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L’arrêt commenté a eu à trancher une question inédite, celle des conditions de désignation des membres composant la nouvelle commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) issue de l’ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017.

Selon l’article L. 2315-39 du code du travail, les membres de la CSSCT sont désignés par le comité social et économique (CSE) parmi ses membres, « par une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32 [du code du travail] », soit « à la majorité des membres présents ».

Le litige soumis à la Cour de cassation portait sur l’interprétation des termes « par une résolution adoptée à la majorité des membres présents ».

En l’espèce, une CSSCT conventionnelle a été mise en place au sein de la société Stryker Spine par accord du 3 octobre 2018. L’article 3.4 de cet accord s’est borné à se référer aux dispositions légales sur les modalités de désignation des membres de la CSSCT. Les membres de cette commission ont été désignés lors de la première réunion, le 3 décembre 2018, à la majorité des membres présents. Par la suite, le syndicat CFDT a contesté cette désignation le 18 décembre 2018 devant le tribunal d’instance de Bordeaux qui, par jugement du 14 mars 2019, a débouté le syndicat de ses demandes.

Le syndicat a formé un pourvoi en cassation et a essentiellement soutenu qu’il résultait de l’accord collectif litigieux que les membres de la CSSCT devaient être désignés par une résolution préalable du CSE fixant les modalités de désignation et non pas directement lors de la première réunion par un vote à la majorité des membres présents.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en jugeant qu’au regard des textes légaux, auxquels se réfère l’accord litigieux, la désignation des membres d’une CSSCT, que sa mise en place soit obligatoire ou conventionnelle, résulte d’un vote des membres du CSE à la majorité des voix des membres présents lors du vote, sans qu’il soit besoin d’une résolution préalable fixant les modalités de l’élection.

Est-ce à dire que des modalités différentes auraient pu être fixées par accord collectif ? Une réponse négative doit s’imposer en ce que l’article L. 2315-39 du code du travail figure parmi les dispositions d’ordre public qui ne peuvent être dérogées par un accord collectif sur le fonctionnement du CSE. L’article L. 2315-41 du code du travail confirme en ce sens que les modalités de désignation des membres de la CSSCT ne sont pas au nombre des dispositions pouvant être fixées par l’accord mettant en place la commission.

Auteur d'origine: Dechriste
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En application des anciens articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, les informations mises à disposition dans la base de données économiques et sociales (BDES) doivent porter « sur les deux années précédentes et l’année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes ».

À défaut de communication des informations prescrites par la loi ou l’accord collectif, les délais d’information-consultation des instances représentatives du personnel ne courent pas (Soc. 28 mars 2018, n° 17-13.081, D. 2018. 729 ; RDT 2018. 465, obs. I. Odoul-Asorey ; 12 juill. 2018, n° 18-40.024, Dalloz jurisprudence).

Dans ce cadre, l’arrêt commenté a eu à trancher la question de l’incidence d’une opération de fusion-absorption entre diverses sociétés sur le contenu de la BDES.

En l’espèce, le comité central d’entreprise de la société Sopra Steria Group, issue de l’absorption...

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Auteur d'origine: Dechriste

Une brise de panique a soufflé sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Des avocats ont publié un rapport – non finalisé – intitulé Répartition des effectifs des CPH, émanant de la direction des services judiciaires en date de décembre 2019 (en annexe de cet article). « Alerte ! Disparition programmée des conseils des prud’hommes dans ce document de travail de la Chancellerie ! Ni les avocats ni les magistrats ne sont au courant de cette nouvelle atteinte à la justice de proximité ! », s’est exclamée, sur Twitter, Gwenaëlle Vautrin, ancienne bâtonnière de Compiègne, qui a diffusé le document.

Il prévoit plusieurs scenarii : le regroupement de conseils des prud’hommes et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an, la répartition des postes selon l’organisation actuelle et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an.

Pour le syndicat de la magistrature (SM), « ces réunions semblent avoir abouti, au vu du document dont nous avons eu connaissance, à des conclusions précises et étayées en termes statistiques dont certaines – un des deux scenarii envisagés – prévoient tout simplement la suppression de vingt-deux conseils de prud’hommes ».

Et d’ajouter : « il ne faut pas être grand clerc pour en déduire que les effectifs des greffes vont également être supprimés en conséquence. Il est également incompréhensible que les organisations syndicales n’aient pas été associées à ce groupe de travail dont l’un des objectifs est tout simplement la réorganisation judiciaire du contentieux prud’homal ».

Interrogée, la Chancellerie précise qu’il s’agit « d’un groupe de travail convenu dans le cadre des travaux du Conseil supérieur de la prud’homie pour tenir compte de l’impossibilité pour certains CPH de constituer des sections ». L’objectif serait « de mieux répartir les conseillers de prud’hommes entre les CPH afin de réduire la vacance de postes ». La Chancellerie assure qu’il n’est pas question de « toucher au nombre de CPH, raison pour laquelle il s’agit de répartition des effectifs et pas de carte judiciaire ».

Auteur d'origine: babonneau
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Irrecevabilité d’un syndicat signataire du protocole d’accord préélectoral à invoquer une proportion de femmes et d’hommes différente de celle mentionnée dans ce document

En matière de préparation des élections des membres du comité social et économique (CSE), l’employeur est tenu d’inviter les organisations syndicales visées par la loi à négocier un protocole d’accord préélectoral. L’objet premier de cet accord est de répartir les sièges à pourvoir entre les différentes catégories de personnel, ainsi que le personnel entre les collèges électoraux. La Cour de cassation prend soin de le rappeler en préambule d’un moyen relevé d’office dans l’arrêt Neubauer (pourvoi n° 18-20.841). La répartition des personnels dans les collèges doit s’accompagner, de plus, de la mention de la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral, en vue d’appliquer les dispositions de l’article L. 2314-30 du code du travail. En effet, aux termes de la première phrase de son alinéa 1er, « pour chaque collège électoral, les listes […] qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ».

En l’espèce, dans l’arrêt Neubauer, la CGT se prévalait d’une erreur de calcul de la proportion d’hommes et de femmes d’un collège électoral, telle que mentionnée dans le protocole d’accord préélectoral. L’erreur de calcul de la proportion d’hommes et de femmes justifiait d’après le syndicat, le choix de présenter trois candidats masculins pour trois sièges au sein du collège des ouvriers et employés. La proportion de femmes étant bien plus faible (14 %) que celle inscrite dans le protocole préélectoral (17 %).

Ce raisonnement ne convainc toutefois pas la Cour de cassation qui décide, contrairement au tribunal d’instance, que la CGT n’est pas recevable à invoquer par voie d’exception une proportion d’hommes et de femmes composant le corps électoral différente de celle figurant dans le protocole préélectoral. Il ressort ainsi de l’arrêt Neubauer qu’un syndicat signataire de ce protocole qui a présenté des candidats sans réserve n’est pas recevable, postérieurement aux élections, à contester ce chiffre pour légitimer les candidats qu’il a présentés.

Radicale, la solution ne s’expliquerait-elle pas par la volonté des magistrats de garantir en l’occurrence la mixité ? Si l’on suit en effet le raisonnement de la Cour de cassation jusqu’au bout, la CGT aurait donc dû présenter deux candidatures masculines et une candidature féminine en application du protocole préélectoral. Toutefois, faire reposer la mixité sur une erreur de calcul demeure contestable. La solution pourrait alors s’expliquer autrement, à savoir par la volonté des juges de ne pas remettre en cause ce protocole. Reste à savoir si, par un raisonnement a contrario, un salarié ou un syndicat non signataire peut contester la proportion de femmes et d’hommes inscrite dans le protocole préélectoral.

Mise en œuvre de la règle de l’arrondi : entre représentation équilibrée et parité

Prenant position pour la première fois sur la nature des dispositions de l’article L. 2314-30 du code du travail, la chambre sociale prend soin d’indiquer que les dispositions de cet article sont d’ordre public absolu (arrêts Locanor, pourvoi n° 18-23.513 ; Faurecia, pourvoi n° 18-26.568 ; Fiducial, pourvoi n° 19-10.826 ; Triverio, pourvoi n° 19-10.855). Elle confirme par là même que le droit électoral est l’un des domaines de prédilection de cet ordre public. Ainsi, si la négociation du protocole d’accord préélectoral est décisive en ce qu’elle permet de fixer le nombre de sièges à pourvoir mais aussi la répartition des salariés dans les collèges électoraux, elle ne peut déroger à la règle de répartition équilibrée des hommes et des femmes, y compris afin d’assurer une meilleure représentation du sexe sous-représenté (arrêts Faurecia et Triverio).

Cette règle de répartition équilibrée oblige à s’adonner à des calculs qui n’aboutissent pas nécessairement à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes. Aussi, le législateur a prévu dans cette configuration qu’il convient de procéder à un arrondi arithmétique à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ou à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 (C. trav., art. L. 2314-30). Les arrêts rendus par la Cour de cassation permettent d’illustrer ces deux configurations. Leur lecture conduit par ailleurs à distinguer selon que le nombre de sièges à pourvoir est égal ou supérieur à deux.

Nombre de sièges à pourvoir égal à deux

Dans l’arrêt Locanor, deux postes étaient à pourvoir dans le cadre des élections des membres de la délégation du personnel du CSE. La proportion de femmes et d’hommes était respectivement de 30,46 % et de 69,54 %. La mise en œuvre de la règle de calcul aboutissait à une décimale supérieure à 5 s’agissant des femmes (2 x 30,46/100 = 0,6092, arrondi à l’entier supérieur, c’est-à-dire 1). La chambre sociale en a conclu que c’était à bon droit que le tribunal d’instance avait considéré qu’il convenait d’attribuer un poste à une femme. Or le syndicat CFDT concerné n’avait présenté qu’un seul candidat, un homme. À l’appui de son pourvoi, le syndicat faisait notamment valoir qu’une liste pouvait comporter un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir. L’argument était voué à l’échec rapporté à la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, depuis un arrêt du 9 mai 2018, la chambre sociale a instauré l’obligation pour toute organisation syndicale, dans l’hypothèse où deux sièges sont à pourvoir, de présenter une liste « comportant nécessairement une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré » (Soc. 9 mai 2018, n° 17-14.088, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. Actu. 1018  ; ibid. 1706, obs. N. Sabotier  ; Dr. soc. 2018. 921, note F. Petit  ; RJS 7/2018, n° 491 ; JSL 2018, n° 456-1 ; JCP S 2018. 1219, obs. B. Bossu). Or telle était la configuration de la société Locanor. Dans ce cas, la parité est bel et bien imposée.

Dans l’arrêt Faurecia, les femmes représentaient 11 % des effectifs d’un collège électoral. Là encore, deux sièges étaient à pourvoir. La mise en œuvre de la règle de calcul aboutissait toutefois à une décimale inférieure à 5 (2 x 11/100 = 0,22, arrondi à l’entier inférieur, c’est-à-dire 0). Le syndicat CGT de l’entreprise n’a présenté dans ce collège qu’un candidat masculin. La société a alors saisi, avec succès, le tribunal d’instance afin que la liste ainsi présentée soit déclarée irrégulière. Au nom des principes constitutionnels de liberté syndicale et de parité, la juridiction du fond avait estimé qu’en cas de pluralité de candidats, les syndicats ne pouvaient pas présenter de liste avec une candidature unique. Cependant, la chambre sociale casse le jugement en indiquant qu’en cas de décimale inférieure à 5, le syndicat se voit offrir pas moins de trois possibilités. Les deux premières possibilités découlent de l’article L. 2314-30 du code du travail. Celui-ci prévoit que, lorsque l’application de la règle de la décimale conduit à exclure totalement la représentation d’un sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Cette simple faculté a été mise en place par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2018 (Cons. const. 19 janv. 2018, n° 2017-686 QPC, D. 2018. 119 ; Constitutions 2018. 183, Décision  ; sur la conformité constitutionnelle de la représentativité proportionnée aux élections professionnelles, Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 15 mars 2018). On en déduit que le syndicat peut soit présenter un candidat de chaque sexe, étant précisé que le candidat du sexe sous-représenté ne pourra être tête de liste, soit présenter deux candidats du sexe surreprésenté. Toutefois, la chambre sociale va plus loin en aménageant une troisième possibilité, ce qui constitue une nouveauté. Désormais, il est admis dans cette configuration, qu’un syndicat puisse présenter un candidat unique du sexe surreprésenté. La Cour de cassation déroge ainsi à sa jurisprudence antérieure dans les situations où l’application de la règle de la décimale est susceptible d’aboutir, de toute façon, à l’absence de représentation du sexe sous-représenté.

Pareille exception à la présence sur les listes d’au moins un candidat de chaque sexe n’est applicable que lorsque l’absence de représentation d’un sexe résulte de la mise en œuvre des règles de proportionnalité et d’arrondi au regard du nombre légal de sièges à pourvoir. En revanche, l’exception ne vaut donc pas lorsque la représentation d’un sexe passe sous le seuil de 0,5, non pas dès l’origine mais lors du calcul opéré a posteriori pour la composition d’une liste incomplète (arrêt Fiducial).

Nombre de sièges à pourvoir supérieur à deux

Dans l’arrêt Fiducial, le protocole d’accord préélectoral prévoyait concernant le premier collège quatre sièges de titulaires à pourvoir dans le cadre de la mise en place du CSE. Le corps électoral se composait de 85 % de femmes ainsi que de 15 % d’hommes. Les organisations syndicales étaient donc tenues de présenter une liste respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège considéré. Au cas d’espèce, cela aurait dû entraîner la désignation d’un candidat de sexe masculin (4 x 15/100 = 0,6 arrondi à 1) et de trois candidates de sexe féminin (4 x 85/100 = 3,4 arrondis à 3). Cependant, le syndicat CFTC avait fait le choix de présenter une liste composée d’uniquement deux candidates, autrement dit ne comportant pas autant de candidats que de postes à pourvoir. Le tribunal d’instance saisi par la société Fiducial a décidé d’annuler l’élection de la deuxième élue du syndicat CFTC. Devant la Cour de cassation, ce dernier faisait néanmoins valoir dans l’un des moyens du pourvoi son droit de présenter des listes de candidats incomplètes. Sans dénier un tel droit, la chambre sociale précise toutefois que, dans de telles circonstances, « l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 provoquée par le nombre de candidats que l’organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s’agissant de textes d’ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été autrement représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir ». Autrement dit, la chambre sociale applique ici la règle de l’arrondi non pas au regard du nombre de sièges à pourvoir mais bien au regard du nombre de candidats présentés sur la liste syndicale (Soc. 17 avr. 2019, nº 17-26.724 P, D. 2019. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta  ; SSL 2019, n° 1863, p. 13, obs. M. Caro ; JSL 2019, n° 477-4, obs. Pacotte et Margerin ; JCP S 2019. 1191, obs. Y. Pagnerre). Or l’application de la règle de l’arrondi en fonction du nombre de candidats présentés (deux) sur une liste incomplète (pour les hommes, 2 x 15/100 = 0,30, soit une décimale inférieure à 5) et non en fonction du nombre de sièges à pourvoir (quatre) ne doit pas aboutir à exclure la représentation du sexe sous-représenté qui aurait été nécessairement représenté si la liste présentée comportait autant de candidats que de postes à pourvoir. Il convient alors que la liste composée de deux candidats comporte un candidat de l’un et de l’autre sexe. En conséquence, c’est à bon droit que le tribunal d’instance a décidé de l’annulation de la dernière élue du sexe surreprésenté sur la liste CFDT. Ainsi, la chambre sociale fait application d’une règle de parité aussi bien lorsque deux sièges sont à pourvoir (arrêt Locanor) que lorsqu’une liste incomplète comporte deux candidats dans une entreprise où l’application de la règle de représentation équilibrée aurait dû aboutir à une représentation des deux sexes (arrêt Fiducial). De la sorte, elle contre les stratégies syndicales visant à empêcher la représentation du sexe sous-représenté. En cela, cette solution ne peut qu’être saluée.

Dans l’arrêt Triverio, la configuration était différente de celle rencontrée dans l’arrêt Fiducial en ce sens que la règle de l’arrondi au regard du nombre de postes à pourvoir conduisait à ce qu’aucun siège ne soit attribué à une femme. En effet, six sièges devaient être pourvus et la répartition des sexes dans le premier collège était de 96 % d’hommes et de 4 % de femmes (6 x 4/100 = 0,24, arrondi à l’entier inférieur, soit 0). Dans ce cas, l’article L. 2314-30, dont les dispositions sont d’ordre public absolu, n’offre qu’une faculté à ceux qui constituent les listes de candidats. Ces dernières peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté mais « sans que les organisations syndicales y soient tenues ».

Office du juge en cas de composition irrégulière des listes de candidats

S’agissant des contestations relatives à la composition des listes de candidats, les arrêts Faurecia et Vente-Privée logistique (pourvoi n° 19-12.596) apportent plusieurs précisions utiles. Tandis que le premier ouvre la voie à un contentieux préélectoral en cas de méconnaissance de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes, le second oblige le juge à tenir compte des règles relatives aux ratures dans le contentieux postélectoral en cas de non-respect de la règle de l’alternance.

Faculté de saisir le juge en amont du scrutin à des fins de régularisation de la liste de candidats

Outre l’admission de candidatures uniques sous certaines conditions, l’arrêt Faurecia innove en admettant que les contestations portant sur la composition d’une liste syndicale puissent être effectuées avant le déroulement des élections. Alors même qu’une saisine du juge antérieurement à l’élection n’est pas prévue par la loi, la chambre sociale ouvre pourtant la voie à un contentieux préélectoral en cas de méconnaissance par le syndicat de son obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes (C. trav., art. L. 2314-30, al. 1er, 1re phrase). En effet, jusqu’à présent, seul un recours postélectoral pouvait être envisagé en vertu de l’article L. 2314-32 du code du travail. Dans le commentaire joint à l’arrêt Faurecia, la haute juridiction explique pourtant que « les recours préélectoraux sont, de manière générale, admis par la jurisprudence même lorsque la loi ne les évoque pas expressément. La raison en est pratique : s’il est possible, par une décision préélectorale, de résoudre un litige et permettre le cas échéant de régulariser préventivement une difficulté, cette procédure est préférable à celle qui, engagée après les élections, ne peut conduire qu’à l’annulation de ces dernières » (Lettre de la chambre sociale, déc. 2019).

Allant plus loin, la chambre sociale précise les pouvoirs du juge saisi en amont de l’élection pour irrégularité de la liste de candidats. Il résulte ainsi de l’arrêt Faurecia que le juge peut déclarer la liste de candidats irrégulière et reporter la date de l’élection après régularisation de celle-ci mais, à condition toutefois de statuer avant la tenue du scrutin. En effet, la saisine du juge n’ayant pas pour effet de suspendre les élections professionnelles, il se pourrait que le tribunal saisi avant l’élection statue postérieurement à cette dernière. Dans ce cas, le juge ne peut plus reporter la date de l’élection pour permettre la régularisation. Il peut en revanche faire usage de la sanction de l’annulation de l’élection des candidats concernés, dont il dispose dans le cadre d’un litige postélectoral (Soc. 17 avr. 2019, préc.) En l’occurrence, l’arrêt Faurecia rappelle que le tribunal pourra seulement annuler l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part d’hommes et de femmes que celle-ci devait respecter. Plus précisément, le juge devra dans ce cas, annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.

La prise en compte des ratures dans le contentieux postélectoral

Par l’arrêt Vente-Privée logistique, la chambre sociale précise enfin que pour l’application de la règle de l’alternance des candidats de chaque sexe sur la liste syndicale, le juge doit tenir compte de l’ordre des élus tel qu’il résulte le cas échéant de l’application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés. À cet égard, la chambre sociale rappelle l’article L. 2314-29 du code du travail aux termes duquel, lorsque le nom d’un candidat a été raturé, les ratures ne sont pas prises en compte si leur nombre est inférieur à 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste sur laquelle figure ce candidat. Dans ce cas, les candidats sont proclamés élus dans l’ordre de présentation.

En l’espèce, le syndicat CFTC avait présenté une liste de quatre candidats dans l’ordre suivant : une candidature féminine, deux masculines et une dernière, féminine. À l’évidence, cette liste ne respectait pas l’obligation d’alternance entre les candidats de chaque sexe. Toutefois, le syndicat se défendait en faisant valoir qu’à l’issue des élections ont bien été élus deux candidats de chaque sexe : Mme L…, placée en première position sur la liste de candidats et M. S…, figurant en troisième position sur cette même liste dans l’ordre des élus après prise en compte des ratures ayant exclu M. C…, placé en deuxième position.

