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Décision retentissante mais attendue des spécialistes, la Cour de cassation a, par une décision du 4 mars 2020 (n° 19-13.316, D. 2020. 490, et les obs. ), requalifié les relations contractuelles liant la plateforme Uber à l’un de ses chauffeurs en contrat de travail.

Après avoir rappelé la définition désormais ancienne des caractéristiques du contrat de travail, la Cour a rappelé que le lien de subordination (propre au contrat de travail) est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D’autres indices (ne permettant pas à eux seuls de qualifier des relations contractuelles en contrat de travail) peuvent venir au soutien de cette requalification, telles les notions de dépendance économique ou encore de travail dans un service organisé (c’est-à-dire avec les moyens mis à sa disposition par son employeur).

C’est dans cette logique que la Cour a jugé que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution et que justifie légalement sa décision une cour d’appel qui, pour qualifier de contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et la société utilisant une plateforme numérique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs exerçant sous le statut de travailleur indépendant, retient :

1. que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plateforme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport,

2. que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne le suit pas,

3. que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non,

4. que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques », et déduit de l’ensemble de ces éléments l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif.

Si la société Uber prétend (ce en quoi elle a raison) que cette jurisprudence ne s’applique qu’au cas d’espèce qui était soumis à la Cour, en revanche, il y a fort à parier que si la plupart des chauffeurs de VTC sont placés dans des conditions d’exécution de leurs missions identiques à celles de l’espèce jugée, alors eux aussi devraient pouvoir prétendre à la qualité de salarié.

C’est le même raisonnement qu’avait suivi la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 2018 (n° 17-20.079, Dalloz actualité, 12 déc. 2018, obs. M. Peyronnet ; D. 2019. 177, et les obs. , note M.-C. Escande-Varniol ; ibid. 2018. 2409, édito. N. Balat ; ibid. 2019. 169, avis C. Courcol-Bouchard ; ibid. 326, chron. F. Salomon et A. David ; ibid. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJ contrat 2019. 46, obs. L. Gamet ; Dr. soc. 2019. 185, tribune C. Radé ; RDT 2019. 36, obs. M. Peyronnet ; ibid. 101, chron. K. Van Den Bergh ; Dalloz IP/IT 2019. 186, obs. J. Sénéchal ; JT 2019, n° 215, p. 12, obs. C. Minet-Letalle ; RDSS 2019. 170, obs. M. Badel ), pour une plateforme de livraison de repas, en décidant que « viole l’article L. 8221-6, II, du code du travail la cour d’appel qui retient qu’un coursier ne justifie pas d’un contrat de travail le liant à une société utilisant une plateforme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plateforme et des livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de repas, alors qu’il résulte de ses constatations que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier ».

Une récente décision du conseil de prud’hommes de Paris semble d’ailleurs admettre désormais cette analyse puisqu’en sa section départage, il était décidé que : « Au vu de l’ensemble de ces éléments, M. X établit que l’application qui lui a été imposée était dotée d’un système de géolocalisation permettant son suivi en temps réel par la société et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, et que la société disposait d’un pouvoir de sanction à son égard. Ces différents éléments permettent d’établir que le demandeur fournissait directement des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci et il convient, nonobstant la dénomination et la qualification données par les parties, de constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée liant M. X et la société Deliveroo France SAS, du 8 septembre 2015 au 6 avril 2016 » (Cons. prud’h. Paris, section départage, n° 19-07738).

Ainsi, à l’heure où les rues sont désertes et où les derniers signes de vie traversant la ville portent les couleurs d’Uber, Bolt, Deliveroo, Take Eat Easy… et sans évoquer la question déjà débattue des conséquences fiscales et sociales qu’entraîneraient ces requalifications pour les chauffeurs-livreurs, sans entrer dans le débat de la pérennité même du modèle des plateformes (ou de la dénonciation de ces décisions judiciaires par le syndicat des autoentrepreneurs comme une atteinte à leur liberté), il est légitime de se demander ce qu’il adviendrait si, en ces périodes « de guerre », ces derniers sollicitaient la requalification de leur contrat de prestation de service en contrat de travail et le bénéfice des droits qui y sont aujourd’hui attachés.

Présumons donc, dans le cadre de cet article, hypothèse réaliste, que les « indépendants », les autoentrepreneurs puissent être qualifiés de salariés de ces plateformes.

Avec le coronavirus, des droits souvent en sommeil sont réapparus : le droit de retrait, l’activité partielle mais aussi de nouveaux droits, comme l’arrêt de travail simplifié pour la garde des enfants âgés de moins de 16 ans ou l’arrêt de travail pour les personnes à risque élevé, ou l’obligation de sécurité à charge pour l’employeur avec notamment la mise en place de gestes barrières et autres mesures de protection spécifiques.

Il semble raisonnable à ce stade d’exclure le télétravail, l’hypothèse même du transport de personne ou de livraison de repas à domicile excluant par principe cette hypothèse.

Enfin, dans l’hypothèse d’un refus par une plateforme d’appliquer à un salarié qui en revendiquerait le statut, les dispositions protectrices en période d’urgence sanitaire, quelle en serait la sanction possible ?

Activité partielle

L’article L. 5122-1 du code du travail prévoit le recours à l’activité partielle (anciennement dénommée chômage partiel) en ces termes : « Les salariés sont placés en position d’activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative s’ils subissent une perte de rémunération imputable :

• soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ;

• soit à la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail.

En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement ».

Il n’est pas contestable que les chauffeurs et livreurs des plateformes subissent, en raison tant du confinement pour les premiers que de la fermeture des établissements de restauration (non essentiels à la vie de la nation) pour les seconds, une réduction de leur activité.

Le nombre de courses est ainsi substantiellement réduit et par suite leur chiffre d’affaires.

En termes d’indemnisation de la perte de revenu et en qualité de salarié, chaque chauffeur ou livreur des plateformes précitées n’aurait pas pour seul recours celui de solliciter les aides promises aux indépendants par un fonds de garantie que le gouvernement devrait mettre en place par ordonnance et accordant pour le mois de mars 2020 une aide de 1 500 € sous conditions de justificatifs d’une baisse de chiffre d’affaires de plus de 70 % par rapport à mars 2019.

Chaque chauffeur ou livreur pourrait être placé en activité partielle par suite d’une baisse du nombre d’heures travaillées, par roulement ou par diminution collective de leur durée du travail (fixé a minima à 35 heures) avec maintien, selon le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, de 84 % de leur rémunération nette avancée par l’employeur mais garantie à 100 % par l’État dans la limite de 4,5 fois le SMIC (montant probablement rarement atteint pour les salariés concernés).

Qu’il convient enfin de préciser que le gouvernement envisage de prolonger la durée maximale de l’activité partielle de six mois à un an.

La protection accordée par ces dispositions aux salariés est sans nul doute plus favorable que le régime des indépendants-autoentrepreneurs avec pour seule compensation le versement d’un montant de 1 500 €.

Arrêt de travail

La qualité de salarié permettrait en outre à ces derniers dès lors qu’ils sont atteints par le coronavirus de percevoir les indemnités journalières de la sécurité sociale ainsi que le complément de salaire prévu par les dispositions de l’article L. 1226-1 du code du travail ou par les dispositions plus protectrices de la convention collective qui pourrait leur être appliquée (celle des transports ou de la restauration rapide, etc.).

Le sujet ne sera pas ici débattu mais il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur le sort de la convention collective qui sera applicable aux salariés des plateformes précitées, le principe étant que la convention collective est celle relative à l’activité principale de la société, en l’espèce, le transport de personnes, si la société devenait davantage une société de transport qu’une société de service.

Ainsi, chaque salarié aurait droit aux indemnités journalières de la sécurité sociale en cas de maladie (soit 50 % de son salaire dans la limite de 1,8 fois le SMIC) sans délai de carence ainsi qu’une indemnité complémentaire prévue par l’article L. 1226-1 du code du travail dont le montant porte la rémunération du salarié à 90 % de son salaire les trente premiers jours puis à 66,6 % de son salaire les mois suivants, sauf dispositions conventionnelles plus favorables et/ou ancienneté plus favorable.

Il convient de préciser que, dans le cadre du projet de loi de l’urgence sanitaire, le gouvernement a étendu aux travailleurs indépendants les dispositions de l’arrêt de travail simplifié pour un des deux parents qui devraient assurer la garde d’enfants âgés de moins de 16 ans (ou 18 ans en cas de handicap) et pour l’arrêt de travail de personnes dites « à risque élevé ».

Ces cas sont nombreux puisqu’elles sont applicables sans besoin de la production d’un arrêt médical de travail et en justifiant auprès de la CPAM d’être classé comme étant « à risque », c’est-à-dire d’être parmi les cas suivants : les femmes enceintes, les personnes souffrant d’obésité, de pathologie cardiaque, d’hypertension, respiratoire (asthme, notamment) diabète, etc.

En qualité de travailleurs indépendants, aucun complément ne vient s’ajouter aux indemnités de sécurité sociale versées, sauf pour ce dernier à avoir conclu un contrat de prévoyance, à sa charge.

En qualité de salarié, la prise en charge par l’assurance maladie et l’employeur du complément est en outre, dans le cadre de l’urgence sanitaire, sans délai de carence contrairement à la législation actuelle.

Il n’est pas inutile de noter, d’ailleurs et à ce titre, que la société Uber a déclaré dans la presse, le 7 mars dernier :

• « offrir aux conducteurs et aux coursiers qui sont atteints du covid-19 ou qui sont en quarantaine forcée, une compensation pour une période pouvant aller jusqu’à quatorze jours et annoncé qu’en France, le montant de l’indemnisation serait déterminé en fonction des revenus générés sur la plateforme Uber lors des deux semaines précédentes ;

• et interrompre son service de covoiturage UberPool en France ».

Ainsi, la société Uber propose une compensation analogue dans son esprit au versement d’indemnités journalières de la sécurité sociale et de complément de salaires versés par l’employeur aux salariés malades ou en quarantaine sur une période restreinte à quatorze jours maximum, démontrant là la conscience qu’elle a de la fragilité du statut de ses cocontractants mais aussi de leur dépendance économique, un des indices précisément du contrat de travail.

Ici encore, le statut de salarié durant la période d’urgence sanitaire semble bien plus favorable aux salariés qu’aux indépendants.

Sur l’obligation de sécurité des plateformes

Se pose enfin la question des mesures de sécurité pour éviter tout risque de contamination.

Il est en effet raisonnable d’envisager un risque de contamination par les clients transportés, l’habitacle d’une voiture, par nature un lieu clos, ne pouvant permettre la mise en œuvre des mesures barrières préconisées par les professionnels de santé et le gouvernement.

Cette existence du risque est d’ailleurs connue de la société Uber puisque cette dernière a par exemple provisoirement fermé son service UberPool consistant précisément au partage du véhicule par plusieurs clients.

Les plateformes de transport de personnes ou de livraisons de repas s’estiment libérées de toute obligation de sécurité vis-à-vis de leurs chauffeurs ou livreurs.

Aucun matériel, tel que masques, gel hydroalcoolique, gants, lunettes de protection, séparation de la place de conducteur du reste de l’habitacle n’a été mis à leur disposition par la société Uber lorsque la France fait face à une pénurie de certains de ces matériels de protection et que les chauffeurs ne peuvent pas s’en procurer par eux-mêmes.

Il en irait différemment si les chauffeurs-livreurs bénéficiaient du statut de salarié.

Obligation de sécurité

Dès lors que les chauffeurs et livreurs seraient considérés comme des salariés, les plateformes seraient tenues, comme tout employeur, à une obligation de sécurité à l’égard des salariés qu’elles emploient (C. trav., art. L. 4121-1).

L’employeur a plus spécifiquement une obligation de sécurité par application de l’article L. 4422-1 du code du travail qui dispose que : « L’employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l’article L. 4121-2 ».

Ainsi, la qualité de salariés permettrait à ces derniers d’avoir la possibilité d’alerter leur employeur d’éventuels dangers ou risques sanitaires, d’alerter leur représentant du personnel, les CSE ou CSSCT (en fonction de la taille de l’entreprise), de saisir l’inspection du travail, la médecine du travail afin que des mesures adaptées à l’activité de chauffeur VTC ou de livreur soient préconisées et mises en œuvre par la société pour les protéger d’un risque de contamination au covid-19.

Il sera à cet égard précisé que par décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, pèsent sur les entreprises de transport public collectif routier des obligations spécifiques visant à protéger tant les usagers que les conducteurs.

Ces entreprises auxquelles peuvent être assimilées les plateformes de transport de personnes (chauffeurs VTC) ont ainsi pour obligation :

• le nettoyage au désinfectant de chaque véhicule au moins une fois par jour ;

• sauf impossibilité technique avérée, l’entreprise prend toutes les dispositions adaptées pour séparer le conducteur des voyageurs d’une distance au moins égale à un mètre et en informer les voyageurs, seule une paroi isolant l’avant de l’arrière du véhicule permettrait une telle distanciation dans le cas des chauffeurs VTC ;

• l’interdiction aux voyageurs d’utiliser la porte avant du véhicule ;

• informer les voyageurs notamment par un affichage à bord de chaque véhicule, des mesures d’hygiène et de distanciation sociales, dites « barrières », et notamment le respect d’une distance d’un mètre avec le conducteur.

Si certaines plateformes ont informé leurs salariés de mesures à mettre en œuvre relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 en ces termes :

• « Aucun passager ne peut s’asseoir à côté du conducteur. La présence de plusieurs passagers est admise aux places arrière ;

• le véhicule doit être en permanence aéré ;

• les passagers doivent emporter tous leurs déchets ;

• le chauffeur procède au nettoyage avec désinfectant du véhicule au moins une fois par jour ;

• le chauffeur est autorisé à refuser l’accès du véhicule à une personne présentant des symptômes d’infection au covid-19 »,

en revanche, ces dernières reconnaissent qu’elles « font leur possible pour vous fournir des produits désinfectants afin de vous aider à garder votre véhicule propre et sain », reconnaissant qu’elles n’ont rien fourni aux salariés comme matériels de protection, ni gants, ni masques, ni gel hydroalcoolique par exemple (communication Uber du 26 mars 2020).

Chaque chauffeur en sa qualité de salarié pourrait alors solliciter l’application de ces mesures de sécurité sauf à rechercher en cas de préjudice qui en résulterait la responsabilité de leur employeur.

Les livreurs des différentes plateformes, en relation constante avec la clientèle et malgré des consignes qui leur sont données de déposer à distance sur le palier les repas livrés, n’en sont pas moins au contact des commerçants sans que soient prévues des mesures de protection telles que port de masque, de gants ou respect des règles de distanciation avec les commerçants.

Les risques de contamination sont donc ici encore particulièrement importants.

Face à de tels risques, les salariés pourraient exercer leur droit de retrait.

Sur le droit de retrait

Comme tout salarié, les chauffeurs VTC et livreurs liés aux plateformes précitées pourraient faire usage de leur droit de retrait.

L’article L. 4131-1 du code du travail permet ainsi au salarié d’alerter immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation. Si aucune procédure particulière n’est prévue pour l’exercice du droit de retrait, il convient pour autant de procéder de manière à conserver la preuve de l’information de l’employeur de son intention d’exercer son droit de retrait, le courrier recommandé avec accusé de réception doublé d’un mail nous paraissant être la pratique la plus sûre.

En effet, le salarié ne peut quitter son emploi sans avoir préalablement « alerter » son employeur ou son premier supérieur hiérarchique.

L’employeur ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie et pour la santé de chacun d’eux (C. trav., art. L. 4131-3).

Il est important de noter que la loi ne subordonne pas le droit de retrait à l’existence effective d’un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé, il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de penser qu’il est effectivement confronté à un tel danger.

Lors du contrôle a posteriori du bien-fondé de l’exercice du droit de retrait, la juridiction prud’homale devra uniquement s’attacher à l’appréciation du danger faite par le salarié à la date d’exercice de son droit de retrait et non à celle qu’en ferait l’employeur ou encore le juge.

En l’espèce, un chauffeur ou livreur qui, concomitamment, mettrait en demeure son employeur de le rétablir dans ses droits en reconnaissant l’existence d’un contrat de travail et solliciterait consécutivement la qualité de salarié et les droits y afférents pourrait faire valoir son droit de retrait et exiger le paiement de son salaire tant que l’employeur n’a pas mis en place les mesures de préventions adaptées.

En l’espèce, il n’est pas fantaisiste d’imaginer que, dans le cadre d’une « guerre » et alors que le virus est présenté comme très agressif, recélant un risque vital et pouvant demeurer sur certaines surfaces plusieurs heures, que des salariés exigent, dans un cadre confiné, de porter des masques ou des gants ou de bénéficier de gel hydroalcoolique et qu’à défaut, cela puisse caractériser un danger grave ou imminent ou qu’il soit acquis qu’ils puissent seulement raisonnablement le penser.

Chaque chauffeur ou livreur pourrait alors – jusqu’à ce que les mesures protectrices aient été prises – exercer leur droit de retrait et a minima bénéficier d’une enquête de la médecine du travail sur les risques infectieux en cas de confinement dans un habitacle ou de contacts fréquents avec une clientèle.

Il est également opportun de noter que la Cour de cassation prononce la nullité du licenciement notifié par l’employeur pour un motif lié à l’exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste dans une situation de danger (Soc. 28 janv. 2009, n° 07-44.556, Dalloz actualité, 9 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 2128, obs. J. Pélissier, T. Aubert, M.-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, B. Lardy-Pélissier et B. Reynès ; Dr. soc. 2009. 489, obs. P. Chaumette ; RDT 2009. 167, obs. M. Miné ).

Il sera à cet égard rappelé que la nullité du licenciement permet d’écarter les plafonds d’indemnité de licenciement fixés à l’article L. 1235-3 du code du travail, en application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du même code, l’indemnité pour licenciement nul ne pouvant en outre être inférieure à six mois de salaire.

Mais le salarié peut aussi, en cas de licenciement nul, solliciter sa réintégration dans ses fonctions.

Ce risque de réintégration est d’autant plus accru que, si l’employeur devait, à l’occasion d’une saisine du conseil de prud’hommes en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail ou d’exercice d’un droit de retrait, rompre le contrat de service le liant au salarié, cette rupture pourrait être qualifiée de licenciement et, partant, en licenciement nul.

En effet, la Cour de cassation a dans un premier temps et de longue date jugé qu’était dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif à la saisine de la juridiction prud’homale de demandes relatives à l’exécution du contrat de travail (Soc. 7 juill. 2004, n° 02-42.821, Dalloz jurisprudence).

Puis, sur le fondement de la liberté fondamentale d’exercer une action en justice, la Cour de cassation a prononcé la nullité du licenciement du fait de la seule mention aux termes de la lettre de licenciement du grief imputé au salarié d’avoir pris l’initiative de saisir le conseil de prud’hommes, et cela même si le licenciement ne repose pas que sur ce seul motif, l’atteinte à une liberté fondamentale rendant inopérants les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, sans que le juge ait à les étudier (Soc. 8 févr. 2017, n° 15-28.085, JA 2018, n° 572, p. 39, étude J.-F. Paulin et M. Julien ).

Ainsi, et pour résumer, le chauffeur qui solliciterait la requalification de son contrat de travail par un courrier de mise en demeure tout en informant son employeur de son droit de retrait pourrait, si la plateforme devait sanctionner cette demande par une « déconnexion définitive de la plateforme », assimilable à une rupture des relations contractuelles, soit solliciter (outre le paiement du salaire pendant la période de retrait) des dommages équivalant au minimum à six mois de salaires, soit solliciter sa réintégration.

Il est utile de rappeler, compte tenu de la durée d’une procédure prud’homale de deux à trois ans minimum, que, par décision datée du 14 décembre 2016, la Cour de cassation (n° 14-21.325, Dalloz actualité, 3 janv. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 12 ) a rappelé que « le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé », et qu’il doit être tenu compte « du revenu de remplacement servi au salarié pendant la période s’étant écoulée entre le licenciement et la réintégration ».

Ainsi, tout chauffeur ou livreur dont le licenciement serait nul comme ayant été prononcé pour avoir exercé leur droit de retrait ou pour avoir exercé une liberté fondamentale (celle d’avoir souhaité faire valoir ses droits) pourrait revendiquer l’intégralité des rémunérations qu’il aurait perçues sur l’intégralité de la période soit au minimum deux à trois ans de salaire.

Concernant la rémunération à prendre en compte, il conviendra de se rapporter à la moyenne des revenus habituels du chauffeur ou livreur ou, si cette dernière est plus favorable, à la rémunération prévue par la convention collective applicable et a minima égale au SMIC.

S’il convient enfin de noter que la fermeture temporaire des juridictions prud’homales ne permet pas de saisir le conseil de prud’hommes pendant la période de confinement, y compris en référé, cela n’interdit pas aux salariés, dès à présent, de solliciter la requalification de leur contrat de travail, d’exercer leur droit de retrait et d’exiger le paiement de leur salaire, pour plus tard, si la plateforme devait ne pas faire droit à ses demandes, saisir le conseil de prud’hommes compétent ou, éventuellement, négocier un accord amiable.

À ces risques de condamnation pour l’employeur s’ajoute celui tout aussi sérieux de condamnation par application des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail, relatif au travail dissimulé, qui dispose que « le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail ; mais également le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

Ainsi, non seulement le salarié dont l’employeur a dissimulé l’emploi a droit lors de la rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (C. trav., art. L. 8223-1) mais la personne ayant recours au travail dissimulé directement ou par personne interposée peut être condamnée jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € et la personne morale jusqu’à 225 000 €, s’il s’agit d’une société (C. trav., art. L. 8224-1).

La décision de la Cour de cassation du 4 mars 2020 résonne d’une manière toute particulière en termes de droits à l’heure où ceux qui continuent d’exercer leur activité sont confrontés dans l’exercice de leur fonction, chauffeurs ou livreurs, à un risque de contamination à un virus dont la dangerosité n’est plus à démontrer.

Auteur d'origine: Dechriste

Prise en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, l’ordonnance portant mesure d’urgence en matière de congés et de durée du travail précise les conditions et limites dans lesquelles un accord d’entreprise ou de branche autorisera l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, ainsi que les modalités permettant à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié. Elle prévoit également des dérogations en matière de durée du travail et des dérogations en matière de repos hebdomadaire et dominical pour permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles actuellement en vigueur.

S’agissant des congés payés l’ordonnance permet à l’employeur – pendant toute la période d’état d’urgence sanitaire – d’imposer ou, au contraire, de modifier les congés payés de ses salariés, pour des périodes ne pouvant excéder six jours ouvrables. Cette faculté est toutefois subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise ou de branche.

Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 3141-16 du code du travail, l’employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue.

Les dispositions de l’ordonnance permettent donc à un accord collectif de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur d’imposer à ses salariés de prendre six jours ouvrables de congés payés pendant la période de confinement ou de modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables, sans avoir à respecter le délai de prévenance d’un mois (ou le délai prévu par un accord collectif). Ce délai ne peut toutefois pas être inférieur à « un jour franc » (Ord., art. 1er).

Cette possibilité d’imposer les jours de congés payés concernent les congés acquis à prendre avant le 31 mai mais également ceux, acquis, mais à prendre avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris (soit, à compter du 1er juin) ; toujours dans la limite de six jours ouvrables.

En outre, sous réserve d’un accord de branche ou d’entreprise le prévoyant, l’employeur peut fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié. Il n’est pas non plus tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise, comme l’exige en principe l’article L. 3141-14 du code du travail.

S’agissant des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos dans le cadre d’une convention de forfait et des jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié, leur prise peut être imposée ou modifiée unilatéralement par l’employeur, sans qu’un accord collectif soit nécessaire, toujours sous réserve d’un délai de prévenance minimal d’un jour franc. Le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à dix.

En matière de dérogation à la durée du travail, l’objet est de permettre aux employeurs relevant de secteurs d’activités « particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » de déroger aux règles du code du travail et aux règles conventionnelles sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical.

Les heures supplémentaires sont donc autorisées, au-delà des règles habituellement fixées et les règles du repos hebdomadaire et dominical pourront donc être contournées, de manière temporaire.

Dans les secteurs considérés comme « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » l’ordonnance prévoit la mise en place des dérogations en matière de durée de travail hebdomadaire. Un décret à paraître très prochainement listera les secteurs dans lesquels le temps de travail des salariés peut augmenter temporairement pour faire face à la situation exceptionnelle. Il devrait s’agir notamment des secteurs de l’énergie, des télécoms, de la logistique, des transports, de l’agriculture, ou encore de la filière agro-alimentaire.

Les dérogations admises sont les suivantes :
• passage de 44 à 46 heures pour la durée de travail hebdomadaire autorisée sur une période de douze semaines consécutives ;
• passage de 48 à 60 heures pour le temps de travail autorisé sur une même semaine ;
• autorisation du travail le dimanche ;
• baisse du temps de repos compensateur entre deux journées de travail de 11 à 9 heures.

L’article 6 de l’ordonnance précise en outre que l’employeur qui use d’au moins une de ces dérogations en informe sans délai et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. 

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Tout comme l’était auparavant le comité d’entreprise, le comité social et économique est aujourd’hui amené à se prononcer régulièrement sur l’opportunité des mesures relatives « à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production » (C. trav., art. L. 2312-8, al. 1). Cette mission générale d’information et de consultation est, depuis longtemps, la clef de voûte du fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Faut-il encore que les élus soient en mesure d’apprécier le bien-fondé des décisions projetées. À cet effet, le code du travail impose une certaine transparence s’agissant des informations transmises.

Sous l’empire des anciennes dispositions du code du travail, le CE devait bénéficier d’un « délai d’examen suffisant » (C. trav., anc. art. L. 2323-3, al. 2), variables selon que l’instance ait ou non recours à l’expertise, ainsi que « d’informations précises et écrites » (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 1). À noter qu’en la matière, la fusion des institutions représentatives du personnel au sein du CSE n’a eu que peu de conséquences, ces données étant aujourd’hui réunies au sein d’un même article (C. trav., art. L. 2312-15, al. 2).

Lorsqu’il estimait que les éléments dont il disposait étaient insuffisants, le comité d’entreprise pouvait saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin qu’il ordonne la communication par l’employeur des données manquantes (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 2).

