « Vous avez été aveuglés par votre haine du syndicalisme ». Et bien sûr, du storytelling de l’enseigne : « Ikea, c’est une promesse de jardin d’Eden, mais c’est le royaume d’Hadès ». Certains en profitent pour tirer une nouvelle fois à boulets rouges sur la décennie de procédure : « Rétrospectivement, le parquet de Versailles n’était peut-être pas calibré pour ce dossier ». Pour resserrer sur les faits, un avocat précise que « ce qui choque, c’est vraiment le déni […] face à une pathologie, une addiction […], qui consiste à collecter des données personnelles ». D’autres insistent sur le caractère exemplaire de ce procès, parfois par des moyens détournés : « On est sur quelque-chose de très banal, un secret de polichinelle. Ce qui se passe chez Ikea se passe aussi dans d’autres grands groupes, […] mais quand on le pratique à une échelle industrielle, c’est […] intolérable ». Un autre avocat demande justement au tribunal de donner un « écho maximal » à sa décision à intervenir, en ordonnant « sa publication dans plusieurs supports de presse ».

Plusieurs tiennent à égrener les noms de leurs clients, « parce que ce n’est pas un dossier, ce sont pas des listes. Ce sont des gens ». En réparation de...

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Auteur d'origine: Thill

Cette décision permet de rappeler le caractère central de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE). La formalité de la DPAE a été créée par la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 qui prévoyait que « l’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après la déclaration nominative effectuée par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet ». Cette formulation a été reproduite in extenso dans l’article L. 1221-10 du code du travail. La DPAE est donc en effet essentielle en ce qu’elle constitue un dispositif de lutte contre les différentes formes de travail dissimulé. Au-delà de cet intérêt, elle permet de faire présumer l’existence d’un contrat de travail qui ouvre droit au salarié le bénéfice de l’ensemble des droits (notamment affiliations aux assurances maladie et de chômage) et obligations prévus par le code du travail et facilite ainsi les contrôles opérés par l’inspection du travail.

La question posée à la Haute juridiction concerne l’articulation entre le formulaire A1 et la DPAE. En l’espèce, le procureur de la République de Saint-Malo a diligenté une enquête préliminaire sur des faits d’exercice illégal en France d’une activité d’entreprise de travail temporaire à l’encontre de la société Mistral intérim. L’enquête, initialement ouverte pour travail dissimulé, a par la suite été élargie aux infractions d’abus de biens sociaux et de faux et usage. Condamnés en appel, les personnes poursuivies ont formé un pourvoi en cassation au motif qu’ils avaient fourni les certificats A1, à l’égard des travailleurs concernés. Ils considèrent ainsi que les juges du fond qui ont constaté les certificats en cause émis par les autorités slovaques attestant que les travailleurs détachés par elle en France disposaient d’une protection sociale dans leur pays d’origine. Par conséquent, ils soutiennent qu’en les condamnant néanmoins pour travail dissimulé pour défaut de déclaration aux organismes de sécurité sociale français et complicité de cette infraction, sans constater l’existence d’une fraude, la Cour d’appel aurait violé l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux...

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Auteur d'origine: Fraisse

La logique du business à tout prix peut vite montrer ses limites. Le directeur commercial d’une entreprise d’armement l’a appris à ses dépens, licencié pour avoir organisé un rendez-vous de signature d’un contrat international avec un distributeur basé aux Émirats arabes unis, alors que les vérifications préalables n’avaient pas été effectuées.

La procédure interne en vigueur dans cette entreprise exige en effet, avant chaque signature d’un contrat avec un partenaire commercial export, d’obtenir la validation des différents services, dont celle de la direction du développement international chargée...

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Auteur d'origine: Thill
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« Négro » à l’encontre d’un salarié de couleur, « grosse vache » à une salariée enceinte, « V’là de la chair fraîche, on va la violer » à propos d’une jeune stagiaire… la décision d’appel qui accordait à la salariée à l’origine de ces propos plus de 30 000 € d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devait faire l’objet d’une cassation. C’est le sentiment que l’on a à la lecture de la motivation, lapidaire, de la décision rendue le 17 mars 2021 par la chambre sociale. Mais un arrêt d’opportunité ne fait généralement pas l’objet d’une publication sur le site de la Cour… il y a donc plus.

En l’espèce, la salariée à l’origine de ces propos a été mise à pied le 22 septembre 2014 à la suite d’une dénonciation, par les délégués du personnel auprès de l’employeur, de faits de harcèlement. Ensemble, ils conviennent de la mise en place d’une cellule psychologique et d’une enquête, menée par une entreprise externe spécialisée dans les risques psychosociaux. Les auditions des salariés victimes et des témoins ont été menées les 25 septembre et 1er octobre 2014, et le licenciement de la salariée pour faute grave prononcé quant à lui le 13 octobre 2014.

L’arrêt d’appel estime que l’enquête, parce qu’elle a été menée par un cabinet externe et sans en informer préalablement la salariée à l’origine des faits de harcèlement, constitue un procédé de preuve déloyal au regard de l’article L. 1222-4 du code du travail. Cet article impose en effet depuis une loi du 31 décembre 1992 (prenant acte de la jurisprudence Neocel du 20 novembre 1991, n° 88-43.120, D. 1992. 73 , concl. Y. Chauvy ; Dr. soc. 1992. 28, rapp. P. Waquet ; RTD civ. 1992. 365, obs. J. Hauser ; ibid. 418, obs. P.-Y. Gautier ) qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

Dans sa décision du 17 mars 2021, la chambre sociale juge que la cour d’appel a fait une fausse application de l’article L. 1222-4 et du principe de loyauté. Après avoir rappelé le contenu de l’article L. 1222-4 et la déloyauté des dispositifs de contrôle clandestins, la Cour de cassation estime qu’« une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ».

Ce qu’elle n’explique pas en revanche dans sa motivation, c’est pourquoi l’article L. 1222-4 ne serait pas applicable.

On peut se demander si un texte spécial concernant le harcèlement justifierait d’écarter les dispositions générales de l’article L. 1222-4 du code du travail. Or, en matière de harcèlement, l’aménagement de la preuve prévu à l’article L. 1154-1 du code du travail ne profite qu’à la victime. L’employeur qui entend fonder un licenciement sur la faute du salarié harceleur doit prouver les faits de harcèlement, il ne peut se fonder sur une simple présomption de harcèlement (Soc. 7 févr. 2012, n° 10-17.393, Dalloz actualité, 21 févr. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 506  ; RJS 2012. 273, n° 301 ; Dr. ouvrier 2012. 370, obs. P. Adam ; JSL 2012, n° 319-4, obs. Tourreil). Il n’y a donc pas de spécificité liée aux faits de harcèlement reprochés au salarié qui pourrait justifier la non-application de L. 1222-4.

Est-ce alors parce qu’il ne s’agirait pas à proprement parler d’un « dispositif » de collecte d’« informations personnelles » ? Jusqu’ici, la Cour a toujours estimé qu’une enquête était soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4. Avec néanmoins quelques nuances selon que l’enquête était réalisée par les services RH et cadres de l’entreprise ou, au contraire, confiée à une entreprise externe. Dans le premier cas, nul besoin d’en avertir le salarié, le pouvoir de contrôle relevant des prérogatives normales de l’employeur (ne constitue pas un mode de preuve illicite, même en l’absence d’information préalable du salarié, la simple surveillance de ce dernier sur les lieux du travail par son supérieur hiérarchique, v. Soc. 26 avr. 2006, n° 04-43.582, D. 2006. 1330, obs. E. Chevrier ; ou par un service interne de l’entreprise chargé de cette mission, v. Soc. 5 nov. 2014, n° 13-18.427, Dalloz actualité, 20 nov. 2014, obs. M. Peyronnet ; D. 2014. 2308 ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Dr. soc. 2015. 81, obs. D. Boulmier ; JT 2014, n° 170, p. 11, obs. D. Rieubon ). Dans le second cas, l’information préalable du salarié est requise (Soc. 15 mai 2001, n° 99-42.219, D. 2001. 3015 , obs. T. Aubert-Monpeyssen ) ou faut-il a minima que le salarié n’ait pas été tenu à l’écart de l’enquête (Soc. 26 janv. 2016, n° 14-19.002 P, Dalloz actualité, 8 févr. 2016, obs. M. Peyronnet ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RJS 4/2016, no 226 ; Gaz. Pal. 2016. 78, note Frouin ; JCP S 2016. 1141, obs. Dauxerre), ou que le rapport définitif ait répondu à toutes les contestations émises par celui-ci (Soc. 28 févr. 2018, n° 16-19.934 NP). Rappelons que la lettre convoquant un salarié à un entretien en vue de son licenciement n’a pas à l’avertir des éléments recueillis contre lui. Le droit du licenciement ignore le principe de l’égalité des armes. Le salarié peut être valablement convoqué à un entretien préalable à un licenciement en ignorant tout des griefs qui vont lui être opposés. Mais admettre qu’on lui oppose à cette occasion, sans l’en avertir, un audit externe, réalisé par des experts, reviendrait à consacrer en quelque sorte l’inégalité des armes. Ce que jusqu’à présent le juge n’admettait pas en exigeant, a minima, d’informer le salarié de l’enquête le concernant.

