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Le premier arrêt (n° 428198) concerne l’illégalité d’un refus d’autorisation de licenciement pour vice de procédure. Un tel refus illégal constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard de l’employeur si celui-ci subit un préjudice direct et certain. L’employeur peut alors solliciter le versement d’une indemnité en réparation du préjudice et il appartient au juge, selon le Conseil d’État, « de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des pièces produites par les parties et, le cas échéant, en tenant compte du motif pour lequel le juge administratif a annulé cette décision, si la même décision aurait pu légalement être...

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par Loïc Malfettesle 10 novembre 2020

Soc. 14 oct. 2020, F-P+B, n° 19-12.275

Il ressort de l’article L. 1231-5 du code du travail que dès l’instant où le contrat de travail unissant un salarié à une filiale située à l’étranger est rompu, la société mère se doit d’en assurer le rapatriement avec une obligation de reclassement de ce dernier sur un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions. Il a été précisé en application de cet article que le salarié rapatrié ne peut alors prétendre à une rémunération identique à celle dont il bénéficiait au sein de la filiale dans des conditions très différentes, et que son refus d’un poste qui ne constituait pas un déclassement caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement (Soc. 22 mars 1982, n° 80-15.496 P). Mais quid lorsque le salarié ne se voit proposer qu’un déclassement et que celui-ci le refuse ? Sur quelle base salariale les indemnités de rupture doivent-elles être calculées lorsque la société-mère entend le licencier ? Ce sont à ces questions que l’arrêt du 14 octobre vient apporter des éléments de réponse.

Un salarié engagé en qualité d’ingénieur commercial avait profité d’une mobilité intra-groupe en occupant un poste de directeur commercial dans une société filiale soumise au droit américain. Cette dernière l’ayant licencié, la société mère basée en France dans laquelle il occupait son emploi d’origine lui...

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Auteur d'origine: Dechriste
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L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016 (AJDA 2016. 285 ) sur dix zones géographiques, va donc être étendue. Cinquante nouveaux territoires vont être concernés par cette seconde vague.

Mais pour n’en laisser aucun de côté, la voie à une augmentation dérogatoire par décret a été ouverte.

La question de la participation financière des départements au financement de l’expérimentation, pomme de discorde entre les deux chambres (contrairement aux députés [AJDA 2020. 1688 ], les sénateurs ont refusé de voter...

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Auteur d'origine: emaupin

Indemnisation de l’activité partielle

Indemnité versée au salarié

Compte tenu de la situation sanitaire, l’entrée en vigueur du dispositif réformé de l’activité partielle de droit commun (initialement prévue au 1er novembre 2021) est finalement reportée au 1er janvier 2021. Ainsi, jusqu’au 31 décembre 2020, l’indemnité d’activité partielle versée par l’employeur au salarié reste fixée à 70 % de la rémunération horaire brute de référence (C. trav., art. R. 5122-18).

Le décret n° 2020-1316 apporte, par ailleurs des précisions sur le cumul de l’indemnité compensatrice de congés payés et de l’indemnité d’activité partielle. À compter du 1er novembre, lorsque les congés payés sont dus sous la forme d’une indemnité compensatrice, cette indemnité est versée en plus de l’indemnité d’activité partielle.

À compter du 1er janvier 2021, le taux passe à 60 % du salaire horaire de référence ; le salaire de référence étant limité à 4,5 fois le Smic horaire. Il n’y aura plus, en principe, de remboursement majoré au profit des secteurs protégés.

Sur la question du calcul de l’indemnité, le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 précise les modalités de calcul de l’indemnité pour les salariés percevant des éléments de rémunération variable ou versés selon une périodicité non mensuelle. Pour ces salariés, le salaire de référence tient compte de la moyenne de ces éléments de rémunérations perçus au cours des 12 mois civils précédant le premier jour de placement activité partielle de l’entreprise.

Enfin, ce même décret pose la règle selon laquelle l’indemnité versée par l’employeur ne peut excéder la rémunération nette horaire « habituelle » du salarié (art. R. 5122-18 mod.).

Allocation versée à l’employeur

Aux termes de l’article D. 5122-13 du code du travail, modifié par le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est égal pour chaque salarié à 70 % de la rémunération horaire brute. Mais par dérogation à cet article, le décret n° 2020- 810 du 29 juin 2020 a fixé le taux horaire de l’allocation, hors secteurs protégés, à 60 % de la rémunération horaire brut limité à 4,5 Smic horaire pour la période comprise entre le 1er juin et le 30 septembre 2020. Cette date du 30 septembre a  finalement été reportée par le décret n° 2020-1319 au 31 décembre 2020.

L’allocation perçue par l’employeur reste donc maintenue à 60 % dans le cadre général et le taux de 70 % pour les secteurs les plus impactés par la crise sanitaire est également prorogé par le décret n° 2020-1319 jusqu’au 31 décembre 2020.

Ce décret prévoit en outre que le bénéfice de l’allocation majorée est étendu aux entreprises accueillant du public fermée partiellement (cette mesure étant destinée à prendre en compte les fermetures dues au couvre-feu, notamment) et la liste des secteurs d’activité bénéficiant du taux majoré d’allocation est complété. Est ainsi ajouté le secteur du « conseil et assistance opérationnelle apportées aux entreprises et autres organisations de distribution de films cinématographiques en matière de relations publiques et de communication » et le secteur des « cars et bus touristiques » est remplacé par un secteur plus générique, les « transports routiers réguliers de voyageurs » et les « autres transports ».

À compter du 1er janvier 2021, le taux de l’allocation sera abaissé à 36 % et le taux horaire minimal passe de 8,03 € à 7,23 €. En l’absence de précision d’une modulation selon les secteurs d’activité, ce taux est - pour l’instant - prévu pour être un taux unique (C. trav., art. D. 5122-13, mod. par Décr. n° 2020-1319 du 30 oct. 2020, art. 1er).

Modalités de recours à l’activité partielle

Les décrets du 31 octobre modifient par ailleurs plusieurs modalités de mise en œuvre de l’activité partielle.

Autorisation de placement en activité partielle

Pour recourir au dispositif d’activité partielle, une demande préalable d’autorisation doit être adressée au Préfet du département par l’employeur. Cette demande doit être faite au plus tard dans les 30 jours qui suivent le placement des salariés en activité partielle et la DIRECCTE dispose ensuite de 15 jours pour accorder ou refuser la demande. La consultation du comité social et économique est en outre nécessaire pour les entreprises d’au moins 50 salariés. Le décret n° 2020-1316 prévoit désormais que le comité doit également être informé, au terme de chaque autorisation de recours à l’activité partielle, des conditions dans lesquelles elle a été mise en œuvre (art. R. 5122-2 mod. par Décr. n° 2020-1316 du 30 oct. 2020).

S’agissant toujours de l’autorisation de placement en activité partielle, le décret n° 2020-1316 pérennise la possibilité des demandes groupées pour les entreprises à établissements multiples. Ainsi, lorsqu’une demande d’autorisation préalable d’activité partielle ou de renouvellement porte, pour le même motif et la même période sur au moins 50 établissements implantés dans plusieurs départements, l’employeur peut adresser une demande unique au titre de l’ensemble des établissements à la Dirrecte de l’établissement où est implanté l’un quelconque des établissements concernés. Cette règle avait été introduite par l’article 4 du décret n° 2020-794 du 26 juin et devait prendre fin le 31 décembre 2020 ; elle a finalement été codifiée (C. trav., art. R. 5122-2).

S’agissant de la durée de cette autorisation, les modalités sont modifiées à compter du 1er janvier 2021. Le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 avait fixé à 12 mois la durée maximale d’autorisation d’activité partielle. Le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 modifie cette durée maximale d’autorisation. Elle peut être accordée pour une durée maximum de 3 mois, renouvelable dans la limite de 6 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 12 mois consécutifs.

Toutefois, en cas de sinistre ou d’intempéries de caractère exceptionnel, l’autorisation peut être accordée pour une durée maximum de 6 mois renouvelable ; Dans cette hypothèse, il est précisé que l’autorisation sera accordée si l’employeur souscrit notamment des engagements spécifiques : maintien de l’emploi des salariés pour une certaine durée, actions spécifiques de formation… (C. trav., art. R. 5122-9 mod.).

Activité partielle de longue durée (APLD)

Enfin s’agissant de l’activité partielle de longue durée (APLD), le décret n° 2020-1316 du 30 octobre 2020 apporte quelques précisions.

Tout d’abord, le décret n° 2020-926 du 28 juillet 2020 relatif à l’APLD est modifié à compter du 1er novembre afin d’aligner le taux horaire de l’allocation d’activité partielle spécifique au taux horaire de l’allocation partielle de droit commun lorsque ce taux est supérieur.

Enfin ce même décret prévoit que les institutions représentatives du personnel et, le cas échéant les organisations syndicales signataires de l’accord collectif d’APLD, sont informées de la demande de l’employeur à la Dirrecte de ne pas rembourser les allocations d’activité partielle en cas de licenciement économique ou de l’information faites par la Dirrecte à l’employeur de ne pas demander un tel remboursement.

Auteur d'origine: Dechriste
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Le père ou le second parent d’un enfant doit-il bénéficier des mêmes droits et protections que la mère ? La question est d’actualité alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit d’étendre à vingt-cinq jours, dont sept jours obligatoires, la durée du congé de paternité ou d’accueil de l’enfant (auxquels s’ajoutent les 3 jours de congé de naissance). Si les protections octroyées avant la naissance de l’enfant restent réservées à la femme enceinte, celles octroyées après la naissance sont de plus en plus partagées avec le second parent, au nom du principe d’égalité. C’est le cas notamment de la protection contre le licenciement.

Le code du travail organise la protection de l’emploi de la femme enceinte et de la jeune mère : le licenciement est prohibé pendant la durée du congé maternité ; pendant toute la durée de la grossesse et les dix semaines suivant le retour de la salariée dans l’entreprise, il est conditionné à une faute grave ou une impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse et à l’accouchement (C. trav., art. L. 1225-4). Le juge communautaire a précisé que la directive à l’origine de ces dispositions légales (Dir. 92/85/CEE du 19 oct. 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, art. 10) devait être interprétée en ce sens qu’elle « interdit non seulement de notifier une décision de licenciement en raison de la grossesse et/ou de la naissance d’un enfant pendant la période de protection […], mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision avant l’échéance de cette période » (CJCE 11 oct. 2007, aff. C-460/06, Paquay, Rec. I, p. 8511 ; RJS 2008. 103, obs. Lafuma).

Cette interprétation est aujourd’hui bien ancrée dans la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui sanctionne par exemple l’engagement d’un salarié durant le congé de maternité d’une salariée ayant eu pour objet de pourvoir à son remplacement définitif (Soc. 15 sept. 2010, n° 08-43.299 P, D. 2010. 2166, obs. L. Perrin ; Dr. soc. 2010. 1256, obs. F. Favennec-Héry ; RDT 2011. 31, obs. M. Mercat-Bruns ) ou un entretien téléphonique informant la salariée protégée des modalités d’un licenciement pour motif économique à venir (Soc. 1er févr. 2017, n° 15-26.650). Il n’était cependant pas certain qu’elle dût être étendue aux périodes de protection contre le licenciement du second parent.

Depuis 2014 (L. n° 2014-873 du 4 août 2014), ce dernier bénéficie également d’une protection post-natale : un licenciement ne peut intervenir qu’en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat pour motif étranger à l’arrivée de l’enfant. Initialement prévue pour quatre semaines après la naissance, cette période de protection dure désormais dix semaines (C. trav., art. L. 1225-4-1 issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016). Ces dispositions, rappelant celles applicables à la mère au retour de son congé de maternité, doivent-elles être interprétées comme interdisant également à l’encontre du second parent les mesures préparatoires au licenciement ? Telle était la question posée aux juges du Quai de l’Horloge dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté.

En l’espèce, un salarié avait bénéficié, à la suite de la naissance de son enfant le 20 novembre 2015, de cette période de protection contre le licenciement pour une durée qui était alors fixée à quatre semaines, jusqu’au 18 décembre 2015. Le 26 novembre 2015, il avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement qui s’était tenu le 10 décembre 2015. Son licenciement pour insuffisance professionnelle était intervenu le 23 décembre 2015. Il a alors saisi la juridiction prud’homale.

La cour d’appel de Chambéry, le 29 novembre 2018, a annulé ce licenciement en raison des mesures préparatoires au licenciement mises en œuvre alors que le contrat ne pouvait être rompu. L’existence de mesures préparatoires était évidente, la procédure de licenciement ayant débuté durant la période de protection du salarié, même s’il avait finalement été prononcé à l’expiration de celle-ci. L’employeur contestait toutefois l’interprétation des juges du fond, considérant qu’il était légitime à prendre de telles mesures. Il a donc formé un pourvoi en cassation.

Il arguait que la prohibition des mesures préparatoires au licenciement résultant de l’application de l’article L. 1225-4 du code du travail tel qu’interprété à la lumière de la direction 92/85/CEE du 19 octobre 1992 avait pour objet « d’éviter “des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes”, considérées comme un groupe à risque particulièrement sensible devant être protégé contre les dangers les affectant spécifiquement, avant et après l’accouchement ». Selon le moyen, « c’est pour donner plein effet à ces dispositions et parer à ce risque que la Cour de justice a considéré que la prohibition instituée par la directive devait s’étendre aux actes préparatoires au licenciement des travailleuses ». L’employeur considérait donc qu’aucune règle n’empêchait la mise en œuvre de tels actes à l’égard du second parent.

Par un arrêt du 30 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation approuve le moyen et casse l’arrêt de la cour d’appel de Chambéry, au motif que l’article L. 1225-4-1 du code du travail ne mettant pas en œuvre l’article 10 de la directive 92/85/CEE du 19 octobre 1992, l’employeur était en droit de prendre des mesures préparatoires au licenciement du père durant la période de protection contre la rupture de son contrat.

Du strict point de vue de l’application des textes, cette décision est logique. La directive de 1992 à l’origine de la protection contre le licenciement de la mère vise exclusivement à « promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ». L’interprétation de ces dispositions par la Cour de justice des communautés européennes, selon laquelle cette protection induisait une interdiction non seulement du licenciement, mais également des mesures préparatoires à celui-ci, ne concerne que les personnes entrant dans le champ d’application de cette directive. Si le juge interne doit appliquer les dispositions de l’article L. 1225-4 du code du travail à la lumière de cette interprétation proposée par le juge européen, cette obligation ne s’étend pas à celles de l’article L. 1225-4-1, qui n’a pas vocation à protéger la santé de la mère. Ainsi les juges sont-ils seulement tenus d’appliquer à la lettre le texte, qui interdit le licenciement d’un salarié dans les dix semaines (quatre semaines pour les dispositions en vigueur au moment des faits) suivant la naissance de son enfant, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant. En l’espèce, malgré l’existence de mesures préparatoires, le licenciement était bien intervenu à l’expiration de la période de protection et était donc conforme aux exigences légales.

La solution n’en demeure pas moins discutable au regard de ses effets. Il est possible de considérer, d’abord, que la protection du second parent contre la rupture de son contrat est illusoire si la procédure de licenciement est engagée plusieurs semaines avant que l’employeur retrouve le pouvoir de le licencier. Le parent sait alors que son contrat ne sera pas rompu jusqu’à une certaine date, tout en sachant son avenir dans l’entreprise compromis. L’on peut ensuite penser que si l’interdiction des mesures préparatoires à l’égard de la mère a vocation à éviter « des effets dommageables sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes » (CJCE 11 oct. 2007, aff. C-460/06, préc.), cette interdiction devrait être étendue au second parent. Une jeune mère peut souffrir de savoir son emploi menacé si l’employeur organise la rupture de son contrat avant même son retour dans l’entreprise. La perspective de perte d’emploi à court terme, associée aux charges financières nouvelles générées par l’arrivée d’un enfant, peut être source de dégradation de la santé, physique ou mentale, de la mère. Mais il en va de même, finalement, si c’est l’emploi de son conjoint qui est menacé, au regard des conséquences que le licenciement aura sur les revenus du couple.

Auteur d'origine: Dechriste

Le décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020 relatif à l’aide médicale de l’État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France, s’inscrit dans un mouvement de durcissement de l’accès à l’aide médicale de l’État (AME) entamé depuis plusieurs années. La loi...

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Auteur d'origine: pastor

Jusqu’au bout, sénateurs et députés sont restés divisés sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Le 30 octobre, la commission mixte paritaire a échoué, le Sénat reprochant à l’Assemblée nationale de ne pas donner au Parlement les moyens de contrôler l’exercice des pouvoirs exceptionnels du gouvernement. Ils avaient en effet ramené au 31 janvier 2021 le terme de l’état d’urgence sanitaire et supprimé la prolongation du régime transitoire de sortie afin que le Parlement puisse se prononcer au terme de trois mois d’application de l’état d’urgence sanitaire.

Enorme couac

Finalement, les députés – qui ont le dernier mot – devaient voter en nouvelle lecture, le 4 novembre, pour une prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 16 février 2021 suivi d’un régime transitoire jusqu’au 1er avril 2021, qui adapte celui qui avait été institué, le 11 juillet dernier, à la sortie de l’état d’urgence sanitaire. Cela ne s’est cependant pas passé comme prévu. En raison du cafouillage créé concernant un éventuel couvre-feu en Ile-de-France, annoncé trop précipitamment par le porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal et des élus de la majorité pas assez nombreux lors de la séance du 3 novembre à 21 h, l’opposition a réussi à ramener la prorogation au 14 décembre. Un autre amendement a également été adopté, prévoyant que le confinement décrété par l’exécutif ne pourra être renouvelé au-delà du 30 novembre qu’après accord du Parlement. Sans aucun doute, le gouvernement va demander une nouvelle délibération sur l’article premier. Par ailleurs, le texte proroge dans la même mesure les systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie, à savoir le système d’information national de dépistage (SI-DEP), qui centralise l’ensemble des résultats des tests effectués, et Contact Covid, élaboré par l’Assurance maladie pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts. Le projet de loi autorise également le gouvernement à agir par ordonnance dans de nombreux domaines (prolongation de la durée de validité de certains titres de séjour ; mesures relatives à l’activité partielle, aux contrats des sportifs et de leurs entraîneurs ; règles de délibération des collectivités territoriales, en particulier de quorum ; congés de reconversion des militaires ; réserve civique mais aussi adaptation des compétences de l’Autorité de régulation des transports de manière à permettre la modulation des redevances pour services rendus par les services publics aéroportuaires, etc.).

Des limites et des exceptions

Avant la promulgation de la loi, le gouvernement peut s’appuyer sur le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 qui prescrit, dans ce cadre, les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19. Ce texte, fait de restrictions et de dérogations multiples, interdit les réunions de plus de six personnes sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public. Mais ne sont pas concernés les activités professionnelles, les services de transport et les établissements recevant du public dans lesquels l’accueil du public n’est pas interdit (refuges et fourrières ; cliniques vétérinaires ; organisation d’épreuves de concours ou d’examens, etc.). Cette dérogation ne s’applique pas à la célébration de mariages, limités à six personnes. Les lieux de culte sont autorisés à rester ouverts, dans la limite de trente personnes, mais tout rassemblement en leur sein est interdit à l’exception des cérémonies funéraires. Les déplacements de personne hors du lieu de résidence sont interdits, sauf attestations dérogatoires spécifiques et évitant tout regroupement de personnes. Le décret habilite les préfets de département à adopter des mesures plus restrictives en matière de trajets et déplacements des personnes lorsque les circonstances locales l’exigent.

Quarantaine et mise à l’isolement

Une mesure de mise en quarantaine ou de placement et maintien en isolement peut être prescrite à l’entrée sur le territoire ou dans l’une des collectivités ultramarines pour les personnes ayant séjourné, au cours du mois précédant cette entrée ou cette arrivée, dans une zone de circulation de l’infection. La mesure se déroule, au choix de la personne qui en fait l’objet, à son domicile ou dans un lieu d’hébergement adapté à la mise en œuvre des consignes sanitaires qui lui sont prescrites, en tenant compte de sa situation individuelle et familiale. Lorsque la mesure interdit toute sortie du domicile ou du lieu d’hébergement, ses conditions doivent permettre à la personne concernée un accès aux biens et services de première nécessité, ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur, en prenant en compte les possibilités d’approvisionnement et les moyens de communication dont dispose la personne concernée par la mesure.

Pour une vue d’ensemble de l’impact budgétaire, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a détaillé le 29 octobre les mesures déployées pour un coût estimé, à ce stade, de 15 milliards d’euros par mois confiné.

Services publics : objectif continuité

Conformément à l’objectif de continuité des services publics, annoncé par le président de la République, la justice ne va pas se reconfiner. Le retard accumulé au premier semestre en raison de la grève des avocats, puis du confinement n’a pas été rattrapé et, si les conditions matérielles de fonctionnement des juridictions judiciaires ne se sont pas améliorées, les tribunaux judiciaires n’auront pas à mettre en place des « plans de continuité d’activité ». Les juridictions administratives vont également poursuivre une activité pratiquement normale. Autre exception à ce reconfinement : les écoles, collèges et lycées resteront ouverts avec un protocole sanitaire renforcé. Les crèches aussi, tandis que le supérieur bascule entièrement dans l’enseignement en ligne. Une circulaire du 29 octobre relative à la continuité du service public dans les administrations et les établissements publics de l’État encourage le télétravail pour les activités qui le permettent, mais de nombreux services, telles les finances publiques qui manipulent des données sensibles, ne sont pas en mesure de mettre des outils informatiques à dispositions de leurs agents.

Auteur d'origine: pastor

L’aide juridictionnelle a fortement augmenté ces dernières années. Si, pour les avocats, cette hausse reste insuffisante, pour Bercy, elle l’a été de 226 millions d’euros entre 2015 et 2021 (+ 62 %). En septembre, le rapport Perben recommandait une augmentation de 100 millions d’euros.

Lundi, le gouvernement proposait une réforme coûtant 50 millions d’euros. Une hausse présentée par Éric Dupond-Moretti comme une première marche. Reste à savoir quelles seront les conditions pour monter la suivante. La réforme des retraites ayant été pour l’instant enterrée, elle ne peut plus faire l’objet d’un compromis.