Ce résultat pouvait-il régulariser une liste qui ne respectait pas, en amont de l’élection, la règle de l’alternance ? À cette question, la Cour de cassation répond, en l’occurrence, par la négative. Par conséquent, il y a de fortes chances que la juridiction de renvoi annule l’élection du candidat placé en troisième position mais élu en second du fait de l’application des règles relatives aux ratures. La candidate Mme M…, placée sur la liste en quatrième position, aurait donc dû figurer en troisième, et ce quand bien même l’application de la règle des ratures aurait pu entraîner l’élection de deux candidats du même sexe. Aussi, il ressort de l’arrêt Vente-Privée logistique que la légitimité électorale l’emporte sur l’objectif de parité.

Il convient toutefois de souligner que la réponse à la question posée aurait pu être différente dans un autre cas de figure. Par exemple, il a déjà été jugé qu’il n’y a pas lieu à annulation lorsque la liste, qui ne respecte pas la règle de l’alternance, comporte néanmoins la bonne proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats sont finalement élus (Soc. 9 mai 2018, n° 17-60.133 P, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. Actu. 1018  ; RJS 7/2018, n° 491 ; Lexbase Hebdo, éd. soc., 2018, n° 743, note G. Auzero ; 6 juin 2018, n° 17-60.263 P, D. 2018. Actu. 1261  ; RJS 8-9/2018, n° 553 ; JCP S 2018. 1248, obs. B. Bossu) Or tel n’était pas le cas dans l’arrêt Vente-Privée logistique, puisque Mme M…, placée en quatrième position, n’a pas été élue.

Rendus à la suite de l’examen en audience thématique de nombreux dossiers portant sur la mise en œuvre des dispositions des articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail (sur cette pratique, v. Lettre de la chambre sociale, déc. 2019, préc.), les arrêts du 11 décembre 2019 ont le mérite de donner des réponses plus lisibles et cohérentes en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes lors des élections professionnelles. Ces éclaircissements sont indispensables dès lors que de nombreuses entreprises sont engagées dans le nouveau processus électoral régi par les dispositions de l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Auteur d'origine: Dechriste

La question du périmètre de désignation des établissements distincts se révèle centrale en ce qu’elle conditionne la physionomie des institutions représentatives du personnel dans une entreprise. Aussi la naissance du Comité social et économique (CSE) a-t-elle été l’occasion pour le législateur de redéfinir les règles inhérentes à l’identification de ces périmètres, qui étaient jusqu’alors essentiellement jurisprudentielles. En l’absence d’accord collectif définissant ceux-ci, l’employeur devra en fixer le nombre et le périmètre, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement notamment en matière de gestion du personnel. Mais comment apprécier cette autonomie de gestion et comment s’opère désormais le contrôle de cette répartition unilatérale ? Les éléments de réponse se trouveront dans les premières interprétations jurisprudentielles de l’article L. 2313-4 du code du travail. Et c’est précisément sur ce terrain que se situent les enseignements de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 décembre présentement commenté.

En l’espèce, à la suite d’une négociation infructueuse destinée à mettre en place un ou plusieurs comités sociaux et économiques, l’employeur avait décidé unilatéralement de la mise en place de trois CSE dans l’entreprise, correspondant aux trois secteurs d’activité existant en son sein. Trois organisations syndicales ont contesté la décision auprès de l’administration du travail. Le DIRECCTE a, à la suite de cette saisine, fixé à 24 le nombre de CSE à mettre en place.

En réponse, l’employeur a formé un recours auprès du tribunal d’instance afin de ramener le nombre d’établissements distincts pour la mise en place du CSE à 3 et,...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Imaginons une « photo d’entreprise » ou un organigramme où, au lieu d’organiser les individus selon leur taille comme on peut le faire sur une photo de classe, on les organiserait selon leur positionnement dans l’entreprise (métier, niveau de responsabilité, rémunération). Une telle présentation des effectifs ne manquerait pas, dans certains secteurs, de faire apparaître une répartition genrée et ethnique des emplois et de matérialiser le « plafond » et les « parois » de verre qui limitent l’accès de certaines catégories de personnes à certains emplois. On verrait probablement que les femmes sont rares en « haut » de l’organigramme et que, dans certains secteurs (le nettoyage, le BTP), bas de la pyramide est principalement composé de personnes d’origines étrangères. Cette situation que l’on perçoit à l’œil nu est paradoxalement difficile à saisir par le droit en l’absence de statistiques permettant de transcrire cette réalité (la mesure est obligatoire pour le genre mais interdite pour l’origine « ethnique »). Elle est aussi compliquée à expliquer en raison des facteurs multiples qui ont pu conduire à une telle répartition des emplois. Les notions de discriminations directe et indirecte ne suffisent pas toujours à saisir la complexité des inégalités. Une autre notion en revanche permet d’appréhender le caractère plurifactoriel de ces situations : la discrimination systémique. Cette notion est, pour la première fois, à notre connaissance, employée en France dans le cadre d’un contentieux prud’homal ayant donné lieu à un jugement le 17 décembre 2019 du conseil de prud’hommes de Paris.

Dans cette affaire étaient en cause plusieurs entreprises du BTP (la filiale D de la société B ayant sous-traité le curage des bâtiments à la société Y) employant illégalement sur un même chantier vingt-cinq travailleurs d’origine malienne. Tous ces travailleurs, non déclarés, étaient affectés aux emplois les moins rémunérés mais aussi les plus difficiles et dangereux du chantier, dans des conditions où leur santé et leur sécurité n’étaient pas garanties par l’employeur (Y). À la suite de deux accidents du travail, l’inspection du travail ainsi que l’URSSAF sont intervenues. Un rapport de trois cents pages de l’inspection du travail détaille les irrégularités constatées : travail dissimulé, emploi de travailleurs dépourvus d’autorisation de travail, non-respect des règles de sécurité, etc. Des éléments suggérant l’existence d’une discrimination sont repérés par l’inspection du travail, mis en lumière par le Défenseur des droits intervenant à l’instance (décis. n° 2019-108, 19 avr. 2019) et finalement admis par le conseil de prud’hommes sous la qualification de « discrimination raciale et systémique ».

Le procédé ayant conduit à l’admission de cette « discrimination raciale et systémique » est un peu différent de ceux permettant de qualifier une discrimination directe ou indirecte.

Les conseillers prud’homaux rappellent tout d’abord l’ampleur de ce « système », à l’aide de l’ensemble des manquements relevés par l’inspection du travail, dans l’optique de démontrer l’« indignité » des conditions de travail : absence d’équipement de sécurité, non-respect des règles concernant les garde-corps sur les échafaudages utilisés, absence de salarié formé à la sécurité sur le chantier et pouvant contrôler les équipements, absence de suivi médical malgré l’inhalation de poussières nocives, etc., mais également à l’aide des témoignages consignés par l’inspection (par ex. : interdiction faite aux salariés de s’entraider ou de sécuriser leurs collègues).

Le conseil de prud’hommes s’appuie ensuite sur la décision n° 2019-108 du 19 avril 2019 du Défenseur des droits qui rappelle les nombreux fondements internationaux et nationaux de l’interdiction des discriminations et donne des définitions doctrinales et comparatistes de ce qu’est une « discrimination systémique ». On y retrouve par exemple un extrait du rapport sur les discriminations remis au ministère de la justice par Laurence Pécaud-Rivolier qui retient que c’est une « discrimination qui relève d’un système, c’est-à-dire d’un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts de rémunération ou d’évolution de carrière entre une catégorie de personnes et une autre… Cette discrimination systémique conjugue quatre facteurs : les stéréotypes et préjugés sociaux, la ségrégation professionnelle dans la répartition des emplois entre catégories, la sous-évaluation de certains emplois, la recherche de la rentabilité économique à court terme. La particularité de la discrimination systémique étant qu’elle n’est pas nécessairement consciente de la part de celui qui l’opère. A fortiori, elle n’est pas nécessairement décelable sans un examen approfondi des situations par catégories ».

Le conseil de prud’hommes reprend ensuite une étude réalisée dans le cadre d’un travail doctoral en sociologie (N. Jounin, Chantier interdit au public, La Découverte, 2009) décrivant et expliquant les causes de la ségrégation raciale constatée lors d’une enquête sur les entreprises du BTP. Ce travail démontre que la répartition des postes se fait non pas sur la base de la compétence ou de l’expérience, mais sur des considérations raciales. L’origine détermine le positionnement dans l’entreprise. À l’appui de sa démonstration, le conseil de prud’hommes remarque donc que « les fonctions de direction – en haut du système pyramidal – étaient quant à elles assurées par Messieurs A et J » et « l’enquête de l’inspection du travail fait apparaître l’existence d’une sorte de hiérarchie intermédiaire entre les travailleurs et la direction de l’entreprise en les personnes de messieurs D, deux frères d’origine maghrébine, représentant l’employeur sur le chantier et chargés de contrôler la bonne exécution des travaux ». On notera que les personnes de la direction sont nommées dans la décision, sans que leur origine ethnique soit précisée, là où toutes les autres sont « racisées ». Cela perturbe (le haut de la pyramide est-il composé d’une origine particulière, ce qui démontrerait l’organisation raciale de l’entreprise ?) mais aussi conforte la démonstration du caractère systémique de l’organisation (les conseillers, bien que tentant de démontrer l’existence d’une hiérarchie raciale, ne jugent pas nécessaire de préciser celle des dirigeants et font un usage sélectif – et probablement involontaire – des majuscules pour désigner ces « Messieurs »).

Ce phénomène de regroupement sur la base de la nationalité n’est cependant pas du seul fait de l’employeur, comme le remarque le sociologue Nicolas Jounin, il résulte aussi du contexte (postcolonial, puis des politiques migratoires) et des travailleurs qui, par cooptation, favorisent le recrutement de leur connaissance – bien souvent – de la même ethnie, origine ou famille qu’eux. Cette endogamie favorise les comportements racistes visant à nier les individualités : ainsi les travailleurs n’ont plus d’autres noms pour les employeurs et supérieurs hiérarchiques que « Mamadou ». L’individu étant réduit à son origine, la réification et l’interchangeabilité des travailleurs sont facilitées, de même que leur déshumanisation (refus de porter secours aux travailleurs accidentés).

Se pose cependant la question de savoir ce que cette notion de discrimination systémique permet de plus que les notions de discriminations directes et surtout indirectes. Au premier abord, il est difficile de voir l’intérêt réel de la notion. Le conseil de prud’hommes tente de l’expliquer à l’aide du travail de M. Jounin. La discrimination systémique permettrait selon lui de contourner plusieurs difficultés :

sur un chantier, il peut y avoir plusieurs entreprises et donc plusieurs employeurs (mais cet aspect n’est pas ici exploité) ;
 les méthodes de comparaison statistiques classiques sont inutilisables dans ce contexte du fait de l’absence de déclaration des travailleurs ;
 et, enfin, la comparaison est rendue délicate du fait de l’absence de travailleurs exerçant les mêmes fonctions.

Sur ce dernier point, les juges ont admis de longue date que la recherche de l’existence d’une discrimination directe ou indirecte n’implique pas nécessairement de procéder à une comparaison avec la situation d’autres salariés (Soc. 10 nov. 2009, n° 07-42.849, Dalloz actualité, 23 nov. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 2857 , obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 672, obs. O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, A. Fabre, I. Odoul-Asorey, T. Pasquier et G. Borenfreund ; Dr. soc. 2010. 111, obs. C. Radé ; RJS 2010, p. 14, n° 6 ; Dr. ouvrier 2010. 208, obs. Ferrer). Cependant, en l’absence de données statistiques, cette jurisprudence est difficile à concilier avec la présomption (Soc. 27 janv. 2015, nos 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773 [3 arrêts], Dalloz actualité, 6 févr. 2015, obs. M. Peyronnet ; D. 2015. 270, obs. C. C. cass. ; ibid. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; ibid. 2340, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2015. 237, étude A. Fabre ; ibid. 351, étude P.-H. Antonmattei ; RDT 2015. 339, obs. E. Peskine ; ibid. 472, obs. G. Pignarre ; SSL 2015, n° 1663, p. 7, obs. L. Pécaut-Rivolier ; RJS 3/2015, n° 172) qui existe encore (Soc. 3 avr. 2019, n° 17-11.970, Dalloz actualité, 11 avr. 2019, obs. M. Peyronnet ; D. 2019. 766 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ; Dr. soc. 2019. 447, étude C. Radé ; ibid. 559, étude J.-E. Ray ; RDT 2019. 498, obs. P. E. Berthier ; ibid. 578, obs. F. Rosa ; RJS 6/2019, n° 338, avis Berriat, p. 431 ; Dr. ouvrier 2019. 489, note Ferkane ; SSL 2019, n° 1858, p. 8, obs. O. Dutheillet de Lamothe ; JSL 2019, n° 476-1, obs. Hautefort ; JCP S 2019. 1134, obs. Loiseau ; ibid. 1135, obs. Cavallini) en matière d’égalité de traitement et permet de justifier que des travailleurs occupant des fonctions différentes soient traités différemment. La discrimination systémique permet de contourner cette difficulté en prenant pour point d’appui la situation d’un groupe identifié dans l’entreprise et non le traitement différent dont on peine à trouver le comparateur adéquat).

Comme le relève la décision du Défenseur des droits, ces traitements discriminatoires « ont été rendus possibles par une certaine hiérarchisation des fonctions ». Les notions de discrimination directe et indirecte étaient suffisantes sur le plan individuel pour que les travailleurs obtiennent satisfaction, mais elles ne permettaient pas de saisir l’ampleur de la discrimination subie. En démontrant que les travailleurs maliens étaient relégués en raison de leur origine et de la précarité induite par leur situation administrative (sur ce point, v. la discrimination multiple et indirecte retenue dans un cas similaire, mais individuel, Soc. 3 nov. 2011, n° 10-20.765, inédit mais cité par M. Mercat-Bruns in Le jeu des discriminations multiples, RDT 2013. 254 ) aux tâches les plus difficiles et dangereuses, ce que la discrimination systémique permet ici de démontrer, c’est l’existence d’une discrimination à l’embauche par le cloisonnement des individus à une catégorie d’emploi et non seulement dans le traitement infligé aux travailleurs après celle-ci. Ces travailleurs ne sont embauchés à aucun autre poste dans l’entreprise et n’évoluent pas. Si l’idée de ce cloisonnement existe depuis plusieurs années dans la jurisprudence française, c’est la première fois que les termes de « discrimination systémique » sont clairement employés (à l’inverse, la notion est courante dans la jurisprudence européenne, v. M. Mercat-Bruns, La discrimination systémique : peut-on repenser les outils de la non-discrimination en Europe ?, Rev. dr. homme).

Par ailleurs, l’ensemble des travailleurs maliens ont bénéficié de cette reconnaissance de la discrimination systémique. Une seule et même démonstration (s’appuyant sur un travail doctrinal et des enquêtes de l’inspection du travail, du Défenseur des droits et des syndicats) a permis la reconnaissance d’une discrimination qui est ici collective. La notion semble donc particulièrement adaptée à une action collective sur le fondement des articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail (mais les délais de ces actions sont incompatibles avec l’urgence sanitaire et sécuritaire de la situation). Le contentieux de l’espèce aurait sûrement pu relever des qualifications de discriminations directes (v. sur la discrimination consistant à modifier le prénom d’un salarié, Soc. 10 nov. 2009, n° 08-42.286, R. p. 345 ; D. 2009. 2857 , obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 672, obs. O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, A. Fabre, I. Odoul-Asorey, T. Pasquier et G. Borenfreund ; RDT 2010. 169, obs. T. Aubert-Monpeyssen ; RTD civ. 2010. 75, obs. J. Hauser ; RJS 2010. 14, n° 4 ; SSL 2009, n° 1422, p. 12) ou indirectes (traitement différent des travailleurs de ce chantier par rapport aux autres). La discrimination systémique, notamment parce qu’elle permet de saisir le cloisonnement professionnel, serait plus intéressante à mobiliser dans un contentieux contre l’État (par ex., telle population de tel territoire a moins de chance d’obtenir un emploi qualifié car elle ne bénéficie pas d’une éducation suffisante en raison du non-remplacement des professeurs absents qui font chuter les notes au bac et ne permettent pas d’entrer dans le supérieur…). Ce type de contentieux viserait moins à obtenir réparation qu’à contraindre l’État à adopter des mesures de correction. Or, en l’espèce, c’est clairement la réparation qui est recherchée et va être obtenue sur le plan collectif par l’addition des réparations individuelles.

Pour sanctionner cette discrimination systémique, les conseillers octroient au travailleur, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à douze mois de salaire. Cette somme est ici déconnectée du préjudice résultant de la rupture. Ce montant vient réparer le préjudice résultant du cloisonnement professionnel dès l’embauche et des conditions de travail auxquelles les salariés étaient injustement et illégalement soumis. La prise d’acte de la rupture réalisée par le salarié est motivée par ces manquements de l’employeur, il est donc intéressant de vérifier l’impact de cette reconnaissance d’une discrimination sur la rupture de la relation de travail.

À ce titre, on déplore que la prise d’acte n’ait pas été requalifiée en licenciement nul, compte tenu de la nature discriminatoire des actes qui l’ont motivée et alors même qu’une telle nullité aurait été possible et avait été demandée. Mais il n’est pas rare que les conseils de prud’hommes soient plus réticents à prononcer la nullité d’un licenciement que ne le sont les magistrats en appel (ou les juges départiteurs) et privilégient la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’absence de réponse des juges sur la demande de nullité formulée par le salarié entraîne toutefois de lourdes conséquences sur le plan indemnitaire, notamment au regard de l’application du barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. L’article L. 1235-3-2 a expressément prévu l’hypothèse où « la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l’employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article L. 1451-1 ». Dans ces cas, « le montant de l’indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l’article L. 1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d’un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1° à 6° de l’article L. 1235-3-1, pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même article L. 1235-3-1 ». Or l’absence de reconnaissance de cette nullité (malgré l’existence d’un motif de nullité) a conduit le conseil de prud’hommes de Paris à appliquer le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse à la rupture en octroyant un mois de salaire en raison de l’ancienneté inférieure à un an des travailleurs. Ce qui est contradictoire avec l’article L. 1235-3-1, qui prévoit que « l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article », à savoir, pour le cas d’espèce, « 1° la violation d’une liberté fondamentale » ou bien « 3° un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ». Le barème n’étant pas applicable « lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».

Si l’on en croit le conseil de prud’hommes de Paris, pour que le barème d’indemnisation soit écarté, il ne lui suffit pas de qualifier la nature discriminatoire des manquements, il doit aussi effectivement prononcer la nullité. Le seul fait de se trouver dans un cas ouvrant droit à la nullité ne suffit pas à écarter le barème, il faut que cette nullité soit effectivement prononcée. Outre le fait que la nullité des décisions fondées sur un motif discriminatoire est d’ordre public, on ne saurait admettre que la réparation octroyée au titre de la discrimination soit de nature à éliminer le bénéfice de l’article L. 1235-3-1. En effet, si un salarié fait une prise d’acte en raison du non-paiement de ses salaires, la prise d’acte pourra donner lieu à l’indemnisation pour l’absence de cause réelle et sérieuse mais le salarié pourra tout de même récupérer les salaires non versés. Pourquoi en serait-il autrement en matière de discrimination ? La réparation de la discrimination subie dans l’exécution du contrat ne devrait pas conduire à oublier la nature discriminatoire de sa rupture.

Si appel il y a, les suites de cette affaire devront donc être suivies de près car la confirmation ou l’infirmation de cette décision ne manqueront pas d’apporter quelques précieux éclaircissements à la notion de discrimination systémique, mais également au regard de l’« adéquation » de la réparation du préjudice lorsque l’absence de reconnaissance effective de la nullité conduit à l’application du barème malgré l’existence de faits discriminatoires.

Auteur d'origine: peyronnet

Destiné à une large publication, l’arrêt du 27 novembre 2019 opère un revirement partiel de jurisprudence en précisant que dans l’hypothèse où le juge judiciaire est saisi par un employeur d’une demande en inopposabilité d’un accord professionnel étendu, il ne doit en aucun cas vérifier que l’employeur, compris dans le champ d’application professionnel et territorial de cet accord en est signataire ou relève d’une organisation patronale représentative dans le champ de l’accord et signataire de celui-ci. L’arrêt précise également que le juge judiciaire ne peut pas non plus vérifier la représentativité des organisations syndicales signataires relevant du secteur de l’accord.