Néanmoins, cette saisine n’a jamais eu pour effet « de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis », sauf lorsque le juge décidait de prolonger le délai à raison de « difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité d’entreprise » (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 3,). Dans la pratique, ce dispositif laissait entrevoir une défaillance notable : la prolongation du délai n’étant pas automatique en cas de saisine, la demande, même justifiée, pouvait être jugée irrecevable lorsque les délais de consultation étaient
expirés au jour de la décision du juge des référés. Dans un arrêt du 26 février 2020 (Soc. 26 févr. 2020, n° 18-22.759), la Cour de cassation vient clarifier la possibilité pour le juge des référés de prolonger le délai de consultation du CE en cas d’insuffisance des informations fournies par l’employeur dans le cadre d’une procédure d’information-consultation.

En l’espèce, la société EDF avait réuni son comité central d’entreprise (CCE) le 2 mai 2016 afin qu’il se prononce sur le projet de création de deux European Pressurized Reactor au Royaume-Uni. Au cours d’une deuxième réunion tenue le 9 mai 2016, le CCE réclamait plusieurs documents d’information complémentaires. Par requête en date du 20 juin 2016, le CCE saisissait le président du TGI statuant en la forme des référés d’une demande de suspension des délais de consultation jusqu’à communication par l’employeur de documents complémentaires. Par ordonnance du 27 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance (TGI) jugeait irrecevables les demandes du CCE au motif que le délai de consultation était expiré au jour où il statuait. La cour d’appel infirme la décision du TGI et ordonne à la société EDF de transmettre l’intégralité du rapport visé par le CCE dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision de justice. La cour d’appel ordonne, par ailleurs, à la société de procéder à une nouvelle convocation du CCE dans un délai maximum de deux mois. La société EDF se pourvoit alors en cassation au moyen que la demande du CCE est irrecevable car le délai de consultation était expiré au moment où le juge est réputé avoir statué. Le CCE ayant eu recours à un expert, le rapport d’expertise devait être remis dans les deux mois à compter du jour où le CCE avait pris connaissance du projet, à savoir le 2 mai 2016. Suivant cette logique, le délai était en principe expiré le 2 juillet 2016. En dépit des arguments avancés, la Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que « la saisine du président du tribunal de grande instance avant l’expiration des délais dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l’institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur, d’ordonner la production des éléments d’information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l’article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires ». Le CCE ayant saisi le président du TGI douze jours avant l’expiration du délai de consultation, la cour d’appel était bien fondée à déterminer un nouveau délai de consultation de deux mois au profit du CCE, à compter de la communication par l’employeur de documents complémentaires. La Haute juridiction reste totalement perméable au fait que l’employeur ait commencé à mettre en œuvre le projet.

La Cour de cassation raisonne de manière très pragmatique et dégage méthodiquement les conditions de la prolongation du délai de consultation, celle-ci n’étant pas automatique. D’abord, cette possibilité n’est ouverte qu’à condition que le CE ait saisi la juridiction dans le délai qui lui est imparti pour donner son avis en application de l’article R. 2323-1 du code du travail. Ensuite, la prolongation des délais de consultation est envisageable uniquement dans l’hypothèse où le juge estime la demande fondée, compte tenu du caractère lacunaire des informations. Si ces éléments font défaut, le délai de consultation n’est pas prolongé et prend fin à la date initiale. Le CE est alors réputé avoir rendu un avis négatif faute de s’être valablement exprimé sur la question. Dans le cas contraire, le juge est libre d’ordonner la production d’éléments d’information complémentaires, quand bien même le délai de consultation serait expiré au moment de la décision. Il peut par ailleurs prolonger le délai initial ou fixer un nouveau délai de consultation, lequel commence à courir à compter de la transmission des éléments complémentaires.

La solution de la Cour de cassation interpelle par son évidence. Jusqu’alors, l’action initiée par le CE pouvait être privée de véritable effet juridique, alors même que la demande de transmission de documents complémentaires était jugée fondée sur le principe. Soucieuse de garantir les prérogatives de l’instance en cas d’informations insuffisantes, la Cour de cassation avait déjà esquissé une ligne jurisprudentielle cohérente concernant le point de départ du délai de consultation. La chambre sociale a ainsi pu admettre que « le délai à l’expiration duquel le comité d’entreprise est réputé avoir donné un avis court à compter de la date à laquelle il a reçu une information le mettant en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée » (Soc. 21 sept. 2016, n° 15-19.003, D. 2016. 1936 ; ibid. 2252, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Rev. sociétés 2017. 446, note F. Petit ), étant précisé que « le délai ne peut pas courir lorsque certains documents dont la loi ou l’accord collectif prévoit la communication, et notamment ceux relevant de la base de données économiques et sociales, n’ont pas été mis à disposition du comité d’entreprise (Soc. 28 mars 2018, n° 17-13.081, D. 2018. 729 ; RDT 2018. 465, obs. I. Odoul-Asorey ). Avec l’arrêt du 26 février dernier, la Cour de cassation étoffe donc sa position en assouplissant les modalités de prolongation judiciaire des délais de consultation en cas de saisine pour insuffisance des informations.

Comme le relève la chambre sociale dans sa note explicative, la solution a l’avantage de « maintenir dans des délais raisonnables la procédure de consultation du comité d’entreprise, aujourd’hui du comité social et économique, tout en lui assurant le droit à l’information appropriée » garanti par le droit européen. En effet, la directive européenne 2002/14/CE du 11 mars 2002 prévoit que « l’information s’effectue à un moment, d’une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation » (Dir. [CE] 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, JOCE, L 80/29, 23 mars 2002, art. 4, § 3). Finalement, la solution a le mérite d’atteindre un point d’équilibre : d’un côté, elle permet d’éviter les actions purement « dilatoires » et simplement destinées à repousser la réalisation du projet soumis à consultation, le juge ayant un pouvoir discrétionnaire en fonction de l’opportunité de la demande ; de l’autre, elle redonne de la substance à la procédure de recours ouverte par le code du travail en cas d’informations insuffisantes et en préserve ainsi la raison d’être.

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Dalloz actualité diffuse les 26 ordonnances, après leur passage au Conseil d’État, avant la présentation en conseil des ministres.

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Il est de jurisprudence constante que l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de son employeur s’impose y compris lorsque le contrat est suspendu pour arrêt maladie (V. Soc. 15 juin 1999, n° 96-44.772 P, D. 2000. 511 , note C. Puigelier ; Dr. soc. 1999. 842, obs. A. Mazeaud , ou encore dernièrement Soc. 20 févr. 2019, n° 17-18.912 P,  Dalloz actualité, 14 mars 2019 ; D. 2019. 436 ; ibid. 2020. 405, obs. Centre de droit et d’économie du sport (OMIJ-CDES) ; JA 2019, n° 603, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2019. 363, obs. J. Mouly ; ibid. 432, étude A.-M. Grivel ; JS 2019, n° 196, p. 8, obs. F. Lagarde ). La Cour de cassation est toutefois venue tempérer la possibilité pour l’employeur de sanctionner le salarié sur ce fondement, en subordonnant sa réaction à la démonstration d’un préjudice subi par l’employeur ou l’entreprise (Soc. 12 oct. 2011, n° 10-16.649, D. 2011. 2604, obs. J. Siro ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 698, obs. S. Maillard-Pinon ). C’est sur cette dernière condition et son appréciation que l’arrêt rendu le 26 février 2020 vient apporter des précisions.

En l’espèce, une salariée embauchée comme secrétaire commerciale a été placée en arrêt maladie et a été licenciée six mois plus tard pour faute grave, cette dernière ayant exercé une activité pour le compte d’une société qui n’était pas son employeur pendant son arrêt de travail.

Cette dernière a saisi les juridictions pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fut déboutée de sa demande par les juges du fond, qui considérèrent le licenciement fondé. Ils relevèrent en effet que la salariée avait continué à percevoir un complément de salaire versé par son employeur pendant son arrêt de travail pour maladie, caractérisant un préjudice subi par ce dernier dans la mesure où l’intéressée s’était par ailleurs enrichie pendant cette période par son intéressement à une autre affaire, qu’elle n’exerçait ni à titre bénévole, ni de façon occasionnelle.

Les juges estimèrent peu importants l’absence de caractère concurrentiel de l’activité, le régime de sorties libres de l’arrêt de travail et la connaissance qu’avait l’employeur de la qualité d’associée de la salariée, et virent dans l’exercice de cette activité extérieure un manquement fautif à l’obligation de loyauté d’une gravité telle qu’elle fait obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Saisie d’un pourvoi de l’intéressée, la chambre sociale de la Cour de cassation ne va toutefois pas suivre ce même raisonnement.

Les hauts magistrats vont en effet affirmer que l’exercice d’une activité, pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt.

La chambre sociale ajoute que pour constituer un manquement fautif à l’obligation de loyauté et fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise, lequel ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur des indemnités complémentaires aux allocations journalières.

Cette solution vient confirmer que le fait de travailler pendant un arrêt de travail pour le compte d’une autre société ne caractérise pas en soi un manquement à l’obligation de loyauté (Soc. 12 oct. 2011, préc.). Aussi faut-il que cette activité périphérique cause un préjudice à l’employeur, ce préjudice ne pouvant résulter du seul versement par l’employeur du complément aux indemnités journalières de la sécurité sociale versé en raison de l’arrêt maladie, alors même que le caractère lucratif et habituel de l’activité du salarié est établi, comme c’était le cas dans la présente espèce.

En clair, il faudra que l’employeur parvienne à démontrer un préjudice autre, dont l’exercice d’une activité concurrentielle devrait constituer la principale incarnation. Tel sera le cas lorsque le salarié exercera pour son compte pendant son arrêt maladie la même activité que celle de son employeur (Soc. 21 oct. 2003, n° 01-43.943, JA 2019, n° 603, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2004. 114, obs. J. Savatier ). En l’absence d’activité concurrente, il apparaîtra difficile pour un employeur de sanctionner un salarié qui exercerait une activité pendant son arrêt de travail.

La chambre sociale consacre ainsi une acception restrictive de l’obligation de loyauté. Une telle solution peut étonner dans la mesure où l’arrêt maladie du salarié représente un coût pour l’employeur. Mais c’est oublier que l’exercice d’une activité pendant son arrêt maladie ne préjuge pas nécessairement du bien-fondé de celui-ci, ni de la mauvaise foi du salarié. Si l’employeur a des doutes sur la réalité de la cause justifiant l’arrêt, ou sur le respect des restrictions qu’il prévoit, il disposera toujours de la possibilité de demander une contre-visite, c’est-à-dire un contrôle médical de l’arrêt de travail (C. trav., art. L. 1226-1). Il pourra résulter de celui-ci une perte du bénéfice des indemnités complémentaires à l’allocation journalière prévue en cas de maladie (CSS, art. L. 321-1).

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En introduction de la journée, Édouard Philippe donne un long discours sur la situation et les enjeux du texte. « Je vous remercie très sincèrement de la rapidité avec laquelle vous avez fait prévaloir une forme d’union sacrée. »

Jean-Luc Mélenchon : « Nos personnes sont sacrées ! » 

Rires de l’hémicycle. Philippe : « Dans cette heure grave, faire sourire ses collègues n’est jamais inutile. » Ce sera une des seules pointes d’humour de la journée, empreinte de gravité.

« Pour BFM TV, ce sera génial ! »

L’après-midi, les députés démarrent leur travail : étudier le texte sur l’état d’urgence sanitaire. Les députés d’opposition soulèvent plusieurs failles, sur la publicité des avis scientifiques ou le contrôle parlementaire. À plusieurs reprises, leurs interpellations aboutissent : le gouvernement voit la difficulté, la séance est suspendue et, vingt minutes, plus tard la séance reprend avec un amendement de compromis, rédigé au banc.

En fin d’après-midi, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, porte un amendement de dernière minute sur les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations. Le texte initial prévoyait une contravention de quatrième classe (135 €) en cas de non-respect des obligations. Depuis, les personnes refusant le confinement sont devenues un sujet médiatique, et donc politique. « Pour assurer la réalité de ce confinement et pour dissuader les personnes qui ne le respecteraient pas, nous proposons de transformer cette amende en un délit, puni d’une peine de prison, pour qu’il y ait un véritable effet dissuasif et, par là même, un effet préventif. »

L’idée de traîner en comparution immédiate une personne qui serait sortie deux fois hors de chez elle, en ces temps d’émeutes carcérales, gêne considérablement les députés. Ni le principe de légalité des délits ni celui de proportionnalité des peines ne sont respectés. La rapporteure du texte se contente d’un mot, « favorable », et les députés En Marche et Modem se taisent. En langage parlementaire, pour exprimer son désaccord envers le gouvernement, un député de la majorité se tait.

En chœur, l’opposition souligne les failles de ce projet. Du PCF à LR, tous trouvent l’idée excessive. Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-Agir : « Là, on a un effet d’affichage : pour BFM TV, ce sera génial ! Je suis pour la répression, à condition qu’elle soit effective, car là on est surtout dans la com. »

« Une fois n’est pas coutume », Danièle Obono (FI) va dans le sens de ses collègues : « On réagit, on surréagit, en pensant qu’il suffira d’une annonce au 20 heures pour régler les choses. D’un point de vue pédagogique, c’est disproportionné et contre-productif. Et nos prisons ne sont pas seulement pleines : elles sont surpeuplées. » La rapporteure Marie Guévenoux prend enfin la parole : « Je vais dans le même sens que l’ensemble des orateurs pour proposer une suspension. Je pense qu’il faut qu’on réussisse à trouver ensemble une solution. »

La séance est suspendue, afin de trouver une rédaction de compromis. Celle-ci est trouvée une heure après. La récidive sera punie d’une contravention de cinquième classe (1 500 €). Ce n’est qu’au quatrième constat que l’infraction sera passible d’une peine de prison. L’amendement pose encore problème (légalité du délit, contrôle de la récidive) mais il est plus acceptable. Et le gouvernement a son signal fort.

« Une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles »

À 3h20 du matin, les députés commencent l’étude du projet de loi organique qui n’est composé que d’un article : celui-ci suspend les délais d’examen de toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Comme de nombreuses autres institutions, le Conseil constitutionnel est bloqué : pour la première fois, la semaine dernière, il n’a pas pu répondre à une QPC.

Jean-Christophe Lagarde soulève une faille : « Nous venons de voter une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles, attentant à un certain nombre de choses proprement exceptionnelles. Je ne demande qu’une chose : que ce que nous venons de voter ne soit pas exonéré d’un contrôle de constitutionnalité, parce qu’on aurait prolongé les délais des QPC. »

Christophe Castaner : « Si on prévoyait la possibilité pour l’ensemble de ce qui vient d’être voté de faire l’objet de recours et de QPC, ce serait organiser notre propre incapacité de mettre en œuvre dans l’urgence les mesures dont nous parlons. »

L’amendement est rejeté. Mais parce que c’est un texte organique, le Conseil constitutionnel étudiera obligatoirement cet article, qui suspend son action. Il pourrait aussi soulever un autre problème : l’article 46 de la Constitution prévoit que, même en urgence, un projet de loi organique ne peut être étudié par le Parlement moins de quinze jours après son dépôt. Supportera-t-il aussi bien l’urgence que le Parlement ?

Les mesures adoptées définitivement par la CMP

Dimanche, députés et sénateurs se sont réunis pour trouver un compromis. Après une longue réunion, ils se sont entendus sur un texte, qui a été adopté définitivement dès dimanche soir. Parmi les évolutions :

• sur l’état d’urgence sanitaire, le Sénat a imposé une liste plus limitative que ce que souhaitait le gouvernement. Les mesures devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus. Elles pourront être contestées en référé. Le contrôle parlementaire sera limité à l’état d’urgence (et non à toute la loi) ;

• sur les ordonnances, le gouvernement a fait le choix de renvoyer celles sur les congés au dialogue social. L’employeur aura plus de latitude sur les jours de RTT ;

• pendant la période d’état d’urgence sanitaire, l’application de la carence en cas d’arrêt de travail est suspendue, pour l’ensemble des régimes ;

• la carence de trois mois des expatriés revenant en France pour l’affiliation à l’assurance maladie et maternité est suspendue ;

• pour les communes où il faut un second tour des élections municipales, un rapport rendu le 23 mai établira si le scrutin peut avoir lieu le 21 juin. Dans ce cas, les listes devront être déposées le 2 juin. Les exécutifs municipaux et communautaires qui exerceraient avant les élections resteront en fonction jusqu’à ce que la situation sanitaire permette de réunir les nouveaux conseils.

 

Sur ce projet de loi, lire également :

• Le Sénat en état d’urgence sanitaire, par Pierre Januel le 20 mars 2020

• Les députés s’embourbent malgré l’urgence, par Pierre Januel le 21 mars 2020

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« Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. »

Pour ce débat, l’Assemblée a tenté de concilier pluralisme et fait majoritaire : chaque groupe, quelle que soit sa taille, est représenté par trois membres, mais les chefs de file portent donc les pouvoirs du groupe. En Marche ! gardera donc la majorité. L’objectif est d’étudier le texte en commission dans la journée et de faire le débat en hémicycle pendant la nuit.

En introduction, la rapporteure LREM Marie Guévenoux veut rassurer : « Avec le Sénat, nous nous entendons sur l’essentiel. Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. » Et d’expliquer qu’en amont, de nombreux échanges ont eu lieu avec Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Philippe Bas, son homologue du Sénat. Pour accélérer les choses, « certains amendements votés par le Sénat ont été introduits sur les souhaits de l’Assemblée. Mais nous avons quelques dissonances qui persistent sur le texte ».

Hier, le Sénat a en effet adopté le texte avec deux gros cailloux pour le gouvernement. Il a précisé les mesures permises par l’état d’urgence sanitaire et souhaité accélérer le dépôt des listes pour les élections municipales. La rapporteure Marie Guévenoux n’a posé que des amendements sur le second point. Qui enflamme les députés.

Dans les communes où il y aura un second tour, celui-ci serait repoussé en juin, si les conditions sanitaires le permettent. Dans le cas contraire, le premier tour serait annulé. Le point qui occupe tout le monde est : « Jusqu’à quand doit-on déposer les listes ? » Députés LR, PS, PCF tiennent absolument à ce qu’il ait lieu fin mars, comme le souhaite le Sénat, pour figer les choses. En face, LREM, FI et RN s’y opposent : dans la période, il est illusoire que des négociations d’entre deux-tours aient lieu, d’autant qu’on ne sait pas si ce second tour se tiendra.

La députée écologiste Delphine Batho s’exaspère : « C’est surréaliste. Nos débats tournent autour d’une chose : la date du dépôt, ou pas, du second tour des municipales. On se pince. On n’a pas de masques. On n’a pas de gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, mais vraiment, ce qui mobilise les politiques, c’est la date de dépôt des listes. » La présidente Braun-Pivet tente d’accélérer : « Vous ne pouvez pas prendre et reprendre la parole en parlant quatre minutes à chaque fois, tout en disant qu’il faut moins de ce sujet. Je ne veux priver personne de prise de parole, mais j’en appelle à la responsabilité de chacun. »

« C’est un vrai sujet »

Dans la Ve République, le président préside, le gouvernement gouverne et le Parlement parle. Hier, l’Assemblée a sombré dans cette caricature. À 17h30, les députés n’ont toujours pas commencé avec le cœur du texte : l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances. Avec jusqu’à dix-sept prises de parole pour un amendement.

Le problème est profond. Depuis 2017, l’Assemblée n’arrive plus à légiférer vite. Et ce quelle que soit la commission. Une partie de l’opposition ne joue pas le jeu parlementaire et souhaite imposer ses sujets plutôt qu’amender les textes. Le tout dans un climat de forte défiance vis-à-vis de la majorité et du gouvernement, toujours soupçonnés de mentir ou de vouloir attaquer à la démocratie. Même si l’opposition n’a jamais eu autant de temps.

Dans le passé, le Parlement a montré sa capacité à adopter en trente-six heures des textes majeurs, dictés par la crise. Hier, cent vingt amendements ont été déposés, chaque député venant avec un « vrai sujet » (cette crise n’en manque pas) mais des débats parfois vains. La commission a ainsi débattu de détails sur les ordonnances, alors même que le gouvernement ne sera présent qu’en séance.

Le député communiste Stéphane Peu se plaint : « la difficulté dans nos débats est de faire accepter à la majorité des amendements qui ne proviennent pas d’elle. Tout le monde joue le jeu de l’union nationale et vous refusez systématiquement tous nos amendements. » Au final, quatorze amendements auront été adoptés. Sept de la majorité, sept de l’opposition, souvent sans portée. Le débat en séance est repoussé à samedi.

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Examiné selon la procédure accélérée les 19 et 20 mars, le projet de loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » détermine en son titre III intitulé les « mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 », les champs pour lesquels le gouvernement va pouvoir procéder par ordonnance, dans un délai de trois mois après la publication de la loi.

Ainsi, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le gouvernement pourra prendre par ordonnance « toute mesure, conforme au droit de l’Union européenne, relevant du domaine de la loi » pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales et, notamment, « pour limiter les cessations d’activités d’entreprises, quel qu’en soit le statut, et les licenciements ».

Ce texte encadre toute une série de mesures provisoires annoncées en matière de droit du travail, de la sécurité sociale en matière notamment de bénéfice de l’activité partielle, de conditions d’acquisition et de prise de congés payés, de repos, d’intéressement et de participation, du suivi de santé des salariés ou encore de modalités d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel.

Le Syndicat des avocats de France (SAF) a d’ores et déjà manifesté à travers une lettre ouverte à la ministre du travail son inquiétude quant aux domaines faisant l’objet de ce texte d’urgence qui permet d’envisager des « dérogations à des règles jusqu’à présent considérées comme d’ordre public ». Le SAF souligne qu’il n’est pas question que « des réformes puissent être décidées dans l’urgence avec des effets au-delà de la période exceptionnelle du confinement ».

Extension du recours à l’activité partielle

Afin de limiter les ruptures des contrats de travail, le gouvernement pourra, selon le projet de loi d’urgence, prendre toute mesure pour renforcer le recours à l’activité partielle, notamment en :

• l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, le dispositif d’activité partielle pourrait notamment être ouvert, selon l’exposé des motifs du projet de loi, aux travailleurs à domicile ou aux assistants maternels qui n’y ont pas accès jusqu’à présent ;
• réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre ;
• favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle pendant la baisse d’activité induite par la crise sanitaire ;
• prévoyant une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel.

Congés payés

Le texte permet également au gouvernement de prendre par ordonnances des dispositions destinées à modifier les conditions d’acquisition de congés payés et de permettre à l’employeur d’imposer ou modifier unilatéralement au salarié les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail ou des jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise applicables.

L’employeur pourra ainsi imposer au salarié la prise de congés payés pendant toute la période d’état d’urgence sanitaire.

Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 3141-16 du code du travail, l’employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue. L’objectif du texte serait donc de réduire ce délai de prévenance. Présenté comme un « effort raisonnable » demandé au salarié alors que l’État « met en place un plan exceptionnel pour sauver l’emploi et éviter les licenciements », l’article 7 du projet de loi autorise ainsi le gouvernement à permettre à l’employeur de fixer une partie des congés pendant la période de confinement. Un amendement du Sénat - adopté en commission des lois - a toutefois précisé que cette possibilité ne saurait porter sur plus de six jours ouvrables

L’habilitation permet aussi au gouvernement de modifier les conditions d’acquisition de congés payés. Il est possible d’envisager que cette mesure est destinée à modifier provisoirement l’assimilation à du temps de travail effectif des périodes de chômage partiel (C. trav., art. R. 5122-11) ;  les périodes d’activité partielle pendant la durée du confinement n’ouvriraient pas droit à congés payés.

Durée du travail et repos

À l’inverse, une fois les ordonnances adoptées, les entreprises qui doivent faire face à un surcroît exceptionnel d’activité pourront déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical.

L’article 17 du projet de loi autorise en effet le gouvernement à « permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ». Reste à préciser la notion d’activités essentielles.

Comme il est toutefois précisé dans l’étude d’impact – et rappelé dans l’avis du Conseil d’État –, les mesures prises devront être articulées dans le respect des normes du droit international et du droit de l’Union européenne.

En ce qui concerne les questions de dérogations aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical, ainsi que les conditions d’acquisition des congés payés et d’utilisation du compte épargne – temps du salarié, le Conseil d’État rappelle qu’il ressort de la jurisprudence constitutionnelle que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » (décis. n° 2007-556 DC, 16 août 2007, consid 17). Le Conseil d’État rappelle en outre que le gouvernement devra également veiller à ce que les dérogations envisagées à la durée du travail respectent les dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Cette directive imposant aux États membres de l’Union européenne de garantir à tous les travailleurs une durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne devant pas dépasser quarante-huit heures, heures supplémentaires comprises et droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines.

Vie collective de l’entreprise

L’exposé des motifs de la loi indique que le recours massif au télétravail ou au travail à distance associé à un fort taux d’absentéisme peut rendre difficile l’application des procédures d’information-consultation du comité social et économique (CSE). Aussi, le projet de loi autorise le gouvernement à modifier provisoirement les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis. Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 2315-4 du code du travail, le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l’employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l’absence d’accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile. L’objectif du projet de loi d’urgence serait de permettre l’adoption des mesures visant à faciliter le recours à une consultation dématérialisée de l’instance.

S’agissant de la vie syndicale, il est relevé que, compte tenu de la crise sanitaire, l’organisation du scrutin auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés – et qui permet la désignation des conseillers prud’hommes ainsi que des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles –, prévu le 23 novembre et 6 décembre prochain, pourrait être impactée. Le dépôt des candidatures syndicales étant en cours, la constitution et la fiabilisation de la liste électorale pourraient être affectées. Le maintien du calendrier électoral ferait peser un risque sur la bonne organisation du scrutin, aussi le projet de loi d’urgence prévoit la possibilité d’adapter l’organisation de cette élection, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles.

Intéressement et participation

S’agissant de l’intéressement et de la participation, le gouvernement pourra prendre toute mesure pour modifier les dates limites et les modalités de versement des sommes au titre de ces dispositifs. En effet, aux termes des articles L. 3314-9 pour l’intéressement et L. 3324-12 pour la participation, les sommes issues de la participation et de l’intéressement doivent être versées avant le 1er jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice de l’entreprise (soit le 31 mai lorsque l’exercice correspond à l’année civile). Ces délais légaux pourront donc être assouplis afin – selon l’étude d’impact – de permettre aux établissements teneurs de compte de ne pas être pénalisés par les mesures prises dans le cadre de l’épidémie.

Suivi de l’état de santé des travailleurs

Est également envisagée la possibilité d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le code du travail.