Le ministre hier a évoqué plusieurs éléments en négociation avec les avocats : « Nous devons discuter de plusieurs de leurs engagements, d’abord en matière de déontologie – mais ce n’est peut-être pas la question la plus importante –, ensuite sur l’expérimentation de l’avocat en entreprise. Nous sommes en train d’en discuter et, comme vous le savez, ce n’est pas simple. »

Selon nos informations, le ministère réfléchit à une expérimentation qui pourrait avoir lieu à Paris (qui concentre un grand nombre d’avocats et dont le barreau n’a jamais été frontalement opposé à la création de l’avocat en entreprise) ou plus vraisemblablement dans les Hauts-de-Seine (qui concentrent un grand nombre d’entreprises). Il faudra aussi trouver un véhicule législatif pour porter l’expérimentation.

Pour financer l’aide juridictionnelle, le rapport Moutchou-Gosselin proposait le retour du droit de timbre. Si la Chancellerie y est sensible, le gouvernement a promis de ne pas créer de nouveaux impôts. Autre contrepartie évoquée par le ministre : une réforme de la formation des avocats et de son coût. Sandrine Clavel et Kami Haeri viennent de rendre un rapport sur le sujet.

Trois autres amendements ont été adoptés. D’abord, une proposition Laurent Saint-Martin, dans les suites de son rapport sur l’Agrasc, qui vise à renforcer le rôle de l’agence et permettre l’affectation des biens saisis, notamment des voitures, aux services judiciaires. La chancellerie travaille à ce que des biens de moindre valeur soient donnés aux associations.

L’Assemblée nationale a aussi rétabli un délai de forclusion pour le dépôt des mémoires de frais et prolongé de deux ans l’expérimentation d’une tentative de médiation familiale préalable obligatoire.

Auteur d'origine: babonneau
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Principal garant du respect des libertés individuelles et collectives dans l’entreprise, le délégué du personnel a longtemps été un protagoniste majeur de la représentation des salariés. Ayant pour mission de représenter le personnel devant l’employeur et de transmettre les réclamations inhérentes à la relation de travail, le délégué du personnel était un interlocuteur privilégié de l’employeur. Disparu à l’issue de la refonte des institutions représentatives du personnel, la mission qui lui incombait est aujourd’hui incorporée dans le champ de compétence du comité social et économique (C. trav., art. L. 2312-5).

Afin que les représentants du personnel puissent remplir cette fonction, le code du travail leur reconnaît un droit d’alerte : lorsqu’ils constatent, « notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché » (C. trav., art. L. 2312-59 et L. 2313-2 anc.), les membres élus du CSE en avisent immédiatement l’employeur. Celui-ci doit alors diligenter une enquête. En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de l’atteinte, le salarié, ou le représentant du personnel si le salarié concerné averti par écrit ne s’y oppose pas, peut saisir le conseil de prud’hommes qui statue en référé. Le juge peut alors ordonner sous astreinte « toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte » (C. trav., art. L. 2312-59 et L. 2313-2 anc.).

Si les représentants du personnel se sont rapidement approprié cette procédure, il est parfois difficile de savoir ce qui justifie, dans la pratique, qu’ils exercent leur droit d’alerte. Par un arrêt du 14 octobre 2020, la chambre sociale est venue clarifier l’objet de ce dispositif presque trentenaire (L. n° 1446, 31 déc. 1992, relative à l’emploi, au développement du travail à temps partiel et à l’assurance-chômage) en précisant une nouvelle fois le domaine d’action du représentant du personnel.

En l’espèce, un délégué du personnel avait exercé son droit d’alerte, estimant qu’il existait une irrégularité quant au calcul de l’indemnité de congés payés des salariés intérimaires. La société ayant refusé de réaliser une enquête conjointe, le délégué du personnel saisissait la juridiction prud’homale d’une demande d’injonction sous astreinte afin que la société réintègre certaines primes dans l’assiette de calcul des indemnités compensatrices de congés payés. Jugeant que le litige résultait d’un « simple désaccord dans le déroulement de la relation de travail », la cour d’appel restait insensible aux arguments des demandeurs. Le salarié et le syndicat formaient un pourvoi en invoquant l’existence d’une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale et aux libertés individuelles dans l’entreprise, laquelle justifiait l’exercice du droit d’alerte.

La Cour de cassation rejette le pourvoi : dès lors que l’exercice du droit d’alerte était motivé par une éventuelle erreur sur le mode de calcul des indemnités compensatrices de congés payés des salariés intérimaires, la demande « n’entrait pas dans les prévisions de l’article L. 2313-2 du code du travail ». Pour la chambre sociale, la demande tendant à la régularisation du montant de l’indemnité compensatrice de congés payés était étrangère au droit d’alerte du représentant du personnel.

En substance, la chambre sociale était amenée à s’interroger sur l’objet du droit d’alerte et sur les hypothèses pouvant justifier son exercice. S’agissant du délégué du personnel, l’ancien article L. 2313-2 délimitait strictement le champ du droit d’alerte, à savoir les atteintes « aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles ». Si la généralité des notions utilisées pouvait laisser entrevoir un domaine d’action assez large, force est de constater que la Cour de cassation en a rapidement restreint la portée.

Au vu de la jurisprudence passée, la décision ne surprend guère. On sait par exemple que les membres du comité social et économique ne peuvent exercer leur droit d’alerte pour demander le paiement d’arriérés de salaire ou d’heures supplémentaires (Soc. 3 févr. 1998, n° 96-42.062, D. 1998. 63 ). Ils ne peuvent pas non plus agir en nullité des licenciements intervenus consécutivement à une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles (Soc. 3 nov. 2010, n° 09-42.360, Dalloz jurisprudence) ni faire annuler une sanction disciplinaire, pour laquelle le salarié dispose d’une voie de recours spécifique (Soc. 9 févr. 2016, n° 14-18.567, RDT 2016. 491, obs. P. Adam ). Au contraire, il est admis qu’ils puissent agir en justice afin de réclamer la suppression d’enregistrements vidéo réalisés à l’insu du salarié pour le licencier (Soc. 10 déc. 1997, n° 95-42.661, D. 1998. 28  ; Dr. soc. 1998. 127, note B. Bossu ; ibid. 202, obs. G. Couturier  ; 3 nov. 2010, n° 09-42.360, Dalloz jurisprudence). De même, un représentant du personnel peut exercer son droit d’alerte pour s’assurer que l’employeur n’a pas abusivement consulté les messages personnels stockés sur l’ordinateur professionnel d’un salarié (Soc. 17 juin 2009, n° 08-40.274, Dalloz actualité, 29 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1832, obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 2671, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Gelbard-Le Dauphin ; Dr. soc. 2010. 267, chron. J.-E. Ray ; RDT 2009. 591, obs. L. Marino ; RTD civ. 2010. 75, obs. J. Hauser ).

Finalement, le droit d’alerte ne saurait être mobilisé à l’appui d’un grief purement matériel, l’atteinte invoquée doit être véritablement liberticide ou discriminatoire. Pour reprendre une formule anciennement mobilisée par la chambre sociale, le droit d’alerte ne couvre « que les actions ayant pour objet de veiller à la protection des personnes et des libertés individuelles et collectives » (Soc. 3 févr. 1998, n° 96-42.062, préc.). Dans le cas présent, la Cour de cassation a estimé que les conditions de mise en œuvre de la procédure d’alerte n’étaient pas réunies. On peut néanmoins se demander si la violation de la législation sur les congés payés des intérimaires ne constitue pas, en elle-même, une atteinte au droit au repos et à la santé des travailleurs. C’est d’ailleurs ce que faisaient valoir les demandeurs à l’appui du pourvoi. Peut-on en effet admettre qu’il s’agit d’un simple « désaccord dans le déroulement de la relation de travail », alors même que l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 8 de la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou encore la Convention OIT n° 52 de 1956 font du droit au repos un élément clé de la relation de travail salariée ? Ceci étant, il faut admettre que les revendications du délégué du personnel étaient d’ordre purement arithmétique et ne concernaient pas une privation réelle dont les salariés avaient été victimes s’agissant de la prise de congés payés.

Une autre piste pouvait conduire à admettre le caractère discriminatoire du mode de calcul de l’indemnité de congés payés puisque les salariés intérimaires et permanents faisaient l’objet d’un traitement différencié. On le sait, l’atteinte mise en lumière par le représentant du personnel peut « notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière […] de rémunération » (C. trav., art. L. 2312-59). Néanmoins, la Cour de cassation a récemment jugé que l’action fondée sur le principe d’égalité de traitement et justifiée par le défaut de versement d’une prime aux salariés intérimaires employés dans deux entreprises utilisatrices ne constituait pas un exercice licite du droit d’alerte (Soc. 9 sept. 2020, n° 18-25.128, Dalloz jurisprudence). Sur ce point, la position de la Cour de cassation laissait donc peu de place à l’incertitude.

Auteur d'origine: Dechriste

Le 20 décembre 2017, la Cour de cassation a inauguré une construction jurisprudentielle dont nous savions que les trois avis ne constituaient que les premières pierres. Un arrêt publié du 14 octobre 2020 apporte une nouvelle pierre à l’édifice, mais sans l’achever. Si la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges d’appel quant à la régularité de l’acte d’appel, elle rappelle néanmoins la sanction applicable lorsqu’il s’agit de discuter de la régularité d’un acte d’appel quant à la mention des chefs critiqués.

En l’espèce, un employeur fait appel d’une ordonnance de référé du conseil de prud’hommes l’ayant débouté de sa demande en instauration d’une nouvelle expertise.

Il rédige sa déclaration d’appel de cette manière : « Objet/portée de l’appel : appel total : en ce que l’ordonnance dont appel estime que : la procédure mise en place par la SARL CDE pourrait avoir pour objectif d’éviter le paiement de l’indemnité de licenciement due à monsieur XY ».

Devant la cour d’appel, le salarié intimé soutient que « l’appel est irrecevable en application des dispositions de l’article 901, 4°, du code de procédure civile ».

La chambre sociale de la cour d’appel relève que l’acte d’appel vise la motivation du jugement, non un chef de décision, et déclare en conséquence l’appel irrecevable.

Les chefs du jugement ne sont pas les motifs du jugement

Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a pris avis auprès de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (C. pr. civ., art. 1015-1), « la déclaration d’appel ne peut être limitée que par la mention des chefs du dispositif du jugement attaqué ».

Elle ne précise toutefois pas ce que l’appelant aurait dû mentionner dans son acte d’appel.

L’employeur, appelant, avait été débouté de sa demande. Il est vraisemblable que le dispositif du jugement dont appel était rédigé de cette manière : « déboute la SARL CDE de toutes ses demandes », sans autres précisions.

Il peut être restrictif, et dangereux, de ne s’en tenir qu’au seul dispositif, surtout lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de faire appel d’un jugement de débouté.

En effet, il est douteux que l’appelant satisfasse aux dispositions de l’article 901, 4°, imposant de mentionner les chefs « expressément » critiqués s’il fait appel du jugement en ce qu’il a « débouté X de l’ensemble de ses demandes » (Procédures d’appel, Dalloz, coll. « Delmas express », n° 318).

Si l’on considère que la déclaration doit se suffire à elle-même pour apprécier la dévolution, alors cette mention est insuffisante pour satisfaire à l’exigence du texte, et se conformer à ce que devrait être l’objectif de la réforme.

L’intimé qui reçoit l’acte d’appel doit comprendre sur quoi porte l’appel, de manière à ce qu’il sache s’il est concerné par ce recours, et dans quelle mesure. Ainsi, si l’intimé constate que l’appel est limité à des chefs qui ne le concernent pas, il pourra s’abstenir de se faire représenter, et donc d’exposer des frais de procédure. Mais il ne s’agit pas pour l’appelant, au stade de la déclaration d’appel, de motiver son recours et de préciser en quoi il ne se satisfait pas du jugement qu’il entend contester. C’est l’objet des conclusions.

Mentionner les motifs du jugement, et a fortiori les motifs de l’appel, ne permet pas de satisfaire à l’exigence du texte. L’appelant doit mentionner ce qui a été jugé.

En l’espèce, le conseil de prud’hommes avait débouté l’employeur de sa demande en nouvelle expertise, estimant que la procédure mise en place par l’employeur pourrait avoir pour...

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Auteur d'origine: Dargent

L’ouverture des tribunaux et l’absence d’activation des plans de continuité d’activité ressemblent fort à une indispensable bouée de sauvetage pour le ministère de la Justice. Après un premier confinement qui avait dévoilé ses failles en matière de numérisation (lire aussi l’interview du président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël), relevées dans plusieurs rapports parlementaires, l’adoucissement des conditions du second confinement devrait en effet permettre d’éviter un nouveau long supplice numérique dans les tribunaux. Car, cinq mois après le déconfinement, le télétravail de certains agents, en particulier les greffiers, mais aussi des magistrats, se heurte toujours aux mêmes problématiques : sous-dotation en équipement informatique, accès impossible à distance à la chaîne applicative civile Winci ou encore défaillances de la visioconférence. « Le niveau d’impréparation est toujours aussi sidérant, résume David Melison, trésorier adjoint de l’Union syndicale des magistrats. Malgré les critiques énormes émises sur le fonctionnement du ministère pendant le confinement, nous en sommes toujours au même point. »

Livraisons d’ultraportables toujours en cours

Ainsi, le déploiement des 3 500 nouveaux ultraportables est toujours en cours, alors que la perspective d’un rebond de la pandémie à l’automne était déjà évoquée en mai dernier. Les livraisons de cet équipement informatique, qui a tant fait défaut aux greffes lors du premier confinement, sont en cours depuis le début du mois d’octobre. Elles doivent se terminer à la fin de l’année. 90 % des magistrats et la moitié des greffiers devraient alors être équipés d’un des 18 000 ordinateurs. « J’ai demandé à la secrétaire générale d’achever au plus vite le plan prévu de déploiement des ordinateurs portables, afin de permettre au plus grand nombre d’entre vous d’exercer votre activité professionnelle, si c’est possible, à distance », a indiqué, dans une vidéo diffusée jeudi soir, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. « Il aurait fallu faire cette commande plus tôt », regrette Isabelle Besnier-Houben, la secrétaire générale du Syndicat des greffiers de France - FO. « Tout se fait dans l’urgence : la semaine dernière, c’était la course pour savoir quel ordinateur les greffiers pouvaient emporter avec eux, rapporte-t-elle. Et, à Dijon, les 300 stagiaires de l’École nationale des greffes vont devoir traverser toute la France ce lundi 2 novembre pour récupérer leur dotation informatique. »

La question du nombre d’ordinateurs ultraportables, devenue l’indicateur numérique mis en avant par la place Vendôme, masque cependant d’autres difficultés informatiques encore plus inquiétantes. La principale réside dans l’impossibilité, aujourd’hui, d’accéder à distance à la plupart des applications de la chaîne civile, basées sur un logiciel conçu dans les années 1990. Ce qui empêche de facto le télétravail. Un problème ancien qui doit être résolu avec le projet Portalis, au déploiement prévu pour… décembre 2025. Vendredi, lors d’une conférence de presse, le ministère de la Justice a annoncé mener des tests pour permettre l’accès à distance du logiciel de la chaîne civile Winci TGI. Le ministère espère désormais savoir très rapidement si cet accès à distance pourra être généralisé, une annonce qui laisse sceptique. « On nous expliquait auparavant que ce n’était pas possible pour des raisons de sécurité informatique, rappelle Henri-Ferréol Billy, secrétaire national de la CGT des Chancelleries et services judiciaires. Mais l’accès à distance changerait la vie des agents du civil, qui pourraient alors travailler à distance quasiment comme ceux du pénal, en répondant aux avocats ou en produisant des convocations. » Autre problème toujours non résolu, celui du dispositif de visioconférence, qui ne donne toujours pas satisfaction. Au point de le voir substituer par des logiciels privés tels que Zoom, WhatsApp ou encore Skype.

Deux points de satisfaction

Malgré ce panorama plutôt sombre, deux points de satisfaction sont à souligner. Le réseau privé virtuel (VPN) est désormais suffisamment dimensionné – selon Le Monde, il autorise aujourd’hui plus de 100 000 connexions par jour. Et la nouvelle plateforme d’échanges numériques Plex, qui permet d’échanger avec les avocats de grosses pièces jointes dans les affaires pénales, semble également avoir trouvé son public. Le ministère a compté ainsi plus de 27 000 échanges en septembre. Mais seulement 5 000 avocats ont créé leur compte sur la plateforme, signe d’une diffusion pour l’instant relative de l’outil dans la profession. « Elle a le mérite d’exister, mais dans le quotidien des juridictions la plateforme n’a pas changé grand-chose », observe, sans enthousiasme, un magistrat niçois. « Ce sont les seuls points d’amélioration visibles, le reste, ce sont des effets d’annonce, abonde le magistrat David Melison. Nous n’avons pas fait de progrès significatifs et, si nous rebasculons dans un confinement dur, nous serons juste davantage en capacité de nous organiser. Lors du premier confinement, nous avons su faire. Mais au prix d’une dégradation de la justice. »

Auteur d'origine: babonneau

Pour Éric Dupond-Moretti, « nous devons tous ensemble, membres du même ministère, garder confiance en l’avenir et être à la hauteur des attentes des Français qui – surtout en cette période difficile – ne peuvent se passer du service public de la justice ».

S’agissant des mesures à prendre :

• Les services d’accueil uniques des justiciables resteront ouverts mais sur rendez-vous.

• L’activité juridictionnelle sera maintenue en présence des personnes « dûment convoquées », dans le respect des mesures sanitaires applicables à la covid-19.

• Le déploiement des ordinateurs portables, inexistant lors du premier confinement notamment pour les greffiers, devra être achevé « au plus vite ».

• Les mesures sanitaires seront tout autant appliquées au personnel pénitentiaire qu’au personnel dont la présence ponctuelle et régulière est requise.

• Concernant plus particulièrement les prisons : « le respect des mesures sanitaires ne conduit pas à remettre en cause les conditions de vie comme les parloirs ou le travail en détention », a ajouté Éric Dupond-Moretti. Lors du confinement de mars, toutes les visites et les activités avaient été interrompues.

• L’activité des agents de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sera également maintenue « avec les adaptations et précautions nécessaires ».

• Un suivi régulier de la situation sera mis en place avec les chefs de cours d’appel « de zone de défense », les directeurs interrégionaux des services pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Et avec les organisations syndicales, a-t-il précisé également.

 

À consulter également, paru vendredi 30 octobre 2020 :

Décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire

Et notamment, au titre des exceptions, sont autorisés :

- à l’article 4, 7° : les déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre dans un service public ou chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ;

- à l’article 45, I : Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public, sauf :

les salles d’audience des juridictions,
 les crématoriums et les chambres funéraires,
 l’activité des artistes professionnels,
 les activités mentionnées au II de l’article 42, à l’exception de ses deuxième, troisième et quatrième alinéas.
Auteur d'origine: babonneau

Il n’y a pas de temps à perdre, Michel M…, prévenu, se positionne à la barre du tribunal de Nanterre pour répondre aux questions du président. « Comment expliquez-vous la différence avec le prix de vente d’autres biens dans cette même rue ? Avez-vous effectué les diligences pour faire estimer ce bien ? » Le dossier est dense, déjà renvoyé car, prévu sur une seule journée au départ, les faits sont nombreux, quatorze séries de faits imbriqués ; le prévenu est un notaire. Il faut tout évoquer, et la demande de renvoi de la défense a déjà pris du temps au tribunal. Le président l’entreprend derechef sur les premiers faits : il aurait escroqué les héritiers de Marthe P…, décédée en 2009, en sous-évaluant le bien qu’ils l’avaient chargé de vendre. Quelques jours après avoir signé la promesse de vente, l’acheteur, une société civile immobilière (SCI), en a signé une en tant que vendeur, réalisant sans délai un bénéfice de 18 %. Michel M… a réalisé les deux ventes, pour lesquelles il a perçu des émoluments, et touché de généreux honoraires de négociations, dit l’accusation, pour avoir sciemment minoré la valeur de l’appartement. « Qu’avez-vous fait pour vous assurer qu’il n’y avait pas une meilleure offre ? » Le président attend une réponse claire, et il l’attend fissa, car le tribunal doit examiner une série de quatorze faits impliquant la commission d’un impressionnant panel d’infractions de droit pénal des affaires. Inutile, dit Michel M…, le prix correspondait aux aspirations de ses clients, qui avaient besoin de vendre vite pour payer leurs droits de succession. Une aubaine pour ce notaire indélicat, pensent l’accusation et la partie civile, Anne-Marie G…, son associée (ils étaient quatre) chargée de ce dossier, mais qui lui a délégué l’évaluation du bien. Michel M… semble ne pas comprendre le problème. « Un marchand de biens, dès qu’il a signé la promesse de vente, il cherche la revente », rappelle-t-il, sans percevoir que c’est le fait qu’il ait manœuvré à cet effet qui lui est reproché. Me Emmanuel Tordjman, l’avocat de Michel M…, est très attentif et se permet de nombreuses interruptions, en défenseur vigilant, lorsqu’il estime que ce qui est dit est inexact. « Vous plaiderez, Maître », lui répète le président d’une voix de plus en plus contrariée à mesure que les débats prennent du retard sur la pendule. Me Tordjman rouspète un peu. « Je le plaiderai ! », répète-t-il, sur un ton excédé.

Le cas suivant : Mme L…, décédée à 101 ans (précision apportée par le prévenu), avait légué l’usufruit d’un appartement à ses neveux et nièces dans un testament olographe rédigé en 1989. À son décès en 2005, Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il indique à sa consœur en charge de ne pas faire figurer les volontés de la défunte, dans la mesure où les légataires visés sont depuis décédés, ce qui constituerait un faux en écriture authentique.

