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Un candidat malheureux aux élections municipales a saisi le tribunal administratif de Caen aux fins d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle (Orne). Par une ordonnance du 25 mars 2020, le président de la juridiction saisie a rejeté sa protestation pour tardiveté de la saisine. Il a été fait appel de cette ordonnance devant le Conseil d’État. Par une décision du 15 juillet 2020, ce dernier a rejeté le recours formé tout en annulant l’ordonnance déférée. Cette décision sera commentée sur deux points : d’une part, quant au délai de recours contentieux en période d’état d’urgence sanitaire et, d’autre part, concernant l’appréciation du facteur de l’abstention dans une élection.

Le délai de recours contentieux

Il convient de rappeler que les délais dans lesquels les protestataires peuvent contester une élection sont particulièrement normés par catégorie d’élection. Ainsi, pour les élections municipales, ce délai est de cinq jours et celui-ci expire à dix-huit heures le cinquième jour suivant l’élection contestée (C. élect, art. R. 119). Pour la computation de ce délai, il n’est pas tenu compte du jour de la proclamation des résultats de l’élection (dies a quo) ni du jour de l’échéance du recours (dies a quem). Ainsi, pour une élection acquise le 11 mars 2001, le 12 mars doit être retenu comme point de départ du délai par l’article R. 119, le délai de recours expirant le 16 mars 2001 à 24 heures (TA Nantes, 7 juin 2001, Élections municipales de Maisdon-sur-Sèvre). Est donc tardif un recours enregistré par le greffe après l’expiration du délai, alors même que la date de l’envoi de la protestation s’est faite dans le délai postal de cinq jours (CE 26 oct. 2001, Élections municipales de la commune Le Donjon, n° 133290). C’est en raison de ces délais très resserrés que le juge du Palais-Royal a considéré, en matière électorale, qu’une requête transmise dans les délais par voie électronique est recevable à la préfecture par voie électronique, à condition que le protestataire confirme en être bien l’auteur par lettre adressée au tribunal administratif compétent (CE 28 déc. 2001, n° 235784, Élections municipales d’Entre-Deux-Monts, Lebon ; D. 2002. 2008 , note F. Mallol ). Cela étant rappelé, le président du tribunal administratif de Caen a considéré irrecevable la requête contre les élections municipales et communautaires de la commune de Saint-Sulpice-sur-Risle qui se sont tenues le dimanche 15 mars 2020 au motif que la protestation a été enregistrée le 22 mars 2020 au greffe dudit tribunal, soit au-delà du délai de cinq jours qui expirait pour lui le 20 mars 2020. Cependant, il avait oublié d’intégrer les dispositions du 3° du II de l’article 15 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif, lesquelles précisent que « les réclamations et les recours mentionnés à l’article R. 119 du code électoral peuvent être formées contre les opérations électorales du premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020 au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour ». L’article 1er du décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 définissant la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales et communautaires...

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La règle de l’unicité de l’instance applicable en matière prud’homale a longtemps (depuis une loi du 27 mars 1907) imposé aux parties au contrat de travail de formuler toutes les demandes liées à ce contrat dans le cadre d’une seule instance (C. trav., art. R. 1452-6, al. 1er anc.). Il en résultait une irrecevabilité de toute demande nouvelle se rattachant au même contrat de travail que la demande déjà jugée, peu important qu’elle n’eût pas le même objet que celles formulées lors de l’instance initiale (v. Soc. 25 janv. 2006, n° 03-47.058, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier). Ce principe était tempéré par quelques exceptions : une partie pouvait saisir à nouveau le conseil de prud’hommes « lorsque le fondement des prétentions [était] né ou révélé postérieurement à la saisine » du premier juge (C. trav., anc. art. R. 1452-6, al. 2) ; il ne s’appliquait que lorsqu’une décision irrévocable avait été rendue sur le fond (Soc. 16 nov. 2010, n° 09-70.404, D. 2011. 227, communiqué C. cass. , note V. Orif ; ibid. 265, obs. N. Fricero ; Dr. soc. 2011. 432, note M. Keller ; RDT 2011. 55, obs. E. Serverin ; RTD civ. 2011. 173, obs. R. Perrot ).

La règle de l’unicité de l’instance permettait cependant aux parties de formuler de nouvelles demandes dérivant du même contrat de travail en cours d’instance, y compris devant la formation de départage (Soc. 3 oct. 1991, n° 88-41.862, D. 1991. 266 ; RTD civ. 1992. 182, obs. R. Perrot ) ou le juge d’appel, le cas échéant. Dans cette hypothèse, l’absence de tentative de conciliation ne pouvait leur être opposée (C. trav., art. R. 1452-7 anc.). Ce droit prenait parfois la forme d’une obligation : lorsque le salarié prenait connaissance d’éléments fondant de nouvelles prétentions avant que le juge d’appel éventuellement saisi n’ait statué, les nouvelles demandes devaient, à peine d’irrecevabilité, être présentées devant ce dernier (v. Soc. 21 oct. 2014, n° 13-19.786).

Un décret n° 2016-660 du 20 mai 2020 (Décret relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, spéc. art. 8 et 45) a mis fin à cette spécificité du procès prud’homal en abrogeant, au 1er août 2016, les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail. Une décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation le 1er juillet 2020 apporte des précisions sur les effets dans le temps de cette abrogation.

En l’espèce, une salariée, engagée en 2009 par une compagnie aérienne, avait saisi le conseil de prud’hommes le 25 septembre 2015. Elle s’estimait victime de faits de discrimination et de harcèlement moral et demandait, à ce titre, le paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral. Alors qu’elle avait été licenciée le 10 octobre 2016, elle a interjeté appel le 11 mai 2017 du jugement l’ayant déboutée de toutes ses demandes et a présenté, en appel, des demandes nouvelles au titre de la rupture de son contrat de travail. Le 16 octobre 2018, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a déclaré irrecevables ces demandes, au motif, d’une part, qu’elles étaient nouvelles car elles n’avaient pas été présentées devant le premier juge ; d’autre part, que l’article R. 1452-7 avait été abrogé au 1er août 2016. Selon les juges du fond, les dispositions du décret du 20 mai 2016, instaurant des règles de procédure, étaient d’application immédiates pour les instances postérieures à son entrée en vigueur. La salariée ayant interjeté appel le 11 mai 2017, le principe d’unicité de l’instance, applicable devant le premier juge, ne l’était plus devant le second.

C’est sur ce point que se concentre le pourvoi en cassation formé par la salariée. L’instance ayant été introduite en 2015, avant l’entrée en vigueur du décret de 2016, la règle de l’unicité de l’instance devait, selon le moyen, s’appliquer jusqu’à ce qu’une décision irrévocable soit rendue sur le fond, y compris devant la cour d’appel saisie après le 1er août 2016.

Par l’arrêt commenté, la chambre sociale de la Cour de cassation accueille le moyen présenté par la salariée. Elle casse la décision rendue par la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, au motif qu’« il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l’article R.1452-7 du Code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes antérieurement au 1er août 2016 ». Or, si la salariée a interjeté appel le 11 mai 2017, après l’abrogation de ces dispositions, l’instance avait bien été introduite devant le conseil de prud’hommes avant le 1er août de 2016. La règle de l’unicité de l’instance, incluant la possibilité de formuler des demandes nouvelles relatives au même contrat de travail en appel, demeurait applicable jusqu’à un jugement définitif sur le fond.

Pour toutes les instances introduites devant le conseil de prud’hommes après le 1er août 2016, les parties ne peuvent plus formuler des demandes nouvelles en appel. L’article 564 du Code de procédure civile dispose en effet qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour [d’appel] de nouvelles prétentions », qui ne tendraient pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge (C. pr. civ., art. 565), « si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses (Soc. 27 févr. 2020, n° 18-19.367 P, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020. 492 ) ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ». En contrepartie, la disparition de la règle de l’unicité de l’instance permet aux parties aux contrat de travail de présenter ces demandes nouvelles dans le cadre d’une instance séparée, en saisissant à nouveau le conseil de prud’hommes.

Un salarié licencié pour un motif disciplinaire pourra donc contester le bien-fondé de son licenciement devant le juge prud’homal puis, ultérieurement, saisir à nouveau le juge d’une demande en dommages-intérêts pour harcèlement moral ou d’une demande en rappel d’heures supplémentaires. Cette possibilité de saisines successives pourrait être un vecteur d’encombrement des juridictions du travail, que la règle de l’unicité de l’instance avait précisément pour fonction de combattre ; cependant les délais de prescriptions courts applicables en droit du travail (C. trav., art. L. 1471-1) pourraient prévenir ce « risque » en rendant en pratique complexe la multiplication des instances (v. A. Bugada, Vers un nouveau droit prud’homal, JCP S 2015. 1247). 

Auteur d'origine: Dechriste

Dans le rapport, que diffuse Dalloz actualité, les députés considèrent que le Défenseur a réussi à « s’imposer comme une vigie du respect des droits ». Mais il reste avant tout une autorité morale, parfois inaboutie, notamment en matière de déontologie de la sécurité.

Deux députés se sont attelés à ce rapport : Coralie Dubost (LREM) et Pierre Morel-À-L’Huissier (UDI) qui fut le rapporteur de la loi créant le Défenseur, il y a dix ans. Cette création fut, au départ, contestée. Rassemblant la HALDE, le médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), l’enjeu pour le Défenseur était d’être plus qu’un patchwork. Une décennie après, les députés relèvent que « le Défenseur des droits est, sans aucun doute, une institution utile qui a réussi à s’imposer comme une vigie du respect des droits. »

Cependant, poursuivent-ils « le Défenseur des droits exerce essentiellement une magistrature morale, dépourvue de pouvoir de sanction ». Pour les députés, cette absence de rôle contraignant « permet au Défenseur des droits d’agir en complémentarité plutôt qu’en concurrence avec les juridictions ». Concernant le règlement des litiges, en 2015, le taux de suivi des recommandations générales du Défenseur était de 100 % et celui des recommandations individuelles de 66 %. Coralie Dubost et Pierre Morel-À-L’Huissier élaborent plusieurs recommandations pour renforcer son poids et son implantation.

Un Défenseur plus connu que ses missions

Jacques Toubon a permis au Défenseur d’acquérir une reconnaissance importante sur la défense des droits humains. En 2020, le Défenseur des droits est connu par 51 % des Français, contre 37 % en 2014. Le nombre de réclamations a augmenté de 32 % entre 2011 et 2019, pour atteindre 103 000.

Toutefois, certaines de ses missions restent mal connues, l’activité du siège l’ayant médiatiquement emporté sur l’action de terrain. Le Défenseur bénéficie pourtant d’un réseau de 510 délégués territoriaux (contre 371 en 2014). Certaines administrations, comme la CNAV, l’OFII ou le Trésor public restent récalcitrantes envers le Défenseur.

Le Défenseur des droits peut également intervenir devant toutes les juridictions, pour présenter son analyse du dossier, ce qu’il a fait à 141 reprises l’an dernier. Son avis a été suivi dans 70 % des cas. Mais pour certains des professionnels interrogés, ces interventions sont parfois trop proches de « prises de position para-juridiques fondées sur une approche du juste et de l’injuste plutôt désincarnée ».

C’est l’action en matière de déontologie de la sécurité qui semble la plus compliquée. Le taux de suivi des recommandations du Défenseur concernant les poursuites disciplinaires « s’est stabilisé à 0 % ». Comme à l’époque de la CNDS, même les recommandations générales n’ont qu’un faible impact. Pour les forces de l’ordre, le Défenseur est au mieux considéré comme un doublon de l’action des inspections et de la justice.

Renforcer le poids du Défenseur et élargir ses compétences

Les députés souhaitent que les avis du Défenseur soient mieux suivis. Ils proposent ainsi la création d’un service interministériel chargé du suivi de ses recommandations. Ils souhaitent aussi qu’il puisse saisir le Conseil constitutionnel en amont et en aval de la promulgation des lois.

Les députés proposent que l’institution fasse plus appel à certains des pouvoirs dont elle dispose : en 2019, le Défenseur ne s’est saisi d’office qu’à onze reprises et n’a réalisé qu’une vérification sur place. Son autonomie budgétaire devrait aussi être renforcée : le budget 2020 est inférieur de 6,2 millions d’euros aux budgets 2010 des quatre autorités fusionnées.

Les lanceurs d’alerte sont un sujet émergeant pour le Défenseur. Il a été saisi de 84 dossiers lanceurs d’alerte en 2019. Si la loi Sapin 2 avait été partiellement censurée par le Conseil constitutionnel, la transposition d’une directive européenne pourrait lui permettre de récupérer l’accompagnement des lanceurs d’alerte, comme le souhaitent les députés.

Le rapport recommande de ne pas généraliser l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire que conduit le Défenseur sur certains contentieux (RSA, APL). Sur 500 demandes, seuls 22 % des médiations achevées ont conduit l’usager à ne pas faire de recours contentieux.

Enfin, l’extension du périmètre du Défenseur des droits reste sur la table. Le rapport ne recommande pas franchement une fusion avec la CNCDH ou avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), sauvé en 2010 grâce à l’action de Jean-Marie Delarue. Mais, à défaut de fusion, il propose donner compétence au CGLPL pour traiter les litiges individuels en détention. Autre point : le Défenseur pourrait renforcer son contrôle dans les EHPAD, en y réalisant des visites.
 

Auteur d'origine: babonneau
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Cette Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine (STE n° 164) ouverte à la signature le 4 avril 1997 à Oviedo (en Espagne) et entrée en vigueur en France le 1er avril 2012 (v. not. A. Mirkovic, La ratification (enfin !) de la convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, D. 2012. 110 ; D. Thierry, La France enfin liée par la Convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, RDSS 2012. 839 ) est aujourd’hui le seul instrument juridique contraignant international pour la protection des droits de l’homme dans le domaine biomédical. Ce texte concerne plus particulièrement la protection de...

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Auteur d'origine: ccollin
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Les personnes handicapées rencontrent de grandes difficultés pour trouver un emploi ou le conserver, leur taux de chômage reste deux fois supérieur à celui de la population générale. Fin 2017, plus de 500 000 demandeurs d’emploi handicapés (DEBOE) sont inscrits à Pôle emploi (8,5 % de l’ensemble des demandeurs d’emploi), un chiffre en constante augmentation.

Dans ce contexte, il convient de protéger les travailleurs handicapés, population vulnérable, en favorisant et en pérennisant leur emploi.

Plusieurs mesures existent visant à atteindre ce but, sans souci d’exhaustivité :

• premièrement, il sera rappelé qu’il existe une obligation d’emploi des travailleurs handicapés, consistant à imposer aux entreprises (employeurs privés, y compris les établissements publics industriels et commerciaux) d’au moins vingt salariés d’employer des bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans une proportion au moins égale à 6 % des effectifs de l’entreprise (C. trav., art L. 5212-2) ;

• deuxièmement, les salariés handicapés peuvent également bénéficier, à leur demande, d’aménagements d’horaires individualisés propres à leur faciliter leur accès à l’emploi, leur exercice professionnel ou le maintien dans leur emploi (C. trav., art. L. 3121-49) ;

• troisièmement, l’article L. 5213-6 du code du travail dispose qu’en fonction des besoins constatés dans une situation concrète, l’employeur doit prendre des mesures appropriées pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure aussi que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail. Ces mesures sont toutefois prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées compte tenu de l’aide prévue à l’article L. 5213-10 du code du travail qui peut compenser, en tout ou partie, les dépenses supportées, à ce titre, par l’employeur. L’article précise que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination.

Dans l’espèce rapportée, après avoir été déclaré inapte le 7 avril 2015, un travailleur handicapé a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Il contestait son licenciement au motif que celui-ci serait discriminatoire.

La cour d’appel de Douai a suivi le raisonnement du salarié et a déclaré nul son licenciement. La cour d’appel a relevé non seulement le fait que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement à l’échelle du groupe, mais également que celui-ci avait été invité à deux reprises, par le salarié, à consulter le SAMETH (service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés), afin de trouver une solution permettant le maintien de son emploi. N’ayant accompli aucune démarche ni justifié d’aucune étude de poste ou d’aménagement de celui-ci, les juges du fond ont retenu la nullité du licenciement sur le fondement de l’article L. 5213-6 du code du travail précité.

C’est dans ce contexte que l’employeur décidait de former un pourvoi devant la Cour de cassation.

L’employeur faisait grief à l’arrêt d’avoir annulé le licenciement du salarié en raison de la discrimination liée à son état de santé et à son handicap et, en conséquence, de l’avoir condamné à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité de préavis et congés payés afférents, et de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Concrètement, il reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu un manquement à son obligation de reclassement, de lui avoir fait grief de ne pas avoir saisi le SAMETH, alors qu’aucune disposition n’impose à l’employeur qui envisage le licenciement pour inaptitude d’un salarié handicapé de le saisir dans le cadre de son obligation de reclassement, et jugé le licenciement nul, alors que le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La haute juridiction écarte le premier point en précisant que la cour d’appel a estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, hors toute dénaturation, que l’employeur n’avait pas exécuté sérieusement et loyalement son obligation de reclassement.

Puis, elle prend le soin de rappeler que, si effectivement le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, il convient cependant d’adapter ce raisonnement à la lumière des dispositions de l’article L. 5213-6 du code du travail précitées.

Ainsi, pour valider le raisonnement des juges du fond, la chambre sociale relève que la cour d’appel a constaté que l’employeur, nonobstant l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d’études de postes ni de recherches d’aménagements du poste du salarié, et qu’il n’avait pas consulté le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), bien qu’il y ait été invité à deux reprises par le salarié. Dans ces conditions, la cour d’appel a pu, selon la haute juridiction, en déduire qu’il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d’une discrimination à raison d’un handicap était nul.

Cette solution doit être approuvée. Naturellement, la saisine du SAMETH n’est pas une obligation. Pour rappel, le SAMETH est un service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés. La question n’était pas de savoir si sa saisine constituait une obligation, mais si elle constituait une mesure, parmi d’autres, au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail, permettant « aux travailleurs handicapés […] de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ». La réponse est assurément positive. Dès lors, l’absence de saisine de ce service, alors que l’employeur y avait été invité à deux reprises, ne pouvait s’analyser que comme une discrimination, a fortiori alors que la mise en œuvre de cette saisine n’aurait manifestement occasionné aucune charge « disproportionnée » au sens de l’article précité.

Le raisonnement presque arithmétique de la Cour de cassation apparaît donc mesuré et justifié, et ne semble pas souffrir la critique.

Dans une espèce antérieure, elle avait à l’inverse validé le raisonnement d’une cour d’appel qui avait considéré que ne manquait pas à son obligation de prendre les mesures appropriées au sens de l’article L. 5213-6 du code du travail « l’employeur ayant engagé en faveur du salarié un processus d’aide et de reclassement par l’intermédiaire d’une association spécialisée dans l’information, le conseil et le maintien dans l’emploi des salariés du BTP, laquelle, après avoir rencontré le salarié handicapé, lui avait proposé à deux reprises de faire réaliser aux frais de l’employeur un bilan de compétences afin de définir un projet professionnel ou de formation, ce que l’intéressé avait refusé » (Soc. 6 mars 2017, n° 15-26.037, Dr. soc. 2018. 97, étude Y. Pagnerre et S. Dougados ).

La cour d’appel de Versailles a considéré qu’un employeur avait manqué à son obligation de reclassement d’un travailleur handicapé, notamment en ne rapportant pas la preuve qu’il avait sollicité de l’aide auprès des organismes compétents afin de trouver des solutions d’aménagement du poste de travail. Le simple fait de prendre contact par téléphone avec le SAMETH ne constitue pas une preuve de recherche effective de solution de reclassement validant la procédure de licenciement pour inaptitude. Bien que la salariée se dît victime d’une discrimination en raison de son handicap, curieusement elle ne sollicitait pas la nullité de son licenciement, de sorte que la cour d’appel n’a pu la prononcer (Versailles, 16 mars 2017, n° 14/04178, Dalloz jurisprudence).

La cour d’appel de Caen, elle aussi, est entrée en voie de condamnation pour discrimination faute pour l’employeur d’avoir sollicité l’aide de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) afin d’aménager le poste du salarié concerné en application des préconisations de la médecine du travail. Dans cette espèce, le salarié ne sollicitait pas, lui non plus, la nullité de son licenciement pour inaptitude (Caen, 26 sept. 2019, n° 18/01007, Dalloz jurisprudence).

L’appréciation du respect par l’employeur des recherches d’adaptation et de reclassement relève des juges du fond, fonction naturellement de la taille et des moyens de l’entreprise. La boussole des juges du fond semble ainsi être la recherche de l’équilibre entre la préservation de l’emploi des salariés handicapés et les intérêts des employeurs, qui ne peuvent être tenus à l’impossible.

Auteur d'origine: Dechriste
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Comment un régime d’équivalence appliquant aux heures de présence au travail un mécanisme de pondération – justifié par la moindre intensité du travail fourni durant les périodes d’inaction – doit-il être concilié avec la réglementation française et européenne sur la durée du travail ? Telle est en substance la question à laquelle l’arrêt du 25 juin 2020 apporte quelques éléments de réponse.

Cette question n’est pas aisément soluble, considérant les limites imposées par le droit européen et le fait que ce dernier ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre les périodes de travail et de repos (V. déjà, CJCE 3 oct. 2000, aff. C-303/98, D. 2000. 284 ; AJFP 2001. 5 ; Dr. soc. 2001. 76, note J. Barthélémy ; ibid. 1097, note F. Baron ; ibid. 2003. 859, chron. S. Van Raepenbusch ). La situation des salariés du secteur des transports routiers et activités auxiliaires du transport en livre ici l’illustration.

En l’espèce, une personne avait été engagée en qualité d’ambulancier. Près de quinze ans après, et à la suite de plusieurs transferts de son contrat de travail, l’intéressé a pris acte de la rupture de son contrat et saisi les juridictions prud’homales des diverses demandes d’indemnités y afférentes, alléguant un non-respect des durées maximales de travail, des temps de pause ainsi que des repos obligatoires.

Les juges du fond firent en partie droit à sa demande, en limitant toutefois le montant des dommages-intérêts. Le salarié se pourvut alors en cassation. Selon lui, il ne pouvait être tenu compte du système d’équivalence pour vérifier, en matière de travail effectif, le respect des seuils et plafonds issu de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.

Pour la cour d’appel, il était en effet nécessaire de tenir compte du régime de pondération prévu par l’accord-cadre du 4 mai 2000 relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail des personnels des entreprises de transport sanitaire en sa rédaction issue de l’avenant du 16 janvier 2008.

La chambre sociale de la...

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Auteur d'origine: Dechriste

L’organisation de la reprise de la vie judiciaire, bien qu’orchestrée par la Chancellerie, repose essentiellement sur les chefs de juridictions. En bonne intelligence avec les barreaux de leur ressort, dans le respect des règles sanitaires, des plans de reprise de l’activité ont été établis, qui doivent progressivement, depuis le 11 mai, indiquer la marche à suivre pour tendre vers un fonctionnement normal. Dans les faits, à Lyon : « La reprise est très difficile, il n’y a pas de coordination générale, tout se fait chambre par chambre, en collaboration avec l’ordre », témoigne Serge Deygas, bâtonnier de Lyon. Le confinement, qui a succédé à la grève des avocats contre la réforme du régime des retraites, a donné au retard accumulé dans le traitement des affaires une ampleur inédite. « Nous avons 28 000 dossiers en stock, dont 16 000 au pôle social. Au pôle immobilier, la situation est apocalyptique : des affaires déjà mises en état sont fixées pour plaidoiries en 2022 », s’alarme Serge Deygas. C’est la conséquence logique, dit le bâtonnier, de l’arrêt de l’activité pendant le confinement. « Au tribunal judiciaire de Lyon, les affaires ont été supprimées sans préavis. Sur les 450 personnels de greffe, 10 % à peine ont pu travailler, faute de moyens de le faire depuis leur domicile, ce qui a révélé une faille technologique importante », comme l’admettait Nicole Belloubet (qui évoquait une « dette technologique importante » devant la commission des lois du Sénat, le 9 avril dernier).

Le retard accumulé a conduit les juridictions à faire certains choix, dont celui du dépôt de dossier sans plaidoirie, que le bâtonnier de Lyon prend avec précaution. « Nous sommes hostiles au principe consistant à ne pas plaider nos dossiers. Mais dans la mesure où ce n’est pas obligatoire et qu’il faut remédier à la situation d’urgence, il faut l’accepter, mais nous ne voulons pas que cela se pérennise, car l’oralité est essentielle dans notre système de justice. Et on a un peu peur que cela se pérennise », admet-il.

En matière civile, les avocats peuvent désormais, pour que leur affaire soit prise rapidement, décider d’accepter de déposer des conclusions écrites et renoncer à plaider. Si l’une des parties refuse, l’affaire est renvoyée, et, au vu de la situation, les délais sont énormes. L’ancien bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, y voit une forme de chantage : « Ceux qui acceptaient de plaider ont eu un délibéré à trois semaines, les autres ont vu leur affaire renvoyer à 2022 », déplore-t-il.

À Paris, cette solution provisoire a occasionné des critiques, et même une tribune, signée par le bâtonnier et d’autres membres de conseil de l’ordre, contre le recours à ces audiences sans plaidoirie. Une manière de montrer la vigilance des avocats sur ce point car, dans les faits, le bâtonnier se veut « pragmatique ». « Si toutes les parties sont d’accord et si c’est dans l’intérêt du client, pourquoi pas ? Cela doit nous permettre de rattraper le retard, mais il ne faut pas que la situation soit prétexte à une généralisation de ce dispositif », rappelle-t-il. Le président du tribunal judiciaire de Paris, Stéphane Noël, abonde : « Nous sommes attachés à la plaidoirie, le dépôt des dossiers ne peut pas être demain proposé comme modèle absolu. »

Stéphane Noël annonce qu’entre le 27 avril et le 24 juin, 2 850 dossiers ont ainsi été déposés devant le tribunal judiciaire de Paris. « Ce qui veut dire que les avocats ont compris l’intérêt de ce dispositif, et à partir du moment où une partie n’est pas d’accord, l’affaire est plaidée », rassure-t-il. Les audiences en présentiel ont repris dans presque toutes les chambres, parfois depuis le 11 mai et parfois, comme au pôle famille (15 juin) ou aux prud’hommes (22 juin), très récemment.

À Paris comme ailleurs, les personnels de greffe n’ont pas pu travailler de chez eux, et ils sont à 70 % aujourd’hui, dit Olivier Cousi (« la reprise est aujourd’hui quasi totale pour tous les personnels », dit, pour sa part, Stéphane Noël). Olivier Cousi pense que la reprise normale de toute l’activité se fera en septembre, avec les difficultés que posent les règles de distanciation physique dès lors que des salles petites doivent accueillir des parties nombreuses. C’est pour cela que Paris a décidé d’expérimenter les visioaudiences en matière civile mais, là encore, dit-il, outre les problèmes techniques rencontrés par le logiciel de l’administration, il faut préserver la « présence physique des parties lorsqu’elle s’avère essentielle ». Selon Stéphane Noël, les visioaudiences sont déjà en place dans plusieurs pôles (famille, procédures collectives, tutelles), et aux première et troisième chambres civiles.

Pendant le confinement, les magistrats civils ont rendu 6 000 décisions, qui « seront toutes formalisées et envoyées avant les vacations ». Au pénal, l’activité correctionnelle a repris à 92 %. Selon le plan du parquet, un tiers des procédures vont être classés sans suite, un tiers seront réorientées, et le dernier tiers seront audiencées, comme prévu initialement. « La délinquance ayant baissé pendant le confinement, cela permet de lisser les choses. Il rappelle que 500 procédures ont été clôturées, qu’il va désormais falloir audiencer.

C’est une partie délicate, car le respect des distances physiques va fortement réduire la capacité d’organisation de procès, ou même de réunions qui se déroulent en cabinet – chose impossible désormais. Mais la juridiction parisienne bénéficie d’un bâtiment immense pourvu de nombreuses salles. « Toutes les audiences de cabinet désormais se déroulent, si nécessaire, dans une salle d’audience. Avant nous avions de la marge, mais désormais, les quatre-vingt-dix salles sont occupées », précise le président du tribunal.

Des situations disparates

Ce n’est pas le cas à Bobigny, où seulement 70 % de l’activité a repris. Cinq audiences correctionnelles par jour au lieu de huit. Le bâtonnier Frédéric Gabet décrit une situation très difficile. « Cela ne se passe pas très bien. Des audiences sont annulées par centaine sur des motifs liés à la désorganisation de la juridiction, dans certains cas, on est au bord du déni de justice. Il y a une impression de désordre et de reprise erratique, en fonction des personnes et de l’absentéisme du service. » Sur le plan de reprise : « Il prévoyait une reprise des audiences correctionnelles le 25 mai, mais on sait que ça ne sera pas avant septembre. On doit s’arranger avec les greffières pour savoir à l’avance quelles audiences sont maintenues et lesquelles sont renvoyées ou annulées », témoigne-t-il. « C’est terrible comme situation. On va vers une reprise totale de l’activité en France, mais nous, on va couler. »

Le président du tribunal, Renaud Le Breton de Vannoise, tempère : « La présentation catastrophiste se comprend, mais elle est excessive. » Au pénal, dit-il, des procédures sont classées sans suite et d’autres réorientées. Il explique le désordre décrit par le bâtonnier par le fait que les dossiers n’ayant pas suivi leur « cours normal, ils ne se trouvent pas là où ils devraient être, il faut donc réorganiser les audiences au dernier moment ». Il précise que son tribunal a pu faire face, pendant le confinement, à l’activité certes réduite mais pas inexistante, et que les trois cents demandes de mises en liberté déposées en dix jours (contre trois par jour en moyenne) ont pu être traitées (il précise en outre que quarante personnes ont été remises en libertés pour des motifs sanitaires ce qui, avec les libérations anticipées, « a permis de mettre fin à la surpopulation carcérale à la prison de Villepinte »). Renaud Le Breton de Vannoise déplore cette situation difficile, « d’autant qu’on était dans une dynamique de redressement considérable grâce à une augmentation progressive des magistrats et des greffiers. Aujourd’hui, ils sont 138 au siège, 55 au parquet et 400 greffiers.

Dans les juridictions de Rouen, tribunal judiciaire et cour d’appel, « nous avons la chance d’avoir des rapports extrêmement cordiaux », dit Arnaud Saint-Rémy, responsable pénal du conseil de l’ordre rouennais. Il détaille certaines initiatives de la juridiction : une nouvelle chambre a été ouverte pour les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), des audiences ont été ajoutées autant que possible. « On ne peut pas être pleinement satisfaits, car il n’y a pas assez de magistrats, pas assez de greffiers, donc pas assez d’audiences. Des procédures anciennes ne sont pas traitées car pas jugées prioritaires. Mais je salue le travail considérable fait par nos juridictions, et l’abnégation des magistrats. Parfois, il y a des tensions, car nous sommes tous fatigués de cette situation », expose-t-il. Là-bas aussi, les délais d’audiencement sont parfois longs (2022 pour les audiences d’expulsion locative, au tribunal de proximité, par exemple). Le bâtonnier Guillaume Bestaux abonde, et salue l’initiative du conseil des prud’hommes, qui a organisé une visioconférence avec les avocats en droit social, pour une meilleure organisation des audiences. Lui aussi reste vigilant sur les dossiers sans plaidoiries : « Il ne faudrait pas que ça reste en place car, sur certains dossiers avec un enjeu important, on aimerait bien dire quelques mots. Et puis, l’échange avec les magistrats nous manque. »

Auteur d'origine: babonneau

Tous les griefs ont été retenus à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme pour condamner la France : traitement dégradant, détention irrégulière, atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, violation de l’interdiction d’expulser collectivement des étrangers et absence de recours effectif.

Cette affaire concerne les conditions dans lesquelles deux enfants comoriens de 3 et 5 ans, appréhendés lors de leur entrée irrégulière sur le territoire français à Mayotte, ont été placés en rétention administrative en compagnie d’adultes, rattachés arbitrairement à l’un d’eux et renvoyés expéditivement vers les Comores sans examen attentif et individualisé de leur situation.

Les faits remontent à 2013, les deux enfants avaient voyagé à bord d’une embarcation de fortune en vue de rejoindre Mayotte. Les dix-sept personnes présentes sur l’embarcation furent interpellées en mer par les autorités françaises. Après un contrôle d’identité sur une plage, elles furent placées en rétention en vue d’une reconduite à la frontière. Les deux enfants furent rattachés administrativement à l’une des personnes présentes sur l’embarcation qui aurait déclaré les accompagner. Nés à Mayotte d’une mère comorienne en situation irrégulière, ils avaient été renvoyés aux Comores en 2011. Mais leur père, M. Moustahi, réside régulièrement à Mayotte. Ce dernier, prévenu de la présence de ses enfants, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte pour obtenir la suspension de l’arrêté d’éloignement. Trop tard, les deux enfants avaient déjà été placés à bord d’un navire et renvoyés aux Comores.

Des faux pas en cascade

La Cour est convaincue que le rattachement des deux enfants à un adulte « n’a pas été opéré dans le but de préserver l’intérêt supérieur des enfants, mais dans celui de permettre leur expulsion rapide vers les Comores ». Les conditions de rétention des deux enfants étaient les mêmes que celles des personnes adultes appréhendées en même temps qu’eux. Eu égard à leur âge et au fait qu’ils étaient livrés à eux-mêmes, leur placement en rétention, « n’a pu qu’engendrer pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme ». Pour la cour, les autorités françaises n’ont pas veillé à une « prise en charge effective des enfants » et n’ont pas tenu compte de la situation que ceux-ci risquaient d’affronter lors de leur retour dans leur pays d’origine.

La Cour observe aussi qu’aucun recours n’a été ouvert aux enfants afin de faire vérifier la légalité de leur placement en rétention. Elle rappelle que le fait d’enfermer certains membres d’une famille dans un centre de rétention alors même que d’autres membres de cette famille sont laissés en liberté s’analyse « comme une ingérence dans l’exercice effectif de leur vie familiale quelle que soit la durée de la mesure en cause ».