En l’espèce, la solution est rendue à l’occasion d’un litige sur le champ d’application d’un avenant à la convention collective nationale des bureaux d’étude. Pour rappel, les fédérations patronales Syntec et Cinov d’une part, et les organisations syndicales F3C CFDT, FIECI CFE-CGC, FO, CFTC/CSFV et CGT d’autre part, avaient conclu le 28 octobre 2009 un avenant nº 37 à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987. Prévoyant notamment l’intégration, dans le champ d’application de ladite convention, des activités d’analyses, essais et inspections techniques, cet avenant nº 37 avait fait l’objet d’un arrêté d’extension du 17 mai 2010 (JO 22 mai). Rappelons que cette technique permet de rendre obligatoire l’application de l’accord de branche à toutes les entreprises relevant de son champ d’application professionnel et géographique, peu important qu’elles aient adhéré ou non à une organisation patronale signataire ou adhérente (C. trav., art. L. 2261-15). Malgré le recours à l’extension, la cour d’appel avait en l’espèce satisfait aux demandes en inopposabilité émanant de trois entreprises de l’avenant n° 37 et ce, au motif qu’elles n’étaient pas adhérentes aux organisations patronales signataires et qu’aucune...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Il est bien acquis que le salarié dispose de douze mois, à partir de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, pour contester la procédure de licenciement préalable à l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), la rupture de son contrat de travail ou son motif (Soc. 17 déc. 2013, n° 12-23.726, D. 2014. 23 ; Soc. 17 mars 2015, n° 13-26.941, D. 2015. 736 ; RDT 2015. 328, obs. A. Fabre ). Toutefois, ce délai restreint ne lui est opposable que s’il en a été fait mention dans la proposition de CSP (C. trav., art. L. 1233-67). Mais qu’en est-il lorsque ce délai n’est pas mentionné expressément et directement dans la proposition de CSP, mais dans un document annexe ? C’est précisément autour de cette question que s’est cristallisé le raisonnement ayant donné lieu l’arrêt du 11 décembre 2019 présentement commenté.

En l’espèce, une cadre commerciale a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement économique, à la suite duquel elle reçut une lettre lui présentant les motifs économiques de la rupture et lui proposant un contrat de sécurisation professionnelle, qu’elle accepta deux semaines plus tard. L’employeur lui notifia de nouveau et quelques jours après les motifs de la rupture, en précisant qu’elle disposait d’un délai d’un an pour contester celle-ci. La salariée saisit les...

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Auteur d'origine: Dechriste

C’est une majorité mais on ne peut pas non plus parler d’un raz-de-marée. Sur cinquante-sept décisions de conseil de prud’hommes qui ont statué sur la validité du barème Macron, trente-deux ont écarté le dispositif, contre vingt-deux jugements qui l’ont validé. Ce qui revient environ à 38 % des décisions dans le sens du barème. La formation de départage de Louviers avait, dans trois jugements rendus dans la période, sursis à statuer avant l’avis de la Cour de cassation.

55 % des prud’hommes contre le barème sous présidence salariée

De même, la composition du tribunal a-t-elle joué un rôle déterminant ? Pas si sûr. Les chiffres montrent que, sur les vingt-deux jugements listés en faveur du barème, onze ont été rendus avec une présidence « employeur ». Soit 50 %. Cinq d’entre eux étaient en départage, soit rendus par un juge professionnel. Enfin, six conseils prud’homaux avaient un...

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Auteur d'origine: tcoustet
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La seule absence de réalisation d’un risque permet-elle de déduire que l’employeur a pris toutes les mesures propres à prévenir ce risque ? La Cour de cassation répond par la négative dans un arrêt du 27 novembre 2019, en rappelant la distinction à établir, en droit du travail, entre prévention des risques suspectés et réparation du risque réalisé.

Une salariée qui, durant un arrêt de travail pour maladie, avait alerté son entreprise sur des problèmes de santé liés au travail et s’était plainte d’un harcèlement moral qu’elle subissait de la part de sa supérieure hiérarchique a été plus tard licenciée pour insuffisance professionnelle. Elle a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir déclarer nul le licenciement faisant suite à sa dénonciation d’un harcèlement moral et de condamner la société au paiement de diverses sommes, notamment pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité. La cour d’appel de Paris, le 15 novembre 2017, tout en déclarant nul le licenciement de la salariée, l’a déboutée de ses demandes en dommages-intérêts. Elle considérait notamment que le manquement à l’obligation de sécurité ne pouvait être retenu dès lors que les faits litigieux n’avaient pas reçu la qualification de harcèlement moral. Pour écarter cette qualification, elle avait constaté que la salariée démontrait avoir alerté son employeur sur des faits de harcèlement moral, sans toutefois établir la réalité des agissements reprochés. La salariée a formé un pourvoi en cassation, reprochant notamment aux juges du fond de ne pas avoir tenu compte du fait que l’employeur n’avait organisé aucune enquête interne alors qu’il était avisé de faits éventuels de harcèlement.

Tout en rappelant le pouvoir souverain d’appréciation par les juges du fond des éléments de fait et preuve en matière de harcèlement moral (Soc. 8 juin 2016, n° 14-13.418, Dalloz actualité, 21 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1257 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; JA 2016, n° 546, p. 12, obs. X. Aumeran ; JT 2016, n° 190, p. 15, obs. X. Aumeran ), la chambre sociale casse la décision d’appel en ce qu’elle déboutait la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

L’autonomie des dispositions légales relatives au harcèlement moral vis-à-vis de celles portant sur l’obligation de sécurité de l’employeur n’est pas nouvelle. Un salarié victime de harcèlement moral peut, en effet, demander la réparation du préjudice subi, d’une part, de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement et, d’autre part, des conséquences du harcèlement effectivement subi (Soc. 19...

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Auteur d'origine: Dechriste

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Aux lecteurs assidus mais malgré tout très occupés, il est peut-être temps de rattraper des articles mis de côté.

Et nous vous donnons rendez-vous le lundi 6 janvier 2020. Merci de votre fidélité et joyeuses fêtes. 

Auteur d'origine: babonneau
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La recevabilité d’une action en contestation d’une décision de l’inspecteur du travail qui autorise ou refuse le licenciement d’un salarié protégé est une question technique, impliquant d’avoir bien identifié les différents éléments qui conditionnent l’opposabilité du délai de recours (contenu et date de la notification, point de départ, durée, date et forme d’introduction de la requête, etc.). Ces questions avaient déjà fait l’objet de précisions en jurisprudence (v. en part. CE 7 déc. 2015, n° 387872, Lebon ; AJDA 2015. 2410 ), précisions que vient nous confirmer l’arrêt du 18 novembre 2019 rendu par le Conseil d’État.

Une salariée protégée licenciée pour faute a entendu contester la décision de l’inspectrice du travail qui avait autorisé son licenciement. À cette fin, elle saisit en premier lieu le ministre chargé du travail d’un recours hiérarchique. Celui-ci fit l’objet d’un accusé de réception mais demeura toutefois sans réponse expresse, de sorte à faire naître une décision implicite de rejet.

L’intéressée saisit alors la juridiction administrative d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des décisions administratives, le jour même de l’expiration du délai de recours. Or la requête ne comportait l’exposé d’aucun moyen et n’était donc pas proprement motivée. La requérante ne disposant plus du délai utile pour régulariser sa demande, celle-ci se vit rejetée par le tribunal administratif, décision que confirma ensuite la cour administrative d’appel. Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État était amené à se prononcer sur l’opposabilité des délais de recours contre les décisions en matière de licenciement d’un salarié protégé.

Les hauts magistrats vont rejeter le pourvoi, en prenant préalablement le soin de décrire clairement les règles en matière de délais de recours contre les décisions administratives rendues en matière de licenciement de salariés protégés.

Ainsi précisent-ils, sur le fondement des articles R. 421-5 du code de justice administrative et 18 et 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qu’en cette matière, les délais de recours ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l’accusé de réception de la demande l’ayant fait naître si elle est implicite.

Et l’espèce réunissait précisément les deux hypothèses en enchaînant une décision expresse de l’inspectrice du travail et une décision implicite de la ministre du travail saisie sur recours hiérarchique, dont il avait été donné accusé de réception comportant l’ensemble des informations nécessaires concernant les délais de recours.

Pouvait néanmoins se poser la question de savoir si ces règles d’opposabilité ont vocation à s’appliquer au recours hiérarchique auprès du ministre du travail, dans la mesure où celui-ci n’est pas un préalable obligatoire au recours contentieux et n’a pas vocation à se substituer à la décision de l’inspectrice du travail.

Le Conseil d’État dissout l’incertitude sans équivoque en reprécisant que ces conditions d’opposabilités sont également applicables à ce recours hiérarchique.

Dès lors que l’accusé de réception du recours hiérarchique de la salariée protégée répondait aux conditions, l’intéressée disposait donc, pour contester la décision de l’inspectrice du travail, d’un délai de deux mois à compter de la décision implicite de la ministre du travail.

Est-ce à dire que, si l’accusé de réception ne comporte pas les mentions ad hoc concernant les voies et délais de recours, le délai de recours devient indéfiniment inopposable au salarié, qui pourra saisir le tribunal administratif n’importe quand, et éventuellement des années plus tard ? Bien qu’une telle solution semble pouvoir se déduire de l’article R. 421-5 du code de justice administrative, le Conseil d’État a tenu à nuancer cette inopposabilité des délais de recours en l’absence d’information du justiciable au nom du principe de sécurité juridique, en décidant que la saisine devait intervenir dans un délai « raisonnable ». Sauf circonstances particulières ou textes spécifiques, ce délai ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse a été notifiée au requérant ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance (CE 13 juill. 2016, n° 387763, Dalloz actualité, 19 juill. 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les concl.  ; AJDA 2016. 1479 ; ibid. 1629, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; AJFP 2016. 356, et les obs. ; AJCT 2016. 572, obs. M.-C. Rouault ; RDT 2016. 718, obs. L. Crusoé ; RFDA 2016. 927, concl. O. Henrard ; RTD com. 2016. 715, obs. F. Lombard ).

Précisons par ailleurs que, pour que la requête soit recevable, il faut non seulement qu’elle soit déposée avant l’expiration du délai de recours susévoqué, mais aussi et surtout que cette requête contienne l’exposé de moyens ou soit régularisée par dépôt d’un mémoire avant l’expiration du même délai (CJA, art. R. 411-1). C’est précisément ce dernier point qui faisait défaut en l’espèce et qui a justifié l’irrecevabilité de la demande de la salariée.

En somme, le salarié qui entend contester la décision de l’inspecteur du travail autorisant son licenciement pourra exercer un recours hiérarchique et/ou contentieux directement contre cette décision en respectant le délai de recours courant à compter de la notification de cette décision, à condition que celle-ci mentionne les voies et délais de recours. Dans l’éventualité d’un recours hiérarchique, celui-ci devra faire l’objet d’un accusé de réception mentionnant les voies et délais de recours qui lui sont propres pour rendre ceux-ci opposables au salarié. En cas de rejet par le ministre du travail (exprès ou implicite), le délai de recours juridictionnel contre cette décision, indépendant de celui concernant celle de l’inspecteur du travail, court à compter de cette seconde décision (expresse ou implicite).

Enfin et en toute hypothèse, c’est bien une requête régulière, comportant en particulier un exposé des moyens, qui doit intervenir avant expiration des délais afin d’échapper au prononcé de l’irrecevabilité. 

Auteur d'origine: Dechriste

La salariée d’une association créée pour développer l’enseignement confessionnel et comptant plusieurs établissements scolaires adressa un courriel à différents destinataires (dont différents responsables de l’association et l’inspecteur du travail) intitulé « agression sexuelle, harcèlement sexuel et moral » dans lequel elle mettait en cause le vice-président de cette association. Ce dernier la fit citer devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique envers un particulier. La salariée fut déclarée coupable, puis la cour d’appel (Paris, 21 nov. 2018) confirma sa condamnation à 500 € d’amende avec sursis. Elle s’est alors pourvue en cassation, contestant la régularité de la citation délivrée par la partie civile au regard de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse en raison d’une prétendue erreur concernant la date des propos incriminés ainsi que sa condamnation, la salariée estimant qu’elle aurait dû être exonérée de sa responsabilité pénale car elle avait dénoncé des faits de harcèlement dans les conditions prévues aux articles L. 1152-2, L. 1153-3 et L. 4131-1, alinéa 1er, du code du travail.

Sur le respect des conditions posées par l’article 53 de la loi de 1881, la chambre criminelle s’estime en mesure de s’assurer que « la citation comport[ait] la reproduction des passages incriminés et reprochés à [la prévenue], expos[ait] les modalités de leur diffusion en précisant, à deux reprises dans les motifs de l’acte de poursuite et par l’une des pièces qui lui ont été jointes, la date de cette diffusion, les qualifi[ait] et vis[ait] les textes applicables » (sur la citation directe en matière de presse, v. Rép. pén., v° Presse : procédure, par P. Guerder, nos 491 s.). Elle en déduit qu’« il n’existe aucune incertitude sur les faits objet de la...

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Auteur d'origine: lavric
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Une salariée, engagée en 2005 par la République du Ghana en son ambassade à Paris, en qualité de secrétaire bilingue, a été licenciée pour faute grave en 2009. Alors qu’elle avait saisi la juridiction prud’homale française en contestation de la validité de son licenciement, la République du Ghana a opposé le principe d’immunité de juridiction.

Cette règle de « droit international coutumier » (selon les termes utilisés par les juges dans la présente décision), reprise par différents textes (v. Conv. de Vienne, 18 avr. 1961, sur les relations diplomatiques ; Conv. de Vienne, 24 avr. 1963, sur les relations consulaires ; TUE et TFUE, protocole n° 7 sur les privilèges et l’immunité de l’Union européenne ; Conv. des Nations unies, 2 déc. 2004, sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens), prive le juge saisi de son pouvoir de statuer. Elle peut être invoquée par un État lorsque l’acte donnant lieu au litige participe, par sa nature et sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de cet État et n’est donc pas un acte de gestion (v. Civ. 1re, 9 mars 2011, n° 09-14.743, Dalloz actualité, 25 mars 2011, obs. S. Lavric ; D. 2011. 890, obs. I. Gallmeister ; Rev. crit. DIP 2011. 385, avis P. Chevalier ; ibid. 401, rapp. A.-F. Pascal ). Cette règle s’applique en droit social, empêchant par exemple un État de se prévaloir du principe d’immunité de juridiction dans un contentieux relatif au refus de déclarer un professeur au régime français de protection sociale, ce refus constituant un acte de gestion administrative (Cass., ch. mixte, 20 juin 2003, n° 00-45.629, D. 2003. 1805, et les obs. ; Rev. crit. DIP 2003. 647, note H. Muir Watt ; v. aussi Soc....

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Auteur d'origine: Dechriste

Mme A. a bénéficié du revenu de solidarité active (RSA) du 1er mai au 31 juillet 2014. Au vu d’une demande d’aide au logement, mentionnant une vie de couple depuis mars 2014, la caisse d’allocations familiales a décidé de récupérer un indu de RSA. Sa demande de remise gracieuse ayant été rejetée, Mme A. a saisi le tribunal administratif qui a rejeté sa demande.

Le code de justice administrative comporte aux articles R. 772-5 à R. 772-10 des dispositions particulières applicables à la présentation, à l’instruction et au jugement des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

Pas de rejet immédiat de la requête

Il résulte de ces dispositions « tout d’abord que le juge ne peut rejeter une requête entrant dans leur champ d’application au motif qu’elle ne comporte l’exposé d’aucun moyen ou qu’elle ne comporte que des...

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Auteur d'origine: emaupin
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Dans une décision du 4 décembre, la juridiction administrative clôt une année riche de jurisprudences en matière de revenu de solidarité active (RSA), en précisant cette fois-ci la nature juridique du contrat d’insertion professionnelle conclu entre le bénéficiaire du RSA et le département.

Le contrat d’insertion n’est pas un contrat de droit public

En l’espèce, une bénéficiaire du RSA avait conclu avec le conseil départemental du Bas-Rhin, tel que le prévoient les articles L. 262-35 et L. 265-36 du code de l’action sociale et des familles, un document intitulé « contrat d’engagement » dans lequel figuraient ses obligations de recherches d’emploi, en contrepartie du versement du RSA. Après avoir constaté que la bénéficiaire n’était pas inscrite à Pôle emploi, le département du Bas-Rhin en a déduit un manquement à ces obligations et a procédé à la suspension du versement des droits. La bénéficiaire a alors saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation du contrat initial.

Le Conseil d’État commence par censurer sévèrement, au titre de la méconnaissance du champ de la loi, le tribunal administratif de Strasbourg qui a qualifié le « contrat d’engagement » de contrat de droit public. La haute juridiction précise en effet que « l’obligation de conclure un contrat librement débattu, prévue aux articles L. 262-35 et L. 265-36 du code de l’action sociale et des familles, n’a ni pour objet ni pour effet de placer le bénéficiaire du revenu de solidarité active dans une situation contractuelle vis-à-vis du département qui lui verse ce revenu ».

Cette clarification ne manque pas de faire écho à la décision du 15 juin 2018 qui a précisé les types d’engagements qui peuvent, après une élaboration personnalisée avec le bénéficiaire, être légalement prévus dans le contrat. Cette décision intervenait en réaction à certains élus locaux de soumettre automatiquement les bénéficiaires du RSA à une action de bénévolat en contrepartie (CE 15 juin 2018, n° 411630, Haut-Rhin [Dpt], Dalloz actualité, 22 juin 2018, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2018. 1247 ; JA 2018, n° 583, p. 3, édito. B. Clavagnier ; ibid., n° 583, p. 9, obs. D. Castel ; AJCT 2018. 511, obs. P. Jacquemoire ; ibid. 2019. 325, étude A. Lapray ; RDSS 2018. 706, note H. Rihal ).

Le contrat d’insertion n’est pas susceptible de recours

Après avoir censuré le raisonnement du tribunal, le Conseil d’État rejette néanmoins le pourvoi formé par la requérante, en substituant aux motifs erronés du jugement une irrecevabilité nouvellement créée. En effet, le Conseil d’État énonce que, « si le contenu [du contrat] peut être discuté, le cas échéant, à l’occasion d’un recours formé contre une décision de suspension du versement du revenu de solidarité active […], ce document n’a pas le caractère d’un acte faisant grief ». Il condamne donc la requête à l’irrecevabilité, faute d’être dirigée contre une décision insusceptible de recours.

Cette décision intervient quelques mois après que le Conseil d’État a considéré que la mise en demeure de payer l’indu de RSA constitue un acte préparatoire insusceptible de recours, dans la mesure où elle intervient entre la décision de récupération et la décision de contrainte si le remboursement n’a pas eu lieu dans le délai imparti, qui sont toutes les deux susceptibles de recours (CE 10 juill. 2019, n° 415427, Dalloz actualité, 23 juill. 2019, obs. C. Biget ; Lebon ; AJDA 2019. 1481 ; RDSS 2019. 951, obs. Y. Dagorne-Labbe ).

Sont considérées comme des actes ne faisant pas grief les décisions administratives dont les effets sur la situation juridique du destinataire sont faibles ou difficilement perceptibles. Tel est le cas traditionnellement des actes préparatoires, des mesures d’ordre intérieur ou des directives dépourvues de caractère impératif (CE 3 mai 2004, n° 254961, Comité anti-amiante Jussieu, Lebon ; D. 2004. 1644 ).

Cette qualification à l’encontre des actes administratifs qui se bornent à formuler des recommandations dépourvues d’effet juridique, ou qui n’emportent aucune obligation, est empreinte d’une logique incontestable. Néanmoins, une telle solution paraît moins intuitive, notamment en l’absence de motivation par le Conseil d’État, lorsqu’elle est appliquée à un contrat qui fixe des obligations d’insertion professionnelle, dont le manquement peut être sanctionné par la suspension du versement de droits sociaux. D’ailleurs, le même jour que cette décision, le Conseil d’État a reconnu la possibilité de déférer au juge de l’excès de pouvoir une recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (CE 9 déc. 2019, n° 416798, Dalloz jurisprudence) ainsi qu’un avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (CE 4 déc. 2019, n° 415550, Dalloz jurisprudence).