Michel M… n’est pas chargé de la vente, mais il s’occupe de nombreux actes préparatoires, et la vente est promise à l’un de ses amis. Entre la signature de la promesse et la vente, l’acquéreur personne physique se mue en une pimpante SCI, dont le nom VANO 44 laisse à penser qu’elle a été créée ad hoc, car l’appartement est situé rue Vanneau, à Paris. L’ami de Michel M… ne possède que 5 % des parts ; l’autre associée, Nadia M…, en possède 95 %. Nadia M… est mariée à Michel M… sous le régime de la communauté de biens. Elle aurait dû comparaître à ses côtés, mais son cas a été disjoint, car elle est hospitalisée. En procédure, l’ami a admis avoir été un gérant de paille. Michel M… explique : cette SCI, c’était juste pour dépanner un ami qui faisait face à de soudaines difficultés financières (entre la promesse de vente et la vente), ayant perdu l’opportunité d’un emploi qui lui était promis. Pour démêler tout cela, le président entend obtenir des réponses brèves aux questions fermées qu’il égrène. « Est-ce que, par la date de sa création, cette SCI avait pour vocation exclusive l’acquisition de ce bien ? » C’est le délit de prise illégale d’intérêt qui est visé. La réponse est ambiguë, le président fulmine, Me Tordjman l’interrompt, le président explose : « Laissez-moi terminer, Maître ! Là, je vais vraiment commencer à m’énerver sérieux, alors taisez-vous ! » Mais il est trop tard, le président ne peut plus retenir sa fureur. L’avocat ne se tait pas, mais sa voix est désormais couverte par celle du président : « C’est une affaire complexe, un puzzle, et moi je n’aime pas les puzzles ! » Il cogne son bureau, se lève et décrète une suspension pour se calmer « Vous et moi ! », hurle-t-il en pointant l’avocat du doigt.

La sérénité retrouvée, le tribunal aborde les deux dossiers suivants, très semblables. Là encore, Michel M… présente aux vendeurs un seul et unique acheteur, un couple d’amis. « Vos liens d’amitié étaient-ils connus ? Oui ? Comment expliquez-vous que votre épouse acquiert 50 % des parts dans la SCI acquéreur ? Comment cela se fait-il qu’à chaque fois, une SCI se crée au moment de la vente ? » Michel M… est soupçonné d’avoir été intéressé à cette vente, par le biais de son épouse (prise illégale d’intérêts), et de n’avoir pas négocié le prix au mieux des intérêts de ses clients. Pourtant, « pour des raisons déontologiques », dit-il, Michel M… a confié la finalisation de la vente à un confrère. La procureure : « Peut-on passer des actes dans les opérations auxquelles on est directement intéressé ? — Non. — Dans les deux cas, vous présentez à des clients aux abois un seul et unique acquéreur, vos amis. Il n’y a pas un moment, avant la révélation des faits qui vous sont reprochés, où vous vous posez la question sur vos pratiques ? Non ? Tout était clean ? » Michel M… bredouille une non-réponse, son avocat explique : « Le compromis est signé par les époux B… (les amis en question), alors que la SCI existe depuis un an », preuve que sa création n’est pas idoine. « Ce n’est donc qu’après que l’idée d’acquérir le bien avec la SCI est formulée. » La procureure indique que le confrère ayant finalisé la vente a dit ignorer que Michel M… fut partie à la vente. « Je pense qu’il ne dit pas la vérité », répond le prévenu. « Le tribunal appréciera » (ritournelle).

Il faut désormais se pencher sur un abus de confiance, puisqu’il est reproché à Michel M… d’avoir payé son avocat avec les finances de son étude. Il comptait rembourser, son avocat fiscaliste lui a dit : pas de problème. « Vous n’avez pas pensé à consulter votre ordre, vu ce qu’il vous est déjà reproché ? » Nous sommes en 2011 et 2012, la procédure a été déclenchée en décembre 2010. « Une partie des honoraires a servi pour payer votre défense pénale ? » Le prévenu louvoie. « J’essaie de garder mon calme, vous savez très bien quels sont les enjeux de cette procédure », se contient le président. Me Tordjman à la rescousse : « S’il n’en a pas parlé à la chambre des notaires, c’est à cause des mauvaises relations qu’ils entretiennent, le président de cette même chambre ayant été poursuivi par Michel M… pour diffamation. » Puis viennent des frais de déménagement, payés par l’étude, pour son compte personnel. Il objecte : il s’agissait de déménager des meubles lui appartenant dans l’étude. Son associée n’a jamais vu les bibliothèques. Et ce cocktail, payé par l’étude, qui eut lieu chez lui au lendemain de son anniversaire. « C’était un cocktail professionnel », soutient-il. Le président semble se tendre à nouveau. Il n’y croit pas. Il craque. « Moi, je ne pose plus de questions, vous nous baladez, nous vous interrogeons sur des pratiques qui posent question, et vous répondez par des pirouettes ! »

Dans ce climat pesant de fin d’audience, après avoir examiné ces faits et bien d’autres, comme, par exemple, un autre faux en écriture authentique pour avoir signé une vente alors que, mis en examen la veille, il avait été suspendu dans ses fonctions, ou comme un autre faux, commis au préjudice d’Albert Uderzo, qu’il a un temps été soupçonné d’avoir escroqué (seule une facture douteuse, fausse pour l’accusation, a été retenue contre lui), les parties civiles ont plaidé, et la procureure a requis deux ans d’emprisonnement assortis d’un mandat de dépôt différé, 200 000 € d’amende, une interdiction définitive d’exercer. Alors que Me Tordjman plaidait, il fut interrompu. En effet, il faisait état à l’oral d’arguments présentés dans des conclusions (62 pages) qu’il avait communiquées le jour même aux autres parties, qui n’ont donc pas pu en prendre connaissance. Ultime esclandre et solution rigoureuse : le procès sera mis en continuation (au 19 mars), ce qui signifie que les avocats et la procureure reprendront leurs plaidoiries et leur réquisitoire, dans le respect du principe du contradictoire. Mais Michel M…, qui demandait souvent s’il pouvait se rasseoir, n’aura plus à se lever pour répondre aux questions du président.

Auteur d'origine: babonneau
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Dans un droit du travail marqué par l’importance croissante de la norme conventionnelle et la multiplication des dispositions légales dérogeables ou supplétives, les règles « qui revêtent un caractère d’ordre public » apparaissent comme les dernières limites à liberté de négociation des partenaires sociaux (C. trav., art. L. 2251-1). Celles qui enjoignent à l’employeur d’« assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (C. trav., art. L. 4121-1 s.), en participant de l’effectivité pour ces derniers du droit fondamental à la santé (Préambule de la Constitution de 1946, al. 11 ; Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 31, § 1), en font assurément partie. Aucun accord collectif, fût-il négocié avec les représentants des salariés, ne saurait donc dispenser l’employeur de mettre en œuvre certaines mesures de prévention des risques.

En l’espèce, un avenant à un accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail dans le secteur du transport sanitaire avait été conclu le 16 juin 2016. Une organisation syndicale ayant participé aux négociations sans signer cet avenant avait saisi le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de certaines de ses dispositions, notamment celles relatives aux temps d’habillage et de déshabillage (art. 6). Le syndicat contestait plus précisément la possibilité laissée à l’employeur de ne pas assurer l’entretien de la tenue de travail des ambulanciers moyennant le versement d’une indemnité d’entretien.

Ces dispositions étaient en apparence conformes à la jurisprudence de la Cour de cassation imposant à l’employeur d’assurer l’entretien des tenues de travail dont il impose le port au salarié, soit en organisant lui-même cet entretien, soit en versant une indemnité aux salariés concernés (Soc. 19 sept. 2013, n° 12-15.137 ; 14 févr. 2018, n° 16-25.563). Le contentieux était cependant né de ce que les salariés astreints au port d’une tenue de travail dans le secteur du transport sanitaire étaient exposés à des risques particuliers, notamment celui de contamination de leur tenue par des agents biologiques pathogènes.

Le 5 juillet 2018, la cour d’appel de Paris a confirmé l’annulation par le tribunal de grande instance saisi du paragraphe litigieux de l’article 6 de l’avenant précité, au motif qu’il était contraire à l’obligation de sécurité incombant à l’employeur, laquelle induisait une obligation d’assurer l’entretien des tenues des salariés. Les organisations patronales signataires de l’accord ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision. Selon ces dernières, l’article en cause ne déchargeait pas l’employeur de son obligation mais prévoyait seulement une compensation financière pour le salarié dans l’hypothèse où il aurait effectivement assuré l’entretien de sa tenue. Elles arguaient en outre que l’obligation de sécurité de l’employeur n’était pas assurée par la fourniture d’une tenue de travail et de son entretien, mais par la fourniture d’un équipement obligatoire correspondant aux dispositions d’un arrêté du 10 février 2009 fixant les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectées aux transports sanitaires. Les juges ne pouvaient donc pas, selon le moyen, déduire un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de la seule possibilité de compenser l’absence d’entretien effectif de la tenue de travail par l’employeur par une indemnité d’entretien.

Par un arrêt du 23 septembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les organisations patronales et confirme donc la décision d’annulation rendue par les juges du fond, en rappelant « qu’une convention ou un accord collectif de travail ne peut déroger aux dispositions qui revêtent un caractère d’ordre public » (C. trav., art. L. 2251-1).

L’employeur, débiteur d’une obligation de sécurité, doit prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », en mettant en œuvre certains « principes généraux de prévention » : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, etc. (C. trav., art. L. 4121-1 et L. 4121-2 ; Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei ). Si cette obligation suppose la mise en place d’un plan de prévention de l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés, des dispositions réglementaires du code du travail guident l’employeur dans la prévention de risques spécifiques.

Il lui appartient notamment de prendre « des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition aux agents biologiques » pathogènes (C. trav., art. R. 4422-1 ; art. R. 4424-1 s.). Il doit, à cette fin, fournir aux travailleurs des moyens de protection individuelle, notamment des vêtements de protection appropriés, et faire en sorte, lorsque ces équipements sont réutilisables, qu’ils soient « rangés dans un endroit spécifique, nettoyés, désinfectés et vérifiés avant et après chaque utilisation et, s’il y a lieu, réparés ou remplacés » (C. trav., art. R. 4424-5). En l’espèce, si la tenue de travail n’était pas, au sens strict, un équipement de protection des salariés, la cour d’appel a relevé « qu’il ne pouvait être exclu que des agents biologiques pathogènes vinssent contaminer les tenues de travail des ambulanciers ». Ce risque de contamination devait faire l’objet de mesures de prévention et supposait notamment l’entretien de cette tenue fût assuré par l’employeur lui-même.

Ne pourrait-on pas cependant attendre du salarié, lui aussi débiteur d’une obligation de sécurité lui imposant de prendre soin de sa santé et de celles de ses collègues (C. trav., art. L. 4122-1), qu’il assure l’entretien de sa tenue de travail si la consigne lui est donnée par l’employeur ? Le versement d’une indemnité serait en outre conforme avec les dispositions légales aux termes desquelles « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » (C. trav., art. L. 4122-2). L’obligation de sécurité du salarié est toutefois sans incidence sur le principe de responsabilité de l’employeur face aux risques professionnels (C. trav., art. L. 4122-1 ; Soc. 13 juin 2019, n° 18-11.115, RJS 10/1209, n° 552) ; elle permet tout au plus à l’employeur de sanctionner un salarié ne respectant pas les consignes de sécurité (Soc. 30 sept. 2005, n° 04-40.625, D. 2006. 973 , note H. K. Gaba ; Dr. soc. 2006. 102, obs. J. Savatier ) mais ne le dispense pas de prendre les mesures de prévention les plus adaptées aux risques auxquels sont exposés les salariés. Or, octroyer au salarié une indemnité venant compenser les frais engagés pour réaliser lui-même l’entretien de sa tenue, c’est courir le risque que le nettoyage ne soit pas effectivement réalisé. L’entretien par l’employeur apparaît alors comme la seule mesure de prévention efficace.

Que les partenaires sociaux soient associés à la réflexion sur les mesures de prévention à mettre en œuvre dans une entreprise ou une branche est une – bonne – chose. Qu’ils puissent, par la signature d’un accord collectif, décharger l’employeur d’une partie de ses obligations en matière de santé au travail en est une autre. Par cet arrêt, la Cour de cassation rappelle logiquement que la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ne se négocie pas.

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Le principe de parité des candidatures à l’élection du comité sociale et économique (CSE) implique que les listes syndicales doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (C. trav., art. L. 2314-30). Tout manquement à ce principe est classiquement sanctionné par l’annulation par le juge de l’élection du ou des élus du sexe surreprésenté en surnombre (C. trav., art. L. 2314-32). Mais qu’en est-il du mandat de l’intéressé dans l’intervalle séparant l’élection de la décision d’annulation ? Doit-on considérer sa candidature comme étant elle aussi annulée subséquemment, de sorte qu’il doive être réputé comme n’ayant jamais été élu ? En d’autres termes, l’annulation de l’élection d’un élu du sexe surnuméraire est-elle rétroactive ? Telle était la question posée dans l’affaire présentement commentée.

En l’espèce, l’élection d’un membre titulaire de la délégation au CSE d’un EPIC avait été annulée pour non-respect des règles de représentation proportionnée des femmes et des hommes par la liste de candidats présentée par le syndicat Sud logement social.

L’employeur, ayant saisi les juges du fond pour demander l’annulation consécutive de la candidature du salarié concerné, s’est vu débouter de sa...

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Présenté en Conseil des ministres le 21 octobre, le projet de loi dote le gouvernement, pour la seconde fois cette année, d’outils extraordinaires pour freiner la progression de l’épidémie de coronavirus.

Deux en un

Ce texte permet de prolonger l’état d’urgence sanitaire, déclaré par décret sur l’ensemble du territoire national depuis le 17 octobre 2020, au-delà du délai d’un mois autorisé par la loi (CSP, art. L. 3131-13 ; v., AJDA 2020. 1938 ), et d’intégrer les dispositions du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l’état d’urgence sanitaire, dont l’examen au Parlement a été interrompu (v., AJDA 2020. 1686 ).

Le gouvernement veut proroger jusqu’au 16 février 2021, soit pour une durée de trois mois, l’état d’urgence sanitaire. Comme le prévoit...

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« Tu veux voir à quoi ressemble la prochaine collection Petit Bateau ? Tiens, regarde… »

Si divulguer les secrets de son entreprise à l’occasion d’une soirée entre amis a toujours été une faute sur le plan contractuel, l’employeur avait rarement vent de l’affaire et ne pouvait guère – dans l’hypothèse inverse – apporter la preuve de ce manquement. L’audience et la confidentialité de la divulgation étaient globalement maîtrisées par l’auteur de cette dernière. On ne peut en dire autant lorsque la divulgation d’informations confidentielles se fait par le biais d’une publication sur un profil Facebook « privé », mais auquel plus de 200 personnes ont accès, parmi lesquelles se trouvent des collègues et des salariés d’entreprises concurrentes. Telle est l’erreur commise par Mme A… qui a été dénoncée à son employeur par l’un de ses « amis », capture d’écran à l’appui. L’employeur ainsi alerté sur les indiscrétions de l’une de ses cheffes de projet, a cherché à établir l’ampleur de la divulgation en enquêtant sur l’identité des personnes ayant eu accès aux photos de la prochaine collection, recoupant au besoin les informations disponibles sur Facebook avec celles disponibles sur les réseaux sociaux « professionnels ». À la suite de ces investigations, l’employeur a procédé au licenciement pour faute grave de la salariée au motif d’une violation de la clause de confidentialité à laquelle elle été soumise.

La salariée a donc saisi la juridiction prud’homale, estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Déboutée de ses prétentions en appel, elle se pourvoit en cassation en arguant que la production de la copie d’écran par l’employeur constituerait un mode de preuve déloyal et que cette violation serait une atteinte disproportionnée à sa vie privée.

La Cour de cassation, par une décision du 30 septembre 2020, rejette le pourvoi de la salariée. Dans un premier temps, la chambre sociale répond sur la question de la déloyauté de la preuve en rappelant que « l’employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve ». Elle note à cet égard que la cour d’appel « a constaté que la publication litigieuse avait été spontanément communiquée à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise autorisée à accéder comme “amie” sur le compte privé Facebook de Mme A… » et qu’en conséquence, elle « a pu en déduire que ce procédé d’obtention de preuve n’était pas déloyal ». Ainsi, on peut imaginer que, si l’employeur avait lui-même cherché à accéder au profil Facebook privé d’une employée, ou s’il avait fait pression sur l’un de ses « amis » pour obtenir des informations privées, les juges auraient pu qualifier ces méthodes de « stratagèmes » et juger la preuve irrecevable, car obtenue de manière déloyale. Il n’en est rien en l’espèce, la preuve ayant été « spontanément communiquée ».

Reste que la preuve communiquée porte bien sûr sur des éléments tirés de la vie privée de la salariée et peut donc, malgré la loyauté de sa production, constituer une atteinte à la vie privée. La Cour poursuit sa démonstration en rassurant sur le fait que la production par l’employeur d’une copie d’écran d’un mur Facebook privé constitue bien une atteinte à la vie privée protégée par les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile. Le principe du droit au respect de la vie privée du salarié, reconnu notamment par l’arrêt Nikon (Soc. 2 oct. 2001, Sté Nikon France, n° 99-42.942 P, R. p. 351 ; D. 2001. 3148, et les obs. , note P.-Y. Gautier ; ibid. 3286, interview P. Langlois ; ibid. 2002. 2296, obs. C. Caron ; Dr. soc. 2001. 915, note J.-E. Ray ; ibid. 2002. 84, étude A. Mole ; RTD civ. 2002. 72, obs. J. Hauser ; BICC 1er nov. 2001, concl. Kehrig ; JCP E 2001. 1918, note Puigelier ; Gaz. Pal. 2002. 377, note Bridenne ; Defrénois 2002. 1407, obs. Raynouard ; LPA 22 nov. 2001, note Piot et Heslaut ; ibid. 10 déc. 2001, note Picca ; ibid. 19 mars 2002, note F. Petit ; RJPF 2002-1/12, note Bossu ; CCE 2001, n° 120, note A. Lepage ; ibid. Chron. 24, obs. Devèze et Vivant), reste donc intact. L’inverse aurait été surprenant. Le salarié, selon cette jurisprudence Nikon, ayant « droit même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée », « en particulier le secret des correspondances », ce droit ne peut qu’être d’autant plus préservé lorsque les faits sont hors du temps et du lieu de travail. La Cour a d’ailleurs déjà eu l’occasion de considérer que les paramétrages retenus par l’utilisateur d’un réseau social pouvaient être utilisés pour déterminer la nature privée ou publique des propos qui y sont tenus (Soc. 12 sept. 2018, n° 16-11.690 P, Dalloz actualité, 10 oct. 2018, obs. H. Ciray ; D. 2018. 1812 ; ibid. 2019. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta  ; RDT 2019. 44, obs. R. Dalmasso ; RJS 11/2018, n° 656 ; JSL 2018, n° 462-2, obs. M. Hautefort ; JCP 2018. 1019, obs. D. Corrignan-Carsin ; SSL 2018, n° 1830, obs. J.-E. Ray ; JCP S 2018. 1328, obs. G. Loiseau ; Lexbase soc. 2018, n° 755, n° N5627BXP, obs. C. Radé).

Pour autant, des faits tirés de la vie privée peuvent occasionnellement être rattachés à la sphère professionnelle (v., sur la perte du permis de conduire d’un chauffeur justifiant son licenciement, Soc. 2 déc. 2003, n° 01-43.227 P, R. p. 303 ; D. 2004. 2462, et les obs. , note B. Boudias ; Dr. soc. 2004. 550, obs. J. Savatier  ; RTD civ. 2004. 263, obs. J. Hauser ; ibid. 729, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP 2004. II. 10025, note D. Corrignan-Carsin ; ibid. I. 177, n° 7, obs. J.-F. Cesaro ; RJPF 2004-4/15, obs. Putman). Ce lien est établi en l’espèce au regard du contenu « professionnel » de la publication et de ses destinataires. En effet, la salariée y dévoile des informations confidentielles de l’entreprise. Non seulement ces informations portent atteinte aux intérêts de cette dernière, mais elles constituent également une violation d’une obligation contractuelle, la salariée étant soumise à une clause de confidentialité du fait de ses fonctions. La chambre sociale va donc procéder à un contrôle de proportionnalité. Elle considère en l’espèce que « la cour d’appel a fait ressortir que cette production d’éléments portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires ». On remarque que l’appréciation de la nécessité de la production d’éléments portant atteinte à la vie privée est faite au regard de « l’exercice du droit à la preuve » – ce qui est chose rare – et que la proportionnalité au but poursuivi est appréciée quant à elle au regard de « l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires ». Cette approche avait déjà été retenue dans le contentieux social concernant la preuve du travail dominical (comme a pu le remarquer C. Radé, in Lexbase Hebdo, éd. soc., n° 840, 15 oct. 2020, n° N4864BYS) : « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Soc. 9 nov. 2016, n° 15-10.203 P, Dalloz actualité, 25 nov. 2016, obs. M. Roussel ; D. 2017. 37, note explicative de la Cour de cassation , note G. Lardeux ; ibid. 2018. 259, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; Just. & cass. 2017. 170, rapp. A. David ; ibid. 188, avis H. Liffran  ; Dr. soc. 2017. 89, obs. J. Mouly ; RDT 2017. 134, obs. B. Géniaut ; RTD civ. 2017. 96, obs. J. Hauser ; JCP 2016. 1281, obs. N. Dedessus-Le-Moustier ; ibid. 2017. 585, obs. J. Mayer).

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Petite exception dans le paysage juridique traditionnel, le statut du journaliste professionnel s’accompagne de nombreuses règles dérogatoires au droit commun du travail. Pour preuve, une commission arbitrale est chargée d’évaluer le montant de l’indemnité due à un journaliste professionnel licencié ou désireux de résilier son contrat, lorsque son ancienneté au service de la même entreprise excède quinze ans. La commission est également saisie lorsque le journaliste se voit imputer une faute grave ou des fautes répétées, quelle que soit la durée de l’ancienneté (C. trav., art. L. 1712-4). Il convient de préciser que la commission arbitrale, composée de manière paritaire, est seule compétente pour fixer le montant de l’indemnité de licenciement, à l’exclusion de toute autre juridiction (Soc. 13 avr. 1999, n° 94-40.090, Dalloz jurisprudence).

Si le bénéfice de l’indemnité de congédiement est normalement assuré aux « journalistes professionnels », la question s’est néanmoins posée concernant plus particulièrement les collaborateurs des « agences de presse ». À cet égard, l’arrêt du 30 septembre 2020 est d’une importance certaine puisqu’il vient clarifier, au terme d’un revirement de jurisprudence, le champ d’application du dispositif.