La Cour retient aussi que l’interdiction des expulsions collectives d’étrangers, sanctionnée par l’article 4 du protocole n° 4, a été violée. L’éloignement des deux enfants, qu’aucun adulte ne connaissait ni n’assistait, « a été décidé et mis en œuvre sans leur accorder la garantie d’un examen raisonnable et objectif de leur situation particulière ».

Enfin, l’analyse portée sur la violation du droit au recours effectif montre qu’aucun examen judiciaire des demandes des requérants ne pouvait avoir lieu. L’éloignement des requérants a été effectué sur la seule base de la décision prise par l’autorité préfectorale au sujet d’un tiers dépourvu de liens avec eux. Par conséquent, la Cour européenne des droits de l’homme estime « que la hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles ».

Auteur d'origine: pastor

À l’origine institué par la loi du 19 juillet 1928, le principe du maintien des contrats de travail en cas de mutations économiques ou juridiques de l’entreprise est aujourd’hui connu de tous.

Dès lors que survient « une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » (C. trav., art. L. 1224-1). Lorsqu’il est possible de caractériser le transfert d’une « entité économique autonome », le salarié est donc assuré de conserver son emploi et les attributs attachés à son contrat de travail (ancienneté et niveau de rémunération notamment).

Cette situation juridique s’impose à l’employeur - ainsi qu’au salarié - qui ne peut faire obstacle au transfert automatique des contrats de travail.

S’agissant de la relation entre employeurs successifs, le code du travail prévoit une forme de solidarité à la dette sauf dans certaines hypothèses particulières (en cas de procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire par exemple). En ce sens, l’article L. 1224-2 du code du travail précise que « le nouvel employeur est tenu, à l’égard des...

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Auteur d'origine: Dechriste

Saisis d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, les juges de la rue de Montpensier ont examiné ces dispositions, qui ont suspendu les opérations électorales à l’issue du premier tour, à la lecture du principe de sincérité du scrutin, résultant de l’article 3 de la Constitution.

Motif impérieux justifié

Le Conseil constitutionnel précise que le législateur ne saurait, sans méconnaître les exigences de l’article 3 de la Constitution, autoriser une modification du déroulement des opérations électorales qu’à la condition « qu’elle soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général et que, par les modalités qu’il a retenues, il n’en résulte pas une méconnaissance du droit de suffrage, du principe de sincérité du scrutin ou de l’égalité devant le suffrage. »

Dans une rédaction limpide, il estime qu’en adoptant les dispositions contestées, « le législateur a entendu éviter que la tenue du deuxième tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 et la campagne électorale qui devait le précéder ne contribuent à la propagation de l’épidémie de covid-19, dans un contexte sanitaire ayant donné lieu à des mesures de confinement de la population ». Ces dispositions sont donc justifiées par un motif impérieux d’intérêt général.

L’argument des requérants faisant valoir que l’organisation du second tour avant la fin du mois de juin 2020 risquerait de nuire à la participation des électeurs est retourné par le Conseil constitutionnel qui considère que « les dispositions contestées ne favorisent pas par elles-mêmes l’abstention ». Pour autant, il reviendra, le cas échéant, « au juge de l’élection, saisi d’un tel grief, d’apprécier si le niveau de l’abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l’espèce, la sincérité du scrutin. »

Garantie du droit de suffrage

Surtout, selon le Conseil constitutionnel, « plusieurs mesures d’adaptation du droit électoral contribuent à assurer, malgré le délai séparant les deux tours de scrutin, la continuité des opérations électorales, l’égalité entre les candidats et la sincérité du scrutin. » En particulier, l’ordonnance n° 2020-390 du 1er avril 2020 dispose que, sauf exceptions, le second tour du scrutin aura lieu à partir des listes électorales et de listes complémentaires établies pour le premier tour ; de plus, par dérogation au code électoral, les dispositions contestées permettent de majorer les plafonds de dépenses électorales applicables et d’obtenir le remboursement d’une partie des dépenses de propagande ; enfin, afin de préserver les possibilités de contester les résultats du premier tour en dépit de la suspension du scrutin, les électeurs ont pu, par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 68 du code électoral, obtenir communication des listes d’émargement des bureaux de vote à compter de l’entrée en vigueur du décret de convocation pour le second tour et jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.

Différence de traitement sur la durée du mandat

La dernière partie de la décision porte sur les conséquences du report du second tour sur les mandats des conseillers municipaux. S’il existe bien une durée différente de mandat entre les élus du premier tour et ceux élus à l’issue du second tour, « cette différence de traitement repose sur une différence de situation au regard de l’élection et répond directement à la volonté du législateur d’assurer la mise en œuvre des objectifs qu’il s’est fixés en reportant le second tour. » Et s’agissant des communes dans lesquelles un second tour est nécessaire, « les dispositions contestées n’ont aucune incidence sur les éventuelles contestations devant le juge de l’élection des opérations électorales du premier tour. »

Les premier et dernier alinéas du paragraphe I de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, dans sa rédaction initiale, sont donc conformes à la Constitution.

Auteur d'origine: pastor
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Cet arrêt permet de revenir sur le contentieux des clauses de non-concurrence, désormais bien connu par les praticiens.

Traditionnellement, les questions juridiques qui se posent ont trait à la contrepartie financière desdites clauses, ainsi qu’à leur étendue géographique et/ou temporelle (Soc. 10 juill. 2002, n° 00-45.387 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; 10 juill. 2002, n° 99-43.334 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; Dr. soc. 2002. 949, note R. Vatinet ; RTD civ. 2003. 58, obs. J. Hauser ; 10 juill. 2002, n° 00-45.135 P, D. 2002. 2491 , note Y. Serra ; ibid. 3111, obs. J. Pélissier ; ibid. 2003. 1222, obs. B. Thullier ).

Dans l’espèce rapportée, la Cour de cassation a eu à se pencher sur une problématique sensiblement différente.

Une salariée a été embauchée en 2011, selon contrat de travail non signé en date du 3 octobre 2011. Elle a signé un avenant le 25 janvier 2012. Le 13 décembre 2013, son employeur lui a proposé un nouveau contrat de travail, laquelle a refusé de le signer. Puis, par courrier en date du 24 février 2014, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail, la relation de travail prenant fin le 21 mars suivant.

La salariée a ensuite été embauchée le 1er avril 2014 par une entreprise concurrente située dans la même ville que son ancien employeur. Ce dernier, entre les mois de mars 2014 et juillet 2014, a procédé au paiement d’une indemnité relative à la clause de non concurrence, prévue dans le contrat initial de 2011. Par lettre du 1er août 2014, l’ancien employeur a enjoint la salariée de cesser immédiatement sa nouvelle activité professionnelle et de lui rembourser l’intégralité de l’indemnité compensatrice de clause de non concurrence d’ores et déjà payée.

Devant la cour d’appel de Lyon, la salariée a soulevé le moyen selon lequel la clause de non-concurrence lui était inopposable, faute d’avoir signé le premier contrat de travail en date du 3 octobre 2011, ainsi que celui du 13 décembre 2013.

Pour juger que la clause de non concurrence stipulée au sein du contrat de travail non signé du 3 octobre 2011 avait bien une valeur contractuelle et s’imposait à la salariée, la Cour d’appel a motivé sa décision par les quatre points suivants :

la signature, le 25 janvier 2012, de l’avenant au contrat de travail du 3 octobre 2011 relatif à la modification du lieu d’exercice des fonctions de la salariée ;la lettre de démission de la salariée du 24 février 2014 aux termes de laquelle elle reconnaissait donc avoir travaillé à...

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Pour mémoire, la Cour de cassation a, pendant plusieurs décennies, considéré que le défaut ou la délivrance tardive des documents de fin de contrat à un salarié lui « cause nécessairement un préjudice devant être réparé » (v. Soc. 19 mai 1998, n° 97-41.814 P, D. 1999. 280 , obs. C. Willmann ; Dr. soc. 1998. 723, obs. C. Marraud  ; 13 juin 2007, n° 06-41.189 ; 19 févr. 2014, n° 12-20.591 ; 21 janv. 2015, n° 13-25.675).

Le champ d’application de cette présomption de préjudice et de sa réparation automatique n’était pas circonscrit au domaine des documents de fin de contrat. La Haute juridiction avait, en effet, adopté une analyse identique en cas de manquements de l’employeur à ses obligations contractuelles ou légales s’agissant par exemple de l’absence de mention de la priorité de réembauche dans la lettre notifiant le licenciement pour motif économique (Soc. 28 sept. 2011, n° 09-43.374), du défaut de réponse de l’employeur au salarié qui lui demande de lui transmettre les critères de l’ordre des licenciements retenus, au plus tard dans les 10 jours suivant la date de rupture de son contrat de travail (Soc. 1er juill. 2015, n° 14-10.984 ; 8 juill. 2009, n° 07-44.591, D. 2009. 2113 ), de la référence dans la lettre de licenciement à une sanction prescrite (Soc. 4 déc. 2013, n° 12-23.930, D. 2013. 2920 ), de la privation du repos hebdomadaire (Soc. 8 juin 2011, n° 09-67.051, D. 2011. 1693 ), du respect d’une clause de non-concurrence « illicite » par un salarié (Soc. 7 mars 2007, n° 05-43.750), de l’absence de visite médicale d’embauche ou de reprise à la suite d’un accident du travail (Soc. 17 oct. 2012, n° 10-14.248, D. 2012. 2526  ; 13 déc. 2006, n° 05-44.580, D. 2007. 85 ), du non-respect d’une procédure conventionnelle de mise à la retraite (Soc. 23 nov. 2010, n° 09-43.005), de l’irrégularité de la procédure disciplinaire (Soc. 27 juin 2001, n° 99-42.216, Dr. soc. 2001. 885, obs. C. Roy-Loustaunau ) et de la procédure de licenciement (Soc. 5 mars 2002, n° 00-41.453 P), de l’omission de l’indication du lieu de l’entretien préalable à un licenciement dans la lettre de convocation (Soc. 13 mai 2009, n° 07-44.245 P, D. 2009. 1542, obs. B. Ines ; Dr. soc. 2009. 818, note F. Favennec-Héry ), de l’absence de mention de la convention collective applicable sur le bulletin de paie (Soc. 23 nov. 2010 n° 08-45.483), du défaut de diligences nécessaires à la mise en place des institutions représentatives du personnel (Soc. 17 mai 2011, n° 10-12.852 P, D. 2011. 1424 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ), ou encore du non-respect du salaire minimum légal (Soc. 29 juin 2011, n° 10-12.884 P, D. 2011. 1909 ; Dr. soc. 2012. 197, obs. C. Roy-Loustaunau  ; 19 janv. 2012, n° 13-31.005).

Cette présomption avait également une application en matière de litiges collectifs du travail. Les juges du quai de l’horloge considéraient ainsi que l’inexécution des dispositions d’une convention collective causait nécessairement un préjudice aux organisations syndicales liées par cette convention (Soc. 19 janv. 1999, n° 96-43.976 ; 30 nov. 2010, n° 09-42.990 P, D. 2011. 22 ). Il était également retenu que l’inapplication d’une convention ou d’un accord collectif de travail, même non étendu, « cause nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession », permettant ainsi à des syndicats professionnels non signataires, d’en demander l’exécution (Soc. 11 juin 2013, n° 12-18.247).

En d’autres termes, cette construction jurisprudentielle impliquait que le préjudice était présumé du seul fait de la faute patronale, l’emploi du l’adverbe « nécessairement » induisant, au demeurant, une présomption irréfragable du préjudice subi.

Néanmoins, une décision du 13 avril 2016 (n° 14-28.293, Dalloz actualité, 17 mai 2016, obs. B. Ines , D. 2016. 900 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ), avait sonné le glas de cette construction jurisprudentielle, protectrice de la partie faible au contrat de travail. Si la portée de cet arrêt était incertaine, le doute était cependant vite dissipé dans la mesure où, quelques semaines seulement après, une nouvelle décision en date du 25 mai 2016 (Soc. 25 mai 2016, n° 14-20.578 P,  Dalloz actualité, 15 juin 2018, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1205 ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 773, obs. J. Mouly ; RDT 2016. 557, obs. L. Bento de Carvalho ), la Cour de cassation, réitérait sa position à propos d’une clause de non-concurrence nulle....

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Activité partielle spécifique

Une des mesures phare de ce texte est issue d’un amendement déposé par le gouvernement au Sénat et élaboré par la Commission mixte paritaire et concerne encore une fois l’activité partielle. La loi prévoit en effet d’adapter le régime applicable à l’activité partielle dans le contexte du déconfinement et de la reprise progressive de l’activité ; l’objectif étant la possibilité d’adapter les règles de recours au dispositif en fonction de l’entreprise ou des salariés et la garantie de la continuité des droits des travailleurs concernés. Une attention particulière pourra ainsi être portée aux secteurs qui ont fait l’objet d’une fermeture administrative (hôtellerie, restauration, événementiel) et ceux qui en dépendent.

Est ainsi créé un nouveau régime d’activité partielle spécifique pour les entreprises confrontées à une réduction d’activité durable sans être de nature à compromettre leur pérennité, le dispositif d’« activité réduite pour le maintien en emploi ».

Pour le mettre en place, ce dispositif et subordonné à la conclusion d’un accord collectif d’établissement, d’entreprise ou de groupe et si un accord collectif de branche existe, l’employeur, pourra également avoir droit au dispositif en élaborant après consultation du CSE s’il existe, un document unilatéral de « plan d’activité réduite pour le maintien dans l’emploi ».

Le contenu de l’accord ou du document unilatéral sera précisée par décret et devrait comporter la durée de son application, les activités et les salariés concernés par l’activité partielle spécifiques, les réductions d’horaires de travail pouvant donner lieu à indemnisation et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie pour le maintien en emploi.

Le validation de l’accord ou l’homologation du document unilatéral par l’autorité administrative (Dirrecte) serait alors allégé dans le premier cas et, dans le second, il est prévu la vérification de l’adéquation des mesures retenues avec la situation de l’entreprise, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du CSE lorsqu’il existe, de la présence dans l’accord de l’ensemble des dispositions obligatoires, de la conformité aux stipulations de l’accord de branches et de la présence d’engagements spécifiques en matière d’emploi .

En cas d’accord collectif l’aide de l’État pourrait également être plus élevée.

Ce dispositif demeure un dispositif d’urgence mais les demandes pourront être adressées jusqu’au 30 juin 2022.

Par ailleurs le texte prévoit qu’un accord d’entreprise ou de branche peut autoriser l’employeur à imposer aux salariés placés en activité partielle bénéficiant du maintien intégral de leur rémunération d’affecter des jours de repos conventionnels ou une partie de leur congé annuel excédant vingt-quatre jours ouvrables à un fonds de solidarité pour être monétisés en vue de compenser tout ou partie de la diminution de rémunération subie, le cas échéant, par les autres salariés placés en activité partielle.

Contrats courts

Toujours dans l’objectif de faciliter la reprise d’activité des entreprises, la loi prévoit diverses mesures dérogatoires au droit commun en matière de réglementation du contrat de travail. Il est prévu qu’un accord collectif d’entreprise pourra, jusqu’au 31 décembre 2020, fixer le nombre maximal de renouvellements des contrats à durée déterminée ainsi que les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats. De la même manière, des mesures d’urgence pourront être prises afin de permettre la prolongation des contrats d’insertion qui n’ont pas pu se dérouler dans les conditions prévues compte tenu de la crise sanitaire. Les entreprises pourront également par accord collectif instaurer une solidarité entre les salariés ou prévoir la monétisation, du 12 mars au 31 décembre 2020, des jours de repos ou de congés payés dans la limite de cinq jours.

Prêt de main-d’œuvre

Les mesures dérogatoires au droit commun du contrat de travail concernent également le prêt de main-d’œuvre. L’objectif est d’en faciliter le recours compte-tenu d’une reprise inégale de l’activité faisant coexister la surmobilisation de certains secteurs d’activité et la sous-mobilisation d’autres. Jusqu’au 31 décembre 2020, la convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice pourra porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés, le formalisme de la convention de mise à disposition sera allégé (notamment concernant la précision relative aux horaires d’exécution du travail en effet seul devra être précisé le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition). Lorsque l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie et qu’elle relève de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale déterminés par décret, les opérations de prêt de main-d’œuvre n’auraient pas de but lucratif pour les entreprises utilisatrices même lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice serait inférieur ou égale à zéro au salaire versé au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition temporaire.

Intéressement

Le texte prévoit également la possibilité pour les très petites entreprises de mettre en place des dispositifs d’intéressement au moyen d’une décision unilatérale de l’employeur. Cette décision unilatérale vaudrait accord d’intéressement au sens du code général des impôts et du code du travail.

Enfin le texte prévoit l’acquisition de droits à la retraite pour les salariés placés en activité partielle ou encore la prolongation des indemnités des demandeurs d’emploi dès le 1er mars 2020.

Loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, adoptée définitivement le 10 juin au Sénat. 

Auteur d'origine: Dechriste
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Le 10 juillet prochain doit acter la sortie de l’état d’urgence sanitaire mais un régime transitoire s’appliquera ensuite pendant quatre mois. Édouard Philippe a présenté le projet de loi lors du conseil des ministres du 10 juin.

Ainsi, jusqu’au 10 novembre 2020 inclus, ou en cas de résurgence de la catastrophe sanitaire qui l’avait justifié, le premier ministre conservera la possibilité de réglementer les déplacements et l’accès aux moyens de transport, l’ouverture des établissements recevant du public, ainsi que les rassemblements sur la voie publique, qu’il pourra limiter ou interdire. Les autres mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne pourront être maintenues que dans les conditions et limites du droit commun. Mais cela signifie que la mise en quarantaine et la mise à l’isolement restent mobilisables sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. Par ailleurs, si les mesures à prendre n’excèdent pas le territoire d’un département, le préfet pourra les décider lui-même.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État estime que ce régime transitoire et sur une période limitée est de nature « à répondre aux nécessités de sortir de manière prudente, graduée et contrôlée du régime mis en place pour faire face à l’état d’urgence sanitaire ».

Prolongation de la durée de conservation des données

Le projet de loi complète l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 qui a prorogé l’état d’urgence sanitaire. Cet article, qui organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination, avait été partiellement censuré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 11 mai 2020, n° 2020-800 DC, Loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, Dalloz actualité, 26 mai 2020, obs. C. Zorn ; AJDA 2020. 975 ; AJCT 2020. 217, tribune J.-P. Vial ; ibid. 220, obs. F. Benech ). La durée de conservation de ces données, actuellement limitée à trois mois à compter de leur collecte, pourra être, pour certaines catégories d’entre elles, et à l’exclusion de StopCovid, prolongée sans pouvoir excéder la durée maximale de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour laquelle ces traitements de données sont autorisés. Il est toutefois précisé que cet allongement ne pourra être décidé que s’il apparaît justifié pour chaque type de données, après avis publics de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et du Comité de contrôle et de liaison covid-19.

Auteur d'origine: pastor
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Le régime des salariés protégés, gage de leur indépendance vis-à-vis de l’employeur, peut parfois se révéler être une sérieuse entrave à la liberté de gestion de ce dernier et devenir source de contentieux. Tel est notamment le risque lorsque l’employeur impose une modification de contrat ou un changement des conditions de travail à un salarié titulaire d’un mandat. Quelle qu’en soit la cause, une telle pratique ne peut en aucun cas être imposée sans le consentement de l’intéressé (V. Soc. 30 mai 2001, n° 00-60.194, Dr. soc. 2011. 901, obs. J. Savatier ), qui ne peut être sanctionné pour son refus (Soc. 6 juill. 2011, n° 10-13.960).

L’entrelacement de différents modes de rupture en cours de procédure peut aussi susciter des interrogations, en particulier lorsque l’autorisation de licenciement fait l’objet de décisions successives statuant dans un sens opposé. Tels étaient les enjeux dans cet arrêt du 20 mai 2020.

En l’espèce, une société avait sollicité l’inspection du travail aux fins d’obtenir l’autorisation de licencier pour faute un salarié membre suppléant de la délégation unique du personnel. L’autorisation fut d’abord refusée, et le salarié demanda à être...

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Auteur d'origine: Dechriste

Les personnels de la Place Vendôme sont particulièrement critiques sur la numérisation de leur ministère, après un confinement qui a fait figure de crash test. Le résultat, bancal, n’est en effet pas brillant et souffre de la comparaison avec d’autres administrations, que ce soit l’intérieur, qui a passé l’épreuve sans couac majeur, ou la santé, qui a misé sur la télémédecine. Pour la Place Vendôme, le printemps a ressemblé au contraire à un long supplice numérique. « En début de confinement, je suis parti en sauvegardant sur ma clé USB un listing Excel de l’ensemble de mes affaires et de mon rôle d’audience, et derrière, j’ai jonglé avec les annuaires des barreaux, relève ainsi un magistrat niçois. C’était un travail de bénédictin. »

Lorsque le confinement débute, le 17 mars, des magistrats sont certes bien dotés en ultraportables, qui permettent le travail à domicile. Mais les personnels des greffes n’en possèdent pas. Résultat : dans l’urgence, le ministère de la justice pioche dans ses stocks pour distribuer trois cents ultraportables, une goutte d’eau par rapport aux 13 000 greffiers de France, selon le décompte du Syndicat des greffiers de France-FO. « Il y a bien eu quelques ordinateurs portables qui ont permis de rentrer des procédures dans le bureau d’ordre, d’autres pour payer les interprètes », détaille Isabelle Besnier-Houben, la présidente de cette organisation syndicale. Cette absence de dotation des greffes est, selon le député Patrick Hetzel, dans un récent rapport, « le principal point noir » du bilan numérique du ministère durant la crise sanitaire. Ce manque d’équipement est dû, selon Isabelle Besnier-Houben, à des réticences sur le télétravail des greffiers. « Il a fallu le covid-19 pour que l’administration se rende compte de l’intérêt du télétravail, regrette-t-elle. Pourtant, adoptée plus tôt, cette forme d’organisation aurait permis à des gens de mieux travailler et d’avoir d’autres conditions de vie. »

VPN sous-dimensionné

Les magistrats dotés d’un ultraportable – le nombre total d’ordinateurs distribués varie selon les sources, mais, après la crise, la direction des services judiciaires indiquera aux organisations syndicales avoir déployé plus de 13 000 portables au sein du ministère – ne sont pas forcément mieux lotis. Car le réseau privé virtuel (VPN) de la Place Vendôme est sous-dimensionné face à la crise sanitaire. À la mi-mars, il ne permet que 2 500 connexions simultanées. Les premières semaines, les magistrats enragent devant leur clavier. « On s’est retrouvés tous en télétravail et on a tous eu un problème, déplorait après le début du confinement une magistrate parisienne. Il faut se déconnecter, essayer de se reconnecter. » Il faudra plusieurs semaines pour que le ministère de la justice boucle la montée en puissance de son prestataire. Jusqu’à 40 000 connexions simultanées sont désormais possibles. Réussir à se connecter ne résout cependant pas tous les problèmes. Si les applications de la chaîne pénale sont bien consultables à distance, ce n’est pas le cas de la plupart de celles de la chaîne civile, qui ne fonctionnent que sur les postes en juridiction. « Les personnels de greffe doivent aujourd’hui être les seuls utilisateurs en France de WordPerfect », la brique logicielle de Winci, ironise ainsi le consultant indépendant Bruno Mathis, expert associé au centre européen de droit et d’économie de l’Essec. Faute de pouvoir se rendre en juridiction, « toute la mise en état, qui permet de faire avancer les dossiers, a été plantée », note David Melison, le trésorier adjoint de l’USM.

Zoom, Skype et Jitsi

La visioconférence n’a pas non plus donné satisfaction. Si le ministère possède le parc le plus important de l’État, les organisations syndicales pointent par exemple un manque de micros compliquant l’exercice. Et, dans les cabinets, ce sont d’autres outils qui se sont imposés. À Nice, on a tenté de s’emparer du logiciel Webconférence de l’État. « Tous les essais ont échoué, déplore ce magistrat des Alpes-Maritimes. L’application ne fonctionnait que sur le navigateur Chrome. Nos ordinateurs ne l’avaient pas, il a fallu l’installer. Puis c’est le réseau qui était surchargé et instable. Nous n’avons réussi à travailler que sur Zoom et Jitsi », deux applications privées de visioconférence, une situation peu satisfaisante sur le plan de la sécurité. « Pour mes réunions de cabinet, j’ai utilisé Skype et Zoom, confirme de son côté le magistrat David Melison. C’est du bricolage et clairement en dehors des clous, mais s’il y a des logiciels, soit ils ne marchent pas, soit ils se déconnectent en permanence. »

De la visio, on est également passé à l’audio, pour un résultat très mitigé. L’avocat Philippe Ohayon a relaté une audience devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes. Le résultat fait peur. « J’ai toutes les peines du monde à entendre ce que me dit mon client, racontera-t-il à l’Obs. Lui non plus ne m’entend pas très bien. » Que ce soit par mail ou via des applications, la communication a parfois été difficile. « Des magistrats qui souhaitaient joindre des avocats et les services d’enquête ont utilisé leurs téléphones personnels, remarque Nils Monsarrat, secrétaire national du Syndicat de la magistrature. Il y a désormais une demande importante pour avoir des téléphones de dotation. » Et à cause de l’empêchement des greffiers, confinés à leurs domiciles, des avocats n’ont pu contacter des magistrats. Au retour en juridiction des personnels de greffe, certains ont ainsi été submergés de messages.

Mission d’appui

Des lacunes et des manques dans le viseur de l’Inspection générale de la justice. De source syndicale, une mission d’appui sur les plans de continuité d’activité a été lancée. Elle devrait insister sur les ratés et les points d’améliorations en matière numérique, un domaine où le ministère a pourtant été en pointe, il y a… une trentaine d’années. « Le confinement a mis en lumière ce qui n’allait pas et ce qui a été mal anticipé, résume Nils Monsarrat. La dotation informatique n’est pas suffisante, et la priorité devrait être de revoir tous les logiciels. » Même constat pour David Melison, de l’USM : « Nous avons manqué d’anticipation et de réactivité », regrette-t-il. « La crise n’a fait que mettre en exergue le manque de moyens financiers et son retard sur le télétravail », conclut Isabelle Besnier-Houben. La facture est en fin de compte salée. Le confinement s’est traduit par 20 millions d’euros de dépenses informatiques pour la mission justice.

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, n’a pas éludé le problème. Elle a admis qu’il restait « beaucoup à faire », notamment en matière de logiciels permettant le travail à distance des greffiers. Le ministère planche ainsi sur un moyen d’accéder à distance aux applications civiles. Médiocre, le bilan numérique du confinement n’est toutefois pas totalement désastreux. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, expliquait à Dalloz actualité Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique à la Place Vendôme, à propos de la mise en place récente de la nouvelle plateforme d’échanges numériques Plex, qui permet d’échanger avec les avocats de grosses pièces jointes. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » Haut débit, réseau justice raccordé au réseau interministériel ou premières dotations en ultraportables : autant d’actions antérieures à la crise qui ont permis, souligne la Place Vendôme, de limiter la casse. Quatre-vingts applications ont été également mises à disposition pour du télétravail pendant le confinement.

Le ministère tente aujourd’hui de poursuivre sur cette lancée. L’ouverture d’un flux dématérialisé sur une plateforme des commissaires de justice doit alléger les greffes, tandis qu’un dispositif de webcaméra a été mis en place, courant mai, pour organiser des audiences avec des tiers. « Le confinement va booster la transformation numérique du ministère, et nous permettre de rattraper notre retard en matière informatique », espère David Melison. « La crise aura le mérite de raccourcir le délai de la conduite du changement », note également Bruno Mathis. Les juristes ont en effet vécu, lors de la crise sanitaire, une acculturation à marche forcée aux outils numériques. « Mais la situation informatique des juridictions est extrêmement dégradée, avertit-il. Le ministère essaye de moderniser à coups d’effets d’annonce. » Un constat déjà déploré par ce consultant il y a deux ans. Il s’inquiétait d’un mauvais sens des priorités de la Place Vendôme, laissant en arrière-plan, derrière des sujets plus tendance comme l’intelligence artificielle, la question de l’infrastructure numérique de la justice.

Auteur d'origine: babonneau
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Lorsque l’entreprise est en redressement judiciaire, la note sur contrat de sécurisation professionnelle, seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP, doit par ailleurs porter le visa de l’ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé à procéder à un licenciement pour motif économique.

Le formalisme peut, surtout lorsqu’il sert de garantie à la bonne information, se révéler salutaire pour le salarié dont la rupture du contrat est en jeu. C’est précisément le cas lorsque ce dernier doit se voir proposer un contrat de sécurisation professionnelle. La jurisprudence a, à ce titre, établi que l’acceptation de la convention par le salarié ne dispensait pas l’employeur de son obligation de communiquer au salarié, dans un document écrit, le motif économique du licenciement dont il prend l’initiative (Soc. 27 mai 2009, n° 08-43.137, RJS 8-9/2009, n° 741). Et c’est précisément autour de cette question de l’information quant aux motifs économiques dans le cadre de la conclusion d’un CSP que les deux arrêts rendus le 27 mai 2020 viennent apporter des éléments de réponse.

Il était question dans les deux espèces de salariés auxquels avait été proposé un contrat de sécurisation professionnelle. Dans les deux cas, les modalités d’information entourant cette proposition de CSP firent l’objet de contestation, les intéressés estimant celle-ci irrégulière.

La Cour de cassation profite de ces deux saisines pour préciser les modalités d’information quant au motif économique qui justifie la mise en œuvre de ce dispositif.

Dans le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153), où l’employeur était une société en redressement judiciaire, la haute juridiction rappelle que, lorsque la rupture du contrat de travail résulte de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle, l’employeur doit « en énoncer le motif économique soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement, soit dans la lettre qu’il est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement imposé par les articles L. 1233-15 et L. 1233-39 du code du travail, soit encore, lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation ».

La formule employée dans le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531), concernant cette fois une entreprise in bonis, se révèle plus ramassée mais le sens est identique, les magistrats réaffirmant que l’employeur est « tenu d’énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un écrit remis ou adressé au salarié au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du CSP par le salarié, afin qu’il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation ».

Cette exigence de communication du motif économique par écrit et antérieurement à l’acceptation du salarié n’est pas nouvelle, ces deux arrêts venant confirmer une jurisprudence bien assise (v. Soc. 14 avr. 2010, n° 08-45.399, Dalloz actualité, 11 mai 2010, obs. L. Perrin ; D. 2010. 1223 ; RDT 2010. 437, obs. A. Fabre ). La flexibilité quant à l’instrumentum pouvant servir de support à cette information est ici rappelée au moyen d’une formule un peu lourde, laissant poindre une nette préférence des juges pour le document écrit d’information sur ce dispositif remis au salarié. Il avait déjà été admis que l’information sur le motif économique pouvait être transmise au moyen de la lettre remise au salarié dans le cadre de l’obligation de l’employeur de rechercher un reclassement dès que le licenciement est envisagé, énonçant le motif de la suppression du poste et en proposant un nouveau (Soc. 16 nov. 2016, n° 15-12.293, RJS 2/2017, n° 106). Le second arrêt (pourvoi n° 18-24.531) vient ici préciser que la mention de la cause économique au stade de la procédure spécifique préalable de modification du contrat de travail ne suffit pas à satisfaire à cette exigence de forme (v. déjà en ce sens, Soc. 8 oct. 2014, n° 13-13.995 P, Dalloz actualité, 6 nov. 2014, obs. B. Ines ; D. 2014. 2054 ; RDT 2014. 685, obs. B. Ines ), laquelle doit nécessairement être réalisée au cours de la procédure de licenciement et au plus tard au moment de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié. La justification tient, pour la jurisprudence, à la nécessité que ce dernier soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

La sanction de cette formalité est lourde de conséquences, puisque le licenciement sera considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse. Celle-ci peut paraître sévère pour l’employeur qui avait pu déjà informer le salarié des causes économiques de la restructuration justifiant la proposition de modification du contrat de travail. En adoptant une telle solution, la chambre sociale marque une césure nette entre les deux procédures. L’expression de volonté du salarié au moment de la proposition de la modification de son contrat doit ainsi être strictement distinguée de celle exprimée à propos de la proposition de CSP, qui appelle elle aussi que soit exprimé de façon claire et non équivoque son lien de corrélation avec le motif économique.

Le premier arrêt (pourvoi n° 18-20.153) livre enfin un dernier enseignement quant au formalisme que doit revêtir la note « contrat de sécurisation professionnelle » lorsque l’employeur est soumis à une procédure de redressement judiciaire. Il est en effet prévu que, lorsque l’administrateur procède au licenciement d’un salarié d’une entreprise en redressement judiciaire, en application de l’ordonnance par laquelle le juge-commissaire autorise des licenciements économiques présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, la lettre de licenciement comporte nécessairement le visa de cette ordonnance. À défaut, le licenciement est réputé sans cause réelle et sérieuse. La chambre sociale vient ici préciser que la solution s’étend à la « note contrat de sécurisation professionnelle », seul document écrit remis aux salariés avant l’acceptation du CSP. De façon assez logique et en résonnance avec l’exigence de parfaite information préalable à l’acceptation du CSP, le visa de l’ordonnance du juge-commissaire devra donc également figurer sur la notice, à défaut de quoi l’employeur, déjà dans une posture délicate, s’exposera aux conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Auteur d'origine: Dechriste
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Notes

I. Aix-en-Provence, 22 nov. 1995, D. 1996. 405 , note J. Borricand .

II. Crim. 25 juin 1996, n° 95-86.205, Bull. crim. n° 274, D. 1996. 239 ; RSC 1997. 106, obs. Y. Mayaud ; ibid. 390, obs. J.-H. Robert ; 18 mars 2008, n° 07-83.067, Dalloz actualité, 8 avr. 2008, obs. A. Darsonville ; D. 2008. 1147 ; AJ pénal 2008. 241, obs. S. Lavric. ; ibid. 282, obs. C. Duparc .

III. L’entreprise face à l’émergence du délit de risques causés à autrui, AJ pénal 2016. 356  et D. Marais, Un pied dans le (co)vid : prise de position, le risque pénal de la « faute délibérée » existe bien pour les chefs d’entreprise, Le Droit en débats, Dalloz actualité, 20 mai 2020

IV. Crim. 30 oct. 2007, n° 06-89.365, Dalloz actualité, 23 nov. 2007, obs. S. Lavric ; D. 2007. 3007 ; ibid. 2008. 2390, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 2009. 123, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; RDI 2008. 97, obs. G. Roujou de Boubée ; AJ pénal 2008. 91, obs. S. Lavric ; RSC 2008. 75, obs. Y. Mayaud .