Une instruction du ministère du travail anticipait déjà sur cette disposition et présentait une instruction le 17 mars 2020 destinée à adapter le fonctionnement des services de santé au travail pendant la période de confinement. Ainsi, il est indiqué que toutes les visites et toutes les actions en milieu de travail peuvent en principe être reportées sauf si le médecin du travail « estime qu’elles sont indispensables ». Dans cette optique, et si cela est possible, il est conseillé de privilégier la téléconsultation. En revanche, les visites autres que périodiques concernant les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation doivent être maintenues. Enfin, priorité doit être donnée aux services de santé de relayer activement les messages de prévention et d’assurer une permanence téléphonique de conseils aux employeurs et salariés.

Formation professionnelle

S’agissant de la formation et de l’apprentissage, le gouvernement sera habilité à adapter les dispositions afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations, de versement de contributions. Selon l’exposé des motifs, l’ordonnance permettra d’aménager les conditions de versement des contributions dues au titre du financement de la formation professionnelle, en cohérence avec les dispositions qui seront prises en matière fiscale et sociale. De même, France compétences devrait disposer d’un délai supplémentaire afin d’enregistrer les certifications dans le répertoire spécifique, notamment celles dont l’enregistrement arrive à échéance dans les prochains mois. Des dispositions devraient également permettre d’adapter les conditions de prise en charge des coûts de formation, des rémunérations et cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle. S’agissant des coûts de formation, l’exposé des motifs indique qu’une ordonnance devrait permettre de simplifier les modalités de prise en charge en privilégiant une logique forfaitaire, plus simple à mettre en œuvre. Enfin, précise l’exposé des motifs, l’ordonnance permettra de prendre les dispositions nécessaires afin d’éviter les ruptures dans la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. 

Auteur d'origine: Dechriste

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Auteur d'origine: Bley

Alors que la réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis opérée par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 doit, pour sa majeure partie, entrer en vigueur le 1er juin 2020, l’épidémie de covid-19 nécessite une nouvelle modification de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

En ligne de mire, notamment, une importante proportion de syndics des quelque 740 000 copropriétés qui pourraient voir leur mandat expirer, faute de tenue d’assemblée générale.

Mandat d’un an

On sait en effet que bon nombre de syndics de copropriété sont élus pour un an et que, très majoritairement, les assemblées générales, appelées, entre autres, à renouveler le mandat du syndic (ou à changer de mandataire), se tiennent au printemps.

De lege lata, les copropriétés concernées se retrouveront à brève échéance sans mandataire, le seul remède curatif existant consistant soit à ce qu’un copropriétaire convoque l’assemblée générale aux fins de désigner un syndic, soit à recourir à la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire (L. n° 65-557, art. 17, in fine ; décr. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 47).

On objectera qu’afin de prévenir la vacance de syndic, le premier alinéa de l’article 17-1 A de la loi de 1965 (issu de la loi ELAN du 23 nov. 2018) permet aux copropriétaires de participer à l’assemblée générale « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification ». Par ailleurs, l’alinéa 2 du même texte (également issu de la loi ELAN, mais entièrement réécrit par l’ordonnance de 2019) envisage le vote par correspondance.

Toutefois, outre le fait que ces nouveaux modes de participation aux assemblées générales ne sont pas encore entrés dans les mœurs (mais nécessité peut certainement faire loi), leur mise en œuvre n’est pas, à ce jour, efficiente. En effet, non seulement l’arrêté établissant le formulaire de vote par correspondance n’a pas été publié (mais il suffirait qu’il le soit !) mais, de surcroît et surtout, la tenue d’une assemblée via un moyen de communication électronique implique… qu’une précédente assemblée générale l’ait décidé (décr. n° 67-223, art. 13-1). Or le dispositif est trop récent pour que les organes délibérants des copropriétés aient pris les devants (les articles 13-1 et 13-2 du décret de 1967 ont été insérés dans le texte par le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019).

Habilitation du gouvernement

L’article 7, j, du projet de loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 autorise le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, donc rétroactivement, relevant du domaine de la loi, « adaptant le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires ».

Selon l’AFP, le cabinet du ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, a annoncé que les contrats des syndics qui devaient arriver à terme continueront jusqu’à ce qu’ils puissent tenir une prochaine assemblée générale.

Enjeux

L’enjeu économique lié au bon fonctionnement des copropriétés est important, puisque, selon l’étude d’impact du texte, « le montant des charges annuelles de quelque 8 millions de lots peut être évalué à 12 milliards d’euros. En permettant le maintien de la gestion des copropriétés concernées pendant la période d’épidémie du virus covid-19 et celle permettant ensuite d’organiser les assemblées générales, la mesure devrait avoir un impact sur la situation financière des copropriétés en permettant que les appels de charges de copropriété soient transmis aux copropriétaires. Elle devrait également permettre d’éviter les factures impayées à l’égard des entreprises prestataires du syndicat des copropriétaires ».

Le projet de loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 va suivre la procédure accélérée et a été débattu devant le Sénat ce jeudi 19 mars.

Auteur d'origine: Rouquet

L’articulation et la coordination des compétences en présence d’institutions représentatives du personnel implantées dans différents sites peuvent parfois susciter quelques difficultés. Difficultés que le législateur avait anticipées concernant les CHSCT, en prévoyant le principe d’une instance temporaire de coordination (ITC) aux termes de l’ancien article L. 4616-1 du code du travail.

Peut alors se poser la question de savoir si l’un des CHSCT de l’entreprise peut, en présence d’une ITC, solliciter une expertise dans le cadre de la consultation sur le règlement intérieur lorsque cette instance n’y recourt pas elle-même ?

C’est à cette question que répond l’arrêt du 26 février 2020.

Une société avait, dans la perspective d’actualiser son règlement intérieur et sa charte informatique, créé une ITC de ses vingt-trois CHSCT. Cette instance avait décidé de ne pas recourir à une expertise. Pour autant, l’un des CHSCT a décidé de recourir à une telle expertise. La société a alors saisi en référé le président du tribunal de grand instance d’une demande d’annulation de cette décision de recours à l’expertise.

La demande fut rejetée par la juridiction, qui a estimé que la décision de l’ITC de ne pas recourir à l’expertise ne privait pas ipso facto les CHSCT de leur propre droit d’y recourir. Pour le président du tribunal de grande instance, la consultation sur le règlement intérieur entrait dans le domaine de compétence du CHSCT en vertu de l’ancien article L. 4612-12, et l’expertise était dans ce cadre destinée à permettre au CHSCT de répondre utilement à la consultation sollicitée par l’employeur.

La société se pourvut alors en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation va livrer une réponse claire et concise à la question posée.

Opérant une lecture stricte de l’ancien article L. 4616-1 du code du travail qu’elle mobilise en visa, elle va rappeler que l’employeur qui doit consulter les CHSCT sur un projet de règlement intérieur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, peut mettre en place une instance temporaire de coordination des CHSCT qui a pour mission de rendre un avis après avoir eu recours, le cas échéant, à une expertise unique.

Les hauts magistrats vont par ailleurs ajouter que même en l’absence d’expertise décidée par l’instance temporaire de coordination, les CHSCT des établissements concernés par le projet commun ne sont pas compétents pour décider le recours à une expertise sur cette même consultation.

Se faisant, elle opère une répartition claire des compétences en présence d’une ITC. Dès l’instant que celle-ci est créée, la compétence et l’opportunité du recours à l’expertise dans le cadre de la consultation « CHSCT » sur le règlement intérieur lui est exclusivement réservée et échappe aux différents CHSCT. Cette solution apparaît cohérente au regard de l’esprit de l’ITC. Ne pas réserver le monopole et l’opportunité de l’expertise à cette instance aurait eu pour conséquence de la priver d’une grande partie de son intérêt. Cette solution apparaît en outre fidèle à la lettre du texte de l’ancien article L. 4616-1 du code du travail, qui dispose que l’instance est « seule compétente pour désigner cet expert », et qu’elle est « seule consultée sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements ».

Le CHSCT ayant aujourd’hui disparu, et avec lui l’instance temporaire de coordination, la portée de cet arrêt s’en trouvera réduite aux contentieux initiés avant leur suppression.

La consultation sur le règlement intérieur échoit désormais au seul CSE. Un dispositif de coordination des compétences entre CSE central et CSE d’établissement a été introduit par le législateur à l’article L. 2316-1 du code du travail, qui prévoit aujourd’hui que le CSE central exerce les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissements. Concernant le recours à l’expertise, l’article L. 2316-3 du code semble s’orienter vers une solution comparable, en précisant que la désignation d’un expert, à l’occasion de l’information consultation sur tous les projets importants concernant l’entreprise – dont ceux ayant trait à la santé, la sécurité et aux conditions de travail – doit être effectuée par le CSE central.

Auteur d'origine: Dechriste

Votée par les parlementaires dans le cadre de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, la contemporanéisation des aides personnalisées au logement, c’est-à-dire, leur versement en temps réel, revient à calculer les APL sur les douze derniers mois glissants et à réviser leur montant tous les trois mois.

Très critiquée, en ce qu’elle pourrait entraîner la baisse de l’aide pour plus d’un million d’allocataires, voire sa disparition, et compliquée à appliquer, la mise en œuvre de cette réforme a été plusieurs fois repoussée.

En dernier lieu, le décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 (JO 31 déc.) prévoyait son entrée en vigueur en avril 2020, voire en juin 2020 pour les aides personnalisées au logement à l’accession.

Le covid-19 en a décidé autrement, dans un communiqué de presse du 17 mars 2020, le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales annonçant le report sine die de la mesure.

Ce report est, selon le communiqué, justifié par le fait que « les mesures prises pour faire face à l’accélération de l’épidémie du coronavirus – COVID 19 réduisent […] la disponibilité des personnels des CAF et des MSA. Dans ce contexte, il est essentiel de mobiliser les moyens disponibles des caisses pour assurer la continuité de leur mission de service public de maintien des droits de tous les allocataires ».

Auteur d'origine: Rouquet

À l’occasion de la réunion de son bureau du 17 mars 2020, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) a décidé de reporter le paiement des cotisations. Ainsi, « pour ceux dont les cotisations sont en prélèvement mensuel automatique, l’échéance de mars ne sera pas prélevée, mais répartie sur les mois suivants jusqu’en décembre. L’échéance annuelle statutaire du 30 avril, à laquelle la moitié au moins des cotisations 2020 doit être réglée, est reportée au 31 mai. »

De même, « pour les employeurs d’avocats salariés, les échéances trimestrielles et mensuelles d’avril 2020 sont reportées au mois suivant.

Les majorations et pénalités de retard sont également suspendues jusqu’à nouvel ordre, alors que l’envoi des contraintes aux huissiers ainsi que des demandes de titres destinés aux Chefs de Cours sont suspendues.

Selon le communiqué, « ces décisions exceptionnelles de décaler les échéances de paiement de cotisations, ne mettront pas en péril le paiement des pensions, la CNBF ayant une trésorerie suffisante pour un peu plus de deux mois. »

Enfin, la CNBF rappelle que les avocats en difficulté peuvent déposer leur dossier de demande d’assistance via le formulaire de saisine de la commission sociale accompagné des justificatifs demandés.

Auteur d'origine: Dargent
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L’arrêt commenté permet de revenir sur le schéma contractuel des salariés intérimaires et la prise en compte collective de leurs intérêts.

Un salarié sous contrat de travail temporaire (intérimaire) est un salarié embauché et rémunéré par une entreprise de travail temporaire (ETT) qui le met à la disposition d’une entreprise utilisatrice pour une durée limitée, dénommée mission. Cette opération contractuelle tripartite génère un démembrement du lien de subordination : l’entreprise de travail temporaire conserve le pouvoir disciplinaire, tandis que l’entreprise utilisatrice se voit confier l’exercice du pouvoir de direction. On peut dire qu’à l’instar de l’autorité parentale, l’autorité patronale est conjointe.

Mais le pouvoir s’accompagne de devoirs. Le droit européen, le droit interne ainsi que la jurisprudence organisent, en conséquence, une répartition des responsabilités et une coopération entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices qui ont pour objet de mieux protéger les travailleurs intérimaires notamment en matière de santé et de sécurité. En effet, il convient tout d’abord de rappeler que la responsabilité de la protection de la santé et de la sécurité des intérimaires est commune à l’employeur juridique et à l’entreprise utilisatrice (Dir. 91/383/CEE du 25 juin 1991, art. 8). Le législateur français précise que l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail des salariés intérimaires, telles qu’applicables au lieu de travail, de même qu’il lui incombe de fournir les équipements de protection individuelle (C. trav., art. L. 1251-21 et L. 1251-23). Quant à l’entreprise de travail temporaire, elle doit informer ces travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité, ainsi que les mesures prises pour y remédier et le responsable de l’entreprise utilisatrice, en tant que responsable des conditions d’exécution du travail, doit dispenser une formation pratique et appropriée à la sécurité aux salariés intérimaires (C. trav., art. L. 4141-1 et L. 4121-2 ). Notons également que le coût d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dont pourrait être victime le salarié intérimaire, est partagé entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice (CSS, art. L. 241-5-1). Par ailleurs, la Cour de cassation juge en matière de faute inexcusable que l’entreprise de travail temporaire est seule tenue envers l’organisme social des obligations de l’employeur, mais elle dispose d’une action contre l’entreprise utilisatrice auteur de la faute (V. par ex., Civ. 2e, 4 févr. 2010, n° 08-10.520).

Malgré ce partage de responsabilités et cette coopération entre les sociétés, il semble que la santé et la sécurité des travailleurs intérimaires soient moins effectives que celles des autres salariés, étant relevé que le nombre d’accident du travail chez les salariés intérimaires est en augmentation de près de 8 % en 2017, alors que chez les autres salariés, la sinistralité est stable et surtout inférieure à celle des intérimaires (DARES analyses, Les ouvriers intérimaires sont-ils plus exposés aux risques professionnels ?, oct. 2018, n° 45 ; L’Assurance maladie, L’essentiel 2017, Santé et sécurité au travail).

Face à ces constats, la question de la représentation collective des personnels intérimaires apparaît plus que nécessaire.

Pour mémoire, les salariés intérimaires étaient éligibles au CHSCT de l’entreprise utilisatrice. En revanche, s’agissant de l’entreprise de travail temporaire, la Cour de cassation réservait dans un premier temps l’éligibilité au CHSCT de l’entreprise de travail temporaire aux salariés travaillant réellement au sein de l’entreprise de travail temporaire, c’est-à-dire les salariés permanents (V. par ex., Soc. 17 nov. 1999, n° 98-60.485 ; 26 sept. 2002, n° 01-60.676 P, D. 2002. 2778, et les obs. ; 6 déc. 2006, n° 06-60.008). Dans un second temps, la Haute juridiction revoyait sa copie, et autorisait les salariés des entreprises de travail temporaire à se porter candidats à la délégation salariale du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire (Soc. 22 sept. 2010, n° 09-60.454 P, D. 2010. 2298 ; Dr. soc. 2010. 1262, obs. F. Petit ). Toutefois, le salarié ne pouvait être membre des deux CHSCT à la fois (Soc. 28 nov. 2001, n° 00-60.359).

La question de savoir quelle instance est légitime à exercer ses prérogatives au nom de la défense des salariés intérimaires est également essentielle. A cette interrogation, la chambre sociale de la Cour de cassation y avait répondu partiellement, puisqu’elle avait jugé que le champ d’intervention du CHSCT concernait toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur. La compétence du CHSCT était donc étendue aux salariés du sous-traitant dès lors qu’il y a observation d’un lien d’autorité et ce, y compris, en l’absence de rapport de subordination traditionnel (Soc. 7 déc. 2016, n° 15-16.769, RDT 2017. 429, obs. A.-L. Mazaud ). Demeurait à trancher la question de la possibilité, pour le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire, d’exercer ses prérogatives à l’égard des salariés sous contrat de travail temporaire. C’était précisément l’objet du pourvoi.

Dans l’espèce ayant donné lieu à la décision commentée, le CHSCT de la société Manpower avait décidé de faire appel à un expert, en application de l’article L. 4614-12 du code du travail, pour la réalisation d’une étude relative à la situation de risque grave dans laquelle se trouvaient les travailleurs temporaires de la société Manpower au sein de l’entreprise utilisatrice Feedback. Le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la société Manpower, avait annulé cette décision le 1er août 2018. Le CHSCT se pourvoyait contre cette décision. Il est exact que la Cour de cassation avait jugé, dans un arrêt non publié, qu’un CHSCT d’établissement ne pouvait donner mission à un expert d’intervenir que sur le périmètre dudit établissement (Soc. 26 juin 2013, n° 11-28.946). Toutefois, dans ce contexte différent, la solution ne répondait pas vraiment à la question soumise à la Haute juridiction, puisqu’elle signifiait seulement qu’un CHSCT ne pouvait missionner d’expert que sur son propre périmètre. La question du pourvoi était plutôt celle de savoir si le CHSCT incluait dans son périmètre de compétence les salariés mis à disposition d’une autre entreprise.

Le CHSCT reprochait au juge du fond d’avoir annulé la délibération désignant un expert pour risque grave au motif que les travailleurs temporaires avaient vocation à être représentés par le CHSCT de la seule entreprise utilisatrice, de sorte que le CHSCT de la société de travail temporaire n’était pas compétent pour décider de cette expertise. Le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire considérait que, nonobstant l’absence de texte l’autorisant expressément, le droit à la santé et à la sécurité l’autorisait à intervenir peu important qu’une autre entreprise en soit également responsable.

La position du CHSCT de l’entreprise Manpower se heurtait à deux obstacles de taille que constituent le droit de propriété et la liberté d’entreprendre (DDH, art. 17 ; Préambule de la Constitution du 27 oct. 1946), puisque dans les faits, il s’agissait bien d’une ingérence d’un CHSCT extérieur de l’entreprise utilisatrice. Ces obstacles n’étaient cependant pas insurmontables dans la mesure où, en cas d’atteinte prétendue au principe de la liberté d’entreprendre, un contrôle de proportionnalité est opéré par le Conseil constitutionnel. On sait qu’il est ainsi loisible au législateur d’apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi (pour une mise en balance du droit à la protection de la santé et de la liberté d’entreprendre, v. Cons. const. 25 janv. 2013, n° 2012-290/291 QPC, D. 2013. 254 , décision relative au prix du tabac). Il appartenait au cas d’espèce à la Cour de cassation d’opérer un balancier entre le droit à la santé et le droit de propriété, pour décider si l’interprétation de l’article L. 4612-14 conférant au CHSCT d’une entreprise de travail temporaire le pouvoir de décider d’une expertise au sein d’une entreprise utilisatrice en cas de risque grave était légitime, et le seul moyen pour parvenir à la protection de la santé des travailleurs intérimaires.

Dans sa décision, la Cour de cassation prend tout d’abord le soin de rappeler que le droit à la santé et à la sécurité de tout travailleur est protégé tant par la Constitution (al. 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946) que par le droit européen (art. 31, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; art. 6 § 4 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989). S’agissant plus précisément des salariés intérimaires, la Haute juridiction rappelle aussi que si la responsabilité de la protection de leur santé et de leur sécurité est commune à l’employeur et à l’entreprise utilisatrice (Dir. 91/383/CEE du 25 juin 1991, art. 8), il appartient en premier chef à l’entreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette protection. C’est ainsi qu’il incombe, selon ses termes, au CHSCT de déclencher une expertise en présence d’un risque grave au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail.

Cependant, la Cour de cassation poursuit son raisonnement, et juge qu’en présence d’un risque grave pour ces travailleurs, si l’entreprise de travail temporaire ne prend aucune mesure et que son CHSCT est lui-même passif quant à l’usage de son droit issu de l’article L. 4614-12 du code du travail, alors le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire « au titre de l’exigence constitutionnelle du droit à la santé des travailleurs » peut faire appel à un expert agréé afin d’analyser la réalité du risque et les moyens éventuels d’y remédier. Il en résulte que le juge du fond ne pouvait écarter la compétence du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire s’agissant d’une expertise risque grave, sans vérifier l’existence d’un risque grave et l’inaction de l’entreprise utilisatrice et de son CHSCT.

Cette solution de mesure et de conciliation doit être saluée.

Tout d’abord, l’immixtion du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire est limitée, puisque sa compétence n’est finalement reconnue qu’à titre supplétif, c’est-à-dire en cas de carence tant de l’entreprise utilisatrice que de son CHSCT. Il reviendra, en outre, au juge du fond de vérifier ces carences, et en tout état de cause de vérifier la réalité du risque grave invoqué. Il n’existait, en réalité, aucune autre voie alternative permettant de ne pas empiéter sur le droit de propriété et la liberté d’entreprendre pour s’assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs intérimaires, dans la mesure où manifestement seul le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire pouvait efficacement se préoccuper des conditions de travail de ces personnels.

Par ailleurs, cette solution a le mérite de mettre fin à une situation plutôt paradoxale. En effet, comme le relevait le Professeur Verkindt, les conditions de travail, de santé et de sécurité sont déterminées par les conditions du travail réel, lesquelles s’apprécient dans l’entreprise utilisatrice. Pourtant, l’entreprise de travail temporaire et son CHSCT n’ont aucun moyen d’action ni droit d’entrée dans l’entreprise utilisatrice. Le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire, où sont présents les intérimaires, ne peut agir que sur les conditions de travail des travailleurs permanents de l’entreprise de travail temporaire (P.-Y. Verkindt, Les CHSCT au milieu du gué, Trente-trois propositions en faveur d’une instance de représentation du personnel dédiée à la protection de la santé au travail, Rapport 2013, p. 62).

Cette solution apparaît même essentielle au regard de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 aux termes de laquelle les travailleurs mis à disposition ne sont plus éligibles au comité social et économique (CSE) de l’entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 2314-23). En l’absence de représentation des travailleurs intérimaires au sein des instances de l’entreprise utilisatrice, l’ingérence (mesurée) du comité social et économique, qui reprend les prérogatives des anciens CHSCT, est plus que bienvenue.

Il convient, enfin, de préciser que la société Manpower présentait également une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant l’interprétation que la chambre sociale donnerait de l’article L. 4614-12 du code du travail si, cassant la décision attaquée, elle admettait la possibilité pour le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire de désigner un expert pour étudier une situation de risque grave dans une entreprise utilisatrice. En d’autres termes, il s’agissait donc d’une QPC sur une interprétation préventive de la Cour suprême. Par un arrêt du 5 juin 2019 la Cour de cassation retenait qu’il n’y avait pas lieu à renvoyer la QPC, au motif que « la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que, si tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente, il n’existe pas, en l’état, d’interprétation jurisprudentielle constante autorisant le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire à diligenter une expertise au sein d’une expertise utilisatrice , en application de l’article L. 4614-12 du code du travail, alors en vigueur, au titre d’un risque grave concernant les travailleurs mis à disposition de cette entreprise utilisatrice ».

Cependant, cette irrecevabilité n’avait aucune incidence sur le sens de la décision que la Cour de cassation pouvait être amenée à prendre sur le fond, et l’hypothèse s’était déjà rencontrée. En effet, dans une précédente affaire ayant donné lieu à une décision d’irrecevabilité (Soc., QPC, 13 juill. 2016, n° 16-10.459 P), la Haute juridiction avait ensuite censuré la décision des juges du fond en considérant « qu’il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion » (Soc. 1er févr. 2017, n° 16-10.459, D. 2017. 550 , note J. Mouly ; ibid. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta  ; Dr. soc. 2017. 215, étude J.-G. Huglo et R. Weissmann ; RDT 2017. 332, obs. I. Desbarats ). Dans cette espèce, la Cour de cassation rendait exactement une jurisprudence qui était celle préventivement critiquée par la QPC déclarée irrecevable. Effectivement, l’objectif de la QPC de permettre aux parties d’interroger le Conseil constitutionnel sur la norme législative telle qu’elle s’applique. En revanche, il ne s’agit pas d’offrir, à titre préventif, un recours contre une évolution de la jurisprudence. Par conséquent, la réponse donnée à la QPC ne liait pas la chambre sociale quant à la réponse qu’elle devait apporter au pourvoi.

Auteur d'origine: Dechriste

Ce texte, un projet de loi organique ayant le même objet (qui suspend les délais de procédure des questions prioritaires de constitutionnalité) et un projet de loi de finances rectificative permettant la prise en compte des coûts liés à l’épidémie ont été présentés en conseil des ministres le 18 mars. Les deux premiers devaient être examinés par le Sénat jeudi 19 et par l’Assemblée nationale vendredi 20, le troisième faisant la navette en sens inverse.

État d’urgence sanitaire

L’état d’urgence sanitaire est la seule mesure pérenne du projet de loi ordinaire. Il serait déclaré par décret en conseil des ministres et prorogé par la loi au bout d’un mois. Cette déclaration donnerait au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ainsi que de procéder à des réquisitions. Le ministre de la santé pourrait prendre les autres mesures générales et individuelles par arrêté. Un comité scientifique rendrait des avis publics sur le dispositif.

Les élus du premier tour entrent en fonction

Le titre Ier du projet confirme le report (au plus tard au mois de juin 2020) du second tour des élections municipales, décidé la veille par décret, ainsi que des élections des Français de l’étranger et en tire les conséquences. Les élus du premier tour entrent en fonction immédiatement (sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants où moins de la moitié des conseillers municipaux ont été élus). Dans les autres communes, les mandats sont prorogés jusqu’au second tour. Les exécutifs des intercommunalités seront élus à titre provisoire, une nouvelle élection ayant lieu après le second tour dès lors que celui-ci est nécessaire dans une commune membre. Le gouvernement serait habilité par ordonnance à adapter le droit à cette situation, notamment s’agissant du fonctionnement des intercommunalités.

De très vastes habilitations

Le titre III donne au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance des mesures législatives provisoires. Il pourrait ainsi modifier le droit du travail et le droit de la fonction publique, notamment en matière de congés et de consultation des instances du personnel. Il pourrait également adapter les règles de délai, d’exécution et de résiliation des contrats de la commande publique. Pour faire face aux conséquences sur l’administration et les juridictions, est envisagée l’adaptation des règles relatives au dépôt et au traitement des demandes présentées à l’administration. Les délais, la compétence territoriale ou encore le recours à la visioconférence devant les juridictions administratives et judiciaires pourront aussi être provisoirement modifiés. Des dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics ou encore aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur seraient aussi rendues possible.

Auteur d'origine: babonneau

Le principe général posé par le gouvernement est « dès que c’est possible, il faut privilégier le télétravail ».

Le service SOS-Collaborateurs de l’UJA de Paris est saisi des difficultés rencontrées par les collaborateurs dans les cabinets au sein desquels ils exercent pour cette mise en place du télétravail.

Certains se sont trouvés confrontés à des arguments tels que, « le “télétravail” n’étant pas organisé par le cabinet », les jours d’absence seront déduits des vacances ou ne seront pas rémunérés, voire envisagés comme une faute susceptible de rupture du contrat de collaboration.