Rien dans le texte ne semble justifier que le juge écarte l’article L. 1222-4 au vu de la nature des faits en cause. On peut donc se demander si c’est le fait que l’enquête soit menée à la suite d’une dénonciation (qu’importe qu’il s’agisse alors de harcèlement) qui explique sa non-applicabilité. Là encore, le texte ne distingue pas entre une collecte d’informations a priori et une collecte a posteriori de la commission d’une faute par le salarié. Les exemples cités précédemment (v. not. Soc. 26 janv. 2016, n° 14-19.002, préc. concernant une expertise comptable confirmant l’exercice par un salarié d’un pouvoir qui excède ce que sa fonction lui permet) démontrent que, jusqu’à présent, un audit externe faisant suite à une faute devait respecter le principe de loyauté et donc conduire à informer ou associer le salarié à l’enquête. On notera à l’appui de cette interprétation que la chambre sociale déduit de l’article L. 1222-4 que l’employeur « ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal » et que, pour l’application au cas d’espèce, elle estime – pour écarter l’application de L. 1222-4 – qu’il ne s’agit pas d’un « procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ». On pourrait s’aventurer à considérer cette variation terminologique comme révélatrice d’une intention pour le juge de distinguer les dispositifs de surveillance de l’activité des salariés, en amont de tout fait fautif, des dispositifs de contrôle visant à faire la lumière sur l’auteur et l’importance d’une faute déjà commise.

À notre sens, ce qui semble déterminant, dans cette nouvelle espèce, ce sont les intérêts protégés. D’ordinaire, lors de la commission d’une faute, ce sont les intérêts de l’employeur (droit à la preuve, liberté d’entreprendre) qui s’opposent à ceux du salarié (loyauté de la preuve qu’on lui oppose, respect de la vie privée dans l’obtention de cette preuve). Or, en l’espèce, si l’employeur avertit la salariée à l’origine du harcèlement de l’enquête menée à son sujet, il existe un risque de pression sur les victimes dudit harcèlement avant leur audition. L’absence d’avertissement de la salariée peut donc ici être perçue comme une mesure visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs déjà éprouvés par le harcèlement. Ce ne serait donc plus seulement une mise en balance de deux intérêts distincts – ceux de la salariée fautive et ceux de l’employeur –, mais de trois intérêts en y ajoutant ceux des salariés victimes (leur droit à la santé et à la sécurité au travail), qui justifierait d’écarter L. 1222-4. Une telle mise en balance supposerait, d’une part, de ne pas considérer L. 1222-4 comme étant a priori inapplicable et, d’autre part, cela nécessiterait un contrôle de proportionnalité de la part du juge. Or, en l’espèce, aucun contrôle de ce type n’a été déployé. Ce qui étonne compte tenu des évolutions récentes de la jurisprudence de la Cour en matière de loyauté de la preuve et de respect de la vie privée. La Cour de cassation semblait pourtant avoir pleinement embrassé la technique du contrôle de proportionnalité (Soc. 30 sept. 2020, n° 19-12.058 P, Dalloz actualité, 21 oct. 2020, obs. M. Peyronnet ; D. 2020. 2383 , note C. Golhen ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; JA 2021, n° 632, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2021. 14, étude P. Adam ; RDT 2020. 753, obs. T. Kahn dit Cohen ; ibid. 764, obs. C. Lhomond ; Dalloz IP/IT 2021. 56, obs. G. Haas et M. Torelli ; Légipresse 2020. 528 et les obs. ; ibid. 2021. 57, étude G. Loiseau  ; 25 nov. 2020, n° 17-19.523, D. 2021. 117 , note G. Loiseau ; Dr. soc. 2021. 21, étude N. Trassoudaine-Verger ; ibid. 170, étude R. Salomon ; RDT 2021. 199, obs. S. Mraouahi ; Dalloz IP/IT 2020. 655, obs. C. Crichton ; Légipresse 2021. 8 et les obs. ) comme invite à le faire la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 5 sept. 2017, req. n° 61496/08, Barbulescu c. Roumanie, Dalloz actualité, 11 sept. 2017, obs. M. Peyronnet ; AJDA 2017. 1639 ; ibid. 2018. 150, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2017. 1709, et les obs. ; ibid. 2018. 138, obs. J.-F. Renucci ; ibid. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; JA 2017, n° 568, p. 40, étude J. Marfisi ; Dr. soc. 2018. 455, étude B. Dabosville ; Dalloz IP/IT 2017. 548, obs. E. Derieux ).

Auteur d'origine: peyronnet

Si le droit du travail impose à l’employeur une obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs (C. trav., art. L. 4121-1 s.), une obligation similaire est parfois mises à la charge d’autres acteurs. C’est notamment le cas lorsque différentes entreprises sont amenées à cohabiter sur un chantier de bâtiment ou de génie civil (C. trav., art. L. 4531-1 s.).

En l’espèce, un maître d’ouvrage délégué avait conclu une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé avec une société (le coordonnateur) pour un chantier de restructuration d’un centre commercial. Un salarié de la société chargée des travaux d’électricité sur ce chantier avait été victime, en 2007, d’un accident du travail dû à l’effondrement d’un mur qu’il devait démolir. Cet accident avait occasionné une incapacité temporaire de travail de six semaines. Une enquête diligentée avait mis en évidence que ni l’entrepreneur principal ni les sociétés sous-traitantes « n’avaient reçu communication du plan général de coordination établi par [le coordonnateur] et n’avaient rédigé de plan particulier de plan particulier de sécurité et de protection de la santé ».

Le maître d’ouvrage délégué a été cité « devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant causé une incapacité de travail inférieure à trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce notamment “en ne s’assurant pas de la mise en place des mesures de prévention définies par le plan général de coordination pour la sécurité des travailleurs, ainsi que [de] leur application par les entreprises intervenantes sur le chantier” ».

Aux termes de l’article 222-20 du code pénal, « le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois,...

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Auteur d'origine: lmontvalon

Des listings de collaborateurs et des antécédents judiciaires ont donc circulé au sein (et en dehors) de l’entreprise. Jusque-là, on avait décortiqué les interactions entre les directions des magasins et le département « gestion du risque », avant ou pendant la période de prévention (de 2009 à début 2012). En ce troisième jour de procès, on remonte la hiérarchie pour déterminer qui, parmi les pontes, aurait pu (ou dû) être au courant de ces agissements, mais aussi si la somme de ces derniers pourrait constituer un « système de surveillance généralisée ». Pour mémoire, les qualifications de l’ordonnance de renvoi (ORTC) reposent sur la collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ; le détournement de finalité ; la divulgation illégale volontaire de données personnelles nuisibles ; la violation du secret professionnel.

Curieusement, des directeurs de magasins ont fait des demandes d’antécédents, mais aucun n’a jamais vu passer la moindre facture. Une perquisition au siège a permis d’en retrouver dix-sept, émanant de la société de Jean-Pierre (avec son improbable logiciel « Pegase »). Sur la période de prévention, le cumul est de l’ordre de 36 000 €. Ces documents sont signés par Jean-François, le directeur de la « gestion du risque », mais en vertu du principe comptable des « quatre z’yeux », ils sont contresignés par un supérieur : souvent, le directeur administratif et financier (DAF), parfois même le DG. La question du contrôle exercé par le contresignataire se pose donc. D’après certains acteurs de la procédure, il est impossible que de telles factures ne suscitent pas de questionnement, en raison de leurs « intitulés elliptiques ». À en croire d’autres, le « contrôle » consiste uniquement à s’assurer que le subordonné ne sort pas de sa compétence, et ne dépasse pas son « plafond » : en l’espèce, 50 000 € par facture.

Pour minorer l’enjeu de ces menues dépenses, l’un des prévenus explique qu’une ouverture de magasin, « c’est au moins 50 millions d’euros ». Un autre raconte qu’il signait annuellement pour « 140 millions d’euros ». Il n’empêche, souligne la procureure, que les prestations ne sont pas conformes aux prescriptions du code général des impôts (CGI) : « Je vous mets au défi de me trouver un DAF qui contresigne une facture pareille ». « Et moi », rétorque vertement un avocat de la défense, « je vous mets au défi de me trouver un DAF d’une boîte qui fait deux milliards de CA et qui vérifie une facture de dix mille balles ». Les commissaires aux comptes (CAC) n’ont pas davantage tiqué. Un autre enjeu du procès réside dans l’absence de délégation de signature entre la DG et les directeurs.

On en vient aux données personnelles, qui n’étaient pas encore encadrées par le règlement européen sur la protection des données (RGPD), mais l’étaient déjà par la loi de 1978, dite « Informatique et libertés ». Et, rappelle la présidente, par le code du travail. Les informations collectées « doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles », dispose un article ; « Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance », précise un autre. Or, on a bel et bien retrouvé de telles données dans un coffre-fort du siège, même si beaucoup de documents sont hors prévention : « des antécédents judiciaires, des immatriculations, des propriétés, des concubins, des trains de vie, etc. », résume la présidente. Jean-François, le directeur de la « gestion du risque », précise que, dans certains pays, le groupe a accès légalement aux antécédents judiciaires des candidats. La procédure comporte d’ailleurs un échange de mails avec la filiale suisse, laquelle a en outre réglé une facture française.

Ce fameux coffre-fort, la directrice adjointe de la « gestion du risque » reconnaît l’avoir vidé de son contenu lors de la parution du premier article, dans Le Canard Enchaîné. Avant, assure-t-elle, de tout remettre en place, à la demande des avocats d’Ikea. Dans la foulée, une réunion de crise s’est tenue au siège, raconte Jean-François : « Une personne de Publicis a dit qu’on allait nier. J’ai répondu que ce n’était pas possible de mentir à toute l’entreprise, alors on m’a conseillé de prendre des vacances ». Et d’ajouter : « Ce qui m’inspire beaucoup de colère, c’est que l’entreprise s’est détachée de sa responsabilité. […] On m’a laissé tout seul comme une merde me débrouiller ».