Cette position contraste, en premier lieu, avec le double mouvement libéral de déconstruction des mesures d’ordre intérieur en tant que catégorie d’actes ne faisant pas grief et d’élargissement du recours en excès de pouvoir à l’encontre de nouvelles formes d’actes administratifs. Sur ce dernier point en témoigne par exemple la possibilité désormais consacrée de contester une déclaration orale (CE 15 mars 2017, n° 391654, Association Bail à part, tremplin pour le logement, Dalloz actualité, 21 mars 2017, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2018. 53 , note C. Blanchon ; ibid. 2017. 601 ; D. 2017. 1149, obs. N. Damas ; AJDI 2017. 282 , obs. F. de La Vaissière ; Constitutions 2017. 280, chron. L. Domingo ), une recommandation de bonne pratique (CE 16 déc. 2016, n° 392557, Fondation Jérôme Lejeune, Lebon ; AJDA 2017. 500 ), ou un acte de droit souple (CE 13 juill. 2016, n° 388150, GDF Suez (Sté), Dalloz actualité, 20 juill. 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2016. 1481 ; ibid. 2119 , note F. Melleray ; 20 juin 2016, n° 384297, Fédération française des sociétés d’assurances, Lebon ; D. 2016. 2305, obs. D.R. Martin et H. Synvet ).

Cette position contraste également, en second lieu, avec les garanties de forme et de procédure récemment accordées par la juridiction au profit des bénéficiaires du RSA. En effet, dans deux décisions rendues le 8 juillet 2019, le Conseil d’État a rappelé l’obligation faite aux agents de contrôle d’être assermentés et agréés (CE 8 juill. 2019, n° 422162, Lebon ; AJDA 2019. 1428 ), a soumis la décision de récupération d’indu à l’obligation de motivation et a conditionné la légalité des amendes au respect du principe du contradictoire (CE 8 juill. 2019, n° 420732, Lebon ; AJDA 2019. 1427 ).

En indiquant que le contenu du contrat d’insertion peut être utilement discuté à l’occasion d’un recours formé contre la décision de suspension du versement du RSA, le Conseil d’État renvoie au requérant désireux de contester son contrat le soin d’exercer un recours une fois que ses droits ont été suspendus. Encore faudra-t-il sûrement, en cas de pluralité d’engagements prévus au contrat et pour que la mécanique de l’exception d’illégalité s’opère, que l’obligation dont le manquement par le bénéficiaire a justifié la suspension du RSA soit la même qui entache d’illégalité le contrat d’insertion. Mais, alors même que l’actualité récente a prouvé la nécessité du contrôle juridictionnel des obligations que les départements envisagent de mettre à la charge des bénéficiaires du RSA (la question de la nature juridique du contrat d’insertion ne s’était pas posée à l’occasion de la décision précitée du 15 juin 2018 puisque la décision attaquée était alors une délibération du conseil départemental qui avait approuvé le principe de l’instauration d’un dispositif de service individuel bénévole), une annulation d’une décision de suspension de RSA ne pourra pas entraîner l’annulation d’une éventuelle clause abusive.

Auteur d'origine: pastor
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La non-reconduction d’un CDD saisonnier en violation d’une clause de reconduction conventionnelle peut-elle s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

La question n’est pas nouvelle et avait déjà fait l’objet d’une réponse jurisprudentielle. Il a en effet été jugé que la clause contractuelle de reconduction envisagée par l’article L. 122-3-15 - devenu L. 1244-2 - a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une « priorité d’emploi en faveur du salarié », et « ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée » (Soc. 30 mai 2000, n° 98-41.134, D. 2000. 174 ; Dr. soc. 2000. 768, obs. C. Roy-Loustaunau , ou dernièrement, Soc. 8 juill. 2015, n° 14-16.330, Dalloz actualité, 14 sept. 2015, obs. J. Siro  ; D. 2015. 1546 ; Dr. soc. 2016. 9, chron. S. Tournaux ). C’est dans le prolongement de ces solutions que vient s’inscrire la décision du 20 novembre 2019.

En l’espèce, un salarié employé en qualité de chauffeur d’engin de damage sur un domaine skiable, suivant une succession de contrats à durée déterminée saisonniers a, plusieurs dizaines d’années après, reçu notification de la non-reconduction de son dernier contrat pour motif réel et sérieux. Cette circonstance l’a conduit à saisir les juridictions prud’homales d’une demande en requalification de ses contrats en CDI, dont la rupture devait s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel fit droit à sa demande, au motif que les renouvellements...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Une cour d’appel ne saurait débouter la salariée n’ayant pas été réintégrée dans son précédent emploi à l’issue d’un congé parental d’éducation de ses demandes au titre de la discrimination liée à son état de grossesse sans rechercher si, eu égard au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes qui choisissent de bénéficier d’un tel congé, la décision de l’employeur de ne confier à la salariée, au retour de son congé parental, que des tâches d’administration et de secrétariat sans rapport avec ses fonctions antérieures de comptable ne constituait pas un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison du sexe et si cette décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il résulte des statistiques nationales datées du mois de mars 2016 qu’en France, 96 % des travailleurs prenant un congé parental sont des femmes (CJUE 8 mai 2019, aff. C-486/18, Praxair, pt. 82 citant les conclusions de l’avocat général de la Cour de cassation à l’origine de la question préjudicielle dans l’affaire Praxair, AJDA 2019. 1641, chron. H. Cassagnabère, P. Bonneville, C. Gänser et S. Markarian ; RTD eur. 2019. 693, obs. S. Robin-Olivier  ; v. Soc. 11 juill. 2018, n° 16-27.825, D. 2018. 1557 ; RTD civ. 2019. 67, obs. P. Deumier ; RTD eur. 2019. 416, obs. A. Jeauneau ; JCP S 2018. 1275, note J.-P. Lhernould). Ces résultats statistiques ont exercé une influence considérable dans la solution de l’arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la chambre sociale.

En l’espèce, Mme M…, engagée en qualité de comptable par la société Kiosque d’or, a bénéficié d’un congé parental à temps plein de près de trois ans, du 2 juillet 1998 au 23 avril 2001, date à laquelle elle a repris son travail. Toutefois, lors de son retour de congé parental, celle-ci s’est principalement vue confier des tâches subalternes, d’administration et de secrétariat sans rapport avec ses fonctions antérieures, l’employeur ayant décidé de maintenir le remplaçant de Mme M… à l’unique poste de comptable de l’entreprise. Son contrat de travail ayant été transféré quelques années plus tard, la salariée a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique pour avoir refusé sa mutation dans un autre secteur géographique (Soc. 4 juill. 2012, n° 11-17.986, inédit, statuant sur les demandes de la même salariée au titre d’un harcèlement moral). L’ancienne salariée a alors saisi la juridiction prud’homale de plusieurs demandes d’indemnisation à l’encontre de son précédent employeur, auquel elle reprochait, outre des faits de harcèlement moral (arrêt préc. ; Soc. 14 oct. 2015, n° 14-25.773, inédit), une violation de son obligation de réemploi applicable au retour d’un congé parental, qui, d’après Mme M…, était également discriminatoire. À ce titre, elle réclamait pour la première fois devant la cour d’appel de Lyon une indemnisation à hauteur de 30 000 € pour une discrimination liée à son état de grossesse.

Le manquement de l’employeur aux dispositions issues de l’article L. 1225-55 du code du travail ne faisait aucun doute en l’espèce, puisqu’aux termes de ce même article, le salarié, de retour d’un congé parental d’éducation, retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (Soc. 19 juin 2013, nº 12-12.758 P, Dalloz actualité, 9 juill. 2013, note C. Fleuriot ; D. 2013. 1629 ; Dr. soc. 2014. 11, chron. S. Tournaux ; JCP S 2013. 1407, note T. Passerone ; JS Lamy 2013, n° 349, p. 8, obs. F. Lalanne ; CSB 2013, n° 254, p. 266, obs. J. Icard). Par ailleurs, la notion d’emploi « similaire » exclut toute modification contractuelle ou attribution de tâches de qualification moindre (Soc. 17 mars 2010, n° 08-44.127 P). Ainsi, l’inobservation par l’employeur de son obligation de réintégration du salarié sur le même emploi ou sur un emploi similaire à l’issue de son congé parental peut donner lieu au profit de ce dernier, à l’attribution d’une indemnité (C. trav., art. L. 1225-71). C’est la raison pour laquelle la cour d’appel de Lyon a octroyé une indemnisation de 5 000 € à l’ancienne salariée de la société Kiosque d’or. Il n’empêche toutefois que la cour d’appel de Lyon a rejeté les demandes de l’ancienne salariée au titre d’une discrimination liée à son état de grossesse. L’indemnisation accordée étant uniquement fondée sur une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Plus qu’une exécution déloyale du contrat de travail, le manquement de l’employeur à son obligation de réemploi de la salariée à l’issue de son congé parental ne pourrait-il pas s’analyser comme un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination et, qui plus est, d’une discrimination indirecte en raison du sexe ? En l’espèce, c’est parce que les juges du fond n’ont pas reconnu une présomption de discrimination que l’arrêt rendu en appel est en partie censuré pour défaut de base légale. La solution mérite approbation dès lors que la Cour de cassation avait précisé dans un arrêt antérieur qu’« une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un sexe donné par rapport à d’autres personnes » (Soc. 6 juin 2012, n° 10-21.489 P, Dalloz actualité, 5 juill. 2012, obs. B. Ines ; D. 2012. 1619 ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1235, obs. REGINE ; Dr. soc. 2012. 813, rapp. H. Gosselin ; RDT 2012. 496, obs. M. Miné ). Or, observe la Cour de cassation dans la motivation de l’arrêt commenté, parmi les travailleurs faisant le choix de bénéficier d’un congé parental, il y a un nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes. Une telle observation explique pourquoi la chambre sociale se prononce en faveur de la reconnaissance d’une présomption de discrimination indirecte en raison du sexe. Il en ressort que, devant la cour d’appel de renvoi, l’employeur devra satisfaire à son exigence d’objectivité pour justifier la différence de traitement observée puisqu’il sera obligé d’avancer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination pour expliquer cette inégalité de traitement (C. trav., art. L. 1134-1).

Ce qui rend l’arrêt du 14 novembre 2019 encore plus remarquable, c’est l’engagement affiché par la chambre sociale de faire respecter l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes au travail, en l’occurrence, lorsqu’une salariée est de retour d’un congé parental. En témoigne la substitution du critère de discrimination illicite fondée sur le sexe opérée en l’espèce par les magistrats alors que la salariée invoquait l’existence d’une discrimination liée seulement à son état de grossesse. L’argument statistique tiré de ce que l’immense majorité des travailleurs ayant fait le choix de bénéficier d’un congé parental sont des femmes pourrait expliquer pareille substitution et, partant, la volonté de faire respecter l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes au travail.

Mais, au-delà des résultats statistiques, l’arrêt du 14 novembre 2019 est une illustration de l’influence qu’exerce le droit communautaire sur la Cour de cassation en matière d’égalité de traitement entre les travailleurs des deux sexes. En témoignent les dispositions citées au visa de l’arrêt. En effet, la haute juridiction s’appuie d’abord sur l’ancien article L. 122-45 du code du travail en vigueur au moment des faits du litige (C. trav., actuel art. L. 1132-1, issu de L. n° 2001-1066, 16 nov. 2001 relative à la lutte contre les discriminations, texte transposant la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, art. 1), puis sur l’accord-cadre relatif au congé parental figurant à l’annexe de la directive 96/34/CE, du Conseil, du 3 juin 1996, applicable au moment du litige (accord-cadre du 14 déc. 1995 annexé à dir. 96/34/CE, 3 juin 1996, remplacée par dir. 2010/18/UE, 8 mars 2010, l’accord-cadre sur le congé parental ayant été révisé par un accord signé le 18 juin 2009).

La référence à la jurisprudence communautaire en dessous du visa témoigne plus vigoureusement encore de l’engagement de la Cour de cassation en faveur du respect par l’employeur de l’égalité de traitement entre hommes et femmes au travail en particulier, à l’issue d’un congé parental (CJUE 22 oct. 2009, Meerts, aff. C-116/08, pts 35 et 37 ; 27 févr. 2014, aff. C-588/12, pts 30 et 32, RTD eur. 2014. 530, obs. S. Robin-Olivier  ; 8 mai 2019, Praxair, aff. C-486/18, pt 41, préc.). En effet, à travers ces décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour de cassation se réfère plus précisément à certaines dispositions générales de l’accord-cadre sur le congé parental précité ayant pour finalité l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes. Ainsi, la chambre sociale rappelle qu’il ressort du premier alinéa du préambule de l’accord-cadre sur le congé parental et du point 5 des considérations générales de celui-ci que cet accord-cadre constitue un engagement des partenaires sociaux, représentés par les organisations interprofessionnelles à vocation générale, à savoir l’UNICE, le CEEP et la CES, de mettre en place, par des prescriptions minimales, des mesures destinées à promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes en leur offrant une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales et que l’accord-cadre sur le congé parental participe des objectifs fondamentaux inscrits au point 16 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs relatif à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, à laquelle renvoie cet accord-cadre, objectifs qui sont liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail ainsi qu’à l’existence d’une protection sociale adéquate des travailleurs, en l’occurrence ceux ayant demandé ou pris un congé parental.

Mais le renvoi à la jurisprudence communautaire est également lié à un contexte où les objectifs précités ont été récemment rappelés par la Cour de justice de l’Union européenne à l’égard de la législation française relative au calcul de l’indemnité de licenciement des salariées embauchées à temps plein, mais licenciées durant une période de congé parental à temps partiel. Il en va de même de la référence au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes parmi les travailleurs ayant fait le choix de bénéficier d’un congé parental (CJUE 8 mai 2019, aff. C-486/18, Praxair, préc.).

Auteur d'origine: Dechriste

L’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 2 décembre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Ce texte traduit sur le plan financier les mesures impliquées par la loi de transformation du système de santé (v. p. 2488).

C’est ainsi qu’il revoit le financement des hôpitaux de proximité. Celui-ci comportera deux parts : une garantie pluriannuelle de financement, concernant l’activité de médecine et fixée en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement , des besoins de santé de la population du territoire et de la qualité de la prise en charge des patients, et une dotation de responsabilité territoriale, permettant de financer les missions optionnelles. Cette dotation doit notamment permettre de rémunérer les professionnels libéraux intervenant dans les hôpitaux de proximité.

Dans le but d’améliorer la pertinence des soins, la loi opère une refonte du contrat...

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Auteur d'origine: Montecler
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L’arrêt commenté est l’occasion de répondre à une question inédite, qui a donné lieu à de nombreuses positions divergentes aussi bien en doctrine que devant les juges du fond : qui du juge judiciaire ou du juge administratif est compétent pour connaître des risques sur la santé des salariés induits par la mise en œuvre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi ?

Depuis la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’autorité administrative est seule compétente pour contrôler les plans de sauvegarde de l’emploi obligatoirement élaborés en cas de « grands » licenciements collectifs pour motif économique. Cette compétence administrative a naturellement entraîné celle du juge administratif dans les conditions fixées à l’article L. 1235-7-1 du code du travail : « l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4 ».

Or un projet de restructuration qui peut être à l’origine d’un plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas visé par l’article L. 1235-7-1 du code du travail puisqu’il ne constitue pas le contenu du plan au sens des articles L. 1233-60 et L. 1233-61 du code du travail.

Néanmoins, bien que dissocié du plan de sauvegarde de l’emploi, le projet de restructuration est appréhendé par l’administration à travers le contrôle de la régularité de la procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel. Mais ce contrôle n’implique pas un regard de l’autorité administrative sur les risques du projet sur la santé des salariés. D’abord, en présence d’un plan établi conjointement par les partenaires sociaux, le rôle et le contrôle de l’administration sont très restreints. Par une décision du 7 décembre 2015, le Conseil d’État a jugé qu’en cas de validation d’un accord collectif majoritaire, l’administration n’est tenue de s’assurer que de la présence dans le plan des mesures propres à éviter les licenciements, d’un plan de reclassement et des mesures de suivi (CE 7 déc. 2015, req. n° 383856, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, Lebon ; AJDA 2016. 645 ; ibid. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ). Ensuite, en ce qui concerne l’ancien comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le Conseil d’État a jugé qu’en présence d’un projet modifiant de manière importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés et nécessitant la consultation du CHSCT, l’autorité administrative ne peut valider ou homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi que si la consultation de l’instance a été régulière (CE 29 juin 2016, req. n° 386581, Astérion France [Sté], Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ). Il suffit alors que le CHSCT ait disposé d’informations utiles pour que l’autorité administrative puisse approuver le plan de sauvegarde de l’emploi. La position du Conseil d’État est identique en ce qui concerne l’ancien comité d’entreprise (CE 22 juill. 2015, req. n° 385816, Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; ibid. 2016. 113, obs. C. Gilbert ).

Aucune place spécifique n’est ainsi réservée par le législateur et le Conseil d’État au contrôle des manquements éventuels de l’employeur à son obligation de sécurité dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan sauvegarde de l’emploi.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrêt sous examen.

En l’espèce, une filiale française du groupe américain United Technologies Corporation a souhaité simplifier ses processus de gestion informatique par le développement de nouveaux outils informatiques et a élaboré un projet de restructuration et de suppression de soixante et onze postes accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Ce dernier a fait l’objet d’un accord majoritaire qui a été validé par la Direccte le 30 juin 2015. Le 1er juillet 2015, le CHSCT, qui avait été consulté et qui avait émis un avis défavorable au déploiement du projet, a voté le recours à une expertise pour risque grave en raison des risques psychosociaux en lien avec le projet. L’expertise, contestée par l’employeur, a été validée par le tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. À compter du 4 juillet 2015, le projet a été déployé progressivement au sein de l’entreprise. Le 16 janvier 2017, l’expert a conclu à l’existence de risques psychosociaux. Le CHSCT a ensuite demandé, sans succès, l’arrêt immédiat du déploiement du projet. Le 24 avril 2017, l’inspection du travail a adressé à l’entreprise une mise en demeure au regard des risques psychosociaux liés au déploiement du projet. C’est dans ce contexte que, par assignation d’heure à heure du 16 juin 2017, le CHSCT a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise aux fins qu’il soit constaté que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés et que la suspension de la mise en œuvre du projet soit ordonnée. La CGT est volontairement intervenue à l’instance. Par ordonnance du 2 août 2017, le juge des référés a rejeté les demandes aux motifs que le CHSCT ne serait pas compétent pour formuler une demande de suspension d’un projet entraînant un risque sur la santé des salariés. Saisie de l’appel interjeté par le CHSCT et le syndicat, la cour d’appel de Versailles a, sans surprise, infirmé l’ordonnance déférée en ce qu’elle a exclu la compétence du CHSCT pour faire suspendre un projet qui occasionne des risques sur la santé des salariés. À noter que le CHSCT, qui est bien doté du pouvoir d’ester en justice (Soc. 2 déc. 2009, n° 08-18.409, Dalloz actualité, 7 janv. 2010, obs. S. Maillard ; D. 2010. 23 ), tire directement de l’ancien article L. 4612-1 du code du travail son droit d’agir en justice afin de faire cesser le trouble résultant de la mise en œuvre d’un projet présentant un danger pour la santé et la sécurité des salariés. En outre, la cour d’appel a jugé que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître de l’action intentée par les appelants. Enfin, constatant l’existence d’un danger sur la santé des salariés, la cour d’appel a fait interdiction à l’entreprise de déployer le projet, étant remarqué que la société avait d’elle-même suspendu la mise en œuvre du projet le temps d’une enquête interne.

La société s’est pourvue en cassation et a essentiellement fait valoir que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, commis dans le cadre de l’établissement ou de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi conclu après l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, relève de la compétence du juge administratif. Le pourvoi rejoint ainsi la position d’une certaine doctrine selon laquelle dissocier les compétences juridictionnelles dans l’appréciation des risques induits par le plan et le contrôle du plan serait contraire à l’objectif du législateur qui était de « sécuriser » les procédures de grands licenciements pour motif économique par le contrôle de l’autorité administrative. La difficulté résulterait d’une remise en cause éventuelle par le juge judiciaire d’un plan contrôlé et approuvé par l’administration (CSB 1er nov. 2014, n° 268, p. 633, obs. M. Caron ; N. De Sevin et E. Bourguignon, Impact des PSE sur la santé et la sécurité des salariés : y a-t-il encore un juge compétent ?, Les Échos, 24 août 2015).