À ce jour, il n’y a encore aucun texte impératif au niveau de la profession mais une réalité sanitaire et des exigences étatiques qui imposent de stopper les déplacements et « rester chez soi ».

C’est pourquoi l’UJA de Paris, dès dimanche 15 mars, a adressé à l’ensemble des avocats parisiens un mail préconisant de favoriser le télétravail.

Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, informé de ces difficultés, s’est positionné dans le même sens lundi, en rappelant le statut indépendant et libéral (tweet officiel du 16 mars 2020) :

« Les collaborateurs, comme tout #avocat indépendant et responsable, de même que les stagiaires et les salariés ne peuvent être “obligés” à venir travailler s’ils sont concernés par une précaution sanitaire #COVID-19 »

Par conséquent, rien ne justifie que les cabinets d’avocats ne permettent pas aux collaborateurs de faire du télétravail en dehors des audiences urgentes maintenues par les juridictions.

En revanche, il y a une réalité pratique, à savoir que tous les cabinets n’ont pas pu anticiper les modalités techniques de la mise en place du télétravail, comme la fourniture d’un ordinateur portable à chaque collaborateur ou membre du personnel du cabinet.

Dans ce cas de figure, et au regard du contexte sanitaire exceptionnel, les collaborateurs pourvus de matériels informatiques peuvent proposer de le mettre au service du cabinet et à la mise en place du télétravail.

Il appartient également au cabinet – qui n’en dispose pas – de mettre en place des solutions d’accès à distance à la base de données du cabinet de manière sécurisée.

Enfin, outre l’équipe SOS-Collaborateurs de l’UJA de Paris () qui assure toujours et chaque jour l’accompagnement des collaborateurs en difficulté qui la contactent, sachez que l’Ordre des avocats de Paris a désigné parmi les membres du Conseil de l’ordre des « référents collaboration » (informations disponibles sur le site du barreau de Paris, v. aussi Dalloz actualité, 20 avr. 2018, art. T. Coustet).

Pour 2020, il s’agit de nos confrères Anne-Laure Casado, Yannick Sala, Thierry Schoen et Julien Brochot ().

Enfin, le bâtonnier et la vice-bâtonnière ont mis en place, au regard de la crise sanitaire actuelle, une « commission spéciale ».

Ne craignez pas et n’hésitez pas à leur signaler tout abus, toute inquiétude par un simple email.

Un vade-mecum est en cours de préparation et sera diffusé par l’Ordre des avocats de Paris très prochainement.

Il appartient à toute la profession de s’adapter à l’ampleur de cette crise sanitaire et le télétravail devient la règle.

Auteur d'origine: Bley

Créée de toutes pièces par la jurisprudence il y a près d’un demi-siècle (v. Crim. 23 avr. 1970, D. 1970. 444), l’unité économique et sociale (UES) a initialement été conçue comme un dispositif protecteur quant à la mise en place des institutions représentatives du personnel. Basée sur l’existence de critères d’ordre économique et social, l’UES favorise le rapprochement de personnes juridiques distinctes néanmoins liées par un mode de fonctionnement et des intérêts convergents.

D’un côté, l’unité économique est fondée sur la concentration du pouvoir de direction ainsi que sur la complémentarité des activités des différentes entités composant l’UES. De l’autre, l’unité sociale repose sur un ensemble d’indices permettant de déceler l’existence d’une communauté de travail dite homogène.

Qu’elle soit reconnue par voie conventionnelle ou judiciaire, l’UES donne à voir une nouvelle cartographie de l’entreprise par la création d’un périmètre singulier, lequel devient le cadre juridique du dialogue social d’entreprise et de la représentation des salariés. Ce périmètre englobe donc plusieurs entités qui, selon l’arrêt commenté, doivent agir de concert dans la défense de leurs intérêts communs.

En l’espèce, un expert avait été désigné par un CHSCT pour réaliser une expertise au sein d’une UES regroupant deux cliniques. L’une des deux cliniques décide d’assigner l’expert devant le président du tribunal de grande instance (TGI) pour contester le coût de l’expertise. La deuxième clinique se joint à l’action plus de quinze jours après l’assignation. Le président du TGI déclare l’action irrecevable dans la mesure où la contestation a été...

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Auteur d'origine: Dechriste

La réserve sanitaire, créée par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, est un corps de 30 000 personnes volontaires mobilisables par les pouvoirs publics en vue de répondre aux situations de catastrophe, d’urgence ou de menace sanitaire graves. En vertu de la loi, elle a pour objet de compléter, en cas d’événement excédant leurs moyens habituels, ceux mis en œuvre dans le cadre de leurs missions par les différents services de santé (renfort hospitalier, campagnes de vaccination, opérateurs téléphoniques, contrôles aux aéroports). La réserve est composée de professionnels de santé et étudiants dans les filières médicales qui, après avoir été déclarés aptes physiquement, subissent une période de formation auprès de l’Agence nationale de santé publique.

Le réserviste bénéficie d’un certain nombre de protections légales. En effet, la loi interdit par exemple à l’employeur de sanctionner un réserviste en raison de ses périodes d’absences. Les personnes réservistes bénéficient également du régime de la protection fonctionnelle durant leurs missions, qui oblige l’État à prendre en charge la réparation intégrale des préjudices qu’ils subissent ou qu’ils font subir en cas d’accident. Les réservistes sont indemnisés au cours de leurs missions, lesquelles ne peuvent pas excéder en principe une durée de quarante-cinq jours par année civile.

Conformément à l’article L. 3134-1 du code de la santé publique, il peut être fait appel à la réserve sanitaire par arrêté motivé du ministre chargé de la santé. C’est ainsi que, par arrêté du 4 mars 2020, l’ensemble de la réserve sanitaire a été mobilisée pour une durée indéterminée pour constituer des équipes d’intervention rapide placées auprès des agences régionales de santé pour renforcer les établissements de santé.

Usage du droit de réquisition

Le droit de réquisition s’entend généralement comme un dispositif exceptionnel de l’État qui, moyennant un mécanisme de rétribution ou d’indemnisation, est actionné par temps de guerre ou afin d’assurer la continuité du service public en période de mouvement social prolongé. Il peut aussi être mobilisé lors d’une crise sanitaire, au titre du pouvoir de police spéciale détenu par le gouvernement.

La loi n° 2004-906 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est venue renforcer et adapter les instruments dont dispose l’État en matière de santé publique, et a notamment créé un pouvoir de police sanitaire spécifique, afin de mieux prévenir et gérer les menaces sanitaires graves. Ce cadre juridique, rendu nécessaire par la latence de la menace bioterroriste et l’apparition de nouvelles pathologies infectieuses, est un des rares cas possibles d’extension des pouvoirs des autorités administratives en raison de circonstances exceptionnelles, en plus de l’état d’urgence et de l’état de siège.

En matière sanitaire, cet outil a été utilisé à plusieurs reprises ces dernières années pour limiter la propagation du virus Ebola, afin de renforcer les contrôles sanitaires, d’autoriser l’utilisation de certains traitements et de sécuriser le circuit transfusionnel et la réalisation des examens médicaux des personnes contaminées. Il a aussi servi de fondement juridique pour permettre la distribution de kits gratuits destinés au traitement des patients atteints par le virus de la grippe H1N1 en 2009. À cette dernière occasion, le ministre de la santé avait d’ailleurs autorisé par arrêté les préfets à procéder à toute réquisition nécessaire à la mise en œuvre de la campagne de vaccination (arr. du 4 nov. 2009).

Depuis la loi du 5 mars 2007, le droit de réquisition est expressément mentionné au code de santé publique. Ainsi en vertu de ses articles L. 3131-8 et L. 3131-9, le premier ministre peut, lorsque l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, procéder par décret aux réquisitions de produits ou de professionnels de santé. C’est ainsi que, par un premier décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 suivi d’un décret correctif n° 2020-247 du 13 mars 2020, le premier ministre a décidé de réquisitionner les stocks et les productions de masques de protection respiratoire et de masques antiprojections. Des personnels de santé du secteur privé pourraient, à terme et en fonction de l’évolution de la pandémie, être réquisitionnés par l’État.

La réglementation du prix des solutions hydroalcooliques

Un prix est soit déterminé par le libre jeu du marché, soit fixé par les pouvoirs publics dans des conditions prévues par la loi au titre de son pouvoir de police économique – en témoignent notamment les prix du gaz, des péages, des courses de taxi ou de l’électricité. Parallèlement aux dispositifs propres à certains produits, la loi prévoit, depuis l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté de prix et de la concurrence, la possibilité pour le gouvernement de lutter contre des hausses excessives de prix par « des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé ». Cette disposition a depuis été codifiée à l’article L. 410-2 du code du commerce.

Cette disposition permet par exemple de réguler le prix du carburant ou du gaz dans certains départements ou collectivités d’outre-mer où un opérateur, en raison des spécificités géographiques, pourrait se trouver en situation de monopole économique et imposer des prix excessifs (v. par ex. décr. n° 2003-1241, 23 déc. 2003, réglementant les prix des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, ou le décret n° 88-1048, 17 nov. 1988 réglementant les prix de certains produits dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon).

Sur le fondement de ces dispositions, le gouvernement a souhaité protéger les consommateurs contre les risques induits par une situation manifestement anormale du marché résultant de la pandémie, et a procédé, après avis du Conseil national de la consommation, à la réglementation du prix de vente des gels hydroalcooliques (décr. n° 2020-197, 5 mars 2020).

Auteur d'origine: pastor

Dans la première affaire (req. n° 424335), Mme B…, gérante et associée unique d’une EURL, contestait la décision du président de la métropole de Lyon de réduire le montant du RSA qu’elle recevait, en raison de la prise en compte dans ses ressources du bénéfice dégagé par la société.

Dans la seconde espèce (req. n° 424379), Mlle A… demandait notamment l’annulation de la décision de récupération d’un indu de RSA prise par la même métropole au motif qu’elle n’avait pas déclaré, au titre de ses ressources, des loyers perçus par une SCI dont elle détenait la moitié des parts.

Saisi en cassation, le Conseil d’État juge que, pour...

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Auteur d'origine: pastor
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Avant la fusion des institutions représentatives du personnel opérée par les ordonnances du 22 septembre 2017, l’employeur devait consulter le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 4612-8-1 anc.). En cas de projet commun à plusieurs établissements résultant d’une telle décision, il pouvait mettre en place une instance temporaire de coordination des différents CHSCT (ICCHSCT). Cette instance avait pour mission d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé, alors prévue à l’article L. 4614-12, 2°, du code du travail, afin d’évaluer et prévenir les risques pour la santé des salariés induits par le projet de réorganisation dans l’ensemble des établissements concernés. Elle devait également être consultée et rendre des avis sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements. À l’origine, ces dispositions ne dispensaient par l’employeur de consulter chaque CHSCT des établissements concernés, et ne privaient pas ces comités locaux de recourir à un expert sur le fondement de l’ancien article L. 4614-12, 2°, du code du travail (C. trav., art. L. 4616-1 issu de la L. n° 2013-504, 14 juin 2013). La loi Rebsamen du 17 août 2015 avait donné une place plus centrale à l’ICCHSCT, qui devenait seule compétente pour désigner un expert dans l’hypothèse précitée, et était la seule à devoir être consultée sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements (C. trav., art. L. 4616-1 issu de L. n° 2015-994). Le recours à l’expert pouvait toutefois être décidé par un CHSCT local en l’absence d’une instance temporaire de coordination (Soc. 19 déc. 2018, n° 17-27.016, Dalloz jurisprudence).

En l’espèce, la société Pages jaunes, dans le cadre d’un projet de réorganisation ayant vocation à affecter plusieurs de ses établissements, avait engagé, à compter du 21 février 2018, une procédure d’information-consultation de ses instances représentatives du personnel. Dans ce cadre, elle avait mis en place une ICCHSCT, laquelle avait nommé, le 2 mars 2018, un expert afin de l’assister dans l’étude du projet de transformation et de ses conséquences en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Le contentieux faisant l’objet de l’arrêt commenté est ensuite né de ce que le CHSCT « Nord-Est » de la société avait décidé en parallèle, par une délibération du 6 avril 2018, le recours à une expertise, fondée sur l’existence d’un « risque grave […] constaté dans un établissement » (C. trav., anc. art. L. 4614-12, 1°). La société avait alors fait assigner le CHSCT en annulation de cette délibération le 20 avril 2018.

Par une ordonnance du 16 octobre 2018, le président du tribunal de grande instance (TGI) de Nancy a annulé la délibération du CHSCT Nord-Est, au motif que l’ICCHSCT avait déjà nommé un expert afin de l’assister dans l’étude du projet de transformation et de ses conséquences sur la santé et les conditions de travail. L’expertise sollicitée par le CHSCT, bien que reposant sur un fondement juridique différent, avait des visées similaires à celle mise en œuvre quelques semaines plus tôt par l’instance coordinatrice : la prévention des risques pour la santé des salariés dans les établissements du Nord-Est, inclus dans le projet de réorganisation décidée au niveau national par la société. Le CHSCT Nord-Est a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Par un arrêt du 5 février 2020, la chambre sociale casse l’ordonnance litigieuse, au visa des textes précédemment présentés (C. trav., art. L. 4614-12 et L. 4616-1 anc.), reprochant au président du TGI de ne pas avoir recherché si le CHSCT, qui faisait état de circonstances spécifiques à l’établissement, ne justifiait pas d’un risque grave au sein de cet établissement indépendamment de l’expertise ordonnée en raison d’un projet important par l’ICCHSCT.

En donnant expressément une compétence exclusive à l’ICCHSCT pour organiser le recours à l’expertise relative à un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (C. trav., art. L. 4614-12, 2°) affectant plusieurs établissements, l’article L. 4616-1 du code du travail maintenait implicitement la possibilité pour les CHSCT locaux de faire appel à un expert « lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, [était] constaté dans l’établissement » (C. trav., art. 4614-12, 1°). Aucune disposition légale ne neutralisait cette possibilité dans un contexte de réorganisation de nature à affecter plusieurs établissements. Le président du TGI, pour annuler la délibération du CHSCT Nord-EST prévoyant le recours à un expert, ne pouvait simplement relever l’existence d’une expertise concomitante demandée au niveau national par l’ICCHSCT. Il devait établir que le CHSCT ne justifiait pas d’un risque grave au sein de cet établissement indépendant de ceux résultant du projet de réorganisation au niveau national.

Dans le cadre de cette réorganisation opérée par la société Pages jaunes, la Cour de cassation a rendu un autre arrêt, non publié, relatif à une délibération du CHSCT « Sud-Est », qui avait également fait appel à un expert pour un risque grave pour les salariés relevant de sa compétence territoriale. Dans cette espèce, le président du TGI de Grasse avait constaté que le CHSCT faisait état de la souffrance des salariés du fait notamment d’un nombre important de réorganisations et avait alerté la direction sur un taux élevé d’absentéisme, le désengagement, le stress et l’épuisement des salariés, créant un risque routier mais également un risque de conflit avec la hiérarchie commerciale, entre services ou avec les clients. L’existence de ces risques avérés justifiait que le CHSCT fasse appel à un expert, indépendamment de l’expertise pour projet important ordonnée par l’ICCHSCT (Soc. 4 févr. 2020, n° 18-23.753, Dalloz jurisprudence).

Cette jurisprudence devrait pouvoir être transposée au comité social et économique (CSE), désormais compétent en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. En effet, le code du travail prévoit que le CSE central d’entreprise est seul consulté sur les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements d’un projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2316-1). La désignation d’un expert dans le cadre d’un tel projet doit également être effectuée par ce CSE central (C. trav., art. L. 2316-3), tandis que le CSE d’établissement reste compétent pour faire appel à un expert « lorsqu’un risque grave […] est constaté dans l’établissement » (C. trav., art. L. 2315-94).

L’ordonnance est également cassée au motif que le président du TGI avait limité à 2 000 € la somme allouée au titre des frais et honoraires d’avocat exposés par le CHSCT dans le cadre de la procédure, alors que le comité demandait le remboursement de 3 600 €. Sur ce point, la décision ne surprend pas. La Cour de cassation considère en effet que les frais exposés par le CHSCT pour se défendre en justice lors d’une contestation par l’employeur du recours à un expert sont à la charge de ce dernier, sauf abus du CHSCT (Soc. 6 avr. 2005, n° 02-19.414, Dalloz jurisprudence). En cas de contestation de l’employeur, il incombe au juge de fixer le montant des frais et honoraires d’avocat exposés par le CHSCT, qui seront mis à la charge de l’employeur, au regard des diligences accomplies (Soc. 22 févr. 2017, n° 15-10.548, Dalloz actualité, 17 mars 2017, obs. J. Siro ; D. 2017. 512 ). En l’espèce, la somme demandée par le CHSCT ne faisait l’objet d’aucune contestation. Le président du TGI ne pouvait donc pas décider de limiter cette somme.

Auteur d'origine: Dechriste

Il y a parfois des annonces désarçonnantes. Vendredi, la garde des Sceaux, après trois heures de réunion avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris, a rappelé que les avocats n’auraient pas gain de cause dans leur bataille contre la réforme des retraites et a énoncé son plan d’attaque pour favoriser l’équilibre économique des cabinets d’avocat : la nomination de Dominique Perben qui devra remettre un rapport – encore un ! – d’ici la fin du mois avril. Les sujets prioritaires : la revalorisation « significative » de l’aide juridictionnelle (conditions d’attribution de l’AJ et niveau de rétribution) « dans le cadre des propositions » faites par les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR), « les conditions auxquelles serait subordonnée la possibilité de conférer un caractère exécutoire à l’acte d’avocat » et la possibilité de « faire évoluer le taux de TVA des honoraires » dans le cadre des dispositions européennes. Dominique Perben pourra, s’il le souhaite, proposer d’autres pistes « pour améliorer les conditions d’exercice de la profession ».

Alors voilà ce qui désarçonne. La ministre de la justice jure que, cette fois-ci, la revalorisation sera vraiment significative. Faut-il un rapport pour annoncer des chiffres dont dispose la profession depuis des dizaines d’années ? Pour de nombreux avocats, le minimum serait de doubler les unités de valeur (32 € actuellement). Faut-il d’ailleurs rappeler que le futur « rapport Perben » s’ajoutera à la dizaine de rapports rendus pour sauver l’aide juridictionnelle. Le plus souvent cité est celui de l’ancien sénateur Roland du Luart (2007), qui avait évoqué un « système à bout de souffle » et « proche de l’implosion » (à l’époque, le budget de l’aide juridictionnelle était de 300 millions d’euros, contre 500 pour 2019). Mais il n’est pas inutile d’en citer quelques autres tant leur nombre est symptomatique d’un malaise à traiter le sujet : rapport Bouchet (2001), Cour des comptes (2008), Darrois (2009), Bocquillon (2009) Belaval (2010), Gosselin (2011), Haut Conseil des professions du droit (2013), Carré-Pierrat (2014), Le Bouillonnec (2014), Mézard-Joissains (2014), Moutchou-Gosselin (2019), etc., sans oublier plusieurs propositions de loi abandonnées dans un tiroir et les nombreux rapports du Conseil national des barreaux, dont celui de Myriam Picot de 2013. Ou encore le rapport plus global sur l’avenir de la profession, remis à Jean-Jacques Urvoas en 2017 par les avocats Kami Haeri, Sophie Challan-Belval, Éléonore Hannezo et Bernard Lamon.

« Conférer ensuite la force exécutoire à l’acte d’avocat, voilà une bravade qui pourrait réveiller l’endormie dissension entre avocats et notaires. » A-t-on oublié les mois de tension en 2010 qu’avait dû gérer la ministre de l’époque, Michèle Alliot-Marie, les notaires refusant net que « l’acte contresigné par avocat » – une idée de l’avocat Jean-Michel Darrois issue de son rapport de 2009 – ait la moindre force exécutoire ? La loi du 28 mars 2011 avait finalement créé un acte a minima, fort peu utilisé par la profession (134 actes d’avocat avaient été archivés via le site AvosActes, créé par le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers, en 2015). En 2014, nouveau « coup de chaud » : les notaires s’offrent deux pleines pages dans Le Monde et Les Échos pour mettre un coup d’arrêt aux propositions contenues dans le Livre blanc de la profession d’avocat, diffusé à l’occasion des débats sur la justice du 21e siècle.

Des propositions à l’intérêt « très catégoriel »

Interrogé à l’époque, Jean Tarrade, président du Conseil supérieur du notariat, avait été très clair : « Les avocats demandent, entre autres, à ce que l’acte d’avocat ait la force de l’acte authentique, ils réclament l’accès aux fichiers immobiliers et sollicitent de pouvoir faire des partages successoraux. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Déjà en 1967, dans un Livre bleu, ils réclamaient une profession unique ! La commission Darrois a repris cette idée. Les représentants des avocats sont dans l’empiétement permanent des prérogatives d’autres professions, deviennent agents sportifs, mandataires en transactions immobilières, etc. Ils ont la volonté permanente de faire le métier des autres. C’est pourquoi la profession de notaire, d’habitude discrète, est sortie de sa réserve car les propositions des avocats sont inacceptables. » Avec une entrée dans le code civil en 2016, et une utilisation imposée dans le cadre du divorce par consentement mutuel, l’acte d’avocat n’est peut-être pas tout à fait mort. Reste à savoir de quelle manière Dominique Perben va convaincre les notaires.

Troisième chantier à risque : l’application du taux de TVA réduit de 10 % aux honoraires d’avocats. C’est encore un vieux combat de la profession qui s’est systématiquement vu opposer par Bercy la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle « les services rendus par les avocats à leurs clients, y compris les particuliers et ceux bénéficiant de l’aide juridictionnelle, n’étaient pas des prestations susceptibles de se voir appliquer un taux de TVA réduit ». Sauf que, comme l’a rappelé une motion votée en novembre 2019 par le conseil de l’ordre de Paris, une proposition de directive modifiant la directive du 28 novembre, examinée par le Parlement européen, a été soumise au sein du Conseil européen en vue de son adoption : « cette proposition prévoit que seuls les biens et services énumérés dans une liste dite “négative” ne pourraient pas bénéficier de la part des États membres d’un taux réduit de TVA. Le projet actuel de cette liste ne mentionne pas les prestations d’avocats aux particuliers (B2C). En cas d’adoption de la nouvelle directive, les États membres pourront donc appliquer un taux réduit aux prestations des avocats ».

Dominique Perben a donc un mois pour résoudre ce qui a été, jusqu’à présent, insurmontable. Sa désignation a par ailleurs provoqué quelques interrogations. L’ancien garde des Sceaux, de 2002 à 2005 sous le gouvernement Raffarin, avait rassemblé contre lui une partie de la profession lors des votes de la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (dite loi Perben I) et de la loi portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dite loi Perben II) de 2004. À propos des robes noires qui avaient protesté devant le ministère, il avait ironisé : « il y a 17 000 avocats à Paris. Ils étaient 100, rue de la Paix ». Aujourd’hui avocat au sein du cabinet Betto Perben Pradel Filhol, certains confrères grincent des dents : il a bénéficié du décrié « décret passerelle » de 2010, pour être inscrit au tableau sans que son parcours le justifie. Le décret avait finalement été supprimé en 2013. Enfin, il est le beau-père du député Raphaël Gauvain (LRM), auteur du rapport de 2019 sur la protection des entreprises contre les lois et mesures à portée extraterritoriale, qui avait ressorti un sujet terriblement explosif, celui de l’avocat en entreprise. « L’avocat en entreprise, c’est un vrai casus belli pour une très large majorité de la profession qui craint que Perben ne s’en inspire », commente un avocat.

Un élu du Conseil national des barreaux estime que ces sujets annexes – hors retraite – « ne présentent en réalité qu’un intérêt très catégoriel. Pour faire simple : les avocats qui interviennent à l’aide juridictionnelle se fichent totalement de la force exécutoire de l’acte d’avocat, qu’ils ne pratiquent pas. Et ceux qui n’interviennent pas l’AJ considèrent à juste titre que l’augmentation des U.V. ne compensera pas l’augmentation de leurs cotisations retraite. L’idée de créer un comité Théodule sur ces sujets, alors que nos demandes sont définies et chiffrées depuis bien longtemps, passe très mal. Nous avons des tonnes de rapports démontrant que le budget de l’AJ doit être a minima doublé pour permettre au système de fonctionner. Nous n’avons pas besoin de nous réunir en commission pour en discuter ».

La présidente du Conseil national des barreaux a, sur Twitter, reconnu que la Chancellerie « avait fait un pas » et avait « envoyé un petit signal aux avocats », tout en regrettant, par exemple, qu’aucune donnée chiffrée n’ait été donnée concernant la revalorisation de l’aide juridictionnelle. « Mais cela ne change rien à notre mobilisation contre la réforme des retraites. Ni à ma détermination », a-t-elle conclu. Le mouvement de grève continue. L’examen et le vote prochain du projet de loi de réforme des retraites également.

Auteur d'origine: babonneau

Cette proposition de loi avait été déposée par le sénateur Alain Milon en octobre dernier et adoptée le 5 novembre. Les députés l’ont modifié à la marge le 15 janvier tout en adoptant conforme l’article 1er, qui supprime la barrière d’âge de 75 ans pour faire une demande de PCH.

Sur la question des fonds départementaux de compensation...

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Jusqu’à quand le salarié peut-il remonter lorsqu’il agit pour obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée (CDI) d’une succession de contrats à durée déterminée (CDD), et sur quelle période peut-il revendiquer les rappels de salaires afférents aux périodes interstitielles sans se voir opposer la prescription ? Comment conjuguer prescription de l’action en exécution du contrat et prescription des créances salariales dans le cadre d’une telle action en requalification ? Telles étaient les questions posées par cet arrêt du 29 janvier 2020.

Un salarié a été engagé en qualité d’enquêteur, dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Saisis le 7 juillet 2014, les juges du fond vont accueillir sa demande pour la période allant du 7 juillet 2012 jusqu’au jour de la saisine, et considérer comme prescrite la demande en requalification des contrats à durée déterminée jusqu’au 6 juillet 2012 et rejeter les demandes en découlant.

Pour les juridictions du fond, la loi du 14 juin 2013 ayant institué un délai de deux ans pour toutes les demandes indemnitaires relatives à l’exécution ou la rupture des contrats de travail, le salarié ne pouvait solliciter la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée que sur la période de deux ans précédant la saisine.

Contestant cette interprétation,...