Il met en cause sa hiérarchie, qui aurait donné des ordres, mais aussi bénéficié de remontées d’informations : « Le DG n’était pas avisé à chaque fois, mais il l’était pour les cas graves, lui ou l’un de ses adjoints ». Il indique aussi que cette question a été évoquée au cours d’un déjeuner, dans le restaurant d’entreprise de l’un des magasins de région parisienne, en présence de Claire, un temps DRH. Elle clame que c’est grotesque : « Vous nous imaginez discuter d’un sujet aussi sensible au milieu des collaborateurs ? ». À Claire, on reproche essentiellement d’avoir « monté un dossier » contre une directrice de la communication qui multipliait les séjours au Maroc pendant un arrêt maladie, et notamment d’avoir reçu et fait suivre une copie de deux pages de son passeport : « Je partais me reposer chez moi, avec l’accord de l’hôpital, de mon médecin traitant et de la sécurité sociale », explique pour sa part l’ancienne collaboratrice devenue partie civile, dans un courrier au tribunal. Dariusz, le DAF, prend la suite à la barre pour alterner circonlocutions et lieux communs.

Le lendemain, on ne tire pas grand chose de plus de Sylvie, directrice adjointe de la « gestion du risque ». Tout juste concède-t-elle que, pour une spécialiste de la prévention des risques psychosociaux, membre du CHSCT, elle n’était pas suffisamment au fait de la réglementation. Puis on passe à Jean-Louis, directeur général au début de la période de prévention, et contresignataire de deux (toutes petites) factures. Il insiste sur le fait qu’il avait d’autres chats à fouetter que de pinailler sur des sommes aussi dérisoires, d’autant que la décennie 2000 était une période de forte expansion. Il nie avoir mis en place un quelconque système, mais lance une phrase lourde de sous-entendus : « C’est dommage qu’on n’ait pas entendu le responsable sécurité international d’Ikea ». Lorsqu’on lui explique que son assistante a tiqué sur l’intitulé des factures, il rétorque élégamment : « Il fallait bien qu’elle s’occupe ».

Arrive Stefan, successeur du précédent à la DG. La présidente résume ainsi sa position : « Vous avez toujours indiqué que vous n’aviez pas été avisé, d’une quelconque façon, par une quelconque personne, d’une quelconque procédure de recherche d’antécédents ». Après avoir concédé qu’aucun élément précis ne le mettait personnellement en cause, la magistrate précise : « Nous sommes ici pour voir si un tel système pouvait être ignoré à votre niveau de responsabilité ». Un avocat lui reproche les décisions a priori contradictoires de licencier certains cadres impliqués, mais d’en laisser d’autres en place : « Le mystère de ceux qui sont là et ceux qui ne le sont pas restera une énigme de ce dossier ». Le point culminant de l’interrogatoire de Stefan, même s’il n’a pas de lien avec l’affaire, reste la lecture de ses comptes-rendus sur la France : « Un pays qui vit dans le passé », avec ses « leaders d’opinion néo-marxistes » et ses syndicats « dirigés plus par l’idéologie et la revanche contre ce que la société leur a donné et contre leurs parents immigrants ».

Karine, la représentante de la personne morale prévenue, brosse un tableau idyllique des relations sociales dans l’entreprise, et insiste sur les formations mises en place depuis l’affaire, notamment sur le traitement des données personnelles et le « recrutement sans discrimination ». La procureure l’asticote : « Vous venez de dire que vous aviez été choquée par ce que vous aviez entendu [pendant ce procès], et que vous condamniez [ces agissements]. Est-ce que la personne morale a essayé de se constituer partie civile ? ». Un avocat fait remarquer qu’est irrecevable à se constituer partie civile une société mise en examen, alors la proc’ précise : « Je demande juste si ça a pu être évoqué ou tenté ». L’avocat d’Ikea se marre : « Pour avoir fréquenté le cabinet d’instruction de votre collègue, […] c’était totalement inenvisageable ».

Plusieurs syndicalistes parties civiles se relaient à la barre. L’un d’eux raconte une vieille anecdote : « Un jour, j’ai mon responsable qui est venu me voir, complètement hystérique, en me reprochant de ne pas avoir averti l’entreprise que j’avais un casier. […] J’ai la malchance d’avoir fait l’objet de recherches, et […] d’avoir un homonyme, ce qui fait qu’à l’âge de 10 ans, j’ai commis un vol à main armée. […] Ça a fait beaucoup rire autour de moi, on m’appelait “le braqueur”. […] Ils étaient tous au courant, tous ». Un deuxième explique que les relations n’étaient pas particulièrement conflictuelles au départ : « Et puis, il y a eu la grève, et [on] m’a dit clairement [qu’on] allait me le faire payer. De là, c’est devenu un cauchemar. […] On m’a traité de parano, [mais] quand c’est sorti dans la presse, j’ai vu […] que tout était vrai ». Un autre ajoute : « Quand on voit des OPJ au service d’une entreprise, […] une entreprise qui peut tout se payer, tout se permettre, moi c’est ça qui me choque ».

Le procès se poursuit cette semaine, avec les (quatorze !) plaidoiries de parties civiles. Avec le réquisitoire de mardi, on entreverra comment les solutions classiques pourraient être transposées à la question « nouvelle » des données personnelles. Car au vu du salmigondis de pièces mises dans les débats par les uns et les autres, tout le monde, dans ce prétoire, ne parle pas tout à fait de la même chose.

Auteur d'origine: Thill

Lundi, à l’ouverture du procès, pas moins de trente avocats prennent place de part et d’autre de la table soutenant un impressionnant dossier : 26 000 pages (et pas loin de 10 000 cotes). La présidente précise que la formation compte quatre magistrats du siège, puisqu’un assesseur supplémentaire a été prévu, « au cas où nous aurions des difficultés, notamment d’ordre sanitaire ». Émus, honteux ou décontractés, les prévenus défilent pour décliner leurs identités. Parmi les préventions, il est question de collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ; de détournement de finalité ; de divulgation illégale volontaire de données personnelles nuisibles ; de violation du secret professionnel. Le plus souvent sont visés la complicité et/ou le recel habituel de tout ou partie de cette liste d’infractions. La période de prévention s’étend de 2009 à début 2012. Sauf erreur, on a dénombré parmi les parties civiles vingt-quatre personnes morales (syndicats, CSE, etc.) et quatre-vingt-neuf individus en chair et en os. L’un des enjeux du procès est de déterminer dans quelle mesure la somme des pratiques poursuivies pourrait dénoter un « système de surveillance généralisée » au sein du groupe.

Un avocat en défense soutient la nullité partielle de l’ordonnance de renvoi (ORTC) s’agissant de Claire, successivement DRH France et directrice de magasin. « Mais avant », précise-t-il, « il me faut, me semble-t-il, poser le décor. » Il le pose si longuement que ses confrères des parties civiles s’échauffent : « Le procès est long, on ne va pas écouter un confrère raconter sa vie ! » Esclandre. On en vient finalement au cœur du problème : « En 2019, un arrêt de la chambre de l’instruction va décider que rien ne justifiait la garde à vue […]. Les deux seules auditions de ma cliente sont donc annulées […]. Ne reste qu’un interrogatoire de première comparution, pages 9118 à 9124, à savoir une réponse de trois lignes sur un fait antérieur à la période de prévention. » Une prévention qu’il remet également en cause : « Mettre “en l’espèce virgule”, c’est trop demander à un magistrat instructeur ? […] D’ailleurs, on m’impute quatre fois un recel pour un fait unique. Non bis in idem, c’est un principe qu’on enseigne en première année de droit. » Double peine également pour l’assistance : à la durée de ses observations s’ajoutent les premiers calembours mobiliers du procès, à base de dossier bricolé et de magistrats du siège.

L’un de ses confrères enchaîne, sur le même thème des « qualifications détaillées », puis un autre. Du côté des parties civiles, un dernier se lève : « On empiète tellement sur le fond que je vous demande de prendre acte que ce n’est pas soulevé in limine litis. […] Deux heures d’opening statement, nous ne sommes pas devant les prud’hommes ! » La procureure réplique : « Que le tribunal ne confonde pas imprécision, incomplétude et complexité. C’est un contentieux qui est encore méconnu […], et moi-même je souligne la complexité de cette matière, ainsi que le caractère hors-norme du nombre de prévenus. […] Mais le temps d’instruction, huit ans, [leur] a permis de prendre connaissance des faits qui leur étaient reprochés ». Après avoir joint au fond, la présidente récapitule le cheminement de l’affaire : des articles de presse, une plainte contre X, une clé USB, une enquête préliminaire, un audit interne, un contrôle de la CNIL, une ouverture d’information, etc.