V. Crim., 19 avril 2017, n° 16-80.695, Dalloz actualité, 5 mai 2017, obs. S. Fucini ; D. 2017. 869 ; RDI 2017. 479, obs. G. Roujou De Boubée ; AJ pénal 2017. 340, note V. Cohen-Donsimoni ; Dr. soc. 2017. 774, chron. R. Salomon ; RSC 2017. 285, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2017. 443, obs. L. Saenko .

VI. C. pén., art. 121-3 : il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer. Il n’y a point de contravention en cas de force majeure.

VII. Crim. 6 déc. 2005, n° 05-82.815, D. 2017. 869 ; RDI 2017. 479, obs. G. Roujou De Boubée ; AJ pénal 2017. 340, note V. Cohen-Donsimoni ; Dr. soc. 2017. 774, chron. R. Salomon ; RSC 2017. 285, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2017. 443, obs. L. Saenko .

VIII. Crim. 30 avr. 2002, n° 01-85.219, D. 2003. 30 , obs. J. Pradel .

IX. Les personnes coupables de la contravention prévue au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction. Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2, de l’infraction définie au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-41, la peine de confiscation de la chose qui a servi à commettre l’infraction.

X. Les équipements de protection individuelle sont des dispositifs ou moyens destinés à être portés ou tenus par une personne en vue de la protéger contre un ou plusieurs risques susceptibles de menacer sa sécurité et sa santé (C. trav., art. R. 4311-8 à R. 4311-11).

XI. Crim. 16 sept. 1997, n° 96-82.618, Bull. crim. n° 299 ; D. 1997. 232 ; 6 mai 2002, n° 01-84.717.

XII. Crim. 4 janv. 1984, n° 82-94.320, Bull. crim. n° 5 ; 16 sept. 1997, n° 96-82.618, Bull. crim. n° 299 ; D. 1997. 232 ; 25 avr. 2017, n° 15-85.890, Dalloz actualité, 9 mai 2017, obs. D. Goetz ; D. 2017. 989 ; RSC 2017. 288, obs. Y. Mayaud .

XIII. Crim. 28 mai 1991, n° 90-83.957, Bull. crim. n° 226 ; RSC 1992. 75, obs. G. Levasseur ; 27 mars 2018, n° 17-82.455.

XIV. Crim. 27 nov. 1990, n° 89-84.709, Bull. crim. n° 409 ; RSC 1991. 598, obs. C. Lazerges .

XV. Crim. 8 nov. 1994, n° 93-81.274, Bull. crim. n° 355.

XVI. Crim. 24 juin 2014, n° 13-81.302, Dalloz actualité, 16 juill. 2014, obs. F. Winckelmuller ; D. 2014. 1455 ; ibid. 2423, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et C. Ginestet ; RDI 2014. 521, obs. G. Roujou de Boubée ; Dr. soc. 2015. 159, chron. R. Salomon ; RSC 2018. 887, obs. Y. Mayaud .

XVII. Crim. 27 oct. 2009, n° 09-80.490.

XVIII. Crim. 9 mars 1999, P, Dr. ouvrier 1999. 307, obs. M. Richevaux.

Auteur d'origine: Bley

par Jean-Marc Pastorle 27 mai 2020

CE, ord., 22 mai 2020, Association Alliance Vita et l’association Juristes pour l’enfance, Association Pharmac’éthique, req. n° 440216, 440317

L’arrêté en litige permet la réalisation d’une IVG au-delà du délai de cinq semaines de grossesse prévu à l’article R. 2212-10 du code de la santé publique ainsi que la prescription par téléconsultation des médicaments nécessaires à la réalisation d’une IVG médicamenteuse.

Le juge des référés du Conseil d’État a relevé que le protocole validé par la Haute Autorité de santé permettant pour les IVG par voie médicamenteuse pratiquées jusqu’à la septième semaine de grossesse « est conforme aux principales recommandations nationales et internationales émises par les sociétés savantes de gynécologues et d’obstétriciens et qu’elles sont dans plusieurs pays mises en œuvre en dehors d’un établissement de santé ». Par ailleurs, les dispositions contestées, en ce qu’« elles permettent le recours à des téléconsultations en matière d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse, sont de nature à contribuer à la diminution de la circulation du covid-19 et, dès lors, à ce que la catastrophe sanitaire prenne fin ».

Les associations requérantes soutenaient également que les dispositions contestées exposent les femmes à des risques pour leur santé alors qu’elles ne sont pas prises en charge pour leur interruption volontaire de grossesse dans un établissement de santé. Cet argument est également écarté par le juge des référés qui relève que le médecin ou la sage-femme prescrivant une IVG par voie médicamenteuse « doit informer la femme sur les mesures à prendre en cas de survenance d’effets secondaires, lui prescrire un traitement analgésique approprié et l’informer de ce qu’en cas de toute difficulté, elle peut se rendre à tout moment dans un établissement de santé conventionné dont il lui remet les coordonnées ».

Auteur d'origine: pastor

Les avocats vont désormais pouvoir recevoir plus facilement les copies numérisées des dossiers pénaux. À la mi-mai, le Conseil national des barreaux (CNB) a salué la signature avec la Chancellerie d’un protocole en ce sens, qui suivait la finalisation, à la fin avril, d’un premier protocole sur la communication électronique pénale. « Grâce à ces protocoles, nous pourrons demander et obtenir une copie numérique, et nous voir notifier numériquement les actes prévus par l’article 803-1 du code de procédure pénale », se félicite Me Vincent Penard, vice-président de la commission libertés et droits de l’homme du CNB.

Si l’envoi par mail d’un dossier pénal numérisé était déjà possible, l’exercice était compliqué en cas de pièces jointes trop volumineuses. La nouvelle plateforme, appelée Plex, un mix d’une messagerie et d’un service de téléchargement, va permettre l’envoi de fichiers pouvant atteindre un giga-octet. « Tout ce qui peut rendre l’accès au dossier plus rapide et facile est bon à prendre, même si cela fait longtemps que je reçois tous mes dossiers pénaux sous format dématérialisé », remarque un avocat lorrain. Toutes les robes noires ne feront pas la fine bouche. Exemple avec ce juriste qui demandait un renvoi le 11 mai, le jour du déconfinement à l’une des chambres correctionnelles du tribunal judiciaire de Paris, faute d’avoir pu avoir accès au dossier de son client pendant le confinement.

Alors que le protocole sur la communication électronique pénale était discussion depuis deux ans, il n’a fallu, de source avocat, qu’une poignée de semaines durant le confinement pour que les parties trouvent finalement un terrain d’entente. Mais si la crise sanitaire a boosté ce dossier, elle a cependant avant tout mis en lumière le retard inquiétant pris par la justice française sur le numérique. « C’est bien parce que la transformation numérique du ministère a été initiée en 2018 que la justice a pu continuer à travailler durant le confinement, défend Haffide Boulakras, le directeur de programme Procédure pénale numérique, place Vendôme. Sans ce plan, la justice aurait été en arrêt total. » L’Hexagone part de loin. Dans le tableau de bord 2019 de la justice dans l’Union européenne, la France est ainsi classée dix-neuvième sur vingt-huit pays en matière de disponibilité de moyens électroniques.

Auteur d'origine: babonneau
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Les faits de l’espèce sont extrêmement simples : un salarié refuse une rétrogradation disciplinaire, proposée après un entretien préalable. L’employeur, prenant en considération ce refus, substitue à cette sanction une mise à pied disciplinaire.

Le salarié sollicite l’annulation de la mise à pied disciplinaire et de rappel de salaires et de dommages-intérêts à ce titre au motif que, lorsque le salarié refuse une mesure de rétrogradation disciplinaire notifiée après un premier entretien préalable, l’employeur qui envisage de prononcer une autre sanction disciplinaire ayant une incidence sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié au lieu de la sanction refusée doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien. Ainsi, faute d’avoir été convoqué à ce nouvel entretien, la nouvelle sanction substituée doit être annulée selon le travailleur.

La cour d’appel balaye l’argumentation, retenant que l’employeur n’a aucune obligation de procéder à un nouvel entretien préalable.

Pour rappel, l’article L. 1332-2 du code du travail dispose que l’employeur qui envisage de prendre une sanction convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié.

Il est également constant que l’employeur ne peut imposer au salarié une modification de son contrat de travail à titre disciplinaire, telle une rétrogradation (Soc. 17 juin 2009, n° 07-44.570 P, Dalloz actualité, 30 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1765, obs. S. Maillard ).

En effet, dans cette hypothèse, il doit notifier au salarié la proposition d’une telle sanction et l’informer de sa faculté d’accepter ou de refuser cette mesure (Soc. 28 avr. 2011, n° 09-70.619 P, Dalloz actualité, 16 mai 2011, obs. J. Siro).

Si le salarié refuse la sanction, l’employeur a le choix : soit il abandonne son projet disciplinaire, soit il est en droit de prononcer une autre sanction (v. Soc. 16 juin 1998 n° 95-45.033 P, D. 1999. 125 , note C. Puigelier ; ibid. 171, obs. M.-C. Amauger-Lattes ; ibid. 359, chron. J. Mouly ; Dr. soc. 1998. 803, rapp. P. Waquet ; ibid. 1999. 3, note C. Radé  ; 15 juin 2000, nº 98-43.400 ; 7 juill. 2004, n° 02-44.476 P ; 11 févr. 2009, n° 06-45.897 P, Dalloz actualité, 24 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1738, obs. S. Maillard , note J. Mouly ).

L’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de la prescription de deux mois prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail et le refus du salarié interrompt ce délai (Soc. 28 avr. 2011, n° 10-13.979 P, Dalloz actualité, 20 mai 2011, obs. J. Siro ; D. 2011. 1290  ; 15 janv. 2013, n° 11-28.109 P, Dalloz actualité, 1er févr. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 255 ; Dr. soc. 2013. 277, obs. J. Mouly ; ibid. 576, chron. S. Tournaux ).

La question posée à la haute juridiction était donc de déterminer si l’employeur devait, à nouveau, convoquer le salarié à un entretien préalable avant de prononcer la nouvelle sanction, une mise à pied disciplinaire en l’occurrence.

Il convient de relever que la jurisprudence précitée ne concernait que des licenciements prononcés après le refus du salarié d’accepter une sanction disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail.

On peut cependant remarquer que ces arrêts ne précisent nullement que l’autre sanction pouvant être prononcée par l’employeur en cas de refus de celle entraînant une modification du contrat de travail ne peut être qu’un licenciement.

En tout état de cause, il existait à la lumière de ces décisions un impératif de réitération de l’ensemble de la procédure disciplinaire lorsque le salarié refusait la première proposition de sanction.

Le moyen n’était donc pas dépourvu de pertinence.

La Cour de cassation n’a, semble-t-il, pas été convaincue par l’argumentation du salarié, puisqu’elle pose dans un attendu de principe que, « lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l’employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu’un licenciement, n’est pas tenu de convoquer l’intéressé à un nouvel entretien préalable ».

En d’autres termes, si le licenciement avait été la sanction substituée, on comprend que le second entretien préalable aurait été nécessaire. La Cour de cassation opère clairement une distinction selon que la seconde sanction envisagée est une mesure de licenciement, ou non. Tel est l’enseignement de l’arrêt commenté.

Toutefois, il ne faut pas oublier que si le second entretien apparaît nécessaire en matière de licenciement, l’absence de tenue dudit entretien n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 16 sept. 2015, n° 14-10.325 P, D. 2015. 1900 ; Dr. soc. 2015. 939, obs. J. Mouly ).

Si la décision apparaît stricte, il ne peut toutefois être nié que l’intérêt d’un second entretien préalable est difficilement perceptible, le premier ayant déjà rempli sa fonction, à savoir informer le salarié des faits reprochés.

Auteur d'origine: Dechriste

L’article premier de la loi simple prévoit un transfert de dette de 136 milliards d’euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). Ces 136 milliards d’euros permettront d’éponger 31 milliards d’euros de déficits cumulés non repris constatés au 31 décembre 2019. Les 92 autres milliards sont des déficits futurs pour la période 2020-2023 des branches maladie, vieillesse et famille du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse et de la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles. Cette provision permettra aussi de couvrir les efforts en faveur de l’investissement dans les établissements publics de santé.

Par ailleurs, la loi organique repousse la date de fin de remboursement de la dette sociale, estimée précédemment par la CADES à 2024, à fin 2033. Ceci permettra à la CADES de s’endetter dès aujourd’hui à long terme.
Pour financer la dépendance, l’article 3 de la loi simple prévoit un transfert de 0,15 point de CSG (2,3 milliards d’euros), entre la CADES et la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).

Enfin, l’article 4 de la loi simple prévoit que le gouvernement devra remettre d’ici fin septembre un rapport « sur les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées ». Le serpent de mer de la cinquième branche, pourrait commencer à être structuré à l’automne lors des débats sur la loi de financement de la sécurité sociale 2021.

Auteur d'origine: babonneau
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Dans le sillage des premières condamnations en référé d’entreprises comme La Poste ou Amazon France pour le non-respect des mesures de prévention liées à l’épidémie de covid-19 (v. TJ Nanterre, 14 avr. 2020, n° 20/00503, Dalloz actualité, 20 avr. 2020, obs. L. Malfettes, puis Versailles, 24 avr. 2020, n° 20/01993), c’est au tour de Renault d’être attraite devant le juge de l’urgence pour répondre des mesures mises en place pour poursuivre son activité en dépit de la pandémie de covid-19 qui touche le pays.

L’usine de Sandouville du groupe automobile, à l’arrêt depuis le début du confinement, avait élaboré un projet portant sur les modalités organisationnelles de l’activité en vue de la reprise de production pendant l’épidémie de covid-19.

Les modalités de fond et de forme de cette démarche suscitèrent une réaction des syndicats du site dont l’un d’eux saisit le juge des référés. Les représentants du personnel n’avaient été qu’informés, et non formellement consultés selon le syndicat. Par ailleurs, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) du site de l’établissement Renault Sandouville n’avait pas été convoquée, alors pourtant qu’il s’agissait d’un projet important modifiant les conditions de travail. L’entreprise n’aurait pas remis l’ensemble des documents nécessaires à l’avis éclairé du comité social et économique (CSE), et il était encore reproché à la société d’avoir convoqué la CSSCT à une réunion postérieurement à celle du CSE d’établissement, alors qu’un accord d’entreprise prévoyait la saisine préalable de la CSSCT centrale et des commissions de chaque établissement pour « étude et préparation de la consultation du CSE » lorsqu’un projet a un impact important en matière de santé, sécurité et conditions de travail.

Le juge des référés saisi a reconnu la carence de l’entreprise dans ces modalités d’information-consultation des représentants du personnel et sur certains autres points.

Le juge a relevé l’irrégularité de la convocation des membres du CSE, dans la mesure où plusieurs membres de l’instance ont affirmé ne pas avoir connaissance de l’existence d’une adresse mail professionnelle à leur nom ou ne pas y avoir eu accès depuis leur domicile, de sorte que leur convocation ne leur a pas été remise de manière effective.

Aucun document n’avait par ailleurs été remis s’agissant des modalités organisationnelles relatives à la santé et la sécurité des salariés de l’usine, l’entreprise s’étant contentée de transmettre un document PowerPoint consacré aux modalités organisationnelles de la reprise d’activité.

Il est encore reproché à Renault le fait que le CSE n’ait pas été associé à la préparation des actions préventives et à l’évaluation des risques que la société a menée, celle-ci s’étant bornée à créer des commissions paritaires ad hoc pour gérer la crise sanitaire et y associer les représentants du personnel.

Le CSE n’a pas été consulté préalablement à la mise à disposition des équipements de protection individuelle (EPI). Ce dernier n’a pas non plus été préalablement consulté sur les programmes de formation à la sécurité à mettre en place à destination des salariés. L’entreprise va ainsi se voir condamnée à consulter le CSE préalablement à la mise à disposition des EPI, et après lui avoir remis les notices d’instruction, sur les conditions dans lesquelles ces équipements sont mis à disposition et utilisés, ainsi qu’à mettre en place une formation pratique (et non seulement théorique) préalable à la reprise de poste, formation dont elle ne rapportait pas la preuve.

L’évaluation des risques va aussi être jugée insuffisante en ce qu’elle a été faite au global à l’échelle de l’ensemble du groupe, mais n’a pas fait l’objet d’une déclinaison spécifique adaptée à la situation particulière de l’usine. Les risques psychosociaux ont par ailleurs été insuffisamment pris en compte dans l’évaluation globale des risques induits par la crise sanitaire.

Enfin, la juridiction va relever – à l’instar du juge des référés de Nanterre sur le cas d’Amazon – la nécessité de modifier tous les plans de préventions et protocoles de sécurité applicables dans l’usine pour tenir compte du risque lié au covid-19 après information du CSE.

Cette décision du juge des référés s’inscrit dans le droit fil des précédentes décisions rendues en référé sur l’application des mesures de sécurité liées à la propagation du covid-19 dans les entreprises. La solution vient confirmer les enseignements qui apparaissaient déjà clairement dans la décision rendue à propos de Amazon. Les entreprises devront veiller à respecter scrupuleusement la réglementation en matière de consultation du CSE.

En particulier, l’employeur devra veiller à la régularité de la convocation de ses membres (s’il entend y procéder par voie électronique, il lui faudra s’assurer de la possession par ceux-ci d’une adresse mail professionnelle accessible depuis leur domicile et s’aménager la preuve de la réception effective de la convocation). Aussi devra-t-il respecter la procédure d’information/consultation légale, complétée le cas échéant par celle prévue par accord collectif, et recueillir le cas échéant l’avis et les travaux préalables de la CSSCT, comme l’illustre le cas d’espèce. Cela rejoint l’exigence d’une transmission d’information complète comportant tous les documents nécessaires au CSE, préalable nécessaire pour rendre un avis éclairé sur un projet de reprise progressive d’activité, condition à laquelle un simple document PowerPoint semble difficilement pourvoir (v. déjà sur la transmission d’un PowerPoint de cinq pages au CHSCT jugée insuffisante, CE 29 juin 2016, n° 386581, Astérion France (Sté), Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ).

Aussi, l’employeur ne pourra se contenter d’une évaluation des risques artificielle, en particulier quant aux risques psychosociaux, le contrôle opéré par le juge des référés apparaissant – à l’aune des dernières décisions – relativement strict, en atteste encore la décision présentement commentée.

En conséquence, les juges vont annuler la réunion du CSE ainsi que tout acte ou décision pris lors de celle-ci, inviter l’entreprise à reprendre ab initio la procédure d’information consultation du CSE, suspendre le projet le temps de la régularisation de cette procédure et de la mise en place de mesures effectives et enjoindre l’entreprise à procéder à une évaluation des risques plus complète, en retranscrire les résultats sur le document unique, mettre en œuvre les actions de prévention et méthode de travail adaptée tout en y associant les représentants du personnel. La condamnation s’est accompagnée d’une astreinte de 3 000 € par infraction constatée et par jour de retard.

Auteur d'origine: Dechriste
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La faculté du comité social et économique de se faire assister par un expert-comptable ou un expert habilité (C. trav., art. L. 2315-78 et s.) était auparavant octroyée au comité d’entreprise, notamment dans le cadre de l’examen annuel des comptes (C. trav., anc. art. L. 2325-35 s.). Cette faculté est également reconnue par la Cour de cassation au bénéfice des différents comités d’établissement (Soc. 16 janv. 2019, n° 17-26.660, D. actu., 8 févr. 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 133 ; RDT 2019. 344, obs. L. Millet ; Rev. sociétés 2019. 418, obs. B. Saintourens ; 11 sept. 2019, n° 18-14.993). La mission de cet expert est d’assister le comité ; elle porte « sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise » (C. trav., anc. art. L. 2325-36). L’arrêt commenté, rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 25 mars 2020, concerne précisément les informations et documents pouvant être sollicités par un comité d’établissement afin de permettre à l’expert de remplir sa mission.

En l’espèce, le comité d’établissement de Guyane de la société EDF France avait voté le 21 janvier 2015 le recours à un expert-comptable pour l’assister dans l’examen des comptes de 2014 et des comptes prévisionnels pour 2015 de l’établissement, dans le cadre de l’examen annuel des comptes de l’entreprise. Le 10 mai 2016, ce comité a saisi le président du tribunal de grande instance d’une demande de communication de documents complémentaires. L’expert missionné par le comité est intervenu volontairement à la procédure. La cour d’appel de Paris, le 8 juin 2018, a débouté le comité d’établissement de ses différentes demandes. Ce dernier a formé un pourvoi en cassation.

Le comité sollicitait notamment la communication d’éléments relatifs à la rémunération des agents de l’établissement pour les années 2009 à 2011, ainsi que des éléments relatifs aux commandes passées par la société, avec des précisions relatives à l’activité concernée, au domaine d’achats et au segment d’achats, et ce pour les douze fournisseurs identifiés pour la période 2008 à 2011. Au moyen de son pourvoi, le comité arguait que l’expert-comptable devait déterminer seul les documents utiles à l’exercice de sa mission. Il reprochait à la cour d’appel d’avoir considéré que les documents demandés excédaient les pouvoirs de l’expert et d’avoir décidé que la communication des documents au comité et à l’expert était limitée aux informations contenues dans la base de données économiques et sociales (BDES). Ce faisant, elle aurait violé les articles L. 2325-35 et suivants du code du travail en vigueur, relatifs aux missions de l’expert, ainsi que les articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du même code, relatifs au contenu de la BDES.

C’est sur le dernier point que s’est essentiellement prononcée la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 26 mars 2020 : l’expert-comptable chargé d’accompagner le comité d’établissement dans l’examen des comptes de l’entreprise, peut-il demander la communication de documents et informations qui n’ont pas à être intégrés dans la BDES ?

Aux termes de l’article L. 2323-7-2 du code du travail en vigueur au moment des faits, une base de données économiques et sociales, régulièrement mise à jour, constituait un corpus d’informations que l’employeur mettait à disposition des institutions représentatives du personnel, accessible en permanence aux membres de ces IRP ainsi qu’aux délégués syndicaux. Parmi ces informations figuraient celles relatives aux investissements (investissement social, matériel et immatériel) ou à l’ensemble des éléments de la rémunération des salariés et dirigeants (pour plus de précisions, v. C. trav., anc. art. R. 2323-1-3 s.). L’article R. 2323-1-5 alors applicable précisait que « les informations figurant dans la base de données port[aient] sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et, telles qu’elles [pouvaient] être envisagées, sur les trois années suivantes ». La transmission de ces informations aux représentants du personnel via la BDES leur permettait d’exercer utilement leurs compétences (C. trav., anc. art. R. 2323-1-7). La BDES est désormais mise à la disposition des membres du CSE : son organisation, son architecture, son contenu et ses modalités de fonctionnement sont prévus par un accord d’entreprise (C. trav., art. L. 2312-12) ou, à défaut, par des dispositions supplétives (C. trav., art. L. 2312-36).

Pour écarter le moyen précédemment exposé, la Cour de cassation décide « qu’il résulte des dispositions des articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, alors applicables, que l’employeur remplit son obligation de communiquer les pièces utiles à la consultation annuelle sur les comptes, dès lors qu’il met à la disposition du comité d’entreprise, et par suite de l’expert désigné par ce dernier, le détail des éléments de rémunération ou des éléments concernant les fournisseurs relatifs à l’année qui fait l’objet du contrôle et aux deux années précédentes ». Or, le contrôle portait en l’espèce sur les comptes des années 2014 et 2015, tandis que les documents demandés concernaient les années 2008 à 2011.

Il résulte de cette décision que l’expert ne pouvait exiger la communication d’informations et de documents que l’employeur n’avait pas à communiquer au comité d’entreprise. Si l’expert détermine seul les documents utiles qu’il souhaite consulter (Soc. 8 janv. 1997, n° 94-21.475, D. 1997. 34 ; 5 févr. 2020, n° 18-24.174) et a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes (C. trav., anc. art. L. 2323-37 ; v. C. com., art. L. 823-13), il ne peut exiger la production et la communication de documents dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise (Soc. 27 mai 1997, n° 95-21.882). Or, en déterminant que les informations de la BDES portaient sur les deux années précédentes, la loi précisait les éléments qui devaient être considérés comme utiles à la réalisation des missions du comité d’entreprise et devant être produits par l’employeur en vue de la consultation de celui-ci sur les comptes de l’entreprise. Par extension, ces dispositions s’appliquaient également à l’expert chargé d’assister le comité dans l’exercice de ses missions.

Par ailleurs, le comité sollicitait également la communication d’informations relatives au calcul de son budget de fonctionnement pour 2014 et 2015. Pour rejeter sa demande, les juges du fond ont considéré qu’elles ne relevaient pas de l’expertise en vue de l’examen annuel des comptes organisé par l’article L. 2325-35 du code du travail alors en vigueur. Au moyen du pourvoi, le comité d’établissement avançait que la mission de l’expert-comptable portait sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation économique de l’établissement dans l’entreprise. Selon lui, les éléments de calcul de la subvention de fonctionnement dont il bénéficiait constituaient des données pertinentes à cette fin.

Cet argument n’a pas convaincu la Cour de cassation, qui valide le raisonnement des juges du fond ayant retenu « qu’aucune consultation n’étant prévue sur le montant des subventions versées chaque année au comité d’établissement, la contestation de ce montant supposait, dans le cadre d’une procédure en référé, que les conditions prévues par les articles 808 et 809 du code de procédure civile [urgence ou nécessité de prévenir un dommage ou de faire cesser un trouble manifestement illicite] soient remplies, ce qui n’était pas le cas en l’espèce puisque la demande avait été formée à l’occasion de la consultation sur les comptes annuels de la société sans que soient invoqués de motifs précis à l’appui de la demande ». Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence selon laquelle les documents demandés par l’expert doivent avoir un lien avec la mission qui lui a été confiée, les juges étant compétents pour contrôler l’existence de ce lien (Soc. 14 mars 2006, n° 05-14.148 ; 12 sept. 2013, n° 13-12.200, D. actualité, 24 sept. 2013, obs. W. Fraisse ; D. 2013. 2599, chron. P. Lokiec et J. Porta ).

Auteur d'origine: Dechriste

Le représentant de l’État avait pris, le 14 avril, un arrêté soumettant, entre le 16 avril et le 11 mai, toute personne, à l’exception des fonctionnaires de l’État arrivant en renfort et des personnels de santé, entrant par voie aérienne en Guadeloupe en provenance de Paris, Fort-de-France ou Cayenne, hors cas de transit, à une quarantaine stricte d’une durée de quatorze jours dans une structure d’hébergement hôtelière, tout déplacement en dehors du lieu d’hébergement étant strictement interdit. L’ordre des avocats au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy a fait appel de l’ordonnance du juge des référés de la Guadeloupe qui n’avait pas estimé constituée une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales.

Le juge des référés du Conseil d’État rejette la requête. La mesure prise par le préfet n’est pas excessive dès lors qu’il n’apparaît pas « que la mise en quarantaine dans un lieu d’hébergement hôtelier dédié décidée, pour une durée limitée, par l’arrêté contesté du préfet de la Guadeloupe en date du 14 avril 2020 serait, eu égard aux exigences tenant à la sauvegarde de la santé de la population, inadaptée ou disproportionnée au regard de l’objectif de sauvegarde de la santé publique et porterait une atteinte manifestement illégale à la liberté d’aller et venir ou au droit de mener une vie familiale normale ». Pour autant, précise le juge, il incombe aux autorités administratives compétentes « de veiller au suivi sanitaire des personnes placées en quarantaine dans les lieux d’hébergement dédiés ».

Auteur d'origine: pastor

L’EU-OSHA est l’Agence d’information de l’Union européenne en matière de sécurité et de santé au travail. Elle contribue au cadre stratégique de l’Union européenne en matière de santé et de sécurité au travail (2014-2020) et a précédemment publié des conseils à suivre sur le lieu de travail (guidance for workplaces) au début de l’épidémie.

Dépourvues d’effet obligatoire, ces nouvelles lignes directrices entendent fournir des conseils et des outils aux employeurs et aux travailleurs pour préserver la sécurité et la santé dans un environnement professionnel qui a considérablement changé en raison de la pandémie.

Elles traitent en détail de :

l’évaluation des risques et mesures appropriées : réduire au minimum l’exposition au covid-19 ; reprendre le travail après une période de fermeture ; faire face à un fort taux d’absence ; gérer les travailleurs en télétravail.impliquer les travailleurs ;prendre soin des travailleurs qui ont été infectés par la maladie ;planifier et tirer des enseignements pour le futur ;rester bien informé ;informations relatives aux secteurs et aux professions.

Ces lignes directrices incluent des exemples de mesures générales qui, en fonction de la situation professionnelle particulière, peuvent aider les employeurs à mettre en place un environnement de travail sûr et sain en vue de la reprise des activités.

Celles-ci sont par ailleurs complétées par des lignes directrices par secteur).

Auteur d'origine: ccollin

Ce texte contient des demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances sur des sujets très divers.

Le premier article vise notamment à permettre le report ou la prolongation de nombreuses mesures qui devaient entrer en vigueur (loi Économie circulaire) ou qui devaient expirer (loi Renseignement, SILT) dans l’année 2020. Les mandats, sauf issus d’élections politiques, pourront tous être prolongés, tout comme la durée de mandat des conseillers de prud’hommes.

Sur la justice, deux nouvelles ordonnances sont prévues : une en matière criminelle (extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales), l’autre en matière délictuelle et contraventionnelle (permettant aux procureurs de la République de réorienter les procédures).

Le texte prévoit aussi des ordonnances pour assouplir l’activité partielle ou le recours aux CDD (par convention d’entreprise). Il contient également des mesures faisant suite à l’annulation des saisons sportives. Le dernier article est consacré aux conséquences du Brexit et de l’accord transitoire.

Auteur d'origine: babonneau
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L’annulation d’une décision d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’eploi (PSE) peut être génératrice d’incertitude quant à l’étendue de l’indemnisation à laquelle peut prétendre le salarié concerné par le plan. Cette incertitude est d’autant plus grande lorsque celle-ci intervient dans un contexte de liquidation judiciaire. Elle peut aussi amener à se questionner sur le point jusqu’où peut aller le juge judiciaire dans son contrôle concernant l’appréciation desdites indemnités.

C’est précisément sur ces questions que l’arrêt du 25 mars 2020 vient apporter des éclaircissements.

En l’espèce, une société a été placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur a fixé unilatéralement le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, qui fut homologué par l’administration. Onze salariés ont accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui leur avait été proposé dans ce cadre, avant que la décision d’homologation ne se voit annulée par un arrêt de la cour d’appel administrative.

Les salariés intéressés ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, estimant que le licenciement prononcé dans le cadre d’une liquidation judiciaire en l’absence de plan de sauvegarde de l’emploi, ou en l’état d’un plan insuffisant, est sans cause réelle et sérieuse.

Les juges du fond déboutèrent les salariés de leur demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, au motif que – dans l’hypothèse d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire – le code du travail ne prévoit pas « dans le cas notamment de l’annulation d’une décision d’homologation du document fixant le plan de sauvegarde de l’emploi […] que le licenciement doit être déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse », les conséquences de l’annulation de l’homologation d’un PSE devant se limiter à l’indemnisation du salarié licencié, l’indemnité mise à la charge de l’employeur ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Dans la mesure où il était question d’une annulation de la décision d’homologation, la cour d’appel en a déduit que le licenciement « n’est ni sans cause réelle et sérieuse ni assimilable à un licenciement sans cause réelle et sérieuse », de sorte que les intéressés ne sauraient prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis.

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation confirme la décision des juges du fond, l’article L. 1233-58, II, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoit qu’en cas de licenciement intervenu dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, et en l’absence de toute décision relative à la validation ou à l’homologation d’un PSE ou en cas d’annulation de celle-ci, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, cette indemnité étant due quel que soit le motif d’annulation de la décision.

Les hauts magistrats précisent que l’annulation de la décision administrative ne prive pas les licenciements économiques intervenus à la suite de cette décision de cause réelle et sérieuse, de sorte qu’est infondée une demande paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents fondée sur l’absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de leur contrat de travail, intervenue à la suite de l’acceptation d’un contrat de sécurisation professionnelle.

Cette solution vient confirmer la ligne jurisprudentielle précédemment dessinée tout en lui apportant une précision de taille. Il avait en effet déjà été jugé que, selon l’article L. 1233-58, II, du code du travail, en cas de licenciements intervenus dans une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire en l’absence de toute décision de validation ou d’homologation de PSE ou en cas d’annulation d’une telle décision, le juge octroie une indemnité d’au moins six mois de salaire, et ceci quel que soit le motif d’annulation. La Cour avait alors précisé qu’en l’absence de disposition expresse contraire, cette indemnité se cumulait avec l’indemnité de licenciement (Soc. 19 déc. 2018, n° 17-26.132, D. 2019. 19 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ). Il n’était dès lors pas exclu de penser qu’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents aurait par ailleurs pu être revendiquée. Telle n’est toutefois pas la solution retenue, accentuant la spécificité du régime applicable en matière de procédure collective.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs l’inapplicabilité de l’article L. 1235-16, qui prévoit la possibilité de réintégration du salarié dans l’hypothèse d’une annulation pour un motif autre que l’insuffisance du plan, et accentue de la sorte la césure existant entre les entreprises en procédure collective et celles in bonis, régime spécifique dont on rappellera qu’elle avait été jugée conforme à la Constitution (Cons. const. 13 avr. 2012, n° 2012-232 QPC, Constitutions 2012. 334, obs. C. Radé ).

La chambre sociale va toutefois casser l’arrêt d’appel sur une question – relevée d’office – de compétence juridictionnelle, au visa des articles L. 1235-7-1 du code du travail et 76 du code de procédure civile, et de la loi des 16-24 août 1790.