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Auteur d'origine: Dechriste

La réunion prévue ce matin à 9h30 entre la garde des Sceaux et les instances de la profession d’avocat pour évoquer les sujets hors retraites (aide juridictionnelle, taxation d’honoraires, etc.) « risque d’être un peu tendue », augure un élu du Conseil national des barreaux.

Hier, l’Assemblée nationale a voté l’amendement du gouvernement dont la profession ne veut pas et à propos duquel elle n’avait pas été avertie : l’instauration d’un dispositif « de solidarité des avocats géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) », qui « pourra prendre en charge toute la hausse de cotisations pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000 € ». Ce dispositif devrait être financé par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente, sans oublier le produit des réserves, explique la ministre.

Certains avocats voient dans cette disposition « une nationalisation de leurs réserves » et un autofinancement imposé.

Auteur d'origine: babonneau
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Si l’annulation de la rupture du contrat de travail du salarié permet à ce dernier de demander sa réintégration dans l’entreprise, les conséquences indemnitaires de la nullité pour le salarié réintégré diffèrent selon qu’elle est prononcée ou non en raison de la violation par l’employeur d’une liberté fondamentale ou d’un droit à valeur constitutionnelle. À défaut d’une telle violation, le salarié réintégré dans son emploi a droit à une indemnité égale aux salaires qu’il aurait perçus entre la date de la rupture de son contrat et sa réintégration effective, déduction faite des revenus de remplacement éventuellement perçus pendant cette même période. En revanche, cette déduction n’a pas à être opérée lorsque la violation d’une liberté fondamentale est retenue.

Cette seconde hypothèse concerne par exemple le licenciement intervenu en raison de l’exercice du droit de grève par le salarié (Soc. 2 févr. 2006, n° 03-47.481, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier ; D. 2006. 531, obs. E. Chevrier ; RDT 2006. 42, obs. O. Leclerc ), le licenciement prononcé en raison de l’état de santé du salarié (Soc. 11 juill. 2012, n° 10-15.905, Dalloz actualité, 13 sept. 2012, obs. B. Ines ; D. 2012. 1967 ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ), le licenciement discriminatoire en raison de l’activité syndicale du salarié (Soc. 9 juill. 2014, n° 13-16.434, D. 2014, 1594 ) ou encore le licenciement portant atteinte à la liberté d’ester en justice (Soc. 21 nov. 2018, n° 17-11.122, D. 2018. 2311 ; RDT 2019. 257, obs. I. Meyrat ). À l’inverse, le licenciement prononcé à la suite de la dénonciation par un salarié de faits de harcèlement moral (Soc. 14 déc. 2016, n° 14-21.325, Dalloz actualité, 3 janv. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 12 ) ou le licenciement discriminatoire en raison de l’âge (Soc. 15 nov. 2017, n° 16-14.281, Dalloz actualité, 24 nov. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 2375 ; ibid. 2018. 190, chron. F. Ducloz, F. Salomon et N. Sabotier ; RDT 2018. 132, obs. M. Mercat-Bruns ) ne violent, selon les juges, aucune liberté fondamentale ni droit garanti par la Constitution.

Quelques jours après avoir rappelé que la rupture du contrat discriminatoire en raison de l’âge ouvrait droit pour le salarié à une indemnité amputée des revenus de remplacement perçus jusqu’à la réintégration (Soc. 22 janv. 2020, n° 17-31.158, Dalloz actualité, 11 févr. 2020, obs. L. de Montvalon ; D. 2020. 220 ), les juges du droit ont eu à se prononcer sur le licenciement d’une salariée lié à sa maternité. En l’espèce, une salariée licenciée le 26 novembre 2012 avait saisi le juge prud’homal d’une demande en annulation de son licenciement, qu’elle estimait discriminatoire car motivé par son état de grossesse. Elle sollicitait la réintégration dans son emploi, laquelle avait été ordonnée par un jugement du 18 septembre 2015. Le contentieux s’était ensuite poursuivi, notamment pour déterminer les conséquences indemnitaires de l’annulation du licenciement.

Au regard de décisions antérieures, le principe de non-discrimination en raison de l’état de grossesse ne semblait pas constituer une liberté fondamentale au sens des textes à valeur constitutionnelle (Soc. 30 sept. 2010, n° 08-44.340 ; 16 nov. 2011, n° 10-14.799, Dalloz jurisprudence). Faisant application de cette jurisprudence, la cour d’appel de Paris, le 5 juin 2018, a octroyé à la salariée une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à sa réintégration, diminuée des revenus de remplacement dont elle avait bénéficié durant cette période (environ 36 000 €). Contestant la prise en compte de ces revenus dans la fixation du montant de l’indemnité, elle a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 29 janvier 2020, la chambre sociale casse et annule la décision rendue par la cour d’appel de Paris. Ce faisant, elle fait évoluer sa jurisprudence en rattachant la discrimination liée à l’état de grossesse à l’alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946, consacrant le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, avec les conséquences que cela implique pour l’indemnité à laquelle peut prétendre la salariée licenciée et réintégrée dans son emploi. Dans son attendu de principe, les juges énoncent « qu’en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul ; que, dès lors qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période ».

Bien que la violation de principes à valeur constitutionnelle justifie une protection particulière de la victime, il peut sembler surprenant que l’indemnité octroyée en cas de licenciement discriminatoire puisse varier de quelques dizaines de milliers d’euros en fonction du motif de discrimination invoquée, alors que l’annulation repose dans tous les cas sur le même fondement juridique (C. trav., art. L. 1132-1 et L. 1132-4). Comment justifier, en effet, qu’une victime de discrimination ait à restituer des revenus versés par la sécurité sociale ou Pôle emploi lorsque la discrimination est liée à son âge, mais qu’elle puisse conserver ces mêmes revenus lorsque la discrimination est liée à son état de santé ou son état de grossesse ? Une harmonisation des droits des victimes de discrimination pourrait être envisagée, par une extension – écartée jusqu’à présent par la Cour de cassation – de cette jurisprudence aux droits fondamentaux reconnus par le droit européen ou les traités internationaux ratifiés par la France. Le principe de non-discrimination est en ce sens un principe général du droit de l’Union européenne (Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 21 ; pour une application en matière de discrimination fondée sur l’âge, v. CJUE 19 janv. 2010, aff. C-555/07, AJDA 2010. 248, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; RDT 2010. 237, obs. M. Schmitt ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron ; ibid. 599, chron. L. Coutron ; ibid. 673, chron. S. Robin-Olivier ; ibid. 2011. 41, étude E. Bribosia et T. Bombois ; Rev. UE 2013. 313, chron. E. Sabatakakis ) ; il est également consacré par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 14) et est l’objet de la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail.

Auteur d'origine: Dechriste

L’arrêt commenté a eu à trancher une question inédite : celle de la possibilité de cumuler au sein du nouveau comité social et économique les mandats d’élu et de représentant syndical au comité, éventuellement par voie d’accord collectif.

En l’espèce, le syndicat CGT plate-forme Total a désigné comme représentant syndical au sein du comité social et économique d’établissement de la société Total raffinage France un salarié qui y était également membre élu suppléant. La société a saisi le tribunal d’instance afin qu’il soit enjoint au salarié de choisir entre l’un ou l’autre des mandats et qu’à défaut, le mandat de représentant syndical soit jugé caduc. Le tribunal a fait droit à la demande.

Le syndicat et le salarié ont formé un pourvoi en cassation et ont essentiellement soulevé trois arguments qui méritent de s’y attarder.

Ils ont d’abord fait valoir qu’aucune disposition légale n’interdisait le cumul des mandats litigieux. Il est vrai que le nouvel article L. 2314-2 du code du travail, propre au comité social et économique, dispose que le représentant syndical « est choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise », de sorte qu’il ne contient pas en soi d’interdiction de cumul. L’argument avait cependant peu de chance de convaincre car le nouveau texte reprend à l’identique les dispositions de l’ancien article L. 2324-2 du code du travail applicable à l’ancien comité d’entreprise. Or, s’agissant du comité d’entreprise, par une décision de principe qui a par la suite été appliquée avec constance, la Cour de cassation a jugé que « le même salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité d’établissement en qualité à la fois de membre élu et de représentant syndical auprès de...

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Un joueur professionnel, recruté par le Toulouse Football Club le 30 juin 2009, avait conclu un contrat à durée déterminée (CDD) pour quatre saisons avec un terme fixé au 30 juin 2013. Victime d’une embolie pulmonaire en octobre 2010, il avait été placé en arrêt de travail. En mars 2012, à la suite de deux examens médicaux, ce joueur avait été déclaré inapte à son poste de gardien de but au sein du Toulouse football club par le médecin du travail, qui considérait qu’un reclassement était possible dans une activité excluant la pratique du sport à haut niveau et les voyages réguliers en avion. Après le refus par le joueur d’une proposition de reclassement, le club avait rompu son contrat pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 mai 2012.

Le sport professionnel est un secteur dans lequel le recours au contrat à durée déterminée est non seulement d’usage mais également nécessaire pour assurer l’équité sportive des compétitions (la convention collective du rugby professionnel impose en ce sens le recours au CDD dans un « souci d’équité sportive », art. 1.1). Le contrat conclu en l’espèce reposait sur la possibilité ouverte par le code du travail de conclure des CDD dans les secteurs où il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de certains emplois (C. trav., art. L. 1242-2), dont fait partie le sport professionnel (C. trav., art. D. 1242-1). Depuis 2015, le sportif professionnel est lié à son club par un CDD spécifique encadré par le code du sport (art. L. 222-2 s.). Qu’il s’agisse d’un CDD d’usage ou d’un CDD spécifique, les dispositions du code du travail relatives à la rupture anticipée du CDD trouvent à s’appliquer.

Aux termes de ces dispositions, sauf accord des parties, un contrat à durée déterminée « ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail » (C. trav., art. L. 1243-1). Bien que cela ne soit pas spécifié, l’obligation de reclassement, imputable à l’employeur en cas de licenciement pour inaptitude (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10), l’est aussi en cas de rupture du CDD pour ce motif (Soc. 8 juin 2005, n° 03-44.913, D. 2005. 1884 ; Dr. soc. 2005. 918, obs. C. Roy-Loustaunau ). En l’espèce, le salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail et l’employeur avait rempli son obligation de reclassement, mais le contentieux portait sur l’applicabilité à cette rupture de certaines dispositions prévues par la Charte du football professionnel qui a, comme le rappelle avec constance la Cour de cassation, valeur de « convention collective sectorielle » (Soc. 16 déc. 2015, n° 14-16.059, D. 2016. 82 ; Dr. soc. 2016. 189, obs. J. Mouly ; JS 2016, n° 161, p. 8, obs. F. Lagarde ; 10 févr. 2016, n° 14-26.147, D. 2016. 431 ; ibid. 2017. 667, obs. Centre de droit et d’économie du sport (OMIJ-CDES) ; Dr. soc. 2016. 446, étude J. Mouly ; ibid. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 2017. 552, étude A. Donnette-Boissière, S. Selusi-Subirats et B. Siau ; JS 2016, n° 162, p. 9, obs. J. Mondou ; ibid., n° 163, p. 34, étude J.-P. Karaquillo ).

La cour d’appel de Toulouse, dans une décision rendue le 21 avril 2017, a considéré que la rupture du contrat du joueur était irrégulière et a condamné le club à lui verser près de 1,5 million d’euros à titre de dommages-intérêts, au motif qu’il avait été privé d’une garantie de fond (conformément à la jurisprudence alors en vigueur, v. Soc. 17 mars 2015, n° 13-23.983, Dalloz actualité, 22 avr. 2015, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2015. 467, obs. J. Mouly ; RDT 2015. 333, obs. C. Varin ) prévue par cette charte en ce que la commission juridique, chargée de concilier les parties en cas de contentieux, n’avait pas été saisie préalablement à la rupture de son contrat. Le club a formé un pourvoi en cassation, invitant les juges du droit à se prononcer sur la compétence de cette commission juridique en matière de rupture du contrat de travail d’un footballeur professionnel résultant d’une inaptitude constatée par le médecin du travail.

Aux termes de la Charte du football professionnel (CFP), une commission juridique, qui fait office de « juridiction de premier ressort », est compétente notamment pour homologuer les contrats des joueurs et entraîneurs, mais également pour « tenter de concilier les parties en cas de manquements aux obligations découlant d’un contrat passé par un club avec un joueur, un entraîneur », les manquements étant envisagés comme « ceux de nature à empêcher la poursuite normale des relations entre les parties » (CFP, art. 51). Lorsqu’une partie ne satisfait pas à son engagement contractuel, l’autre partie peut demander la résolution avec dommages et intérêts mais doit porter le litige devant la commission juridique (CFP, art. 265). Plus généralement, « tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique » (CFP, art. 271).

Pour accueillir la demande du joueur, la cour d’appel a considéré que la Charte précitée imposait à l’employeur de saisir la commission juridique avant toute résiliation unilatérale du contrat, sans distinguer selon les motifs de la rupture. Le respect de cette obligation constituait une garantie de fond pour le salarié, rendant abusive toute rupture du contrat notifiée sans intervention préalable de cette commission (pour une application en cas de rupture du contrat d’un footballeur professionnel pour faute grave, v. Soc. 4 juin 2009, n° 07-41.631, D. 2010. 400, cours de droit et d’économie du sport Université de Limoges ). Selon les juges du fond, le fait que l’article 267 de cette charte renvoie aux dispositions du code du travail pour énoncer que « l’inaptitude physique du joueur ne peut être constatée que par le médecin du travail selon la procédure décrite dans ce même code » ne suffisait pas à écarter la compétence de la commission juridique en cas de rupture du contrat et ne devait pas priver le joueur de la possibilité de bénéficier d’une tentative de conciliation préalable.

Par un arrêt rendu le 29 janvier 2020, la chambre sociale casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse, en faisant une application plus stricte des dispositions conventionnelles en cause. Elle décide en effet que « la saisine de la commission juridique n’est obligatoire, dans les litiges relatifs à la rupture du contrat de travail, que lorsque la rupture est envisagée en raison d’un manquement de l’une des parties à ses obligations, en sorte que l’employeur n’est pas tenu de mettre en œuvre cette procédure lorsqu’il envisage la rupture du contrat du travail d’un joueur professionnel pour inaptitude et impossibilité de reclassement ». Les articles de la charte, précédemment évoqués, relatifs à la compétence de la commission juridique en cas de contentieux entre les parties, font référence aux manquements aux obligations contractuelles, « de nature à empêcher la poursuite normale des relations entre les parties » (à rapprocher de la définition jurisprudentielle de la faute grave – Soc. 26 févr. 1991, n° 88-44.908, Dalloz jurisprudence). L’inaptitude du salarié ne reposant sur aucune faute, aucun manquement aux obligations contractuelles, les juges de la Cour de cassation écartent la compétence de la commission juridique en cas de rupture du contrat résultant de cette inaptitude. La rupture anticipée du CDD était régulière dès lors que la procédure prévue par le code du travail en cas d’inaptitude avait été respectée.

Auteur d'origine: Dechriste

« Autant dire que ça ne marchera pas », prédit un membre du Conseil national des barreaux (CNB) à la lecture du nouvel amendement proposé vendredi par la Chancellerie aux instances de la profession d’avocat. Alors que l’examen du projet de loi de réforme des retraites piétine depuis une semaine à l’Assemblée nationale et que les avocats sont toujours majoritairement en grève, Nicole Belloubet a déposé vendredi un amendement pour réinitialiser des négociations quasi mortes.

Dans le courrier adressé au CNB, à la Conférence des bâtonniers et à l’Ordre de Paris, daté du 21 février, outre le rappel des propositions gouvernementales qui « restent sur la table » – dont l’abattement « pérenne » de 30 % de l’assiette sociale qui viendrait contrebalancer le doublement des cotisations –, la garde des Sceaux propose, par voie d’amendement1, d’instaurer « un dispositif de solidarité des avocats géré par la caisse nationale des barreaux français (CNBF) ». Ce dispositif « pourra prendre en charge toute la hausse de cotisations pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000 € ». Un dispositif qui pourrait être financé par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente, sans oublier le produit des réserves, explique la ministre.

« Les droits de plaidoirie (13 € par affaire plaidée) sont acquittés par les clients, à charge pour les avocats de les reverser à la CNBF. En revanche, la contribution équivalente, payée par ceux qui n’ont pas ou peu d’activité plaidante, est directement et exclusivement à la charge des avocats », rappelle ce membre du CNB. « Pour information, poursuit-il, en 2018, les droits de plaidoirie ont abondé la CNBF à hauteur de 8 millions d’euros et la contribution équivalente à hauteur de 79 millions d’euros. Donc dire que la hausse des cotisations sera compensée par les droits de plaidoirie et la contribution équivalente… revient à dire qu’elle sera supportée à 90 % par les avocats ». En somme, selon les avocats interrogés, cet amendement reviendrait à affecter les réserves des avocats à la hausse des cotisations alors qu’elles sont destinées à garantir le paiement des pensions pour les générations nées avant 1975. « L’amendement est une nationalisation de nos réserves », fulmine l’avocat Xavier Autain, élu du CNB et ancien membre du conseil de l’ordre de Paris, qui assiste aux réunions avec le gouvernement. Pour un avocat spécialiste de la question, l’amendement est « très complexe », ne pouvant se comprendre uniquement dans le cadre du fonctionnement du futur régime. Ce qui suppose des « éclaircissements du gouvernement », précise-t-il.

Des commentaires qui n’augurent rien de bon pour les jours à venir – la présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, se prononce aujourd’hui – et pour la réunion qui devrait se tenir « cette semaine ». Les deux camps ne s’écoutent plus depuis de longues semaines. D’un côté, les avocats fustigent « le dogme » du gouvernement, de l’autre c’est l’absence de propositions des avocats qui bloquerait la situation. Même la proposition de mettre en place un groupe de travail – avec la présence d’un médiateur indépendant ? – pour améliorer l’équilibre économique des cabinets d’avocats semble avoir été oubliée dans l’engluement de la crise.

 

 

 

1. Amendement n° 42467, article additionnel, après l’article 2, « Le présent amendement vise à confier à la CNBF la gestion d’un dispositif de solidarité permettant de prendre en charge tout ou partie de la hausse de cotisations pour les avocats libéraux et salariés, dont le revenu est inférieur à trois PASS. Cette solidarité pourra être financée par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente ainsi que les produits des réserves financières constituées par les régimes de base et complémentaires gérés par la CNBF ».

Auteur d'origine: babonneau
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Le premier ministre a réuni les partenaires sociaux à Matignon le 13 février pour annoncer ses arbitrages à l’issue des concertations menées sur les fins de carrière, la pénibilité et la transition vers le futur système universel de retraite (v. AJDA 2020. 265 ).

S’agissant des fonctionnaires, il a, en particulier, précisé les règles de transition pour ceux, nés à partir de 1975, qui auront effectué une partie de leur carrière sous le régime du code des pensions. Alors que le rapport Delevoye préconisait une transformation des droits acquis en points, c’est maintenant deux calculs séparés qui sont envisagés ; la retraite, unique, étant le résultat de l’addition des deux. Au moment du départ, les droits issus du régime du code des pensions seront pris en compte...

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Auteur d'origine: Montecler

Devant le juge de l’asile, c’est toujours la même histoire. Après avoir été ensorcelées par la cérémonie du « Juju », les jeunes femmes sont brinquebalées depuis leur Nigeria natal à travers l’Afrique du Nord, le Niger, la Libye, dans des conditions barbares imposées par les passeurs clandestins. Elles échouent d’abord dans un camp de réfugiés en Italie, puis, acheminées par ceux qui les ont fait venir, achèvent leur voyage sur le trottoir parisien, plus précisément rue Saint-Denis, où, douze heures par jour, liées par le sort et contraintes par la force, elles se prostituent dans les conditions sordides qu’offrent les cages d’escalier délabrées qui accueillent leurs passes.

La situation est connue des autorités, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Depuis une trentaine d’années à Paris, le phénomène est d’une telle ampleur que « la communauté nigériane est la plus représentée au sein des femmes qui se prostituent sur la voie publique […], elles constituent 60 % de la masse des femmes que nous rencontrons », explique Vanessa Simoni, membre de l’association Les amis du bus des femmes, lors d’une conférence donnée le 18 juin 2019 à CNDA.

Les femmes nigérianes forcées de se prostituer constituent une communauté fermée, contrôlée par les puissants réseaux criminels qui les ont fait venir et leur demandent le remboursement d’une dette qui oscille entre 25 000 et 50 000 €, ce qui leur prend deux ans en moyenne. « Pour s’extraire du réseau, elles ont deux choix : l’obtention d’un titre séjour subordonnée à une plainte, ce qu’elles refusent en général, et la procédure de demande d’asile », résume Me Élie Weiss, un avocat qui assiste régulièrement ces femmes devant le juge de l’asile.

Cette deuxième voix est la plus prisée. Dans une décision du 30 mars 2017, la CNDA en grande formation a reconnu l’existence d’un groupe social des femmes nigérianes de l’État d’Edo victimes d’un réseau de prostitution et parvenues à s’en extraire « ou ayant entamé des démarches en ce sens ». Pour prouver son appartenance à ce groupe, le récit doit correspondre au parcours habituel de ces femmes, démontrer qu’elles partagent « une histoire commune et une identité propre », tel que cela est stipulé dans la convention de Genève. Elle confirme en cela une reconnaissance déjà présente dans une de ces décisions, rendue en 2015.

Il s’agit du « Juju », cérémonie mystique dirigée par un marabout, qui peut impliquer de manger un foie de poule cru, d’être scarifiée, enduite d’onguents divers. Cette cérémonie sert à faire peser sur la victime la menace d’une malédiction qui s’abattrait sur elle et sa famille si elle ne remplissait pas ses obligations. Accompagnée de scarifications, cette cérémonie permet de marquer ces femmes et de reconnaître celles qui auraient voulu échapper à leur sort. De retour au Nigéria, ces femmes, reconnues par leurs cicatrices, risquent des violences graves et la mort sociale.

Il y a ensuite la vie en communauté, sous la coupe du réseau : nommer les lieux de prostitution, raconter le quotidien, désigner les « madams », ces proxénètes qui surveillent leurs gagneuses et prélèvent tout ou partie de leur gain. Toutes ces filles vivent ensemble : elles vont à l’église ensemble et partagent des appartements, généralement loués par des « marchands de sommeil », en banlieue parisienne. Enfin, outre le quartier de Strasbourg-Saint-Denis, elles travaillent dans le quartier de Château-Rouge (XVIIIe arrondissement) et dans le bois de Vincennes.

Mais, le 16 octobre 2019, le Conseil d’État a resserré la jurisprudence de la CNDA. L’asile ne peut être désormais accordé que si les demandeuses apportent la preuve de leur extraction totale du réseau, excluant du « groupe social » les femmes nigérianes qui auraient « seulement amorcé des démarches pour s’en extraire ». En l’espèce, Mme A… avait écrit un courrier à la brigade de répression du proxénétisme de Paris et adressé une plainte au procureur de la République, deux documents dont la CNDA a estimé qu’ils « présentaient de façon lacunaire son parcours, l’identité de sa proxénète et des autres membres du réseau ainsi que les conditions de son activité de prostitution ».

« En recherchant, pour caractériser son appartenance au groupe social dont elle se revendiquait, si des éléments permettaient d’établir que Mme A… était effectivement parvenue à s’extraire du réseau, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n’a pas commis d’erreur de droit », a estimé le Conseil d’État. « Un groupe d’individus peut posséder une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions lui conférant le caractère de groupe social au sens de la convention de Genève sans pour autant faire l’objet de persécutions », expliquait la rapporteure publique pour éclairer les juges du Conseil d’État. « Cela signifie que la caractérisation d’un groupe social n’implique pas automatiquement la reconnaissance de la qualité de réfugié », concluait-elle, estimant que le périmètre de ce groupe social est très limité. Pourquoi ? « Parce que le regard réprobateur de la société décrit par la Cour dans ses décisions successives s’explique pour des motifs à la fois d’ordre économique, criminel et superstitieux qui n’ont pas lieu de jouer à l’encontre de femmes qui continuent d’être exploitées », poursuit-elle. « Il vous faut être prudents car une vision trop extensive du groupe social comporterait un risque d’instrumentalisation du droit d’asile par les réseaux de traite. »

Vanessa Simoni en convient. « Ce n’est un secret pour personne : lorsque ces femmes arrivent en France, elles sont immédiatement orientées par leur réseau dans le processus de demande d’asile. » Cela permet aux femmes de circuler librement dans la rue, de présenter un papier en cas de contrôle et de se voir délivrer l’allocation demandeur d’asile (environ 300 € par mois). Dans ce contexte, l’obtention de l’asile ou de la protection subsidiaire est de nature à favoriser les activités criminelles du réseau. La restriction opérée par le Conseil d’État joue donc comme un garde-fou, pour se prémunir de la manipulation du droit d’asile par les réseaux criminels, au détriment des femmes victimes de traite. Ces femmes présentent généralement des discours stéréotypés et ne sont pas à même de fournir les explications détaillées exigées par le juge et, en toute logique, ne peuvent apporter la preuve de leur sortie du réseau.

Cette position présente l’inconvénient d’exclure les bonnes volontés du droit d’asile, ces femmes vulnérables et perdues qui pourraient compter sur le bénéfice de l’asile pour se libérer de l’emprise physique des proxénètes qui l’exploitent. Pour elles, la démarche doit débuter auprès des travailleurs sociaux comme Onyemah Egwunwoke, de l’association L’amicale du nid, qui accompagne des femmes nigérianes victimes de la traite dans ces démarches. « Il faut d’abord leur expliquer que le droit est de leur côté. On leur demande de bien expliquer leur situation actuelle, comment leur famille a réagi à l’annonce de l’intention de quitter le réseau car, si on ne peut pas expliquer tout cela, c’est louche » aux yeux des autorités. Aux yeux de l’OFPRA, tout est louche, d’après Onyemah Egwunwoke. « Ils ne peuvent pas croire que les femmes se sont extraites du réseau alors qu’elles vivent encore auprès de leur communauté », déplore-t-elle, mais dans cette communauté très refermée sur elle-même, l’aide matérielle – et le soutien psychologique – ne peut provenir, le plus souvent, que des sœurs d’infortune.