Un premier prévenu avance à la barre : Jean-François. Il était le directeur du département « gestion du risque », au siège de l’entreprise. Au cours d’une perquisition, les enquêteurs ont trouvé des traces d’investigations anciennes (2002-2007), portant sur des collaborateurs. Lui indique qu’à la « demande de l’international », il a effectivement sollicité à cette époque un certain nombre d’enquêtes, auprès de sociétés de sécurité. Ces dernières lui fournissaient des « notes blanches » : l’expression renvoie au jargon de feu les renseignements généraux, qui produisaient couramment des procès-verbaux informels, sans en-tête ni signature. « Je précise », ajoute Jean-François, « qu’elles ne comportaient pas d’éléments de collecte de données personnelles. » Il n’en allait en revanche plus de même lorsqu’il s’est adressé à Jean-Pierre, également prévenu, auquel il a demandé de se renseigner sur par moins de 338 collaborateurs (en débordant de la période de prévention) : « Les infos que je demandais à Jean-Pierre, il ne m’avait pas explicitement dit d’où elles provenaient, mais j’ai déduit des libellés que ça devait correspondre au STIC », ancien fichier d’antécédents de la police nationale. Dans le jargon, on appelle cela une « tricoche ». À la présidente, qui l’interroge sur les canaux de communication, il répond : « Les premières réponses ont été reçues à mon domicile. Mais ça n’avait aucun intérêt en termes de discrétion, puisque les factures arrivaient au siège. Alors, ensuite, on a fonctionné par mail. Je ne les effaçais pas tous, la preuve, on n’en serait pas là aujourd’hui. »

Jean-Pierre le remplace justement à la barre. Cet ancien des RG et du renseignement militaire (DRM) raconte que sa société, liquidée amiablement avant le début de l’affaire, était jusqu’alors « leader de l’investigation au service de l’entreprise ». Il nie avoir jamais sollicité des policiers et des gendarmes pour constituer ses fiches : « Nous ne pouvions pas faire de telles quantités de STIC sans attirer l’attention. » Comment, dans ce cas, pouvait-il recueillir des informations qu’il faisait ensuite passer pour des antécédents judiciaires ? « Nous avons dû faire preuve d’inventivité. Au début des années 2000 sont apparues de nombreuses banques de données. Google, la presse nationale et, surtout, la presse régionale, riche en faits-divers, s’installaient en ligne. » Jean-Pierre reviendra s’exprimer à plusieurs reprises au cours des deux premiers jours. Il ressortira de ses interventions ultérieures qu’un mystérieux « informaticien de l’armée particulièrement inventif » aurait mis sur pied pour lui un logiciel redoutable (nom de code « Pégase »), permettant de compiler les données de toutes ces « sources ouvertes », de sorte qu’il suffisait d’entrer un nom pour obtenir le « curriculum » de n’importe qui. Suivant en cela un fameux crédo des RG, il aurait également recherché « d’autres voies et moyens » pour se procurer certaines informations, tels que des assureurs automobiles, des voisins trop bavards, des bureaux d’ordre de tribunaux : « Les décisions judiciaires sont publiques. » Ensuite, il aurait mis en forme tout cela pour entretenir la confusion avec des fichiers comme le STIC : « Jean-François voulait des recherches illicites, je lui ai donné ce qu’il voulait. » Un avocat l’interroge sur les dates de paiement des factures : assurément, il compte pinailler sur la période de prévention.

On passe au magasin de Reims (Marne). Les enquêteurs ont déterminé que plusieurs dizaines de collaborateurs avaient fait l’objet de consultations au STIC, ou au JUDEX (son équivalent gendarmesque). Notamment par un certain Gaston, ami de Jean-Pierre. Pour l’heure, c’est Richard, ancien directeur du magasin, qui avance à la barre. Il explique qu’au moment de l’ouverture, un émissaire du siège lui a proposé de faire vérifier des antécédents, et qu’il a « accepté cette aide ». Il raconte avoir eu un retour oral et pensé que les informations provenaient des bulletins n° 3 des casiers. Mais aussi n’avoir jamais vu passer de factures : « C’est le siège qui gère le compte d’exploitation, [de] plusieurs dizaines de millions d’euros : c’est noyé dans la masse. » Clarel, quant à lui, était le responsable sécurité du magasin. Il a fait suivre une liste « assez conséquente » de noms de collaborateurs : « Je réponds simplement à une demande de mon directeur. Je fais confiance au directeur, à IKEA France aussi, puisqu’on me dit que ça se passe comme ça. Je m’exécute et je ne me pose pas de questions ». Il explique au passage que c’est Sylvie, adjointe de Jean-François à la gestion du risque, qui leur a indiqué la marche à suivre, puis relayé les demandes comme les réponses. Ce qu’elle a reconnu, tout en jurant tout ignorer de la manière dont les informations étaient concrètement obtenues.

Direction le magasin de Franconville (Val-d’Oise), qui était en 2010 au centre d’une grève « historique », sur fond de négociations annuelles obligatoires. À la suite à la séquestration de plusieurs cadres, des « audits » internes ont même envisagé des pistes radicales pour mettre au pas une « masse humaine ennemie naturelle des changements » : il y est notamment question d’une infiltration par une fausse caissière, ou d’un « piège juridique » consistant à mettre en place « une enquête discrète et complète » pouvant permettre de « sortir » un syndicaliste « par les voies externes et légales ». Ambiance. On fait avancer Laurent, alors brigadier de police dans la circonscription. Son identifiant « CHEOPS » a servi à faire vingt-deux consultations STIC concernant des salariés, dont dix seront par la suite licenciés par l’enseigne. Un avocat des parties civiles fait remarquer que, « quand on vous dit que vous avez consulté les antécédents de huit salariés en quatre minutes, vous commencez par préciser que vous n’avez jamais obtenu d’avantages financiers ou en nature ». Laurent raconte avoir traité un certain nombre de plaintes de l’entreprise, notamment pour vol d’un hot dog (à 1,80 €). Plus ou moins considéré comme un « référent » de l’enseigne, il était surnommé « Monsieur Ikea » par ses collègues.

Le cas du magasin d’Avignon (Vaucluse) est particulier. Son directeur, Patrick, a bien fait des demandes d’antécédents judiciaires, « pour suivre les consignes nationales », demeurées « informelles ». En revanche, il n’est pas passé par le canal habituel : il a sollicité son « cousin de Corse », Alain. Ce dernier a, « par amitié », accepté de passer (ou faire passer) des salariés au STIC : trois cent vingt consultations en dix sessions. Il indiquait par exemple « danger » ou « rien de grave », mais « sans mention précise ». Patrick met en cause sa hiérarchie, notamment la directrice générale adjointe d’Ikea France : « Elle m’a demandé si mon équipe était saine et si j’avais fait le nécessaire. » La patronne a pour sa part expliqué qu’elle ne parlait absolument pas de ça, et n’a d’ailleurs pas été mise en cause. Du directeur général, Patrick a indiqué qu’il « ne pouvait pas ne pas être au courant ». Aujourd’hui, il explique que c’était juste « une supposition ».

On ne comprend pas toujours ce que jargonne Fabrice, le responsable de la sécurité de ce même magasin d’Avignon (« management reviews », « taux de démarque inconnue », etc.). Mais il a un humour corrosif et une mémoire impressionnante, ce qui change de certains de ses coprévenus : il cite même des cotes de tête. Il était au courant des agissements de Patrick, le directeur, et de son « cousin de Corse ». Et il a lui-même adressé deux listes à des policiers, sans contrepartie : « Je ne leur ai même pas offert un café. » Ces pratiques, il ne les cautionnait pas vraiment (« j’étais un rouage d’un système que je désapprouvais »), mais les comprenait : « Ce qu’on m’avait vendu, c’est qu’il ne fallait pas de stupéfiants, pas d’agresseurs sexuels dans l’espace où on garde les enfants. » Aujourd’hui, il assume sa part de responsabilité, mais en a gros sur la patate : « Pour moi, c’était formalisé chez Ikea. Quand on me dit que c’est un cas isolé, je le prends super mal. » Incidemment, on découvre que Fabrice est toujours salarié de l’enseigne, alors qu’il n’accomplit plus la moindre tâche : « Par contre, je n’ai pas été augmenté depuis huit ans. » L’un des policiers des RG sollicités par Fabrice ne pense pas que ce dernier ait agi de sa propre initiative : « Il était peut-être sensibilisé par sa hiérarchie. » Lui reconnaît avoir « tricoché » dans l’espoir d’un retour d’ascenseur : « Pour informer notre autorité de tutelle, le préfet, et anticiper des problèmes sociaux qui pourraient avoir lieu sur le site Ikea, des trafics en tous genres, et la gestion des conflits sociaux dans Ikea… C’est aussi notre corps de métier. »

Le procès reprend ce jeudi.

Auteur d'origine: Dargent

On attendait depuis longtemps un projet de loi – promis par l’ex-ministre des Sports Laura Flessel – mais c’est finalement une proposition de loi visant à démocratiser le sport en France que les députés ont adopté le 19 mars. Ce texte inscrit dans la loi la plateforme, déjà existante, destinée à lutter contre les paris truqués et contient un dispositif destiné à lutter contre le streaming illégal dans le sport. Il élargit également le sport sur ordonnance aux maladies chroniques, jusqu’ici réservé aux affections de longue durée.

Pour faciliter la parité dans les fédérations dont la proportion de licenciés d’un des deux genres est inférieure à 25 %, les instances régionales devront prévoir « une proportion minimale de sièges pour les personnes de chaque sexe pouvant prendre en compte la répartition par sexe des licenciés, sans pouvoir être inférieure à 25 % ». Cette parité sera mise en place progressivement puisqu’une dérogation à la parité intégrale sera possible pour les futures...

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Auteur d'origine: pastor
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Comment apprécier la suffisance des recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe dans le cadre de l’obligation de reclassement, lorsque l’employeur appartient à un groupe ? Cette problématique, qui a fait l’objet d’une abondante jurisprudence, repose essentiellement sur l’idée d’une exécution loyale de la recherche de reclassement (v., en part., Soc. 7 avr. 2004, n° 01-44.191 P, D. 2004. 1352 ; Dr. soc. 2004. 670, obs. G. Couturier ). Aussi se décline-t-elle également en des problématiques beaucoup plus concrètes, telles que les modalités selon lesquelles l’employeur doit interroger les filiales du groupe, et les éventuelles indications que celui-ci doit leur transmettre dans la perspective de la recherche de poste pouvant correspondre aux salariés concernés par les licenciements économiques. Les lettres de demande de recherche de postes de reclassement doivent en effet être suffisamment précises pour assurer la recherche exhaustive des possibilités. Mais comment apprécier le caractère suffisant de cette précision ? C’est précisément sur ce dernier point que l’arrêt du 17 mars 2021 vient apporter des éléments de réponse.