Si l’angle de la question est nouveau, la Cour de cassation s’est néanmoins déjà prononcée à deux reprises sur la compétence du juge judiciaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Elle a jugé que le juge judiciaire est incompétent pour connaître d’une demande de communication de pièces formulées à l’encontre de l’employeur par l’expert-comptable du comité d’entreprise dans le cadre de l’analyse d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Soc. 28 mars 2018, n° 15-21.372, Dalloz actualité, 14 mai 2018, obs. B. Ines). Cette solution s’explique par le fait que la demande intervient dans le cadre de la procédure de consultation dont la régularité relève de la compétence exclusive de l’autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif. La Cour de cassation a ensuite jugé que le juge judiciaire ne peut connaître, dans l’appréciation du respect par l’employeur de son obligation individuelle de reclassement, de la régularité du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi et apprécié par l’autorité administrative (Soc. 21 nov. 2018, n° 17-16.766, Dalloz actualité, 17 déc. 2018, obs. H. Ciray ; D. 2018. 2240, et les obs. ; ibid. 2019. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2019. 353, étude M. Galy ; RDT 2019. 41, obs. S. Ranc ; ibid. 252, obs. F. Géa ).

Ces décisions fournissent un élément de réponse sur la ligne de la jurisprudence : relève de la compétence du juge administratif toute question en lien avec le contrôle opéré par l’autorité administrative dans l’appréciation de la régularité d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Partant, dans la présente affaire, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a approuvé la décision de la cour d’appel « qui a constaté que le juge judiciaire avait été saisi de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en œuvre du projet de restructuration ».

Il résulte de cette décision que l’appréciation des risques induits par la mise en œuvre d’un projet de restructuration relève de la compétence exclusive du juge judiciaire, s’agissant d’un point non contrôlé par l’autorité administrative. La décision ne peut qu’être approuvée car le juge judiciaire n’intervient pas pour remettre en cause une décision administrative ayant approuvé le plan de sauvegarde de l’emploi mais pour statuer sur des enjeux qui ont échappé à son contrôle.

Finalement, la ligne jurisprudentielle de la Cour de cassation suit le raisonnement du professeur Gérard Couturier suivant lequel « le principal problème posé à propos de la compétence exclusive de la juridiction administrative est très probablement celui de ses limites. Il est, sans nul doute, encore possible de s’adresser aux juridictions judiciaires lorsqu’on est en dehors du temps et/ou de l’objet du contrôle de l’administration » (Dr. soc. 2013. 814 ).

Auteur d'origine: Dechriste

L’EFS avait saisi le Conseil d’État d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes le condamnant à verser un peu plus de 66 000 € à la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe au titre des débours engagés pour la prise en charge de Mme F…, décédée des suites de sa contamination par l’hépatite C. La cour avait également condamné l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à indemniser les proches de Mme F…. Elle avait appliqué le même délai de prescription aux deux actions, celle des victimes contre l’ONIAM et celle de la caisse de sécurité sociale contre l’EFS.

Son raisonnement est approuvé par le Conseil d’État. La haute juridiction relève que les dispositions de l’article L. 1221-14 du code de la santé publique ont « substitué à l’action des victimes contre l’EFS une action en indemnisation par l’ONIAM, laquelle se prescrit, ainsi que le prévoit l’article L. 1142-28 du même code, cité au point 2, par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Elles ont également ouvert aux tiers payeurs une action subrogatoire contre l’EFS qui doit être regardée comme obéissant aux mêmes règles de prescription que l’action des victimes contre l’ONIAM ».

Auteur d'origine: pastor
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Le comité de groupe est né de la pratique afin d’assurer une meilleure représentation des intérêts des salariés travaillant dans un groupe de sociétés. Le législateur est intervenu par une loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 afin de lui assurer une plus grande légitimité.

L’article L. 2331-1 du code du travail dispose aujourd’hui, selon une rédaction qui n’a pas changé malgré les dernières réformes ayant impacté les institutions représentatives du personnel, qu’« un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce ».

L’institution d’un comité de groupe suppose ainsi au préalable l’identification d’une entreprise dominante située en France. Cette identification n’est pas complexe lorsque l’entreprise dominante française constitue par ailleurs la société mère et qu’elle contrôle ses filiales dans les conditions visées aux articles L. 233-1, L. 233-3, II et III, et L. 233-16 du code de commerce.

Mais qu’en est-il lorsque l’entreprise dominante, située en France, n’est pas la société mère et qu’elle est contrôlée par des sociétés situées à l’étranger ? Peut-elle encore être considérée comme entreprise « dominante » au sens du texte précité ? Telles sont les premières questions inédites soumises à la Cour de cassation dans le cadre de la décision commentée.

En l’espèce, le groupe américain UTC Fire § Sécurity développe en France une activité sécurité-incendie regroupant dix-sept sociétés, détenues à 100 % par une société holding dont le siège social est situé à Cergy-Pontoise (95). La holding, qui est une société de participation financière, est elle-même détenue par deux sociétés, la société Chubb siégeant aux Pays-Bas et la société UTC F§S siégeant au Luxembourg. Le 1er juillet 2016, le comité d’entreprise de la société Chubb France a assigné devant le tribunal de grande instance de Pontoise les sociétés du groupe UTC ayant leur siège social en France afin que la holding mette en place un comité de groupe. Par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la holding n’était pas la société dominante du groupe. Le comité d’entreprise a interjeté appel et, par arrêt du 28 juin 2018, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement et a ordonné la mise en place d’un comité de groupe.

Les sociétés du groupe ont formé un pourvoi et ont d’abord soutenu que « la mise en place d’un comité de groupe n’est pas obligatoire lorsque la société holding française n’est pas la société dominante du groupe, étant elle-même contrôlée par une société ayant son siège social à l’étranger ». La question était donc de savoir, en substance, si l’entreprise dominante doit nécessairement être celle qui prend de manière effective les décisions en qualité de société mère. La réponse figure finalement dans le texte de loi qui se réfère, non au critère de la société mère, mais à la notion plus large de rapport de domination. Dès lors qu’un tel rapport est établi entre des sociétés, il importe peu que l’entreprise qui domine d’autres entreprises soit elle-même détenue par des sociétés étrangères. Telle est l’interprétation qui était notamment retenue par l’administration (Circ. DRT n° 6, 28 juin 1984). En ce sens, le professeur G. Couturier rappelait que le comité de groupe a pour objet de constituer un organe d’information dans un ensemble économique du dominant vers les dominés (« L’accès du comité d’entreprise à l’information économique et financière », Dr. soc. 1983. 26). L’identification de cet ensemble doit ainsi suffire à la mise en place du comité de groupe.

C’est précisément cette conception large qui est adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt sous examen en jugeant qu’« aux termes de l’article L. 2331-1 du code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante dont le siège social est situé sur le territoire français et les entreprises qu’elle contrôle ; qu’il est sans incidence que l’entreprise dominante située en France soit elle-même contrôlée par une ou plusieurs sociétés domiciliées à l’étranger ».

Plus délicate était la question soumise par le second moyen de cassation, là encore inédite. L’article L. 2331-4 du code du travail dispose que ne sont pas considérées comme entreprise dominante, les entreprises mentionnées aux points a et c du paragraphe 5 de l’article 3 du règlement n° 139/2004 du conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations. Le point c exclut la mise ne place d’un comité de groupe lorsque l’entreprise dominante est une société de participation financière qui ne s’immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des filiales.

Au cas présent, la société holding était bien une société de participation financière. La cour d’appel a cependant jugé qu’elle s’était immiscée dans la gestion de ses filiales après avoir relevé que le dirigeant de la holding dirigeait également quatorze des dix-sept sociétés, que la holding a délibéré sur la question de l’acquisition de sociétés et qu’elle a pris des décisions en matière d’acquisition de parts de sociétés ou de vente de parts des sociétés du groupe. La cour d’appel en a déduit que la holding a pris les décisions stratégiques tant économiques que financières du groupe au-delà de ses liens capitalistiques avec ses filiales dont elle détient la totalité ou la quasi-totalité des parts.

Dans le cadre de leur pourvoi, les sociétés ont fait valoir que ces constatations étaient insuffisantes pour caractériser une immixtion anormale dans la gestion des filiales en se référant, en filigrane, à la jurisprudence de la Cour de cassation développée en matière de coemploi. Par une décision de principe, en présence de groupes de sociétés, la Cour de cassation exige qu’au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, l’immixtion anormale suppose la démonstration d’une véritable confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale des filiales (Soc. 6 juill. 2016, n° 15-15.481 P, D. 2016. 2096 , note R. Dammann et S. François ; Rev. sociétés 2017. 149, note E. Schlumberger ; RDT 2016. 560, obs. S. Vernac ; 9 oct. 2019, n° 17-28.150, D. 2019. 1998  ; RJS 12/2019, n° 671). À cet égard, il est vrai que les constatations de la cour d’appel n’étaient pas de nature à révéler une immixtion au sens du coemploi car l’identité de dirigeants et la coordination des décisions stratégiques ne sont pas des éléments suffisants (Soc. 7 mars 2017, n° 15-16.865 P, Dalloz actualité, 20 avr. 2017, obs. B. Ines ; D. 2017. 650 ; Rev. sociétés 2018. 58, note E. Schlumberger ; Dr. soc. 2017. 843, chron. S. Tournaux ; RDT 2017. 256, obs. G. Auzero ). 

Auteur d'origine: Dechriste
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En admettant la conformité à la Constitution des examens radiologiques osseux pour la détermination de l’âge des jeunes étrangers, le Conseil constitutionnel avait déçu nombre de défenseurs des droits de mineurs non accompagnés (Cons. const., 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC, AJDA 2019. 662 ; ibid. 1448 , note T. Escach-Dubourg ; D. 2019. 742, et les obs. , note P. Parinet ; ibid. 709, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2019. 222, obs. A. Bouix ; RDSS 2019. 453, note A.-B. Caire ; Constitutions 2019. 152, Décision ). Il avait cependant précisé que de tels examens ne pouvaient pas constituer « l’unique fondement dans la détermination de l’âge de la personne ». Et qu’il appartient « à l’autorité judiciaire d’apprécier la minorité ou la majorité de celle-ci en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis. »

Par deux arrêts du 21 novembre, la Cour de cassation donne leur plein effet à ces réserves, sans d’ailleurs se référer explicitement à la décision n° 2018-768 QPC. Elle était saisie, d’abord, d’un pourvoi du département du Cantal contre un arrêt de la cour d’appel de Riom ayant déclaré mineur M. X. et l’ayant placé auprès de l’aide sociale à l’enfance (n° 19-17.726). Le département invoquait divers éléments, dont un examen osseux,...

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Auteur d'origine: Montecler

Lorsque le service de santé au travail est assuré par un organisme interentreprises, ses missions sont accomplies par une équipe pluridisciplinaire, animée et coordonnée par les médecins du travail, composée de ces mêmes médecins, d’intervenants en prévention des risques professionnels et d’infirmiers. La loi du 8 août 2016 a ajouté à cette équipe des collaborateurs médecins et des internes en médecine du travail (C. trav., art. L. 4622-7 et L. 4622-8). Parmi ces membres, l’intervenant en prévention des risques professionnels assure des missions, exclusivement préventives, de diagnostic, de conseil, d’accompagnement et d’appui, en collaboration avec le médecin du travail auquel il communique ses résultat (C. trav., art. R. 4623-38). Il doit disposer du temps nécessaire et des moyens requis pour réaliser son travail, il ne peut subir de discrimination en raison de ses activités de prévention et il doit pouvoir assurer ses missions dans les conditions garantissant son indépendance (C. trav., art. R. 4623-37).

Parmi les dispositions applicables à ces intervenants, l’article D. 4622-31 du code du travail, au cœur du litige faisant l’objet de la décision commentée, enjoint à l’employeur de consulter le comité interentreprises ou la commission de contrôle – chargé de la...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003 et son avenant du 21 octobre 2004, organisant le recours au forfait en jours dans la branche, ne sont pas de nature à garantir que la charge et l’amplitude de travail des salariés soumis à ces forfaits sont raisonnables, en ne prévoyant qu’un entretien annuel et le décompte des jours de travail et de repos dans un document conservé par l’employeur, sans organiser un suivi régulier, par ce dernier, de la charge de travail des intéressés. Les conventions de forfait conclues sur la base de ces dispositions conventionnelles sont nulles.

Alors que la Cour de cassation commence à peine à appliquer aux conventions de forfait des dispositions légales issues de la loi Travail du 8 août 2016 (Soc. 16 oct. 2019, n° 18-16.539, Dalloz actualité, 7 nov. 2019, obs. V. Ilieva ; D. 2019. 1997 ), elle continue d’affiner sa construction jurisprudentielle entamée en 2011 (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107, Dalloz actualité, 19 juill. 2011, obs. L. Perrin ; D. 2011. 1830 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 481, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ) pour les forfaits conclus avant l’entrée en vigueur de cette loi. Pour ce faire, elle poursuit sa vérification au cas par cas des accords collectifs encadrant le recours à ce forfait, qui doivent organiser un suivi régulier de la charge de travail afin de prévenir les risques liés à l’excès de travail pour des salariés qui ne sont pas soumis à la durée légale et aux durées maximales de travail (C. trav., art. L. 3121-62).

En l’espèce, un salarié avait été engagé par une association en qualité de directeur général le 29 mars 2013 et avait été licencié pour faute grave le 8 octobre 2014 en raison de ses méthodes managériales et de son comportement à l’égard de ses subordonnés. Il avait saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes, notamment en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires. Il estimait que la convention de forfait en jours stipulée à son contrat était irrégulière, en ce qu’elle fixait une durée de travail de 208 jours – alors que la convention collective applicable prévoyait un maximum de 207 jours –, ne mentionnait pas les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées et en ce qu’aucun entretien individuel n’était mis en place pour assurer le suivi de l’exécution de cette convention de forfait.

La cour d’appel de Reims, le 10 mai 2017, a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes. Sur celles relatives à la validité de la convention de forfait, elle a d’abord considéré que le nombre de jours de travail prévu n’était pas contraire à la convention collective applicable qui ajoutait au maximum de 207 jours la journée de solidarité. Elle a surtout relevé que, malgré l’obligation faite à l’employeur en cas de contentieux relatif au nombre d’heures travaillées de fournir aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le salarié avait la qualité de directeur général au sein de l’association et avait, à ce titre, la charge de s’assurer du respect de la réglementation sociale par l’association, notamment celle relative à la durée du travail et à son aménagement. La contestation du respect des règles dont il avait la charge était donc, selon les juges du fond, nécessairement de mauvaise foi. Le salarié a formé un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt rendu le 6 novembre 2019, la chambre sociale casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Reims. Pour décider que la convention de forfait était nulle, justifiant la demande en paiement d’heures supplémentaires, elle a relevé que les dispositions de la convention collective ayant servi de base à la conclusion du forfait n’étaient pas assez protectrices. Ce moyen a été relevé d’office par les juges du droit, l’argument n’ayant pas été soulevé par le salarié devant les juges du fond.

Le laconisme des dispositions légales applicables aux conventions de forfait en jours conclues avant l’entrée en vigueur de la loi Travail a conduit la chambre sociale à développer une jurisprudence visant à concilier ce mode d’organisation du temps de travail avec des impératifs relatifs à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, tirés de différents principes et textes rappelés en visa dans la décision commentée (préambule de la Constitution de 1946, al. 11 ; TFUE, art. 151 faisant référence à la Charte sociale européenne, directives européennes relatives à la durée du travail, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 31). La Cour de cassation conditionne la validité d’une convention de forfait en jours à l’existence de dispositions conventionnelles « de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié » (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540, Dalloz actualité, 24 oct. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ). Le forfait conclu sur la base d’un accord collectif ne comportant pas de telles garanties est nul (Soc. 24 avr. 2013, n° 11-28.398, Dalloz actualité, 23 mai et 28 mai 2013, obs. J. Siro ; D. 2013. 1143 ; ibid. 1768, chron. P. Flores, S. Mariette, F. Ducloz, E. Wurz, C. Sommé et A. Contamine ; RDT 2013. 493, obs. M. Véricel ), ce qui permet au salarié de demander le paiement d’heures supplémentaires en vertu du droit commun de la durée du travail (Soc. 4 févr. 2015, n° 13-20.891, D. 2015. 438 ). Les juges accordent une grande importance à cette protection jurisprudentielle, le moyen relatif aux carences de la convention collective étant relevé d’office – c’est le cas dans la décision commentée – même lorsque le salarié entend se prévaloir d’une convention de forfait insuffisamment protectrice (Soc. 24 avr. 2013, préc.).

En l’espèce, l’article 9 de la convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003, applicable à l’association, permet le recours au forfait en jours pour les directeurs, dans la limite de 207 jours par an. L’avenant du 21 octobre 2004 à cette convention collective prévoit un entretien, la première année, permettant à la hiérarchie d’examiner avec le salarié sa charge de travail et les éventuelles modifications à y apporter, puis, les années suivantes, un entretien annuel durant lequel l’amplitude de la journée d’activité et la charge de travail du cadre sont examinées. Il énonce en outre que les jours travaillés et les jours de repos font l’objet d’un décompte mensuel établi par le cadre et visé par son supérieur hiérarchique qui doit être conservé par l’employeur pendant cinq ans. Pour considérer que la convention de forfait en cause était nulle, la Cour de cassation relève que « ces dispositions, en ce qu’elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé ».

La décision n’est guère surprenante au regard de la jurisprudence antérieure. Les juges ont déjà pu considérer que l’organisation d’un simple entretien annuel prévu par l’accord de branche était insuffisante pour réaliser le suivi de la charge de travail (Soc. 4 févr. 2015, n° 13-20.891, préc.), même lorsque cet accord de branche était complété par un accord d’entreprise prévoyant un suivi plus régulier, trimestriel (Soc. 24 avr. 2013, préc.). En outre, l’existence d’un relevé des journées travaillées ne constitue une garantie suffisante que s’il est prévu que ce relevé serve de support à un suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail du salarié afin qu’elle reste raisonnable (Soc. 17 déc. 2014, n° 13-22.890, Dalloz actualité, 29 janv. 2015, obs. W. Fraisse ; RDT 2015. 195, obs. G. Pignarre ; 22 juin 2017, n° 16-11.762, D. 2017. 1366 ). Il ressort de décisions plus récentes que les éléments recueillis sur la charge de travail du salarié doivent permettre à l’employeur de « remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable » de travail (Soc. 8 nov. 2017, n° 15-22.758, Dalloz actualité, 30 nov. 2017, obs. J. Siro ; 17 janv. 2018, n° 16-15.124, Dalloz actualité, 30 janv. 2018, obs. W. Fraisse). Or, si la convention collective retoquée par les juges prévoit le décompte des jours de travail et de repos dans un document conservé pendant cinq ans par l’employeur, rien n’impose à l’employeur d’utiliser ce document à des fins de contrôle et de régulation de la charge de travail des salariés concernés. L’exigence du suivi régulier de la charge de travail des salariés au forfait en jours afin qu’elle reste raisonnable ne devrait pas être remise en cause à l’avenir, puisqu’elle fait désormais partie des dispositions légales relevant de « l’ordre public » (C. trav., art. L. 3121-60), bien que la loi ménage désormais la possibilité pour l’employeur de pallier les carences d’un accord collectif sur ce point par des mesures unilatérales (C. trav., art. L. 3121-65).

Auteur d'origine: Dechriste

Chaque phénomène social a son film, son œuvre. La Grande Dépression a suscité de nombreuses créations, dont certaines sont de grande qualité, parfois magistrales. En littérature, puis au cinéma, John Steinbeck et John Ford ont donné à la postérité Les Raisins de la colère. Les événements de 2008, liés à la crise des subprimes puis à la faillite de Lehman Brothers n’ont pas manqué, eux aussi, de susciter l’expression artistique et créatrice. Aujourd’hui, dans son film Sorry, we missed you, l’ubérisation a inspiré Ken Loach et son scénariste Paul Laverty. Le réalisateur anglais a plus de 80 ans ; il n’a cependant jamais été aussi contemporain. Il est un homme de son époque, critiquant encore avec vigueur les dérives d’un système effrayant. Comme toujours, le réalisme social de Ken Loach est saisissant. À tel point que l’on ressort du film avec une sorte d’incrédulité, presque naïve. Est-ce possible ? Comment les garde-fous que le droit du travail, dans ses principes d’humanité les plus universels, devrait mettre en œuvre, peuvent-ils permettre une telle situation ? Comment est-il possible d’en arriver à de telles extrémités ? Sorry, we missed you est avant tout l’histoire tragique d’une aliénation sociale conduisant à une déliquescence personnelle. La trame n’est pas neuve, certes. Mais les moyens de l’aliénation sont terriblement contemporains et correspondent à une évolution de notre société.