La haute juridiction rappelle que, lorsque l’administration est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, elle doit, sous le contrôle du juge administratif, vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables (C. trav., art. L. 1233-57-3). Le respect du principe de la séparation des pouvoirs s’oppose alors à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l’employeur de stipulations conventionnelles dont il est soutenu qu’elles s’imposaient au stade de l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi, la vérification du contenu dudit plan relevant de l’administration sous le contrôle du juge administratif.

Les requérants avaient en effet invité le juge judiciaire à se prononcer sur le droit à des indemnités supplémentaires qu’ils tireraient d’une lecture combinée du contenu du PSE et de celui d’un protocole d’accord de méthode antérieurement conclu. Pour la chambre sociale, suivant une interprétation stricte de la ligne dessinée par le Conseil d’État (v. en part. CE 22 juill. 2015, n° 383481, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; ibid. 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ), il n’appartenait pas au juge judiciaire de se prononcer sur une telle demande dans la mesure où, sous le couvert de demandes tendant à obtenir l’exécution des engagements énoncés dans le cadre de cet accord, les salariés contestaient le contenu du PSE, dont le contrôle relève de la seule compétence de la juridiction administrative.

Auteur d'origine: Dechriste
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Introduit simultanément dans le code pénal et dans le code du travail en 1992, le harcèlement sexuel dépasse le simple cadre de la relation de travail salariée. Au-delà des enjeux tenant à la santé et à la sécurité du salarié, le harcèlement sexuel est une incrimination pénale à part entière. Lorsqu’un salarié estime être victime de harcèlement sexuel, plusieurs recours s’offrent donc à lui. D’un côté, un recours devant le conseil des prud’hommes dès lors que le harcèlement intervient dans le cadre de l’exécution du contrat de travail. De l’autre, un recours devant les juridictions pénales engagé à l’encontre de l’auteur du harcèlement sexuel.

Cette double possibilité pose nécessairement la question de l’articulation des procédures initiées. À cet égard, l’arrêt de la chambre sociale du 25 mars 2020 n’est pas dénué d’intérêt.

En l’espèce, une assistante dentaire en contrat de professionnalisation avait saisi le conseil des prud’hommes en octobre 2015 afin de contester son licenciement pour faute grave, survenu deux ans plus tôt. Estimant avoir été victime de harcèlement sexuel, la salariée avait parallèlement initié une procédure devant le juge pénal. Le 28 juillet 2016, le tribunal correctionnel d’Angers relaxait l’employeur poursuivi pour harcèlement sexuel. En septembre 2018, la cour d’appel saisie à la suite du contentieux prud’homal, caractérisait l’existence d’un harcèlement sexuel et prononçait la nullité du licenciement.

Estimant que la cour d’appel avait méconnu le principe d’autorité de la chose jugée au pénal sur l’action civile, l’employeur forme un pourvoi en cassation. Dès lors que le tribunal correctionnel l’avait relaxé des fins de poursuites de harcèlement sexuel, la cour d’appel ne pouvait selon lui se soustraire à l’appréciation des faits ainsi opérée par le juge pénal.

En mobilisant conjointement l’ancien article 1351 du code civil – actuel article 1355 – et l’article 480 du code de procédure civile, la Cour de cassation rejette le pourvoi. Sans occulter le principe d’autorité de la chose jugée au pénal, la chambre sociale rappelle que « la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail, tels que définis à l’article L. 1153-1, 1°, du code du travail, ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel ». Dès lors que « le jugement de relaxe du tribunal correctionnel était fondé sur le seul défaut d’élément intentionnel », « la décision du juge pénal, qui s’est borné à constater l’absence d’élément intentionnel, ne privait pas le juge civil de la possibilité de caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur ».

Le principe de primauté du pénal sur le civil est bien connu de tous. Si l’on s’en tient à la formule régulièrement mobilisée par la jurisprudence et invoquée à l’appui du pourvoi, « l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s’attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé » (Civ. 1re, 24 oct. 2012, n° 11-20.442, D. 2013. 68 , note N. Rias ; RTD civ. 2013. 87, obs. J. Hauser ). C’est néanmoins oublier que le régime de la preuve du harcèlement sexuel est différent selon que la procédure a été introduite devant le juge civil ou pénal. Si les définitions du harcèlement sexuel données respectivement par le code du travail et le code pénal sont relativement proches (C. trav., art. L. 1153-1 ; C. pén., art. 222-33), le système probatoire est quant à lui sensiblement différent.

Devant les juridictions pénales, il appartient au salarié de démontrer l’existence d’un élément matériel, à savoir la répétition de propos ou comportements à connotation sexuelle ou des pressions graves exercées dans le but d’obtenir un acte de nature sexuel. En parallèle, le salarié doit apporter la preuve d’un élément intentionnel, étant entendu qu’« il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (C. pén., art. 121-3). L’auteur des faits délictueux doit clairement avoir la volonté d’imposer son comportement à la victime, générant par là-même une situation intimidante, hostile ou offensante. Devant le conseil des prud’hommes, il est simplement attendu du salarié qu’il réunisse des éléments laissant présumer l’existence d’un harcèlement. Dès lors, il incombe à la partie défenderesse de prouver que les agissements en cause ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs et légitimes. Dans cette hypothèse, le salarié n’a donc pas à prouver que les manœuvres ont été menées en toute connaissance de cause.

Dans le cas présent, l’employeur avait été relaxé au pénal faute pour la salariée d’avoir pu caractériser l’élément moral. Néanmoins, les éléments mis en lumière par la salariée à l’occasion du contentieux prud’homal ont été jugés suffisants pour établir l’existence d’une situation de harcèlement sexuel. Dans la mesure où le jugement de relaxe du tribunal correctionnel était fondé sur le seul défaut d’élément intentionnel et que la caractérisation de faits de harcèlement sexuel en droit du travail (C. trav., art. L. 1153-1) ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, le juge civil avait toute latitude pour caractériser des faits de harcèlement sexuel de la part de l’employeur.

En appréciant librement les faits qui lui ont été soumis, la cour d’appel pouvait donc prononcer la nullité du licenciement de la salariée victime de harcèlement sexuel.

Auteur d'origine: Dechriste
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Les faits de l’espèce sont relativement simples.

Une banque avait sollicité auprès de l’inspecteur du travail l’autorisation de licencier un salarié, par ailleurs détenteur de multiples mandats de représentant du personnel (délégué syndical, délégué titulaire du personnel, membre suppléant du comité d’entreprise fédéral et de membre du comité fédéral d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Cette demande était fondée sur deux motifs : le premier disciplinaire, en raison de la consultation des comptes bancaires d’un client de la banque sans nécessité professionnelle et du comportement du salarié à l’égard de ce client, et un second tiré du trouble objectif que le détournement de fonds, réalisé par l’intéressé au détriment de son organisation syndicale, avait provoqué dans le fonctionnement de l’entreprise.

Sans revenir sur une procédure administrative longue et complexe, il ressort en l’espèce qu’en dernier lieu, l’inspection du travail avait refusé d’autoriser le licenciement du salarié par décision du 23 mai 2013. Par décision du 21 novembre 2013, le ministre du travail avait confirmé cette décision en ce qu’elle avait estimé que le motif disciplinaire n’était pas établi, mais l’avait annulée en considérant que le détournement de fonds reproché au salarié constituait un trouble manifeste dans le fonctionnement de l’entreprise. Le tribunal administratif de Strasbourg avait finalement annulé la décision du ministre du travail par jugement du 21 avril 2016, et la cour d’appel administrative de Nancy avait confirmé ce jugement par un arrêt du 28 décembre 2017.

Il ressort donc de la procédure que le motif du licenciement qui demeurait dans le débat n’était plus disciplinaire mais tiré d’un prétendu détournement de fonds que le salarié aurait effectué en dehors de l’exécution de son contrat de travail.

Or, pour mémoire, la possibilité de licencier un salarié pour des faits commis en dehors de l’exécution du contrat de travail est restreinte et s’apprécie selon les mêmes conditions que les faits liés à l’exécution du mandat. Si les agissements du salarié, étrangers à la vie professionnelle, ne peuvent justifier un licenciement disciplinaire, la Cour de cassation admet qu’ils puissent néanmoins justifier un licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse si un trouble caractérisé en est résulté, tenant notamment à la finalité de l’activité et aux fonctions du salarié et ayant eu des répercussions sur la bonne marche de l’entreprise (Soc. 9 juill. 2002, n° 00-45.068, Dalloz jurisprudence). C’est également le sens de la jurisprudence administrative (CE 4 juill. 2005, n° 272193, Lebon ; AJDA 2005. 2031 ; 15 déc. 2010, n° 316856, Lebon ; AJDA 2011. 527 ; D. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 99, concl. G. Dumortier ; ibid. 116, obs. P. Adam ). Il appartient, dans cette hypothèse, à l’employeur « d’établir que les répercussions effectives du comportement du salarié sur le fonctionnement de l’entreprise sont, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables à son contrat de travail, de nature à justifier son licenciement » (CE 29 juin 2016, n° 387412, Dalloz actualité, 20 juill. 2016, obs. M. Peyronnet ; Lebon ; AJDA 2016. 2142 ). L’administration précise également dans une circulaire du 30 juillet 2012 que, « si le critère des fonctions professionnelles occupées par le salarié figure au nombre des éléments à prendre en compte, c’est bien le trouble objectif résultant de l’agissement commis par le salarié mis en cause qui constitue le critère décisif sur lequel doit se fonder, en premier lieu, l’appréciation de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail » (circ. DGT n° 07/2012, 30 juill. 2012).

Assurément, un détournement de fonds opéré par un salarié pourrait causer un trouble dans le fonctionnement d’une entreprise telle qu’une banque, eu égard aux fonctions du salarié. Toutefois, la question posée par la décision commentée ne tenait pas véritablement à l’existence du trouble, mais avait trait à la manière dont l’employeur avait obtenu la preuve des faits reprochés au salarié.

En effet, il ressort de l’arrêt qu’une enquête interne avait été diligentée par la banque, sans que le salarié en soit informé, permettant ainsi de révéler que l’intéressé avait usé de ses prérogatives de trésorier pour commettre un détournement de fonds au détriment du syndicat. Cependant, il convient de noter que cette enquête avait pour seule origine la plainte d’un client qui expliquait que le salarié avait consulté ses comptes bancaires et l’avait menacé d’une dénonciation aux services fiscaux. Or les investigations ont non seulement porté sur le point de savoir si le salarié avait consulté les comptes bancaires du client à l’origine du signalement mais également sur les comptes bancaires du syndicat dont le salarié était le trésorier ainsi que sur ses comptes bancaires personnels dont il était titulaire au sein de la banque.

L’arrêt est intéressant, puisque le Conseil d’État prend le soin de fixer, tout d’abord, une ligne de conduite à tenir en indiquant que, « lorsqu’un employeur diligente une enquête interne visant un salarié à propos de faits, venus à sa connaissance, mettant en cause ce salarié, les investigations menées dans ce cadre doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits qui sont à l’origine de l’enquête et ne sauraient porter d’atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée ».

Faisant application de ce principe, il constate que la consultation des comptes bancaires du salarié n’était pas nécessaire pour établir la matérialité des allégations qui avaient été portées à sa connaissance par un tiers (les menaces proférées à l’encontre du client et la consultation de ses comptes). Ainsi, au visa de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la haute juridiction administrative retient que la banque a porté une atteinte excessive au respect de la vie privée du salarié, dans des conditions insusceptibles d’être justifiées par les intérêts qu’elle poursuivait. Le Conseil d’État rejette ainsi le pourvoi de la banque et valide l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy.

Cette décision doit être juridiquement approuvée, dès lors qu’effectivement, la plainte dont la banque avait été saisie, émise originellement par un client, relative à la consultation de ses comptes par le salarié, à la divulgation d’informations confidentielles et à la menace d’une dénonciation aux services fiscaux, ne justifiait pas que l’employeur consulte le compte bancaire de ce salarié sans l’en informer préalablement. Cela n’avait même aucun lien en réalité. Le licenciement ne pouvait donc être justifié par le trouble causé par le détournement de fonds commis par le salarié à l’encontre de son syndicat, cette information ayant été obtenue en violation du droit au respect de sa vie privée, étant précisé au surplus que la banque n’a eu accès aux comptes personnels du salarié que parce que celui-ci était domicilié au sein de la banque.

Cette solution n’étonne guère, dans la mesure où la jurisprudence administrative sanctionne, de façon générale, l’utilisation par l’employeur de moyens de preuve illicites (v. par ex., CAA Bordeaux, 9 mai 2017, n° 15BX02686 ; CAA Lyon, 12 déc. 2013, n° 13LY00028, Dalloz jurisprudence).

L’exigence de loyauté est également la ligne suivie par la jurisprudence de la Cour de cassation.
Ainsi, la chambre sociale considère de jurisprudence constante qu’une filature organisée par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité d’un salarié constitue une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur (Soc. 26 nov. 2002, n° 00-42.401, D. 2003. 1858, et les obs. , note J.-M. Bruguière ; ibid. 394, obs. A. Fabre ; ibid. 1305, chron. J. Ravanas ; ibid. 1536, obs. A. Lepage ; Dr. soc. 2003. 225, obs. J. Savatier ; RTD civ. 2003. 58, obs. J. Hauser ; 18 mars 2008, n° 06-45.093, D. 2008. 992, obs. B. Ines ; Dr. soc. 2008. 608, obs. C. Radé ; v. égal. Soc. 20 nov. 1991, n° 88-43.120, D. 1992. 73 , concl. Y. Chauvy ; Dr. soc. 1992. 28, rapp. P. Waquet ; RTD civ. 1992. 365, obs. J. Hauser ; ibid. 418, obs. P.-Y. Gautier , qui retient que si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite).

C’est également le cap fixé par la première chambre civile qui souligne que « le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Civ. 1re, 25 févr. 2016, n° 15-12.403, Dalloz actualité, 14 mars 2016, obs. N. Kilgus ; D. 2016. 884 , note J.-C. Saint-Pau ; ibid. 2535, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJ pénal 2016. 326, obs. D. Aubert ; RTD civ. 2016. 320, obs. J. Hauser ; ibid. 371, obs. H. Barbier ).

On peut voir une morale à l’arrêt commenté : contrairement à l’adage, la fin ne justifie pas les moyens.

Reste que le salarié devra peut-être s’expliquer pénalement sur le détournement de fonds opéré… 

Auteur d'origine: Dechriste

Une justice à l’arrêt

Les sénateurs se sont interrogés sur les « plans de continuation d’activité » (PCA), définis par chaque juridiction. La liste des contentieux « essentiels » diffère selon les tribunaux, même si la Chancellerie a proposé un périmètre indicatif. Les rapporteurs regrettent « une forme de solitude institutionnelle des chefs de juridiction qui ont dû déterminer et mettre en œuvre, seuls, leur PCA, sans que les directives du ministère soient suffisamment claires, notamment sur le périmètre des contentieux à conserver ».

Plus globalement, les sénateurs regrettent la mise en l’arrêt d’une grande partie de la justice. « En dépit de l’engagement des personnels de la justice, magistrats et fonctionnaires, les rapporteurs retirent des auditions le sentiment que le régime des PCA a conduit à réduire la présence physique en juridiction au minimum et l’activité juridictionnelle au maximum, ce qui peut interroger sur le bon fonctionnement de la justice. » Ils alertent aussi sur la situation de la justice civile, notamment des conseils de prud’hommes : « La plupart des conseils de prud’hommes n’assureraient pas actuellement le traitement des référés (paiement de salaire par exemple) ».

Remettre en marche la justice

Les sénateurs appellent à revoir les PCA. S’il est « légitime » que les juridictions aient, dans un premier temps, mis un terme à toutes leurs activités non essentielles, « il serait nécessaire de reconsidérer ce choix fait dans l’urgence et qui va au-delà de ce que les règles sanitaires imposent ».

Les ordonnances ont offert des possibilités (restriction de la publicité des débats, vidéoaudiences, notifications par mail). « Toutefois, faute de signal donné par la garde des Sceaux et à l’exception notable des tribunaux de commerce », les juridictions ne semblent pas s’en être emparées.

Plus globalement, les auditions mettent en lumière les failles technologiques du ministère de la justice. Les magistrats judiciaires n’ont pas accès à distance à leur environnement informatique habituel et les greffiers n’ont pas accès au réseau privé virtuel justice. Le logiciel Winci, qui permet de procéder à la mise en état des dossiers, n’est pas non plus accessible à distance, bloquant toute la chaîne civile. Ainsi, la présidente du tribunal judiciaire de Nanterre a indiqué qu’en un mois, 2 400 décisions avaient été rédigées par des magistrats travaillant à domicile, mais que les agents du greffe n’avaient pu procéder à leur notification.

Nicole Belloubet a reconnu la « dette technologique très importante » de son ministère, tout en assurant être en train de la « rattraper à vive allure ». Le nombre quotidien de connexions sur le réseau sécurisé est passé de 2 500 avant la crise à 30 000, 3 000 ordinateurs ultraportables ont été distribués et 2 000 matériels de visioconférence installés.

La reprise de l’activité sera un défi important. Les sénateurs soulèvent un autre point d’alerte : la situation des professions judiciaires, notamment des avocats. « La crise sanitaire, qui fait suite à la grève menée en début d’année, agit comme un révélateur de la fragilité économique d’un grand nombre de cabinets d’avocats. »

Auteur d'origine: babonneau

« Voici donc le moment où nous devons dire à la France comment notre vie va reprendre »

Après deux mois de confinement et de couacs, le début de l’intervention d’Édouard Philippe est attendu. Il est effectivement rare qu’un discours parlementaire soit retransmis en direct sur TF1 et M6 (même si l’arrêt de tournages des téléfilms rend nécessaire la recherche de contenus nouveaux et gratuits). Le Premier ministre souligne d’abord la réussite du confinement, le nombre de personnes en réanimation est passé de 7 100 à 4 600. Puis, il fait ses annonces. Le retour à la normale dépendra de la situation locale (il y aura des départements verts, oranges et rouges), les classes rouvriront très progressivement, les déplacements seront limités à 100 km et la plupart des commerces seront autorisés.

Édouard Philippe annonce aussi, qu’enfin, il y aura des masques et 700 000 tests par semaine. Les personnes testées positives devront s’isoler « en quatorzaine », chez elles (confinant ainsi tout leur foyer), ou dans des hôtels réquisitionnés. Des brigades seront chargées de faire des enquêtes épidémiologiques. Le projet de loi de prolongation de l’état d’urgence sanitaire, qui sera au Parlement dès la semaine prochaine, précisera cela.

Ce discours d’Édouard Philippe a lieu dans un climat particulier. Au départ, les députés ne devaient débattre que de l’application StopCovid. Puis, cela s’est élargi à la stratégie de déconfinement. Puis, il y a eu un débat pour savoir s’il fallait ou non un vote. Puis un débat sur la date du vote (juste après le discours de Philippe ou plus tard ?). Confusion supplémentaire, selon la presse, Emmanuel Macron aurait appelé des journalistes pour leur dire, en off, qu’il n’était pas d’accord avec le format choisi par le Premier ministre, puis, durant le conseil des ministres, il a démenti « très fermement » toute rumeur de friction. Un démenti qui évidemment relancé les rumeurs de frictions, selon les quelques observateurs qui suivaient encore.

Devant les députés, Édouard Philippe défend la procédure choisie : « Nous avons choisi de réserver à l’Assemblée nationale ces annonces et de lui permettre de réagir, de critiquer et d’interroger le Gouvernement. […] En ces temps de démocratie médiatique, de réseaux pas très sociaux mais très colériques, d’immédiateté nerveuse, il est sans aucun doute utile de rappeler que les représentants du peuple siègent, délibèrent et se prononcent sur toutes les questions d’intérêt national ». Et, poursuit-il, « j’ai été frappé, depuis le début de cette crise, par le nombre de commentateurs ayant une vision parfaitement claire de ce qu’il aurait fallu faire selon eux à chaque instant. La modernité les a souvent fait passer du café du commerce à certains plateaux de télévision. Les courbes d’audience y gagnent ce que la convivialité des bistrots y perd, mais cela ne grandit pas, je le crains, le débat public. Les députés ne commentent pas. Ils votent. »

« Ce que vous voulez, ce n’est pas notre avis, mais notre confiance »

Le débat se déroule dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire une déclaration, « qui donne lieu à débat et peut, s’il le décide, faire l’objet d’un vote sans engager sa responsabilité. » Une procédure curieuse, un débat sans amendement et sans enjeu, dont les gouvernements ont d’ailleurs fait un usage modéré depuis sa création, en 2008, la cantonnant aux sujets trop techniques pour passionner (programme de stabilité, fiscalité écologique). Car, que se passerait-il si l’Assemblée votait contre la déclaration gouvernementale ? La Ve République s’est toujours méfiée des questions de confiance cachées qui ont miné les républiques précédentes. Mais cette confiance sera le cœur du débat.

Le député communiste Stéphane Peu « après nous avoir convié à débattre cet après-midi d’une application qui n’existe pas, voilà que vous devons participer à un débat bâclé, sur un plan de déconfinement que les parlementaires n’ont pas eu le loisir de découvrir ni d’amender. En réalité, ce que vous voulez, ce n’est pas notre avis, mais notre confiance. Mais elle vous est moins que jamais acquise ». Damien Abad, président du groupe LR : « Comme plus de 6 Français sur 10 nous n’avons pas confiance, nous n’avons plus confiance. » Olivier Faure, premier secrétaire du PS : « Ne demandez pas de nous accorder une confiance que jusqu’ici vous ne méritez pas. »

L’opposition dénonce les multiples volte-face du gouvernement, le manque de masques, de tests et de respirateurs. Le président du groupe Modem, Patrick Mignola défend le gouvernement : « On a beaucoup glosé et sur la prétendue impréparation du gouvernement. Mais depuis trois ans que suis parlementaire, je n’ai jamais entendu, ni sur le terrain, ni ici, que nous devions voter des demandes d’achat massif de masques pour reconstituer les stocks ou relocaliser leur production. »

« Monsieur le Premier ministre, si vous étiez une infirmière, auriez-vous confiance ? »

Le drame du débat parlementaire français est que les parlementaires français ne veulent jamais débattre. Ce qui compte, c’est le discours. Quand, à la chambre des communes britannique les interventions fusent, le parlementaire français doit faire long. Mais, les orateurs n’ayant que 15 minutes de pause après l’intervention d’Édouard Philippe pour se préparer, les discours de réaction ont tous été écrits la veille. Résultat, entre les députés trop tendus pour décoller leur nez de leur feuille et ceux qui n’ont pas modifié une ligne d’un texte déjà périmé, l’exercice est ennuyeux.

Certains arrivent à sortir du cadre. Le jeune député LR Aurélien Pradié, « sur les masques, vous n’avez pas donné de garantie solide et vos explications ressemblaient davantage à des excuses. » « Aujourd’hui avons-nous confiance ? Monsieur le Premier ministre, si vous étiez une infirmière qui s’est protégée plusieurs semaines durant avec des sacs poubelles comme blouse de fortune, auriez-vous confiance en Emmanuel Macron et en votre propre gouvernement ? Si vous étiez un médecin libéral qui a attendu de longues semaines des masques qui ne venaient pas, si vous étiez une aide-soignante qui les attend encore, auriez-vous confiance ? Si vous étiez un parent d’élève inquiet de voir la reprise de l’école, voir les ordres et les contre ordres, auriez-vous confiance ? »

En réponse, Édouard Philippe insiste : « La partie que nous devons jouer ensemble est redoutable C’est une partie difficile, c’est une partie risquée, mais nous ne réussirons à rien si nous ne sommes pas confiants. Mais la confiance n’est ni l’inconscience, ni la béatitude. C’est simplement la certitude que notre pays a en lui-même les ressources exceptionnelles pour affronter cette partie difficile ». Au final, 368 députés votent pour la déclaration, 100 contre et le reste s’abstient. Presque toute la majorité a soutenu. Les groupes LR, PS et UDI sont très hésitants. Comme le pays.

Auteur d'origine: babonneau

Après une première condamnation en référé d’Amazon France Logistique pour le non-respect des mesures de prévention liées à l’épidémie de covid-19 par le tribunal judiciaire de Nanterre le 14 avril dernier (TJ Nanterre, 14 avr. 2020, n° 20/00503, Dalloz actualité, 20 avr. 2020, obs. L. Malfettes ), la Cour d’appel de Versailles, saisie d’un recours contre la première décision, vient de confirmer le 24 avril 2020 la solution préalablement apportée.

Dans l’ordonnance de référé, il avait été reproché à l’entreprise de n’avoir pas procédé à une évaluation ordonnée et systématique des risques liés à la pandémie au regard de chaque poste de travail, d’avoir pris des mesures au fil des jours sans préalablement associer les représentants du personnel. Ces mesures avaient par ailleurs été jugées insuffisantes au regard de la situation particulière des salariés de cette entreprise dans le contexte actuel, contraints de travailler dans des conditions modifiées et jugées anxiogènes, la hausse des demandes de livraison ayant entraîné l’embauche d’intérimaires et la présence sur site d’un nombre très important de personnes.

Saisie d’un recours de l’entreprise, la cour d’appel va venir confirmer le raisonnement des premiers juges.

La Cour commence par rappeler que conformément aux dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur est par ailleurs tenu d’évaluer, compte tenu de la nature des activités de l’entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, de transcrire les résultats dans un document unique et de mettre en œuvre les mesures de prévention adéquates (C. trav., art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à R. 4121-4).

Concernant le grief tenant au défaut d’association des représentants du personnel à l’évaluation des risques, la cour d’appel va estimer que ceux-ci doivent non seulement être associés au dispositif d’évaluation, mais le CSE doit encore être officiellement consulté quant aux mesures mises en œuvre. Se faisant, les juges s’appuient sur la circulaire n° 6 DTR du 18 avril 2002 qui invite l’entreprise à réaliser une analyse « menée en liaison avec les instances représentatives du personnel, de façon à favoriser le dialogue social, en constituant un facteur permanent de progrès au sein de l’entreprise », ainsi que sur les articles L. 2316-1, 3° et L. 2312-8, 4°, du code du travail. À la lumière de ces derniers et toujours selon les magistrats, le comité social et économique central devait être seul consulté sur les mesures d’adaptation communes aux six établissements, sur le fondement de sa compétence consultative en cas de modification importante des conditions de travail.

Les mesures impliquées par la contagiosité spécifique du covid-19 apparaissent en effet incarner ce qu’il faut qualifier de modification importante de l’organisation du travail (gestion des déplacements des salariés au sein d’un entrepôt qui accueille des activités de réception, de stockage puis d’expédition de marchandises, du fait notamment du nombre de salariés et de la multiplicité de leurs tâches). C’est en conséquence de quoi la cour d’appel de Versailles va juger qu’il appartenait à la société Amazon de consulter le CSE central dans le cadre de l’évaluation des risques – comprenant la modification du DUER –, puis la mise en œuvre des mesures appropriées, sans pour autant ignorer les CSE d’établissement lesquels, dans le cadre de cette démarche d’évaluation, devaient être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés, étant rappelé que le comité social et économique a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise. La solution fait ainsi une application sans extravagance des textes donnant compétence au CSE en matière de conditions de travail, dont il est difficilement contestable qu’elle couvre les mesures préventives envisagées dans le cadre de l’épidémie.

Sur la suffisance des mesures prises, la juridiction d’appel va, à l’instar des premiers juges, reconnaître les efforts réalisés par l’entreprise (aménagement des pauses avec espacements des chaises et modification des horaires, réorganisation des prises de poste pour limiter la densité des personnes dans un même espace, désactivation des portiques de sécurité à la sortie pour fluidifier les mouvements de personnes, ajout de signalétique, nettoyages plus fréquents, mise à disposition de gel hydroalcoolique, communication sur les gestes barrières, prise de température proposée aux salariés, création – contestée – d’une nouvelle fonction de vérification des consignes confiée à des ambassadeurs hygiène et sécurité). La Cour confirme l’existence d’un trouble manifestement illicite à la date de la première décision, et aboutit à un constat identique en appréciant la violation de l’obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés (C. trav., art. L. 4121-1 s.) au jour où elle statue, soit la persistante absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie et d’une concertation avec les représentants des salariés, ainsi qu’une non moins persistante insuffisance des mesures prises par la société, exposant ainsi les salariés à un dommage imminent de contamination susceptible de se propager à des personnes extérieures à l’entreprise.

Sont reprochés, comme déjà dans la première décision, l’absence d’une évaluation des risques adaptée au contexte d’une pandémie, l’absence d’évaluation des risques psychosociaux, l’insuffisante actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels sur plusieurs sites, l’absence de plan d’ensemble maîtrisé (se satisfaisant de mesures au jour le jour), et l’insuffisante formation des salariés.

La Cour d’appel va en conséquence ordonner - sous astreinte de 100 000 € pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés – la restriction des activités des entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits de première nécessité ou indispensables notamment au télétravail. 

Les mesures prononcées dans la première décision sont ainsi reprises, de façon moins sévères, la juridiction étendant un peu la liste initiale qui visait uniquement les produits alimentaires, d’hygiène et médicaux (la liste comprend désormais les rubriques « High-tech, informatique, bureau », « Tout pour les animaux », « Santé et soins du corps », « Homme », « Nutrition », « Parapharmacie », ainsi qu’« Épicerie, boissons et entretien »).

Cette décision de confirmation en appel vient ici encore illustrer les obligations qui pèsent sur l’employeur en matière de santé et de sécurité dans le contexte épidémique. L’évaluation approfondie des risques (incluant les risques psychosociaux) apparaît indispensable, tout comme l’actualisation subséquente du document unique d’évaluation des risques ainsi que la prise de mesures préventives suffisantes (en application des art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à R. 4121-4 c. trav.).

Cette séquence d’actions ne pourra se faire sans y associer les représentants des salariés, au premier chef desquels le comité social économique (CSE) qui devra – lorsqu’il existe – être consulté en cas de modification importante de l’organisation du travail. En présence d’établissements distincts, si seul le comité central a vocation à être consulté concernant les mesures d’adaptation communes aux différents établissements, les comités d’établissements doivent également – dans le cadre de la démarche d’évaluation - être consultés et associés en leur qualité de représentants des salariés.

Les entreprises devront donc s’aménager la preuve d’un plan concerté et complet de prévention du risque épidémique, sous peine de se voir condamner sous astreinte en cas de saisine du juge des référés.

Auteur d'origine: Dechriste

En cette période de crise sanitaire, il appartient aux employeurs qui maintiennent une activité professionnelle de veiller à la sécurité des travailleurs au regard des risques induits par le covid-19.

Dans une instance de référé opposant la Fédération Sud des activités postales et des télécommunications à La Poste, le tribunal judiciaire de Paris est la première juridiction à statuer sur les contours de cette obligation en faisant usage de la nouvelle procédure sans audience.

Au visa des articles 6, alinéa 1er, 7, alinéas 1er et 3, et 8 de l’ord. n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le tribunal judiciaire de Paris a statué au terme d’une procédure d’exception conduite en circuit entièrement dématérialisé. Les avocats de chacune des parties ont échangé l’ensemble de leurs conclusions et de leurs pièces justificatives dans le cadre d’un protocole et d’un calendrier fixés par le tribunal, directement auprès du juge en ce qui concerne les conclusions et par l’intermédiaire d’une plateforme d’hébergement sécurisée et agréé par le ministère de la justice en ce qui concerne les pièces.

Le syndicat reprochait à La Poste de ne pas avoir adopté l’ensemble des mesures de prévention suffisantes à l’égard des postiers du fait de la crise et demandait notamment à La Poste de procéder à nouveau à une évaluation des risques consécutifs à cette épidémie, à mettre en œuvre les résultats de cette évaluation et à convoquer une instance nationale de concertation avec l’ensemble des organisations syndicales.

Le tribunal, à l’issue d’une décision très motivée et détaillée, a considéré que La Poste n’avait pas méconnu son obligation de sécurité au regard des nombreuses mesures préventives adoptées avant et pendant la crise sanitaire.

En revanche, et là est l’apport principal de la décision commentée, le juge des référés a jugé qu’il appartient à l’employeur de mesurer par unité de travail les risques professionnels induits par le covid-19 et de les transcrire dans le document unique d’évaluation des risques (DUER), sans paraphraser les recommandations publiques et officielles du gouvernement ou des autorités sanitaires.

L’employeur doit ainsi mener une évaluation concrète des risques au sein de son entreprise et définir des mesures préventives adaptées.

Le juge des référés, constatant que La Poste n’avait pas adopté un DUER, lui a ordonné d’élaborer et de diffuser ce document, en rejetant son argument tenant en l’existence de documents d’information à destination des salariés.

Auteur d'origine: Dechriste
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Destiné à établir les modalités du scrutin, son organisation et son déroulement, le protocole d’accord préélectoral fait l’objet d’un contentieux que l’on sait important. C’est en effet à l’issue des négociations du protocole préélectoral qu’est notamment fixée la répartition des sièges et des électeurs au sein des collèges (C. trav., art. L. 2314-6). Les litiges relatifs à l’électorat, à la composition des listes de candidats et à la régularité des opérations électorales sont de la compétence du juge judiciaire (C. trav., art. L. 2314-32). Reste à déterminer quelle juridiction est territorialement compétente lorsque la contestation porte sur l’inscription sur les listes électorales et sur l’éligibilité d’une catégorie de personnel. La chambre sociale nous donne quelques éléments de compréhension dans un arrêt en date du 11 mars 2020.

Dans les faits, la société Mediapost avait procédé au renouvellement de ses institutions représentatives du personnel entre les 23 et 29 janvier 2019. Les élections des membres aux comités sociaux et économiques de la société étaient encadrées par un protocole d’accord préélectoral valablement signé le 10 juillet 2018. Contestant ce protocole en raison de l’absence d’exclusion d’une catégorie de salariés comme éligibles et électeurs, la Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications (FSSUDA) avait saisi le tribunal d’instance de Paris, le 13 décembre 2018, pour faire modifier les listes électorales, puis le 11 février 2019, pour faire annuler le premier tour des élections des membres titulaires et suppléants de l’ensemble des comités sociaux et économiques, pour le troisième collège. Par jugement rendu le 20 avril 2019, le tribunal d’instance de Paris se déclarait incompétent au profit du tribunal d’instance d’Antony, en relevant que le litige en cause portait sur la régularité des élections. La Fédération des syndicats solidaires, unitaires et démocratiques des activités postales et de télécommunications formait alors un pourvoi en cassation au moyen que l’action visait la contestation de l’inscription sur les listes électorales et de l’éligibilité d’une catégorie de personnel. Dès lors que le litige concernait à l’origine les dispositions d’un accord préélectoral unique organisant les élections d’un comité social et économique central et de plusieurs comités sociaux et économiques d’établissements d’une entreprise, le syndicat estimait que le tribunal d’instance territorialement compétent était celui dans le ressort duquel le protocole d’accord préélectoral avait été signé et les listes électorales élaborées.