En l’espèce, une entreprise de transport de voyageurs appartenant à un groupe avait décidé de procéder à une restructuration pour motif économique. Elle avait, dans ce contexte, procédé à des licenciements pour motif économique collectif avec mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Plusieurs salariés licenciés ont alors saisi les juridictions prud’homales afin de faire constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et d’obtenir diverses indemnités y afférentes.

Les juridictions du fond donnèrent droit aux salariés en reconnaissant le caractère sans cause réelle et sérieuse des licenciements, estimant que l’employeur ne justifiait pas s’être entièrement libéré de son obligation de reclassement, dans la mesure où ses courriers adressés aux filiales afin qu’elles lui communiquent toutes les possibilités de reclassement, ne comportaient aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés, en particulier quant à leur âge, formation, expérience, qualification et ancienneté.

L’employeur, contestant cette décision et les condamnations afférentes, s’est alors pourvu en cassation.

Il justifiait en effet avoir demandé à ses trois filiales par lettres de lui communiquer « toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d’un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat,...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La notion de l’astreinte a été introduite dans le code du travail en 2000 par la loi Aubry II (L. n° 2000-37, 19 janv. 2000) puis modifiée par la loi Travail (L. n° 2016-1088, 8 août 2016). L’article L. 3121-9 du code du travail précise désormais que l’astreinte est la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

Durant l’astreinte, le salarié est dans une phase d’attente d’un éventuel ordre d’intervention au profit de son employeur. Si la qualification de la période durant laquelle il intervient effectivement ne pose pas de difficultés, il n’en va pas de même du temps d’inactivité. L’article L. 3121-9 précité dispose logiquement que la première est considérée comme du temps de travail effectif, et la Cour de cassation y assimile la durée du déplacement pour réaliser l’intervention (Soc. 31 oct. 2007, n° 06-43.834, Bull. civ. V, n° 183 ; Dalloz actualité, 13 nov. 2007, obs. S. Maillard ; D. 2007. 3109, obs. S. Maillard , note C. Lefranc-Hamoniaux ; ibid. 2008. 442, obs. G. Borenfreund, F. Guiomard, O. Leclerc, E. Peskine, C. Wolmark, A. Fabre et J. Porta ; Dr. soc. 2008. 248, obs. C. Radé ; RDT 2008. 41, obs. M. Véricel ). Pour le second, le débat est permis.

Le temps d’inactivité du salarié durant l’astreinte n’est certes pas un temps pendant lequel il travaille. Pour autant, l’obligation d’être disponible pour intervenir en cas de besoin peut interroger sur l’opportunité de la qualifier de temps de repos. C’est le choix qu’a fait le législateur en retenant qu’en dehors des temps d’intervention la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale des repos quotidien et hebdomadaire (C. trav., art. L. 3121-10). Le code du travail a été modifié en ce sens en 2003, anéantissant une position contraire de la Cour de cassation.

Cette dernière avait en effet refusé de retenir comme temps de repos les périodes d’inactivité durant l’astreinte. Confirmant qu’il ne s’agissait pas de temps de travail effectif, les juges du droit justifiaient leur position en soulignant qu’un temps de repos suppose que le salarié soit totalement dispensé, directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d’accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n’est qu’éventuelle ou occasionnelle (Soc. 10 juill. 2002, n° 00-18.452, Bull. civ. V, n° 238 ; D. 2003. 935 , note G. Vachet ; ibid. 2002. 3110, obs. T. Aubert-Monpeyssen ; Dr. soc. 2002. 939, note J.-E. Ray ).

Si le débat semble clos à la suite de la modification du code opérée en 2003, il convient néanmoins de prendre en compte le droit européen.

Ainsi, le Comité européen des droits sociaux a déjà eu l’occasion de préciser que l’assimilation du temps d’astreinte hors intervention à du temps de repos constitue une violation du droit à une durée raisonnable du travail prévue par l’article 2, § 1, de la Charte sociale européenne (CEDS 12 oct. 2004, réclamation collective n° 16/2003, CFE-CGC c. France). Selon cette disposition, les parties signataires de la Charte s’engagent notamment, afin d’assurer l’exercice effectif du droit à des conditions de travail équitables, à fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire.

La position française n’a pas pour autant été modifiée.

La décision de la CJUE rendue le 9 mars 2021 constitue un nouveau coup de boutoir dans notre législation. Celle-ci est rendue dans le cadre d’une question préjudicielle transmise par la Cour suprême de la Slovénie. Cette dernière intervenait à propos d’un litige relatif à la rémunération de périodes d’astreintes. Le requérant, un travailleur slovène qui devait, durant ses périodes d’astreinte, répondre aux appels de son employeur et rejoindre au besoin son lieu de travail (sommet d’une montagne) dans l’heure, réclamait le paiement des périodes d’astreinte comme du temps de travail normal au regard des contraintes subies durant ces périodes. Bénéficiant d’un logement sur le lieu de travail sans obligation de l’occuper, il y séjournait pourtant et arguait du manque d’activités envisageables dans le secteur à l’appui de sa requête.

La question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lequel fixe les définitions des différentes notions envisagées dans la directive. L’article 2 ne contient pas de définition de l’astreinte, visant les seules notions de temps de travail, périodes de repos, périodes nocturnes, travailleur de nuit, travail et travailleur posté, travailleur mobile, activité offshore et enfin repos suffisant.

Le renvoi préjudiciel interrogeait la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le fait de savoir si l’article 2 doit être interprété en ce sens que la période d’astreinte durant laquelle un travailleur doit être joignable et pouvoir rejoindre son lieu de travail, en cas de besoin, dans un délai d’une heure constitue du temps de travail, et si la mise à disposition, au profit de ce travailleur, d’un logement de fonction, en raison de la nature difficilement accessible de son lieu de travail, et le caractère peu propice aux activités de loisir de l’environnement immédiat de ce lieu de travail sont à prendre en considération dans le cadre d’une telle qualification.

Dans sa motivation, le juge européen relève l’importance du droit des travailleurs à des durées maximales de travail et à des périodes de repos, et le fait que la directive ne comporte pas de temps intermédiaire entre le temps de travail et le temps de repos. Il en conclut que la période d’astreinte correspond nécessairement à l’une ou l’autre de ces deux catégories. La CJUE précise également que les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée des notions de temps de travail et de période de repos, en subordonnant à quelque condition ou à quelque restriction que ce soit le droit, reconnu directement aux travailleurs par la directive, à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte, toute autre interprétation ayant pour conséquence de tenir en échec l’effet utile de la directive 2003/88 et de méconnaître sa finalité. Il est enfin rappelé dans l’arrêt qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’une période durant laquelle aucune activité n’est effectivement exercée par le travailleur au profit de son employeur ne constitue pas nécessairement une période de repos.

Dans sa jurisprudence antérieure, la CJUE a déjà retenu qu’il convenait de qualifier l’intégralité d’une période d’astreinte de temps de travail, au sens de la directive 2003/88, lorsqu’en considération de l’impact objectif et très significatif des contraintes imposées au travailleur sur les possibilités, pour ce dernier, de se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux, elle se distingue d’une période au cours de laquelle le travailleur doit uniquement être à la disposition de son employeur afin que ce dernier puisse le joindre (CJUE 21 févr. 2018, Matzak, aff. C‑518/15, Dalloz actualité, 23 févr. 2018, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2018. 367 ; AJFP 2018. 150 , obs. S. Niquège ; AJCT 2018. 344, obs. A. Aveline ; RDT 2018. 449, obs. D. Gardes ). La portée de cet arrêt au regard du droit français était discutée.

Dans son arrêt du 9 mars 2021, la Cour décide que relève de la notion de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, l’intégralité des périodes d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel son travail n’est pas sollicité et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Elle précise qu’inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une telle période n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du temps de travail.

Le juge de Luxembourg ajoute que seules les contraintes qui sont imposées au travailleur, que ce soit par la réglementation, une convention collective ou son employeur peuvent être prises en considération afin d’évaluer si une période d’astreinte constitue intégralement du temps de travail. À l’inverse, les difficultés qui sont la conséquence d’éléments naturels ou du libre choix du salarié ne sauraient être prises en compte.

En présence d’une astreinte, il appartient ainsi aux juridictions nationales de vérifier si la qualification de temps de travail ne s’impose pas eu égard aux conséquences que les contraintes imposées au travailleur occasionnent sur sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de se consacrer à ses propres intérêts. Dans cette recherche, la Cour invite tout particulièrement le juge national à se pencher sur le délai dont dispose le salarié pour se rendre sur le lieu de l’intervention et, dans une moindre mesure, sur la fréquence moyenne des interventions par astreinte. Un délai de quelques minutes et une fréquence élevée d’interventions durant les astreintes s’opposent à la planification d’activités personnelles par le salarié et doivent par principe conduire à retenir la qualification de temps de travail. À défaut de voir retenue cette qualification, c’est celle de temps de repos qui s’applique selon la décision (à l’exception bien sûr du temps d’intervention), et ce en raison de la conception binaire temps de travail/temps de repos adoptée par le droit européen.