En l’espèce, un journaliste recruté en 1982 avait été licencié par l’Agence France Presse (AFP) pour faute grave le 14 avril 2011. Celui-ci avait saisi la juridiction prud’homale à l’effet d’obtenir paiement de diverses indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En août 2012, le journaliste saisissait la commission arbitrale des journalistes afin qu’elle statue sur sa demande d’indemnité de licenciement. L’AFP se voyait condamnée au paiement d’une certaine somme et formait par la suite un recours en annulation contre cette décision. S’appuyant sur une lecture combinée des articles L. 7112-2, L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, l’AFP estimait que le bénéfice de l’indemnité de congédiement et la voie du recours à la commission arbitrale étaient exclusivement offerts aux journalistes des « entreprises de journaux et périodiques », ce qu’elle n’est pas. Par conséquent, l’AFP se prévalait de l’incompétence de la commission arbitrale afin d’obtenir l’annulation de la sentence.

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’AFP en s’en remettant à une locution élémentaire : « Il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas ». Dès lors que les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail ne font pas spécifiquement mention des « entreprises de journaux et périodiques », le dispositif légal était applicable aux journalistes professionnels « au service d’une entreprise de presse quelle qu’elle soit ».

La chambre sociale opère ainsi un revirement de jurisprudence. Par le passé, la Cour de cassation réservait le bénéfice de l’indemnité de congédiement aux seuls journalistes professionnels appartenant aux entreprises de journaux et périodiques : « il résulte de l’article L. 7112-2 du code du travail que seules les personnes mentionnées à l’article L. 7111-3 et liées par un contrat de travail à une entreprise de journaux et périodiques peuvent prétendre à l’indemnité de congédiement instituée par l’article L. 7112-3 » (Soc. 13 avr. 2016, n° 11-28.713, Dalloz actualité, 4 mai 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 900 ; Légipresse 2016. 263 et les obs. ; ibid. 411, comm. F. Gras ; JAC 2016, n° 36, p. 11, obs. X. Aumeran ). Déjà, sous l’empire des anciennes dispositions légales (C. trav., art. L. 761-4 anc. ; C. trav., art. L. 761-5 anc.), la jurisprudence écartait la compétence de la commission arbitrale dès lors que cette double condition n’était pas satisfaite (Soc. 22 oct. 1996, n° 94-17.199, Dalloz jurisprudence).

Quand bien même les collaborateurs des « agences de presse » se voyaient reconnaître la qualité de « journaliste professionnel », ces derniers étaient néanmoins privés d’une partie des droits attachés au statut. Certains auteurs s’interrogeaient notamment sur la véritable « intention du législateur » ainsi que sur une possible « malfaçon dans la rédaction du texte » (Rép. trav., v° Journaliste, par E. Derieux, n° 381). Témoignage des questionnements générés, la cour d’appel de Paris transmettait à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la constitutionnalité de cette différence de traitement (Paris, 13 févr. 2018, n° 17/13655, Dalloz jurisprudence). Par un arrêt du 9 mai 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation refusait néanmoins de transmettre la QPC au Conseil constitutionnel, invoquant l’absence de nouveauté de la question soulevée ainsi que le défaut d’interprétation jurisprudentielle constante (Soc. 9 mai 2018, n° 18-40.007, Légipresse 2018. 313 et les obs. ; ibid. 2019. 571, étude E. Derieux et F. Gras ). Par cette référence à l’inconstance de la jurisprudence, la Cour de cassation ne laissait-elle pas déjà entrevoir une possible inflexion ?

Désormais, la Cour de cassation opte donc pour une interprétation différente. Si l’article L. 7112-2 fait expressément référence aux « entreprises de journaux et périodiques » s’agissant de la durée du préavis, les articles L. 7112-3 et L. 7112-4, qui concernent respectivement le montant de l’indemnité de rupture et le recours à la commission arbitrale, n’y font en revanche pas mention. L’AFP s’était appuyée sur l’arborescence du code du travail pour en déduire que les articles L. 7112-3 et L. 7112-4 étaient, comme l’article qui les précède, exclusivement applicables aux journalistes des « entreprises de journaux et périodiques ». À défaut de précision, la Cour de cassation estime au contraire que le bénéfice des dispositions légales est ouvert à l’ensemble des journalistes professionnels, sans qu’il y ait lieu de s’intéresser outre mesure à la qualité de leur employeur.

En définitive, seul le statut de journaliste professionnel importe réellement. Depuis toujours, la détermination du statut professionnel est centrale dans le contentieux de la rupture du contrat de travail d’un journaliste, la commission arbitrale étant d’ailleurs tenue de surseoir à statuer tant que le conseil des prud’hommes ne s’est pas prononcé sur la qualité professionnelle de l’intéressé (Paris, 23 oct. 1992, Modes et Travaux). La chambre sociale nous invite donc à reprendre l’article L. 7111-3, lequel définit le journaliste professionnel comme « toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ». Dans le cas présent, la qualité de l’intéressé ne faisait aucun doute. En l’occurrence, peu importe que l’AFP ne soit pas considérée comme une « entreprise de journaux et de périodiques », le journaliste licencié pouvait légitimement saisir la commission arbitrale afin qu’elle détermine l’indemnité due au titre de la rupture.

Auteur d'origine: Dechriste

En réponse à l’épidémie de coronavirus, la loi du 25 avril 2020 avait prévu le placement en activité partielle des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave de l’infection ainsi que des personnes partageant leur foyer. Un décret daté du 5 mai 2020 avait alors défini 11 situations dans lesquelles une telle vulnérabilité était reconnue. Un nouveau décret du 29 août 2020 est ensuite venu restreindre le champ d’application du dispositif en réduisant à quatre les situations éligibles, tout en supprimant l’extension aux personnes partageant le foyer des sujets jugés vulnérables. Si ce resserrement des conditions d’accès au dispositif d’activité partielle peut aisément s’expliquer au regard de considérations budgétaires, il pouvait susciter des interrogations quant à la cohérence des critères retenus à l’aune d’un contexte épidémique toujours préoccupant. Ces interrogations se sont matérialisées par un recours de plusieurs requérants devant le juge des référés dirigé contre ce dernier décret, dont l’ordonnance du 15 octobre 2020 ci-après commentée constitue la réponse.

Le Conseil d’Etat fut en effet saisi d’une requête en référé aux fins de suspendre l’exécution du décret n° 2020-1098 du 29 août 2020 pris pour l’application de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificatives pour 2020.

Parmi les griefs formulés par les requérants - dont la ligue nationale contre l’obésité - à l’égard de l’acte réglementaire litigieux, était invoqué le fait qu’il méconnaîtrait l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 en ce qu’il limite indûment la liste des personnes vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection à la Covid-19 et serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il ne qualifie pas certaines catégories de personnes comme vulnérables.

Il serait en outre entaché d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il met fin dès le 31 août 2020 au chômage partiel des salariés du secteur privé qui partagent le domicile d’une personne vulnérable.

Il méconnaîtrait encore aux yeux des requérants les articles 221-6 et 222-19 du code pénal réprimant respectivement l’homicide involontaire et les blessures involontaires graves, ainsi que le principe de sécurité juridique en ce qu’il impose un retour au travail à de nombreux salariés vulnérables ou partageant le domicile de personnes vulnérables dès le 31 août 2020, sans prévoir de délai d’adaptation suffisant.

Le Conseil d’Etat va entendre ces arguments et prononcer la suspension de l’exécution des articles 2, 3 et 4 du décret du 29 août 2020 jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur leur légalité. Il estime dans le même temps que le ministre pouvait légalement décider que les salariés cohabitant avec une personne vulnérable ne bénéficieront plus de l’activité partielle.

Le juge administratif a en effet estimé que bien que les dispositions de l’article 20 de la loi du 25 avril 2020 laissent au Premier ministre un large pouvoir d’appréciation pour définir les critères selon lesquelles une personne doit être regardée comme vulnérable, il lui incombe, dans la mise en œuvre de ce pouvoir réglementaire, de justifier de critères pertinents au regard de l’objet de la mesure et cohérents entre eux.

Reconnaissant qu’il pouvait à ce titre prendre en compte l’évolution de la situation sanitaire et la moindre circulation du virus à la date à laquelle il a pris le décret litigieux, ainsi que le renforcement des mesures de protection des personnes lors de leurs déplacements sur leur lieu de travail, pour retenir une liste de situations et de pathologies plus étroite que celle résultant du décret du 5 mai 2020, la haute juridiction considère toutefois qu’il ne pouvait en exclure des situations ou pathologies exposant - en l’état des connaissances scientifiques - à un risque de développer une forme grave d’infection à la Covid-19 équivalent ou supérieur à celui de situations ou pathologies pour lesquelles il a estimé ne pas devoir mettre fin à la mesure.

En d’autres termes, l’insuffisante justification de la cohérence des nouveaux critères choisis justifie la suspension de l’exécution du décret du 29 août 2020, de sorte que les critères de vulnérabilité du précédent décret du 5 mai 2020 s’appliquent à nouveau le temps qu’il soit statué sur sa légalité au fond.

La solution s’explique en effet à la lumière des arguments avancés par le ministre pour justifier l’ajustement des critères. Ce dernier justifiait sa décision sur la prise en considération de la littérature scientifique et de l’avis du Haut conseil de la santé publique. Rien pourtant dans ces sources ne justifiait de façon claire et unanime une différenciation, notamment dans la population des personnes souffrant d’obésité ou de diabète selon qu’ils ont plus ou moins de 65 ans.

L’on notera encore l’argument peu approprié du ministre évoquant la possibilité pour les cas nouvellement exclus du décret de recourir à un arrêt de travail de droit commun prescrit par leur médecin. Il a en effet été justement relevé par le juge que cette possibilité n’avait fait l’objet d’aucune information ni d’aucun rappel lors et depuis l’entrée en vigueur du décret du 29 août 2020. Au contraire, il avait même été indiqué aux médecins, notamment sur le site ameli.fr, qu’à compter du 1er septembre 2020, parmi les personnes vulnérables plus particulièrement exposées à la covid-19, « seuls les assurés couvrant les 4 situations [prévues par le décret du 29 août 2020] » pouvaient « obtenir un arrêt de travail et être indemnisés ».

Devant ces incohérences, le juge de l’urgence a justement conclu à l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de l’acte, justifiant la suspension de ses dispositions jusqu’à ce que soit rendue une décision au fond.

Sans préjuger de ce que sera la décision rendue au fond, l’ordonnance laisse aussi entrevoir une marge importante d’appréciation du gouvernement dès l’instant où il s’assure d’une justification cohérente des ajustements qu’il décrète, en atteste la suppression – non suspendue – du bénéfice de l’activité partielle aux salariés cohabitants avec une personne vulnérable, l’article 1er du décret du 29 août 2020 n’étant pas cité dans le dispositif ordonnant la suspension de l’exécution.

Auteur d'origine: Dechriste
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Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés et aux termes de l’article L. 1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions est dès lors nulle.

Dans une affaire jugée le 16 septembre dernier, un salarié engagé en qualité d’ingénieur d’études reprochait à son employeur de l’avoir retiré d’une mission auprès d’une entreprise cliente de manière injustifiée et de ne pas lui en avoir communiqué les raisons. Il indiquait par un courrier adressé à son employeur qu’il se considérait « dans une situation proche du harcèlement ». Toujours par courrier, l’employeur répondit que la « communication insuffisante ou même absente avec le client », qui avait « eu des répercussions négatives sur la qualité des livrables et le respect des délais de livraison », expliquait cette décision. Après plusieurs vaines tentatives de l’employeur de convocation du salarié pour explications et préparation des futures missions, les refus du salarié ont entraîné son licenciement motivé aux termes de la lettre du licenciement (qui ne mentionne pas la mauvaise foi du salarié dans ses allégations relatives au harcèlement moral), notamment par l’« attitude de fermeture extrême » du salarié. Estimant que son licenciement était en réalité fondé sur sa dénonciation de faits de harcèlement moral à son encontre, il a saisi la juridiction prud’homale pour en obtenir la nullité. L’employeur, quant à lui, contestait le harcèlement moral allégué et invoquait la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation de faits de harcèlement moral, estimant que celui-ci, en toute connaissance de cause, avait présenté des faits mensongers dans le cadre d’une stratégie de pression et de communication afin de s’affranchir de ses obligations contractuelles.

Étaient ainsi soulevées deux questions : l’employeur pouvait-il invoquer devant le juge la mauvaise foi du salarié alors même qu’il ne l’avait pas mentionnée dans la lettre de licenciement ? Et, dans cette acceptation, le juge pouvait-il reconnaître la mauvaise foi du salarié ?

La jurisprudence selon laquelle « le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce », est désormais bien établie (Soc. 10 mars 2009, n° 07-44.092 P, Dalloz actualité, 24 mars 2009, obs. L. Perrin ; D. 2009. 952, obs. L. Perrin ; RDT 2009. 376, obs. B. Lardy-Pélissier ; ibid. 453, obs. P. Adam  ; 7 févr. 2012, n° 10-18.035 P, Dalloz actualité, 21 févr. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 507 ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ). En l’espèce, les juges du fond ont notamment retenu que la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait de la contradiction existant entre son souhait affiché d’obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s’expliquer loyalement avec l’employeur sur lesdits motifs.

En revanche, cette décision est l’occasion pour la chambre sociale d’apporter une précision inédite et surprenante au regard du principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La Cour de cassation considère en effet que l’absence dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge. Ainsi, le fait que la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément la mauvaise foi du salarié n’empêche pas sa reconnaissance par le juge au regard des éléments rapportés par l’employeur. Solution plutôt clémente pour l’employeur, peut-être parce que la mauvaise foi, comme la fraude, corrompt tout. Mais il est difficile de ne pas mettre en parallèle la décision du 13 septembre 2017 (n° 15-23.045, Dalloz actualité, 6 oct. 2017, obs. J. Cortot ; D. 2017. 1838 ; ibid. 2018. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ) qui considère que le salarié qui n’a pas expressément qualifié d’agissements de harcèlement moral les faits qu’il a dénoncés ne peut se prévaloir de la protection contre le licenciement prévue pour avoir relaté de tels agissements.

Auteur d'origine: Dechriste

La première affaire (n° 431618) concerne le point de départ du délai pour saisir le juge administratif en l’absence de proposition de logement. Selon le Conseil d’État, il résulte du II de l’article L. 441-2-3-1 et de l’article R. 441-18 du code de la construction et de l’habitation (CCH) ainsi que de l’article R. 778-2 du code de justice administrative, « que, lorsqu’une commission de médiation reconnaît à un demandeur, sur le fondement des dispositions du III ou du IV de l’article L. 441-2-3 du CCH, une priorité d’accueil dans une structure d’hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, sans spécifier que l’accueil ne peut être proposé que dans...

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Auteur d'origine: emaupin

Cette décision est l’occasion de rappeler qu’il résulte de la liberté d’entreprendre que tout ancien salarié peut, en principe, créer une activité concurrentielle à celle de l’entreprise pour le compte de laquelle il exerçait son travail subordonné. Toutefois, le salarié est tenu par une obligation de loyauté. En effet, le contrat de travail, comme toute convention légalement formée, doit être exécuté de bonne foi. Selon le droit commun, il oblige en outre « non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature » (C. civ., art. 1135). La doctrine estime depuis longtemps que le salarié est naturellement redevable d’une obligation de loyauté lui interdisant de nuire d’une quelconque façon à l’employeur, notamment en étant à la fois collaborateur et concurrent (G.-H. Camerlynck, Traité de droit du travail. Tome 1. Le contrat de travail, 2e éd., 1982, Dalloz, n° 216 et mise à jour 1988 par M.-A. Moreau-Bourlès ; P. Durand et A. Vitu, Traité de droit du travail, Dalloz, t. 2, 1950, § 318 ; Y. Picod, Devoir de loyauté dans l’exécution du contrat de travail, LGDJ, 1988). L’obligation de loyauté s’impose par conséquent même en l’absence de disposition expresse du contrat de travail, ce qui n’empêche pas les parties, par précaution, d’en rappeler par écrit l’existence (Soc. 30 janv. 1985, D. 1985. IR 476, 1re esp., obs. Y. Serra ; Paris, 18 mai 1993, RJS 6/1994, n° 828). La Cour de cassation a déjà considéré qu’est constitutif d’une faute grave le fait pour un salarié d’avoir exercé, au cours de ses congés et pendant dix jours, les mêmes fonctions chez un concurrent de son employeur (Soc. 5 juill. 2017, n° 16-15.623, Dalloz actualité, 31 juill. 2017, par M. Peyronnet). Précédemment, la chambre sociale avait admis que « commet une faute grave le salarié...

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Auteur d'origine: Fraisse
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La conclusion d’une rupture conventionnelle est soumise à une procédure particulièrement bornée par le législateur, gage de l’expression libre et éclairée de la volonté des parties. Aussi apparaît-il classique que chacune des parties reçoive un exemplaire de la convention, l’article 1375 du code civil disposant que l’acte « qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct ». Qu’en est-il alors lorsque l’employeur n’est pas en mesure de prouver qu’un exemplaire a bien été remis au salarié ? C’est précisément sur ce point que l’arrêt présentement commenté apporte des réponses.

En l’espèce, un salarié embauché par une société en tant que couvreur avait conclu une rupture conventionnelle avec cette dernière plus de quinze années plus tard.

L’intéressé a ensuite saisi la juridiction prud’homale en invoquant la nullité de cette rupture et en sollicitant les indemnités afférentes, au motif qu’il n’avait pas reçu un exemplaire de la convention. Si la juridiction de premier degré débouta l’intéressé de sa demande, la cour d’appel valida quant à elle le raisonnement du salarié en annulant la convention de rupture, et indiqua que cette annulation produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au soutien de sa décision, la cour d’appel avançait le fait que l’employeur ne rapportait pas la preuve de la remise au salarié d’un exemplaire du texte au salarié.

L’employeur se pourvut alors en cassation. Selon lui, les dispositions du code du travail relatives à la rupture conventionnelle n’imposent pas – sous peine de nullité – que chaque partie dispose d’un exemplaire de ladite convention. Il ajoute au surplus qu’il appartient en tout état de cause à celui qui invoque une cause de nullité d’en rapporter la preuve.

L’employeur conteste enfin le fait que l’absence de preuve de la remise d’un exemplaire de la convention au salarié entraîne nécessairement sa nullité, sans avoir à rechercher si cela avait été de nature à affecter le libre consentement de l’intéressé et son droit de se rétracter en connaissance de cause.

La chambre sociale de la Cour de cassation livre une réponse sans ambages. Pour les hauts magistrats, la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.

Sur le terrain de la charge de la preuve, la haute juridiction précise qu’en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve. Autrement dit, il appartient à l’employeur d’être en mesure de prouver la remise d’un exemplaire au salarié.

La solution vient confirmer la ligne jurisprudentielle dessinée récemment. La chambre sociale avait en effet eu l’occasion de juger qu’un exemplaire de la convention de rupture signé par les deux parties devait être remis à chacune d’entre elles, au risque de voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle (v. Soc. 3 juill. 2019, n° 17-14.232 P, Dalloz actualité, 19 juill. 2019, obs. M. Favrel ; D. 2019. 1454 ; JA 2019, n° 605, p. 10, obs. D. Castel ; ibid. 2020, n° 613, p. 40, étude P. Fadeuilhe ; Dr. soc. 2019. 984, obs. J. Mouly  ; 3 juill. 2019, n° 18-14.414 P, Dalloz actualité, art. préc. ; D. 2019. 1453 ; JA 2020, n° 613, p. 40, étude P. Fadeuilhe ; Dr. soc. 2019. 984, obs. J. Mouly ).

La justification retenue au soutien de la présente solution est identique à celle qui avait justifié les solutions rendues en 2019, puisque la Cour y indiquait déjà qu’à ses yeux, seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander son homologation et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause.

Si la solution apparaît louable dans ses objectifs, elle n’en est pas moins fort rigoureuse pour les employeurs. En effet, rappelons-le, ce n’est qu’à la fin du délai de rétractation de quinze jours – qui court lui-même à compter de la signature du document par les deux parties – que la convention de rupture peut être envoyée pour homologation. Il apparaît salutaire, pour que le salarié puisse pleinement profiter de cette faculté de réflexion et exprime son consentement en parfaite connaissance de cause, que celui-ci se voie communiquer l’exemplaire écrit de la convention. Le fait d’ériger cette formalité au rang de formalité substantielle sanctionnée par la nullité peut néanmoins prêter à discussion, en particulier en l’absence de disposition expresse en ce sens dans le code du travail et à la lecture du nouvel article 1375 du code civil qui semble faire de la formalité du double original dans le cas d’un contrat synallagmatique une mesure ad probationem. Le caractère particulier de la rupture conventionnelle et la nécessité de donner son plein effet à la procédure administrative qui lui est inhérente pourront alors tenir lieu de justification pour la transformer en formalité ad validitatem.

Ce qui nous semble encore plus sévère tient enfin à la charge de la preuve que la chambre sociale décide de faire peser sur la seule personne de l’employeur. Il aurait été possible de considérer qu’il appartenait à celui qui invoque une cause de nullité de rapporter la preuve de cette cause. Telle n’est pas la règle posée en la matière par les hauts magistrats, le salarié n’ayant pas même à invoquer un vice de son consentement, la seule évocation d’une absence de remise d’un exemplaire, non contredite par la preuve contraire de l’employeur, suffira désormais à voir prononcer la nullité de la rupture.

La solution apparaît contestable dans l’hypothèse où la nullité serait prononcée pour cette simple défaillance formelle, alors même que le consentement du salarié ne s’en est pas trouvé biaisé. Pire, elle laisse la porte ouverte à l’hypothèse d’un salarié qui, de mauvaise foi et bien qu’ayant reçu un exemplaire de son employeur, tirerait partie du fait que ce dernier ne se soit pas aménagé la preuve de cette remise.

Aussi les employeurs devront-ils à l’avenir se montrer vigilants, en s’aménageant la preuve de la bonne remise d’un exemplaire au salarié, le cas échéant en recourant à un accusé de remise dûment signé par le salarié (en sus du document cerfa de rupture conventionnelle), ou encore, comme cela semble être suggéré dans le présent arrêt, avec une mention portée sur le formulaire selon laquelle un exemplaire a bien été remis à chacune des parties. La sécurisation des futures ruptures conventionnelles se fera désormais à ce prix.