En cause ici ? Plusieurs choses qui conduisent au délitement progressif d’une cellule familiale. Ricky Turner cumule les boulots précaires et mal payés. Son épouse Abby s’occupe à domicile de personnes âgées souvent très isolées. Ils ont deux enfants. La plus jeune est brillante. Le garçon est un adolescent passionné de graffitis, proche de la déscolarisation et en rébellion contre le système. L’opportunité se présente pour Ricky de devenir son propre patron. La perspective constitue une sorte de graal. C’est la voie royale pour devenir propriétaire, un vieux rêve avorté quelques années plus tôt en raison des événements liés à la crise de 2008. L’affaire paraît bonne. Il suffit d’acheter un camion puis de travailler, comme livreur, « avec » une plateforme. Ricky est potentiellement indépendant étant donné qu’il est officiellement à son compte. Pour autant, le glissement sémantique est aussi d’ordre social. En réalité, il ne travaille pas « avec » mais bien « pour » cette plateforme, qui représente probablement tout ce que l’ubérisation revêt de détestable. Bien pire, les conditions de travail de travail sont affolantes. Tracés par un appareil de géolocalisation onéreux dont ils sont financièrement responsables, les livreurs prennent des risques inconsidérés. Ricky travaille plus de quatorze heures par jour, essuie les remarques dégradantes du contremaître de la plateforme. Cette violence du travail ne peut manquer d’avoir une répercussion sur la vie familiale des Turner. Déjà, le travail d’Abby en a directement fait les frais étant donné qu’ils ont dû céder sa voiture pour mettre l’argent nécessaire à l’acquisition du camion. Ce faisant, elle court après les bus tout en tentant, autant que faire se peut, de mener sa barque. Les rapports entre le père et le fils se crispent. Tout se tend.

Le film de Ken Loach est remarquable. Le scénario de Paul Laverty est rondement mené. L’interprétation des acteurs est poignante, évoluant au cœur de ce Newcastle totalement dépassé par le jeu de la famille Turner et par le huis clos qui se déroule, à intervalles réguliers, au sein de leur appartement. Debbie Honeywood trouve le ton juste. Elle porte en elle une certaine tristesse, subissant la difficulté du quotidien tout en continuant de faire preuve d’un incroyable dévouement pour ses personnes âgées. Ricky, incarné par Kris Hitchen, est déconnecté. Progressivement, il perd sa bouée de sauvetage et se marginalise avec son travail. La propriété du camion est un mirage ; Ricky ne s’appartient plus. Et c’est ce que filme admirablement la caméra de Ken Loach. Le rôle du chef de la plateforme est odieux. L’acteur excelle dans cet exercice délicat. Le travail du réalisateur dévoile à merveille cet effet de spirale dans laquelle Ricky s’engouffre.

Sorry, we missed you est un film important. Le constat qu’il dresse sur la situation anglaise est effrayant. Dans ces situations, l’entrepreneuriat est une chimère. Et l’indépendance affichée et initialement recherchée est d’une ironie glaçante. Jamais la notion de self-employed n’a résonné avec autant de mépris dans la bouche de ceux qui exploitent la situation sociale d’un homme comme Ricky. Le cinéma de Ken Loach ne se limite pas à une invitation à militer. Il est un appel urgent au droit qui doit se préoccuper de ces situations.

Auteur d'origine: Bley
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En matière de discrimination, l’article L. 1134-1 du code du travail facilite l’action en justice des victimes en aménageant le régime de la preuve. Le salarié doit présenter, et non établir, des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En ce sens, la directive n° 97/80/CE dispose à l’article 4 que : « 1. les États membres, conformément à leur système judiciaire, prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement. 2. la présente directive n’empêche pas les États membres d’imposer un régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse. 3. les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l’instruction des faits incombe à la juridiction ou à l’instance compétente ». Toutefois, en raison de la valeur normative d’un accord collectif, il restait à résoudre la question de savoir si les différences de traitement qui en résultent sont présumées justifiées de sorte que le régime probatoire s’en trouve renversé.

Une salariée occupait au sein d’une société le poste de conseiller privé et avait obtenu en 2011 la médaille d’honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d’honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service. La salariée s’est estimée victime d’une discrimination fondée sur l’âge découlant des dispositions transitoires d’un accord collectif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouvelles modalités d’attribution des gratifications liées à l’obtention des médailles d’honneur du travail. Elle a par suite saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une gratification liée à l’obtention de la médaille pour trente-cinq années de service et d’une demande de dommages-intérêts pour une discrimination.

La cour d’appel a débouté la salariée au motif que, s’agissant de l’application d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, ces différences de traitement dont elle faisait l’objet étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle. La salariée s’est pourvue en cassation.

La Cour de cassation censure la décision d’appel au motif que le juge ne peut, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’une somme correspondant à la gratification liée à l’obtention de la médaille d’honneur du travail pour trente-cinq années de service, dont elle soutenait avoir été privée en raison d’une discrimination liée à son âge, retenir que, s’agissant de l’application d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, ces différences de traitement sont présumées justifiées et que la salariée ne démontrait pas que la différence de traitement dont elle faisait l’objet était étrangère à toute considération de nature professionnelle, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les stipulations transitoires de l’accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison de l’âge en privant les salariés ayant entre trente-six et quarante années de service au moment de l’entrée en vigueur de l’accord et relevant d’une même classe d’âge de la gratification liée à la médaille or du travail et, dans l’affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés.

Cette décision marque une rupture avec les derniers arrêts rendus en la matière. La Cour de cassation avait en effet fait évoluer sa position dans une série d’arrêts qui s’inscrivent dans la ligne des arrêts du 27 janvier 2015, selon laquelle « les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle » (Soc. 27 janv. 2015, nos 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773 (3 arrêts), Dalloz actualité, 6 févr. 2015, obs. M. Peyronnet ; D. 2015. 270, obs. C. C. cass. ; ibid. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; ibid. 2340, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2015. 237, étude A. Fabre ; ibid. 351, étude P.-H. Antonmattei ; RDT 2015. 339, obs. E. Peskine ; ibid. 472, obs. G. Pignarre ). Depuis, la chambre sociale jugeait que la différenciation du statut des salariés en fonction de leur appartenance à un établissement est présumée justifiée lorsqu’elle est opérée par voie conventionnelle. Pour renverser la présomption, il faut que celui qui conteste la différence de traitement démontre que celle-ci est « étrangère à toute considération professionnelle » (Soc. 8 juin 2016, n° 15-18.444, Dalloz actualité, 21 nov. 2016, obs. M. Peyronnet ; D. 2016. 2286, obs. note explicative de la Cour de cassation ; ibid. 2017. 235, chron. F. Ducloz, P. Flores, F. Salomon, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 2270, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2017. 87, obs. P.-H. Antonmattei ; RDT 2017. 140, obs. I. Odoul-Asorey ). Cette présomption s’applique que les différences résultent d’accords d’établissement différents (Soc. 8 juin 2016, préc.), ou d’un accord d’entreprise (Soc. 4 oct. 2017, n° 16-17.517, Dalloz actualité, 24 oct. 2017,obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 1981 ; ibid. 2018. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2018. 67, obs. Y. Ferkane ).

La décision ici rapportée interroge. Il semblerait qu’elle s’inscrive dans une ligne jurisprudentielle antérieure aux arrêts de 2015 déjà tracée notamment par l’arrêt du 28 octobre 2009 (Soc. 28 oct. 2009, n° 08-40.457, Bull. civ. V, n° 239 ; Dalloz actualité, 16 nov. 2009, obs. S. Maillard) dans lequel la Cour de cassation avait précisé que des différences de traitement entre salariés d’établissements différents résultant d’un accord collectif ne sont admises qu’à la condition qu’« elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

Auteur d'origine: Fraisse
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Aux termes du premier alinéa de l’article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes des candidats aux élections professionnelles sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. S’agissant de leur rang, la dernière phrase de ce même alinéa premier pose une obligation d’alternance, dès lors qu’il précise que ces listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.

Objet d’une question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle s’est prononcée en l’espèce la Cour de cassation le 24 octobre 2019, cette règle de l’alternance instituée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen » (loi préc., art. 7), n’est pas dénuée d’enjeux. En effet, en cas de manquement à celle-ci, l’élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions est annulée (Soc. 9 mai 2018, n° 17-14.088 P, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. Actu. 1018 ; ibid. 1706, obs. Sabotier  ; Dr. soc. 2018. 921, note Petit ; RJS 7/2018, n° 491 ; JSL 2018, n° 456-1 ; JCP S 2018. 1219, obs. Bossu) – à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste aient été élus (Soc. 6 juin 2018, n° 17-60.263 P, D. 2018. Actu. 1261 ; RJS 8-9/2018, n° 553 ; JCP S 2018. 1248, obs. Bossu). Hormis ces hypothèses, il n’empêche qu’une méconnaissance de la règle de l’alternance oblige l’employeur à organiser des élections partielles (Cons. const. 13 juill. 2018, nos 2018-720 à 2018-726 QPC : D. 2018. Actu. 1498 ; Constitutions, 2018. 407. note Petit ; RJS 10/2018, n° 620).

La règle de l’alternance peut aussi susciter la controverse dès lors qu’elle aboutit, comme en l’espèce, à une surreprésentation du sexe minoritaire au sein du comité social et économique. À titre d’illustration, prenons un syndicat qui présenterait une liste composée de sept candidats et de trois candidates conformément à la part de femmes et d’hommes inscrits sur une liste électorale. En application de la règle de l’alternance, leur ordonnancement sur la liste des candidats doit être effectué en alternant entre chaque sexe. Dans notre exemple, bien que les femmes soient minoritaires dans l’entreprise, les trois candidates vont se retrouver en tête de liste du fait de cette règle. Ainsi, les femmes auront de meilleures chances d’être élues que les hommes.

La constitutionnalité d’une telle surreprésentation en raison de la règle de l’alternance était en l’espèce contestée par les requérants, à savoir l’Union départementale des syndicats FO du Val d’Oise et, il convient de le relever, par plusieurs hommes. De manière plus précise, ceux-ci soutenaient que la règle de l’alternance était incompatible avec le principe d’égalité devant la loi tel qu’il ressort du second alinéa de l’article 1er de la Constitution, aux termes duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». De même, était invoqué le grief tiré d’une méconnaissance du principe de participation garanti par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Exerçant son rôle de filtre, la Cour de cassation décide de ne pas transmettre la question formulée. Sans surprise, les magistrats commencent par observer que la question posée n’est pas nouvelle. En effet, rappelons que, dans une décision du 19 janvier 2018, le Conseil constitutionnel avait déjà statué en faveur de la conformité de la règle issue de l’article L. 2314-30, ex-article L. 2324-22-1 du code du travail, même si le Conseil avait assorti sa décision d’une réserve d’interprétation concernant la règle de l’arrondi (19 janv. 2018, décis. n° 2017-686 QPC, D. 2018. Actu. 119 ; Constitutions, 2018. 183 ; A. de Tonnac, Sur la conformité constitutionnelle de la représentativité proportionnée aux élections professionnelles, Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 15 mars 2018). Il reste que, dans le cas ayant donné lieu à la décision du 19 janvier 2018, l’application de la règle de l’alternance avait abouti à une situation de sous-représentation des candidats du sexe minoritaire et non pas à une surreprésentation, comme en l’espèce.

Cette situation explique sans doute la diligence dont fait preuve en l’occurrence la Cour de cassation lorsqu’elle procède à l’examen des autres conditions nécessaires à la transmission de la question au Conseil constitutionnel, alors que l’absence de nouveauté de cette question aurait suffi, à elle seule, à justifier la décision de non-renvoi. Pour appuyer encore plus cette dernière, les magistrats décident également que l’invocation du second alinéa de l’article 1er de la Constitution, en vertu duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes […] aux responsabilités professionnelles et sociales », ne consacre pas de liberté ou de droit garanti par la Constitution. Allant plus loin, la chambre sociale dénie enfin tout caractère sérieux à la question posée.

Concernant l’absence de liberté ou de droit garanti par la Constitution, de prime abord, la solution n’étonne guère. En effet, la Cour de cassation reprend une décision du Conseil constitutionnel du 24 avril 2015, dans laquelle il a été jugé que le second alinéa de l’article 1er n’instituait pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit, dont la méconnaissance pourrait être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité (Cons. const., 24 avr. 2015, n° 2015-465 QPC, consid. 14, Dalloz actualité, 5 mai 2015, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2015. 836 ; ibid. 1552 , note A. Legrand ; D. 2015. 926 ; ibid. 2016. 915, obs. REGINE ; Constitutions 2015. 262, chron. O. Le Bot ). Cette même décision précisait toutefois que ceci n’interdit pas au Conseil d’en connaître, lorsqu’il examine la conciliation opérée par le législateur entre le principe d’égalité et l’objectif de parité (même décision, consid. 10). Sachant que la règle de l’alternance est un moyen permettant d’atteindre l’objectif de parité (rapport n° 2932, Ass. nat., XIVe législature de M.-C. Sirugue, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1er juill. 2015, nouvelle lecture par l’Ass. nat. après la CMP, p. 27). La Cour de cassation aurait donc pu considérer que le principe d’égalité devant la loi était invocable à l’appui de la question prioritaire de constitutionnalité. Le fait qu’elle décide du contraire semble être un marqueur de l’importance qu’accordent les magistrats à l’objectif de parité recherché par le législateur au travers de la règle de l’alternance.

La reconnaissance prétorienne de la parité comme finalité de l’obligation d’alternance ressort d’autant plus avec l’examen du caractère sérieux de la question posée. À l’appui de l’absence d’une telle qualité, les juges rappellent qu’il est permis au législateur d’adopter des dispositions revêtant un caractère contraignant tendant à rendre effectif l’égal accès des hommes et des femmes à des responsabilités sociales et professionnelles. En creux, les juges reconnaissent la possibilité pour le législateur d’adopter des dispositions tendant à assurer la parité. Or l’obligation d’alternance des candidats de chaque sexe a été justement pensée par le législateur comme un moyen au service de la parité, compte tenu de la sous-représentation des femmes dans les instances représentatives du personnel (rapport n° 2792, Ass. nat., XIVe législature de M.-C. Sirugue, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 mai 2015, p. 141). En décidant que l’obligation d’alternance entre les candidats des deux sexes en début de liste est proportionnée à l’objectif de parité recherché par la loi, l’arrêt en l’espèce contribue à la reconnaissance de cette finalité qui n’est pas mentionnée à l’article L. 2314-30 du code du travail. En somme, la surreprésentation qui peut découler de l’application de la règle de l’alternance est conforme à la Constitution dès lors que cette même règle constitue un moyen approprié en vue d’atteindre la parité, seule à même de garantir l’effectivité de l’égal accès des hommes et des femmes à des responsabilités sociales et professionnelles.

Auteur d'origine: Dechriste

Si la transaction en droit du travail a le plus souvent pour objet de régler les conséquences d’une rupture du contrat de travail, la décision du 9 octobre 2019 rappelle opportunément que la transaction définie à l’article 2048 du code civil comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, peut avoir un domaine plus large. Le droit commun des obligations trouve à s’appliquer et doit permettre aux parties à un contrat de travail de conclure une transaction afin de mettre fin à un différend concernant l’exécution même du contrat.

En l’espèce, une salariée employée par le syndicat CFDT a contesté son coefficient de classification et partant le salaire afférent, en se fondant sur un accord collectif d’entreprise et en comparant sa situation à celle d’une de ses collègues de travail.

Une transaction est signée en 2007 afin d’attribuer le coefficient de classification souhaité à la salariée et met fin au litige entre les parties ; le contrat de travail reprend alors son cours.

Le protocole comportait une clause de renonciation générale qui disposait : « moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, Madame [X] déclare entièrement remplie de tous ces droits, qu’elle qu’en soit la nature, nés ou à naître qu’elle pouvait tenir tant de son contrat de travail que du droit commun ou des conventions ou accords collectifs qui étaient applicables au sein de l’UIR CFDT ; Madame [X] renonce expressément à toute instance, à tout recours et ou contestation de quelque nature...

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Auteur d'origine: Dechriste

Créée par la loi du 11 février 2005, la PCH bénéficie à plus de 284 000 personnes, pour un coût d’environ 1,9 Md€. Pour autant, elle est perçue comme complexe et rigide dans sa mise en œuvre. D’où la présente proposition de loi qui vise à répondre aux questions les plus urgentes dont la suppression de la limite d’âge de 75 ans pour solliciter la prestation et la création d’un droit à vie à la PCH dès lors que le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.

La finalité des fonds départementaux de compensation est redéfinie afin de les rendre opérationnels. Créés en 2005 pour plafonner le reste à charge des personnes handicapées, ils fonctionnent jusqu’à présent sans base réglementaire en raison des imprécisions de la loi.

Des assouplissements sont apportés aux conditions de service de la prestation : le bénéficiaire pourra recevoir des paiements ponctuels de PCH (attribuée pour une durée déterminée), par exception au principe d’un versement mensuel. Les modalités de contrôle d’effectivité exercé par le président du conseil départemental sont par ailleurs améliorées.

Enfin, les sénateurs ont souhaité créé, auprès du ministre chargé des personnes handicapées, un comité stratégique, chargé de réfléchir à une prise en charge intégrée (gestion logistique et financières) des transports des personnes handicapées. Le gouvernement, qui approuve la proposition de loi dans son principe, l’a placée en procédure accélérée.  

Auteur d'origine: pastor
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Susceptibles de porter atteinte au droit à la santé et au repos du salarié, les forfaits en jours font l’objet d’une réglementation stricte depuis la loi du 8 août 2016 dite « loi Travail », ayant entériné plusieurs solutions de la chambre sociale rendues en la matière depuis 2011 (v. not., Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 P, D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. Controverse. 474, B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours , Dr. ouvrier 2012. 171 ; Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540 P, D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese
; Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033 P, D. 2014. 1157 ; Dr. soc. 2014. 687, obs. P.-H. Antonmattei ). Entre autres obligations, l’employeur doit dorénavant s’assurer de manière régulière que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (C. trav., art. L. 3121-60 tel qu’issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016). Pareil suivi doit être opéré selon des modalités précisées par la convention collective servant de fondement au forfait en jours (C. trav., art. L. 3121-64). Afin de se mettre en conformité avec la loi et éviter tout nouveau contentieux, les interlocuteurs sociaux ont donc procédé à la révision de plusieurs conventions collectives, comme les y autorise d’ailleurs la loi Travail. Soucieux néanmoins de sécuriser les conventions de forfait-jours en cours, le législateur a également prévu que l’avenant de révision puisse s’appliquer automatiquement à la convention individuelle, sans demander l’accord des salariés concernés (L. préc., art. 12-I). Qu’en est-il toutefois des avenants de révision...

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L’obligation de négocier tout contrat de bonne foi (C. civ., art. 1104), qui impose aux parties d’adopter un comportement loyal dans les relations précontractuelles, trouve à s’appliquer en droit du travail dans le cadre de la négociation des conventions collectives. Cette obligation de mener loyalement la négociation d’accords collectifs apparaît parfois dans le code du travail, s’agissant par exemple des accords sur les salaires effectifs (C. trav., art. L. 2242-6) ou sur la mise en place du travail de nuit (C. trav., art. L. 3122-21) ; la Cour de cassation en fait une obligation qui doit « présider à toute négociation collective » (Soc. 28 nov. 2001, n° 00-11.209 P, RJS 2/2002, n° 150 ; pour une application récente, v. Soc. 17 avr. 2019, n° 18-22.948, Dalloz actualité, 14 mai 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 894 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ; Dr. soc. 2019. 574, obs. M. Gadrat ; RDT 2019. 589, obs. C. Nicod ). Il n’est donc pas surprenant que les juges de la chambre sociale considèrent que l’employeur est tenu d’une obligation de loyauté dans le cadre de la négociation d’un accord préélectoral, qui impose qu’il fournisse « aux syndicats participant à cette négociation, et sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales » (Soc. 6 janv. 2016, n° 15-10.975, Dalloz actualité, 1er févr. 2016, obs. J. Siro ; D. 2016. 132 ; RDT 2016. 284, obs. C. Nicod ). Si elle est rattachée depuis 2016 à l’obligation de loyauté, la reconnaissance d’une obligation d’information dans la...