Face à cette position du juge de l’Union européenne, l’article L. 3121-10 du code du travail susvisé assimilant de manière intangible les temps d’attente durant l’astreinte à des périodes de repos paraît désormais devoir être nuancé. Il s’avère contraire au droit de l’Union tel qu’interprété par la CJUE dans la présente décision, sauf à considérer – ce qui nous paraît difficile – que le salarié ne serait pas en astreinte si les contraintes sont trop fortes. Il convient de rappeler que la décision, rendue dans le cadre d’une question préjudicielle en interprétation, s’impose à toutes les juridictions nationales saisies d’un problème similaire. En tout état de cause, une appréciation in concreto des modalités des astreintes mises en place dans une entreprise et de leur impact sur la vie personnelle du salarié s’impose pour qualifier le temps durant lequel le salarié est en inactivité.

On notera que la Cour de justice de l’Union européenne ajoute que, compte tenu de leur obligation de protéger les travailleurs contre les risques psychosociaux susceptibles de se présenter dans leur environnement de travail (dir. 89/391/CEE, 12 juin 1989, art. 5 et 6), les employeurs ne peuvent instaurer des périodes d’astreinte à ce point longues ou fréquentes qu’elles constituent un risque pour la sécurité ou la santé de ceux-ci, indépendamment du fait que ces périodes soient qualifiées de périodes de repos. En effet, les services de garde (au sens strict ou au sens de l’astreinte) supposent nécessairement selon le juge européen que des obligations professionnelles soient imposées au travailleur et relèvent par conséquent de leur environnement de travail au sens large.

Enfin, l’arrêt précise que la directive ne s’oppose pas, même en présence d’une qualification du temps d’inactivité de l’astreinte en temps de travail, à une rémunération moindre de la période d’inactivité, seul le droit national ayant vocation à s’appliquer en la matière.

Auteur d'origine: Cortot

Ces commissions, composées de représentants des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques, ont pour missions d’élaborer la stratégie médicale et le projet médical partagé du groupement et contribuent à l’élaboration de la politique territoriale d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité et de la pertinence...

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Auteur d'origine: emaupin
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Si la contestation des élections professionnelles représente un abondant contentieux, rares sont toutefois les occasions de questionner les origines et sources du droit électoral professionnel. À cet égard, il convient de relever l’existence d’une filiation évidente entre le droit du travail et le droit électoral (F. Petit, L’influence du droit électoral politique sur les élections professionnelles dans l’entreprise, Dr. soc. 2000. 603 ). Tout comme les élections politiques, les élections professionnelles visent à désigner les personnes qui seront chargées d’exprimer les revendications et opinions des individus représentés. Néanmoins, les élections des membres du CSE ne sauraient être considérées comme un scrutin ordinaire puisque leur objet est singulier – la défense de l’intérêt collectif des salariés – et qu’elles s’inscrivent dans un contexte particulier lié à l’existence d’une relation de travail subordonné.

Les fondements du droit électoral professionnel sont parfois difficiles à appréhender (F. Petit, L’émergence d’un droit électoral professionnel, Dr. soc. 2013. 480 ). S’il arrive que le code du travail se réfère explicitement au code électoral pour encadrer le processus électoral (C. trav., art. L. 2122-10-8), le mutisme du législateur n’en est pas moins criant. À de rares exceptions près, rien ne permet d’identifier les irrégularités susceptibles d’entraîner la nullité des élections professionnelles. Afin de combler ce vide législatif, la Cour de cassation s’est évertuée à construire des passerelles entre le droit du travail et le droit électoral. Pour cela, la chambre sociale a d’abord mis en lumière un « droit commun électoral » (Soc. 26 mai 1976, Bull. civ. V, n° 330), avant de faire reposer son approche sur les « principes généraux du droit électoral ». La Cour de cassation s’est ainsi appuyée sur le droit électoral politique pour réglementer la mise en place des institutions représentatives du personnel. La logique jurisprudentielle consiste à déterminer, parmi les prescriptions du code électoral, celles qui enferment un principe général du droit électoral et sont susceptibles d’être appliquées aux élections professionnelles.

Au gré des arrêts, la jurisprudence a ainsi façonné un cadre juridique hybride par l’extension des points cardinaux du droit électoral aux élections professionnelles (pour de nombreux exemples, F....

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Auteur d'origine: Dechriste

Le découpage de l’entreprise en établissements distincts pour la mise en place du CSE peut résulter d’un accord d’entreprise conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232-12 du code du travail (C. trav., art. L. 2313-2). En l’absence d’un tel accord, et en l’absence de délégué syndical, le nombre et le périmètre des établissements distincts peuvent être déterminés par un accord entre l’employeur et la majorité des élus titulaires du CSE (C. trav., art. L. 2313-3).

A défaut d’accord collectif ou d’accord avec le CSE, l’employeur fixe unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (C. trav., art. L. 2313-4).

En cas de litige portant sur cette décision de l’employeur, l’autorité administrative est compétente pour se prononcer sur la division de l’entreprise en établissements distincts. Cette autorité administrative...

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Auteur d'origine: Dechriste

La Haute juridiction était saisie par le CSE de l’unité économique et sociale de la société Mondadori France d’un recours contre la décision de l’Autorité de la concurrence autorisant la prise de contrôle de Mondadori par la société Reworld media. La première question à laquelle elle devait répondre était celle de l’intérêt pour agir du CSE, que l’Autorité de la concurrence contestait sur le principe.

Suivant les conclusions du rapporteur public, Laurent Cytermann, la section rappelle les missions attribuées...

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Auteur d'origine: pastor
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Un salarié d’une société automobile, qui était par ailleurs élu membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), avait présenté à son employeur une demande d’adhésion au dispositif du congé de maintien de l’emploi des salariés seniors, lui permettant de bénéficier d’une période de travail à temps partiel fin de carrière, suivie d’une période totale de dispense d’activité rémunérée avant la liquidation d’une retraite à taux plein. Les parties convinrent alors d’un avenant au contrat prévoyant le passage de l’intéressé à temps partiel fin de carrière, puis une période de dispense d’activité le conduisant jusqu’à la date de liquidation de sa pension de retraite.

Le salarié, soutenant que les heures de délégations relatives à son mandat de membre du CHSCT devaient lui être versées en sus de la rémunération qui lui était versée pendant cette dernière période, a saisi les juridictions prud’homales dans la perspective d’obtenir leur paiement.

Les juridictions firent droit à la demande du salarié, estimant que celui-ci pouvait effectivement prétendre au paiement de ses heures de délégation dans la mesure où l’employeur n’avait pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en situation de dispense d’activité avec maintien de sa rémunération. L’employeur insatisfait de cette décision et contestant la possibilité pour le salarié de cumuler sa rémunération avec le paiement d’heures de délégation, lesquelles devaient être considérées comme intégrées à celle-ci, s’est alors pourvu en cassation.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la question, va rejeter le pourvoi et valider le raisonnement tenu par la cour d’appel. Les hauts magistrats vont en effet rappeler le principe poser par l’article L. 4614-6 (anc.) du code du travail selon lequel l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel, de sorte que lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail.

La chambre sociale complète et précise le principe dans le cas d’une dispense d’activité, où la Haute juridiction affirme qu’il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s’il avait travaillé, de sorte que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique.

Or l’employeur n’avait en l’espèce pas pris la précaution de fixer un planning théorique. Et mal lui en a pris puisque les juges en tirent la conséquence que les heures de délégations réalisées doivent être payées en sus de la rémunération versées.

Une solution rigide pour l’employeur

La solution se révèle rigoureuse pour l’employeur. Faute en effet de pouvoir déterminer si les heures de délégations ont été réalisées pendant ou en dehors des heures de temps de travail, l’application de l’ancien article L. 4614-6 conduit à devoir les régler en plus, alors que la formule de cet article se bornait à prévoir que « Le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale ».

La présente solution n’est toutefois pas sans cohérence avec la ligne jurisprudentielle antérieure. De cette formule en avait été déduit que les heures de délégation prises en dehors de l’horaire de travail doivent non seulement être rémunérées mais doivent encore l’être lorsqu’elles sont réalisées en raison des nécessités du mandat en qualité d’heures supplémentaires (Soc. 25 juin 2008, n° 06-46.223, RJS 11/2008, n° 1096). Pour la Cour de cassation en effet, ce temps de délégation est « un accessoire nécessaire du contrat de travail en cours et impliquant des contraintes qui doivent être spécialement rémunérées, lorsque les heures de délégation ne s’imputent pas sur le temps de travail effectif » (Soc. 20 mars 2002, n° 99-45.516 P, D. 2002. 1237 ). Mais quid lorsque le temps de travail effectif en question demeure théorique et n’est pas réalisé dans les faits ?

C’est là le principal apport de l’arrêt qui vient compléter la jurisprudence antérieure en faisant peser sur l’employeur la charge de définir les heures théoriques de travail du salarié placé en dispense d’activité avec maintien de sa rémunération. Cette solution s’explique par l’obligation qu’a l’employeur de fixer l’horaire de travail. Ces horaires sont en effet nécessaires pour apprécier si les heures de délégations ont été prises pendant ou hors temps de travail effectifs et méritent donc – ou non – une rémunération supplémentaire.

Or dès lors que ces horaires théoriques ne sont pas définis, la sanction est radicale et conduit au paiement des heures de délégations du salarié en sus du maintien de sa rémunération de base ». Il eut été plus avantageux pour l’employeur de retenir une solution présumant – dans la mesure où le salarié considéré n’exerce pas d’activité professionnelle en raison de la dispense dont il bénéficie – que celui-ci est libre d’effectuer sa mission de représentant du personnel pendant des horaires normaux de travail. La présente solution reviendrait à l’inverse à présumer, en l’absence de fixation des horaires théoriques par l’employeur, que les heures de délégations sont exercées en dehors du temps de travail théorique.