La chambre sociale ne suit pas un tel raisonnement et rejette le pourvoi : « s’agissant d’une contestation de l’inscription sur les listes électorales et de l’éligibilité d’une catégorie de personnel, le tribunal d’instance a exactement retenu que le litige portait sur la régularité des élections. Ayant constaté que, conformément au protocole d’accord préélectoral unique organisant les élections au sein de tous les comités sociaux et économiques de l’entreprise, le dépouillement et la proclamation des résultats avaient été centralisés dans un même lieu situé hors de son ressort, le tribunal d’instance a pu en déduire que ce litige ne relevait pas de sa compétence, peu important que le protocole d’accord préélectoral ait été signé dans son ressort ». Dans la mesure où l’action visait, de manière subséquente, l’annulation des élections de l’ensemble des comités sociaux et économiques, la juridiction territorialement compétente était, en application de la jurisprudence, le tribunal d’instance d’Antony.

Cette solution paraît tout à fait audible. À l’origine, le syndicat mettait en cause la régularité des listes électorales en ce que le protocole d’accord préélectoral incluait les responsables de plateformes ou de sites, alors même qu’ils étaient exclus s’agissant des représentants de proximité. On le sait, les cadres dirigeants sont, tout comme les mandataires sociaux, exclus du vote au terme de l’article L. 3111-2 du code du travail. Par ailleurs, les « cadres détenant sur un service, un département ou un établissement de l’entreprise une délégation particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d’entreprise, sont exclus de l’électorat et de l’éligibilité aux fonctions de délégués du personnel et de membre du comité d’entreprise pour la durée d’exercice de cette délégation particulière » (Soc. 6 mars 2001, n° 99-60.553, D. 2001. 979 ). En l’occurrence, le protocole d’accord préélectoral litigieux avait été conclu à Paris. Les listes électorales avaient également été élaborées à Paris. Pour le demandeur au pourvoi, la juridiction territorialement compétente était donc le tribunal d’instance de Paris.

Néanmoins, force est de constater que certaines irrégularités qui relèvent initialement du contentieux de l’électorat sont de nature à impacter la validité des élections professionnelles et donc l’issue du scrutin. En ce sens, la Cour de cassation a admis que soit à la fois introduit un recours en contestation des listes électorales dans les 3 jours suivant leur publication et un recours en contestation des résultats dans les quinze jours de leur proclamation (Soc. 7 févr. 2018, n° 16-20.944). Tel est notamment le cas dans l’hypothèse d’une contestation portant sur l’inclusion dans l’effectif et l’inscription sur la liste électorale d’une catégorie de salariés (Soc. 24 mai 2006, n° 05-60.295 ; 13 nov. 2008, n° 08-60.331, D. 2009. 590, obs. G. Borenfreund, L. Camaji, A. Fabre, O. Leclerc, T. Pasquier, E. Peskine, J. Porta et C. Wolmark ; 10 oct. 2012, n° 11-60.196) ou sur l’éligibilité d’un salarié, à raison du caractère injustifié de l’inscription sur une liste électorale au motif qu’il est assimilé à l’employeur (Soc. 14 déc. 2015, n° 14-26.046).

Dans la mesure où le litige concerne l’inscription sur les listes électorales d’une catégorie de personnel et son éligibilité, il convient d’admettre qu’il relève, de fait, du contentieux relatif à la régularité des élections professionnelles. De là, la Haute juridiction fait application de la jurisprudence classique et en déduit que le tribunal d’instance géographiquement compétent est celui dans le ressort duquel les opérations électorales se sont tenues. D’un point de vue pratique, il s’agit soit de l’établissement dans lequel les élections ont eu lieu, soit du siège social de l’entreprise lorsque les votes de l’ensemble des établissements y ont été dépouillés et les résultats proclamés (Soc. 12 juin 1981, n° 81-60.021). Tel était le cas en l’espèce. D’une certaine manière, le contentieux tenant à la régularité des élections absorbe le contentieux relatif à l’inscription sur les listes électorales et à l’éligibilité d’une catégorie de personnel. Le caractère connexe des actions est indéniable, elles se trouvent ainsi amalgamées en tenant compte de leur finalité : l’annulation des élections professionnelles.

Auteur d'origine: Dechriste
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Alors que l’épidémie de Covid-19 frappe la société dans son ensemble, les entreprises continuant d’exercer une activité se voient contraintes d’intégrer le risque de contagion dans leur fonctionnement afin de s’en prémunir autant que cela est possible. L’article L. 4121-1 du code du travail prévoit en effet que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent en particulier des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. Cette obligation de sécurité est dite « de moyens ». Aussi, s’il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur ne verra pas sa responsabilité recherchée (Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei ). Mais comment cette obligation doit-elle se décliner à la lumière du contexte épidémique ? Jusqu’où l’employeur doit-il aller en matière préventive ? C’est à ces questions que cette première décision en référé du tribunal judiciaire de Nanterre rendue le 14 avril 2020 concernant le cas de l’entreprise Amazon France Logistique apporte des éléments de réponse.

En l’espèce, le syndicat Sud Solidaires a saisi le tribunal judiciaire de Nanterre en référé le 8 avril dernier, reprochant à la société Amazon France Logistique de ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour protéger les salariés travaillant dans ses entrepôts contre le covid-19.

Parallèlement à cette saisine des juges, l’administration du travail a adressé à certains établissements des mises en demeure de mettre en œuvre des mesures de prévention du risque covid-19.

Le juge des référés va, après étude des mesures concrètes déployées par l’entreprise, reconnaître un risque de dommage grave et imminent s’incarnant dans la contamination d’un plus grand nombre de salariés et par suite la propagation du virus à de nouvelles personnes.

Si la lecture de l’obligation de l’employeur à la lumière de l’épidémie n’implique pas que l’employeur garantisse l’absence de toute exposition des salariés à des risques, elle l’enjoint à les éviter le plus possible et – s’ils ne peuvent être évités – à les évaluer régulièrement afin de prendre ensuite toutes les mesures utiles pour protéger les travailleurs exposés.

Dans cette perspective, le ministère du Travail relève que pour respecter son obligation de sécurité, l’employeur doit :

« procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ;
 déterminer, en fonction de cette évaluation les mesures de prévention les plus pertinentes ;
 associer à ce travail les représentants du personnel ;
 solliciter lorsque cela est possible le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces, la mise en œuvre des « gestes barrière » ;
 respecter et faire respecter les gestes barrière recommandés par les autorités sanitaires. » (V. le document « Coronavirus : Questions/réponses pour les entreprises et les salariés », diffusé par le ministère du Travail, mis à jour au 16 avr. 2020).

À la lumière de ces prescriptions, les juges constatèrent en effet plusieurs manquements. En particulier, l’employeur n’avait pas associé les instances représentatives du personnel à l’évaluation des risques, n’avait pas assuré la pleine effectivité des mesures de distanciation sociale, n’avait pas suffisamment évalué le risque de contamination à l’entrée de tous les sites qui obligent les salariés à emprunter un portique tournant, le risque de contamination s’agissant de l’utilisation des vestiaires, les risques liés à la manipulation des colis qui passent de main en main avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires, ni les risques psychosociaux.

Il lui était encore reproché de ne pas avoir justifié avec suffisamment de précision des protocoles mis en place concernant la fréquence des nettoyages même si les juges constatent qu’elle a été augmentée, ni justifié de l’intégralité des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures. Enfin il lui était reproché de ne pas avoir mis en place des mesures de formations des personnels suffisantes et adaptées.

En conséquence de ces manquements, le juge des référés a ordonné à l’employeur de prendre des mesures complémentaires de nature à prévenir ou à limiter les conséquences de cette exposition aux risques, en renforçant en particulier son évaluation des risques et les mesures prises pour protéger les salariés, tout en y associant les représentants du personnel.

Cette injonction est assortie d’une restriction d’activité provisoire, l’entreprise devant - dans l’attente -restreindre l’activité de ses entrepôts aux seules activités de réception des marchandises, de préparation et d’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux, le tout sous astreinte de 1 000 000 d’euros par jour et par infraction constatée.

Cette décision – comme celle rendue à propos de La Poste – tient ainsi lieu d’illustration concrète des obligations qui pèsent sur l’employeur en matière de santé et de sécurité dans le contexte épidémique. Les entreprises devront en particulier veiller à procéder à une évaluation approfondie des risques (sans bien sûr omettre les risques psychosociaux), qu’il leur appartient de reporter dans le document unique d’évaluation des risques tout en prenant les mesures de prévention adéquates (en application des art. L. 4121-3 et R. 4121-1 à 4 c. trav.). Cette opération ne pourra se faire sans y associer les représentants des salariés, dont il convient de rappeler qu’ils ont notamment pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise, le comité social économique (CSE) devant par ailleurs – lorsqu’il existe – être consulté en cas de modification importante de l’organisation du travail.

Aussi les entreprises devront-elles s’aménager la preuve écrite de l’association du CSE aux démarches préventives, des protocoles mis en place concernant la fréquence des nettoyages ainsi que celle de l’intégralité des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures, et de la formation suffisante et adaptée des salariés pour faire face au contexte, sous peine d’encourir une condamnation à y pourvoir sous astreinte en cas de saisine du juge du référé.

Auteur d'origine: Dechriste

Le juge des référés du Conseil d’État, dans une ordonnance très circonstanciée, rejette la requête de l’association Coronavictimes lui demandant d’enjoindre à l’État de faire respecter l’égal accès de toutes les personnes souffrant d’une infection susceptible d’être attribuée au covid-19 aux soins dispensés dans les établissements de santé.

Les personnes résidant dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) souffrant d’une telle infection ne seraient désormais plus admises en établissement de santé lorsqu’elles souffrent de symptômes évocateurs du covid-19. Pour le juge de référés, il n’est pas établi « que les décisions médicales d’admission en réanimation reposeraient de manière générale sur des critères qui auraient été rendus plus stricts du fait de l’anticipation d’une éventuelle saturation de l’offre de soins de réanimation en raison de l’épidémie de covid-19 ou qui, en isolant le critère de l’âge, discrimineraient, au sein des patients atteints d’une infection due au covid-19, ceux qui sont les plus âgés. »

Par ailleurs, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, « plusieurs mesures ont été prises par l’État dans le contexte de l’épidémie de covid-19 en vue de permettre aux personnes souffrant d’une infection liée à ce coronavirus de bénéficier à domicile ou en EHPAD de soins leur garantissant une “fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance”. »

Pas de tests post-mortem

La Haute juridiction rappelle que si, à ce stade de l’épidémie, les visites de la famille des résidents sont suspendues, « des autorisations exceptionnelles de visite peuvent être accordées par le directeur d’un EHPAD, notamment aux proches d’un résident dont la vie prend fin, avec l’accord, le cas échéant, du médecin coordonnateur, dès lors que des mesures propres à protéger la santé des résidents et des personnels de l’EHPAD ainsi que des visiteurs peuvent être prises. »

Enfin, s’appuyant sur l’avis du Haut Conseil de santé publique, il n’est pas recommander « , à ce stade de l’épidémie et en l’état des capacités de diagnostic virologique, de réaliser un test de diagnostic d’infection par le covid-19 chez les personnes décédées. »

Auteur d'origine: pastor
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L’article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 (Loi n° 2019-1446 du 24 déc. 2019, JO 27 déc.) supprime l’expertise médicale de l’article L. 141-1 du Code la sécurité sociale à l’horizon 2022. Pour autant, cet arrêt timbré I, quoique fondé sur la combinaison de textes modifiés ou abrogés, présente l’intérêt d’établir que cette expertise peut être sollicitée devant le juge du fond même si elle n’a pas été utilisée préalablement contre la décision contestée de la caisse. La question mérite d’être examinée également à la lumière des futures articulations entre contentieux médical et contentieux non médical (D. Asquinazi-Bailleux, Vers une distinction entre le contentieux médical et le contentieux non médical, D Avocats 2020. 114 ). 

En l’espèce, la CPAM a refusé à un assuré, victime d’un accident du travail, la prise en charge au titre de la législation professionnelle d’une rechute. Au lieu de demander une expertise médicale technique qui lui aurait permis de « discuter » l’aggravation de son état de santé depuis la date de consolidation, l’assuré a préféré engager une procédure contentieuse en contestation du refus de prise en charge. Il a préalablement saisi la Commission de recours amiable (CRA) puis, suite au silence de cette dernière, saisit le tribunal des affaires de sécurité sociale (devenu le tribunal judiciaire des affaires sociales dit « Pôle social »). Comme la prise en charge de sa rechute dépendait d’un avis médical, il sollicitait devant le juge l’expertise médicale technique de l’article L. 141-1. En application de l’article R. 142-24 (abrogé au 1er janv. 2019), « lorsque le différend fait apparaître en cours d’instance une difficulté d’ordre médical relative à l’état (…) de la victime (…), le tribunal ne peut statuer qu’après mise en œuvre de la procédure d’expertise médicale de l’article L. 141-1 ». La caisse a alors contesté la recevabilité de cette demande d’expertise au motif que l’assuré était forclos. En effet, lorsque la contestation porte sur une question d’ordre médical, la demande d’expertise technique doit être formulée dans le délai d’un mois (CSS, art. R. 141-2). Passé ce délai, la victime est forclose sur cette demande. Est-ce pour autant que la forclusion doit s’étendre à l’action engagée au fond en contestation du refus de prise en charge de la rechute au titre de la législation professionnelle. La réponse est négative. Devant le juge, la victime peut parfaitement solliciter cette mesure d’instruction. Cette solution doit être approuvée à plusieurs titres.

D’abord, l’article L. 141-1 réserve la demande d’expertise, formulée par la caisse ou la victime, aux contestations d’ordre médical relevant de l’ex contentieux général. À cet égard, la contestation portant sur la reconnaissance de la rechute est bien un contentieux d’ordre médical qui relève du 1° de l’article L. 142-1 dans sa rédaction issue de loi du 23 mars 2019 (Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019). La rechute est constituée par toute modification de l’état de la victime constatée postérieurement à la consolidation des blessures (CSS, art. L. 443-2). Elle suppose un fait pathologique nouveau ou une aggravation, même temporaire, des séquelles de l’accident, se distinguant de la simple manifestation des séquelles (Soc. 13 janv. 1994, n° 91-22.247 ; 11 janv. 1996, n°94-10.116, D. 1996. IR 53 ; 12 nov. 1998, n° 97-10.140, Bull. civ. V., n° 491). En outre, la lésion d’origine multifactorielle n’est pas une rechute car il convient qu’elle soit la conséquence exclusive des accidents précédents (Soc. 19 déc. 2002, n° 00-22.482, D. 2003. 1392 , note Y. Saint-Jours ; RDSS 2003. 437, obs. P.-Y. Verkindt ; RJS 2003, n° 384 ; CSB 2003, n° 134). Au travers de cette jurisprudence, il est manifeste que l’appréciation de la rechute commande une appréciation d’ordre médical. En conséquence, refuser le recours à l’expertise médicale entraînerait une impossibilité de qualifier cette rechute et rendrait vaine l’action en contestation de la décision de refus de prise en charge. À titre transitoire et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2022, l’assuré conserve l’opportunité de solliciter l’expertise médicale technique lorsque la difficulté d’ordre médical relève de l’ancien contentieux médical. À terme, le recours préalable sera exercé devant la Commission médicale de recours amiable (CMRA). Cette Commission, composée de deux médecins, chargée initialement des questions d’ordre médical de l’ancien contentieux technique, a vu son champ de compétence élargie par le décret du 30 décembre 2019. À compter du 1er septembre 2020, l’employeur à qui l’expertise médicale technique est traditionnellement refusée (Soc. 20 juill. 1995, n° 93-12.043 ; 11 mai 2000, n° 98-19.091 ;12 oct. 2000, n°99-12.527), pourra saisir la CMRA s’il entend contester la qualification de rechute.

Ensuite, la décision mérite d’être approuvée car l’expertise médicale est en réalité une mesure d’instruction, dérogatoire au code de procédure civile. L’article R. 142-24 du ode de la sécurité sociale précisait bien que le tribunal ne pouvait statuer qu’après mise en œuvre de l’expertise médicale s’il survenait une difficulté d’ordre médical en cours d’instance. Ce texte a été abrogé et remplacé par l’article R. 142-17-1 (créé par le décr. n° 2018-928 du 29 oct. 2018) lequel est placé dans une sous-section consacrée aux « dispositions particulières à certaines mesures d’instruction ordonnées dans le contentieux mentionné au 1° de l’article L. 142-1 ». La mise en œuvre de l’expertise médicale technique par le juge ne relève pas de son bon vouloir si « le litige fait apparaître en cours d’instance une difficulté d’ordre médical relative à l’état de (….) la victime (…) ». Il est de jurisprudence bien établie que le juge ne peut trancher lui-même une difficulté d’ordre médical (Soc. 14 oct. 1993, n° 91-19.807 ; 9 mai 1994, n° 92-14.637 ; 30 avr. 1997, n° 95-20.534). Sauf à ordonner un complément d’expertise, le juge sera lié par les conclusions de l’expert à partir du moment où les parties ne demandent pas une nouvelle expertise (Soc. 9 mai 1994, n° 94-17.952 ; 10 fév. 2000, n° 97-18.230 ; 20 déc. 2000, n° 99-12.324).

Enfin, en l’espèce, on peut s’étonner que la demande d’expertise ait été formulée par l’assuré. Logiquement, le tribunal doit d’office ordonner cette mesure d’instruction nécessaire à la solution du litige. La question de la forclusion de la demande d’expertise médicale n’aurait pas dû se poser.

En définitive, on peut saluer la suppression programmée de l’expertise médicale technique. À l’avenir, c’est la Commission médicale de recours amiable qui tranchera automatiquement les difficultés d’ordre médical. Son avis s’imposera à l’organisme dont la décision est contestée (CSS, art. L. 142-7-1). Le recours au juge devrait être moins fréquent en raison de la collégialité de l’avis formulé devant la CMRA.

Auteur d'origine: Dargent

L’arrêté du maire de Sceaux imposant aux habitants de cette commune de Hauts-de-Seine âgés de plus de dix ans de ne sortir de leur domicile qu’en portant « un dispositif de protection buccal et nasal » (qui pouvait être un simple foulard) a été suspendu par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 9 avril (ord. n° 20033905, Ligue des droits de l’homme). L’arrêté en question avait fait l’objet d’une large couverture médiatique. Tout comme celui du maire de Sanarysur-Mer prétendant interdire aux habitants de s’éloigner de plus de dix mètres de leur domicile. Ce dernier n’a pas été suspendu. Visé par pas moins de trois recours en référé-liberté, dont un émanant du préfet, l’édile a préféré retirer sa mesure de police avant même que le tribunal administratif de Toulon n’en examine la légalité. Ce qui a sans doute évité à son arrêté de subir le sort des couvre-feux imposés respectivement par les maires de Lisieux et de Saint-Ouen à leurs populations, suspendus par les tribunaux administratifs de Caen (31 mars, n° 2000711, Préfet du Calvados) et de Montreuil (7 avril, n° 2003861).

Est-ce à dire que les maires ne peuvent rien faire pour protéger leur population du virus qui affole le monde entier ? Pas tout à fait. Et d’ailleurs le Conseil d’Etat dans sa première ordonnance liée à l’épidémie (22 mars, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, Dalloz Actualité 23 mars) relevait que « les représentants de l’Etat dans les départements comme les maires en vertu de leur pouvoir de police générale ont l’obligation d’adopter, lorsque de telles mesures seraient nécessaires des interdictions plus sévères [que celles prévues par le gouvernement] lorsque les circonstances locales le justifient. »

Le fait qu’une police spéciale relève de l’Etat n’exclut pas forcément toujours une compétence du maire au titre de ses pouvoirs de police générale. De longue date, le Conseil d’Etat admet l’action du maire (CE, sect., 18 déc. 1959, n° 36385, Société « Les films Lutetia » et syndicat français des producteurs et Exportateurs de films, Lebon p. 693). Mais à la condition, comme le rappelle l’ordonnance du 22 mars précitée, que celui-ci démontre l’existence de « circonstances locales » justifiant voire imposant son action du fait d’un risque de troubles à l’ordre public spécifique à sa commune. Pour certaines polices, d’ailleurs, le juge est plus restrictif encore. S’agissant des antennes-relais, le maire est radicalement incompétent (CE, 26 déc. 2012, n° 352117, Commune de Saint-Pierre d’Irube).

Justifier au plan local la nécessité de la mesure

Dès sa première décision sur l’actuelle épidémie, cependant, le Conseil d’Etat a signalé qu’en ce domaine, c’est la jurisprudence Les Films Lutétia qui s’applique. Mais le maire de Sceaux, comme ceux de Lisieux et de Saint-Ouen, a échoué à démontrer l’existence de circonstances locales justifiant sa décision. Ainsi, le juge des référés du TA de Caen, saisi par le préfet, a considéré que les divers incidents invoqués par le maire de Lisieux ne sont pas suffisants « pour justifier au plan local la nécessité des restrictions supplémentaires imposées par l’arrêté contesté tant au regard du risque de propagation de l’épidémie de covid-19 que de la sécurité publique. »

Répondant au recours d’un particulier, son homologue de Montreuil admet que le pouvoir de police spéciale de l’Etat en matière d’urgence sanitaire ne fait pas obstacle à ce que le maire fasse usage de ses pouvoirs de police générale.

« Toutefois, la légalité de mesures plus restrictives est subordonnée à la condition qu’elles soient justifiées par l’existence de circonstances locales particulières. » Et il juge que « la seule invocation générale du défaut de respect des règles du confinement dans la commune de Saint-Ouen-surSeine ne saurait être regardée comme une circonstance particulière de nature à justifier une restriction à la liberté de circulation particulièrement contraignante ».

À l’appui de la nécessité de son arrêté, la commune de Sceaux évoquait un récent avis de l’Académie de médecine, préconisant le port du masque par l’ensemble de la population. Mais, pour le juge, par ces considérations générales, le maire « ne justifie pas que des risques sanitaires seraient résulté, sur le territoire de sa commune, de l’absence du port d’un masque de protection à l’occasion de sorties dérogatoires au principe d’interdiction de circulation dans l’espace public édicté par la loi du 23 mars 2020 ». La commune invoquait également la proportion élevée de personnes âgées au sein de sa population. Mais, relève le juge, la commune a mis en place un service de livraison de courses à  domicile pour ces personnes âges. Et surtout, « il n’est pas établi que le même objectif de protection des personnes âgées n’aurait pu être atteint par une mesure moins contraignante, telle celle d’imposer le port d’un dispositif de protection efficace aux seules personnes âgées ou de leur réserver l’usage des commerces à certaines heures de la journée. » Une mesure de police, qu’elle soit nationale ou locale, doit être en effet nécessaire, adaptée et proportionnée aux risques qu’elle vise à prévenir (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2012.35, chron. M. Guyomar et X. Domino ; v. C. Roulhac, La mutation du contrôle des mesures de police administrative. Retour sur l’appropriation du triple test de proportionnalité par le juge administratif, RFDA 2018. 343 ; M. Canedo, Les soixante ans de l’arrêt Société Les Films Lutétia, AJDA 2019. 2506). Et, s’agissant d’un arrêté municipal, c’est à l’aune des circonstances locales que le juge opère ce « triple test de proportionnalité ».

Un conseil plutôt qu’un arrêté

Que peuvent donc faire les communes face à l’épidémie ? Beaucoup assurément. Et nombre d’entre elles agissent concrètement pour venir en aide aux personnes âgées (comme l’a d’ailleurs fait la ville de Sceaux) ou aux personnes vulnérables, pour assurer la garde des enfants des soignants, pour soutenir les commerces de la commune… L’Association des maires de France (AMF) a même ouvert une page internet spéciale pour que les communes échangent leurs bonnes idées (https://www.amf.asso.fr/m/COVID19/). En revanche, le gouvernement les a appelées à ne pas mettre en œuvre la désinfection intensive de la voirie, que certaines avaient lancée. En effet, le haut conseil de la santé publique, a estimé que cette pratique n’avait pas d’intérêt pour prévenir l’épidémie. Elle peut, en revanche, selon la ministre de la transition écologique, avoir des effets négatifs sur la santé et l’environnement, dans lequel sont dispersés des produits nocifs.

Pour le reste, certes on peut imaginer que, dans quelques cas très particuliers de communes fortement touchées par l’épidémie, le maire puisse prendre des mesures de police, en particulier si le préfet s’en abstenait (hypothèse peu probable au regard des consignes du ministre de l’intérieur). Mais les élus doivent être conscients que la jurisprudence ne leur laisse pas de marges de manœuvre très importantes. Et que les préfets, les citoyens et les associations les surveillent.

C’est ainsi la Ligue des droits de l’homme qui a obtenu la suspension de l’arrêté du maire de Sceaux. De façon plus inattendue, la Fondation 30 millions d’amis avait officiellement sollicité le retrait de l’arrêté du maire de Sanary qu’elle jugeait nuisible au bien-être animal (indubitablement, 10 mètres de promenade, c’est déjà peu pour un chihuahua, alors pour un berger allemand…). L’AMF, dont le maire de Sceaux, Philippe Laurent, est le secrétaire général a recommandé à ses membres de « conseiller à la population de porter un masque artisanal ou chirurgical sur la bouche et sur le nez durant les sorties autorisées ». Le conseil a un avantage certain sur la mesure de police : il est insusceptible de recours…Philippe Laurent, lui, a décidé de faire appel.

Auteur d'origine: pastor

Instituée fin 2018 par la loi n° 2018-1213 portant mesures d’urgence économiques et sociales de façon temporaire, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, parfois vulgarisée « prime Macron », avait cet avantage d’être exonérée de toutes cotisations et contributions sociales et d’impôt sur le revenu. Elle a été reconduite par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020. Le dispositif avait néanmoins été modifié sur plusieurs éléments. Pour bénéficier des exonérations sociales et fiscales, un accord d’intéressement devait notamment être en vigueur au moment du versement de la prime, soit au plus tard avant le 30 juin 2020. Par dérogation au droit commun, la durée de l’accord d’intéressement pouvait dans ce contexte être inférieure à trois ans (sans être inférieure à un an).

Afin d’encourager et de récompenser les salariés qui se sont mobilisés pendant cette épidémie, les pouvoirs publics ont décidé d’assouplir les conditions d’octroi de cette prime « 2020 » (sans pour autant que celle-ci soit textuellement réservée à ces seuls salariés), selon les modalités ci-après exposées.

Suppression de la condition de couverture par un accord d’intéressement

L’ordonnance acte la suppression de la condition initialement prévue d’être couvert par un accord d’intéressement pour que la prime soit exonérée de charges sociales et d’impôt sur le revenu. Contrairement à ce qui avait pu être annoncé à la presse par le ministre de l’économie le 20 mars 2020 (le ministre avait alors évoqué que les entreprises d’au moins 250 salariés seraient toujours dans l’obligation d’être dotées d’un accord d’intéressement), aucune condition liée à l’effectif de l’entreprise n’est prévue dans la version publiée du texte.

La couverture par un accord d’intéressement permettra toutefois aux entreprises de profiter d’un plafond de versement relevé de 1 000 à 2 000 €.

Le montant maximal exonéré de toutes charges sociales et fiscales est donc doublé pour celles-ci, ce qui constitue un signal fort à destination des salariés. Reste à savoir si ce dispositif sera mobilisé et par qui. Pour les entreprises ayant déjà versé la prime, rien ne leur interdit a priori de verser un complément également sujet à ce régime social et fiscal, dès lors qu’elles respectent le plafond (de 1 000 ou 2 000 € selon qu’elles disposent ou non d’un accord d’intéressement), toutes primes additionnées. Les entreprises dont l’activité a considérablement augmenté du fait de l’épidémie (grande distribution, agroalimentaire, fourniture de matériel médical, etc.) seront, au premier chef, intéressées.

Report des dates limites de versement et de conclusion d’un accord d’intéressement dérogatoire

L’ordonnance réalise dans le même temps un report de la date limite du versement de la prime. Précédemment fixé au 30 juin 2020, le délai butoir de versement est désormais fixé au 31 août 2020.

Cela signifie que la date de versement effectif de la prime doit, pour bénéficier du régime social et fiscal favorable, intervenir au plus tard au 31 août de cette année. Une prime dont le principe serait arrêté aujourd’hui et dont le versement serait opéré après cette date (pour des considérations tenant par exemple à une nécessaire prise de recul sur les capacités financières de l’entreprise) n’apparaît pas, à l’aune d’une lecture littérale du texte, éligible au dispositif.

De même, et en alignement avec le report précédent, est également reportée au 31 août 2020 la date pour conclure un accord d’intéressement d’une durée dérogatoire (entre un et trois ans), au lieu du 30 juin 2020.

Ajout d’un nouveau critère de modulation

Il est parfois délicat d’opérer des distinctions entre les salariés dans l’octroi d’un avantage particulier, considérant les principes de non-discrimination et/ou d’égalité de traitement.

Aussi, le texte de la loi de finances prévoyait la possibilité de moduler le montant de la prime en fonction de divers critères. L’ordonnance ajoute d’un nouveau critère, de sorte que le II, 2°, de l’article 7 de la loi n° 2019-1446 prévoit désormais que « son montant peut être modulé selon les bénéficiaires en fonction de la rémunération, du niveau de classification, des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée ou la durée de travail prévue au contrat de travail mentionnée à la dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ».

Cet ajout du critère « des conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19 » permettra par exemple à l’employeur d’accorder un montant plus important aux salariés devant se rendre sur leur lieu de travail par rapport aux autres en télétravail (à charge pour l’entreprise d’être en mesure de justifier en quoi les « conditions de travail liées à l’épidémie » justifient cette différence de traitement). Une justification portant sur un risque sanitaire accru devra à ce titre être considérée avec la plus grande prudence, considérant l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur, tant à l’égard de ses salariés sur le terrain qu’à l’égard de ceux placés en télétravail.

Ce nouveau critère devra être prévu par accord collectif ou décision unilatérale de l’employeur mettant en œuvre cette prime. Il conviendra en tout état de cause de porter un soin particulier à la rédaction de l’acte (unilatéral ou accord collectif) mettant en place la prime, qui ne devra pas être porteur de critères discriminatoires, en particulier sur l’état de santé.

À noter enfin que la disposition évoquant le fait que « les congés prévus au chapitre V du titre II du livre II de la première partie du code du travail sont assimilés à des périodes de présence effective » est maintenue dans la loi. Aussi, les salariés ayant posé de tels congés pendant la période de confinement ne devraient pas, à défaut de précisions dans l’acte instituant la prime sur les modalités de prise en compte des « conditions de travail liées à l’épidémie », voir leur droit à la prime réduit au prorata des congés posés. Les entreprises devront donc porter le plus grand soin à la rédaction des modalités d’octroi et de modulation du versement de la prime, si elles entendent intégrer le nouveau critère.

Auteur d'origine: Dechriste
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L’objectif de cette ordonnance est de mobiliser les services de santé au travail en recentrant temporairement leurs missions dans la lutte contre l’épidémie du covid-19.

L’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 publiée le 2 avril au Journal officiel est organisée de la manière suivante :

Article 1 : Le rôle de prévention des services de santé au travail

Les services de santé au travail contribuent à diffuser tant à l’attention de salariés que des employeurs les mesures de prévention adéquates contre le risque de contagion.

L’ordonnance met en exergue le rôle central des services de santé au travail qui peuvent être amenées sur demande à accompagner les entreprises à accroître ou adapter leur activité afin d’optimiser la prévention des risques professionnels liés au coronavirus.

En effet, rappelons que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité et de protection de la santé envers ses salariés. Ainsi, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mettant en place des actions de prévention, des actions d’information et de formation et d’adapter son organisation (C. trav., art. L. 4121-1).

L’employeur engage sa responsabilité, sauf s’il démontre avoir pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour éviter le risque (Soc. 25 nov. 2015, n° 14-24.444, D. 2015. 2507 ; ibid. 2016. 144, chron. P. Flores, S. Mariette, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 457, étude P.-H. Antonmattei ). En conséquence, l’employeur doit mettre en place des mesures de prévention adaptées aux métiers de l’entreprise. Le ministère du Travail l’avait précisé dans son question/réponse, l’employeur peut s’appuyer sur le médecin du travail (Q-R n° 27) et y associer le Comité social économique (CSE).

En somme, le premier article est un rappel de leurs missions habituelles de prévention : diffuser aux parties à la relation de travail des « messages de prévention contre le risque de contagion » ; aider les entreprises à mettre en œuvre les « mesures de prévention adéquates » et les aider à « accroître ou adapter leur activité ».

Les services de santé au travail sont, en effet, les mieux placés pour assurer la diffusion des meilleurs moyens de prévention sur tout le territoire.

Article 2 : Le rôle de prescription du médecin du travail

L’article 2 prévoit, par dérogation expresse de l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, que le médecin du travail peut prescrire et renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au coronavirus. Il faut rappeler, qu’en temps normal, la loi n’autorise pas le médecin du travail à prescrire des arrêts maladie.

Pour ce faire, le médecin du travail peut procéder à des tests de dépistage selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail. Le gouvernement semble se préparer à une sortie du confinement et pour ce faire donne un premier indice de réalisation en y associant le médecin du travail pour procéder à des tests de dépistage selon un protocole restant à définir et surtout lorsque le matériel nécessaire sera mis à leur disposition. Le décret est attendu sur ce point.

Article 3 : L’organisation des visites médicales

L’ordonnance prévoit que les visites médicales prévues dans le cadre du suivi de l’état de santé des travailleurs pourront être reportées sauf si le médecin du travail les estime indispensables. Précisément, toutes les visites médicales qui auraient dû avoir lieu depuis le 12 mars 2020 ou devant avoir lieu dans les jours qui viennent pourront donc être reportées.