L’exemple de Gift, 25 ans aujourd’hui, est éloquent. Elle est arrivée en 2015 avec sa sœur, fut prostituée pendant plus d’un an, avant d’être orientée, à l’occasion d’un contrôle de police, vers une association. Tout d’abord, le soutien de sa famille au Nigéria a été déterminant. Puis, il a fallu, pour quitter le réseau, accepter d’être seule. « Je dormais où je pouvais, dans les églises parfois, je faisais le 115 pour avoir un lit, parfois je dormais dans la rue », explique-t-elle. Outre le traumatisme lié à l’exploitation sexuelle qu’elle a subie (« pour quitter vraiment la prostitution, il faut arriver à parler de ce qui nous est arrivé »), l’absence totale de moyens financiers et matériels constitue un obstacle important à l’émancipation de Gift, qui a dû accepter une vie de SDF pour prouver qu’elle souhaitait se défaire de la traite dont elle est victime. Gift a aussi pris des cours de français. Malgré cela, l’OFPRA a rejeté sa demande. « Ils ont cru que j’étais encore dans le réseau, car je n’ai pas répondu aux questions concernant ma sœur », explique-t-elle. Cette dernière, mineure, avait été placée dans une famille d’accueil après avoir été interpellée en même temps que Gift. Les deux sont proches, mais Gift n’a pas voulu évoquer son cas, par peur que cela lui nuise. Face à cette dissimulation manifeste, l’OFPRA a considéré que l’extraction du réseau n’était pas certaine. « Devant la CNDA, j’ai été bien conseillée par mon avocat, on a demandé le huis clos et j’ai pu parler en toute confiance. Si tu n’arrives pas à parler, ils vont croire que tu lis un discours. » Aujourd’hui, Gift a un emploi « alimentaire » et envisage de se former pour exercer un métier qui lui plaît.

En 2018, l’OFPRA a reçu 2 982 demandes d’asile de la part de ressortissants nigérians, la plupart émanant de femmes victimes de la traite. La CNDA a enregistré 2 318 recours. En 2019, le nombre s’élevait à 2 276, dont 57 % de femmes. Sur les 2 438 décisions rendues par la CNDA en 2019, 20,8 % ont abouti à une protection de la France (26 % pour les femmes, 12 % pour les hommes).

 

Sur ce même sujet, lire aussi sur Dalloz actualité, De Benin City à la rue Saint-Denis, la traite des femmes nigérianes, 4 déc. 2019, et Proxénétisme nigérian : « Leur ancien statut de victime ne doit pas atténuer leur responsabilité », 6 déc. 2019, par J. Mucchielli.

Auteur d'origine: babonneau

Alors que les barreaux votent de nouvelles journées de grève pour contester la réforme des retraites, Nicole Belloubet a envoyé, lundi 17 février, un mail à tous les magistrats et fonctionnaires des tribunaux et cours de France afin de leur rappeler qu’elle était à leurs côtés. Ce mouvement, répète la ministre à deux reprises dans le courrier, « perturbe gravement le fonctionnement » de la justice et « porte atteinte au fonctionnement de l’institution judiciaire ». Il « méconnaît ainsi les attentes des justiciables, notamment des plus vulnérables ».

Nicole Belloubet mesure « ce que ces opérations ont d’altérant et d’épuisant » pour les juridictions. « Je n’ignore rien des audiences qui, lorsqu’elles ne sont pas renvoyées, se prolongent par la multiplication des moyens de procédures, des perturbations judiciaires qui en découlent, des tensions inutiles. Je sais cette charge indue qui en résulte pour les greffes, qu’il s’agisse des chambres civiles ou correctionnelles, des cabinets, mais aussi des chambres de l’instruction. Je mesure également à quel point, par les renvois massifs qu’il provoque, ce mouvement est de nature à perturber les efforts que vous déployez au quotidien pour améliorer la situation des justiciables, mettre en œuvre les réformes ou les projets de juridiction dans lesquels vous vous êtes engagés ».

Le ministère leur apporte son « soutien », sa « reconnaissance » et son « indéfectible confiance ». Elle s’engage enfin à continuer à « rencontrer et expliquer » aux avocats « la réalité » de la réforme des retraites, « bien loin du tableau qui en est dressé », ajoute la garde des Sceaux, qui prédit, une fois « la sérénité » revenue, la nécessité « de surmonter cette épreuve » et de « renouer les liens avec les avocats », « indispensables à l’œuvre de justice », conclut-elle.

Auteur d'origine: babonneau

À quoi ressemble une journée de « défense massive », aux comparutions immédiates de Paris ? À une forêt d’avocats, plantée dans la 23e chambre correctionnelle, qui prend racine. Vendredi 14 février, à l’ouverture de l’audience, les avocats sont debout, ce n’est pas une métaphore, résolument dressés au fond de la salle, dans le passage, avec les policiers et les badauds. Les portes sont restées ouvertes et, depuis l’extérieur, la voix pétaradante de maître Guillaume Grèze tente de convaincre le tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qu’il soutient au pupitre. Tous ces avocats au front grave qui entourent le prétoire donnent à cette audience la solennité qui habituellement lui fait défaut.

« On avait dit massif, dit l’avocat blogueur maître Eolas sur Twitter, ce n’était pas des paroles en l’air », et, à l’appui, une photo du cortège de défenseurs qui attendent de se partager les dossiers du jour. Vendredi 14 février, quelques dossiers ont été pris au fond en début d’audience, un avocat s’est excusé de plaider un dossier, car, dans ce cas précis, il ne peut « pas faire autrement », mais il est solidaire de la grève. Un prévenu a décidé d’être jugé (violences, atteintes sexuelles) sans avocat. L’audience avance et l’heure file ; à la nuit tombée, c’est le temps des nullités, et celles-ci pleuvent dans le prétoire au fil des dossiers. Une audience de comparution immédiate est toujours très longue. Celle de vendredi s’étire infiniment dans la nuit. Derniers mots : 3 h 44.

Moins de six heures plus tard, l’ardeur intacte, la « défense massive » est de retour. Des présidents expérimentés et respectés, deux parquetiers par audience : les conditions sont rarement aussi propices à des débats de haute volée. Les démunis du dépôt découvrent tout ce que le droit permet de faire pour protéger leurs libertés, et les soutiers du pénal, habitués à l’impuissance, se grisent de voir des arguments juridiques faire mouche. Me Christian Saint-Palais est vigilant, tandis que les sommités, comme Hervé Temime, transportent leurs mines célèbres sur les bancs des chambres où ils firent leurs armes.

Auteur d'origine: babonneau

Du 1er janvier 1989 au 31 mars 1991, le département des Alpes-Maritimes a fait bénéficier M. A. B. d’une aide sociale aux personnes handicapées correspondant à la prise en charge de ses frais d’hébergement dans un foyer. M. B. a, par la suite été placé en « foyer éclaté » et le département lui a versé une aide d’accompagnement à la vie sociale entre le 1er avril 1991 et le 31 mai 1998. Après son décès, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a prononcé la récupération des prestations d’aide sociale sur sa succession.

Suite au rejet, par la Commission centrale d’aide sociale, d’une partie de leur demande tendant à l’annulation de la décision en tant qu’elle portait sur la récupération des aides versées au titre de l’accompagnement à la vie sociale, plusieurs des frères et sœurs du défunt ont saisi le Conseil d’État d’un...

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Auteur d'origine: ebenoit
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Une partie du conseil de l’ordre de Paris, des représentants des syndicats (SAF, ACE, CNA, MAC, UJA), de la Conférence du stage et de l’association des avocats pénalistes (ADAP) et les avocats présents ont pris la parole. « Vous êtes magnifiques, s’est réjoui Me Cousi devant le dédale de robes, cette assemblée générale est historique, c’est une première dans l’histoire de notre barreau. […] Vous êtes chez vous rassemblés pour démontrer notre force et notre détermination ! […] Je vous défendrai, […] nous sommes à vos côtés, notre combat est juste ».

[Applaudissements]. Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre, en charge du dossier retraite, a rappelé à grands traits le contenu de la réforme. « Toutes les simulations du gouvernement concernent les avocats nés à partir de 2004 donc cela ne concerne personne ici », conclut-il devant un hall hilare. Arrive l’ovation pour Xavier Autain, « Monsieur Foutez-nous la paix ! ». « Nous avons face à nous un pouvoir inflexible. Ce qui est proposé ici n’est rien d’autre que ce qui est contenu dans le rapport Delevoye. […] Nous avons dès le début compris que les discussions allaient être compliquées. […] Lors des différentes réunions, ils enquillaient incohérence, ignorance et incompréhension. » Les avocats acquiescent. Ce gouvernement fait preuve « d’un dogmatisme et d’une surdité redoutables ». Hourra ! Xavier Autain cotinue. Oui, mais les avocats parisiens ne sont pas assez investis dans ce combat. « C’est vrai ! », crient certains. « Les confrères provinciaux nous regardent spécialement ce soir. Notre exemplarité doit être sans faille et notre unité aussi. [Applaudissements]   Il faut aller plus loin, ce gouvernement ne comprend que la force mais la force doit rester au droit. On a besoin de tout le monde pour y travailler. […] On a déjà une liste d’actions procédurales. […] Nous allons écrire une lettre qu’il serait bien que 70 000 avocats adressent à la Chancellerie ! [Acclamations] Ce sera une lettre d’avocat qui va dire quelque chose de juridique ! [Applaudissements] Nous avons besoin de vous en amont et en aval ». « On est là ! », hurle un avocat. « Ils commencent à nous craindre parce que nous sommes ensemble ! ». Le vestibule de Harlay approuve.

Dans cette ruche solidaire, un grain de sable sur la forme des actions à venir. Pour la Conférence du stage, l’arrêt total des désignations « est très problématique car elle touche les justiciables et les avocats les plus fragiles ». Une partie de la salle hue à demi-mot. « Ne pas désigner, c’est une omission, pas une action ! », continue Gaspard Lindon, premier secrétaire de la Conférence. Il est soutenu par Christian Saint-Palais, président de l’ADAP, qui fait part lui aussi de cette « préoccupation ». « Un avocat n’est pas un facilitateur mais un perturbateur. Si nous désertons toutes les audiences, alors le travail des juges est plus facile. Pour être entendus, nous devons perturber les audiences. Nous ne pouvons laisser les bancs de la défense pénale désertés ! Affrontons la réalité ! Ce sont les plus démunis qui sont sur ces bancs. Il faut une défense massive tous les jours, que les cabinets d’affaires qui se disent ce soir solidaires en mal de sensations fortes nous rejoignent ! Soyons solidaires ! Nous sommes là pour les défendre tous ! Nous sommes suffisamment nombreux, sinon nous n’aurons pas été à la hauteur du mouvement ! » Les avocats applaudissent. Une avocate brandit son carton rouge et répète à chaque parole du pénaliste : « Rouge ! Rouge ! Rouge ! » Elle n’est manifestement pas d’accord.

Les avocats sont invités à prendre la parole pour proposer des actions et les faire voter par l’assemblée. Se présenter aux municipales ? Non, cartons rouges ! Faire venir tous les membres du conseil de l’Ordre et du Conseil national des barreaux aux audiences dans le cadre de la défense massive ? Oui, cartons blancs ! Un rapprochement avec les syndicats de magistrats et de greffiers ? Oui, cartons blancs ! Se déplacer dans tous les commissariats et dire aux gardes à vue de ne pas parler tant que la grève est maintenue ? Oui, cartons blancs ! Exonération partielle des cotisations ordinales du fait de la grève ? Oui, cartons blancs ! Agir en responsabilité de l’État pour délai déraisonnable ? Oui, cartons blancs ! Certains avocats s’enflamment. La vice-bâtonnière Nathalie Roret clôt les ardeurs.

L’assemblée générale extraordinaire vote pour la reconduction de la grève totale jusqu’au 19 février. Olivier Cousi a annoncé que le conseil de l’ordre devrait mettre en place d’une caisse de solidarité afin de venir en aide aux avocats les plus affaiblis par la grève.

 

Les actions judiciaires votées en assemblée générale extraordinaire

Action en responsabilité de l’Etat pour délais déraisonnables : le Conseil de l’Ordre centralisera et mettra à disposition les modèles d’actes préparés par les différents groupes d’action permettant les recours évoqués pendant l’AG
 Sur la base du volontariat des confrères, mise en place d’une assistance bénévole des greffiers pour le paiement de leurs heures supplémentaires
 Communication générale de l’Ordre sur la nécessité de (i) demander et d’accepter les demandes de renvoi à chaque fois que possible ou (ii) de formuler des demandes de collégialité (articles 814 et 815)
 Appel général aux anciens membres du conseil de l’Ordre afin de renforcer la présence de référents lors des audiences pour soutenir les confrères dans leurs demandes de renvoi
 Renforcement des actions de défense massive au bénéfice des justiciables : le Conseil de l’Ordre prend acte de la proposition de généralisation des actions de défense massive proposée en assemblée générale. L’Ordre procèdera à un appel au volontariat et à la mobilisation auprès de l’ensemble du barreau pour mettre en œuvre ces actions. Les avocats pourront se rapprocher du bureau pénal et de l’antenne des mineurs pour se porter volontaires pour les actions de défense massive qui seront organisées
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L’application de la nouvelle mouture de l’article L. 2313-4 du code du travail portant sur la décision unilatérale par l’employeur du nombre et du périmètre des établissements distincts pour la désignation des comités sociaux et économiques (CSE) place au centre des débats la (re)définition de l’établissement distinct. C’est sur l’interprétation des contours de cette notion que vient nous éclairer à nouveau la chambre sociale de la Cour de cassation par son arrêt du 22 janvier 2020.

Dans le cadre de l’organisation des élections pour la mise en place d’un comité social et économique, une société avait invité les organisations syndicales à une négociation préélectorale. Les négociations ayant échoué, l’employeur a, par décision unilatérale, décidé de la mise en place d’un CSE unique.

Cette décision fut contestée auprès de l’administration, qui rendit une décision par laquelle fut reconnue l’existence de six établissements distincts. La société a alors contesté la décision du DIRECCTE devant le tribunal d’instance, qui la débouta de sa demande.

L’administration et la juridiction ont estimé qu’il existait au sein de la société six « stations » disposant d’une implantation géographique distincte et d’un budget spécifique...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La mise à la retraite d’un salarié par l’employeur doit être annulée lorsqu’elle procède d’une discrimination fondée sur l’âge (C. trav., art. L. 1132-1 et L. 1132-4 ; Soc. 15 janv. 2013, n° 11-15.646, Dalloz actualité, 7 févr. 2013, obs. M. Peyronnet ; D. 2013. 256 ; Just. & cass. 2014. 193, rapp. J.-G. Huglo ; ibid. 193, avis P. Foerst ; Dr. soc. 2013. 398, note B. Gauriau ; ibid. 576, chron. S. Tournaux ). L’annulation de la rupture du contrat de travail permet au salarié de demander sa réintégration et, le cas échéant, le paiement des salaires dus entre la rupture du contrat et sa réintégration effective. Cette indemnité n’est pas réduite du montant des revenus de remplacement perçus durant cette période lorsque la nullité est prononcée en raison de la méconnaissance par l’employeur d’une liberté fondamentale du salarié ou d’un droit garanti par la Constitution (licenciement lié à l’exercice du droit de grève, v. Soc. 2 févr. 2006, n° 03-47.481, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier ; D. 2006. 531 ; RDT 2006. 42, obs. O. Leclerc ; licenciement discriminatoire fondé sur l’activité syndicale, v. Soc. 9 juill. 2014, n° 13-16.434, D. 2014, 1594 ; licenciement portant atteinte à la liberté d’ester en justice, v. Soc. 21 nov. 2018, n° 17-11.122, D. 2018. 2311 ; RDT 2019. 257, obs. I. Meyrat ). Une telle réduction s’opère en revanche pour les autres motifs de nullité (licenciement faisant suite à un harcèlement moral, v. Soc. 14 déc. 2016, n° 14-21.325, Dalloz actualité, 3 janv. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 12 ; licenciement discriminatoire en raison de l’âge, v. Soc. 15 nov. 2017, n° 16-14.281, Dalloz actualité, 24 nov. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 2375 ; ibid. 2018. 190, chron. F. Ducloz, F. Salomon et N. Sabotier  ; RDT 2018. 132, obs. M. Mercat-Bruns ). Au-delà de la difficulté à définir ce qui relève ou non des libertés fondamentales pour la chambre sociale (v. J.-G. Huglo et E. Durlach, Qu’est-ce qu’une liberté fondamentale au sens de la chambre sociale ?, RDT 2018. 346 ), l’application de cette solution peut s’avérer malaisée lorsque le contentieux s’éternise et qu’au moment où les juges statuent, le salarié n’est plus en âge d’être réintégré dans l’entreprise qui l’a évincé.

Dans cette affaire, étalée sur quinze ans, la SNCF avait mis à la retraite d’office, le 1er décembre 2005, un salarié qui remplissait, aux termes du règlement des retraites de la SNCF, la double condition d’âge et d’ancienneté de service. Le 13 juillet 2010, ce salarié avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en annulation de sa mise à la retraite en raison d’une discrimination fondée sur l’âge. Une première cour d’appel (Aix-en-Provence, 22 mai 2015) avait rejeté la demande du salarié au motif que les dispositions du code du travail prévoyant la nullité d’un acte discriminatoire, en vigueur au moment de sa mise à la retraite, n’étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics. Elle avait en outre précisé qu’au regard des dispositions de droit européen applicable (dir. 2000/78/CE, 27 nov. 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail), qui conditionnent les différences de traitement fondées sur l’âge à une justification objective et raisonnable, le salarié ne pouvait se prévaloir d’une discrimination individuelle dans la mise en œuvre du dispositif de mise à la retraite. La mise à la retraite d’office était considérée comme un moyen approprié pour limiter la charge financière liée au nombre d’agents à la SNCF.

Dans un premier arrêt rendu le 7 décembre 2016, la chambre sociale avait cassé cette première décision des juges du fond, considérant que, « si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise à la retraite d’un salarié à un âge donné [pouvaient] ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination prohibée, il n’en résult[ait] pas que la décision de l’employeur de faire usage de cette faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé [était] nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire, l’employeur devant justifier que la mesure répond[ait] aux exigences de la directive consacrant un principe général du droit de l’Union ».

La cour d’appel de Nîmes, statuant sur renvoi après cassation le 7 novembre 2017, a eu à se prononcer sur les demandes du salarié mis à la retraite. Ce dernier souhaitait obtenir l’annulation de sa mise à la retraite, sa réintégration, ainsi qu’une indemnité égale à la différence entre les salaires qu’il aurait dû percevoir de sa mise à la retraite jusqu’à sa réintégration et la pension de retraite perçue jusqu’à cette date – environ 180 000 € au 30 septembre 2017, à laquelle devait s’ajouter une indemnité calculée selon les mêmes modalités entre le 1er octobre 2017 et la date effective de sa réintégration. La cour d’appel a reconnu que la mise à la retraite d’office du salarié était discriminatoire en raison de son âge au regard des dispositions de la directive européenne précitée. Les juges du fond ont toutefois limité la sanction à une indemnité de 3 000 € venant réparer le préjudice subi par cette discrimination. Ils ont en effet refusé d’annuler cette mise à la retraite en considérant, comme les juges d’Aix-en-Provence, que les dispositions du code du travail prévoyant l’annulation d’une décision discriminatoire de l’employeur n’étaient pas applicables aux établissements publics industriels et commerciaux à la date de la mise à la retraite du salarié. En outre, aucune norme ne les obligeait à « prononcer la nullité d’un acte pris en violation d’un principe général du droit communautaire ou d’une norme ou jurisprudence européenne muette sur sa sanction ». Le salarié a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Le 22 janvier 2020, la Cour de cassation casse et annule la décision rendue par la cour d’appel de Nîmes. Dès lors « qu’elle avait retenu le caractère discriminatoire en raison de l’âge de la mise à la retraite d’office du salarié », en vertu de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 « qui consacre un principe général du droit de l’Union européenne », elle aurait dû appliquer l’article L. 122-45 du code du travail, devenu articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, et annuler cette mise à la retraite. Pour les juges de la chambre sociale, en vertu de ces textes, « le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l’âge et qui demande sa réintégration a droit », en principe, « à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, depuis la date de son éviction jusqu’à celle de sa réintégration ». Une fois cette solution posée, la Cour de cassation tempère cependant les effets de cette annulation en distinguant trois périodes différentes :

• de la mise à la retraite à la demande en annulation de celle-ci : 01/12/2005 -> 10/07/2010. En principe, un acte nul est anéanti avec effet rétroactif. Par conséquent, le salarié mis à la retraite en vertu d’une décision de l’employeur annulée par le juge est réputé n’avoir jamais quitté son emploi s’il demande sa réintégration. Il est alors en droit de percevoir les sommes qu’il aurait perçues en occupant son poste. La Cour de cassation considère cependant que « le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue [à partir] du jour de la demande de réintégration ». En l’espèce, le salarié avait sollicité sa réintégration près de cinq ans après son éviction. L’annulation de la mise en retraite ne devait donc produire des effets qu’à partir de la date de cette demande ;

• de la demande en annulation de la mise à la retraite jusqu’à l’atteinte de la limite d’âge des agents de la SNCF : 10/07/2010 -> 10/10/2015. L’article 1er du décret n° 2010-105 du 28 janvier 2010 relatif à la limite d’âge des agents de la SNCF et de la RATP, en vigueur à la date de laquelle le salarié a formé sa demande de réintégration, fixe à 65 ans la limite d’âge à laquelle les agents du cadre permanent de la SNCF sont admis à la retraite. Or, le salarié, né le 10 octobre 1950, avait atteint cet âge le 10 octobre 2015. En d’autres termes, le salarié, s’il n’avait pas été mis à la retraite, aurait pu rester en poste jusqu’à cette date avant d’être contraint de partir à la retraite. Pour la chambre sociale, « le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l’âge et qui demande sa réintégration a droit, lorsqu’il a atteint l’âge limite visée à l’article 1er du décret n° 2010-105 alors applicable, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, […] jusqu’à cet âge » ;

• de l’atteinte de la limite d’âge des agents de la SNCF jusqu’à la décision de la cour d’appel : 10/10/2015 -> 07/11/2017. À la date à laquelle la cour d’appel de Nîmes s’est prononcée, le 7 novembre 2017, le salarié était âgé de 67 ans. En vertu du décret applicable au moment de son éviction, il ne pouvait plus exercer ses fonctions au sein de la SNCF et sa réintégration ne pouvait avoir lieu malgré l’annulation de sa mise à la retraite d’office. Par conséquent, « le salarié ayant atteint la limite d’âge de 65 ans, sa demande en réintégration au sein de l’établissement après annulation de sa mise en retraite d’office ainsi que ses demandes en paiement d’une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus correspondant à la différence entre la rémunération qu’il aurait dû percevoir s’il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue et d’une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de sa réintégration effective n’étaient pas fondées ».

En conclusion, l’annulation de la mise à la retraite d’office du salarié lui ouvre droit à une indemnité égale aux sommes perdues du fait de la privation de son activité professionnelle, entre la date de sa demande de réintégration et la date à laquelle il avait atteint l’âge maximal pour exercer ses fonctions. La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Montpellier, qui devrait y mettre un terme, définitivement.

Auteur d'origine: Dechriste

Malgré quelques tensions lors de l’assemblée générale vendredi soir – certains élus prônant le maintien d’une grève dure avec des actions « coup de poing » et d’autres, comme la présidente de la Conférence des bâtonniers ou le barreau de Paris, évoquant un combat « sous une autre forme » –, les instances de la profession sont claires : elles ne veulent pas des dernières propositions de Matignon, présentées cette semaine par la garde des Sceaux et le secrétaire d’État aux retraites. La profession a par ailleurs vu ses amendements retoqués par la commission spéciale retraites de l’Assemblée nationale.

La réponse de la ministre de la justice ne s’est pas fait attendre. Samedi 8 février, Nicole Belloubet a dit « regretter » la décision du CNB de poursuivre le mouvement alors que le gouvernement a reçu les instances de la profession, a pris « trois engagements » concernant l’intégration des avocats au régime universel et a proposé de dégager « des pistes concrètes » sur les conditions d’exercice de la profession. « Le gouvernement souhaite maintenant une suspension du mouvement de grève des avocats dans les juridictions. La poursuite de ce mouvement contribue, en effet, à dégrader le fonctionnement du service public de la justice au détriment des justiciables et à tendre les relations entre les avocats, d’une part, et les magistrats et les greffiers, d’autre part. Il y aura nécessairement des conséquences sur l’économie des cabinets d’avocats. La garde des Sceaux en appelle à la responsabilité de chaque avocat au sein de son barreau pour mettre fin à un mouvement de grève qui dessert la profession et le service public de la justice », précise le communiqué.

Devant les procureurs réunis au ministère, vendredi 7 février, la garde des Sceaux faisait déjà état de son agacement. « L’année 2020 commence dans un contexte difficile. […] J’ai aussi conscience que vos juridictions sont fortement impactées par le mouvement de grève des avocats. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Le droit de grève ne peut être remis en cause. Mais il s’est exprimé dans certaines juridictions de façon inadmissible. J’ai eu l’occasion de déplorer les risques que fait courir le dépôt massif de demandes de mise en liberté. Je n’admets pas le blocage de certaines juridictions ou la pression mise sur certains magistrats. Vous savez que nous tentons de mettre fin à ce mouvement qui reflète, au-delà de la réforme des retraites, une forme de crise de la profession d’avocat », pense Nicolas Belloubet, qui espère, poursuit-elle, mettre fin au mouvement grâce aux propositions émises par le gouvernement. Ce mouvement « pèse sur le fonctionnement de la justice et dégrade les relations entre magistrats et avocats ».

« Que le gouvernement commence par suspendre (ou mieux, retirer !) son projet de désintégration de notre régime autonome de retraite. Les avocats sont indépendants. Ils ne prennent de consigne nulle part ailleurs que dans leur conscience, guidée par l’intérêt général », a rétorqué la présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, qui a rappelé que « grève ou pas », la justice était déjà « au bord de l’implosion ».

Auteur d'origine: babonneau
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Un document PowerPoint accompagne la lettre et propose quelques adaptations au projet de réforme de retraites des avocats. Pour preuve de la bonne foi de Matignon, un amendement a déjà été déposé et, peut-on lire dans le courrier, le gouvernement « entend l’inquiétude des avocats quant à l’impact de cette réforme, en particulier pour les avocats dont les ressources sont les plus limitées ». Mais il ne lâche pas, répétant à l’envi « sa détermination totale à mettre en œuvre un système universel qui s’appliquera à tous les Français et donc aux avocats ».

Trois engagements de Matignon, trois analyses de la CNBF

La garde des Sceaux et le secrétaire d’État chargé des retraites promettent, comme ils l’ont déjà fait, que le montant des pensions sera préservé, voire meilleur qu’actuellement. « La pension d’un avocat percevant en moyenne 32 000 € sur l’ensemble de sa carrière sera supérieure de 13 % à celle qu’il aurait perçue dans le régime autonome des avocats ». Un avantage « encore plus important » pour une avocate avec deux enfants.