Auteur d'origine: Dechriste
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L’arrêt commenté a eu à trancher une question inédite : en l’absence d’intention de nuire du salarié licencié uniquement pour faute lourde, le juge prud’homal doit-il vérifier si le licenciement repose néanmoins sur une faute de nature à justifier le licenciement disciplinaire ?

La réponse à cette question n’est pas évidente car, à la différence du licenciement pour faute grave, qui suppose une faute d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis (Soc. 25 janv. 2006, n° 04-44.918 P, D. 2006. 394 ; ibid. 2702, obs. A. Lepage, L. Marino et C. Bigot ; Dr. soc. 2006. 848, note C. Mathieu-Geniaut  ; RJS 2006. 270, n° 392. - Soc. 12 juill. 2005, n° 03-41.536 P, D. 2005. 2176 ), ou du licenciement pour faute « simple », qui suppose une faute suffisamment sérieuse pour rompre le contrat de travail, le licenciement pour faute lourde suppose la démonstration d’une intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise (Soc. 25 sept. 2019, n° 18-14.267, Dalloz jurisprudence ; 8 févr. 2017, n° 15-21.064 P, Dalloz actualité, 3 mars 2017, obs. J. Cortot ; D. 2017. 411 ; ibid. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2017. 378, obs. J. Mouly ; RDT 2017. 264, obs. P. Adam ; 22 oct. 2015, n° 14-11.801 P, Dalloz actualité, 23 nov. 2015, obs. W. Fraisse ; D. 2015. 2186 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ).

En l’espèce, c’est cette intention qui a déclenché la volonté de l’employeur de rompre le contrat de travail pour faute lourde et, à défaut d’intention, le licenciement s’en trouve privé de sa cause originelle. Dans cette circonstance particulière, il paraît tentant de soutenir que le juge ne serait pas tenu de vérifier si le licenciement disciplinaire peut être justifié par une requalification du degré de gravité de la faute.

Néanmoins, il est acquis en jurisprudence que, « si le juge ne peut ajouter d’autres faits à ceux invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l’employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement » (Soc. 22 oct. 2015, n° 14-11.801, préc. ; 6 juill. 2017, n° 16-11.519).

Si le juge ne peut aggraver la faute retenue par l’employeur (Soc. 20 déc. 2017, n° 16-17.199, Dalloz actualité, 23 janv. 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. 15 ; ibid. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Soc. 26 juin 2013, n° 11-27.413, D. 2013. 1692 ; ibid. 2014. 302, chron. P. Flores, F. Ducloz, C. Sommé, E. Wurtz, S. Mariette et A. Contamine ; Dr. soc. 2013. 757, obs. J. Mouly ), il lui appartient donc de qualifier les faits dans les limites fixées par la lettre de licenciement disciplinaire (Soc. 22 févr. 2005, n° 03-41.474, D. 2005. 794 ) et de rechercher si le licenciement est justifié à raison de la faute reprochée au salarié, peu important son degré de gravité.

Dans la droite ligne de cette jurisprudence, la Cour de cassation confirme dans l’arrêt examiné la nécessité pour le juge de vérifier l’existence d’une faute susceptible de justifier le licenciement, y compris en présence d’une faute lourde qui ne repose sur aucune intention de nuire du salarié.

En l’espèce, pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel avait jugé que, si les faits reprochés à la salariée pouvaient constituer des fautes, ils étaient exclusifs de toute intention de nuire, de sorte que le licenciement fondé sur cette intention était nécessairement privé de sa cause réelle et sérieuse.

Saisie du pourvoi formé par l’employeur, la Cour de cassation a cassé l’arrêt attaqué et a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si les fautes relevées étaient suffisamment graves ou sérieuses pour justifier un licenciement.

La décision de la Cour de cassation obéit ainsi à une logique qui s’évince de l’office du juge prud’homal : celui-ci a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l’article 12 du code de procédure civile.

Auteur d'origine: Dechriste

Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran et le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la relance, chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, ont présenté mardi 29 septembre, lors d’une conférence de presse, le PLFSS 2021. L’avant-projet, diffusé également par d’autres médias, est à lire en pièce jointe.

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Auteur d'origine: babonneau

Entre 2014 et 2017, les effectifs de la société Mobipel, propriété du groupe Illiad (Free), ont été réduits de 60 %, de 711 à 287 salariés, 424 salariés en moins pour ce centre d’appels situé à Colombes (Hauts-de-Seine), mais 807 départs de l’entreprise, car Mobipel a aussi recruté. « Il y a à mon sens une décision claire, et non dite au comité d’entreprise », dit l’inspecteur du travail intervenu à la demande des salariés, au tribunal correctionnel de Nanterre. Ce dégraissage massif serait un plan social déguisé, alors que le comité d’entreprise (aujourd’hui comité social et économique) n’a pas été consulté, ce qui constituerait – c’est l’objet du débat – un délit d’entrave au fonctionnement du comité. La cession par Free à une autre entreprise, qui s’est portée actionnaire majoritaire à l’automne 2018, accrédite l’idée qu’en catimini, Free aurait pu souhaiter, et même prévoir de se débarrasser de ce centre d’appels. Alors que l’entreprise se targuait de traiter en interne les demandes de ses clients, la vente à un groupe spécialisé dans les centres d’appels dénote une volonté claire d’externaliser ce service pour faire des économies.

« Avant, les conditions étaient low cost, maintenant, c’est le low cost du low cost », résume en marge de l’audience un représentant syndical. Le centre d’appels a déménagé dans la commune voisine de Gennevilliers et, sur les 300 salariés restant au moment de la cession, une centaine demeure. Mais entre 2014 et 2017, assurent les avocats de la direction et de la directrice, poursuivis mais absents à l’audience, ils ont tout fait pour sauver le site de Colombes, en mauvaise posture au regard de la santé florissante des quatre autres centres d’appels. « Un fait disciplinaire important : des abandons de postes, des retards injustifiés, et même des fraudes ! » explique l’avocat de Mobipel, qui déplore le silence du rapport du comité d’entreprise sur ce point. Les conflits collectifs minent le centre, qui a fait l’objet d’un reportage Cash investigation, en 2017, qui a écorné l’image de Free. « Des personnes sont là simplement pour recharger leurs allocations chômage, puis créent les conditions de leur licenciement. Il s’agit d’un fléau sur le site de Mobipel », poursuit l’avocat. Au cabinet d’expertise missionné pour établir un rapport sur la situation, la direction aurait évoqué un problème de « fait religieux et communautaire », car le site est entouré de cités. En 2015, puis en 2016, précise l’avocat, « nous avons recruté 142, puis 88 personnes, et pendant cette période, nous refusons les ruptures conventionnelles ». Pourquoi, alors, un solde négatif ? « L’attractivité de ce site est très faible pour les demandeurs d’emploi. » L’avocat fait même état d’un boycott de la part de Pôle emploi, qui refusait de publier leurs annonces et d’accompagner les personnes souhaitant s’engager avec Mobipel. « C’est un site extrêmement violent, une violence endémique », insiste l’avocat. Il évoque une séquestration, un enlèvement, des violences graves. Pour le syndicaliste, qui commente la situation après l’audience, c’est la direction qui a créé les conditions d’une ambiance délétère, afin de diminuer une action syndicale jugée trop véhémente.

Dans le détail, certains chiffres (une ribambelle de chiffres dont chaque partie a saupoudré les débats) sont éloquents. Parmi les 807 personnes à avoir quitté l’entreprise, 28 % l’ont fait de leur propre chef. Les autres ont quitté l’entreprise à l’initiative de l’employeur, dont une part non négligeable a été licenciée pour faute. « On pourrait s’interroger sur ces nombreuses suppressions de postes, qui pourraient avoir un motif économique. Mais un plan de sauvegarde de l’emploi est très coûteux et nuit à la réputation », dit l’inspecteur du travail. « C’est une décision pensée, structurée pour se débarrasser d’une population désignée comme à problème », est-il écrit dans le rapport du cabinet d’expertise. « On a décidé de stopper les recrutements, stabiliser les effectifs afin de faire monter les salariés en compétence », dit l’ancienne présidente, aujourd’hui prévenue, sur procès-verbal.

Entre ces deux versions, il n’y a qu’une différence d’intention. Sans volonté de choix à dimension stratégique, pas d’obligation légale de consulter le CE, et donc pas d’infraction. Le raisonnement est semblable pour le projet de cession. Les représentants des personnels n’ont été prévenus du projet qu’en mars 2018, six mois avant la cession à la société Comdata. La procureure ne pouvant, dit-elle, prouver que le comité d’entreprise a été insuffisamment informé de ce projet, elle requiert une relaxe partielle, mais le délit d’entrave au fonctionnement du CE est, selon elle, constitué par le fait de ne pas avoir consulté le comité. « Ce que l’on reproche aux prévenus, ce n’est pas une absence de consultation du comité d’entreprise sur quelque chose de soudain, mais sur une décision stratégique, qui trouve à s’appliquer dans le temps, progressivement, insidieusement. » Elle requiert 5 000 € d’amende à l’encontre de l’ancienne présidente, et 30 000 € contre l’entreprise.

En défense, l’avocat de la direction s’interroge : « Pourquoi les représentants du personnel ne demandent pas de consultation ? Pourquoi ne posent-ils pas de questions, lors des consultations annuelles ? » Il souligne que l’entreprise a communiqué chaque mois sur le nombre de sorties et leurs motifs, et le nombre d’entrées dans l’entreprise. Il martèle, en somme, que Mobipel a tout fait pour sauver ce centre d’appels miné par la violence et les problèmes, face auxquels Free a dû capituler.

La décision sera rendue le 18 octobre.

Auteur d'origine: babonneau
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Il est aujourd’hui acquis que la cessation d’activité constitue un motif de licenciement économique, sous réserve de l’absence d’une faute de l’employeur ou d’une légèreté blâmable de sa part. Aussi, si les éléments qui caractérisent le motif économique sont réunis, la jurisprudence a pu faire preuve de modération dans l’étendue de son contrôle du pouvoir de gestion de l’employeur. Elle a ainsi pu reconnaître qu’il ne peut être fait grief à l’employeur d’agir avec légèreté blâmable lorsqu’il licencie les salariés concernés au seul motif qu’il a commis des erreurs de gestion (telle que celle d’avoir créé des emplois qu’il n’a pu financer, V. Soc. 14 déc. 2005, n° 03-44.380, D. 2006. 98 , position réaffirmée dans une décision sur la recevabilité d’une QPC, Soc. QPC, 10 sept. 2019, n° 19-12.025). Mais qu’en est-il de l’appréciation de cette légèreté blâmable dans un contexte de liquidation judiciaire ? L’arrêt présentement commenté apporte quelques éléments de réponse.

En l’espèce, une secrétaire comptable a été licenciée pour motif économique à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la société qui l’employait. La salariée, soutenant que la cessation d’activité de l’entreprise résultait d’une faute ou d’une légèreté blâmable de l’employeur, a saisi la juridiction prud’homale afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir fixer sa créance dans la procédure collective. Les juges du fond rejetèrent les demandes de l’intéressée, de sorte que celle-ci se pourvu en cassation.

Pour la salariée en effet, le...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Il est désormais bien acquis qu’un fait de la vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire (Soc. 23 juin 2009, n° 07-45.256, Dalloz actualité, 15 juill. 2009, obs. B. Ines ; RDT 2009. 657, obs. C. Mathieu-Géniaut ). Le principe de l’exclusivité des faits relevant de la vie professionnelle renvoie toutefois à la question de la détermination de ce qui peut – ou non – se rattacher à la sphère professionnelle du salarié, et donc constituer une faute disciplinaire. Si l’occurrence des faits aux temps et lieux de travail permet d’établir une présomption de caractère professionnel, la jurisprudence a su s’affranchir de ce double critère temporel et géographique lorsque le fait litigieux a davantage de liens avec la vie professionnelle du salarié qu’avec sa vie personnelle (v., concernant un salarié d’hypermarché ayant volé le téléphone portable d’une cliente alors qu’il se trouvait en tenue de travail à la billetterie du magasin située dans la galerie marchande, Soc. 26 juin 2013, n° 12-16.564, Dalloz jurisprudence). Et tel était le cas dans l’affaire présentement commentée.

En l’espèce, un steward a été licencié pour faute grave pour avoir manqué à ses obligations professionnelles et porté atteinte à l’image de la compagnie aérienne qui l’employait. Ce dernier avait en effet soustrait le portefeuille d’un client d’un hôtel dans lequel il séjournait en tant que membre d’équipage de la société.

Les juges du fond saisis de l’affaire jugèrent son licenciement fondé et déboutèrent l’intéressé de ses demandes d’indemnisation. Celui-ci forma alors un pourvoi en cassation, en invoquant notamment le non-respect d’une garantie de fond prévue par la procédure disciplinaire conventionnelle applicable au sein de la compagnie, à savoir l’information écrite des délégués du personnel titulaires de l’établissement et du collège auquel appartient le salarié en cause, sauf opposition écrite de ce dernier.

La Cour de cassation va rejeter ce premier moyen en précisant que, si la procédure conventionnelle prévoit effectivement une information préalable des représentants du personnel quant à l’engagement d’une procédure disciplinaire, elle n’impose pas que cette information écrite expose les faits motivant la sanction envisagée, contrairement à ce qu’avançait le salarié licencié. La compagnie ayant procédé à l’information préalable des instances représentatives du personnel qu’une procédure disciplinaire allait être initiée, il ne pouvait alors lui être reproché la violation d’une garantie procédurale conventionnelle.

La seconde et plus importante argumentation de l’intéressé au soutien de son pourvoi a consisté à contester le rattachement à la vie professionnelle des faits reprochés, afin qu’ils échappent au pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Ce rattachement professionnel, établi par la cour d’appel, s’est toutefois vu confirmé par la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a estimé que les faits reprochés se rattachaient à la vie professionnelle du salarié, dans la mesure où ils avaient été commis pendant le temps d’une escale dans un hôtel partenaire commercial de la société, qui y avait réservé à ses frais les chambres. À l’appui de cette conclusion, les magistrats relèvent encore que c’est à la société que l’hôtel avait signalé le vol et que la victime n’avait pas porté plainte en raison de l’intervention de la compagnie. Cette solution livre une typique illustration de la difficulté d’identifier clairement la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle venant borner le pouvoir disciplinaire de l’employeur. Si les faits se déroulant aux temps et lieux de travail n’appellent qu’assez peu de questionnement, il en est tout autrement de ces situations où le salarié commet des faits répréhensibles hors des stricts temps et lieux de travail mais dont l’environnement est directement corrélé avec l’emploi de l’intéressé. La solution posée n’allait donc pas totalement de soi, la jurisprudence ayant par exemple déjà considéré que le vol d’enjoliveurs commis par un salarié sur le véhicule d’un collègue de travail garé à l’extérieur de l’entreprise relevait de sa vie personnelle (Soc. 19 sept. 2007, n° 05-45.294).

Il semble que la jurisprudence tende à se montrer plus sévère avec le salarié lorsque celui-ci adopte un comportement inapproprié à l’égard de clients de la société qui l’emploie, engageant ipso facto l’image de celle-ci.

Il est également possible de considérer que le temps d’escale, s’il ne peut à proprement parler pas être analysé comme un temps de travail effectif, doit – en matière disciplinaire – être considéré pour le personnel naviguant comme un temps très particulier, à plus forte raison lorsque celui-ci s’effectue au sein d’un hôtel que la compagnie prend à sa charge dans le cadre d’un partenariat commercial. Cette idée vient prolonger l’hypothèse dans laquelle la jurisprudence avait reconnu la faute d’un salarié ayant eu un comportement agressif et violent à l’égard de ses collègues lors d’un voyage d’agrément offert à tous les lauréats d’un concours, et ce même si ces faits ne s’étaient pas produits sur le lieu habituel de travail (Soc. 8 oct. 2014, n° 13-16.793, D. 2014. 2056 ; JA 2014, n° 509, p. 12, obs. D. Rieubon ; Dr. soc. 2014. 1064, obs. J. Mouly ).

Il conviendra donc, pour apprécier l’étendue spatiale et temporelle du pouvoir disciplinaire de l’employeur, de mesurer – au-delà des seuls temps et lieux de travail – si les faits litigieux se sont malgré tout déroulés dans un contexte professionnel, en considérant à la fois la qualité des protagonistes, la nature des faits, l’endroit et la période pendant laquelle ceux-ci ont eu lieu.  

Auteur d'origine: Dechriste

Après plusieurs prorogations, la décision a été rendue le 14 août par le tribunal judiciaire. Saisi par vingt-huit requérants représentés par Me David Dokhan (l’un d’eux est décédé au cours de la procédure), le tribunal s’était vu demander la régularisation de la situation de ces interprètes-traducteurs depuis 2000, puisque le décret du 17 janvier 2000, avançaient-ils, établissait déjà leur appartenance au statut de collaborateurs occasionnels du service public. L’État, pour sa part, estimait que seul un décret de 2015 les qualifiait ainsi, et demandait le rejet de leurs demandes pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de ce décret.

Le tribunal a d’abord rappelé que les interprètes-traducteurs sont des collaborateurs occasionnels du service public (CSS, art. L. 311-3). « Le caractère occasionnel de la collaboration a été analysé comme étant accessoire à une activité principale », rappelle le tribunal. « Or, poursuit-il, le terme collaboration occasionnelle aurait dû, devait et doit s’entendre comme l’activité non permanente de l’interprète-traducteur qui peut être requis par l’autorité judiciaire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, à tout moment de la journée et de la nuit, comme ne pouvant pas l’être pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. » Ainsi, peu importe le volume horaire consacré à la collaboration à une mission de service public de ces interprètes-traducteurs, peu importe le nombre de réquisitions dont ils font l’objet, la nature « occasionnelle » de leur collaboration tient au fonctionnement spécifique de leur profession.

Par ailleurs, le tribunal a confirmé que le décret de 2015 « n’a fait que transcrire une règle qui aurait dû être appliquée dès le 19 janvier 2000 », date d’entrée en vigueur du décret du 17 janvier.

Néanmoins, aux termes de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1968, la prescription quadriennale s’applique aux cas d’espèce, estime le tribunal. L’État est donc condamné à payer les cotisations sociales, salariales et patronales, afférentes à l’ensemble des missions d’interprète judiciaire des vingt-sept requérants, depuis le 1er janvier 2011.

« C’est une décision satisfaisante, même si mes clients n’ont pas obtenu la régularisation de l’ensemble de leurs missions », a réagi Me David Dokhan. « Il y avait un risque, compte tenu de l’arrêt du 14 juin 2019 rendu par le pôle social de la cour d’appel de Paris, qui avait une interprétation différente de la nature “occasionnelle” de la collaboration », rappelle-t-il. Le délai d’appel court jusqu’à la mi-septembre.

Auteur d'origine: babonneau

Le décret poursuit le travail d’harmonisation et de simplification des procédures en matière civile. Il modifie l’article...

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Auteur d'origine: Dargent

Initialement, ces textes devaient répondre à des besoins de trésorerie de court terme mais l’épidémie de covid-19 est passée par là, rendant nécessaire de transférer à la caisse d’amortissement de la dette sociale de nouvelles dettes d’un montant maximal de...

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Auteur d'origine: pastor

La rédaction de Dalloz actualité s’éclipse quelques semaines pour mieux vous retrouver le 31 août.

D’ici là, nous vous souhaitons de bonnes vacances et de bonnes lectures, si le cœur vous en dit. Il y a de quoi s’occuper sur Dalloz actualité.

À très vite, donc.

Auteur d'origine: babonneau
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Un candidat malheureux aux élections municipales a saisi le tribunal administratif de Caen aux fins d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle (Orne). Par une ordonnance du 25 mars 2020, le président de la juridiction saisie a rejeté sa protestation pour tardiveté de la saisine. Il a été fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État. Par une décision du 15 juillet 2020, ce dernier a rejeté le recours formé tout en annulant l’ordonnance déférée. Cette décision sera commentée sur deux points : d’une part, quant au délai de recours contentieux en période d’état d’urgence sanitaire et, d’autre part, concernant l’appréciation du facteur de l’abstention dans une élection.

Le délai de recours contentieux

Il convient de rappeler que les délais dans lesquels les protestataires peuvent contester une élection sont particulièrement normés par catégorie d’élection. Ainsi, pour les élections municipales, ce délai est de cinq jours et celui-ci expire à dix-huit heures le cinquième jour suivant l’élection contestée (C. élect, art. R. 119). Pour la computation de ce délai, il n’est pas tenu compte du jour de la proclamation des résultats de l’élection (dies a quo) ni du jour de l’échéance du recours (dies a quem). Ainsi, pour une élection acquise le 11 mars 2001, le 12 mars doit être retenu comme point de départ du délai par l’article R. 119, le délai de recours expirant le 16 mars 2001 à 24 heures (TA Nantes, 7 juin 2001, Élections municipales de Maisdon-sur-Sèvre). Est donc tardif un recours enregistré par le greffe après l’expiration du délai, alors même que la date de l’envoi de la protestation s’est faite dans le délai postal de cinq jours (CE 26 oct. 2001, Élections municipales de la commune Le Donjon, n° 133290). C’est en raison de ces délais très resserrés que le juge du Palais-Royal a considéré, en matière électorale, qu’une requête transmise dans les délais par voie électronique est recevable à la préfecture par voie électronique, à condition que le protestataire confirme en être bien l’auteur par lettre adressée au tribunal administratif compétent (CE 28 déc. 2001, n° 235784, Élections municipales d’Entre-Deux-Monts, Lebon ; D. 2002. 2008 , note F. Mallol ). Cela étant rappelé, le président du tribunal administratif de Caen a considéré irrecevable la requête contre les élections municipales et communautaires de la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle qui se sont tenues le dimanche 15 mars 2020 au motif que la protestation a été enregistrée le 22 mars 2020 au greffe dudit tribunal, soit au-delà du délai de cinq jours qui expirait pour lui le 20 mars 2020. Cependant, il avait oublié d’intégrer les dispositions du 3° du II de l’article 15 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, lesquelles précisent que « les réclamations et les recours mentionnés à l’article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour ». L’article 1er du décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires...