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La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a profondément modifié les conditions de validité des accords collectifs signés par des organisations syndicales représentatives. Pour être valable, l’article L. 2232-12 du code du travail dispose désormais que l’accord collectif doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.

À défaut d’accord majoritaire, l’accord peut encore être conclu par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés. Mais, dans ce dernier cas, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent solliciter la consultation des salariés afin que l’accord soit validé. Les ordonnances du 22 septembre 2017, dites Macron, n’ont pas modifié la possibilité d’exiger la validation des accords minoritaires par les salariés.

Dans ce cadre légal, l’arrêt commenté a eu à trancher deux difficultés tenant, d’une part, au rôle de l’employeur dans l’organisation de cette consultation et, d’autre part, à la définition du périmètre des salariés devant être consultés.

En l’espèce, le 5 septembre 2018, un accord collectif de substitution excluant de son champ d’application les cadres, médecins, pharmaciens et dentistes a été signé avec le syndicat non majoritaire CGT au sein de l’hôpital Joseph Ducuing. En outre, un autre accord d’établissement précédemment conclu excluait du champ d’application de l’accord substitué le personnel médical travaillant en maternité. Le 12 septembre 2018, l’employeur a informé le syndicat CFDT de la demande de la CGT d’organiser la consultation des salariés à défaut de signature d’un accord majoritaire, la CGT n’ayant pas d’elle-même informé la CFDT. Un protocole d’accord sur la consultation a été signé par la CGT et seuls les salariés qui n’étaient pas exclus du champ d’application de l’accord de substitution ont été consultés. Ainsi, l’ensemble des salariés de l’établissement au sein duquel l’accord a été signé n’a pas été consulté.

Dans ce contexte, la CFDT a saisi le tribunal d’instance de Toulouse afin d’obtenir l’annulation du protocole et des opérations de consultation.

Elle a d’abord soutenu que l’employeur ne pouvait suppléer la carence du syndicat CGT qui ne lui avait pas notifié sa demande d’organisation d’une consultation des salariés, sauf à méconnaître son obligation de neutralité. L’article D. 2232-6 du code du travail dispose à cet égard que la ou les organisations syndicales sollicitant l’organisation de la consultation notifient par écrit leur demande à l’employeur et aux autres organisations syndicales représentatives.

Le tribunal n’a pas suivi cette argumentation, qui n’a pas davantage convaincu la Cour de cassation qui a d’abord jugé que la régularité de la demande de consultation formée n’est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais pour conclure un accord majoritaire afin d’éviter la consultation et pour organiser, à défaut, la consultation. La Cour de cassation adopte sans surprise la même solution qu’elle avait déjà dégagée dans le cadre de l’ancien régime et du droit d’opposition à l’entrée en vigueur d’un accord minoritaire qui était reconnu aux syndicats majoritaires. La Cour de cassation avait ainsi jugé que « ni la validité d’un accord ni son applicabilité aux salariés ne sont subordonnées à sa notification aux organisations syndicales, laquelle a seulement pour effet de faire courir le délai d’opposition de celles qui n’en sont pas signataires, si elles remplissent les conditions pour l’exercer » (Soc. 13 oct. 2010, n° 09-68.151 P, Dalloz actualité, 10 nov. 2010, obs. B. Ines ; D. 2010. 2586 ).

La demande de consultation étant régulière, la Cour de cassation a ensuite jugé qu’en l’absence de notification par le syndicat à l’origine de la demande, l’information donnée par l’employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à l’obligation de neutralité. Rappelons que l’obligation de neutralité de l’employeur est définie par l’article L. 2141-7 du code du travail qui interdit seulement à l’employeur ou à ses représentants d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale. La violation de cette obligation est strictement admise. Méconnaît ainsi son obligation de neutralité l’employeur qui, par exemple, subventionne le seul syndicat ayant signé un accord collectif (Soc. 29 mai 2001, n° 98-23.078 P, D. 2002. 34, et les obs. , note F. Petit  ; Dr. soc. 2001. 821, note G. Borenfreund ). Or la seule transmission au syndicat CFDT de la demande de la CGT ne semblait nullement constituer une pression en faveur de la CGT ou à l’encontre de la CFDT.

Plus sérieux était le second argument de la CFDT qui faisait valoir que l’employeur ne pouvait exclure de la consultation les salariés qui n’étaient pas visés par l’accord et devait consulter tous les salariés électeurs de l’établissement au sein duquel l’accord litigieux a été conclu. L’article L. 2232-12 du code du travail précise à cet égard que « participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1 ». Cette phrase prête assurément à confusion car la notion de « salariés couverts par l’accord » peut aussi bien être comprise comme visant les seuls salariés directement intéressés par l’accord (F. Petit, « Les conditions de l’organisation du référendum dans l’entreprise », Dr. soc. 2018. 417 ) ou comme visant l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement où sera appliqué l’accord (v. Dr. soc. 2018. 422, obs. V. Cohen-Donsimini, ). La confusion était d’autant plus permise que l’article D. 2232-2 du code du travail, dans sa version initiale, disposait que « le protocole conclu avec les organisations syndicales détermine la liste des salariés couverts par l’accord au sens du cinquième alinéa de cet article et qui, à ce titre, doivent être consultés », ce qui pouvait autoriser à penser que les salariés non concernés par l’accord pouvaient être exclus. Mais cette phrase a été annulée par le Conseil d’État par décision du 7 décembre 2017 (n° 406760), de sorte que seule la disposition légale subsiste aujourd’hui. 

Dans ce contexte, la Cour de cassation, désapprouvant la position du tribunal d’instance, a tranché en faveur de la seconde thèse : « doivent être consultés l’ensemble des salariés de l’établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l’entreprise sans préjudice de l’application, le cas échéant, des dispositions de l’article L. 2232-13 du même code ». Ainsi, sous réserve d’un accord collectif purement catégoriel, pour lequel l’article L. 2232-13 du code du travail dispose expressément que la consultation peut être réservée au collège électoral visé par l’accord, l’ensemble des salariés doivent être consultés en présence d’un accord de droit commun.

Cette solution ne peut qu’être approuvée au regard de la finalité de la loi qui, en introduisant l’approbation par les salariés d’un accord collectif minoritaire, a souhaité renforcer leur légitimité dans un contexte où les accords peuvent aujourd’hui contenir des dispositions moins favorables que les dispositions conventionnelles de branches et peuvent même de plein droit modifier les contrats de travail (C. trav., art. L. 2254-2, III).

Enfin, la portée de cette décision ne se limite pas à la consultation des salariés au sein des seules entreprises pourvues de délégués syndicaux. Rappelons qu’en l’absence de délégué syndical, en fonction de l’effectif de l’entreprise, des accords collectifs peuvent être conclus avec des salariés élus mandatés par des organisations syndicales représentatives, à défaut avec des élus non mandatés et à défaut encore avec des salariés non élus mais mandatés. Selon les situations, la loi conditionne la validité de ces accords à l’approbation des salariés (C. trav., art. L. 2232-21 à L. 2232-26). En application de l’arrêt sous examen, cette approbation doit donc être effectuée par l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement. Mais une difficulté subsiste dans ce dernier cas au sujet des accords collectifs purement catégoriels. Si la loi a prévu une disposition spécifique dans les entreprises pourvues de délégué syndical (C. trav., art. L. 2232-13), une telle disposition n’a pas été reprise dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Ainsi, en l’absence de texte spécifique, l’ensemble des salariés devraient être consultés avant l’entrée en vigueur d’un accord purement catégoriel conclu en l’absence de délégué syndical. Des non-cadres seraient amenés à se prononcer sur un accord visant les seuls cadres (un accord de forfait-jours, par exemple) et pourraient bloquer la mise en œuvre de cet accord. Malgré le silence des textes, il n’est pas certain dans ce cas que la Cour de cassation maintienne avec la même rigueur sa jurisprudence.

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L’arrêt rendu le 9 octobre 2019 illustre la difficile conciliation entre le droit à l’information des représentants du personnel et le secret des affaires qui protège l’entreprise contre la divulgation d’informations sur ses difficultés économiques (M. Koehl, La négociation en droit des entreprises en difficultés, thèse dactyl. Paris Nanterre, 2019). En l’espèce, c’est le comité de groupe de la société Groupe Flo qui s’est heurté à la confidentialité sur la désignation d’un mandataire ad hoc.

Pourtant, aux termes de l’article L. 2332-1 du code du travail, « le comité de groupe reçoit des informations sur l’activité, la situation financière, l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, dans le groupe et dans chacune des entreprises qui le composent. Il reçoit communication, lorsqu’ils existent, des comptes et du bilan consolidés ainsi que du rapport du commissaire aux comptes correspondant ». L’article L. 2334-4 du même code précise même que « pour l’exercice des missions prévues par l’article L. 2332-1, le comité de groupe peut se faire assister par un expert-comptable » et que celui-ci est rémunéré par l’entreprise dominante.

C’est dans ce cadre que le comité de groupe de la société Groupe Flo avait décidé en 2016, au cours d’une réunion, de recourir à l’assistance d’un cabinet d’expertise comptable pour l’examen des comptes annuels de la société Groupe Flo pour 2015. Le même expert a vu sa mission étendue en 2017 à l’examen des comptes annuels 2016. Or, au mois de novembre 2016 un mandataire ad hoc avait été désigné par le président du tribunal compétent à la demande de la société Groupe Flo, comme l’y autorise l’article L. 611-3 du code de commerce.

Pour rappel, le mandat ad hoc est une technique de prévention des difficultés des entreprises issue de la pratique du tribunal de commerce de Paris au plus fort de la crise immobilière des années 1990. Consacré par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, le mandat ad hoc permet le traitement à l’amiable des difficultés d’une entreprise dans un cadre totalement souple. Son originalité tient notamment à l’obligation de confidentialité qui incombe « à toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance » (C. com., art. L. 611-15).

La Cour de cassation veille d’ailleurs à ce qu’une telle obligation, formalisée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises soit bel et bien respectée. Elle a ainsi jugé « que la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite » (Com. 15 déc. 2015, n° 14-11.500 P, D. 2016. 5, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et...

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Mercredi 30 octobre, la cour d’appel de Paris s’est rangée à l’avis de la Cour de cassation, comme elle l’avait déjà fait le 18 septembre dernier (v. Dalloz actualité, 3 oct. 2019, art. T. Coustet ) : le barème est bien conforme aux textes internationaux. Il ne peut pas être écarté au nom des chartes européennes et de la Convention de l’organisation internationale du travail.

La juridiction était saisie d’une demande en nullité du licenciement d’un salarié de Natixis. En première instance, l’affaire ne concernait qu’une demande de réévaluation professionnelle de sa part, et pas un licenciement, mais le salarié a ensuite été licencié.

La CGT-FO et FO se sont joints à cette procédure d’appel. Les syndicats ont contesté l’application du barème tel que prévu par les ordonnances réformant le droit du travail, estimant qu’il était contraire aux engagements internationaux de la France (la Charte sociale européenne et la Convention n° 158 de l’OIT).

La cour d’appel de Paris a passé en revue leurs arguments et estimé que le barème ne posait pas de difficulté. Les juges ont retenu que ce barème permettait « de garantir au salarié “une indemnité adéquate ou une réparation appropriée”, le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise gardant une marge d’appréciation ».

Sentiment de cacophonie

N’en reste pas moins un sentiment de grande cacophonie. Au niveau des cours d’appel déjà. Le 25 septembre, celle de Reims avait rendu un arrêt plus nuancé (v. Dalloz actualité, 25 sept. 2019, art. T. Coustet ). Le barème prud’homal y est certes jugé conforme aux conventions internationales signées par la France, mais il peut être écarté si le juge constate, à la demande du salarié, une atteinte disproportionnée à la situation personnelle de ce dernier.

À l’échelon prud’homal ensuite, où la résistance se poursuit. Certains conseils prud’homaux continuent d’invoquer la contrariété aux normes internationales pour écarter le barème, alors qu’il a été déclaré conforme par les deux seules cours d’appel saisies. Ce fut le cas, par exemple, à Troyes en juillet (v. Dalloz actualité, 3 sept. 2019, art. T. Coustet ), ou à Limoges en septembre.

En juillet dernier, la Cour de cassation s’était réunie en formation plénière pour délibérer sur l’avis qui peine aujourd’hui à s’imposer aux juridictions du fond. Elle avait jugé le barème « conforme » aux engagements internationaux de la France (v. Dalloz actualité, 26 juill. 2019, art. T. Coustet ). 

Auteur d'origine: tcoustet
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Reconnue comme prioritaire le 14 août 2008, Mme A. n’a été relogée qu’en novembre 2015. Le tribunal administratif a rejeté la demande de condamnation de l’État à l’indemniser du préjudice résultant pour elle de son absence de relogement, en y incluant notamment, les frais de stockage de ses affaires personnelles (11 080,74 €) et des frais d’hôtel (1 788,60 €).

Le Conseil d’État rappelle que la responsabilité de l’État est engagée à l’égard du seul demandeur (CE 13 juill. 2016, n° 382872, Lebon ; AJDA 2016. 1998 , concl. L. Marion ), que celui-ci ait ou non saisi le juge d’une demande d’injonction (CE, 19 juill. 2017, n° 402172, Lebon ; AJDA 2017. 1531 ). Les troubles dans les conditions d’existence « doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’État, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l’État » (v. CE 16 déc. 2016, n° 383111, Lebon ; AJDA...

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Le titre Ier, qui contient un article unique, vise à favoriser le recours au congé de proche aidant. Les partenaires sociaux sont ainsi invités à négocier pour concilier la vie de l’aidant avec les contraintes de l’entreprise. En revanche, le texte a été amputé des...

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Les ordonnances dites Macron ont pour la première fois défini légalement la notion d’établissement distinct dans le cadre de la mise en place du nouveau comité social et économique et ont fixé une procédure précise permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts.

Selon le nouvel article L. 2313-4 du code du travail, en l’absence d’accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés par l’employeur compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

Après avoir interprété cette nouvelle définition légale (Soc. 19 déc. 2018, n° 18-23.655, D. actualité, 16 janv. 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 19 ; RDT 2019. 119, obs. C. Wolmark ), la Cour de cassation, à travers l’arrêt sous examen, vient de mettre un terme à un questionnement doctrinal quant à l’articulation entre la négociation collective et la décision unilatérale de l’employeur dans la fixation des établissements...

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Auteur d'origine: Dechriste

L’employeur fixe en principe librement la date, l’heure et le lieu des réunions du comité d’entreprise puisque la convocation aux réunions du comité constitue une prérogative légalement attribuée au seul employeur (C. trav., art. L. 2325-14 ancien).

Mais ce pouvoir n’est pas absolu comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.

En l’espèce, la société Sancellemoz disposait de deux cliniques situées en Haute-Savoie et les réunions du comité d’entreprise étaient organisées sur le site du plateau d’Assy. À la suite du rachat de la société par le groupe Orpea, les réunions du comité d’entreprise ont été délocalisées au siège administratif du groupe situé à Puteaux (92). En raison des contraintes résultant du changement de lieu des réunions du comité d’entreprise, le comité d’entreprise a, le 29 décembre 2015, assigné la société devant le tribunal de grande instance aux fins...

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Par un arrêt du 17 avril 2019 destiné à être publié, la chambre sociale se prononce sur la nature de la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification du lieu d’exécution de son travail. L’affaire aurait peu suscité l’intérêt si cette modification ne faisait pas suite à un transfert partiel d’activité et si elle n’avait pas été proposée par le nouvel employeur, autrement dit l’entreprise cessionnaire. De plus, cette dernière avait jugé bon de licencier le salarié récalcitrant sur la base d’un motif personnel.

En l’espèce, une société implantée à Orléans avait repris une activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet jusqu’alors exercée sur un lieu de production situé dans la région de Nantes. Cette reprise ayant entraîné une modification de la situation juridique de l’employeur, l’article L. 1224-1 entrait alors en jeu. Dans ce cadre, le cessionnaire était donc tenu de reprendre les contrats de travail des salariées affectées à l’entité transférée. Cependant, le repreneur voulait rapatrier à Orléans leur poste de travail, ce que les salariées ont toutefois refusé, comme cela leur est permis lorsque l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur. Dans ce cas, il appartient au cessionnaire, s’il n’est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement (Soc. 30 mars 2010, n° 08-44.227 P, D. 2010. 968 ; Dr. soc. 2010. 856, obs. A. Mazeaud ; RJS 06/2010, n° 489 ; JCP S 2010. 1297, obs. P. Morvan).

Toutefois, le licenciement aurait dû être prononcé selon les modalités d’un licenciement économique dès lors qu’il est lié à une modification et à un transfert auxquels la personne du salarié est étrangère. En effet, la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, imposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique (Soc. 14 mai 1997, n° 94-43.712 P, Dr. soc. 1997. 740, obs. F. Favennec et G. Couturier ). Or ce qui suscitait le débat en l’espèce était l’invocation par le nouvel employeur, au soutien du licenciement des salariées ayant refusé leur nouvelle affectation, d’un motif personnel en décalage avec le contenu des lettres de licenciement. Leur lecture révèle, en effet, que la fermeture du site d’origine et le déménagement à Orléans répondaient à des considérations purement économiques. Reproduites en partie dans les moyens annexés à l’arrêt, les lettres énoncent ainsi que la modification du lieu de travail avait été décidée « afin de pérenniser et de développer l’activité internet précédemment exploitée ». En ce sens, le cessionnaire a fait le choix de « mutualiser sur un seul lieu de production les moyens humains et techniques ». La décision d’affecter les salariées à Orléans a été dès lors interprétée par les juges du fond puis par la Cour de cassation, comme une manifestation de volonté de la part du repreneur de « réaliser des économies ». Partant, « le motif réel du licenciement résultait […] de la réorganisation de la société cessionnaire ». Confirmant les appréciations de la cour d’appel, la Cour de cassation en déduit que le transfert des postes de travail à Orléans était motivé par des raisons étrangères à la personne des salariées. Le licenciement prononcé pour motif personnel, alors qu’il avait la nature juridique d’un licenciement économique, était donc injustifié. Il en va ainsi alors même que le contrat de travail des salariées contenait une clause de mobilité en vertu de laquelle elles s’étaient engagées à accepter un déplacement de leur lieu de travail au nouveau siège social de l’entreprise. En effet, dès lors que l’employeur faisait référence dans les lettres de licenciement aux enjeux économiques de la modification proposée, le motif personnel ne pouvait qu’être écarté. D’où l’importance pour l’employeur de bien rédiger la lettre afin de ne pas suggérer un décalage entre son contenu et la qualification du licenciement.

De bon sens, cette solution semble prendre le contrepied d’un arrêt antérieur rendu le 1er juin 2016 (Soc. 1er juin 2016, n° 14-21.143 P, Dalloz actualité, 17 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1259 ; Dr. soc. 2016. 775, obs. J. Mouly ; RJS 08/2016, n° 553 ; JSL 2016, n° 414, p. 25 ; SSL 2016, n° 1728, obs. P. Bailly ; Dr. ouvrier 2016. 667, obs. D. Baugard). La Cour de cassation y avait admis que le transfert partiel d’une entité économique, en l’espèce une « activité de gestion tiers payant », de La Seyne-sur-Mer, dans le Var, à Lyon « avait entraîné par lui-même » la modification du contrat de travail d’une salariée. Rejetant la demande de celle-ci de juger la rupture injustifiée en raison de son refus, la Cour de cassation avait décidé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse du seul fait qu’elle avait refusé le transfert de son poste de travail à Lyon. Plus encore, c’est le caractère automatique d’un tel refus sur la légitimité du licenciement qui avait suscité la polémique. D’aucuns s’interrogeaient même sur le fait de savoir si la Cour de cassation n’avait pas oublié « l’esprit du transfert d’entreprise » (P. Bailly, L’esprit du transfert d’entreprise serait-il oublié ?, SSL 2016, n° 1728, préc.). Et pour cause : classiquement, en matière de transfert, la seule « modification » qui s’impose au salarié est « le changement d’employeur ». Si l’opération impacte un autre élément du contrat, le salarié peut en principe légitimement la refuser.