Autre point – ressurgi lors de la réunion du 3 février – présenté comme une avancée de bonne foi : l’abattement de 30 % sur l’assiette des prélèvements sociaux et de la CSG, qui fait l’objet d’un amendement déposé par le gouvernement. Si le taux de cotisation augmente progressivement, la réduction d’assiette « aura pour effet de limiter sensiblement l’impact de cette hausse » sur les charges payées. Le courrier insiste : « le passage au système universel n’entraînera aucun effort supplémentaire des avocats jusqu’en 2029 compte tenu augmentations déjà arrêtées par la Caisse nationale des barreaux français ». Un autre argument souvent brandi par les ministres.

Selon Christophe Pettiti, premier vice-président de la CNBF, à propos des cotisations et de l’abattement de 30 %

« Elles augmentent de toute façon pour tous, y compris après l’abattement de 30 % sur la nouvelle assiette globale des cotisations prévue par le projet de loi (appelé super brut). Les seuls qui n’auront pas d’augmentation sont ceux qui sont largement au-dessus de 3 PASS (120 000 €) car ils ne cotiseront plus au régime universel (RU) ni à la CNBF. Mais ils n’auront pas de droits au régime universel ou à la CNBF et cotiseront toutefois à 2,81 % au RU pour la solidarité. Pour bénéficier de l’équivalent en prestation que celle servie aujourd’hui par la CNBF, ils devront cotiser en Madelin ou en produit assurance-vie avec un rendement largement inférieur et pas nécessairement avec une défiscalisation. Pour les autres, la seule question reste : quelle est l’augmentation des cotisations ? Elle est certaine. Le gouvernement parle de 5,4 points (de plus) après avoir reconnu 6 %. Ce n’est pas possible de faire un chiffrage exact, car tout dépend réellement du montant des revenus. Le gouvernement compare avec un chiffre actuel à la CNBF de 14 % mais il y a de nombreux cas où aujourd’hui c’est 12 %, voire 11 % (revenu de 40 000 € ou 80 000 € par exemple).

Admettons même que l’on passe à 6 % de plus (seulement), ce n’est pas la même chose pour quelqu’un qui a un revenu de 25 000 € de BNC de se voir imputer 6 %, que si on a un revenu de 80 000 €. L’impact est évidemment fort.

Et le gouvernement ne compare pas les prestations du RU avant une augmentation des cotisations et donc des points avec la CNBF avec une augmentation des cotisations !

Enfin, l’abattement de 30 % pourra être remis en question tous les ans dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). »

Après 2029, l’augmentation sera de 0,5 point par an sur onze ans, pour les avocats qui ont des revenus inférieurs à 1,8 fois le plafond de la sécurité sociale (3 428 € par mois). Matignon propose deux scénarios possibles : soit les cabinets les plus rentables (revenus supérieurs à 80 000 €) maintiennent leur effort de solidarité, permettant aux plus faibles revenus de ne pas voir leurs cotisations augmenter après 2029 (scénario A, v. tableaux de projections ci-dessous) ; soit de maintenir l’augmentation de 0,2 point par an après 2029 et jusqu’en 2054 « en utilisant une partie des réserves financières de la CNBF pour ouvrir des droits à retraite plus élevés dès 2040 (scénario B, v. tableaux de projections ci-dessous).

Selon Christophe Pettiti, premier vice-président de la CNBF, à propos de l’évolution progressive des cotisations

« Soit elle est financée par ceux qui ont plus de 80 000 € de revenus au motif qu’ils cotiseraient moins : c’est inexact, ils cotisent plus (sauf ceux qui sont à plus de 120 000 €) mais ils n’ont pas de droits. Le gouvernement, qui supprime la solidarité du régime de base de la CNBF, impose la solidarité du régime universel, veut que les avocats ajoutent au taux de 28,1 % une cotisation supplémentaire pour la solidarité professionnelle qu’il a lui-même retirée !  En outre, dans un régime de retraite professionnel, il sera contestable sur le plan constitutionnel d’imposer une cotisation sans droits.

Second scénario proposé par le gouvernement : une augmentation progressive plus lente sur une durée plus longue avec l’utilisation des réserves de la CNBF. Mais le gouvernement n’a pris aucun engagement sur la réelle conservation des réserves par les caisses. Certes, elles seront conservées par la CNBF (c’est-à-dire détenues) mais les réserves ont pour objectif de compenser les chocs démographiques que la CNBF ne connaîtra pas avant vingt ou trente-cinq ans. Avec le régime universel, la CNBF va perdre en 2025 plus de la moitié de ses cotisants, et donc autant de cotisations, ce qui fera qu’elle ne pourra rapidement faire face à ses engagements sur les générations d’avant 1975. Le projet de loi prévoit que le régime universel fera une contribution pour le régime complémentaire (mais pas pour le régime de base) mais il ne le fera probablement qu’après utilisation des réserves. La Caisse n’aura donc pas la pleine disposition de ses réserves pour les avocats victimes du régime universel. »

Enfin, troisième engagement, qui n’est pas nouveau non plus : le maintien de la CNBF pour gérer les dossiers de retraite de l’ensemble des avocats. « Sur l’autonomie de la CNBF, relève Christophe Pettiti, rien de nouveau et au contraire une mauvaise nouvelle qui n’est pas neutre : la Caisse ne recouvrira plus les cotisations. Ce qui veut dire qu’elle n’aura aucune liberté de gestion, il faut rappeler que le projet de loi organique soumet les caisses au PLFSS, ce qui veut dire que les règles de gestion (augmentation des cotisations des prestations, des plafonds, etc.) seront désormais décidées par le gouvernement, y compris pour les générations avant 1975. »

Des « pistes » de réflexions fourre-tout

Et puis, il y a le « au-delà » des engagements. Dans ce même courrier, Nicole Belloubet et Laurent Pietraszewski proposent d’ouvrir « un travail » sur « l’économie des cabinets d’avocats » : exécution provisoire des décisions de taxation d’honoraires des bâtonniers, le montant des droits de plaidoirie et l’aide juridictionnelle. « Ce travail aurait vocation à aboutir de manière rapide avant la fin du mois d’avril », écrivent-ils. Deux mois pour repenser l’aide juridictionnelle, « à bout de souffle » depuis plus de vingt ans et qui a fait l’objet de plus d’une dizaine de rapports restés dans les tiroirs du ministère de la justice. Le courrier veut y croire – les avocats peut-être moins – : « ces garanties doivent contribuer à lever toutes les inquiétudes de la profession ». « Le premier ministre et nous-mêmes sommes évidemment prêts à recevoir à nouveau les représentants de la profession si cela vous paraît nécessaire », conclut la lettre.

Le Conseil national des barreaux, dont la colère ne fait que croître après la découverte d’une disposition les concernant introduite par surprise dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, se prononcera en fin de journée sur les documents gouvernementaux et donnera le la du mouvement pour la semaine à venir. 

Une note du barreau de Paris qui fait pschitt

Hier, Le Point, dans un article intitulé « Réforme des retraites : le double discours des avocats », révélait l’existence d’une note rédigée par le barreau de Paris, reconnaissant « que l’intégration au régime universel de retraite pourrait ne pas être si catastrophique ». Tollé immédiat. En réalité, il s’agit d’une note d’analyse envoyée le 1er février à tous les avocats parisiens récapitulant les arguments du gouvernement. Il est précisé : « Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre, expose les principaux éléments contenus dans ce texte [projet de loi, ndlr], et leurs conséquences sur le régime de retraite des avocats ». Rien de plus. Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, a d’ailleurs rapidement réagi, hier sur Twitter, mettant en ligne la note afin de démentir l’hebdomadaire.

 

Source : document envoyé au CNB par le gouvernement

 

 

 

Auteur d'origine: babonneau
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Critiqué parce qu’il prévoit la création d’un fichier national biométrique des mineurs non accompagnés (v. AJDA 2019. 253), le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 autorise également les départements à solliciter, s’ils le souhaitent, les préfectures afin que celles-ci reçoivent l’étranger se déclarant mineur et regardent s’il figure déjà sur l’une des bases de données gérées par le ministère de l’intérieur. Alors que certains y voient la marque de l’étatisation de la protection des mineurs isolés (v. D. Burriez, AJDA 2019. 802 ), les contempteurs du texte subissent un nouveau revers. Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du recours contre ce décret, avait jugé conforme à la Constitution la création d’un fichier biométrique des mineurs isolés (Cons. const. 26 juill. 2019, n° 2019-797 QPC, AJDA 2019. 1606 ; ibid. 2133 , note D. Burriez ; D. 2019. 1542, et les obs. ; JA 2019, n° 604, p. 10, obs. S. Zouag ; AJ fam. 2019. 434 et les obs. ; Constitutions 2019. 387, chron. L. Carayon ; ibid. 439, Décision ). Le Conseil d’État, pour sa part, juge qu’il ne méconnaît pas les articles 3 et 20 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant, reconnaissant ainsi implicitement à cette seconde stipulation un effet direct que sa jurisprudence antérieure lui déniait (CE 6 juin 2001, n° 213745, Mme Mosquera, Lebon T. 787  ).

De la bonne application du décret

Le Conseil d’État rappelle que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, le décret n’a « ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur ». De même, il « ne modifie pas l’étendue des obligations du président du conseil départemental en ce qui concerne l’accueil provisoire d’urgence des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, non plus que sa compétence pour évaluer, sur la base d’un faisceau d’indices, leur situation, notamment quant à leur âge, et ne l’autorise pas à prendre une décision qui serait fondée sur le seul refus de l’intéressé de fournir les informations nécessaires à l’interrogation ou au renseignement des traitements [automatisés de données à caractère personnel concernant les étrangers] ni sur le seul constat qu’il serait déjà enregistré dans l’un d’eux ».

En particulier, « il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil provisoire d’urgence pour toute personne se déclarant mineure et privée de la protection de sa famille, confrontée à des difficultés risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité, sans pouvoir subordonner le bénéfice de cet accueil à la communication par l’intéressé des informations utiles à son identification et au renseignement du traitement “appui à l’évaluation de la minorité” ni au résultat de l’éventuelle sollicitation des services de l’État ».

Le décret attaqué dispose que le président du conseil départemental est informé d’un éventuel refus de l’intéressé de communiquer aux agents en préfecture les informations mentionnées au quatrième alinéa du II de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles. Toutefois, il ne prévoit aucune sanction à ce refus. À cet égard, « l’évaluation de la minorité a pour objet d’apprécier, à partir d’un faisceau d’indices, la vraisemblance des affirmations de la personne se déclarant mineure et privée de la protection de sa famille et la majorité de l’intéressé ne saurait être déduite de son seul refus de communiquer les informations ainsi mentionnées ».

Lorsque le président du conseil départemental a sollicité le concours du préfet, la personne qui se présente comme mineure et privée de la protection de sa famille est ainsi amenée à se rendre en préfecture. À cet égard, précise le Conseil d’État, « une mesure d’éloignement ne peut être prise contre la personne que si, de nationalité étrangère, elle a été évaluée comme majeure, et après un examen de sa situation ».

Faciliter l’évaluation sans finalité pénale

Le Conseil d’État exclut toute utilisation à des fins pénales du fichier biométrique qui a notamment pour finalité « d’identifier, à partir de leurs empreintes digitales, les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et ainsi de lutter contre la fraude documentaire et la fraude à l’identité ». Par ces dispositions, « le pouvoir réglementaire a précisé que la meilleure identification des personnes se déclarant mineures et non accompagnées contribuerait à la prévention des fraudes documentaires et des usurpations d’identité, laquelle participe des objectifs assignés à ce traitement par l’article L. 611-6-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il n’a, en revanche, pas fait figurer la répression de cette fraude parmi les finalités du traitement. En particulier, le décret attaqué ne mentionne le procureur de la République au nombre des destinataires du traitement qu’en raison des missions qui lui incombent en matière de protection des mineurs en danger, en vertu notamment de l’article 375-5 du code civil. Ainsi, sous réserve de l’exercice du droit de communication des autorités mentionnées à l’article 3 de la loi du 6 janvier 1978, les données collectées ne pourront être utilisées aux fins de recherche et d’établissement de l’existence d’infractions pénales ».

Une réécriture sans conséquence

Le Conseil d’État a tout de même censuré le texte. Une annulation mineure qui permet à la haute juridiction de rappeler au gouvernement que lorsqu’un décret doit être pris en Conseil d’État, le texte retenu par le gouvernement ne peut être différent du projet soumis au Conseil d’État ou du texte adopté par ce dernier. L’article 6 du décret a fixé au lendemain de sa publication la date d’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018. Or, « tant le projet initial du gouvernement que le texte adopté par la section de l’intérieur du Conseil d’État fixaient au 1er janvier 2019 la date d’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 et du décret lui-même ». Par suite, l’article 6 du décret attaqué a été adopté en méconnaissance des règles qui gouvernent l’examen par le Conseil d’État des projets de décret. Il est censuré sans que cela remette en cause le texte dans son ensemble. Il en résulte toutefois que « ce décret n’a été légalement applicable qu’à compter du 1er mars 2019, date de l’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 en l’absence d’autre date fixée par décret en Conseil d’État ».

Auteur d'origine: pastor

L’article 45 vise à supprimer l’interdiction, pour l’assureur de protection juridique, d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et l’avocat. À noter, l’assureur ne pourra toujours pas proposer le nom d’un avocat à son assuré, sans demande écrite de la part de ce dernier, ni lui imposer. L’article 46 vise à exclure du champ du droit des marchés publics, les prestations de représentation légale par un avocat et les conseils juridiques s’y attachant. 

Ces deux mesures figuraient dans un projet de loi contre la surtransposition de directives européennes, adopté au Sénat en novembre 2018, mais jamais mis à l’ordre du jour de l’Assemblée. Le lobbying des sénateurs-avocats avait permis, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, de supprimer la première disposition.

Différentes mesures de simplification

Le titre III vise à simplifier les procédures applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Il limite les effets de l’actualisation d’études d’impact existantes ou du changement de réglementation sur un projet d’installation. Il allège également les procédures de consultation du public et rend optionnelles, dans plusieurs cas, les consultations du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Parmi les différents articles de simplification, le projet prévoit de simplifier la vente en ligne de médicaments, de supprimer les certificats médicaux d’aptitude d’un enfant mineur à un sport ou de dématérialiser progressivement la délivrance des documents provisoires aux étrangers.

Plusieurs décisions administratives seront déconcentrées, notamment dans le secteur de la santé. Enfin, le projet de loi entérine la suppression de plusieurs commissions, dont la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux, la commission de suivi de la détention provisoire, l’observatoire de la récidive et de la désistance et le conseil national de l’aide aux victimes.
 

Auteur d'origine: babonneau
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Il est désormais acquis que les salariés éligibles à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) pour avoir travaillé dans un établissement désigné par arrêté ministériel durant une période ou y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante (Loi n° 98-1194 du 23 déc. 1998, art. 41) puissent demander la réparation d’un préjudice d’anxiété. La Cour de cassation considère en effet que ces salariés se trouvent « par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante » (Soc. 11 mai 2010, nos 09-42.241 à 09-42.257, Dalloz actualité, 4 juin 2010, obs. B. Ines ; D. 2010. 2048 , note C. Bernard ; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2010. 839, avis J. Duplat ; RTD civ. 2010. 564, obs. P. Jourdain ). Ces salariés n’ont pas à prouver la réalité du préjudice, celui-ci étant déduit du fait qu’ils peuvent prétendre à l’ACAATA (Soc. 2 avr. 2014, nos 12-29.825 et 12-28.616, Dalloz actualité, 2 mai 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 1312 , note C. Willmann ; ibid. 1404, chron. S. Mariette, C. Sommé, F. Ducloz, E. Wurtz, A. Contamine et P. Flores ). Plus précisément, ce préjudice naît – et le délai de prescription commence à courir – au jour de l’inscription de l’établissement sur la liste établie par arrêté ministériel, date à laquelle le risque à l’origine de l’anxiété est porté à la connaissance des travailleurs (Soc. 19 nov. 2014, nos 13-19.263 à 13-19.273, D. 2014. 2415 ; ibid. 2015. 104, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, S. Mariette, N. Sabotier et P. Flores ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2401, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; Rev. sociétés 2015. 292, note V. Thomas ). La récente extension du champ du préjudice d’anxiété pour les salariés exclus de l’ACAATA mais exposés à l’amiante, sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass., ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17.442, Dalloz actualité, 9 avr. 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 922, et les obs. , note P. Jourdain ; ibid. 2058, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon ; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ;  AJ contrat 2019. 307, obs. C.-É. Bucher ; Dr. soc. 2019. 456, étude D. Asquinazi-Bailleux ; RDT 2019. 340, obs. G. Pignarre ; RDSS 2019. 539, note C. Willmann ), n’a pas entraîné une atténuation de la jurisprudence originelle pour les salariés éligibles à ce régime de préretraite (v. not. Soc. 11 sept. 2019, n° 18-50.030, Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. L. de Montvalon  ; D. 2019. 1764 ; Dr. soc. 2020. 58, étude X. Aumeran ).

En l’espèce, un contentieux opposait trois salariées et leur employeur, société ayant pour activité principale la fabrication, transformation et vente de tous produits métallurgiques et notamment les produits en acier inoxydable, inscrite pour le site où travaillaient les salariées sur la liste des établissements de fabrication, de flocage et de calorifugeage à l’amiante ouvrant droit à l’ACAATA, pour la période allant de 1967 à 1996, par arrêté du 23 décembre 2014, publié le 3 janvier 2015.
Logiquement condamné à indemniser les salariées pour réparer...

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Auteur d'origine: Dechriste

Après une nouvelle réunion en janvier, le groupe de travail mis en place par la Chancellerie a actualisé son document de travail qui porte sur la répartition des effectifs des conseillers dans les CPH, les conseils prud’hommes, sachant que dans les tableaux du document, les sigles renvoient souvent aux sections : AD comme activités diverses, AGR comme agriculture, ENC comme encadrement, IND comme industrie.

À notre connaissance, ce document de 87 pages n’a pas encore été soumis à l’avis consultatif du conseil supérieur de la prud’homie. Il présente plusieurs hypothèses de répartition des postes dans toute la France, une des options consistant à regrouper les sections agriculture et encadrement dans un seul CPH dans les départements lorsque l’activité de la section est inférieure à un certain niveau d’affaires par an.

« L’enjeu pour une organisation syndicale comme la nôtre est de voir les choses de façon pragmatique pour répartir au mieux les effectifs selon l’activité, afin d’éviter de devoir plus tard revoir la carte judiciaire ou supprimer des conseils », explique Frédéric Souillot, qui représente FO au sein du Conseil supérieur. Le ministère de la Justice dément toute volonté de fermeture de CPH.

Le scénario privilégié jusqu’à présent par le groupe de travail (indiqué « scénario GT » dans le document) conduirait par exemple à regrouper :

dans le ressort d’Aix-en-Provence l’activité encadrement de Draguignan et Fréjus vers Toulon et celles Martigues et Arles à Marseille ;dans le ressort de Paris, l’activité encadrement de Sens à Auxerre et celle de Fontainebleau à Melun ;dans le ressort de Versailles l’activité encadrement d’Argenteuil à Montmorency et de celles de Rambouillet, Saint-Germain, Poissy et Mantes-la-Jolie à Versailles ;dans le ressort de Rennes l’activité encadrement de Quimper et Morlaix à Brest, celle de Vannes à Lorient, celle de Saint-Nazaire à Nantes et celle de Guingamp à Saint-Brieuc ;dans le ressort de Lyon l’activité encadrement d’Oyonnax et Belley à Bourg-en-Bresse, celle de Villefranche-sur-Saône à Lyon et celle de Montbrison à Saint-Étienne, etc.

Cette nouvelle répartition des effectifs pourrait se mettre en place à l’occasion du renouvellement des conseillers prud’hommes qui fera suite à la nouvelle mesure de l’audience syndicale en 2021, pour la mandature débutant en 2022.

Auteur d'origine: babonneau

Le Conseil national des barreaux (CNB), la Conférence des bâtonniers et l’Ordre de Paris ont annoncé, mardi 4 février, tard dans la soirée, après le rendez-vous à Matignon, attendre le courrier formalisant des propositions. Elles seront soumises à l’assemblée générale du CNB qui se réunira le 7 février. D’ici là, « le mouvement de grève doit se poursuivre sans faiblir », conclut le communiqué du CNB.

De son côté, le premier ministre, dans un communiqué moins lapidaire que celui des avocats, réitère « la détermination totale du gouvernement à mettre en œuvre un système universel qui s’appliquera à tous les Français et donc aux avocats » et a « invité » les instances à « se saisir rapidement » des propositions.

Cette réunion, poursuit Matignon, « a également permis de partager de façon constructive différentes propositions pour accompagner l’intégration des avocats dans le système universel :

• la mise en place de l’abattement de 30 % sur l’assiette globale des prélèvements sociaux et de la CSG ;

• l’accompagnement de la trajectoire de cotisations ;

• le rôle de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) dans la gestion des réserves et en tant qu’interlocutrice des avocats dans le futur système universel ».

« La seule vraie nouveauté est la formalisation de l’abattement de 30 %, un temps abordé puis abandonné. Pour le reste… », estime un avocat. Les barreaux ont renouvelé hier la poursuite du mouvement, à la suite de la manifestation de la profession.

Auteur d'origine: babonneau
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Tout le monde cherche François. « C’est le grand absent, on a beau le chercher, personne ne l’a trouvé. » L’affaire est sérieuse et tout le monde aimerait qu’il apparaisse enfin, mais les espoirs sont ténus. « Vous avez déjà vu ça, vous, un avocat de 23 ans qui gagne 40 000 € par an », demande Me Sophie Mathieu, du barreau de Saint-Étienne, foulard vert au vent qui coiffe son rabat d’avocate « en colère ». François, c’est l’avocat type de « La République en marche », celui qui peuple l’imaginaire du gouvernement lorsqu’il échafaude la réforme des retraites qui, ce lundi 3 décembre, a envoyé des milliers d’avocats dans la rue, provenant de la plupart des barreaux – 15 000 selon le Conseil national des barreaux, 7 400 selon la police. Parmi eux, quelques autres professions libérales, repérables par leurs blouses de médecin ou leur casquette de commandant de bord, mais la plupart étaient avocats. Tous exigent le retrait du projet, tous veulent garder l’autonomie de leur régime de retraite.

« Aujourd’hui, on a 10 millions à distribuer, et on va les donner »

Entre la place de la Bastille et celle de l’Opéra, aucun François à l’horizon. On trouve d’abord Renée Rimbon, avocate en Seine-Saint-Denis qui piétine en queue de cortège. La réforme prévoit de doubler les cotisations retraite des avocats. Résultat ? « Moi, installée, travaillant seule, je ferme au bout de six mois, alors on ne lâchera rien, même si ça doit durer un an. » Me Thomas Mertens, du barreau de Paris, estime que, « pour la plupart des justiciables, les honoraires de l’avocat vont augmenter ou, pire, l’aide juridictionnelle ne suffira pas pour payer les charges de fonctionnement d’un cabinet. Cela entraînera la fermeture de petits cabinets de proximité que les justiciables les plus pauvres ont encore la possibilité de saisir pour assurer leur défense ».

Dans son barreau de la Haute-Marne, la bâtonnière Céline Gromek prévoit une hécatombe. « On pense que 40 % des avocats disparaîtront », précisément 13 sur 33, car, dans le ressort de ce barreau, beaucoup ne travaillent qu’à l’aide juridictionnelle ou presque, car beaucoup de justiciables y sont éligibles. À Cambrai, dont les deux tiers du barreau (20 sur 30) sont venus défiler dans les beaux quartiers, les prévisions ne sont pas moins funestes. « Cela annonce des déserts judiciaires, on redoute la fermeture du tribunal », expose la bâtonnière Cathy Beauchart. Les collaborateurs aussi sont sur la sellette. Sophie Mathieu explique : « La rétrocession de base, à Saint-Étienne, c’est 2 100 €, ceux-là ne pourront pas tenir », car bien souvent les associés ne pourront pas augmenter la rémunération de leurs collaborateurs, dont les faibles revenus vont encore diminuer. « On ne pourra plus assurer un certain nombre de missions, on devra faire des choix au détriment de la défense des plus démunis », se désole Me Marjorie Farre, elle aussi stéphanoise, qui annonce tout de suite : « si la réforme passe, je suis obligée de licencier ma secrétaire, oui, il faut penser à ça aussi, aux 55 000 emplois générés par notre activité », assure-t-elle.

« On lâche rien », scandent des Bretons venus en nombre. « Oui, abonde Marjorie Farre, même s’il faut constater que des confrères sont terriblement impactés par la grève », à force de renvois. « Mais c’est ça aujourd’hui, ou sinon on crève demain. » Pour sauver les petits courageux, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) envisage de faire un geste. La commission de redistribution des aides sociales dispose de réserves importantes. Me Anne Salzer, administratrice à la CNBF, l’annonce : « Aujourd’hui, on a 10 millions à distribuer, et on va les donner », assure-t-elle. Pas besoin de cagnotte, la CNBF finance le mouvement de grève qui veut la sauver.

« Pirouette Belloubette ! »

La tête de cortège est sur la place de la République, nous sommes à mi-parcours. Me Louise Tort (barreau de Paris) sautille en diffusant « Cypress Hill » dans un haut-parleur qu’elle tient sur son épaule ; « Bella ciao » version opéra s’élève au-dessus de la foule du boulevard Beaumarchais, une avocate du barreau de Montpellier s’égosille sur un camion du cortège, et partout des grappes d’avocats reprennent des classiques (YMCA, We will rock you, Pirouette cacahuète), avec des paroles adaptées. « Pirouette Belloubette ! », entend-on, pour illustrer l’attitude dédaigneuse à leur encontre, disent-ils, de la ministre. « C’est le mépris absolu du gouvernement, le rictus de la garde des Sceaux quand les confrères jettent leur robe à Caen, c’est le mépris de nos souffrances », ne craint pas d’affirmer Cathy Beauchart. « Cela fait vingt-cinq ans que je fais ce métier, tempête Céline Gromek, je n’ai jamais eu le sentiment d’être à ce point méprisée. On est très très en colère, c’est un seuil jamais atteint ! » Un vieil avocat incognito, qui défile par solidarité, pense que Nicole Belloubet n’a pas voulu négocier, car elle « ne comprend pas, n’aime pas les avocats ». Me André Buffard, de Saint-Étienne, pense du haut de ses 71 ans que « tout cela, ça ressemble à un hold-up ». Il précise : « Ma génération a cotisé pour ceux qui n’avaient pas cotisé, et aujourd’hui on nous dit merci pour la cagnotte ! »

Les avocats croisés sont unanimes : l’État se nourrit sur la bête, car « la bête », ce régime autonome créé après la Seconde Guerre mondiale, fonctionne – il est même excédentaire. Pire ! Il veut ruiner la solidarité, car la CNBF, depuis 1948, verse des pensions de retraite (de base) identiques aux avocats ayant cotisé suffisamment longtemps, sans prise en compte des revenus professionnels. Me Philippe Paingris, du barreau de Paris, estime que « c’est l’honneur de la profession de donner une retraite digne à ceux qui dédient leur vie à la défense de la veuve et de l’orphelin ».