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Auteur d'origine: pastor
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La règle de l’unicité de l’instance applicable en matière prud’homale a longtemps (depuis une loi du 27 mars 1907) imposé aux parties au contrat de travail de formuler toutes les demandes liées à ce contrat dans le cadre d’une seule instance (C. trav., art. R. 1452-6, al. 1er anc.). Il en résultait une irrecevabilité de toute demande nouvelle se rattachant au même contrat de travail que la demande déjà jugée, peu important qu’elle n’eût pas le même objet que celles formulées lors de l’instance initiale (v. Soc. 25 janv. 2006, n° 03-47.058, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier). Ce principe était tempéré par quelques exceptions : une partie pouvait saisir à nouveau le conseil de prud’hommes « lorsque le fondement des prétentions [était] né ou révélé postérieurement à la saisine » du premier juge (C. trav., anc. art. R. 1452-6, al. 2) ; il ne s’appliquait que lorsqu’une décision irrévocable avait été rendue sur le fond (Soc. 16 nov. 2010, n° 09-70.404, D. 2011. 227, communiqué C. cass. , note V. Orif ; ibid. 265, obs. N. Fricero ; Dr. soc. 2011. 432, note M. Keller ; RDT 2011. 55, obs. E. Serverin ; RTD civ. 2011. 173, obs. R. Perrot ).

La règle de l’unicité de l’instance permettait cependant aux parties de formuler de nouvelles demandes dérivant du même contrat de travail en cours d’instance, y compris devant la formation de départage (Soc. 3 oct. 1991, n° 88-41.862, D. 1991. 266 ; RTD civ. 1992. 182, obs. R. Perrot ) ou le juge d’appel, le cas échéant. Dans cette hypothèse, l’absence de tentative de conciliation ne pouvait leur être opposée (C. trav., art. R. 1452-7 anc.). Ce droit prenait parfois la forme d’une obligation : lorsque le salarié prenait connaissance d’éléments fondant de nouvelles prétentions avant que le juge d’appel éventuellement saisi n’ait statué, les nouvelles demandes devaient, à peine d’irrecevabilité, être présentées devant ce dernier (v. Soc. 21 oct. 2014, n° 13-19.786).

Un décret n° 2016-660 du 20 mai 2020 (Décret relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, spéc. art. 8 et 45) a mis fin à cette spécificité du procès prud’homal en abrogeant, au 1er août 2016, les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail. Une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 1er juillet 2020 apporte des précisions sur les effets dans le temps de cette abrogation.

En l’espèce, une salariée, engagée en 2009 par une compagnie aérienne, avait saisi le conseil de prud’hommes le 25 septembre 2015. Elle s’estimait victime de faits de discrimination et de harcèlement moral et demandait, à ce titre, le paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral. Alors qu’elle avait été licenciée le 10 octobre 2016, elle a interjeté appel le 11 mai 2017 du jugement l’ayant déboutée de toutes ses demandes et a présenté, en appel, des demandes nouvelles au titre de la rupture de son contrat de travail. Le 16 octobre 2018, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a déclaré irrecevables ces demandes, au motif, d’une part, qu’elles étaient nouvelles car elles n’avaient pas été présentées devant le premier juge ; d’autre part, que l’article R. 1452-7 avait été abrogé au 1er août 2016. Selon les juges du fond, les dispositions du décret du 20 mai 2016, instaurant des règles de procédure, étaient d’application immédiates pour les instances postérieures à son entrée en vigueur. La salariée ayant interjeté appel le 11 mai 2017, le principe d’unicité de l’instance, applicable devant le premier juge, ne l’était plus devant le second.

C’est sur ce point que se concentre le pourvoi en cassation formé par la salariée. L’instance ayant été introduite en 2015, avant l’entrée en vigueur du décret de 2016, la règle de l’unicité de l’instance devait, selon le moyen, s’appliquer jusqu’à ce qu’une décision irrévocable soit rendue sur le fond, y compris devant la cour d’appel saisie après le 1er août 2016.

Par l’arrêt commenté, la chambre sociale de la Cour de cassation accueille le moyen présenté par la salariée. Elle casse la décision rendue par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, au motif qu’« il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l’article R.1452-7 du Code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016 ». Or, si la salariée a interjeté appel le 11 mai 2017, après l’abrogation de ces dispositions, l’instance avait bien été introduite devant le conseil de prud’hommes avant le 1er août de 2016. La règle de l’unicité de l’instance, incluant la possibilité de formuler des demandes nouvelles relatives au même contrat de travail en appel, demeurait applicable jusqu’à un jugement définitif sur le fond.

Pour toutes les instances introduites devant le conseil de prud’hommes après le 1er août 2016, les parties ne peuvent plus formuler des demandes nouvelles en appel. L’article 564 du Code de procédure civile dispose en effet qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour [d’appel] de nouvelles prétentions », qui ne tendraient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge (C. pr. civ., art. 565), « si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses (Soc. 27 févr. 2020, n° 18-19.367 P, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 492 ) ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ». En contrepartie, la disparition de la règle de l’unicité de l’instance permet aux parties aux contrat de travail de présenter ces demandes nouvelles dans le cadre d’une instance séparée, en saisissant à nouveau le conseil de prud’hommes.

Un salarié licencié pour un motif disciplinaire pourra donc contester le bien-fondé de son licenciement devant le juge prud’homal puis, ultérieurement, saisir à nouveau le juge d’une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral ou d’une demande en rappel d’heures supplémentaires. Cette possibilité de saisines successives pourrait être un vecteur d’encombrement des juridictions du travail, que la règle de l’unicité de l’instance avait précisément pour fonction de combattre ; cependant les délais de prescriptions courts applicables en droit du travail (C. trav., art. L. 1471-1) pourraient prévenir ce « risque » en rendant en pratique complexe la multiplication des instances (v. A. Bugada, Vers un nouveau droit prud’homal, JCP S 2015. 1247). 

Auteur d'origine: Dechriste

Dans le rapport, que diffuse Dalloz actualité, les députés considèrent que le Défenseur a réussi à « s’imposer comme une vigie du respect des droits ». Mais il reste avant tout une autorité morale, parfois inaboutie, notamment en matière de déontologie de la sécurité.

Deux députés se sont attelés à ce rapport : Coralie Dubost (LREM) et Pierre Morel-À-L’Huissier (UDI) qui fut le rapporteur de la loi créant le Défenseur, il y a dix ans. Cette création fut, au départ, contestée. Rassemblant la HALDE, le médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), l’enjeu pour le Défenseur était d’être plus qu’un patchwork. Une décennie après, les députés relèvent que « le Défenseur des droits est, sans aucun doute, une institution utile qui a réussi à s’imposer comme une vigie du respect des droits. »

Cependant, poursuivent-ils « le Défenseur des droits exerce essentiellement une magistrature morale, dépourvue de pouvoir de sanction ». Pour les députés, cette absence de rôle contraignant « permet au Défenseur des droits d’agir en complémentarité plutôt qu’en concurrence avec les juridictions ». Concernant le règlement des litiges, en 2015, le taux de suivi des recommandations générales du Défenseur était de 100 % et celui des recommandations individuelles de 66 %. Coralie Dubost et Pierre Morel-À-L’Huissier élaborent plusieurs recommandations pour renforcer son poids et son implantation.

Un Défenseur plus connu que ses missions

Jacques Toubon a permis au Défenseur d’acquérir une reconnaissance importante sur la défense des droits humains. En 2020, le Défenseur des droits est connu par 51 % des Français, contre 37 % en 2014. Le nombre de réclamations a augmenté de 32 % entre 2011 et 2019, pour atteindre 103 000.

Toutefois, certaines de ses missions restent mal connues, l’activité du siège l’ayant médiatiquement emporté sur l’action de terrain. Le Défenseur bénéficie pourtant d’un réseau de 510 délégués territoriaux (contre 371 en 2014). Certaines administrations, comme la CNAV, l’OFII ou le Trésor public restent récalcitrantes envers le Défenseur.

Le Défenseur des droits peut également intervenir devant toutes les juridictions, pour présenter son analyse du dossier, ce qu’il a fait à 141 reprises l’an dernier. Son avis a été suivi dans 70 % des cas. Mais pour certains des professionnels interrogés, ces interventions sont parfois trop proches de « prises de position para-juridiques fondées sur une approche du juste et de l’injuste plutôt désincarnée ».

C’est l’action en matière de déontologie de la sécurité qui semble la plus compliquée. Le taux de suivi des recommandations du Défenseur concernant les poursuites disciplinaires « s’est stabilisé à 0 % ». Comme à l’époque de la CNDS, même les recommandations générales n’ont qu’un faible impact. Pour les forces de l’ordre, le Défenseur est au mieux considéré comme un doublon de l’action des inspections et de la justice.

Renforcer le poids du Défenseur et élargir ses compétences

Les députés souhaitent que les avis du Défenseur soient mieux suivis. Ils proposent ainsi la création d’un service interministériel chargé du suivi de ses recommandations. Ils souhaitent aussi qu’il puisse saisir le Conseil constitutionnel en amont et en aval de la promulgation des lois.

Les députés proposent que l’institution fasse plus appel à certains des pouvoirs dont elle dispose : en 2019, le Défenseur ne s’est saisi d’office qu’à onze reprises et n’a réalisé qu’une vérification sur place. Son autonomie budgétaire devrait aussi être renforcée : le budget 2020 est inférieur de 6,2 millions d’euros aux budgets 2010 des quatre autorités fusionnées.

Les lanceurs d’alerte sont un sujet émergeant pour le Défenseur. Il a été saisi de 84 dossiers lanceurs d’alerte en 2019. Si la loi Sapin 2 avait été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel, la transposition d’une directive européenne pourrait lui permettre de récupérer l’accompagnement des lanceurs d’alerte, comme le souhaitent les députés.

Le rapport recommande de ne pas généraliser l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire que conduit le Défenseur sur certains contentieux (RSA, APL). Sur 500 demandes, seuls 22 % des médiations achevées ont conduit l’usager à ne pas faire de recours contentieux.

Enfin, l’extension du périmètre du Défenseur des droits reste sur la table. Le rapport ne recommande pas franchement une fusion avec la CNCDH ou avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), sauvé en 2010 grâce à l’action de Jean-Marie Delarue. Mais, à défaut de fusion, il propose donner compétence au CGLPL pour traiter les litiges individuels en détention. Autre point : le Défenseur pourrait renforcer son contrôle dans les EHPAD, en y réalisant des visites.
 

Auteur d'origine: babonneau
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Cette Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE n° 164) ouverte à la signature le 4 avril 1997 à Oviedo (en Espagne) et entrée en vigueur en France le 1er avril 2012 (v. not. A. Mirkovic, La ratification (enfin !) de la convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, D. 2012. 110 ; D. Thierry, La France enfin liée par la Convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, RDSS 2012. 839 ) est aujourd’hui le seul instrument juridique contraignant international pour la protection des droits de l’homme dans le domaine biomédical. Ce texte concerne plus particulièrement la protection de...

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Auteur d'origine: ccollin
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Les personnes handicapées rencontrent de grandes difficultés pour trouver un emploi ou le conserver, leur taux de chômage reste deux fois supérieur à celui de la population générale. Fin 2017, plus de 500 000 demandeurs d’emploi handicapés (DEBOE) sont inscrits à Pôle emploi (8,5 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi), un chiffre en constante augmentation.

Dans ce contexte, il convient de protéger les travailleurs handicapés, population vulnérable, en favorisant et en pérennisant leur emploi.

Plusieurs mesures existent visant à atteindre ce but, sans souci d’exhaustivité :

• premièrement, il sera rappelé qu’il existe une obligation d’emploi des travailleurs handicapés, consistant à imposer aux entreprises (employeurs privés, y compris les établissements publics industriels et commerciaux) d’au moins vingt salariés d’employer des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans une proportion au moins égale à 6 % des effectifs de l’entreprise (C. trav., art L. 5212-2) ;

• deuxièmement, les salariés handicapés peuvent également bénéficier, à leur demande, d’aménagements d’horaires individualisés propres à leur faciliter leur accès à l’emploi, leur exercice professionnel ou le maintien dans leur emploi (C. trav., art. L. 3121-49) ;

• troisièmement, l’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu’en fonction des besoins constatés dans une situation concrète, l’employeur doit prendre des mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure aussi que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail. Ces mesures sont toutefois prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 du code du travail qui peut compenser, en tout ou partie, les dépenses supportées, à ce titre, par l’employeur. L’article précise que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination.

Dans l’espèce rapportée, après avoir été déclaré inapte le 7 avril 2015, un travailleur handicapé a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il contestait son licenciement au motif que celui-ci serait discriminatoire.

La cour d’appel de Douai a suivi le raisonnement du salarié et a déclaré nul son licenciement. La cour d’appel a relevé non seulement le fait que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement à l’échelle du groupe, mais également que celui-ci avait été invité à deux reprises, par le salarié, à consulter le SAMETH (service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés), afin de trouver une solution permettant le maintien de son emploi. N’ayant accompli aucune démarche ni justifié d’aucune étude de poste ou d’aménagement de celui-ci, les juges du fond ont retenu la nullité du licenciement sur le fondement de l’article L. 5213-6 du code du travail précité.

C’est dans ce contexte que l’employeur décidait de former un pourvoi devant la Cour de cassation.

L’employeur faisait grief à l’arrêt d’avoir annulé le licenciement du salarié en raison de la discrimination liée à son état de santé et à son handicap et, en conséquence, de l’avoir condamné à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Concrètement, il reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu un manquement à son obligation de reclassement, de lui avoir fait grief de ne pas avoir saisi le SAMETH, alors qu’aucune disposition n’impose à l’employeur qui envisage le licenciement pour inaptitude d’un salarié handicapé de le saisir dans le cadre de son obligation de reclassement, et jugé le licenciement nul, alors que le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La haute juridiction écarte le premier point en précisant que la cour d’appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, hors toute dénaturation, que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement.

Puis, elle prend le soin de rappeler que, si effectivement le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il convient cependant d’adapter ce raisonnement à la lumière des dispositions de l’article L. 5213-6 du code du travail précitées.

Ainsi, pour valider le raisonnement des juges du fond, la chambre sociale relève que la cour d’appel a constaté que l’employeur, nonobstant l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d’études de postes ni de recherches d’aménagements du poste du salarié, et qu’il n’avait pas consulté le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu’il y ait été invité à deux reprises par le salarié. Dans ces conditions, la cour d’appel a pu, selon la haute juridiction, en déduire qu’il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d’une discrimination à raison d’un handicap était nul.

Cette solution doit être approuvée. Naturellement, la saisine du SAMETH n’est pas une obligation. Pour rappel, le SAMETH est un service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés. La question n’était pas de savoir si sa saisine constituait une obligation, mais si elle constituait une mesure, parmi d’autres, au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail, permettant « aux travailleurs handicapés […] de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ». La réponse est assurément positive. Dès lors, l’absence de saisine de ce service, alors que l’employeur y avait été invité à deux reprises, ne pouvait s’analyser que comme une discrimination, a fortiori alors que la mise en œuvre de cette saisine n’aurait manifestement occasionné aucune charge « disproportionnée » au sens de l’article précité.

Le raisonnement presque arithmétique de la Cour de cassation apparaît donc mesuré et justifié, et ne semble pas souffrir la critique.

Dans une espèce antérieure, elle avait à l’inverse validé le raisonnement d’une cour d’appel qui avait considéré que ne manquait pas à son obligation de prendre les mesures appropriées au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail « l’employeur ayant engagé en faveur du salarié un processus d’aide et de reclassement par l’intermédiaire d’une association spécialisée dans l’information, le conseil et le maintien dans l’emploi des salariés du BTP, laquelle, après avoir rencontré le salarié handicapé, lui avait proposé à deux reprises de faire réaliser aux frais de l’employeur un bilan de compétences afin de définir un projet professionnel ou de formation, ce que l’intéressé avait refusé » (Soc. 6 mars 2017, n° 15-26.037, Dr. soc. 2018. 97, étude Y. Pagnerre et S. Dougados ).

La cour d’appel de Versailles a considéré qu’un employeur avait manqué à son obligation de reclassement d’un travailleur handicapé, notamment en ne rapportant pas la preuve qu’il avait sollicité de l’aide auprès des organismes compétents afin de trouver des solutions d’aménagement du poste de travail. Le simple fait de prendre contact par téléphone avec le SAMETH ne constitue pas une preuve de recherche effective de solution de reclassement validant la procédure de licenciement pour inaptitude. Bien que la salariée se dît victime d’une discrimination en raison de son handicap, curieusement elle ne sollicitait pas la nullité de son licenciement, de sorte que la cour d’appel n’a pu la prononcer (Versailles, 16 mars 2017, n° 14/04178, Dalloz jurisprudence).

La cour d’appel de Caen, elle aussi, est entrée en voie de condamnation pour discrimination faute pour l’employeur d’avoir sollicité l’aide de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) afin d’aménager le poste du salarié concerné en application des préconisations de la médecine du travail. Dans cette espèce, le salarié ne sollicitait pas, lui non plus, la nullité de son licenciement pour inaptitude (Caen, 26 sept. 2019, n° 18/01007, Dalloz jurisprudence).

L’appréciation du respect par l’employeur des recherches d’adaptation et de reclassement relève des juges du fond, fonction naturellement de la taille et des moyens de l’entreprise. La boussole des juges du fond semble ainsi être la recherche de l’équilibre entre la préservation de l’emploi des salariés handicapés et les intérêts des employeurs, qui ne peuvent être tenus à l’impossible.

Auteur d'origine: Dechriste
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Comment un régime d’équivalence appliquant aux heures de présence au travail un mécanisme de pondération – justifié par la moindre intensité du travail fourni durant les périodes d’inaction – doit-il être concilié avec la réglementation française et européenne sur la durée du travail ? Telle est en substance la question à laquelle l’arrêt du 25 juin 2020 apporte quelques éléments de réponse.

Cette question n’est pas aisément soluble, considérant les limites imposées par le droit européen et le fait que ce dernier ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre les périodes de travail et de repos (V. déjà, CJCE 3 oct. 2000, aff. C-303/98, D. 2000. 284 ; AJFP 2001. 5 ; Dr. soc. 2001. 76, note J. Barthélémy ; ibid. 1097, note F. Baron ; ibid. 2003. 859, chron. S. Van Raepenbusch ). La situation des salariés du secteur des transports routiers et activités auxiliaires du transport en livre ici l’illustration.

En l’espèce, une personne avait été engagée en qualité d’ambulancier. Près de quinze ans après, et à la suite de plusieurs transferts de son contrat de travail, l’intéressé a pris acte de la rupture de son contrat et saisi les juridictions prud’homales des diverses demandes d’indemnités y afférentes, alléguant un non-respect des durées maximales de travail, des temps de pause ainsi que des repos obligatoires.

Les juges du fond firent en partie droit à sa demande, en limitant toutefois le montant des dommages-intérêts. Le salarié se pourvut alors en cassation. Selon lui, il ne pouvait être tenu compte du système d’équivalence pour vérifier, en matière de travail effectif, le respect des seuils et plafonds issu de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

Pour la cour d’appel, il était en effet nécessaire de tenir compte du régime de pondération prévu par l’accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire en sa rédaction issue de l’avenant du 16 janvier 2008.

La chambre sociale de la...

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Auteur d'origine: Dechriste

L’organisation de la reprise de la vie judiciaire, bien qu’orchestrée par la Chancellerie, repose essentiellement sur les chefs de juridictions. En bonne intelligence avec les barreaux de leur ressort, dans le respect des règles sanitaires, des plans de reprise de l’activité ont été établis, qui doivent progressivement, depuis le 11 mai, indiquer la marche à suivre pour tendre vers un fonctionnement normal. Dans les faits, à Lyon : « La reprise est très difficile, il n’y a pas de coordination générale, tout se fait chambre par chambre, en collaboration avec l’ordre », témoigne Serge Deygas, bâtonnier de Lyon. Le confinement, qui a succédé à la grève des avocats contre la réforme du régime des retraites, a donné au retard accumulé dans le traitement des affaires une ampleur inédite. « Nous avons 28 000 dossiers en stock, dont 16 000 au pôle social. Au pôle immobilier, la situation est apocalyptique : des affaires déjà mises en état sont fixées pour plaidoiries en 2022 », s’alarme Serge Deygas. C’est la conséquence logique, dit le bâtonnier, de l’arrêt de l’activité pendant le confinement. « Au tribunal judiciaire de Lyon, les affaires ont été supprimées sans préavis. Sur les 450 personnels de greffe, 10 % à peine ont pu travailler, faute de moyens de le faire depuis leur domicile, ce qui a révélé une faille technologique importante », comme l’admettait Nicole Belloubet (qui évoquait une « dette technologique importante » devant la commission des lois du Sénat, le 9 avril dernier).

Le retard accumulé a conduit les juridictions à faire certains choix, dont celui du dépôt de dossier sans plaidoirie, que le bâtonnier de Lyon prend avec précaution. « Nous sommes hostiles au principe consistant à ne pas plaider nos dossiers. Mais dans la mesure où ce n’est pas obligatoire et qu’il faut remédier à la situation d’urgence, il faut l’accepter, mais nous ne voulons pas que cela se pérennise, car l’oralité est essentielle dans notre système de justice. Et on a un peu peur que cela se pérennise », admet-il.

En matière civile, les avocats peuvent désormais, pour que leur affaire soit prise rapidement, décider d’accepter de déposer des conclusions écrites et renoncer à plaider. Si l’une des parties refuse, l’affaire est renvoyée, et, au vu de la situation, les délais sont énormes. L’ancien bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, y voit une forme de chantage : « Ceux qui acceptaient de plaider ont eu un délibéré à trois semaines, les autres ont vu leur affaire renvoyer à 2022 », déplore-t-il.