Compte tenu de la similarité des deux affaires, il n’est guère étonnant que le cessionnaire ait repris dans son argumentation la solution de l’arrêt du 1er juin 2016. En effet, celui-ci soutenait entre autres, à l’appui de son pourvoi, que « le transfert à la société Bloom Trade, située à Orléans, de l’activité de vente et de commercialisation de fleurs exploitée jusque-là par la société Le Bouquet nantais, avait par lui-même entraîné une modification des contrats de travail des salariés transférés à la société Bloom Trade, cette société ne pouvant maintenir les conditions antérieures de travail de ces salariés […], si bien que les refus de ces salariés de poursuivre l’exécution de leur contrat de travail à Orléans constituaient, pour la société Bloom Trade, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique ». Pourtant, dans l’arrêt rendu le 1er juin 2016, la haute juridiction ne se prononçait pas sur la nature juridique du licenciement consécutif au refus de la modification du contrat de travail du fait du transfert. L’argumentation du repreneur en l’espèce ne pouvait donc pas s’appuyer complètement sur l’arrêt du 1er juin 2016 qui laissait en suspens la question de la qualification du licenciement. L’arrêt du 17 avril 2019 constitue ainsi un début de réponse de la Cour de cassation à cette interrogation. Plus encore, le fait de confirmer, à la suite de la cour d’appel, que le licenciement avait une nature économique pourrait marquer la volonté de la chambre sociale de s’éloigner de l’arrêt du 1er juin 2016.

Malgré les éclaircissements sur la nature du licenciement consécutif au refus des salariés transférés d’accepter la modification de leur contrat de travail, il faudra sans doute attendre d’autres arrêts de la Cour de cassation pour confirmer la solution de l’arrêt du 17 avril 2019. Dans l’attente, le repreneur qui projette de licencier les salariés transférés ayant refusé la modification de leur contrat de travail est incité à notifier des licenciements économiques. Il s’ensuit que ces salariés-là doivent bénéficier du régime correspondant, l’employeur devant procéder alors à leur reclassement ou même établir le cas échéant, un plan de sauvegarde de l’emploi. À tout le moins, l’arrêt invite l’employeur à faire preuve de prudence dans la rédaction de la lettre de licenciement afin de ne pas créer de décalage entre son contenu et le motif invoqué.

Auteur d'origine: Dechriste

Dans la première affaire (requête n° 419242), le Conseil d’État était saisi par La Ligue nationale pour la liberté des vaccinations d’un recours contre le décret du 25 janvier 2018, pris en application de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui rendait obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, onze vaccins. Pour la requérante, cette extension de la liste des vaccins obligatoires porte atteinte au droit à l’intégrité physique. Dans sa décision, la haute juridiction reconnaît qu’une « vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit ». Toutefois, elle peut être admise « si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d’une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d’autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d’une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l’efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu’il peut présenter ».

Le Conseil d’État relève qu’il s’agit « d’infections graves », « très contagieuses », « susceptibles de complications graves, […] pouvant entraîner la mort et […] crée[r] pour la femme enceinte un risque élevé de décès ou de malformations congénitales graves du fœtus ». Or « la couverture vaccinale constatée à la date des dispositions critiquées restait insuffisante pour créer une immunité de groupe, seule à même d’éviter de nouvelles épidémies et de protéger les personnes qui ne peuvent être vaccinées ». Les onze vaccins obligatoires présentent un niveau d’efficacité compris entre 85 et 90 %, voire égal à 100 % pour quatre d’entre eux. Dans ces conditions, estime le Conseil d’État, les dispositions critiquées « ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l’objectif poursuivi d’amélioration de la couverture vaccinale pour, en particulier, atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe au bénéfice de l’ensemble de la population, et proportionnée à ce but ».

La seconde espèce (requête n° 415694) concernait le refus implicite de la ministre de la santé de prendre les mesures nécessaires pour imposer aux fabricants de vaccins de ne pas utiliser de sels d’aluminium comme adjuvants pour les vaccins obligatoires. Pour rejeter les requêtes, le Conseil d’État estime « qu’aucun lien de causalité n’a pu être établi, à ce jour, entre adjuvants aluminiques et maladie auto-immune » et qu’en « l’état des connaissances scientifiques, les vaccins contenant des adjuvants aluminiques ne peuvent être qualifiés de spécialités nocives ou de spécialités pour lesquelles le rapport entre les bénéfices et les risques ne serait pas favorable ».

Auteur d'origine: emaupin

Cette proposition de loi, déposée depuis près d’un an, contient une mesure phare : il crée un contrat d’accès à l’autonomie pour combler les lacunes du contrat jeune majeur ; le dispositif actuel tendant à considérer le contrat comme facultatif, alors que les besoins augmentent et que leur mise en place donne lieu à des divergences importantes entre les départements. C’est pourquoi, la proposition de loi rend obligatoire la prise en charge des majeurs de moins de 21 ans par les services de l’aide sociale à l’enfance lorsque ces jeunes...

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Auteur d'origine: pastor

Le code de la sécurité sociale institue une obligation d’affilier à un régime de retraite complémentaire les salariés « soumis à titre obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale » (CSS, art. L. 921-1). Ces régimes complémentaires sont gérés paritairement par les partenaires sociaux, qui fixent notamment par voie d’accord collectif l’assiette et le taux de cotisations, ou encore la valeur du point, indice permettant de déterminer les droits à retraite complémentaire de chaque salarié affilié.

En l’espèce, un ancien salarié ayant liquidé ses droits à la retraite le 1er juillet 2012 a constaté qu’à l’occasion de missions qu’il avait effectuées à l’étranger entre 1977 et 1986, certains trimestres de cotisation auprès de l’assurance vieillesse n’avaient pas été validés et que l’employeur ne l’avait pas affilié à l’AGIRC. Il a saisi le juge prud’homal le 5 décembre 2013 afin d’obtenir de l’employeur le paiement de diverses sommes en réparation du préjudice résultant de l’absence d’affiliation au régime général et à l’AGIRC durant son expatriation. Dans cette affaire, les débats ont principalement tourné autour de la question des délais de prescription applicable : le salarié retraité pouvait-il intenter une action contre son ex-employeur qui avait manqué à son obligation de l’affilier à un régime de retraite complémentaire, plus de 30 ans après les périodes de travail en cause ?

À défaut de dispositions légales spéciales dans le code du travail ou le code de la sécurité sociale, les délais de prescription en droit social sont ceux prévus par les...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut décerner une contrainte pour assurer le recouvrement des cotisations sociales et majorations de retard (CSS, art. L. 244-9 et R. 133-3 s.). S’il n’a pas été fait opposition à cette contrainte devant le juge du contentieux de la sécurité sociale, celle-ci aura tous les effets d’un jugement. Quant à la requête en opposition elle doit être motivée et intervenir dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la contrainte, à défaut elle sera déclarée irrecevable.

Outre ces conditions de recevabilité du recours qui sont d’ordre public, le requérant n’est pas pour autant recevable à contester la contrainte au fond, c’est ce à quoi l’arrêt de rejet de la Cour de cassation du 4 avril 2019 aboutit.

De quoi s’agissait-il ? Une société commerciale avait fait l’objet d’un contrôle de la part de l’URSSAF portant sur plusieurs années (2007-2011), qui avait donné lieu à un redressement par lettre d’observations, puis le 14 décembre 2012 à une mise en demeure, qu’elle avait contestée devant la commission de recours amiable de l’organisme de recouvrement, laquelle par décision du 8 avril 2013 en avait réduit le montant. Aucun recours juridictionnel contre cette décision n’avait été fait. Entre-temps, le 22 janvier 2013, l’URSSAF, comme cela est parfaitement possible (Civ. 2e, 3 avr. 2014, n° 13-15.136, RDSS 2014. 583, obs. T. Tauran ) avait fait signifier une contrainte à laquelle la société s’est opposée devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris,...

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Auteur d'origine: etamion
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par Wolfgang Fraissele 6 mai 2019

Soc. 27 mars 2019, FS-P+B, n° 17-23.314

Par cette décision, la Cour de cassation vient préciser pour la première fois que tant que la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite, l’action tendant à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail est recevable. En l’espèce, un salarié a été engagé à compter du 15 janvier 2006 en qualité de responsable de zone export sur le territoire du Moyen-Orient, statut cadre. Son contrat de travail comportait une convention de forfait annuel en jours. Le 19 mai 2014, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et des demandes se rapportant à son exécution. Il a été licencié le 23 mai 2014. Il soutenait que tant son contrat de travail que l’accord collectif instaurant le dispositif d’un forfait datant du 15 mars 2000 ne comportaient pas de dispositions de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés et que son employeur n’avait pas mis en place un...

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Auteur d'origine: Fraisse

La Cour de cassation s’est d’abord prononcée sur la sanction du non-respect du délai de prévenance en cas de modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Le contrat de travail à temps partiel, qui doit être établi par écrit, doit permettre au salarié de prévoir son rythme de travail et lui permettre d’exercer éventuellement un emploi pour un autre employeur. Ainsi, le contrat doit obligatoirement fixer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ainsi que les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir et la nature de cette modification. Cette modification doit intervenir par ailleurs après respect d’un délai de prévenance, fixé au minimum à sept jours ouvrés à défaut de clause conventionnelle contraire (C. trav., art. L. 3123-31).

La Cour de cassation a jugé que le non-respect de ce délai entraîne la requalification du contrat de travail à temps partiel en...

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Auteur d'origine: Dechriste

L’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui organise la profession d’avocat énonce, en des termes qui semblaient laisser peu de place à la discussion, que « l’avocat exerce en qualité de salarié ou de collaborateur d’un avocat […]. Les litiges nés à l’occasion d’une rupture d’un contrat de collaboration sont soumis à l’arbitrage du bâtonnier ». Seulement voilà, en l’espèce, l’employeur n’est pas un avocat à la cour mais plaide devant le Conseil d’État et la Cour de cassation. 

L’action en requalification de l’avocat collaborateur relève-t-elle de la compétence du juge du travail ? Sur la plan juridique, la question est inédite. Hier, les deux parties se sont énergiquement employées à dérouler leurs arguments lors de l’audience en départage du conseil de prud’hommes de Paris. Pour l’occasion, seule la présidente a siégé.

Les arguments étaient affutés. L’avocat du cabinet, Me Jean Néret, a plaidé le premier. « Un avocat à la cour ne peut être salarié d’un officier ministériel », a-t-il affirmé. Il s’est fondé sur ce même article 7 de la loi de 1971, « siège de la matière » : « on ne peut exercer une activité d’avocat salarié qu’entre avocats à la cour », au sens de ce texte. « Les cabinets d’avocats aux conseils n’exercent pas la même profession, ce sont des officiers ministériels », a-t-il ajouté. Ils tiennent, en effet, cet héritage d’une ordonnance royale du 10 septembre 1817 encore en vigueur.

En renfort, le praticien a cité une unique décision mais qui fait déjà figure de précédent tout indiqué. Il s’agit de l’arrêt de la chambre sociale du 16 septembre 2017 (v. Dalloz actualité, 21 sept. 2015, art. A. Portmann ). La décision tranche une situation voisine, à l’égard cette fois d’un avocat et d’un avoué qui, avant la disparition de la profession au 1er janvier 2012, était également officier ministériel. Or la Cour de cassation avait décliné la compétence prud’homale au profit du bâtonnier. La cour d’appel de renvoi, dans sa décision du 24 janvier 2017 statuant au fond, s’était chargée de rejeter l’action en requalification (v. Dalloz actualité, 27 janv. 2017, art. A. Portmann ).

En défense, l’avocat du collaborateur, Me Kevin Mention, a été pressé par l’insistance de la présidente à « répondre sur la compétence et sur l’arrêt de la Cour de cassation ». Il a tenté de placer le débat sur les éventuelles incohérences liées au statut : « Les cabinets d’avocats aux conseils n’ont même pas le même ordre, pas le même bâtonnier ». « Devant quel bâtonnier l’affaire sera renvoyée le cas échéant ? », a-t-il interrogé.

La décision sera rendue le 8 décembre prochain.

Auteur d'origine: tcoustet

En vertu du premier alinéa de l’article L. 2411-7 du code du travail, l’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures. Cette protection court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.

C’est par l’une des lois Auroux, la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, que la notion d’imminence aux élections professionnelles a été introduite dans le code du travail. Cette disposition fait avancer la date de protection contre le licenciement au moment où l’employeur a connaissance de l’imminence de la candidature. On trouve aujourd’hui cette disposition au second alinéa de l’article L. 2411-7 pour les candidats aux élections des délégués du personnel et, toujours à ce même alinéa à compter du 1er janvier 2018, pour les candidats à la fonction de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique. L’autorisation de licenciement est donc requise selon cet article lorsque la lettre du syndicat notifiant la candidature a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

En l’espèce, une salariée a informé son employeur par une lettre reçue le...

Auteur d'origine: SIRO

D’abord censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi Macron du 6 août 2015, puis retiré du projet de la loi Travail, le plafonnement des indemnités en cas de licenciement injustifié est finalement institué par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (v. Dalloz actualité, 4 sept. 2017, art. A. Bariet et J.-B. Davoine ). Il s’applique aux licenciements prononcés à partir du 24 septembre. Vendredi 27 octobre, trois experts du contentieux prud’homal ont débattu de la validité juridique et de l’intérêt pratique de cette mesure destinée, assure le gouvernement, à lever les freins à l’embauche et ainsi lutter contre le chômage de masse.

« Les prud’hommes n’ont pas besoin de barème pour allouer des indemnités cohérentes »

Pour Jamila Mansour, vice-présidente aux prud’hommes de Bobigny et militante CGT, imposer un barème d’indemnités en cas de licenciement abusif est un non-sens : « Tout justiciable qui se présente aux prud’hommes est un cas particulier. Dans un procès, nous tenons compte de nombreux facteurs : l’historique du salarié, son âge, sa situation familiale, le fait qu’il ait ou non retrouvé un travail, le climat du licenciement injustifié, l’éventuelle violence du licenciement, la taille et la situation financière de l’entreprise, etc. Cela peut paraître théorique mais c’est notre activité au quotidien, insiste la magistrate. J’ai encore à l’esprit une salariée de 57 ans, à quelques années de la retraite, licenciée après trente-cinq années dans l’entreprise pour faute grave et insuffisance professionnelle en raison d’une simple erreur comptable ! En tant que juge, je trouve le barème choquant. Et c’est aussi le cas pour les conseillers employeurs, qui pensent également être capables d’allouer des indemnités cohérentes au regard du cas présenté ». Une affirmation confirmée par Bruno North, vice-président pour le Medef aux prud’hommes de Paris : « Le conseiller prud’homal juge en droit. Mais au bout du compte, les décisions sont prises à quatre, et cela instille toute l’humanité nécessaire. Il faut préserver, ce que l’on nous a appris en droit, l’appréciation souveraine des juges du fond ».

La conformité des ordonnances en question

Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris, qualifie quant à lui « d’hérésie juridique » le plafonnement des indemnités prud’homales : « Le point technique qui devrait faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans les mois à venir, c’est de savoir si l’on peut “barémiser“ à partir du seul critère d’ancienneté. Personnellement, je pense que l’ordonnance sera censurée. Et si ce n’est pas le cas, les avocats vont dire que les dommages-intérêts ne réparent que le préjudice lié à l’ancienneté et vont donc demander des indemnités complémentaires pour tout le reste, prédit-il. Le juge retrouvera alors toute liberté d’indemniser les autres sources de préjudice liées à la rupture du contrat ».

L’avocat en droit social pour les entreprises pointe également une faiblesse de l’ordonnance Macron au regard du droit international : « On le sait, le juge constitutionnel n’exerce pas de contrôle de conventionnalité de la loi, c’est-à-dire qu’il ne vérifie pas que la loi française est conforme aux normes internationales. En défense, le ministère du travail avance que le barème existe déjà dans certains pays européens. Mais ces barèmes étrangers sont le fruit d’une autre histoire sociale, rappelle Frédéric Sicard. Pour la France, je crois que cette nouvelle norme va poser problème ». D’autres contournements du barème sont d’ores et déjà anticipés : « Il y a l’exception de l’atteinte par l’employeur aux libertés fondamentales du salarié, poursuit le bâtonnier de Paris, qui justifie d’écarter le barème d’indemnités. Parmi ces libertés fondamentales, il y a la dignité humaine, reconnue par le Conseil d’État. L’atteinte à la dignité humaine pourra être plaidée dans les cas de licenciements vexatoires et violents ».

La justice prud’homale, amortisseur social

Les trois praticiens craignent, à travers la mise en œuvre du plafonnement des indemnités, que les conseils de prud’hommes ne soient plus en mesure de réguler les relations sociales : « Les prud’hommes restent, et c’est leur grande force, une justice humaine », expose le conseiller issu du Medef Bruno North. « Les salariés apprécient d’être jugés par des personnes qui connaissent le monde de l’entreprise, presque des pairs dont ils reconnaissent l’impartialité. »

« Il faut quand même se dire que la France a complètement transformé son économie ces vingt dernières années, tout le tissu économique a été transformé, met en avant Frédéric Sicard. C’est d’une violence extrême, il faut avoir en tête le nombre de licenciements économiques prononcés. Si nous n’avons pas connu les violences sociales que l’on pouvait attendre d’une telle violence économique, je l’attribue à la grande qualité du système prud’homal qui a joué le rôle d’amortisseur social. »

Un propos relayé par la vice-présidente aux prud’hommes de Bobigny : « Quand un salarié se présente devant nous, c’est le plus souvent le procès d’une vie. Les demandeurs sont tendus et veulent entendre la décision, qu’elle soit positive ou non. Si l’on prive les salariés licenciés de cet accès à une justice perçue comme équitable, il y a effectivement une source de risque social qui doit intéresser toute la société française ».

Plafond d’indemnités : la faute aux cours d’appel ?

D’autant plus que les magistrats de première instance pensent ne pas être les premiers visés par les ordonnances : « Le constat est simple : vous avez une demande de 10 du salarié, les conseillers vont débattre et condamner l’employeur à verser une somme de 2 à 4. Puis le salarié va faire appel et obtenir entre 6 et 7, régulièrement avec une motivation relativement faible, dénonce Bruno North. Je me demande donc si la frénésie de cette indemnité maximale ne vise pas plutôt les magistrats professionnels qui ont parfois la main lourde sur les indemnités. Il est connu qu’il vaut parfois mieux tomber sur telle ou telle cour d’appel. Sur ce point, il me semble logique que la justice ne soit pas différente pour le justiciable de Dunkerque ou de Toulouse ».

Et Jamila Mansour de rappeler en conclusion que respecter le droit du travail reste le meilleur moyen d’éviter de verser d’importantes indemnités aux salariés : « Il y a des entreprises, parfois de grande taille, que l’on ne voit jamais, ou qui connaissent parfois des contentieux mais qui ne sont jamais condamnées, soutient la vice-présidente aux prud’hommes de Bobigny. J’imagine que ces employeurs licencient, mais qu’ils licencient lorsqu’il existe une cause réelle et sérieuse et qu’au quotidien, ils prennent soin de respecter la loi. Les prud’hommes ne sont donc pas une fatalité ».

Auteur d'origine: babonneau

La chambre sociale juge que le fait pour un employeur d’ouvrir son établissement le dimanche sans qu’il y soit autorisé de droit ou par autorisation préfectorale constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés est habilité à faire cesser (Soc. 14 juin 1989, n° 88-15.302, Bull. civ. V, n° 448 ; RJS 7/89 n° 586 ; 13 juin 2007, n° 06-18.336, Bull. civ. V, n° 103 ; D. 2007. AJ 1874  ; RJS 8-9/07 n° 963).

En l’espèce, une société qui exploite une supérette ouverte le dimanche matin et fermée le lundi, a saisi la juridiction commerciale afin de faire cesser le trouble manifestement illicite qu’elle estime subir du fait de l’ouverture le dimanche matin du magasin exploité à proximité du sien en violation de l’arrêté préfectoral du 4 juin 1952 qui prévoit que « seront totalement fermés au public, dans tout le département de Seine-et-Oise, le dimanche toute la journée, le lundi toute la journée ou le mercredi toute la journée, au choix des intéressés, les établissements […] dans lesquels est vendue au détail de l’alimentation solide et liquide à emporter ».

La cour d’appel a estimé qu’il n’y avait pas lieu à référé car, s’il incombe à...

Auteur d'origine: SIRO