Or il avait déjà été jugé que l’obligation de payer à l’échéance normale le temps alloué aux membres du CHSCT pour l’exercice de leurs fonctions ne les dispense pas d’indiquer l’utilisation faite du temps pour lequel ils ont été payés (Soc. 4 févr. 2004, n° 01-46.478 P, RJS 4/2004, n° 421). Il eut été concevable de décider que le salarié qui sollicite le paiement d’heures de délégation en sus de la rémunération qui lui est versée pendant sa dispense d’activité soit dans l’obligation de justifier de la réalisation effectives de telles heures de délégation sur des périodes contraintes par l’exercice de sa mission ; ou encore de réserver l’hypothèse d’un paiement supplémentaire, en présence d’un salarié dispensé d’activité, au seul cas où il aurait été contraint de se rendre à des réunions à l’initiative de l’employeur pendant la période considérée, sauf pour lui à faire état de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du crédit d’heures de délégation. La chambre sociale ne s’est toutefois pas aventurée sur ce terrain dans cet arrêt du 3 mars 2021.

Une exigence formaliste en présence d’une dispense d’activité

Les employeurs devront donc se montrer particulièrement vigilant lorsqu’un salarié titulaire d’un mandat s’engage dans un processus de retraite progressive le conduisant à une dispense d’activité avec maintien de sa rémunération, ou plus largement dans toutes circonstances impliquant une telle dispense d’activité. Faute pour eux de s’assurer de la preuve de la fixation d’un horaire de travail théorique au salarié concerné par la dispense d’activité, ils s’exposeront à une possible condamnation au paiement d’heures de délégation. Cette exigence peut sembler manquer de pragmatisme en ce qu’il n’est pas commun de délivrer un planning avec un horaire de travail qui n’a pas vocation à être réalisé. Elle prend néanmoins son sens et parait difficilement contournable lorsque l’on combine les deux obligations pesant sur l’employeur : celle de rémunérer les heures de délégations réalisées hors temps de travail et celle de fixer l’horaire de travail du salarié, qui ne disparait donc pas en cas de dispense d’activité et sans laquelle l’appréciation de la première obligation apparaît compromise.

L’article fondant la solution retenue, qui concernait le feu CHSCT, est désormais abrogé mais retrouve sa substance dans l’article L. 2315-10 du code du travail concernant les heures de délégations du Comité social et économique (CSE). La formulation de celui-ci étant reprise, force est d’admettre que la présente décision aura vocation à s’appliquer aux titulaires d’heures de délégation au titre de leur mandat de membre du CSE.

Auteur d'origine: Dechriste

La Cour était saisie de questions préjudicielles, d’une part, d’une juridiction slovène qui doit trancher le litige entre la télévision du pays et un technicien, d’autre part, d’une juridiction allemande à propos d’un contentieux entre un sapeur-pompier et la ville qui l’emploie. Les deux hommes réclament le paiement comme temps de travail d’heures d’astreinte effectuées dans des conditions sensiblement différentes. Le soldat du feu pouvait se trouver où il le souhaitait… tant qu’il était en mesure de se présenter, vingt minutes après un appel, à n’importe quelle limite de la ville d’Offenbach-sur-le-Main. Quant au technicien, ses astreintes se...

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Auteur d'origine: pastor

Le Conseil constitutionnel était saisi le 27 novembre 2020 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale qui réserve le bénéfice du dispositif de retraite progressive aux salariés qui exercent une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail, c’est-à-dire aux salariés dont la durée du travail – exprimée en heures – est inférieure à la durée légale ou conventionnelle de travail. En effet, par deux décisions du 3 novembre 2016 (nos 15-26.275 et 15-26.276), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que le dispositif de retraite progressive ne peut s’appliquer qu’aux salariés dont la durée d’activité à temps partiel est décomptée en heures.

Il est donc reproché à ces dispositions de faire obstacle à ce que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours réduit (inférieur à 218 jours par an) puissent bénéficier de ce dispositif de retraite progressive et d’apporter en conséquence une rupture d’égalité devant la loi sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Il était également avancé par la requérante que ces dispositions créaient une discrimination indirecte puisque les salariés qui concluent des conventions de forfait réduit sont majoritairement des femmes.

Le dispositif de retraite progressif a été institué par la loi relative à la sécurité sociale du 5 janvier 1988 destinée à aménager au travailleur senior une période transitoire qui lui permet de bénéficier d’une fraction de sa pension de retraite tout en continuant à exercer une activité professionnelle réduite. L’objet de ce dispositif est donc d’encourager le maintien des salariés âgés – et expérimentés – dans l’emploi.

Le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Les Sages devaient donc établir le rapport – ou non – avec l’objet de la loi de la différence de traitement entre un salarié dont la réduction de l’activité professionnelle est exprimée en heures et les salariés qui exercent une activité également réduite mais mesurée en jours.

Le Conseil constitutionnel juge que ces salariés sont certes dans une situation différente mais, « en instaurant la retraite progressive, le législateur a entendu permettre aux travailleurs exerçant une activité réduite de bénéficier d’une fraction de leur pension de retraite en vue d’organiser la cessation graduelle de leur activité. Or un salarié ayant conclu avec son employeur une convention de forfait annuelle en jours fixant un nombre de jours travaillés inférieur au plafond légal ou conventionnel exerce, par rapport à cette durée maximale, une activité réduite. Dès lors, en privant ce salarié de toute possibilité d’accès à la retraite progressive, quel que soit le nombre de jours travaillés dans l’année, le législateur a institué une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi ». Dès lors, les mots « qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail » figurant au premier alinéa de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale sont contraires à la Constitution.

Les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité sont toutefois reportés au 1er janvier 2022, l’abrogation immédiate aurait en effet pour conséquence de priver les salariés à temps partiel du bénéfice de la retraite progressive.

Il convient alors de préciser que le projet de loi instituant un système universel de retraite, déposé le 24 janvier 2020 à l’Assemblée nationale, prévoit d’étendre le dispositif de retraite progressive aux travailleurs indépendants ainsi qu’aux salariés ayant conclu un forfait jours. Encore faudrait-il qu’il soit adopté définitivement et publié avant le 1er janvier 2022…

Rappelons en effet que le report de l’abrogation ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’État puisse être engagée du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles.

Auteur d'origine: Dechriste
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Cette date est celle à laquelle, par son arrêt Fédération des promoteurs immobiliers (CE 8 juill. 2016, req. n° 389745, Lebon T. ; AJDA 2016. 1428 ; RTD eur. 2017. 335, obs. A. Bouveresse ), la haute juridiction a reporté l’entrée en vigueur du décret du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal.

Le Conseil d’État était saisi du pourvoi de la société Tradi Art Construction contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant sa demande d’annulation des amendes administratives qui lui avaient été infligées pour manquement aux obligations qui lui incombaient, en tant que donneur d’ordres, en vertu du décret du 30 mars 2015.

Il résulte de l’article L. 1262-2-1 du code du travail, issu de la loi n° 2014-790 du...

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Auteur d'origine: emaupin
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Restrictions à la libre circulation des représentants du personnel dans les locaux de travail en cas d’abus

L’employeur peut apporter des restrictions à la libre circulation des représentants du personnel élus et délégués syndicaux dès lors que les comportements des salariés grévistes, apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel, causent un trouble manifestement illicite.

Le code du travail consacre le principe selon lequel les représentants du personnel élus et les délégués syndicaux peuvent circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés (C. trav., art. L. 2143-20, L. 2315-5, L. 2325-11).

Si cette liberté est d’ordre public, elle n’est pas sans limites, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans sa décision du 10 février 2021. Elle peut en effet donner lieu à restrictions au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus. Il en est de même en cas de mouvement de grève.

C’est précisément sur cette question de la liberté de circulation dans l’entreprise pendant un mouvement de grève que se prononce la Cour de cassation dans la présente affaire.

Une mobilisation avait été déclenchée par des salariés d’une société prestataire d’un établissement hôtelier. L’employeur avait imposé des restrictions provisoires. Il avait d’abord interdit l’accès à l’hôtel, puis, quelques jours plus tard, avait conditionné l’accès (entrée sans sifflets, ni mégaphone, ni chasubles ; contact à distance par un membre de la direction ou de la sécurité, interdiction d’entrée dans les chambres d’hôtel sans autorisation).

Les salariés et une organisation syndicale ont saisi le président du tribunal de grande instance en invoquant l’entrave et les atteintes au droit de grève dont ils auraient été l’objet.

La chambre sociale approuve la cour d’appel d’avoir jugé que les restrictions mises en place par l’employeur étaient justifiées et proportionnées.

En l’espèce, sans remettre en cause la légitimité d’une action revendicative des représentants du personnel et syndicaux, pouvant s’exercer sous la forme d’une cessation collective et concertée du travail, les juges d’appel ont relevé qu’il avait été constaté, notamment par des actes d’huissier, de la part des représentants participant au mouvement de grève des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel (usage de mégaphone et montée dans les étages de l’hôtel pour interpeller les salariés non grévistes, distribution de tracts aux clients, cris et usage de sifflets, montée dans les étages de l’hôtel pour intimider les salariés non grévistes ; entrée de force dans une chambre de l’hôtel).

Ces comportements ont été jugés abusifs et constitutifs, par conséquent, d’un trouble manifestement illicite.