À Paris, cette solution provisoire a occasionné des critiques, et même une tribune, signée par le bâtonnier et d’autres membres de conseil de l’ordre, contre le recours à ces audiences sans plaidoirie. Une manière de montrer la vigilance des avocats sur ce point car, dans les faits, le bâtonnier se veut « pragmatique ». « Si toutes les parties sont d’accord et si c’est dans l’intérêt du client, pourquoi pas ? Cela doit nous permettre de rattraper le retard, mais il ne faut pas que la situation soit prétexte à une généralisation de ce dispositif », rappelle-t-il. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, abonde : « Nous sommes attachés à la plaidoirie, le dépôt des dossiers ne peut pas être demain proposé comme modèle absolu. »

Stéphane Noël annonce qu’entre le 27 avril et le 24 juin, 2 850 dossiers ont ainsi été déposés devant le tribunal judiciaire de Paris. « Ce qui veut dire que les avocats ont compris l’intérêt de ce dispositif, et à partir du moment où une partie n’est pas d’accord, l’affaire est plaidée », rassure-t-il. Les audiences en présentiel ont repris dans presque toutes les chambres, parfois depuis le 11 mai et parfois, comme au pôle famille (15 juin) ou aux prud’hommes (22 juin), très récemment.

À Paris comme ailleurs, les personnels de greffe n’ont pas pu travailler de chez eux, et ils sont à 70 % aujourd’hui, dit Olivier Cousi (« la reprise est aujourd’hui quasi totale pour tous les personnels », dit, pour sa part, Stéphane Noël). Olivier Cousi pense que la reprise normale de toute l’activité se fera en septembre, avec les difficultés que posent les règles de distanciation physique dès lors que des salles petites doivent accueillir des parties nombreuses. C’est pour cela que Paris a décidé d’expérimenter les visioaudiences en matière civile mais, là encore, dit-il, outre les problèmes techniques rencontrés par le logiciel de l’administration, il faut préserver la « présence physique des parties lorsqu’elle s’avère essentielle ». Selon Stéphane Noël, les visioaudiences sont déjà en place dans plusieurs pôles (famille, procédures collectives, tutelles), et aux première et troisième chambres civiles.

Pendant le confinement, les magistrats civils ont rendu 6 000 décisions, qui « seront toutes formalisées et envoyées avant les vacations ». Au pénal, l’activité correctionnelle a repris à 92 %. Selon le plan du parquet, un tiers des procédures vont être classés sans suite, un tiers seront réorientées, et le dernier tiers seront audiencées, comme prévu initialement. « La délinquance ayant baissé pendant le confinement, cela permet de lisser les choses. Il rappelle que 500 procédures ont été clôturées, qu’il va désormais falloir audiencer.

C’est une partie délicate, car le respect des distances physiques va fortement réduire la capacité d’organisation de procès, ou même de réunions qui se déroulent en cabinet – chose impossible désormais. Mais la juridiction parisienne bénéficie d’un bâtiment immense pourvu de nombreuses salles. « Toutes les audiences de cabinet désormais se déroulent, si nécessaire, dans une salle d’audience. Avant nous avions de la marge, mais désormais, les quatre-vingt-dix salles sont occupées », précise le président du tribunal.

Des situations disparates

Ce n’est pas le cas à Bobigny, où seulement 70 % de l’activité a repris. Cinq audiences correctionnelles par jour au lieu de huit. Le bâtonnier Frédéric Gabet décrit une situation très difficile. « Cela ne se passe pas très bien. Des audiences sont annulées par centaine sur des motifs liés à la désorganisation de la juridiction, dans certains cas, on est au bord du déni de justice. Il y a une impression de désordre et de reprise erratique, en fonction des personnes et de l’absentéisme du service. » Sur le plan de reprise : « Il prévoyait une reprise des audiences correctionnelles le 25 mai, mais on sait que ça ne sera pas avant septembre. On doit s’arranger avec les greffières pour savoir à l’avance quelles audiences sont maintenues et lesquelles sont renvoyées ou annulées », témoigne-t-il. « C’est terrible comme situation. On va vers une reprise totale de l’activité en France, mais nous, on va couler. »

Le président du tribunal, Renaud Le Breton de Vannoise, tempère : « La présentation catastrophiste se comprend, mais elle est excessive. » Au pénal, dit-il, des procédures sont classées sans suite et d’autres réorientées. Il explique le désordre décrit par le bâtonnier par le fait que les dossiers n’ayant pas suivi leur « cours normal, ils ne se trouvent pas là où ils devraient être, il faut donc réorganiser les audiences au dernier moment ». Il précise que son tribunal a pu faire face, pendant le confinement, à l’activité certes réduite mais pas inexistante, et que les trois cents demandes de mises en liberté déposées en dix jours (contre trois par jour en moyenne) ont pu être traitées (il précise en outre que quarante personnes ont été remises en libertés pour des motifs sanitaires ce qui, avec les libérations anticipées, « a permis de mettre fin à la surpopulation carcérale à la prison de Villepinte »). Renaud Le Breton de Vannoise déplore cette situation difficile, « d’autant qu’on était dans une dynamique de redressement considérable grâce à une augmentation progressive des magistrats et des greffiers. Aujourd’hui, ils sont 138 au siège, 55 au parquet et 400 greffiers.

Dans les juridictions de Rouen, tribunal judiciaire et cour d’appel, « nous avons la chance d’avoir des rapports extrêmement cordiaux », dit Arnaud Saint-Rémy, responsable pénal du conseil de l’ordre rouennais. Il détaille certaines initiatives de la juridiction : une nouvelle chambre a été ouverte pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), des audiences ont été ajoutées autant que possible. « On ne peut pas être pleinement satisfaits, car il n’y a pas assez de magistrats, pas assez de greffiers, donc pas assez d’audiences. Des procédures anciennes ne sont pas traitées car pas jugées prioritaires. Mais je salue le travail considérable fait par nos juridictions, et l’abnégation des magistrats. Parfois, il y a des tensions, car nous sommes tous fatigués de cette situation », expose-t-il. Là-bas aussi, les délais d’audiencement sont parfois longs (2022 pour les audiences d’expulsion locative, au tribunal de proximité, par exemple). Le bâtonnier Guillaume Bestaux abonde, et salue l’initiative du conseil des prud’hommes, qui a organisé une visioconférence avec les avocats en droit social, pour une meilleure organisation des audiences. Lui aussi reste vigilant sur les dossiers sans plaidoiries : « Il ne faudrait pas que ça reste en place car, sur certains dossiers avec un enjeu important, on aimerait bien dire quelques mots. Et puis, l’échange avec les magistrats nous manque. »

Auteur d'origine: babonneau

Tous les griefs ont été retenus à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme pour condamner la France : traitement dégradant, détention irrégulière, atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, violation de l’interdiction d’expulser collectivement des étrangers et absence de recours effectif.

Cette affaire concerne les conditions dans lesquelles deux enfants comoriens de 3 et 5 ans, appréhendés lors de leur entrée irrégulière sur le territoire français à Mayotte, ont été placés en rétention administrative en compagnie d’adultes, rattachés arbitrairement à l’un d’eux et renvoyés expéditivement vers les Comores sans examen attentif et individualisé de leur situation.

Les faits remontent à 2013, les deux enfants avaient voyagé à bord d’une embarcation de fortune en vue de rejoindre Mayotte. Les dix-sept personnes présentes sur l’embarcation furent interpellées en mer par les autorités françaises. Après un contrôle d’identité sur une plage, elles furent placées en rétention en vue d’une reconduite à la frontière. Les deux enfants furent rattachés administrativement à l’une des personnes présentes sur l’embarcation qui aurait déclaré les accompagner. Nés à Mayotte d’une mère comorienne en situation irrégulière, ils avaient été renvoyés aux Comores en 2011. Mais leur père, M. Moustahi, réside régulièrement à Mayotte. Ce dernier, prévenu de la présence de ses enfants, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte pour obtenir la suspension de l’arrêté d’éloignement. Trop tard, les deux enfants avaient déjà été placés à bord d’un navire et renvoyés aux Comores.

Des faux pas en cascade

La Cour est convaincue que le rattachement des deux enfants à un adulte « n’a pas été opéré dans le but de préserver l’intérêt supérieur des enfants, mais dans celui de permettre leur expulsion rapide vers les Comores ». Les conditions de rétention des deux enfants étaient les mêmes que celles des personnes adultes appréhendées en même temps qu’eux. Eu égard à leur âge et au fait qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, leur placement en rétention, « n’a pu qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme ». Pour la cour, les autorités françaises n’ont pas veillé à une « prise en charge effective des enfants » et n’ont pas tenu compte de la situation que ceux-ci risquaient d’affronter lors de leur retour dans leur pays d’origine.

La Cour observe aussi qu’aucun recours n’a été ouvert aux enfants afin de faire vérifier la légalité de leur placement en rétention. Elle rappelle que le fait d’enfermer certains membres d’une famille dans un centre de rétention alors même que d’autres membres de cette famille sont laissés en liberté s’analyse « comme une ingérence dans l’exercice effectif de leur vie familiale quelle que soit la durée de la mesure en cause ».

La Cour retient aussi que l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers, sanctionnée par l’article 4 du protocole n° 4, a été violée. L’éloignement des deux enfants, qu’aucun adulte ne connaissait ni n’assistait, « a été décidé et mis en œuvre sans leur accorder la garantie d’un examen raisonnable et objectif de leur situation particulière ».

Enfin, l’analyse portée sur la violation du droit au recours effectif montre qu’aucun examen judiciaire des demandes des requérants ne pouvait avoir lieu. L’éloignement des requérants a été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale au sujet d’un tiers dépourvu de liens avec eux. Par conséquent, la Cour européenne des droits de l’homme estime « que la hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles ».

Auteur d'origine: pastor

À l’origine institué par la loi du 19 juillet 1928, le principe du maintien des contrats de travail en cas de mutations économiques ou juridiques de l’entreprise est aujourd’hui connu de tous.

Dès lors que survient « une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » (C. trav., art. L. 1224-1). Lorsqu’il est possible de caractériser le transfert d’une « entité économique autonome », le salarié est donc assuré de conserver son emploi et les attributs attachés à son contrat de travail (ancienneté et niveau de rémunération notamment).

Cette situation juridique s’impose à l’employeur - ainsi qu’au salarié - qui ne peut faire obstacle au transfert automatique des contrats de travail.

S’agissant de la relation entre employeurs successifs, le code du travail prévoit une forme de solidarité à la dette sauf dans certaines hypothèses particulières (en cas de procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire par exemple). En ce sens, l’article L. 1224-2 du code du travail précise que « le nouvel employeur est tenu, à l’égard des...

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Auteur d'origine: Dechriste

Saisis d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, les juges de la rue de Montpensier ont examiné ces dispositions, qui ont suspendu les opérations électorales à l’issue du premier tour, à la lecture du principe de sincérité du scrutin, résultant de l’article 3 de la Constitution.

Motif impérieux justifié

Le Conseil constitutionnel précise que le législateur ne saurait, sans méconnaître les exigences de l’article 3 de la Constitution, autoriser une modification du déroulement des opérations électorales qu’à la condition « qu’elle soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général et que, par les modalités qu’il a retenues, il n’en résulte pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l’égalité devant le suffrage. »

Dans une rédaction limpide, il estime qu’en adoptant les dispositions contestées, « le législateur a entendu éviter que la tenue du deuxième tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 et la campagne électorale qui devait le précéder ne contribuent à la propagation de l’épidémie de covid-19, dans un contexte sanitaire ayant donné lieu à des mesures de confinement de la population ». Ces dispositions sont donc justifiées par un motif impérieux d’intérêt général.

L’argument des requérants faisant valoir que l’organisation du second tour avant la fin du mois de juin 2020 risquerait de nuire à la participation des électeurs est retourné par le Conseil constitutionnel qui considère que « les dispositions contestées ne favorisent pas par elles-mêmes l’abstention ». Pour autant, il reviendra, le cas échéant, « au juge de l’élection, saisi d’un tel grief, d’apprécier si le niveau de l’abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l’espèce, la sincérité du scrutin. »

Garantie du droit de suffrage

Surtout, selon le Conseil constitutionnel, « plusieurs mesures d’adaptation du droit électoral contribuent à assurer, malgré le délai séparant les deux tours de scrutin, la continuité des opérations électorales, l’égalité entre les candidats et la sincérité du scrutin. » En particulier, l’ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 dispose que, sauf exceptions, le second tour du scrutin aura lieu à partir des listes électorales et de listes complémentaires établies pour le premier tour ; de plus, par dérogation au code électoral, les dispositions contestées permettent de majorer les plafonds de dépenses électorales applicables et d’obtenir le remboursement d’une partie des dépenses de propagande ; enfin, afin de préserver les possibilités de contester les résultats du premier tour en dépit de la suspension du scrutin, les électeurs ont pu, par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 68 du code électoral, obtenir communication des listes d’émargement des bureaux de vote à compter de l’entrée en vigueur du décret de convocation pour le second tour et jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.

Différence de traitement sur la durée du mandat

La dernière partie de la décision porte sur les conséquences du report du second tour sur les mandats des conseillers municipaux. S’il existe bien une durée différente de mandat entre les élus du premier tour et ceux élus à l’issue du second tour, « cette différence de traitement repose sur une différence de situation au regard de l’élection et répond directement à la volonté du législateur d’assurer la mise en œuvre des objectifs qu’il s’est fixés en reportant le second tour. » Et s’agissant des communes dans lesquelles un second tour est nécessaire, « les dispositions contestées n’ont aucune incidence sur les éventuelles contestations devant le juge de l’élection des opérations électorales du premier tour. »

Les premier et dernier alinéas du paragraphe I de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dans sa rédaction initiale, sont donc conformes à la Constitution.

Auteur d'origine: pastor
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Cet arrêt permet de revenir sur le contentieux des clauses de non-concurrence, désormais bien connu par les praticiens.

Traditionnellement, les questions juridiques qui se posent ont trait à la contrepartie financière desdites clauses, ainsi qu’à leur étendue géographique et/ou temporelle (Soc. 10 juill. 2002, n° 00-45.387 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; 10 juill. 2002, n° 99-43.334 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; Dr. soc. 2002. 949, note R. Vatinet ; RTD civ. 2003. 58, obs. J. Hauser ; 10 juill. 2002, n° 00-45.135 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; ibid. 3111, obs. J. Pélissier ; ibid. 2003. 1222, obs. B. Thullier ).

Dans l’espèce rapportée, la Cour de cassation a eu à se pencher sur une problématique sensiblement différente.

Une salariée a été embauchée en 2011, selon contrat de travail non signé en date du 3 octobre 2011. Elle a signé un avenant le 25 janvier 2012. Le 13 décembre 2013, son employeur lui a proposé un nouveau contrat de travail, laquelle a refusé de le signer. Puis, par courrier en date du 24 février 2014, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, la relation de travail prenant fin le 21 mars suivant.

La salariée a ensuite été embauchée le 1er avril 2014 par une entreprise concurrente située dans la même ville que son ancien employeur. Ce dernier, entre les mois de mars 2014 et juillet 2014, a procédé au paiement d’une indemnité relative à la clause de non concurrence, prévue dans le contrat initial de 2011. Par lettre du 1er août 2014, l’ancien employeur a enjoint la salariée de cesser immédiatement sa nouvelle activité professionnelle et de lui rembourser l’intégralité de l’indemnité compensatrice de clause de non concurrence d’ores et déjà payée.

Devant la cour d’appel de Lyon, la salariée a soulevé le moyen selon lequel la clause de non-concurrence lui était inopposable, faute d’avoir signé le premier contrat de travail en date du 3 octobre 2011, ainsi que celui du 13 décembre 2013.

Pour juger que la clause de non concurrence stipulée au sein du contrat de travail non signé du 3 octobre 2011 avait bien une valeur contractuelle et s’imposait à la salariée, la Cour d’appel a motivé sa décision par les quatre points suivants :

la signature, le 25 janvier 2012, de l’avenant au contrat de travail du 3 octobre 2011 relatif à la modification du lieu d’exercice des fonctions de la salariée ;la lettre de démission de la salariée du 24 février 2014 aux termes de laquelle elle reconnaissait donc avoir travaillé à...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Pour mémoire, la Cour de cassation a, pendant plusieurs décennies, considéré que le défaut ou la délivrance tardive des documents de fin de contrat à un salarié lui « cause nécessairement un préjudice devant être réparé » (v. Soc. 19 mai 1998, n° 97-41.814 P, D. 1999. 280 , obs. C. Willmann ; Dr. soc. 1998. 723, obs. C. Marraud  ; 13 juin 2007, n° 06-41.189 ; 19 févr. 2014, n° 12-20.591 ; 21 janv. 2015, n° 13-25.675).

Le champ d’application de cette présomption de préjudice et de sa réparation automatique n’était pas circonscrit au domaine des documents de fin de contrat. La Haute juridiction avait, en effet, adopté une analyse identique en cas de manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles ou légales s’agissant par exemple de l’absence de mention de la priorité de réembauche dans la lettre notifiant le licenciement pour motif économique (Soc. 28 sept. 2011, n° 09-43.374), du défaut de réponse de l’employeur au salarié qui lui demande de lui transmettre les critères de l’ordre des licenciements retenus, au plus tard dans les 10 jours suivant la date de rupture de son contrat de travail (Soc. 1er juill. 2015, n° 14-10.984 ; 8 juill. 2009, n° 07-44.591, D. 2009. 2113 ), de la référence dans la lettre de licenciement à une sanction prescrite (Soc. 4 déc. 2013, n° 12-23.930, D. 2013. 2920 ), de la privation du repos hebdomadaire (Soc. 8 juin 2011, n° 09-67.051, D. 2011. 1693 ), du respect d’une clause de non-concurrence « illicite » par un salarié (Soc. 7 mars 2007, n° 05-43.750), de l’absence de visite médicale d’embauche ou de reprise à la suite d’un accident du travail (Soc. 17 oct. 2012, n° 10-14.248, D. 2012. 2526  ; 13 déc. 2006, n° 05-44.580, D. 2007. 85 ), du non-respect d’une procédure conventionnelle de mise à la retraite (Soc. 23 nov. 2010, n° 09-43.005), de l’irrégularité de la procédure disciplinaire (Soc. 27 juin 2001, n° 99-42.216, Dr. soc. 2001. 885, obs. C. Roy-Loustaunau ) et de la procédure de licenciement (Soc. 5 mars 2002, n° 00-41.453 P), de l’omission de l’indication du lieu de l’entretien préalable à un licenciement dans la lettre de convocation (Soc. 13 mai 2009, n° 07-44.245 P, D. 2009. 1542, obs. B. Ines ; Dr. soc. 2009. 818, note F. Favennec-Héry ), de l’absence de mention de la convention collective applicable sur le bulletin de paie (Soc. 23 nov. 2010 n° 08-45.483), du défaut de diligences nécessaires à la mise en place des institutions représentatives du personnel (Soc. 17 mai 2011, n° 10-12.852 P, D. 2011. 1424 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ), ou encore du non-respect du salaire minimum légal (Soc. 29 juin 2011, n° 10-12.884 P, D. 2011. 1909 ; Dr. soc. 2012. 197, obs. C. Roy-Loustaunau  ; 19 janv. 2012, n° 13-31.005).

Cette présomption avait également une application en matière de litiges collectifs du travail. Les juges du quai de l’horloge considéraient ainsi que l’inexécution des dispositions d’une convention collective causait nécessairement un préjudice aux organisations syndicales liées par cette convention (Soc. 19 janv. 1999, n° 96-43.976 ; 30 nov. 2010, n° 09-42.990 P, D. 2011. 22 ). Il était également retenu que l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif de travail, même non étendu, « cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession », permettant ainsi à des syndicats professionnels non signataires, d’en demander l’exécution (Soc. 11 juin 2013, n° 12-18.247).

En d’autres termes, cette construction jurisprudentielle impliquait que le préjudice était présumé du seul fait de la faute patronale, l’emploi du l’adverbe « nécessairement » induisant, au demeurant, une présomption irréfragable du préjudice subi.

Néanmoins, une décision du 13 avril 2016 (n° 14-28.293, Dalloz actualité, 17 mai 2016, obs. B. Ines , D. 2016. 900 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ), avait sonné le glas de cette construction jurisprudentielle, protectrice de la partie faible au contrat de travail. Si la portée de cet arrêt était incertaine, le doute était cependant vite dissipé dans la mesure où, quelques semaines seulement après, une nouvelle décision en date du 25 mai 2016 (Soc. 25 mai 2016, n° 14-20.578 P,  Dalloz actualité, 15 juin 2018, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1205 ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 773, obs. J. Mouly ; RDT 2016. 557, obs. L. Bento de Carvalho ), la Cour de cassation, réitérait sa position à propos d’une clause de non-concurrence nulle....

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Auteur d'origine: Dechriste

Activité partielle spécifique

Une des mesures phare de ce texte est issue d’un amendement déposé par le gouvernement au Sénat et élaboré par la Commission mixte paritaire et concerne encore une fois l’activité partielle. La loi prévoit en effet d’adapter le régime applicable à l’activité partielle dans le contexte du déconfinement et de la reprise progressive de l’activité ; l’objectif étant la possibilité d’adapter les règles de recours au dispositif en fonction de l’entreprise ou des salariés et la garantie de la continuité des droits des travailleurs concernés. Une attention particulière pourra ainsi être portée aux secteurs qui ont fait l’objet d’une fermeture administrative (hôtellerie, restauration, événementiel) et ceux qui en dépendent.

Est ainsi créé un nouveau régime d’activité partielle spécifique pour les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable sans être de nature à compromettre leur pérennité, le dispositif d’« activité réduite pour le maintien en emploi ».

Pour le mettre en place, ce dispositif et subordonné à la conclusion d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe et si un accord collectif de branche existe, l’employeur, pourra également avoir droit au dispositif en élaborant après consultation du CSE s’il existe, un document unilatéral de « plan d’activité réduite pour le maintien dans l’emploi ».

Le contenu de l’accord ou du document unilatéral sera précisée par décret et devrait comporter la durée de son application, les activités et les salariés concernés par l’activité partielle spécifiques, les réductions d’horaires de travail pouvant donner lieu à indemnisation et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie pour le maintien en emploi.

Le validation de l’accord ou l’homologation du document unilatéral par l’autorité administrative (Dirrecte) serait alors allégé dans le premier cas et, dans le second, il est prévu la vérification de l’adéquation des mesures retenues avec la situation de l’entreprise, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE lorsqu’il existe, de la présence dans l’accord de l’ensemble des dispositions obligatoires, de la conformité aux stipulations de l’accord de branches et de la présence d’engagements spécifiques en matière d’emploi .

En cas d’accord collectif l’aide de l’État pourrait également être plus élevée.

Ce dispositif demeure un dispositif d’urgence mais les demandes pourront être adressées jusqu’au 30 juin 2022.