Ainsi, cela concerne :

les visites d’information et de prévention ;les visites pour les salariés placés en suivi individuel renforcé ;les visites des intérimaires ;les visites pour les travailleurs relevant du secteur agricole et de la pêche maritime.

Reste à parfaire par le gouvernement par décret, la question des travailleurs en situation de handicap, les travailleurs de nuit et les salariés en suivi individuel renforcé.

Aussi, l’ordonnance précise que le report de la visite ne doit pas être de nature à faire obstacle à l’embauche ou à une reprise du travail. Il apparaît, en effet, essentiel de maintenir les visites pour les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation.

Article 4 : Report des missions en milieu de travail

Durant la période de crise sanitaire, les services de santé au travail peuvent reporter ou aménager leurs interventions dans ou auprès de l’entreprise lorsqu’elles ne sont pas en rapport avec l’épidémie de covid-19, sauf si le médecin estime que l’urgence ou la gravité des risques pour la santé des travailleurs justifie une intervention sans délai.

Article 5 : Délais

Un décret est attendu pour répondre précisément à la question de savoir jusqu’à quand ces dispositions sont applicables. En tout état de cause, l’ordonnance prévoit qu’il en sera ainsi jusqu’au plus tard au 31 août 2020.

En outre, concernant les visites du suivi médical qui seraient reportées après le 31 août 2020, un décret précisera de quelle manière elles seront organisées au plus tard le 31 décembre 2020. 

Auteur d'origine: Fraisse

L’ordonnance n° 2020-387, publiée le 2 avril 2020, vient apporter une série d’adaptations spécifiques en matière de formation professionnelle. Ces mesures peuvent être regroupées selon les thématiques suivantes :

Prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation (art. 3)

Mettant fin à l’incertitude qui dominait les alternants et les entreprises les embauchant, l’ordonnance permet la prolongation des contrats d’apprentissage et de professionnalisation pour tenir compte de la suspension de l’accueil des apprentis et des stagiaires par les centres de formation d’apprentis (CFA) et les organismes de formation depuis le 12 mars 2020. Ceux-ci ayant en effet été frappé par la mesure générale de fermeture des structures d’enseignement destinée à limiter la propagation du coronavirus, les modalités d’exécution des contrats d’apprentissage et de professionnalisation s’en sont trouvés perturbés.

Bien que des dispositifs d’enseignement à distance aient été déployés par les CFA, les sessions de formation et parfois des examens terminaux peuvent être reportés, à des dates qui peuvent être postérieures aux dates de fin d’exécution des contrats.

Pour faire face à cette situation, les contrats d’apprentissage (C. trav., art. L. 6221-1) et les contrats de professionnalisation (C. trav., art. L. 6325-1 du même code), dont la date de fin d’exécution survient entre le 12 mars et le 31 juillet 2020, sans que l’apprenti ait achevé son cycle de formation en raison de reports ou d’annulations de sessions de formation ou d’examens, peuvent être prolongés par avenant au contrat initial jusqu’à la fin du cycle de formation poursuivi initialement.

Dans le même esprit et pour ne pas pénaliser les jeunes en attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage, l’ordonnance porte de trois à six mois la durée pendant laquelle un jeune peut rester en formation dans un CFA dans l’attente de la conclusion d’un contrat d’apprentissage (prévue à l’art. L. 6222-12-1 c. trav. ; v. l’art. 3 de l’ord. n° 2020-387).

Reports d’échéances en matière d’entretiens professionnels ainsi qu’en matière de certification qualité et d’habilitations (art. 1)

Dans le prolongement logique de l’éviction des contacts présentiels destinée à endiguer l’épidémie, l’article premier du texte diffère jusqu’au 31 décembre 2020 la réalisation par l’employeur des entretiens d’état des lieux du parcours professionnel de chaque salarié prévu à l’article L. 6315-1 du code du travail, ainsi que la mesure transitoire prévue par l’ordonnance n° 2019-861 du 21 août 2019 qui permet à l’employeur de satisfaire à ses obligations en se référant soit aux dispositions en vigueur au 31 décembre 2018, soit en prenant en compte celle issue de la loi du 5 septembre 2018.

Il suspend également jusqu’au 31 décembre 2020 l’application des sanctions prévues par la loi dans le cas où ces entretiens n’auraient pas été réalisés dans les délais (soient l’abondement du compte personnel de formation prévu au 6e alinéa du II du même art. L. 6315-1 et au 1er alinéa de l’art. L. 6323-13, ainsi que la contribution financière supplémentaire prévue au même article pour les entreprises d’au moins 50 salariés).

Ces dispositions permettront aux entreprises n’ayant pas pu réaliser ces entretiens dans les temps en raison de la crise sanitaire d’y pourvoir sans pénalités d’ici la fin de l’année civile.

Dans le même esprit, le même article reporte au 1er janvier 2022 les échéances fixées par la loi en matière de certification qualité et d’enregistrement des certifications et des habilitations dans le répertoire spécifique (mentionné au 10e alinéa du II de l’art. L. 335-6 c. éduc.).

Adaptation de la validation des acquis de l’expérience « à distance » (art. 2)

L’ordonnance vient enfin adapter les modalités relatives à la validation des acquis de l’expérience (VAE). Ces dispositions sont présentées comme étant destinées à faciliter l’accès à la validation des acquis de l’expérience et à prévenir les difficultés d’accès à ce dispositif en raison du contexte (V. Rapport au président de la République relatif à l’ord. n° 2020-387 du 1er avr. 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle). La possibilité d’une VAE à distance s’inscrit ainsi en filigrane du texte.

La période de confinement est vue par les pouvoirs publics comme une occasion d’entreprendre ou de finaliser une validation des acquis de l’expérience à distance, en particulier pour les salariés placés en activité partielle, sous réserve que les modalités d’accompagnement et de financement soient adaptées (v. Rapport, préc.).

Un assouplissement financier est par conséquent proposé. L’ordonnance autorise en effet les opérateurs de compétences et les commissions paritaires interprofessionnelles régionales, associations dénommées Transition Pro, à financer de manière forfaitaire les parcours de validation des acquis de l’expérience, depuis le positionnement, jusqu’au jury, y compris l’accompagnement à la constitution des dossiers de recevabilité. Le montant du forfait de prise en charge financière sera déterminé par les financeurs, dans la limite de 3 000 €. À titre dérogatoire, les opérateurs de compétences pourront mobiliser à cet effet les fonds dédiés au financement de l’alternance ou les contributions complémentaires collectées pour le développement de la formation professionnelle continue. Les associations Transition Pro pourront mobiliser les fonds destinés au financement des transitions professionnelles.

Ces dispositions s’appliqueront jusqu’à une date fixée par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020. 

Auteur d'origine: Dechriste

Report au premier semestre 2021 du scrutin organisé pour mesurer l’audience des organisations syndicales auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés (art. 1er)

L’article 1er de l’ordonnance concerne la mesure d’audience dans les TPE. Pour rappel, la loi du 20 août 2008 fait largement reposer la représentativité des organisations syndicales sur le critère de l’audience, apprécié au cours des élections professionnelles. Cette règle a pour effet d’exclure les TPE qui n’ont aucune obligation légale d’organiser des élections en dessous du seuil de onze salariés.

C’est pourquoi il est prévu la mise en place d’un scrutin propre aux TPE, les salariés concernés étant amenés à voter tous les quatre ans pour des sigles syndicaux. Les résultats sont ensuite incorporés à la mesure de la représentativité dans les branches, ainsi qu’au niveau national et interprofessionnel.

L’ordonnance n° 2020-388 modifie d’abord les modalités du scrutin mis en place pour les salariés des entreprises de moins de onze salariés, lequel était initialement prévu du 23 novembre au 6 décembre prochain. Normalement « organisé au niveau régional tous les quatre ans » (C. trav., art. L. 2122-10-2), le scrutin se trouve ainsi reporté « au premier semestre 2021, au cours d’une période fixée par arrêté du ministre chargé du travail ».

Ce report a contraint le gouvernement à redéfinir à titre exceptionnel le corps électoral. En effet, sont normalement électeurs « les salariés des entreprises qui emploient moins de onze salariés au 31 décembre de l’année précédant le scrutin, titulaires d’un contrat de travail au cours de ce mois de décembre, âgés de seize ans révolus et ne faisant l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques » (C. trav., art. L. 2122-10-2). Afin de « neutraliser l’impact du report du scrutin sur la liste électorale, qui conduirait à défaut de cette mesure à faire de 2020 la nouvelle année de référence » (rapport au président de la République relatif à l’ord. n° 2020-388 du 1er avr. 2020), l’ordonnance renvoie explicitement au mois de décembre 2019 pour l’appréciation du critère d’appartenance aux effectifs de l’entreprise.

Décalage de la date du prochain renouvellement général des conseillers prud’hommes (art. 2)

L’article 2 de l’ordonnance vise à décaler la date du prochain renouvellement général des conseillers prud’hommes. À l’origine élus tous les cinq ans par leurs pairs dans le cadre d’une élection générale au suffrage universel direct, les conseillers prud’hommes sont aujourd’hui « nommés conjointement par le garde des Sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail tous les quatre ans par conseil de prud’hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles » (C. trav., art. L. 1441-1). Dès lors que le nombre de sièges attribués aux organisations syndicales et patronales est basé sur la mesure de leur audience électorale, l’ordonnance n° 2020-388 opte pour un report du renouvellement à venir et prévoit la prorogation des mandats actuels des conseillers prud’hommes jusqu’à la date du prochain renouvellement général. Cette échéance sera « fixée par arrêté conjoint de la garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé du travail, au plus tard le 31 décembre 2022 ».

Pour les besoins de la formation continue, une reconduction des autorisations d’absence est prévue au titre de la prolongation du mandat, dans la limite de six jours par an. Comme annoncé dans le compte rendu du Conseil des ministres du 1er avril 2020, la durée des mandats des conseillers prud’hommes qui seront nommés dans le cadre du prochain renouvellement devrait être « raccourcie à due concurrence par le biais d’une disposition législative spécifique afin que les différents scrutins coïncident ».

Décalage du prochain renouvellement des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (art. 3)

Enfin, l’article 3 de l’ordonnance repousse la date du prochain renouvellement des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles, institutions chargées « de représenter les salariés et les employeurs d’entreprises de moins de onze salariés » (C. trav., art. L. 23-111-1).

Là aussi, les mandats en cours sont prorogés jusqu’à la date du prochain renouvellement, qui sera « fixée par arrêté du ministre chargé du travail, et au plus tard le 31 décembre 2021 ».

À l’image des mandats des conseillers prud’hommes, une disposition législative devrait raccourcir la durée des mandats afin que les différents scrutins puissent concorder.

Auteur d'origine: Dechriste
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L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 publiée le 2 avril au Journal officiel prévoit ainsi des mesures qui peuvent être regroupées selon les thématiques suivantes :

• Élections professionnelles

Suspension des processus électoraux (art. 1 et 2)

La mesure était très attendue, l’ordonnance entraîne sans surprise la suspension « immédiate » de l’ensemble des processus électoraux en cours dans les entreprises et des délais qui étaient impartis à l’employeur dans le cadre de ces processus à compter de sa date de publication.

Cette suspension prend effet au 12 mars 2020, à moins que le processus électoral ait donné lieu à l’accomplissement de certaines formalités après le 12 mars 2020. Dans ce cas, la suspension prend effet à compter de la date la plus tardive à laquelle l’une de ces formalités a été réalisée.

L’ordonnance précise que, si la suspension intervient entre le premier et le second tour des élections, celle-ci n’entraînera aucune incidence sur la régularité du premier tour, quelle que soit la durée de la suspension. Cette précision est quelque peu superflue car la suspension ne pouvait d’elle-même invalider le premier tour des élections, la Cour de cassation ayant déjà pu juger que le non-respect du délai maximum de quinze jours pour organiser le second tour n’entraîne aucune conséquence sur la régularité du premier tour (Soc. 10 mai 2012, n° 11-21.339 P, Dalloz actualité, 2 juill. 2012, obs. L. Perrin ; D. 2012. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ).

Par ailleurs, en raison de la suspension, l’ordonnance indique que les conditions d’électorat et d’éligibilité s’apprécient à la date d’organisation de chacun des tours du scrutin.

Enfin, la suspension est ordonnée jusqu’à une date fixée à trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Les différents délais qui étaient impartis à l’employeur recommenceront donc à courir dès la fin des mesures d’urgence.

À ce titre, l’ordonnance indique que les employeurs qui n’ont pas encore engagé le processus électoral disposeront d’un délai supplémentaire de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire pour engager le processus.

Dérogation à l’obligation de procéder à des élections partielles (art. 4)

Conformément à l’article L. 2314-10 du code du travail, les élections partielles doivent être organisées par l’employeur dès lors qu’un collège électoral d’un comité social et économique n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

Par dérogation à cette obligation, l’ordonnance dispose que, si les mandats des élus expirent moins de six mois après la date de fin de la suspension du processus électoral, l’employeur n’est pas tenu d’organiser les élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant ladite suspension.

Le rapport au président accompagnant l’ordonnance précise, pour plus de clarté, que « l’article 4 a pour objet de dispenser l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la suspension du processus électoral intervient peu de temps avant le terme des mandats en cours ».

Prorogation des délais de contestation administrative et judiciaire (art. 1er et 5)

Conséquence immédiate de la suspension des processus électoraux, l’ensemble des délais de saisine de l’administration ou du tribunal judiciaire sont suspendus. Ils recommenceront à courir dès la fin de de la période de suspension des processus électoraux.

De même, si l’administration a été saisie à compter du 12 mars 2020, le délai dont elle dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

Si une décision administrative est intervenue après le 12 mars 2020, le délai de recours contre sa décision commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

L’ordonnance précise enfin que l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période n’est pas applicable afin d’éviter une concurrence de dispositions contradictoires. Cet article énonce que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ».

• Les mandats des représentants du personnel (art. 3)

L’ordonnance proroge les mandats en cours « des représentants élus des salariés » à la date du 12 mars 2020 jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles.

Le statut protecteur de ces élus est maintenu durant toute la période de prorogation.

Bien que l’ordonnance vise le mandat des seuls représentants élus, il convient d’ajouter que les mandats syndicaux (délégué syndical, représentant syndical au comité, représentant de section syndicale) sont évidemment « prorogés » tant que les élections n’ont pas été organisées.

• Modalités d’organisation des réunions des instances représentatives du personnel (art. 6)

L’ordonnance autorise le recours sans limitation à la visioconférence et aux conférences téléphoniques pour les réunions des comités sociaux et économiques.

Un décret doit cependant encore préciser les conditions dans lesquelles le recours aux conférences téléphoniques peut intervenir.

L’ordonnance permet également, à titre subsidiaire, le recours aux messageries instantanées en cas d’impossibilité d’organiser une visioconférence ou une conférence téléphonique mais renvoie à un décret la fixation des conditions d’utilisation de la messagerie instantanée.

Ces dispositions dérogatoires sont applicables aux seules réunions convoquées pendant l’état d’urgence sanitaire.

• Dérogations à la procédure d’information-consultation du CSE (art. 7)

Faute de précision dans l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, il convenait d’informer et de consulter le CSE avant d’imposer aux salariés la prise de jours de repos conformément au droit commun.

Au regard des critiques émises, le gouvernement a réajusté la procédure de consultation du CSE. Désormais, l’employeur peut immédiatement imposer des jours de repos aux salariés hors forfait, aux salariés au forfait ou des jours placés sur un CET, mais il doit :

informer concomitamment le CSE sans délai et par tout moyen ;
 recueillir l’avis du CSE dans le délai d’un mois à compter de sa première information.

Enfin, de la même manière, les dérogations aux durées maximales de travail et minimales de repos ainsi qu’au repos dominical ouvertes aux entreprises relevant de secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale pourront être mises en œuvre sans attendre l’avis du CSE qui doit être recueilli dans le délai d’un mois à compter de son information.

Auteur d'origine: Dechriste

De quoi faire réagir les constitutionnalistes ! À l’occasion de l’examen de la constitutionnalité de la loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le Conseil constitutionnel estime que la violation des règles de procédure d’élaboration de la loi organique fixées par la Constitution ne rend pas pour autant, en raison du contexte sanitaire, la loi inconstitutionnelle.

L’article unique de la loi organique prévoit que le délai légal de trois mois dont disposent les juridictions suprêmes des deux ordres pour se prononcer sur le renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ainsi que le Conseil constitutionnel pour statuer sur les QPC qui lui sont transmises, est suspendu jusqu’au 30 juin 2020.

Le délai de procédure prévu à l’alinéa 2 de l’article 46 de la Constitution n’avait, en l’espèce, pas été respecté, le projet de loi ayant été discuté en séance publique devant la première assemblée saisie non pas quinze jours après mais dès le lendemain de son dépôt.

Le Conseil constitutionnel estime toutefois, sans s’appuyer sur une quelconque disposition constitutionnelle, que « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution ».

Quant à l’examen de la constitutionnalité de la loi sur le fond, il juge les dispositions de l’article unique conformes dès lors que celui-ci « ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une [QPC] durant cette période ».

Auteur d'origine: ebenoit
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Par une requête du 26 mars 2020, le syndicat UGTG a saisi le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe pour demander à ce qu’il soit enjoint au centre hospitalier universitaire et à l’agence régionale de la santé de la Guadeloupe, d’une part, de passer commande auprès des sociétés SA Novacyt ou Alltest Biotech, via le revendeur Sobiotech Consult, ou de toute autre société, de 200 000 tests de dépistage du covid-19, correspondant environ à la moitié de la population guadeloupéenne, et d’autre part, de passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection, pour 20 000 patients.

Par une ordonnance rendue le 28 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a fait droit  à la demande d’injonction de passer commande des doses nécessaires au traitement de l’épidémie de covid-19 par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine, comme défini par l’IHU Méditerranée infection, et de tests de dépistage du covid-19, le tout en nombre suffisant pour couvrir les besoins présents et à venir de la population de l’archipel guadeloupéen, dans le cadre défini par le décret n° 2020-314 du 25 mars 2020.

Cette ordonnance mérite l’attention. Préalablement, il convient de relever qu’elle a été exceptionnellement rendue collégialement. En effet, le juge des référés initialement saisi a décidé de statuer en formation collégiale de trois juges présidée par le président du tribunal. Au regard de la très grande sensibilité du dossier et du contexte anxiogène dans lequel elle intervient, ce dossier requérait que la décision rendue soit partagée et ne soit pas portée par un juge unique.

L’analyse de cette décision nous amène à aborder deux points : d’une part, la recevabilité de la requête qui a fait débat et d’autre part, celui de la question des tests et de la mesure ordonnée juridictionnellement.

La question de la recevabilité de la requête

L’un des points de la décision rendue portait sur la recevabilité de la requête présentée par le syndicat UGTG. Il convient de rappeler que le principe dit de la spécialité s’applique également devant le juge administratif. Il doit nécessairement avoir un intérêt entre la personne morale qui porte l’action et le litige soulevé. Aux termes de l’article L. 2131-1 du code du travail : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ». Ainsi, un syndicat professionnel n’a pas vocation à défendre l’ensemble de la population et l’admettre reviendrait à méconnaître les termes mêmes de l’article précité et le principe de spécialitéss’ des personnes morales. Pour asseoir la recevabilité de sa requête, l’UGTG indiquait que ses statuts ont pour objet « de prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre les intérêts des travailleurs, de défendre la liberté syndicale et les libertés démocratiques, de réaliser l’unité de tous les travailleurs de la Guadeloupe et de lutter pour la suppression des rapports d’exploitation coloniale, des rapports de production ». Cet objet est à large spectre. Si le juge du Palais-Royal ouvre largement l’accès au prétoire aux personnes morales, il veille à ce qu’il y ait un lien identifiable et identifié entre la requérante et la demande portée en justice. Ainsi, il a jugé qu’une association ayant pour objet « de combattre l’injustice sous quelque forme que ce soit et en quelque lieu qu’elle se trouve » n’a pas qualité pour agir contre une circulaire relative à la procédure à suivre à l’égard des étrangers en situation irrégulière (CE 10 mars 1995, n° 125271, Association « Le droit pour la justice et la démocratie », Lebon T. 958 ; RTD com. 1995. 808, obs. E. Alfandari ). Il a jugé de même pour une association de parents d’élèves d’enseignement privé contre une décision autorisant les infirmeries des établissements d’enseignement publics à délivrer la « pilule du lendemain » (CE, ass., 30 juin 2000, n° 216130, Association « Choisir la Vie », Lebon 249 ; AJDA 2000. 729 , concl. S. Boissard ; D. 2001. 2224, et les obs. , note A. Legrand ; ibid. 2000. 545, chron. C. Radé et O. Dubos ; RFDA 2000. 1282, note M. Canedo ; ibid. 1305, note L. Dubouis ; ibid. 1311, obs. J. Morange ; RDSS 2000. 711, obs. J.-S. Cayla ; ibid. 732, note L. Dubouis ). Il en va de même pour les syndicats. Ainsi, dans son arrêt du 27 mai 2015, le Conseil d’État a indiqué qu’un syndicat ne pouvait utilement se prévaloir des termes généraux de ses statuts relatifs à la « défense des libertés et des principes démocratiques » pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir (CE 27 mai 2015, Syndicat de la magistrature, n° 388870). Il convient de rappeler qu’en application de l’article L. 2133-3 du code du travail, « Les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels ». Il appartient au juge de vérifier en tout état de cause « qu’il existe une adéquation suffisante entre la nature des intérêts défendus par l’organisation requérante et les effets de l’acte qu’elle conteste » (CE 2 juin 2010, n° 309445, Centre communal d’action sociale de Loos, Lebon ; AJDA 2010. 1116 ), autrement dit en rapportant in concreto la portée de la demande à l’objet précis du syndicat intervenant. Le Conseil d’État a jugé à cet effet que l’intérêt pour agir s’apprécie au regard des « conclusions présentées et des moyens invoqués à leur soutien » (CE 26 avr. 2018, Syndicat SNRT-CGT France Télévisions, n° 418489). La question de la recevabilité de la requête du syndicat requérant se pose inévitablement sur le plan juridique, le syndicat entendant agir au nom de la population de son territoire. Cette difficulté n’a pas échappé au juge des référés administratifs guadeloupéen qui après avoir constaté qu’un syndicat professionnel « ne saurait, en temps normal, se prévaloir des termes généraux de ces statuts relatifs à la « défense des libertés démocratiques » pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge des référés de mettre en œuvre ses pouvoirs d’injonction au cas d’atteinte au droit au respect de la vie de l’ensemble de la population guadeloupéenne, qu’il n’a pas vocation à représenter dans sa globalité, il résulte toutefois de l’instruction et des débats à l’audience, que ce syndicat confédéral regroupe plusieurs organisations syndicales de professionnels de la santé, particulièrement exposés aux risques pandémiques, notamment CHU de Guadeloupe.» Il contourne cette difficulté par une motivation que nous considérons comme particulièrement hardie sur le plan juridique. En effet, il considère recevable la requête pour deux raisons : d’une part, parce que l’action est menée par « ce syndicat confédéral (qui) regroupe plusieurs organisations syndicales de professionnels de santé, particulièrement exposées aux risques pandémiques, notamment au CHU de Guadeloupe ». D’autre part, il se réfère aux circonstances très exceptionnelles de l’espèce : « Par sa nature même, cette pandémie est susceptible de s’étendre à l’ensemble de la population de l’archipel guadeloupéen et, à ce titre, dans les circonstances très exceptionnelles de l’espèce, l’intérêt à agir du syndicat requérant doit être admis. ». Si l’intérêt à agir de la confédération en cause peut se justifier pour la défense des intérêts d’un syndicat de professionnels de santé, membre de ladite confédération intervenante, il peut se discuter sur le plan juridique pour la défense des intérêts de toute la population d’un territoire. Il n’est pas certain que le Conseil d’État fasse une analyse aussi ouverte et subtile de la recevabilité de la requête de l’UGTG, quel que soit son caractère louable au regard de la situation sanitaire de la Guadeloupe.

La liberté de juge des référés : un pouvoir d’injonction limité

Le juge des référés a été saisi sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative qui impose au juge de se prononcer dans un délai de 48 heures. Ce référé suppose pour l’essentiel deux conditions : d’une part l’urgence et d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La première condition ne posait aucune difficulté dans la mesure où celle-ci est par nature présumée en raison de l’état d’urgence sanitaire appliquée depuis le 24 mars 2020. La seconde condition a fait l’objet d’une importante motivation de la part du juge des référés.

Sur la liberté fondamentale en cause

Celle-ci ne pose pas de difficulté. Le Conseil d’État juge des référés, ayant précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sedt., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ). Ce droit inclut « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 9 janv. 2001, n° 228928, Deperthes, Lebon ). L’autre aspect que met en exergue l’ordonnance rapportée porte sur le principe de précaution, dans le cas présent l’article 5 de la charte de l’environnement aux termes duquel « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il convient de rappeler que les dispositions de cette charte ont valeur constitutionnelle (Cons. const. 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, § 79, AJDA 2010. 4 ; ibid. 277 , note W. Mastor ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RFDA 2010. 627, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 277, obs. A. Barilari ; ibid. 281, obs. A. Barilari ; ibid. 283, obs. A. Barilari ). Le Conseil d’État a eu l’occasion d’appliquer ce principe en matière de santé publique en précisant que « le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées » (CE 8 oct. 2012, n° 342423, Cne de Lunel, Lebon ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012. 643, obs. P. Soler-Couteaux ; Constitutions 2012. 651, obs. N. Huten ). Avant cette ordonnance, le juge des référés du Palais-Royal a eu l’occasion de rendre plusieurs décisions de rejet concernant les mesures à prendre ou les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

En réalité, la problématique posée par la présente ordonnance rapportée a trait aux mesures prescrites par le juge des référés qui sont de nature à poser problème sur le strict plan juridique.

Sur la question du dépistage

Le juge des référés enjoint à l’administration de passer commande de tests de dépistage du covid-19 en nombre suffisant pour couvrir les besoins de la population de l’archipel guadeloupéen eu égard au « nombre de lits de réanimation particulièrement limité en Guadeloupe par rapport à sa population, l’insularité qui restreint considérablement les possibilités d’évacuations sanitaires de masse en cas de surcharge des établissements de soins locaux, le manque de fiabilité des données relatives au nombre de personnes contaminées, la pénurie avérée de matériels de protection des soignants et des personnels des forces de l’ordre, et celle de tests de dépistage caractérisent en elles-mêmes des carences du système de santé local, constitutives d’atteintes graves et manifestement illégales au respect de la vie » et de « se prémunir d’une nouvelle situation de pénurie telle qu’elle est déjà avérée à ce jour, alors que le pic de la pandémie n’est pas atteint et en application du principe constitutionnel de précaution ». Deux observations à cette motivation. La première a trait aux autorités décisionnelles. Depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire, les autorités chargées de la gestion de celui-ci sont d’une part, le Premier ministre (CSP, art. L. 3131-15) et le ministre de la Santé (CSP, art. L. 3131-16). Ces dernières pouvant habiliter les représentants de l’État dans les territoires à intervenir en complément localement (CSP, art. L. 3131-17). C’est en application de la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire qu’est intervenu le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifiée à plusieurs reprises depuis, prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. La question des masques et des tests fait l’objet de dispositions précises et se trouve gérée au niveau national. La raison vient d’un constat que le Conseil d’État, statuant en référé, a fait de nouveau dans sa décision rendu le 22 mars 2020, à savoir que la « limitation des tests (…) résulte d’une insuffisante disponibilité des matériels » et qu’en l’espèce il avait jugé que « les conclusions aux fins d’injonction tendant à ce qu’il soit procédé massivement à des tests de dépistage et à ce que ces tests puissent être pratiqués dans les laboratoires de biologie médicale ne peuvent, par suite, (…), qu’être, en tout état de cause, rejetées » (CE, ord., 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes médecins, AJDA 2020. 655 ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ).

En imposant une injonction générale comme il l’a faite au profit de toute la population d’un territoire, le juge administratif guadeloupéen a procédé à une application du principe de précaution qui conduit à sa dénaturation, d’autant qu’il se heurte présentement à une formalité impossible du fait de l’impossibilité de disposer de tests en nombre suffisant pour la population française. Une injonction n’a de pertinence que si elle est réaliste et tient compte d’une réalité qui s’impose objectivement au juge. Par contre, l’impossibilité pour le juge des référés de répondre à de telles demandes ne pouvant être satisfaites en l’état ne prive pas les requérants d’action. Ainsi, une action en responsabilité peut être actionnée le cas échéant sur le fond contre l’État pour une carence à ce niveau.

La seconde question abordée est l’injonction faite à l’administration d’utiliser le traitement de l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Le juge guadeloupéen se réfère aux travaux du professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses et directeur de l’IHU Méditérranée Infection de Marseille en concluant à la validité de la médication application. Il indique « S’il convient d’être prudent sur les résultats de cette étude et sur les effets de ces médicaments, il n’en demeure pas moins que, là encore au nom du principe de précaution, (…), Il est nécessaire d’anticiper les besoins de la population, sauf à porter atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie. » Cette injonction pose un problème juridique de fond puisqu’il est enjoint à l’administration de violer les règles de prudence concernant l’utilisation d’un médicament non validé. En effet, toute spécialité pharmaceutique suppose une autorisation préalable de mise sur le marché donnée après des essais expérimentaux validés démontrant d’une part, son efficacité objective et d’autre part, son innocuité et/ou ses risques pour certaines catégories de personnes. Si le 9° de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique prévoit que le Premier ministre peut prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire, il est évident que sur le plan juridique l’autorisation d’utiliser un nouveau médicament non validé scientifiquement présente un risque en termes de responsabilité. Dans sa décision rendue le 28 mars 2020, le juge du Palais-Royal, statuant en référé, à propos de l’utilisation de la médication prescrite, relève « qu’aucun traitement n’est à ce jour connu pour soigner les patients atteints du covid-19 » et qu’« À la demande de la direction générale de la santé, le Haut Conseil de la santé publique a rendu, le 23 mars 2020, un avis sur les recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du covid-19. Il estime que les résultats de l’étude menée au sein de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille doivent être considérées avec prudence en raison de certaines de ses faiblesses et justifient, du fait de son très faible niveau de preuve, la poursuite de la recherche clinique », rejetant la demande qui lui était faite de fournir et d’autoriser les médecins et hôpitaux à prescrire et administrer aux patients à risque l’association de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine (CE, ord., 28 mars 2020, Le syndicat des médecins d’Aix et région et autres, n° 439726).

Le Conseil d’État semble avoir été saisi d’un appel à l’encontre de cette ordonnance. Tout laisse à penser que le juge du Palais-Royal sanctionnera le raisonnement du juge administratif des référés guadeloupéen, même si sur le fond nous pensons que l’état et la capacité des structures de santé en outre-mer posent très clairement un problème d’égalité de soins face aux habitants hexagonaux. Le Premier ministre a souligné récemment à l’Assemblée nationale « la fragilité sanitaire dans ces territoires » en retard sur ce plan comme dans bien d’autres domaines, lesquels pourront difficilement faire face à un pandémie causée par le coronavirus covid-19. Cependant, cette question dépasse les compétences du juge du référé-liberté. En effet, même si le juge administratif dispose notamment en référé, dans certains cas, de pouvoirs d’injonction à l’égard de l’administration, cela n’a pas pour effet de le transformer pour autant en juge administrateur, lequel déciderait de la gestion d’une administration et d’un territoire aux lieu et place des autorités administratives dont c’est la mission première.

Auteur d'origine: pastor

L’ordonnance n° 2020-309 du 25 mars 2020 met en place une garantie de financement pour les établissements de santé. Il s’agit de sécuriser leurs recettes pendant toute la période durant laquelle ils peuvent faire face à une baisse de l’activité programmée, notamment compte tenu de la mise en œuvre de la déprogrammation de certaines activités demandées par la puissance publique, au moment où leurs charges sont accrues du fait de leur participation à la lutte contre le covid-19. Cette garantie est instaurée pour une durée d’au moins trois mois, qui ne peut toutefois excéder un an. L’ordonnance précise que « le niveau mensuel de cette garantie est déterminé en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement par l’établissement, notamment au titre de ses activités ». La garantie s’adresse à tous les établissements de santé mais concerne en réalité ceux dont le financement est ajusté en fonction de l’activité, c’est-à-dire tarification à l’activité pour les soins aigus, activité financée en prix de journée pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) et la psychiatrie (PSY) pour les établissements sous OQN (objectif quantifié national). La garantie constitue un plancher qui se substitue pendant la période de crise aux rémunérations liées à l’activité et pourra être complétée par les recettes d’activité correspondant à cette période, si elles excèdent le montant garanti.

L’ordonnance n° 2020-313 du 25 mars 2020 bouleverse les règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) car, face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, elle vise à assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des majeurs et mineurs protégés et des personnes en situation de pauvreté. Elle prévoit des dérogations larges : ainsi, les ESMS peuvent, en veillant à maintenir des conditions de sécurité suffisantes dans le contexte de l’épidémie de covid-19, « adapter leurs conditions d’organisation et de fonctionnement et dispenser des prestations non prévues dans leur acte d’autorisation, en dérogeant aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l’article L. 312-1 du même code, en recourant à un lieu d’exercice différent ou à une répartition différente des activités et des personnes prises en charge. » Les services d’aide à domicile peuvent intervenir auprès de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ou de la prestation de compensation du handicap, même s’ils ne relèvent pas de leur zone d’intervention autorisée. La prise en charge peut être temporaire ou permanente, dans la limite de 120 % de leur capacité autorisée.

Adaptation temporaire des règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’ONIAM

Dans le cadre de l’indemnisation des victimes de l’amiante, le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) est chargé d’examiner le lien de causalité entre l’exposition à l’amiante et la dégradation de l’état de santé et de présenter au demandeur, si les conditions sont réunies, une offre d’indemnisation. Cette offre d’indemnisation doit être présentée dans un délai de six mois à compter de la réception de la demande. Pour tenir compte du contexte lié à l’épidémie de covid-19 et à la difficulté pour le FIVA à effectuer certaines activités à distance, l’ordonnance n° 2020-311 du 25 mars 2020 le proroge de trois mois entre le 12 mars et le 12 juillet.