À voir cette foule des robes noires, Me Christian Saint-Palais pense que la détermination de ses confrères est grande. « Les confrères de province abandonnent leur cabinet, leurs affaires personnelles pour venir manifester, c’est très enthousiasmant ! » L’avocat parisien, président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), très impliquée dans le mouvement, réagit aux propos s’indignant des incendies de codes civils périmés (Dalloz). « Je suis solidaire de tous les modes d’action qui restent dans le cadre de la loi. » Mais pourquoi en arriver à des modes d’action si démonstratifs ? « Ces confrères ont tiré les leçons du passé, où des discussions trop polies les ont mis à terre. Ce sont des situations qui montrent la désespérance, cela révèle l’État de la préoccupation de certains pénalistes », analyse-t-il.

Place de l’Opéra, la nuit tombe et les avocats sont toujours debout. Tous les accès à la place Vendôme sont bloqués par les forces de l’ordre, alors, rue de la Paix, un petit groupe d’irréductibles fait un peu de fumée rouge, masque sur la tête, la colonne Vendôme et les CRS dans leur dos. Mais une dizaine d’avocats, dont certains avaient participé à l’opération de vendredi dernier, est parvenue à accéder à la place. On les voit, goguenards devant la Chancellerie, filmés par le journaliste Taha Bouhafs, avant de se carapater à l’approche des CRS qui ont tenté, en vain, de les encercler.

Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l’Ordre de Paris sont reçus à 19h30 aujourd’hui à Matignon, pour une deuxième entrevue.

Auteur d'origine: babonneau

Les deux instances demandent qu’un alinéa soit ajouté à l’article 2 du projet de loi – instituant un système universel comprenant les avocats – excluant tout simplement la profession du nouveau système. Elles rappellent que le régime autonome de retraite des avocats est « autonome et équilibré », « pérenne », « solidaire » et « prévoyant ». « Les avocats sont d’ailleurs une exception dans l’exception des régimes autonomes des professions libérales, puisqu’ils sont les seuls à gérer en autonomie leur régime de base et leur régime complémentaire », peut-on lire dans l’exposé des motifs de l’amendement.

Le Conseil national des barreaux (CNB) exige que la loi soit « d’abord évaluée avant d’envisager une intégration de régimes autonomes ». Ainsi, dans un dernier amendement, après l’article 65 du projet de loi, le CNB propose : « la présente loi fera l’objet, après évaluation de son application par la mission d’évaluation des comptes de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur ».

Les autres amendements visent notamment :

à supprimer la référence aux professionnels libéraux qui intégreraient le régime universel nouvellement créé ;
 à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance (notamment pour déterminer le taux et l’assiette des cotisations ou encore pour organiser les modalités de gouvernance) – se référant à l’avis critique du Conseil d’État sur la méthode gouvernementale ;
 à supprimer l’article 20 du projet de loi qui prévoit de soumettre les avocats au même niveau de cotisations que les salariés « pour un revenu en deçà d’un PASS », ce qui « engendre un préjudice économique réel pour près de 50 % de la profession d’avocat qui gagne moins de 40 000 € » ;
 à supprimer l’article 40 qui prévoit un minimum de retraites accordé à compter de l’âge d’équilibre sur 516 mois de cotisations. « Une moins-value », selon le CNB, qui s’appuie encore sur l’avis du Conseil d’État : le régime autonome permet aujourd’hui de garantir à chaque avocat 17 119 € annuels, quelle que soit la rémunération au cours de la carrière de l’avocat ;
 à exclure les avocats des mécanismes de solidarité alors même qu’ils ne peuvent compter sur la sécurité sociale pour remplacer les revenus manquants (art. 42) ;
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Après presque deux ans de concertation et cinquante jours de grève pour la contester, la réforme des retraites a été présentée au conseil des ministres du 24 janvier. La consultation du Conseil d’État – dont l’avis est fort critique (v. encadré) – n’a entraîné qu’assez peu de modifications par rapport aux avant-projets (v. AJDA 2020. 77 ). Ainsi le gouvernement a maintenu l’annonce d’une loi de programmation permettant de garantir aux enseignants une revalorisation de leur rémunération, bien que le Conseil d’Etat ait considéré qu’il s’agissait d’une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi, procédé contraire à la Constitution.

Le projet de loi organique relatif au système universel de retraite (SUR), outre l’intégration dans le futur système des magistrats, des parlementaires et des membres du Conseil constitutionnel, prévoit une « règle d’or » d’équilibre. Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) devront fixer chaque année la trajectoire financière du SUR. Elles devront prévoir un solde financier positif ou nul pour l’année en cours et les quatre années à venir. Si les dispositions de la LFSS ont pour effet de porter la somme des soldes cumulés entre l’exercice 2027 et le terme de la projection sur cinq ans à un montant négatif supérieur à 3 % des recettes annuelle, cette même loi prévoit les moyens pour...

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Auteur d'origine: Montecler

La Conférence des présidents du Sénat a demandé hier que la procédure accélérée ne soit pas engagée sur la réforme des retraites. Un acte rare. Depuis qu’il en a la possibilité (2008), le Sénat ne s’était opposé que deux fois à la procédure accélérée (en 2014, sur la loi redécoupant les régions et la loi NOTRe). Cette contestation sera sans incidence : pour que le gouvernement renonce à la procédure accélérée, il faudrait que la conférence des présidents de l’Assemblée rejoigne celle du Sénat. Or, les responsables de la majorité ont indiqué souhaiter que ce texte soit étudié selon le calendrier prévu (débat dans l’hémicycle dès le 17 février).

La réforme des retraites étant un texte dense, flou, très contesté et étudié dans un calendrier réduit, la procédure fait l’objet de multiples contestations. La conférence des présidents de l’Assemblée a d’ailleurs rejeté hier les demandes des groupes LR, PS et GDR de saisir le conseil constitutionnel sur la conformité de l’étude d’impact du projet de loi. Depuis 2010, c’est la troisième fois que l’opposition à l’Assemblée tente de contester une étude d’impact (les deux précédents étaient les réformes des retraites de 2010 et 2013). La contestation de l’étude d’impact fait l’objet d’une procédure particulière : seule la conférence des présidents de la première assemblée saisie peut la déférer au conseil constitutionnel. Ce qu’avait fait, en vain, le Sénat en 2014 sur la loi redécoupant les régions.

Toutefois, les débats à l’Assemblée ne se feront pas en procédure du « temps législatif programmé » : en raison des délais restreints, les groupes d’oppositions ont pu y faire obstacle. Par ailleurs, l’installation de la commission spéciale a pris du retard, le groupe GDR ayant insisté pour que les délais prévus par le règlement de l’Assemblée soit strictement respectés.

Auteur d'origine: babonneau
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La déclaration d’inaptitude d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, établie par le médecin du travail, oblige l’employeur à lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités (C. trav., art. L. 1226-10) avant d’envisager un licenciement. Dans sa recherche de reclassement, l’employeur s’appuie sur les conclusions du médecin du travail, dont il doit impérativement tenir compte (Soc. 4 nov. 2015, n° 14-11.879, Dalloz actualité, 27 nov. 2015, obs. M. Peyronnet ; D. 2015. 2323 ), qui lui permettent d’apprécier les capacités du salarié au regard des tâches effectuées dans l’entreprise. Il peut aussi être aidé par des organismes désignés par des conventions collectives – c’était le cas dans l’association faisant l’objet de la décision commentée. En toute hypothèse, le respect de l’obligation de reclassement par l’employeur reste in fine apprécié à la lumière des mesures mises en œuvre par ce dernier.

En l’espèce, une salariée avait été engagée le 23 mars 2000 par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Après un arrêt maladie de près de neuf mois, elle a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise avec mention d’un danger immédiat le 1er décembre 2010. L’employeur lui a proposé deux postes de reclassement le 22 avril 2011. Ces derniers ont été refusés et elle a finalement été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 11 janvier 2012.

La salariée a saisi le juge prud’homal d’une demande en requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement. Déboutée par la cour d’appel d’Amiens le 27 mars 2018, elle a formé un pourvoi en cassation.

Elle arguait notamment que le non-respect des dispositions conventionnelles applicables à l’AFPA, selon lesquelles l’employeur (ou le médecin du travail) était tenu de saisir une commission de reclassement associée à la recherche d’un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d’être déclaré définitivement inapte, constituait un manquement à l’obligation de reclassement privant le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse. Elle considérait en outre que le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement était établi par différents éléments : d’abord, les préconisations du médecin du travail n’avaient pas été parfaitement observées par l’employeur ; ensuite, l’employeur n’avait pas recherché loyalement un reclassement dès lors qu’aucune proposition ne lui avait été formulée entre le 22 avril 2011 (date à laquelle elle avait reçu deux offres) et son licenciement le 11 janvier 2012 ; enfin, le refus des postes de reclassement proposés le 22 avril 2011 ne dispensait pas l’employeur de rechercher d’autres postes disponibles conformes à son état de santé. Seul le premier argument a véritablement retenu l’intérêt des juges du droit, qui ont eu à analyser l’incidence du non-respect de l’obligation conventionnelle de saisir une commission de reclassement sur la validité du licenciement pour inaptitude.

Par un arrêt du 18 décembre 2019, la chambre sociale rejette le pourvoi formé par la salariée, au motif que « selon l’article 79 de l’accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l’AFPA, une commission de reclassement régionale ou nationale selon le niveau concerné, qui peut être saisie par le responsable hiérarchique ou le médecin du travail, est associée à la recherche d’un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d’être déclaré définitivement inapte à son emploi par le médecin du travail ; qu’il en résulte que la méconnaissance de l’obligation de saisir la commission prévue à l’article 79 précité n’est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ». Cette solution peut à première vue surprendre : au regard de la date des faits en cause, la jurisprudence selon laquelle une procédure conventionnelle de licenciement constituait une garantie de fond dont l’inobservation privait le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 17 mars 2015, n° 13-23.983, Dalloz actualité, 22 avr. 2015, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2015. 467, obs. J. Mouly ; RDT 2015. 333, obs. C. Varin ) aurait pu s’appliquer. Cette jurisprudence n’a en effet été remise en cause qu’en 2017 par les ordonnances « Macron » (C. trav., art. L. 1235-2).

Elle peut toutefois être expliquée par différents éléments :

• d’une part, les dispositions conventionnelles en cause ne figurent pas, dans l’accord collectif, dans le titre relatif à la rupture du contrat de travail mais dans un autre titre comportant des « dispositions complémentaires » (relatives par ailleurs aux travailleurs handicapés, aux déplacements professionnels et au logement). Si l’article 79 précité impose laconiquement qu’une commission de reclassement soit associée à la recherche de reclassement d’un salarié susceptible d’être déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail, il ne précise pas que la consultation de celle-ci s’inscrit dans la procédure de licenciement pour inaptitude ;

• d’autre part, la commission peut être saisie par le responsable hiérarchique mais également par le médecin du travail. Il paraît dès lors difficile de sanctionner l’employeur sur le terrain de la rupture unilatérale du contrat de travail alors qu’il n’était pas le seul responsable de la saisine de la commission ;

• enfin, le fait que cette commission soit associée à la recherche d’un reclassement ne modifie pas le principe posé par le code du travail : c’est à l’employeur qu’il incombe de rechercher et de proposer un reclassement au salarié déclaré inapte par le médecin du travail, en prenant en compte les conclusions écrites de ce dernier (C. trav., art. L. 1226-10). La convention applicable en l’espèce n’imposait pas à l’employeur de tenir compte des observations effectuées par la commission pour rechercher des postes disponibles dans l’entreprise.

En définitive, il appartient aux juges du fond, au regard de l’ensemble des éléments qui leur sont présentés, d’apprécier souverainement si l’employeur a procédé à une recherche sérieuse de reclassement (Soc. 21 janv. 2009, n° 07-41.173 ; 28 mai 2014, n° 13-14.189 ; 23 nov. 2016, n° 14-26.398, Dalloz actualité, 13 janv. 2017, obs. B. Ines ; D. 2016. 2409 ; ibid. 2017. 235, chron. F. Ducloz, P. Flores, F. Salomon, E. Wurtz et N. Sabotier ). Le concours de la commission de reclassement peut faciliter le respect par l’employeur de son obligation, sans pour autant que l’absence de consultation de cette dernière soit à elle seule de nature à remettre en cause la validité du licenciement, si des mesures de reclassement suffisantes ont été mises en œuvre.

La Cour de cassation balaye les autres arguments développés par la salariée, qui ne tendaient « qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit, hors toute dénaturation, que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement ». Les juges ont par exemple refusé de déduire de l’absence de proposition de poste entre avril 2011 et le licenciement de la salariée en janvier 2012 que l’employeur n’avait pas recherché de poste durant cette période.

Il est enfin intéressant de noter que l’argument selon lequel le refus d’une offre de reclassement n’est pas suffisant pour considérer que l’employeur a respecté son obligation ne serait plus invocable aujourd’hui. Le code du travail précise en effet, depuis la loi Travail du 8 août 2016, que « l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail » (C. trav., art. L. 1226-12).

Auteur d'origine: Dechriste

Les avocats, en grève depuis quatre semaines contre le projet de réforme des retraites, utilisent divers moyens de contestation : grève des audiences et des permanences, fermeture des cabinets mais aussi dépôt en masse de demandes de mise en liberté (DML) à l’égard des mis en examen placés en détention provisoire. Cette dernière action a été vertement critiquée par certains magistrats qui disent ne pas pouvoir faire face à une telle charge de travail supplémentaire.

Interrogée, la Chancellerie rappelle que le droit de grève constitue certes l’un des fondements de la démocratie mais que « ce droit ne saurait expliquer ce type d’actions, qui s’inscrit dans un usage dévoyé de la procédure, pour à terme conduire à un blocage et à un engorgement très préjudiciables pour les juridictions, outre l’évident risque procédural dont les conséquences seraient très lourdes si elles conduisaient à la remise en liberté de terroristes ou de criminels ».

Plus de 400 avocats ont signé, dès vendredi 24 janvier, une lettre ouverte initiée par l’avocat parisien Yves Levano, expliquant aux personnels judiciaires, aux greffes, aux magistrats et au Conseil national des barreaux les raisons des « opérations DML ». Une action approuvée par le président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), Christian Saint-Palais, signataire également du texte. « Je n’en aurais pas eu l’idée spontanément mais dès lors que ce mouvement est très critiqué et qu’il est fait dans le cadre de la loi, je ne vais pas laisser les jeunes tout seuls. Si nous ne perturbons pas, ce n’est plus un mouvement ».

Nous reproduisons l’intégralité de la lettre ouverte et le nom des signataires.

Lettre ouverte aux personnels judiciaires, aux greffes, aux magistrats, au Conseil national des barreaux

L’action que nous avons entamée la semaine dernière, sans toujours bénéficier du soutien de nos institutions auxquelles nous l’avions proposée, est née d’un triple constat :

- si la justice, asphyxiée par un manque de moyens chronique, fonctionne encore tant bien que mal, c’est uniquement grâce à la dévotion de ses fonctionnaires, pourtant dépassés par leur charge de travail ;

- le projet de réforme des retraites, à raison de la hausse annoncée des cotisations sociales, risque de conduire certains avocats au dépôt de bilan et, par là même, va restreindre drastiquement l’accès au droit des justiciables les plus vulnérables ;

- tandis que le pouvoir exécutif ne semble entendre que les revendications des personnels susceptibles de blocage, la grève des avocats ne produisait pas l’effet escompté.

L’opération DML que nous avons portée présente le double avantage :

- de ne pas cesser le travail, mais au contraire de redoubler d’efforts pour défendre, en vertu du serment que nous avons prêté ;

- de ne pas prendre en otage « l’usager », en l’espèce le justiciable ;

Nous sommes conscients que, comme pour nos cabinets, l’opération DML occasionne une charge de travail supplémentaire pour les personnels judiciaires, greffes et magistrats, notamment en raison des moyens humains et informatiques ridicules dont ils disposent.

Comment est-il possible que la septième puissance mondiale, sous prétexte de modernisation et de réformes qui n’en ont que le nom, malmène ainsi une institution fondamentale ?

Dans le ressort de la cour d’appel de Paris, nous estimons de 5 % à 10 % le nombre de détenus « prévenus » qui auront, au cours de la même semaine, exercé leur droit le plus strict de solliciter une mise en liberté dans l’attente de leur procès ; tandis que les délais de jugement ne cessent de s’allonger.

Avec un nombre si faible, eu égard à la population carcérale, pourquoi redouter des difficultés de traitements des demandes risquant d’entraîner des remises en liberté ?

En s’en prenant aux avocats, professionnels assermentés et indépendants qui, jour et nuit, inlassablement, défendent tous leurs concitoyens, mis en cause ou plaignants, auteurs ou victimes, enfants ou parents, maris ou femmes, policiers ou manifestants, contribuables ou agents judiciaires de l’État, le gouvernement porte une attaque inédite et gravissime à notre profession qui participe de l’État de droit.

Par cette opération, nous avons voulu rappeler notre rôle, notre détermination à lutter pour notre survie et notre volonté de défendre la justice pour tous.

Y avait-il plus belle manière de faire qu’en sollicitant la liberté ?

Signataires :
ABAD Lalla, Barreau du VAL-D’OISE
ABITBOL Clément, Barreau de PARIS
ABITBOL Manuel, Barreau de PARIS
ABCI Kamilia, Barreau des HAUTS-DE-SEINE

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Manifestant, l’ambivalence de la négociation collective, les accords de type donnant-donnant, dits encore de « concessions », ont suscité moult controverses doctrinales (v., entre autres, A. Lyon-Caen, Le maintien de l’emploi, Dr. soc. 1996. 655 ; M.-A. Souriac-Rothschild, Engagements et arrangements sur l’emploi : quelle efficacité juridique ?, Dr. soc. 1997. 1061 ; T. Aubert-Monpeyssen, Valeur juridique d’un accord de maintien de l’emploi, D. 1998. 480 ; J. Dirringer et Y. Ferkane, L’économie générale « des accords de compétitivité » mise sens dessus dessous, Dr. ouvrier 2017. 716). L’accord de groupe Renault signé le 13 mars 2013, en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 janvier 2020, n’y échappe pas (A. Bighinatti et Y. Tarasewicz, La délicate appréciation du principe de faveur, interview, SSL n° 1754, 30 janv. 2017, propos recueillis par F. Champeaux). Baptisé « Contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de Renault en France » et signé par la CFE-CGC, la CFDT et FO, cet accord de groupe représentait, selon les allégations de la société Renault, un compromis dans un contexte de baisse de la demande dans le marché automobile notamment européen depuis 2007. En échange d’un engagement sur l’emploi – le recrutement en CDI de 760 salariés sur des « compétences critiques » – et du maintien d’un niveau de production en France – entre 710 000 et 820 000 véhicules –, engagement qui impliquait de ne pas fermer les sites sur le territoire national, la société Renault avait notamment obtenu une augmentation de la durée du travail sans hausse corrélative du salaire, la suppression de la possibilité d’utiliser les jours de congé de formation capitalisés pour bénéficier d’un congé de fin de carrière ainsi que la suppression du choix d’utiliser librement les heures supplémentaires capitalisées au lieu de les faire rémunérer (Liaisons soc. Quotidien, dossier Convention collective, n° 62/2013, 28 mars 2013).

Contestant les analyses du groupe quant à l’état du marché de l’automobile européen, ce compromis avait été refusé, notamment, par la CGT et le syndicat Sud qui n’avaient pas signé l’accord de groupe. À leurs yeux, les constats dressés par la société Renault sur la situation du secteur de l’automobile n’avaient qu’une seule finalité : tenter d’imposer des conditions de travail nécessairement moins favorables en contrepartie d’une absence de fermeture de sites (A. Bighinatti, art. préc.). Allant plus loin, les syndicats CGT et Sud ont intenté dès 2014 une action en justice. Ces organisations soutenaient que certaines dispositions de l’accord de groupe n’auraient pas dû s’appliquer aux salariés de l’une des filiales industrielles du groupe, en l’occurrence la société MCA, compte tenu de leur caractère moins favorable par rapport aux stipulations de plusieurs accords conclus au niveau de cette entreprise. En l’occurrence, l’accord de groupe était, d’après ces organisations syndicales, moins favorable que l’accord d’entreprise du 9 mai 1994 et les deux avenants de l’accord du 30 juin 1999 conclus les 9 mars et 19 décembre 2001. Rappelons, en effet, que ces conventions ont été signées avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2253-5 du code du travail issu de la loi Travail du 8 août 2016, c’est-à-dire dans un contexte où le conflit entre un accord de groupe et un accord d’entreprise n’était régi par aucun texte de loi. Si pareil conflit devait avoir lieu aujourd’hui entre ce type d’accords, il n’y aurait pas de discussion puisqu’en vertu de la disposition précitée, lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord. Mais, s’agissant des accords conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L. 2253-5 du code du travail, comme en l’espèce, c’est la règle de faveur qui permettait de résoudre les conflits entre un accord de groupe et un accord d’entreprise. D’où son invocation au soutien de la demande des organisations syndicales non signataires de voir ordonner le rétablissement des dispositions des accords d’entreprise précités.

Toutefois, par un jugement remarqué rendu le 6 décembre 2016, le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe (6 déc. 2016, n° 14/01025, SSL 30 janv. 2017, n° 1754) avait débouté ces deux syndicats, les magistrats ayant jugé que les dispositions de l’accord de groupe étaient globalement plus favorables que celles des accords d’entreprise. Se situant dans la lignée de l’arrêt Géophysique (Soc. 19 févr. 1997, n° 94-45.286, D. 1997. IR 75  ; Dr. soc. 1997. 432, obs. G. Couturier ), les juges avaient ainsi appliqué la méthode de comparaison globale. Confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Colmar du 30 mars 2018, le caractère globalement plus favorable de l’accord de groupe par rapport aux accords d’entreprise est à nouveau affirmé en l’espèce par l’arrêt du 8 janvier 2020, même si pareille appréciation résulte d’un contrôle léger de l’application de la règle de faveur par les juges du fond. Sont plus précisément validées l’interdépendance et l’indivisibilité des clauses de renonciation aux avantages au bénéfice des salariés de l’entreprise MCA et les engagements de maintien de l’emploi ainsi que d’un niveau de production en France.

Mais, au-delà de cette observation, c’est la manière dont la chambre sociale s’y prend en l’espèce qui interroge, voire perturbe. En effet, tout en confirmant l’appréciation des juges du fond sur le caractère globalement plus favorable de l’accord de groupe par rapport aux accords d’entreprise, la haute juridiction précise que la renonciation des salariés à certains avantages avait eu une contrepartie réelle et effective compte tenu des engagements du groupe de préserver un niveau d’activité global de production en France et de maintenir un certain niveau d’emploi. Des engagements qui avaient été respectés, prend-elle le soin de souligner. Or, d’un tel constat, la Cour de cassation en déduit que les juges du fond ont ainsi caractérisé que les dispositions de l’accord de groupe étaient globalement plus favorables à l’ensemble des salariés du groupe que celles de l’accord d’entreprise du 9 mai 1994 et de l’accord d’entreprise du 30 juin 1999 modifié par avenants des 9 mars 2001 et 19 décembre 2001.

Que l’accord de groupe soit plus favorable par rapport aux accords d’entreprise en raison de l’existence d’une contrepartie réelle aux renonciations des salariés, telle qu’un engagement sur un volume de production ou bien sur l’emploi, cela est aisément compréhensible. Il en va tout autrement si l’on considère qu’il est globalement plus favorable en raison de l’effectivité de cette même contrepartie. En effet, l’appréciation du caractère plus ou moins favorable n’a guère de sens si elle est effectuée à la lumière d’une qualité, l’effectivité des contreparties aux concessions salariales, impliquant l’exécution de l’engagement patronal et donc une éventuelle argumentation sur le terrain de la sanction en cas de non-respect de celui-ci. Dit autrement, le caractère plus ou moins favorable de l’accord de groupe ne saurait reposer sur autre chose que sur les stipulations prévues au moment de sa conclusion, en l’occurrence les concessions salariales en échange des engagements sur le volume de production en France et le maintien de l’emploi. L’exécution ou l’inexécution éventuelle de ces derniers ne devrait donc pas entrer en ligne de compte dans l’appréciation d’une disposition plus favorable.

Le caractère absurde de l’évocation d’une contrepartie effective au soutien du caractère plus ou moins favorable des dispositions de l’accord de groupe ressort d’autant plus si un raisonnement a contrario devait être mené, en l’absence de pareille contrepartie. Ainsi, telle que formulée, la solution de la Cour de cassation suggère qu’à défaut de contrepartie effective aux renonciations des avantages des salariés, c’est-à-dire en cas de manquement du groupe aux engagements pris en échange des concessions salariales, il conviendrait d’appliquer… les accords d’entreprise, à savoir des accords considérés, conformément à la méthode globale de comparaison, comme étant moins favorables que l’accord de groupe.

Un tel mélange entre l’appréciation de ce qui est plus favorable et la sanction du non-respect des engagements pris par le groupe pourrait être lié au pourvoi dont le second moyen se situait sur les deux terrains. Sans toutefois opérer la même confusion, ce moyen s’était concentré à titre principal sur une critique du caractère plus favorable des dispositions de l’accord de groupe par rapport à celles des accords d’entreprise. Ce n’est qu’à titre subsidiaire, si la méthode de comparaison globale devait être adoptée pour apprécier la disposition la plus favorable, que ce pourvoi demandait l’inopposabilité de l’accord de groupe en raison du non-respect des engagements de l’employeur au niveau de la société MCA. En l’occurrence, le pourvoi invoquait le fait que les effectifs de cette entreprise avaient diminué au cours de la période postérieure à l’entrée en vigueur de l’accord du 13 mars 2013.

Devant pareille confusion, vivement qu’une affaire similaire contribue à dissiper le doute sur la cohérence du raisonnement de la Cour de cassation.

Auteur d'origine: Dechriste