La décision de la Cour de cassation emporte l’adhésion. L’essence même du droit de grève est d’exercer une certaine pression sur l’employeur. Dans cette perspective, l’occupation des locaux par les salariés grévistes n’est pas en elle-même illicite. En revanche, dès lors qu’il résulte de cette occupation une entrave à la liberté du travail des salariés non grévistes (Soc. 8 oct. 2014, n° 13-18.873, Dalloz actualité, 30 oct. 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 2054 ), une atteinte à la libre circulation des personnes, une atteinte à la sécurité des personnes et des biens (Soc. 26 févr. 1992, n° 90-16.272) ou encore une atteinte à l’outil de travail, elle cause nécessairement un trouble manifestement illicite, justifiant la mise en place de restrictions par l’employeur à la libre circulation des représentants du personnel élus et délégués syndicaux. Ces restrictions doivent cependant être proportionnées aux abus.

L’interdiction faite aux salariés grévistes d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique ne relève pas du juge judiciaire

En l’espèce, après avoir constaté que les grévistes faisaient une utilisation abusive de matériels sonores aux fins notamment d’apporter une gêne aux clients de l’hôtel, la cour d’appel a fait droit à la demande de l’employeur d’interdire aux salariés grévistes et à toute personne agissant de concert avec eux d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique, en deçà d’un périmètre de 200 mètres autour de l’hôtel et à être autorisé à défaut à faire appel à la force publique.

Cette position est censurée par la Cour de cassation, laquelle considère que, sauf disposition spéciale, le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir dans ce cadre des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique.

Pour ce faire, la haute juridiction excipe du principe de séparation des pouvoirs consacré par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

Auteur d'origine: Dechriste

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 posait le principe selon lequel le CSE devait être mis en place au terme des mandats en cours et au plus tard le 31 décembre 2019.

Afin d’assurer progressivement le passage des anciennes institutions représentatives au CSE, l’ordonnance avait prévu une période de transition.

En particulier, l’article 9, III, avait donné la possibilité aux entreprises, lorsque le terme des mandats en cours variait selon l’institution, de les proroger ou de les réduire afin de faire coïncider leur échéance avec la date de la mise en place du comité social et économique.

Une telle décision pouvait résulter soit d’un accord collectif, soit d’une décision de l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas...

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Auteur d'origine: Dechriste
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À l’heure où la question des relations triangulaires de travail est souvent associée à celle, largement débattue, de l’« ubérisation » de notre société (V., I. Daugareilh et T. Pasquier, La situation des travailleurs des plateformes : l’obligation de recourir à un tiers employeur doit-elle être encouragée ?, RDT 2021. 14 ), on en vient à oublier que le portage salarial a, en la matière, longtemps cristallisé l’attention. Pour rappel, le portage salarial est un modèle spécifique de mise à disposition de main-d’œuvre qui consiste à mettre en relation une personne dite « portée », une entreprise de portage salarial et une entreprise cliente. Sur le principe, il appartient au salarié porté, capable de justifier d’une expertise, d’une qualification et d’une certaine autonomie, de démarcher une entreprise cliente avant de la mettre en relation avec l’entreprise de portage salarial. Dans les faits, le salarié porté négocie les conditions de son intervention avec l’entreprise cliente, notamment le contenu de la prestation et les modalités financières. En parallèle, le contrat commercial conclu entre la société de portage salarial et l’entreprise cliente vise à encadrer les conditions de facturation de la prestation réalisée par le salarié porté.

Le mécanisme de portage salarial permet au salarié porté d’exercer une activité de nature indépendante tout en bénéficiant d’un statut de salarié qui lui est garanti par l’entreprise de portage salarial. À ce titre, cette dernière est tenue de...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Lorsqu’elle arrive à son terme, la procédure de licenciement aboutit nécessairement à la rupture du contrat de travail du salarié. Si le salarié peut en contester le bien-fondé lorsqu’il estime que l’employeur n’avait pas de motif valable pour rompre la relation contractuelle, il n’en reste pas moins que la finalité de la procédure est souvent bornée à une logique indemnitaire. Le code du travail ouvre bien la voie de la réintégration lorsque la rupture est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais celle-ci est toutefois largement hypothétique car conditionnée à la volonté réciproque des parties (C. trav., art. L. 1235-3).

Néanmoins, il en va différemment en cas de licenciement nul. En effet, lorsque le licenciement est entaché d’une nullité telle que la violation d’une liberté fondamentale, des faits de harcèlement ou une discrimination avérée (C. trav., art. L. 1235-3), le salarié peut, de droit, demander sa réintégration. Précisons que ni l’employeur, ni le juge ne peuvent dans ce cas s’y opposer (Soc. 14 févr. 2018, n° 16-22.360). La seule limite au principe tient à l’impossibilité matérielle de réintégrer le salarié dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il en va par exemple ainsi lorsque le salarié a liquidé ses droits à la retraite (Soc. 14 nov. 2018, n° 17-14.932 P, D. 2018. 2239 ; 13 févr. 2019, n° 16-25.764, D. 2019. 386 ; Dr. soc. 2019. 365, obs. J. Mouly ; 8 juill. 2020, n° 17-31.291 P, D. 2020. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ), lorsque le salarié s’est rendu coupable d’actes de concurrence déloyale après le licenciement (Soc. 25 juin 2003, n° 01-46.479, D. 2004. 1761, et les obs. , note M. Julien ; Dr. soc. 2003. 1024, obs. P. Waquet ) ou bien en cas de liquidation de l’entreprise (Soc. 20 juin 2006, n° 05-44.256, Dr. soc. 2007. 564, note F. Petit ). Dans ce cas, l’employeur est admis à refuser la réintégration et le salarié se voit allouer une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six...

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La transparence financière, critère légal introduit à l’article L. 2121-1 du code du travail, doit aujourd’hui être lue notamment au prisme de l’obligation imposée aux syndicats de produire des comptes annuels (C. trav., art. L. 2135-1 et art. D. 2135-1 à D. 2135-9), laquelle transpose l’exigence introduite par la position commune du 9 avril 2008 d’assurer une telle transparence par la publication des « comptes certifiés annuels » (art. 1.5, position commune du 9 avr. 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme).

Aussi, pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, dont celle de désigner un représentant de section syndicale, un syndicat doit nécessairement satisfaire au critère de transparence financière (Soc. 22 févr. 2017, n° 16-60.123 P, Dalloz actualité, 20 mars 2017, obs. M. Roussel ; D. 2017. 514 ; Dr. soc. 2017. 575, obs. F. Petit ; RDT 2017. 433, obs. I. Odoul-Asorey ).

Se pose toutefois la question de savoir à quel moment s’apprécie cette condition de transparence dans le cadre de l’acte de désignation d’un représentant syndical et, surtout, sur la base de quels éléments (certification comptable, approbation, publication…) celle-ci peut-elle être réputée acquise. Tels sont précisément les domaines dans lesquels l’arrêt du 10 février 2021 apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, un syndicat avait notifié à la RATP la désignation d’un salarié en qualité de représentant de section syndicale en avril 2019.

La RATP, estimant que le syndicat ne remplissait pas le critère de transparence financière nécessaire à cette désignation, a saisi le tribunal d’instance aux fins d’annulation de ladite désignation. Pour elle, le syndicat devait, pour satisfaire au critère de transparence, produire des comptes réguliers assortis de références à des pièces justificatives, ce que l’organisation syndicale n’avait pas fait pour les exercices antérieurs à 2018. Était en outre critiqué le fait que les comptes n’aient pas été – à la date de désignation – ni approuvés, ni publiés concernant l’exercice 2018.

Les juges du fond déboutèrent toutefois la RATP de sa demande, ce qui...

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Si la jurisprudence a déjà pu préciser que le plafond de garantie des salaires de l’AGS s’entend de la totalité des créances salariales, en ce compris le précompte effectué par l’employeur en vertu de l’article L. 242-3 du code de la sécurité sociale (CSS) au profit des organismes sociaux (Soc. 8 mars 2017, n° 15-29.392 P, D. 2017. 645  ; RDT 2017. 261, obs. A. Fabre ) à la suite d’un revirement vis-à-vis d’une position antérieure plutôt contestée (v. Soc. 2 juill. 2014, n° 13-11.948 P, D. 2014. 1493 ; Rev. sociétés 2014. 533, obs. L. C. Henry  ; Rev. proc. coll. 2014. 129, obs. L. Fin-Langer, P. Roussel Galle et D. Jacotot ; ibid. 2015, obs. P. Pétel ; JCP E 2014. 1384, obs. D. Arlie), reste encore à déterminer, dans le cadre de certains dispositifs, ce qui mérite d’être qualifié juridiquement de créance de salaire.

La contribution de l’employeur au dispositif de la convention de reclassement personnalisé (CRP) entre-t-elle, par exemple, dans le plafond de garantie des salaires de l’AGS en dépit du fait qu’elle est versée non pas directement au salarié mais à Pôle emploi ? Telle est la question technique posée à la chambre sociale et dont l’arrêt du 10 février 2021 livre des éléments de réponse.

En l’espèce, plusieurs salariés s’étaient vu notifier leur licenciement pour motif économique à la suite de la liquidation judiciaire de leur employeur. Ces derniers acceptèrent la convention de reclassement personnalisé qui leur a été proposée.

Après un premier contentieux ayant reconnu l’absence de cause réelle et sérieuse ou la nullité de leur licenciement, les salariés saisirent la juridiction prud’homale pour contester le montant des créances salariales arrêtées par le liquidateur, ainsi que le plafond de garantie de l’AGS.

Les juridictions du fond estimèrent que le montant des...

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