L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), chargé d’indemniser les victimes d’accidents médicaux, d’affections iatrogènes et d’infections nosocomiales, assure également, dans le cadre de dispositifs spécifiques, l’indemnisation des victimes du Mediator, de la Dépakine, de mesures de vaccination obligatoire ou de mesures sanitaires d’urgence, ainsi que de contaminations liées à une transfusion sanguine. Les dispositions législatives du code de la santé publique fixent les délais dans lesquels l’ONIAM, ainsi que les différentes instances en son sein doivent statuer sur les demandes d’indemnisation et payer les offres. Compte tenu du contexte lié à l’épidémie de covid-19, l’ordonnance proroge l’ensemble de ces délais, lorsqu’ils arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et une date fixée par arrêté, sans pouvoir excéder le 12 juillet 2020, de quatre mois.  

Auteur d'origine: pastor

Après avoir annoncé (confirmé par le décr. n° 2020-361, 27 mars 2020) le report de la seconde partie de la réforme de l’assurance chômage (décr. n° 2019-797, 26 juill. 2019) – celle-là même qui allait entraîner à compter du 1er avril 2020 une baisse importante des allocations de retour à l’emploi pour les travailleurs précaires – le gouvernement fait du mécanisme de l’activité partielle l’élément central de sa réponse à la crise actuelle. Il fait ainsi jouer pleinement son rôle de stabilisateur économique et social à l’assurance chômage, après l’avoir soumise à des coupes budgétaires dictées par des politiques court-termistes. Peut-être la gestion de crise aurait-elle été facilitée s’il n’avait pas été nécessaire de reconstruire les protections économiques et sociales qui venaient d’être mises à mal.

Le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 a pour objectif de renforcer le mécanisme de l’activité partielle. Ce dispositif prévu à l’article L. 5122-1 du code du travail permet aux salariés d’« être placés en position d’activité partielle s’ils subissent une perte de rémunération imputable : soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ; soit à la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail ». Ils reçoivent alors « une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d’État ». L’employeur quant à lui « perçoit une allocation financée conjointement par l’État et l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage ».

Le décret n° 2020-325 intervient sur ces deux derniers éléments en venant augmenter l’indemnité versée au salarié et celle versée aux entreprises afin d’éviter les licenciements économiques. Il vient également accélérer et ouvrir plus largement le dispositif.

Accélération des modalités de mise en place de l’activité partielle

La demande préalable d’activité partielle peut à présent être adressée soit au préfet du département de l’établissement concerné soit (et c’est la nouveauté) au préfet du département du siège lorsque plusieurs établissements de la même entreprise sont concernés (art. R. 5122-2).

Dans un souci d’accélération de la mise en place de l’activité partielle, la consultation du CSE peut être postérieure à la demande auprès de l’autorité administrative. L’employeur devra alors indiquer la date prévue de consultation du CSE et adresser à l’autorité administrative l’avis rendu par ce dernier dans un délai de deux mois à compter de la demande.

L’article R. 5122-3 comporte une nouvelle dérogation à l’article R. 5122-2 permettant à l’employeur d’effectuer la demande d’activité partielle après sa mise en place. Auparavant limité à l’hypothèse d’une suspension d’activité due à un sinistre ou à des intempéries prévues au 3° de l’article R. 5122-1, le décret ajoute l’hypothèse de la « circonstance de caractère exceptionnel prévue au 5° de l’article R. 5122-1 » permettant ainsi de couvrir le cas de la situation sanitaire actuelle.

Toujours dans l’optique d’accélérer la procédure auprès de l’autorité administrative, « l’absence de décision dans un délai de quinze jours [valant] acceptation implicite de la demande » est réduit à un délai de deux jours lorsque les demandes sont déposées au titre du 5° de l’article R. 5122-1 (circonstance de caractère exceptionnel).

Jusque là, le régime de l’activité partielle était limité à une période de six mois. Le gouvernement semble considérer cette durée insuffisante pour faire face à la crise qui s’annonce car il la porte à douze mois, tout en conservant son caractère renouvelable (art. R. 5122-9).

L’allocation d’activité partielle

Le décret ouvre l’allocation à de nouveaux bénéficiaires. En effet, l’allocation et l’indemnité d’activité partielle ne pouvaient pas être versées pour les travailleurs en forfait-heures et en forfaits-jours, à moins que la fermeture de l’établissement ne soit totale. Cette limitation posée à l’article R. 5122-8 est donc supprimée.

Dans leur situation, le nombre d’heures pouvant justifier l’attribution de l’allocation d’activité partielle correspond à la différence entre le nombre d’heures travaillées et la durée légale correspondant aux jours de fermeture de l’établissement ou (c’est la nouveauté) aux jours de réduction de l’horaire de travail pratiquée dans l’établissement (art. R. 5122-19).

Le taux horaire de l’allocation d’activité partielle, jadis forfaitaire, devient proportionnel à la rémunération des salariés (art. R. 5122-12). L’article D. 5122-13 dispose désormais que « le taux horaire de l’allocation d’activité partielle est égal à 70 % de la rémunération horaire brute telle que prévue à l’article R. 5122-18, limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC. Ce taux ne peut être inférieur à 8,03 euros ». Ainsi, les employeurs devraient être en mesure de maintenir l’intégralité du salaire net des travailleurs rémunérés à hauteur du SMIC.

Enfin, une modification semble plus éloignée du contexte du coronavirus : l’article R. 5122-7, qui prévoyait qu’« au sein du contingent annuel d’heures indemnisables, l’arrêté du ministre chargé de l’emploi fixe le nombre d’heures pouvant être indemnisées en cas de modernisation des installations et des bâtiments de l’entreprise », est étendu aux hypothèses de transformation et restructuration de l’entreprise.

Adaptation des mentions figurant sur le bulletin de salaire

L’article R. 3243-1 est modifié de sorte à faire figurer, parmi les mentions obligatoires sur le bulletin de salaire, les sommes versées au titre de l’activité partielle (dans un 16°). Ce bulletin devra également mentionner le nombre d’heures indemnisées au titre de l’activité partielle, les taux appliqués et les sommes versées au salarié au titre de la période considérée (R. 5122-17).  

À la suite de ce décret est intervenue une ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle qui devrait elle-même faire l’objet d’un décret. Cette ordonnance apporte des précisions concernant les travailleurs en forfait-jours et le mode de calcul de leur indemnisation, mais également en ce qui concerne la situation des apprentis, des travailleurs à domicile et des travailleurs protégés. L’article 6 dispose en effet que « l’activité partielle s’impose au salarié protégé au sens des dispositions du titre II du livre IV du code du travail, sans que l’employeur ait à recueillir son accord, dès lors qu’elle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé ».

Auteur d'origine: peyronnet
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Le 23 mars 2020, le pouvoir législatif a autorisé le gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures relevant du domaine de la loi afin notamment de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de coronavirus et aux effets des mesures prises pour limiter cette propagation (loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19). Sous la justification du besoin de prévenir et limiter la cessation d’activité des entreprises ainsi que ses incidences sur l’emploi, le législateur a ainsi envisagé l’aménagement du droit du travail dans ses dispositions concernant le repos des salariés (art. 11 de la loi).

Sur ce fondement, l’ordonnance n° 2020-323 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, a été adoptée le 25 mars 2020. Celle-ci prévoit plusieurs dispositions temporaires, visant les congés payés et les « jours de repos » du salarié (nous ne visons pas ici les aménagements prévus pour le repos hebdomadaire ou quotidien relevant davantage de la problématique de la durée du travail, mais bien des temps de repos dont le salarié peut disposer à côté : RTT, jours de repos pour les salariés au forfait…).

Le dispositif vise à offrir davantage de souplesse aux entreprises en leur permettant notamment d’imposer des jours de congés ou de repos aux salariés, et à en modifier les dates.

Les dispositions relatives aux congés payés (art. 1er de l’ordonnance), destinées à permettre à l’employeur d’imposer la prise du congé ou la modification de sa date, et à déroger aux règles sur le fractionnement et le congé simultané pour les couples travaillant dans la même entreprise (v. Dalloz actualité, 26 mars 2020, obs. C. Dechristé), ne s’appliqueront que progressivement. En effet, un accord d’entreprise, ou, à défaut, de branche, est nécessaire pour en préciser les modalités. Aucune disposition supplétive n’est prévue, permettant de pallier l’absence d’accord.

Il est probable, au regard de la situation actuelle de confinement (Décr. n° 2020-293 du 23 mars 2020), que de nombreuses négociations ne se dérouleront pas dans l’immédiat ou prendront, à tout le moins, un peu de temps. L’ordonnance prévoit cependant que la période de congés imposée ou modifiée peut s’étendre jusqu’à la fin de l’année 2020. L’accord conclu permettra de préciser si les aménagements permis par l’ordonnance concernent ou non tous les congés payés, qu’ils résultent de la loi, des stipulations conventionnelles ou encore d’un usage. L’ordonnance, qui n’opère aucune distinction, envisage manifestement tous les types de congés payés. C’est dans le même sens que peut être lue la loi d’habilitation. Afin d’éviter toute difficulté, les partenaires sociaux seraient bien avisés de le préciser dans leur accord.

Pour encadrer les aménagements mis en place pour les « jours de repos », et à l’inverse de ce qui est institué pour les congés payés, l’ordonnance n’exige pas l’intervention d’un accord collectif : ils sont donc directement applicables. Les dispositions en cause, justifiées par l’intérêt de l’entreprise « eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 », ont pour objet de permettre à l’employeur d’imposer ou de modifier la date de prise de certains « jours de repos » au salarié en bénéficiant, sur la période s’étendant jusqu’au 31 décembre 2020 et dans la limite de dix jours (article 5). Sont exclues les contraintes habituelles, qu’elles trouvent leur source dans le code du travail ou les conventions collectives, visant la décision de poser ces journées non travaillées.
Or, si la notion de congés payés paraît relativement claire, sauf à les distinguer suivant leur origine, il n’en va pas de même de la notion de « jours de repos ».  

Force est de constater que l’utilisation relativement large de cette notion floue dans l’ordonnance peut être source de difficultés, notamment à propos des « jours de repos » visés au titre de l’aménagement du temps de travail et du forfait.

Pour le moment, tous les temps de repos des salariés ne sont pas visés par des mesures dérogatoires aux règles habituelles. Ainsi, à titre illustratif, la contrepartie obligatoire en repos (C. trav., art. L. 3121-30), due au salarié réalisant des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel (conventionnel ou, à défaut, fixé par l’art. D. 3121-24 c. trav.), dont les modalités de fonctionnement figurent au sein de la partie réglementaire du code à titre supplétif, ou encore le repos compensateur de remplacement mis en place et organisé par les partenaires sociaux (C. trav., art. L. 3121-33), ne sont pas spécialement visés.

Les jours de réduction du temps de travail (ord. n° 2020-323, art. 2)

L’article 2 de l’ordonnance du 25 mars dispose qu’il est fait dérogation aux dispositions conventionnelles instituant une réduction du temps de travail (antérieures à 2008 et maintenues en vigueur en application de la loi du 20 août 2008) afin de permettre à l’employeur, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

d’imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ; de modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.

Lors de la rédaction des accords de réduction du temps de travail, l’attribution de jours de RTT, dont la prise est décidée tantôt par l’employeur, tantôt par le salarié, a été l’une des modalités mise en place par les partenaires sociaux. Ce sont ces derniers qui sont envisagés par l’ordonnance, pour lesquels le salarié perd la main au profit de l’employeur.

Une difficulté pourrait ici naître du fait que les accords de réduction du temps de travail évoquent souvent en lieu et place des « jours de repos », visés par l’ordonnance, des « jours de réduction du temps de travail ». L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a déjà été confrontée à la difficulté de qualification de ces jours de RTT et de la différence qui devait être faite avec les jours de congés payés (Cass., ass. plén., 24 oct. 2008, n° 07-42.799, D. 2008. 2798, et les obs. ; Dr. soc. 2009. 38, avis J. Duplat ; RDT 2009. 43, obs. M. Véricel  ; ibid. 114, obs. S. Nadal ). Il ressort du communiqué publié à propos de cette décision par les juges du droit que les congés payés ont pour but la protection de la santé du salarié, tandis que les jours de récupération (jours de RTT), contreparties d’un dépassement de l’horaire de travail légal ou convenu, ont pour finalité la création d’emplois en dégageant des heures de travail pour promouvoir l’embauche.

Dans ces conditions, au-delà de la rédaction des accords de RTT, il pourrait y avoir un doute sur leur qualification de « jours de repos » utilisée par l’exécutif. Le législateur a d’ailleurs préféré viser expressément, dans la loi d’habilitation, les jours de réduction du temps de travail.

Pour clore simplement le débat, il convient de relire les lois Aubry qui ont envisagé la réduction du temps de travail par l’attribution des jours de RTT. Ces derniers y sont expressément identifiés comme étant des journées ou demi-journées de repos (lois n° 98-461 du 13 juin 1998, art. 4 et n° 2000-37 du 19 janv. 2000, art. 9, portant création de l’art. L. 212-9 c. trav.). Le rapport au président de la République concernant l’ordonnance analysée évoque d’ailleurs « les journées de repos acquises par le salarié au titre des jours de réduction du temps de travail attribués au titre d’un dispositif de réduction du temps de travail ».

Peu importe donc que les jours de RTT soient ou non qualifiés de jours de repos, ils sont concernés par les dérogations de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-323.

Il convient toutefois de préciser que seuls les repos acquis sont visés par le dispositif : l’employeur ne peut donc pas anticiper sur les repos à acquérir.

Les jours de repos pour aménagement plurihebdomadaire du temps de travail (ord. n° 2020-323, art. 2)

Les dispositions de l’article 2 envisagent également, à côté des jours de RTT, les « jours de repos » conventionnels mis en place dans le cadre des dispositions prévues aux articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail. Ces textes concernent l’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, dans lequel les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de ladite période.

La sous-section du code du travail (articles susvisés) relative à l’aménagement supra hebdomadaire du temps de travail ne comporte aucune disposition relative à un repos, et n’envisage pas spécialement que les accords collectifs mettant en place cet aménagement en prévoient.

On peut envisager que c’est aux stipulations conventionnelles prévoyant la mise en place, dans le cadre de l’ancien système de modulation, de jours ou temps de repos pour compenser des périodes de forte activité (les « périodes hautes »), que le gouvernement fait référence, ou à l’ancienne « annualisation » du temps de travail par attribution de jours de RTT, mais cela ne correspond pas aux textes cités.

Il en résulte une difficulté d’interprétation de la dérogation mise en place.

Il reste que si les articles L. 3121-41 et suivants du code du travail ne visent pas un temps de repos particulier pour l’aménagement supra hebdomadaire qu’ils permettent, les partenaires sociaux ont une liberté totale à ce propos dans la négociation, et la mise en place, par exemple, d’un repos compensateur (qui ne constitue pas un repos au titre de la réduction du temps de travail) serait concernée par les dispositions de l’ordonnance.

Il convient cependant de noter que l’élaboration, par l’ordonnance, de mesures concernant l’aménagement du temps de travail sur une période supra-hebdomadaire n’est pas prévue par la loi d’habilitation (art. 11). Celle-ci ne permet que des dispositions visant la prise des jours de réduction du temps de travail (ce qui n’a pas de lien avec l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine), des jours de repos résultant des conventions de forfait (l’aménagement ici en cause ne relève pas des forfaits, qui figurent aux art. L. 3121-53 s. c. trav.) ou de l’utilisation du compte épargne temps du salarié. En sus de l’imprécision de cette partie de l’article 2 de l’ordonnance, se pose donc la question de sa conformité à la loi d’habilitation.

Les jours de repos prévus dans le cadre d’un forfait (ord. n° 2020-323, art. 3)

L’article 3 de l’ordonnance, reprenant les termes de l’article 11 de la loi d’habilitation, vise les « jours de repos » des conventions de forfait. Il en résulte que l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

décider de la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos prévus par une convention de forfait ;modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos prévus par une convention de forfait.

Il s’agit ici de permettre de déroger tant aux dispositions du code du travail relatives aux forfaits (l’ordonnance vise la section entière du code qui les réglemente) qu’aux conventions collectives les encadrant.

Le texte précise que la dérogation instituée vise notamment l’article L. 3121-64 du code du travail, qui ne concerne que les forfaits sur l’année (en heure ou en jours). Néanmoins, la présence de l’adverbe notamment, le fait que le type de forfait ne soit pas indiqué, et la référence à toute la section 5 relative aux forfaits pourraient laisser penser que les dérogations concernent tous les types de forfait : en heures sur la semaine ou le mois, en heures sur l’année et enfin en jours sur l’année. 

L’utilisation de la notion de « jours de repos » est ici problématique.

L’idée de jours de repos n’a pas beaucoup de sens dans le cadre des conventions de forfaits en heures, qu’elles soient hebdomadaires, mensuelles ou annuelles (C. trav., art. L. 3121-56 s.). Ces conventions se bornant à mettre en place un nombre d’heures devant être travaillées sur la période considérée.

La conclusion d’un forfait en heures sur la semaine ou le mois ne s’accompagne pas de la mise en place de jours ou temps de repos spécifiques : le droit au repos résulterait surtout ici, le cas échéant, de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires au-delà du contingent annuel qui continue à s’appliquer pour un tel forfait heures, ou encore un repos compensateur de remplacement conventionnel. Néanmoins, en raison du caractère général de ces temps de repos qui, rappelons-le, ne sont pas réservés aux salariés au forfait, on voit mal pourquoi ils pourraient n’être imposés qu’à ces derniers.

En dehors de ces droits non spécifiques au forfait, il est possible qu’un accord collectif encadrant le forfait en heures hebdomadaire ou mensuel ait prévu des jours ou temps de repos particuliers. Cependant, la conclusion d’un accord collectif n’est exigée par le code du travail que pour conclure des conventions de forfait sur l’année (C. trav., art. L. 3121-63). Le forfait en heures sur la semaine ou le mois n’est pas concerné et peut être conclu entre employeur et salarié sans intervention des partenaires sociaux.

En outre, il ressort de la rédaction de l’ordonnance que ce sont les jours de repos prévus par la convention de forfait elle-même, et donc par la clause du contrat de travail ou l’avenant mettant en place le forfait (C. trav., art. L. 3121-56), qui sont concernés. La contrepartie en repos ou le repos compensateur, pour ne pas parler d’un repos spécifiquement envisagé dans une négociation collective relative à ce forfait (alors même que cela n’est pas une obligation légale), ne sont pas prévus par la convention de forfait mais par le code du travail et les dispositions conventionnelles.

Dès lors, en l’état de la rédaction du texte, les temps acquis au titre de ces repos ne devraient pas, à notre avis, être concernés par les dérogations mises en place, sauf à être repris dans la convention individuelle de forfait ou que celle-ci prévoit des jours de repos spécifiques. Une telle situation est cependant, en pratique, peu fréquente.

Les salariés en forfait heures sur l’année ne sont pas soumis au contingent annuel d’heures supplémentaires (C. trav., art. D. 3121-24, al. 2), ce qui conduit la Cour de cassation à considérer qu’ils ne bénéficient pas de la contrepartie obligatoire en repos susvisée (Soc. 28 mars 2018, n° 16-16.466), sauf disposition conventionnelle contraire. Dans la plupart des cas, les salariés qui y sont soumis n’en profitent donc pas.

Il est en revanche envisageable qu’un accord collectif (obligatoire pour le forfait heures sur l’année) ait mis en place un temps de repos autre, au titre, par exemple, des heures effectuées au-delà du forfait annuel (et même pour certaines durées de travail en cours d’année). Dans l’accord mettant en place le forfait heures annuel, il est encore possible que des temps/jours de repos spécifiques aient été institués. Mais cela n’est pas obligatoire.

Ces repos pourraient bénéficier des dispositions de l’ordonnance offrant plus de souplesse à l’entreprise mais le problème évoqué ci-dessus se pose à nouveau : seuls les « jours de repos » prévus dans la convention de forfait, et donc dans le contrat de travail ou l’avenant prévoyant le forfait, sont envisagés par le texte dérogatoire. Les repos ci-dessus évoqués ont peu de chance d’avoir été repris dans chaque convention individuelle de forfait, d’autant plus que cela ne ressort d’aucune obligation. Les dispositions de l’ordonnance ne devraient donc pas concerner ces forfaits heures sur l’année.

Au demeurant, pour les forfaits en heures (quelle que soit leur période d’application), s’il est question de viser le temps dont va disposer le salarié en dehors des heures prévues par son forfait, il conviendrait plutôt de prévoir des dispositions dérogatoires sur l’organisation du travail plutôt que sur l’organisation du repos.

Au regard des difficultés susvisées, c’est sans doute que seuls les forfaits jours ont été l’objet de l’attention du gouvernement dans l’article 3 de l’ordonnance. Cela ressort d’ailleurs du rapport au président de la République, qui n’évoque que les forfaits en jours sur l’année.

Dans le cadre d’un forfait jours, le salarié va être amené à travailler un certain nombre de jours au cours de l’année. Pour les jours restants, qui ne correspondent pas au repos hebdomadaire ou aux jours fériés, on peut effectivement parler de jours de repos. Les rédacteurs des accords collectifs préfèrent utiliser la notion de jours non-travaillés lorsqu’ils les évoquent, notamment pour les distinguer des repos hebdomadaires, mais cela n’a pas réellement d’incidence. Le code du travail retient, en effet, la notion de jours de repos lorsqu’est abordée la possibilité pour l’employeur de « racheter » une partie des jours non travaillés à son salarié afin qu’il travaille davantage que prévu initialement (C. trav., art. L. 3121-59 et L. 3121-66). Les jours non-travaillés sont donc bien des jours de repos.

On est par conséquent bien dans l’idée selon laquelle le forfait jours donne lieu à des jours de repos, et la formulation de l’ordonnance visant les jours de repos prévus par la convention de forfait serait satisfaisante.

Il convient cependant de relever que la convention individuelle de forfait en jours n’a pas à comporter, d’après le code du travail, le nombre de jours de repos dont bénéficie le salarié concerné. C’est tout le contraire : la convention de forfait indique le nombre de jours travaillés, dans la limite annuelle de 218 jours (C. trav., art. L. 3121-64, 3° et 5°). Une convention de forfait qui s’en tiendrait à prévoir les jours de repos serait d’ailleurs considérée comme non conforme par le juge (Soc. 11 janv. 2011, n° 09-42.325).

Ni l’accord collectif mettant en place le forfait jours, ni la convention individuelle de forfait n’ont à prévoir le nombre de jours de repos dont bénéficie le salarié. C’est une erreur juridique d’envisager le forfait jours en termes de journées de repos plutôt qu’en jours travaillés.

Dans ces conditions, la référence faite, au sein de l’article 3 de l’ordonnance, aux « jours de repos prévus par une convention de forfait », pose également problème pour les forfaits en jours. Pour que le régime dérogatoire qu’elle institue s’applique, il faudrait considérer que la fixation de jours travaillés dans la convention de forfait entraîne implicitement fixation de jours de repos, correspondant aux jours non travaillés hors congés payés, repos hebdomadaires, jours fériés chômés…

Considérer une telle « fixation implicite » du nombre de jours de repos par la convention de forfait est cependant délicat, dans la mesure où ce nombre de jours non travaillés varie annuellement au hasard du calendrier (année bissextile, positionnement des jours fériés sur des jours travaillés). C’est d’ailleurs notamment pour cette raison que les conventions de forfait en jours n’abordent que rarement, en pratique, le nombre de jours de repos.

Au regard des enjeux, la rédaction retenue par le gouvernement paraît donc perfectible, même si, au cas présent, c’est la loi d’habilitation (art. 11, I) qui génère la difficulté, puisque c’est bien celle-ci qui envisage que le gouvernement permette à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des « jours de repos prévus par les conventions de forfait ». La formule retenue dans le rapport au président de la République est plus juste, car elle vise « les journées ou les demi-journées de repos acquises par le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours sur l’année ». 

En conclusion, si les dérogations prévues par l’ordonnance n° 2020-323 pour les congés payés et les jours de réduction du temps de travail sont claires quant à leur objet, le champ d’application de celles-ci pour les salariés au forfait gagnerait à être précisé. Quant aux dispositions relatives à l’aménagement plurihebdomadaire du temps de travail, se pose, outre celle du repos qu’elles visent, la question de leur conformité à la loi d’habilitation.

Auteur d'origine: Dechriste
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Décision retentissante mais attendue des spécialistes, la Cour de cassation a, par une décision du 4 mars 2020 (n° 19-13.316, D. 2020. 490, et les obs. ), requalifié les relations contractuelles liant la plateforme Uber à l’un de ses chauffeurs en contrat de travail.

Après avoir rappelé la définition désormais ancienne des caractéristiques du contrat de travail, la Cour a rappelé que le lien de subordination (propre au contrat de travail) est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

D’autres indices (ne permettant pas à eux seuls de qualifier des relations contractuelles en contrat de travail) peuvent venir au soutien de cette requalification, telles les notions de dépendance économique ou encore de travail dans un service organisé (c’est-à-dire avec les moyens mis à sa disposition par son employeur).

C’est dans cette logique que la Cour a jugé que peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution et que justifie légalement sa décision une cour d’appel qui, pour qualifier de contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et la société utilisant une plateforme numérique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs exerçant sous le statut de travailleur indépendant, retient :

1. que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plateforme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport,

2. que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne le suit pas,

3. que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non,

4. que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques », et déduit de l’ensemble de ces éléments l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif.

Si la société Uber prétend (ce en quoi elle a raison) que cette jurisprudence ne s’applique qu’au cas d’espèce qui était soumis à la Cour, en revanche, il y a fort à parier que si la plupart des chauffeurs de VTC sont placés dans des conditions d’exécution de leurs missions identiques à celles de l’espèce jugée, alors eux aussi devraient pouvoir prétendre à la qualité de salarié.

C’est le même raisonnement qu’avait suivi la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 2018 (n° 17-20.079, Dalloz actualité, 12 déc. 2018, obs. M. Peyronnet ; D. 2019. 177, et les obs. , note M.-C. Escande-Varniol ; ibid. 2018. 2409, édito. N. Balat ; ibid. 2019. 169, avis C. Courcol-Bouchard ; ibid. 326, chron. F. Salomon et A. David ; ibid. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJ contrat 2019. 46, obs. L. Gamet ; Dr. soc. 2019. 185, tribune C. Radé ; RDT 2019. 36, obs. M. Peyronnet ; ibid. 101, chron. K. Van Den Bergh ; Dalloz IP/IT 2019. 186, obs. J. Sénéchal ; JT 2019, n° 215, p. 12, obs. C. Minet-Letalle ; RDSS 2019. 170, obs. M. Badel ), pour une plateforme de livraison de repas, en décidant que « viole l’article L. 8221-6, II, du code du travail la cour d’appel qui retient qu’un coursier ne justifie pas d’un contrat de travail le liant à une société utilisant une plateforme web et une application afin de mettre en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le truchement de la plateforme et des livreurs à vélo exerçant sous le statut de travailleur indépendant des livraisons de repas, alors qu’il résulte de ses constatations que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier ».

Une récente décision du conseil de prud’hommes de Paris semble d’ailleurs admettre désormais cette analyse puisqu’en sa section départage, il était décidé que : « Au vu de l’ensemble de ces éléments, M. X établit que l’application qui lui a été imposée était dotée d’un système de géolocalisation permettant son suivi en temps réel par la société et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, et que la société disposait d’un pouvoir de sanction à son égard. Ces différents éléments permettent d’établir que le demandeur fournissait directement des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions le plaçant dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci et il convient, nonobstant la dénomination et la qualification données par les parties, de constater l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée liant M. X et la société Deliveroo France SAS, du 8 septembre 2015 au 6 avril 2016 » (Cons. prud’h. Paris, section départage, n° 19-07738).

Ainsi, à l’heure où les rues sont désertes et où les derniers signes de vie traversant la ville portent les couleurs d’Uber, Bolt, Deliveroo, Take Eat Easy… et sans évoquer la question déjà débattue des conséquences fiscales et sociales qu’entraîneraient ces requalifications pour les chauffeurs-livreurs, sans entrer dans le débat de la pérennité même du modèle des plateformes (ou de la dénonciation de ces décisions judiciaires par le syndicat des autoentrepreneurs comme une atteinte à leur liberté), il est légitime de se demander ce qu’il adviendrait si, en ces périodes « de guerre », ces derniers sollicitaient la requalification de leur contrat de prestation de service en contrat de travail et le bénéfice des droits qui y sont aujourd’hui attachés.

Présumons donc, dans le cadre de cet article, hypothèse réaliste, que les « indépendants », les autoentrepreneurs puissent être qualifiés de salariés de ces plateformes.

Avec le coronavirus, des droits souvent en sommeil sont réapparus : le droit de retrait, l’activité partielle mais aussi de nouveaux droits, comme l’arrêt de travail simplifié pour la garde des enfants âgés de moins de 16 ans ou l’arrêt de travail pour les personnes à risque élevé, ou l’obligation de sécurité à charge pour l’employeur avec notamment la mise en place de gestes barrières et autres mesures de protection spécifiques.

Il semble raisonnable à ce stade d’exclure le télétravail, l’hypothèse même du transport de personne ou de livraison de repas à domicile excluant par principe cette hypothèse.

Enfin, dans l’hypothèse d’un refus par une plateforme d’appliquer à un salarié qui en revendiquerait le statut, les dispositions protectrices en période d’urgence sanitaire, quelle en serait la sanction possible ?

Activité partielle

L’article L. 5122-1 du code du travail prévoit le recours à l’activité partielle (anciennement dénommée chômage partiel) en ces termes : « Les salariés sont placés en position d’activité partielle, après autorisation expresse ou implicite de l’autorité administrative s’ils subissent une perte de rémunération imputable :

• soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établissement ;

• soit à la réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie d’établissement en deçà de la durée légale de travail.

En cas de réduction collective de l’horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d’activité partielle individuellement et alternativement ».

Il n’est pas contestable que les chauffeurs et livreurs des plateformes subissent, en raison tant du confinement pour les premiers que de la fermeture des établissements de restauration (non essentiels à la vie de la nation) pour les seconds, une réduction de leur activité.

Le nombre de courses est ainsi substantiellement réduit et par suite leur chiffre d’affaires.

En termes d’indemnisation de la perte de revenu et en qualité de salarié, chaque chauffeur ou livreur des plateformes précitées n’aurait pas pour seul recours celui de solliciter les aides promises aux indépendants par un fonds de garantie que le gouvernement devrait mettre en place par ordonnance et accordant pour le mois de mars 2020 une aide de 1 500 € sous conditions de justificatifs d’une baisse de chiffre d’affaires de plus de 70 % par rapport à mars 2019.

Chaque chauffeur ou livreur pourrait être placé en activité partielle par suite d’une baisse du nombre d’heures travaillées, par roulement ou par diminution collective de leur durée du travail (fixé a minima à 35 heures) avec maintien, selon le décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, de 84 % de leur rémunération nette avancée par l’employeur mais garantie à 100 % par l’État dans la limite de 4,5 fois le SMIC (montant probablement rarement atteint pour les salariés concernés).

Qu’il convient enfin de préciser que le gouvernement envisage de prolonger la durée maximale de l’activité partielle de six mois à un an.

La protection accordée par ces dispositions aux salariés est sans nul doute plus favorable que le régime des indépendants-autoentrepreneurs avec pour seule compensation le versement d’un montant de 1 500 €.

Arrêt de travail

La qualité de salarié permettrait en outre à ces derniers dès lors qu’ils sont atteints par le coronavirus de percevoir les indemnités journalières de la sécurité sociale ainsi que le complément de salaire prévu par les dispositions de l’article L. 1226-1 du code du travail ou par les dispositions plus protectrices de la convention collective qui pourrait leur être appliquée (celle des transports ou de la restauration rapide, etc.).

Le sujet ne sera pas ici débattu mais il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur le sort de la convention collective qui sera applicable aux salariés des plateformes précitées, le principe étant que la convention collective est celle relative à l’activité principale de la société, en l’espèce, le transport de personnes, si la société devenait davantage une société de transport qu’une société de service.

Ainsi, chaque salarié aurait droit aux indemnités journalières de la sécurité sociale en cas de maladie (soit 50 % de son salaire dans la limite de 1,8 fois le SMIC) sans délai de carence ainsi qu’une indemnité complémentaire prévue par l’article L. 1226-1 du code du travail dont le montant porte la rémunération du salarié à 90 % de son salaire les trente premiers jours puis à 66,6 % de son salaire les mois suivants, sauf dispositions conventionnelles plus favorables et/ou ancienneté plus favorable.

Il convient de préciser que, dans le cadre du projet de loi de l’urgence sanitaire, le gouvernement a étendu aux travailleurs indépendants les dispositions de l’arrêt de travail simplifié pour un des deux parents qui devraient assurer la garde d’enfants âgés de moins de 16 ans (ou 18 ans en cas de handicap) et pour l’arrêt de travail de personnes dites « à risque élevé ».

Ces cas sont nombreux puisqu’elles sont applicables sans besoin de la production d’un arrêt médical de travail et en justifiant auprès de la CPAM d’être classé comme étant « à risque », c’est-à-dire d’être parmi les cas suivants : les femmes enceintes, les personnes souffrant d’obésité, de pathologie cardiaque, d’hypertension, respiratoire (asthme, notamment) diabète, etc.

En qualité de travailleurs indépendants, aucun complément ne vient s’ajouter aux indemnités de sécurité sociale versées, sauf pour ce dernier à avoir conclu un contrat de prévoyance, à sa charge.

En qualité de salarié, la prise en charge par l’assurance maladie et l’employeur du complément est en outre, dans le cadre de l’urgence sanitaire, sans délai de carence contrairement à la législation actuelle.

Il n’est pas inutile de noter, d’ailleurs et à ce titre, que la société Uber a déclaré dans la presse, le 7 mars dernier :

• « offrir aux conducteurs et aux coursiers qui sont atteints du covid-19 ou qui sont en quarantaine forcée, une compensation pour une période pouvant aller jusqu’à quatorze jours et annoncé qu’en France, le montant de l’indemnisation serait déterminé en fonction des revenus générés sur la plateforme Uber lors des deux semaines précédentes ;

• et interrompre son service de covoiturage UberPool en France ».