Par ailleurs le texte prévoit qu’un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser l’employeur à imposer aux salariés placés en activité partielle bénéficiant du maintien intégral de leur rémunération d’affecter des jours de repos conventionnels ou une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération subie, le cas échéant, par les autres salariés placés en activité partielle.

Contrats courts

Toujours dans l’objectif de faciliter la reprise d’activité des entreprises, la loi prévoit diverses mesures dérogatoires au droit commun en matière de réglementation du contrat de travail. Il est prévu qu’un accord collectif d’entreprise pourra, jusqu’au 31 décembre 2020, fixer le nombre maximal de renouvellements des contrats à durée déterminée ainsi que les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats. De la même manière, des mesures d’urgence pourront être prises afin de permettre la prolongation des contrats d’insertion qui n’ont pas pu se dérouler dans les conditions prévues compte tenu de la crise sanitaire. Les entreprises pourront également par accord collectif instaurer une solidarité entre les salariés ou prévoir la monétisation, du 12 mars au 31 décembre 2020, des jours de repos ou de congés payés dans la limite de cinq jours.

Prêt de main-d’œuvre

Les mesures dérogatoires au droit commun du contrat de travail concernent également le prêt de main-d’œuvre. L’objectif est d’en faciliter le recours compte-tenu d’une reprise inégale de l’activité faisant coexister la surmobilisation de certains secteurs d’activité et la sous-mobilisation d’autres. Jusqu’au 31 décembre 2020, la convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice pourra porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés, le formalisme de la convention de mise à disposition sera allégé (notamment concernant la précision relative aux horaires d’exécution du travail en effet seul devra être précisé le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition). Lorsque l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie et qu’elle relève de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale déterminés par décret, les opérations de prêt de main-d’œuvre n’auraient pas de but lucratif pour les entreprises utilisatrices même lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice serait inférieur ou égale à zéro au salaire versé au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition temporaire.

Intéressement

Le texte prévoit également la possibilité pour les très petites entreprises de mettre en place des dispositifs d’intéressement au moyen d’une décision unilatérale de l’employeur. Cette décision unilatérale vaudrait accord d’intéressement au sens du code général des impôts et du code du travail.

Enfin le texte prévoit l’acquisition de droits à la retraite pour les salariés placés en activité partielle ou encore la prolongation des indemnités des demandeurs d’emploi dès le 1er mars 2020.

Loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, adoptée définitivement le 10 juin au Sénat. 

Auteur d'origine: Dechriste
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Le 10 juillet prochain doit acter la sortie de l’état d’urgence sanitaire mais un régime transitoire s’appliquera ensuite pendant quatre mois. Édouard Philippe a présenté le projet de loi lors du conseil des ministres du 10 juin.

Ainsi, jusqu’au 10 novembre 2020 inclus, ou en cas de résurgence de la catastrophe sanitaire qui l’avait justifié, le premier ministre conservera la possibilité de réglementer les déplacements et l’accès aux moyens de transport, l’ouverture des établissements recevant du public, ainsi que les rassemblements sur la voie publique, qu’il pourra limiter ou interdire. Les autres mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne pourront être maintenues que dans les conditions et limites du droit commun. Mais cela signifie que la mise en quarantaine et la mise à l’isolement restent mobilisables sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, si les mesures à prendre n’excèdent pas le territoire d’un département, le préfet pourra les décider lui-même.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que ce régime transitoire et sur une période limitée est de nature « à répondre aux nécessités de sortir de manière prudente, graduée et contrôlée du régime mis en place pour faire face à l’état d’urgence sanitaire ».

Prolongation de la durée de conservation des données

Le projet de loi complète l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui a prorogé l’état d’urgence sanitaire. Cet article, qui organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination, avait été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 11 mai 2020, n° 2020-800 DC, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, Dalloz actualité, 26 mai 2020, obs. C. Zorn ; AJDA 2020. 975 ; AJCT 2020. 217, tribune J.-P. Vial ; ibid. 220, obs. F. Benech ). La durée de conservation de ces données, actuellement limitée à trois mois à compter de leur collecte, pourra être, pour certaines catégories d’entre elles, et à l’exclusion de StopCovid, prolongée sans pouvoir excéder la durée maximale de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour laquelle ces traitements de données sont autorisés. Il est toutefois précisé que cet allongement ne pourra être décidé que s’il apparaît justifié pour chaque type de données, après avis publics de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Comité de contrôle et de liaison covid-19.

Auteur d'origine: pastor
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Le régime des salariés protégés, gage de leur indépendance vis-à-vis de l’employeur, peut parfois se révéler être une sérieuse entrave à la liberté de gestion de ce dernier et devenir source de contentieux. Tel est notamment le risque lorsque l’employeur impose une modification de contrat ou un changement des conditions de travail à un salarié titulaire d’un mandat. Quelle qu’en soit la cause, une telle pratique ne peut en aucun cas être imposée sans le consentement de l’intéressé (V. Soc. 30 mai 2001, n° 00-60.194, Dr. soc. 2011. 901, obs. J. Savatier ), qui ne peut être sanctionné pour son refus (Soc. 6 juill. 2011, n° 10-13.960).

L’entrelacement de différents modes de rupture en cours de procédure peut aussi susciter des interrogations, en particulier lorsque l’autorisation de licenciement fait l’objet de décisions successives statuant dans un sens opposé. Tels étaient les enjeux dans cet arrêt du 20 mai 2020.

En l’espèce, une société avait sollicité l’inspection du travail aux fins d’obtenir l’autorisation de licencier pour faute un salarié membre suppléant de la délégation unique du personnel. L’autorisation fut d’abord refusée, et le salarié demanda à être...

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Auteur d'origine: Dechriste

Les personnels de la Place Vendôme sont particulièrement critiques sur la numérisation de leur ministère, après un confinement qui a fait figure de crash test. Le résultat, bancal, n’est en effet pas brillant et souffre de la comparaison avec d’autres administrations, que ce soit l’intérieur, qui a passé l’épreuve sans couac majeur, ou la santé, qui a misé sur la télémédecine. Pour la Place Vendôme, le printemps a ressemblé au contraire à un long supplice numérique. « En début de confinement, je suis parti en sauvegardant sur ma clé USB un listing Excel de l’ensemble de mes affaires et de mon rôle d’audience, et derrière, j’ai jonglé avec les annuaires des barreaux, relève ainsi un magistrat niçois. C’était un travail de bénédictin. »

Lorsque le confinement débute, le 17 mars, des magistrats sont certes bien dotés en ultraportables, qui permettent le travail à domicile. Mais les personnels des greffes n’en possèdent pas. Résultat : dans l’urgence, le ministère de la justice pioche dans ses stocks pour distribuer trois cents ultraportables, une goutte d’eau par rapport aux 13 000 greffiers de France, selon le décompte du Syndicat des greffiers de France-FO. « Il y a bien eu quelques ordinateurs portables qui ont permis de rentrer des procédures dans le bureau d’ordre, d’autres pour payer les interprètes », détaille Isabelle Besnier-Houben, la présidente de cette organisation syndicale. Cette absence de dotation des greffes est, selon le député Patrick Hetzel, dans un récent rapport, « le principal point noir » du bilan numérique du ministère durant la crise sanitaire. Ce manque d’équipement est dû, selon Isabelle Besnier-Houben, à des réticences sur le télétravail des greffiers. « Il a fallu le covid-19 pour que l’administration se rende compte de l’intérêt du télétravail, regrette-t-elle. Pourtant, adoptée plus tôt, cette forme d’organisation aurait permis à des gens de mieux travailler et d’avoir d’autres conditions de vie. »

VPN sous-dimensionné

Les magistrats dotés d’un ultraportable – le nombre total d’ordinateurs distribués varie selon les sources, mais, après la crise, la direction des services judiciaires indiquera aux organisations syndicales avoir déployé plus de 13 000 portables au sein du ministère – ne sont pas forcément mieux lotis. Car le réseau privé virtuel (VPN) de la Place Vendôme est sous-dimensionné face à la crise sanitaire. À la mi-mars, il ne permet que 2 500 connexions simultanées. Les premières semaines, les magistrats enragent devant leur clavier. « On s’est retrouvés tous en télétravail et on a tous eu un problème, déplorait après le début du confinement une magistrate parisienne. Il faut se déconnecter, essayer de se reconnecter. » Il faudra plusieurs semaines pour que le ministère de la justice boucle la montée en puissance de son prestataire. Jusqu’à 40 000 connexions simultanées sont désormais possibles. Réussir à se connecter ne résout cependant pas tous les problèmes. Si les applications de la chaîne pénale sont bien consultables à distance, ce n’est pas le cas de la plupart de celles de la chaîne civile, qui ne fonctionnent que sur les postes en juridiction. « Les personnels de greffe doivent aujourd’hui être les seuls utilisateurs en France de WordPerfect », la brique logicielle de Winci, ironise ainsi le consultant indépendant Bruno Mathis, expert associé au centre européen de droit et d’économie de l’Essec. Faute de pouvoir se rendre en juridiction, « toute la mise en état, qui permet de faire avancer les dossiers, a été plantée », note David Melison, le trésorier adjoint de l’USM.

Zoom, Skype et Jitsi

La visioconférence n’a pas non plus donné satisfaction. Si le ministère possède le parc le plus important de l’État, les organisations syndicales pointent par exemple un manque de micros compliquant l’exercice. Et, dans les cabinets, ce sont d’autres outils qui se sont imposés. À Nice, on a tenté de s’emparer du logiciel Webconférence de l’État. « Tous les essais ont échoué, déplore ce magistrat des Alpes-Maritimes. L’application ne fonctionnait que sur le navigateur Chrome. Nos ordinateurs ne l’avaient pas, il a fallu l’installer. Puis c’est le réseau qui était surchargé et instable. Nous n’avons réussi à travailler que sur Zoom et Jitsi », deux applications privées de visioconférence, une situation peu satisfaisante sur le plan de la sécurité. « Pour mes réunions de cabinet, j’ai utilisé Skype et Zoom, confirme de son côté le magistrat David Melison. C’est du bricolage et clairement en dehors des clous, mais s’il y a des logiciels, soit ils ne marchent pas, soit ils se déconnectent en permanence. »

De la visio, on est également passé à l’audio, pour un résultat très mitigé. L’avocat Philippe Ohayon a relaté une audience devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes. Le résultat fait peur. « J’ai toutes les peines du monde à entendre ce que me dit mon client, racontera-t-il à l’Obs. Lui non plus ne m’entend pas très bien. » Que ce soit par mail ou via des applications, la communication a parfois été difficile. « Des magistrats qui souhaitaient joindre des avocats et les services d’enquête ont utilisé leurs téléphones personnels, remarque Nils Monsarrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature. Il y a désormais une demande importante pour avoir des téléphones de dotation. » Et à cause de l’empêchement des greffiers, confinés à leurs domiciles, des avocats n’ont pu contacter des magistrats. Au retour en juridiction des personnels de greffe, certains ont ainsi été submergés de messages.

Mission d’appui

Des lacunes et des manques dans le viseur de l’Inspection générale de la justice. De source syndicale, une mission d’appui sur les plans de continuité d’activité a été lancée. Elle devrait insister sur les ratés et les points d’améliorations en matière numérique, un domaine où le ministère a pourtant été en pointe, il y a… une trentaine d’années. « Le confinement a mis en lumière ce qui n’allait pas et ce qui a été mal anticipé, résume Nils Monsarrat. La dotation informatique n’est pas suffisante, et la priorité devrait être de revoir tous les logiciels. » Même constat pour David Melison, de l’USM : « Nous avons manqué d’anticipation et de réactivité », regrette-t-il. « La crise n’a fait que mettre en exergue le manque de moyens financiers et son retard sur le télétravail », conclut Isabelle Besnier-Houben. La facture est en fin de compte salée. Le confinement s’est traduit par 20 millions d’euros de dépenses informatiques pour la mission justice.

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, n’a pas éludé le problème. Elle a admis qu’il restait « beaucoup à faire », notamment en matière de logiciels permettant le travail à distance des greffiers. Le ministère planche ainsi sur un moyen d’accéder à distance aux applications civiles. Médiocre, le bilan numérique du confinement n’est toutefois pas totalement désastreux. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, expliquait à Dalloz actualité Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique à la Place Vendôme, à propos de la mise en place récente de la nouvelle plateforme d’échanges numériques Plex, qui permet d’échanger avec les avocats de grosses pièces jointes. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » Haut débit, réseau justice raccordé au réseau interministériel ou premières dotations en ultraportables : autant d’actions antérieures à la crise qui ont permis, souligne la Place Vendôme, de limiter la casse. Quatre-vingts applications ont été également mises à disposition pour du télétravail pendant le confinement.

Le ministère tente aujourd’hui de poursuivre sur cette lancée. L’ouverture d’un flux dématérialisé sur une plateforme des commissaires de justice doit alléger les greffes, tandis qu’un dispositif de webcaméra a été mis en place, courant mai, pour organiser des audiences avec des tiers. « Le confinement va booster la transformation numérique du ministère, et nous permettre de rattraper notre retard en matière informatique », espère David Melison. « La crise aura le mérite de raccourcir le délai de la conduite du changement », note également Bruno Mathis. Les juristes ont en effet vécu, lors de la crise sanitaire, une acculturation à marche forcée aux outils numériques. « Mais la situation informatique des juridictions est extrêmement dégradée, avertit-il. Le ministère essaye de moderniser à coups d’effets d’annonce. » Un constat déjà déploré par ce consultant il y a deux ans. Il s’inquiétait d’un mauvais sens des priorités de la Place Vendôme, laissant en arrière-plan, derrière des sujets plus tendance comme l’intelligence artificielle, la question de l’infrastructure numérique de la justice.

Auteur d'origine: babonneau
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Lorsque l’entreprise est en redressement judiciaire, la note sur contrat de sécurisation professionnelle, seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP, doit par ailleurs porter le visa de l’ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé à procéder à un licenciement pour motif économique.

Le formalisme peut, surtout lorsqu’il sert de garantie à la bonne information, se révéler salutaire pour le salarié dont la rupture du contrat est en jeu. C’est précisément le cas lorsque ce dernier doit se voir proposer un contrat de sécurisation professionnelle. La jurisprudence a, à ce titre, établi que l’acceptation de la convention par le salarié ne dispensait pas l’employeur de son obligation de communiquer au salarié, dans un document écrit, le motif économique du licenciement dont il prend l’initiative (Soc. 27 mai 2009, n° 08-43.137, RJS 8-9/2009, n° 741). Et c’est précisément autour de cette question de l’information quant aux motifs économiques dans le cadre de la conclusion d’un CSP que les deux arrêts rendus le 27 mai 2020 viennent apporter des éléments de réponse.

Il était question dans les deux espèces de salariés auxquels avait été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. Dans les deux cas, les modalités d’information entourant cette proposition de CSP firent l’objet de contestation, les intéressés estimant celle-ci irrégulière.

La Cour de cassation profite de ces deux saisines pour préciser les modalités d’information quant au motif économique qui justifie la mise en œuvre de ce dispositif.

Dans le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153), où l’employeur était une société en redressement judiciaire, la haute juridiction rappelle que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit « en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ».

La formule employée dans le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531), concernant cette fois une entreprise in bonis, se révèle plus ramassée mais le sens est identique, les magistrats réaffirmant que l’employeur est « tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du CSP par le salarié, afin qu’il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation ».

Cette exigence de communication du motif économique par écrit et antérieurement à l’acceptation du salarié n’est pas nouvelle, ces deux arrêts venant confirmer une jurisprudence bien assise (v. Soc. 14 avr. 2010, n° 08-45.399, Dalloz actualité, 11 mai 2010, obs. L. Perrin ; D. 2010. 1223 ; RDT 2010. 437, obs. A. Fabre ). La flexibilité quant à l’instrumentum pouvant servir de support à cette information est ici rappelée au moyen d’une formule un peu lourde, laissant poindre une nette préférence des juges pour le document écrit d’information sur ce dispositif remis au salarié. Il avait déjà été admis que l’information sur le motif économique pouvait être transmise au moyen de la lettre remise au salarié dans le cadre de l’obligation de l’employeur de rechercher un reclassement dès que le licenciement est envisagé, énonçant le motif de la suppression du poste et en proposant un nouveau (Soc. 16 nov. 2016, n° 15-12.293, RJS 2/2017, n° 106). Le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531) vient ici préciser que la mention de la cause économique au stade de la procédure spécifique préalable de modification du contrat de travail ne suffit pas à satisfaire à cette exigence de forme (v. déjà en ce sens, Soc. 8 oct. 2014, n° 13-13.995 P, Dalloz actualité, 6 nov. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 2054 ; RDT 2014. 685, obs. B. Ines ), laquelle doit nécessairement être réalisée au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié. La justification tient, pour la jurisprudence, à la nécessité que ce dernier soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

La sanction de cette formalité est lourde de conséquences, puisque le licenciement sera considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. Celle-ci peut paraître sévère pour l’employeur qui avait pu déjà informer le salarié des causes économiques de la restructuration justifiant la proposition de modification du contrat de travail. En adoptant une telle solution, la chambre sociale marque une césure nette entre les deux procédures. L’expression de volonté du salarié au moment de la proposition de la modification de son contrat doit ainsi être strictement distinguée de celle exprimée à propos de la proposition de CSP, qui appelle elle aussi que soit exprimé de façon claire et non équivoque son lien de corrélation avec le motif économique.

Le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153) livre enfin un dernier enseignement quant au formalisme que doit revêtir la note « contrat de sécurisation professionnelle » lorsque l’employeur est soumis à une procédure de redressement judiciaire. Il est en effet prévu que, lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance par laquelle le juge-commissaire autorise des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la lettre de licenciement comporte nécessairement le visa de cette ordonnance. À défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse. La chambre sociale vient ici préciser que la solution s’étend à la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP. De façon assez logique et en résonnance avec l’exigence de parfaite information préalable à l’acceptation du CSP, le visa de l’ordonnance du juge-commissaire devra donc également figurer sur la notice, à défaut de quoi l’employeur, déjà dans une posture délicate, s’exposera aux conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Auteur d'origine: Dechriste
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Notes

I. Aix-en-Provence, 22 nov. 1995, D. 1996. 405 , note J. Borricand .

II. Crim. 25 juin 1996, n° 95-86.205, Bull. crim. n° 274, D. 1996. 239 ; RSC 1997. 106, obs. Y. Mayaud ; ibid. 390, obs. J.-H. Robert ; 18 mars 2008, n° 07-83.067, Dalloz actualité, 8 avr. 2008, obs. A. Darsonville ; D. 2008. 1147 ; AJ pénal 2008. 241, obs. S. Lavric. ; ibid. 282, obs. C. Duparc .

III. L’entreprise face à l’émergence du délit de risques causés à autrui, AJ pénal 2016. 356  et D. Marais, Un pied dans le (co)vid : prise de position, le risque pénal de la « faute délibérée » existe bien pour les chefs d’entreprise, Le Droit en débats, Dalloz actualité, 20 mai 2020

IV. Crim. 30 oct. 2007, n° 06-89.365, Dalloz actualité, 23 nov. 2007, obs. S. Lavric ; D. 2007. 3007 ; ibid. 2008. 2390, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 2009. 123, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; RDI 2008. 97, obs. G. Roujou de Boubée ; AJ pénal 2008. 91, obs. S. Lavric ; RSC 2008. 75, obs. Y. Mayaud .

V. Crim., 19 avril 2017, n° 16-80.695, Dalloz actualité, 5 mai 2017, obs. S. Fucini ; D. 2017. 869 ; RDI 2017. 479, obs. G. Roujou De Boubée ; AJ pénal 2017. 340, note V. Cohen-Donsimoni ; Dr. soc. 2017. 774, chron. R. Salomon ; RSC 2017. 285, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2017. 443, obs. L. Saenko .

VI. C. pén., art. 121-3 : il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. Il n’y a point de contravention en cas de force majeure.

VII. Crim. 6 déc. 2005, n° 05-82.815, D. 2017. 869 ; RDI 2017. 479, obs. G. Roujou De Boubée ; AJ pénal 2017. 340, note V. Cohen-Donsimoni ; Dr. soc. 2017. 774, chron. R. Salomon ; RSC 2017. 285, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2017. 443, obs. L. Saenko .

VIII. Crim. 30 avr. 2002, n° 01-85.219, D. 2003. 30 , obs. J. Pradel .

IX. Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction. Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, de l’infraction définie au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-41, la peine de confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction.

X. Les équipements de protection individuelle sont des dispositifs ou moyens destinés à être portés ou tenus par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa sécurité et sa santé (C. trav., art. R. 4311-8 à R. 4311-11).

XI. Crim. 16 sept. 1997, n° 96-82.618, Bull. crim. n° 299 ; D. 1997. 232 ; 6 mai 2002, n° 01-84.717.

XII. Crim. 4 janv. 1984, n° 82-94.320, Bull. crim. n° 5 ; 16 sept. 1997, n° 96-82.618, Bull. crim. n° 299 ; D. 1997. 232 ; 25 avr. 2017, n° 15-85.890, Dalloz actualité, 9 mai 2017, obs. D. Goetz ; D. 2017. 989 ; RSC 2017. 288, obs. Y. Mayaud .

XIII. Crim. 28 mai 1991, n° 90-83.957, Bull. crim. n° 226 ; RSC 1992. 75, obs. G. Levasseur ; 27 mars 2018, n° 17-82.455.

XIV. Crim. 27 nov. 1990, n° 89-84.709, Bull. crim. n° 409 ; RSC 1991. 598, obs. C. Lazerges .

XV. Crim. 8 nov. 1994, n° 93-81.274, Bull. crim. n° 355.

XVI. Crim. 24 juin 2014, n° 13-81.302, Dalloz actualité, 16 juill. 2014, obs. F. Winckelmuller ; D. 2014. 1455 ; ibid. 2423, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et C. Ginestet ; RDI 2014. 521, obs. G. Roujou de Boubée ; Dr. soc. 2015. 159, chron. R. Salomon ; RSC 2018. 887, obs. Y. Mayaud .

XVII. Crim. 27 oct. 2009, n° 09-80.490.

XVIII. Crim. 9 mars 1999, P, Dr. ouvrier 1999. 307, obs. M. Richevaux.

Auteur d'origine: Bley