Ainsi, la société Uber propose une compensation analogue dans son esprit au versement d’indemnités journalières de la sécurité sociale et de complément de salaires versés par l’employeur aux salariés malades ou en quarantaine sur une période restreinte à quatorze jours maximum, démontrant là la conscience qu’elle a de la fragilité du statut de ses cocontractants mais aussi de leur dépendance économique, un des indices précisément du contrat de travail.

Ici encore, le statut de salarié durant la période d’urgence sanitaire semble bien plus favorable aux salariés qu’aux indépendants.

Sur l’obligation de sécurité des plateformes

Se pose enfin la question des mesures de sécurité pour éviter tout risque de contamination.

Il est en effet raisonnable d’envisager un risque de contamination par les clients transportés, l’habitacle d’une voiture, par nature un lieu clos, ne pouvant permettre la mise en œuvre des mesures barrières préconisées par les professionnels de santé et le gouvernement.

Cette existence du risque est d’ailleurs connue de la société Uber puisque cette dernière a par exemple provisoirement fermé son service UberPool consistant précisément au partage du véhicule par plusieurs clients.

Les plateformes de transport de personnes ou de livraisons de repas s’estiment libérées de toute obligation de sécurité vis-à-vis de leurs chauffeurs ou livreurs.

Aucun matériel, tel que masques, gel hydroalcoolique, gants, lunettes de protection, séparation de la place de conducteur du reste de l’habitacle n’a été mis à leur disposition par la société Uber lorsque la France fait face à une pénurie de certains de ces matériels de protection et que les chauffeurs ne peuvent pas s’en procurer par eux-mêmes.

Il en irait différemment si les chauffeurs-livreurs bénéficiaient du statut de salarié.

Obligation de sécurité

Dès lors que les chauffeurs et livreurs seraient considérés comme des salariés, les plateformes seraient tenues, comme tout employeur, à une obligation de sécurité à l’égard des salariés qu’elles emploient (C. trav., art. L. 4121-1).

L’employeur a plus spécifiquement une obligation de sécurité par application de l’article L. 4422-1 du code du travail qui dispose que : « L’employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition aux agents biologiques, conformément aux principes de prévention énoncés à l’article L. 4121-2 ».

Ainsi, la qualité de salariés permettrait à ces derniers d’avoir la possibilité d’alerter leur employeur d’éventuels dangers ou risques sanitaires, d’alerter leur représentant du personnel, les CSE ou CSSCT (en fonction de la taille de l’entreprise), de saisir l’inspection du travail, la médecine du travail afin que des mesures adaptées à l’activité de chauffeur VTC ou de livreur soient préconisées et mises en œuvre par la société pour les protéger d’un risque de contamination au covid-19.

Il sera à cet égard précisé que par décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, pèsent sur les entreprises de transport public collectif routier des obligations spécifiques visant à protéger tant les usagers que les conducteurs.

Ces entreprises auxquelles peuvent être assimilées les plateformes de transport de personnes (chauffeurs VTC) ont ainsi pour obligation :

• le nettoyage au désinfectant de chaque véhicule au moins une fois par jour ;

• sauf impossibilité technique avérée, l’entreprise prend toutes les dispositions adaptées pour séparer le conducteur des voyageurs d’une distance au moins égale à un mètre et en informer les voyageurs, seule une paroi isolant l’avant de l’arrière du véhicule permettrait une telle distanciation dans le cas des chauffeurs VTC ;

• l’interdiction aux voyageurs d’utiliser la porte avant du véhicule ;

• informer les voyageurs notamment par un affichage à bord de chaque véhicule, des mesures d’hygiène et de distanciation sociales, dites « barrières », et notamment le respect d’une distance d’un mètre avec le conducteur.

Si certaines plateformes ont informé leurs salariés de mesures à mettre en œuvre relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 en ces termes :

• « Aucun passager ne peut s’asseoir à côté du conducteur. La présence de plusieurs passagers est admise aux places arrière ;

• le véhicule doit être en permanence aéré ;

• les passagers doivent emporter tous leurs déchets ;

• le chauffeur procède au nettoyage avec désinfectant du véhicule au moins une fois par jour ;

• le chauffeur est autorisé à refuser l’accès du véhicule à une personne présentant des symptômes d’infection au covid-19 »,

en revanche, ces dernières reconnaissent qu’elles « font leur possible pour vous fournir des produits désinfectants afin de vous aider à garder votre véhicule propre et sain », reconnaissant qu’elles n’ont rien fourni aux salariés comme matériels de protection, ni gants, ni masques, ni gel hydroalcoolique par exemple (communication Uber du 26 mars 2020).

Chaque chauffeur en sa qualité de salarié pourrait alors solliciter l’application de ces mesures de sécurité sauf à rechercher en cas de préjudice qui en résulterait la responsabilité de leur employeur.

Les livreurs des différentes plateformes, en relation constante avec la clientèle et malgré des consignes qui leur sont données de déposer à distance sur le palier les repas livrés, n’en sont pas moins au contact des commerçants sans que soient prévues des mesures de protection telles que port de masque, de gants ou respect des règles de distanciation avec les commerçants.

Les risques de contamination sont donc ici encore particulièrement importants.

Face à de tels risques, les salariés pourraient exercer leur droit de retrait.

Sur le droit de retrait

Comme tout salarié, les chauffeurs VTC et livreurs liés aux plateformes précitées pourraient faire usage de leur droit de retrait.

L’article L. 4131-1 du code du travail permet ainsi au salarié d’alerter immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé, ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

Il peut se retirer d’une telle situation. Si aucune procédure particulière n’est prévue pour l’exercice du droit de retrait, il convient pour autant de procéder de manière à conserver la preuve de l’information de l’employeur de son intention d’exercer son droit de retrait, le courrier recommandé avec accusé de réception doublé d’un mail nous paraissant être la pratique la plus sûre.

En effet, le salarié ne peut quitter son emploi sans avoir préalablement « alerter » son employeur ou son premier supérieur hiérarchique.

L’employeur ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent, résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie et pour la santé de chacun d’eux (C. trav., art. L. 4131-3).

Il est important de noter que la loi ne subordonne pas le droit de retrait à l’existence effective d’un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé, il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de penser qu’il est effectivement confronté à un tel danger.

Lors du contrôle a posteriori du bien-fondé de l’exercice du droit de retrait, la juridiction prud’homale devra uniquement s’attacher à l’appréciation du danger faite par le salarié à la date d’exercice de son droit de retrait et non à celle qu’en ferait l’employeur ou encore le juge.

En l’espèce, un chauffeur ou livreur qui, concomitamment, mettrait en demeure son employeur de le rétablir dans ses droits en reconnaissant l’existence d’un contrat de travail et solliciterait consécutivement la qualité de salarié et les droits y afférents pourrait faire valoir son droit de retrait et exiger le paiement de son salaire tant que l’employeur n’a pas mis en place les mesures de préventions adaptées.

En l’espèce, il n’est pas fantaisiste d’imaginer que, dans le cadre d’une « guerre » et alors que le virus est présenté comme très agressif, recélant un risque vital et pouvant demeurer sur certaines surfaces plusieurs heures, que des salariés exigent, dans un cadre confiné, de porter des masques ou des gants ou de bénéficier de gel hydroalcoolique et qu’à défaut, cela puisse caractériser un danger grave ou imminent ou qu’il soit acquis qu’ils puissent seulement raisonnablement le penser.

Chaque chauffeur ou livreur pourrait alors – jusqu’à ce que les mesures protectrices aient été prises – exercer leur droit de retrait et a minima bénéficier d’une enquête de la médecine du travail sur les risques infectieux en cas de confinement dans un habitacle ou de contacts fréquents avec une clientèle.

Il est également opportun de noter que la Cour de cassation prononce la nullité du licenciement notifié par l’employeur pour un motif lié à l’exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste dans une situation de danger (Soc. 28 janv. 2009, n° 07-44.556, Dalloz actualité, 9 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 2128, obs. J. Pélissier, T. Aubert, M.-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, B. Lardy-Pélissier et B. Reynès ; Dr. soc. 2009. 489, obs. P. Chaumette ; RDT 2009. 167, obs. M. Miné ).

Il sera à cet égard rappelé que la nullité du licenciement permet d’écarter les plafonds d’indemnité de licenciement fixés à l’article L. 1235-3 du code du travail, en application des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du même code, l’indemnité pour licenciement nul ne pouvant en outre être inférieure à six mois de salaire.

Mais le salarié peut aussi, en cas de licenciement nul, solliciter sa réintégration dans ses fonctions.

Ce risque de réintégration est d’autant plus accru que, si l’employeur devait, à l’occasion d’une saisine du conseil de prud’hommes en reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail ou d’exercice d’un droit de retrait, rompre le contrat de service le liant au salarié, cette rupture pourrait être qualifiée de licenciement et, partant, en licenciement nul.

En effet, la Cour de cassation a dans un premier temps et de longue date jugé qu’était dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement consécutif à la saisine de la juridiction prud’homale de demandes relatives à l’exécution du contrat de travail (Soc. 7 juill. 2004, n° 02-42.821, Dalloz jurisprudence).

Puis, sur le fondement de la liberté fondamentale d’exercer une action en justice, la Cour de cassation a prononcé la nullité du licenciement du fait de la seule mention aux termes de la lettre de licenciement du grief imputé au salarié d’avoir pris l’initiative de saisir le conseil de prud’hommes, et cela même si le licenciement ne repose pas que sur ce seul motif, l’atteinte à une liberté fondamentale rendant inopérants les autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement, sans que le juge ait à les étudier (Soc. 8 févr. 2017, n° 15-28.085, JA 2018, n° 572, p. 39, étude J.-F. Paulin et M. Julien ).

Ainsi, et pour résumer, le chauffeur qui solliciterait la requalification de son contrat de travail par un courrier de mise en demeure tout en informant son employeur de son droit de retrait pourrait, si la plateforme devait sanctionner cette demande par une « déconnexion définitive de la plateforme », assimilable à une rupture des relations contractuelles, soit solliciter (outre le paiement du salaire pendant la période de retrait) des dommages équivalant au minimum à six mois de salaires, soit solliciter sa réintégration.

Il est utile de rappeler, compte tenu de la durée d’une procédure prud’homale de deux à trois ans minimum, que, par décision datée du 14 décembre 2016, la Cour de cassation (n° 14-21.325, Dalloz actualité, 3 janv. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 12 ) a rappelé que « le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé », et qu’il doit être tenu compte « du revenu de remplacement servi au salarié pendant la période s’étant écoulée entre le licenciement et la réintégration ».

Ainsi, tout chauffeur ou livreur dont le licenciement serait nul comme ayant été prononcé pour avoir exercé leur droit de retrait ou pour avoir exercé une liberté fondamentale (celle d’avoir souhaité faire valoir ses droits) pourrait revendiquer l’intégralité des rémunérations qu’il aurait perçues sur l’intégralité de la période soit au minimum deux à trois ans de salaire.

Concernant la rémunération à prendre en compte, il conviendra de se rapporter à la moyenne des revenus habituels du chauffeur ou livreur ou, si cette dernière est plus favorable, à la rémunération prévue par la convention collective applicable et a minima égale au SMIC.

S’il convient enfin de noter que la fermeture temporaire des juridictions prud’homales ne permet pas de saisir le conseil de prud’hommes pendant la période de confinement, y compris en référé, cela n’interdit pas aux salariés, dès à présent, de solliciter la requalification de leur contrat de travail, d’exercer leur droit de retrait et d’exiger le paiement de leur salaire, pour plus tard, si la plateforme devait ne pas faire droit à ses demandes, saisir le conseil de prud’hommes compétent ou, éventuellement, négocier un accord amiable.

À ces risques de condamnation pour l’employeur s’ajoute celui tout aussi sérieux de condamnation par application des dispositions de l’article L. 8221-5 du code du travail, relatif au travail dissimulé, qui dispose que « le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail ; mais également le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

Ainsi, non seulement le salarié dont l’employeur a dissimulé l’emploi a droit lors de la rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (C. trav., art. L. 8223-1) mais la personne ayant recours au travail dissimulé directement ou par personne interposée peut être condamnée jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € et la personne morale jusqu’à 225 000 €, s’il s’agit d’une société (C. trav., art. L. 8224-1).

La décision de la Cour de cassation du 4 mars 2020 résonne d’une manière toute particulière en termes de droits à l’heure où ceux qui continuent d’exercer leur activité sont confrontés dans l’exercice de leur fonction, chauffeurs ou livreurs, à un risque de contamination à un virus dont la dangerosité n’est plus à démontrer.

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Prise en application de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, l’ordonnance portant mesure d’urgence en matière de congés et de durée du travail précise les conditions et limites dans lesquelles un accord d’entreprise ou de branche autorisera l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés, ainsi que les modalités permettant à l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié. Elle prévoit également des dérogations en matière de durée du travail et des dérogations en matière de repos hebdomadaire et dominical pour permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles actuellement en vigueur.

S’agissant des congés payés l’ordonnance permet à l’employeur – pendant toute la période d’état d’urgence sanitaire – d’imposer ou, au contraire, de modifier les congés payés de ses salariés, pour des périodes ne pouvant excéder six jours ouvrables. Cette faculté est toutefois subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise ou de branche.

Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 3141-16 du code du travail, l’employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue.

Les dispositions de l’ordonnance permettent donc à un accord collectif de branche ou d’entreprise d’autoriser l’employeur d’imposer à ses salariés de prendre six jours ouvrables de congés payés pendant la période de confinement ou de modifier les dates d’un congé déjà posé, dans la limite de six jours ouvrables, sans avoir à respecter le délai de prévenance d’un mois (ou le délai prévu par un accord collectif). Ce délai ne peut toutefois pas être inférieur à « un jour franc » (Ord., art. 1er).

Cette possibilité d’imposer les jours de congés payés concernent les congés acquis à prendre avant le 31 mai mais également ceux, acquis, mais à prendre avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris (soit, à compter du 1er juin) ; toujours dans la limite de six jours ouvrables.

En outre, sous réserve d’un accord de branche ou d’entreprise le prévoyant, l’employeur peut fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié. Il n’est pas non plus tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise, comme l’exige en principe l’article L. 3141-14 du code du travail.

S’agissant des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos dans le cadre d’une convention de forfait et des jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié, leur prise peut être imposée ou modifiée unilatéralement par l’employeur, sans qu’un accord collectif soit nécessaire, toujours sous réserve d’un délai de prévenance minimal d’un jour franc. Le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à dix.

En matière de dérogation à la durée du travail, l’objet est de permettre aux employeurs relevant de secteurs d’activités « particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » de déroger aux règles du code du travail et aux règles conventionnelles sur la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical.

Les heures supplémentaires sont donc autorisées, au-delà des règles habituellement fixées et les règles du repos hebdomadaire et dominical pourront donc être contournées, de manière temporaire.

Dans les secteurs considérés comme « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale » l’ordonnance prévoit la mise en place des dérogations en matière de durée de travail hebdomadaire. Un décret à paraître très prochainement listera les secteurs dans lesquels le temps de travail des salariés peut augmenter temporairement pour faire face à la situation exceptionnelle. Il devrait s’agir notamment des secteurs de l’énergie, des télécoms, de la logistique, des transports, de l’agriculture, ou encore de la filière agro-alimentaire.

Les dérogations admises sont les suivantes :
• passage de 44 à 46 heures pour la durée de travail hebdomadaire autorisée sur une période de douze semaines consécutives ;
• passage de 48 à 60 heures pour le temps de travail autorisé sur une même semaine ;
• autorisation du travail le dimanche ;
• baisse du temps de repos compensateur entre deux journées de travail de 11 à 9 heures.

L’article 6 de l’ordonnance précise en outre que l’employeur qui use d’au moins une de ces dérogations en informe sans délai et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi. 

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Tout comme l’était auparavant le comité d’entreprise, le comité social et économique est aujourd’hui amené à se prononcer régulièrement sur l’opportunité des mesures relatives « à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production » (C. trav., art. L. 2312-8, al. 1). Cette mission générale d’information et de consultation est, depuis longtemps, la clef de voûte du fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Faut-il encore que les élus soient en mesure d’apprécier le bien-fondé des décisions projetées. À cet effet, le code du travail impose une certaine transparence s’agissant des informations transmises.

Sous l’empire des anciennes dispositions du code du travail, le CE devait bénéficier d’un « délai d’examen suffisant » (C. trav., anc. art. L. 2323-3, al. 2), variables selon que l’instance ait ou non recours à l’expertise, ainsi que « d’informations précises et écrites » (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 1). À noter qu’en la matière, la fusion des institutions représentatives du personnel au sein du CSE n’a eu que peu de conséquences, ces données étant aujourd’hui réunies au sein d’un même article (C. trav., art. L. 2312-15, al. 2).

Lorsqu’il estimait que les éléments dont il disposait étaient insuffisants, le comité d’entreprise pouvait saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin qu’il ordonne la communication par l’employeur des données manquantes (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 2).

Néanmoins, cette saisine n’a jamais eu pour effet « de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis », sauf lorsque le juge décidait de prolonger le délai à raison de « difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du comité d’entreprise » (C. trav., anc. art. L. 2323-4, al. 3,). Dans la pratique, ce dispositif laissait entrevoir une défaillance notable : la prolongation du délai n’étant pas automatique en cas de saisine, la demande, même justifiée, pouvait être jugée irrecevable lorsque les délais de consultation étaient
expirés au jour de la décision du juge des référés. Dans un arrêt du 26 février 2020 (Soc. 26 févr. 2020, n° 18-22.759), la Cour de cassation vient clarifier la possibilité pour le juge des référés de prolonger le délai de consultation du CE en cas d’insuffisance des informations fournies par l’employeur dans le cadre d’une procédure d’information-consultation.

En l’espèce, la société EDF avait réuni son comité central d’entreprise (CCE) le 2 mai 2016 afin qu’il se prononce sur le projet de création de deux European Pressurized Reactor au Royaume-Uni. Au cours d’une deuxième réunion tenue le 9 mai 2016, le CCE réclamait plusieurs documents d’information complémentaires. Par requête en date du 20 juin 2016, le CCE saisissait le président du TGI statuant en la forme des référés d’une demande de suspension des délais de consultation jusqu’à communication par l’employeur de documents complémentaires. Par ordonnance du 27 octobre 2016, le président du tribunal de grande instance (TGI) jugeait irrecevables les demandes du CCE au motif que le délai de consultation était expiré au jour où il statuait. La cour d’appel infirme la décision du TGI et ordonne à la société EDF de transmettre l’intégralité du rapport visé par le CCE dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision de justice. La cour d’appel ordonne, par ailleurs, à la société de procéder à une nouvelle convocation du CCE dans un délai maximum de deux mois. La société EDF se pourvoit alors en cassation au moyen que la demande du CCE est irrecevable car le délai de consultation était expiré au moment où le juge est réputé avoir statué. Le CCE ayant eu recours à un expert, le rapport d’expertise devait être remis dans les deux mois à compter du jour où le CCE avait pris connaissance du projet, à savoir le 2 mai 2016. Suivant cette logique, le délai était en principe expiré le 2 juillet 2016. En dépit des arguments avancés, la Cour de cassation rejette le pourvoi en estimant que « la saisine du président du tribunal de grande instance avant l’expiration des délais dont dispose le comité d’entreprise pour rendre son avis permet au juge, dès lors que celui-ci retient que les informations nécessaires à l’institution représentative du personnel et demandées par cette dernière pour formuler un avis motivé n’ont pas été transmises ou mises à disposition par l’employeur, d’ordonner la production des éléments d’information complémentaires et, en conséquence, de prolonger ou de fixer le délai de consultation tel que prévu par l’article R. 2323-1-1 du code du travail à compter de la communication de ces éléments complémentaires ». Le CCE ayant saisi le président du TGI douze jours avant l’expiration du délai de consultation, la cour d’appel était bien fondée à déterminer un nouveau délai de consultation de deux mois au profit du CCE, à compter de la communication par l’employeur de documents complémentaires. La Haute juridiction reste totalement perméable au fait que l’employeur ait commencé à mettre en œuvre le projet.

La Cour de cassation raisonne de manière très pragmatique et dégage méthodiquement les conditions de la prolongation du délai de consultation, celle-ci n’étant pas automatique. D’abord, cette possibilité n’est ouverte qu’à condition que le CE ait saisi la juridiction dans le délai qui lui est imparti pour donner son avis en application de l’article R. 2323-1 du code du travail. Ensuite, la prolongation des délais de consultation est envisageable uniquement dans l’hypothèse où le juge estime la demande fondée, compte tenu du caractère lacunaire des informations. Si ces éléments font défaut, le délai de consultation n’est pas prolongé et prend fin à la date initiale. Le CE est alors réputé avoir rendu un avis négatif faute de s’être valablement exprimé sur la question. Dans le cas contraire, le juge est libre d’ordonner la production d’éléments d’information complémentaires, quand bien même le délai de consultation serait expiré au moment de la décision. Il peut par ailleurs prolonger le délai initial ou fixer un nouveau délai de consultation, lequel commence à courir à compter de la transmission des éléments complémentaires.

La solution de la Cour de cassation interpelle par son évidence. Jusqu’alors, l’action initiée par le CE pouvait être privée de véritable effet juridique, alors même que la demande de transmission de documents complémentaires était jugée fondée sur le principe. Soucieuse de garantir les prérogatives de l’instance en cas d’informations insuffisantes, la Cour de cassation avait déjà esquissé une ligne jurisprudentielle cohérente concernant le point de départ du délai de consultation. La chambre sociale a ainsi pu admettre que « le délai à l’expiration duquel le comité d’entreprise est réputé avoir donné un avis court à compter de la date à laquelle il a reçu une information le mettant en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée » (Soc. 21 sept. 2016, n° 15-19.003, D. 2016. 1936 ; ibid. 2252, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Rev. sociétés 2017. 446, note F. Petit ), étant précisé que « le délai ne peut pas courir lorsque certains documents dont la loi ou l’accord collectif prévoit la communication, et notamment ceux relevant de la base de données économiques et sociales, n’ont pas été mis à disposition du comité d’entreprise (Soc. 28 mars 2018, n° 17-13.081, D. 2018. 729 ; RDT 2018. 465, obs. I. Odoul-Asorey ). Avec l’arrêt du 26 février dernier, la Cour de cassation étoffe donc sa position en assouplissant les modalités de prolongation judiciaire des délais de consultation en cas de saisine pour insuffisance des informations.

Comme le relève la chambre sociale dans sa note explicative, la solution a l’avantage de « maintenir dans des délais raisonnables la procédure de consultation du comité d’entreprise, aujourd’hui du comité social et économique, tout en lui assurant le droit à l’information appropriée » garanti par le droit européen. En effet, la directive européenne 2002/14/CE du 11 mars 2002 prévoit que « l’information s’effectue à un moment, d’une façon et avec un contenu appropriés, susceptibles notamment de permettre aux représentants des travailleurs de procéder à un examen adéquat et de préparer, le cas échéant, la consultation » (Dir. [CE] 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l’information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne, JOCE, L 80/29, 23 mars 2002, art. 4, § 3). Finalement, la solution a le mérite d’atteindre un point d’équilibre : d’un côté, elle permet d’éviter les actions purement « dilatoires » et simplement destinées à repousser la réalisation du projet soumis à consultation, le juge ayant un pouvoir discrétionnaire en fonction de l’opportunité de la demande ; de l’autre, elle redonne de la substance à la procédure de recours ouverte par le code du travail en cas d’informations insuffisantes et en préserve ainsi la raison d’être.

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Dalloz actualité diffuse les 26 ordonnances, après leur passage au Conseil d’État, avant la présentation en conseil des ministres.

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Il est de jurisprudence constante que l’obligation de loyauté du salarié à l’égard de son employeur s’impose y compris lorsque le contrat est suspendu pour arrêt maladie (V. Soc. 15 juin 1999, n° 96-44.772 P, D. 2000. 511 , note C. Puigelier ; Dr. soc. 1999. 842, obs. A. Mazeaud , ou encore dernièrement Soc. 20 févr. 2019, n° 17-18.912 P,  Dalloz actualité, 14 mars 2019 ; D. 2019. 436 ; ibid. 2020. 405, obs. Centre de droit et d’économie du sport (OMIJ-CDES) ; JA 2019, n° 603, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2019. 363, obs. J. Mouly ; ibid. 432, étude A.-M. Grivel ; JS 2019, n° 196, p. 8, obs. F. Lagarde ). La Cour de cassation est toutefois venue tempérer la possibilité pour l’employeur de sanctionner le salarié sur ce fondement, en subordonnant sa réaction à la démonstration d’un préjudice subi par l’employeur ou l’entreprise (Soc. 12 oct. 2011, n° 10-16.649, D. 2011. 2604, obs. J. Siro ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 698, obs. S. Maillard-Pinon ). C’est sur cette dernière condition et son appréciation que l’arrêt rendu le 26 février 2020 vient apporter des précisions.

En l’espèce, une salariée embauchée comme secrétaire commerciale a été placée en arrêt maladie et a été licenciée six mois plus tard pour faute grave, cette dernière ayant exercé une activité pour le compte d’une société qui n’était pas son employeur pendant son arrêt de travail.

Cette dernière a saisi les juridictions pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle fut déboutée de sa demande par les juges du fond, qui considérèrent le licenciement fondé. Ils relevèrent en effet que la salariée avait continué à percevoir un complément de salaire versé par son employeur pendant son arrêt de travail pour maladie, caractérisant un préjudice subi par ce dernier dans la mesure où l’intéressée s’était par ailleurs enrichie pendant cette période par son intéressement à une autre affaire, qu’elle n’exerçait ni à titre bénévole, ni de façon occasionnelle.

Les juges estimèrent peu importants l’absence de caractère concurrentiel de l’activité, le régime de sorties libres de l’arrêt de travail et la connaissance qu’avait l’employeur de la qualité d’associée de la salariée, et virent dans l’exercice de cette activité extérieure un manquement fautif à l’obligation de loyauté d’une gravité telle qu’elle fait obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Saisie d’un pourvoi de l’intéressée, la chambre sociale de la Cour de cassation ne va toutefois pas suivre ce même raisonnement.

Les hauts magistrats vont en effet affirmer que l’exercice d’une activité, pour le compte d’une société non concurrente de celle de l’employeur, pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt.

La chambre sociale ajoute que pour constituer un manquement fautif à l’obligation de loyauté et fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer un préjudice à l’employeur ou à l’entreprise, lequel ne saurait résulter du seul paiement par l’employeur des indemnités complémentaires aux allocations journalières.

Cette solution vient confirmer que le fait de travailler pendant un arrêt de travail pour le compte d’une autre société ne caractérise pas en soi un manquement à l’obligation de loyauté (Soc. 12 oct. 2011, préc.). Aussi faut-il que cette activité périphérique cause un préjudice à l’employeur, ce préjudice ne pouvant résulter du seul versement par l’employeur du complément aux indemnités journalières de la sécurité sociale versé en raison de l’arrêt maladie, alors même que le caractère lucratif et habituel de l’activité du salarié est établi, comme c’était le cas dans la présente espèce.

En clair, il faudra que l’employeur parvienne à démontrer un préjudice autre, dont l’exercice d’une activité concurrentielle devrait constituer la principale incarnation. Tel sera le cas lorsque le salarié exercera pour son compte pendant son arrêt maladie la même activité que celle de son employeur (Soc. 21 oct. 2003, n° 01-43.943, JA 2019, n° 603, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2004. 114, obs. J. Savatier ). En l’absence d’activité concurrente, il apparaîtra difficile pour un employeur de sanctionner un salarié qui exercerait une activité pendant son arrêt de travail.

La chambre sociale consacre ainsi une acception restrictive de l’obligation de loyauté. Une telle solution peut étonner dans la mesure où l’arrêt maladie du salarié représente un coût pour l’employeur. Mais c’est oublier que l’exercice d’une activité pendant son arrêt maladie ne préjuge pas nécessairement du bien-fondé de celui-ci, ni de la mauvaise foi du salarié. Si l’employeur a des doutes sur la réalité de la cause justifiant l’arrêt, ou sur le respect des restrictions qu’il prévoit, il disposera toujours de la possibilité de demander une contre-visite, c’est-à-dire un contrôle médical de l’arrêt de travail (C. trav., art. L. 1226-1). Il pourra résulter de celui-ci une perte du bénéfice des indemnités complémentaires à l’allocation journalière prévue en cas de maladie (CSS, art. L. 321-1).

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En introduction de la journée, Édouard Philippe donne un long discours sur la situation et les enjeux du texte. « Je vous remercie très sincèrement de la rapidité avec laquelle vous avez fait prévaloir une forme d’union sacrée. »

Jean-Luc Mélenchon : « Nos personnes sont sacrées ! » 

Rires de l’hémicycle. Philippe : « Dans cette heure grave, faire sourire ses collègues n’est jamais inutile. » Ce sera une des seules pointes d’humour de la journée, empreinte de gravité.

« Pour BFM TV, ce sera génial ! »

L’après-midi, les députés démarrent leur travail : étudier le texte sur l’état d’urgence sanitaire. Les députés d’opposition soulèvent plusieurs failles, sur la publicité des avis scientifiques ou le contrôle parlementaire. À plusieurs reprises, leurs interpellations aboutissent : le gouvernement voit la difficulté, la séance est suspendue et, vingt minutes, plus tard la séance reprend avec un amendement de compromis, rédigé au banc.

En fin d’après-midi, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, porte un amendement de dernière minute sur les sanctions applicables en cas de non-respect des obligations. Le texte initial prévoyait une contravention de quatrième classe (135 €) en cas de non-respect des obligations. Depuis, les personnes refusant le confinement sont devenues un sujet médiatique, et donc politique. « Pour assurer la réalité de ce confinement et pour dissuader les personnes qui ne le respecteraient pas, nous proposons de transformer cette amende en un délit, puni d’une peine de prison, pour qu’il y ait un véritable effet dissuasif et, par là même, un effet préventif. »

L’idée de traîner en comparution immédiate une personne qui serait sortie deux fois hors de chez elle, en ces temps d’émeutes carcérales, gêne considérablement les députés. Ni le principe de légalité des délits ni celui de proportionnalité des peines ne sont respectés. La rapporteure du texte se contente d’un mot, « favorable », et les députés En Marche et Modem se taisent. En langage parlementaire, pour exprimer son désaccord envers le gouvernement, un député de la majorité se tait.

En chœur, l’opposition souligne les failles de ce projet. Du PCF à LR, tous trouvent l’idée excessive. Jean-Christophe Lagarde, président du groupe UDI-Agir : « Là, on a un effet d’affichage : pour BFM TV, ce sera génial ! Je suis pour la répression, à condition qu’elle soit effective, car là on est surtout dans la com. »

« Une fois n’est pas coutume », Danièle Obono (FI) va dans le sens de ses collègues : « On réagit, on surréagit, en pensant qu’il suffira d’une annonce au 20 heures pour régler les choses. D’un point de vue pédagogique, c’est disproportionné et contre-productif. Et nos prisons ne sont pas seulement pleines : elles sont surpeuplées. » La rapporteure Marie Guévenoux prend enfin la parole : « Je vais dans le même sens que l’ensemble des orateurs pour proposer une suspension. Je pense qu’il faut qu’on réussisse à trouver ensemble une solution. »

La séance est suspendue, afin de trouver une rédaction de compromis. Celle-ci est trouvée une heure après. La récidive sera punie d’une contravention de cinquième classe (1 500 €). Ce n’est qu’au quatrième constat que l’infraction sera passible d’une peine de prison. L’amendement pose encore problème (légalité du délit, contrôle de la récidive) mais il est plus acceptable. Et le gouvernement a son signal fort.

« Une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles »

À 3h20 du matin, les députés commencent l’étude du projet de loi organique qui n’est composé que d’un article : celui-ci suspend les délais d’examen de toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Comme de nombreuses autres institutions, le Conseil constitutionnel est bloqué : pour la première fois, la semaine dernière, il n’a pas pu répondre à une QPC.

Jean-Christophe Lagarde soulève une faille : « Nous venons de voter une loi exceptionnelle, avec des pouvoirs exceptionnels, dans des conditions exceptionnelles, attentant à un certain nombre de choses proprement exceptionnelles. Je ne demande qu’une chose : que ce que nous venons de voter ne soit pas exonéré d’un contrôle de constitutionnalité, parce qu’on aurait prolongé les délais des QPC. »

Christophe Castaner : « Si on prévoyait la possibilité pour l’ensemble de ce qui vient d’être voté de faire l’objet de recours et de QPC, ce serait organiser notre propre incapacité de mettre en œuvre dans l’urgence les mesures dont nous parlons. »

L’amendement est rejeté. Mais parce que c’est un texte organique, le Conseil constitutionnel étudiera obligatoirement cet article, qui suspend son action. Il pourrait aussi soulever un autre problème : l’article 46 de la Constitution prévoit que, même en urgence, un projet de loi organique ne peut être étudié par le Parlement moins de quinze jours après son dépôt. Supportera-t-il aussi bien l’urgence que le Parlement ?

Les mesures adoptées définitivement par la CMP

Dimanche, députés et sénateurs se sont réunis pour trouver un compromis. Après une longue réunion, ils se sont entendus sur un texte, qui a été adopté définitivement dès dimanche soir. Parmi les évolutions :

• sur l’état d’urgence sanitaire, le Sénat a imposé une liste plus limitative que ce que souhaitait le gouvernement. Les mesures devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus. Elles pourront être contestées en référé. Le contrôle parlementaire sera limité à l’état d’urgence (et non à toute la loi) ;

• sur les ordonnances, le gouvernement a fait le choix de renvoyer celles sur les congés au dialogue social. L’employeur aura plus de latitude sur les jours de RTT ;

• pendant la période d’état d’urgence sanitaire, l’application de la carence en cas d’arrêt de travail est suspendue, pour l’ensemble des régimes ;

• la carence de trois mois des expatriés revenant en France pour l’affiliation à l’assurance maladie et maternité est suspendue ;

• pour les communes où il faut un second tour des élections municipales, un rapport rendu le 23 mai établira si le scrutin peut avoir lieu le 21 juin. Dans ce cas, les listes devront être déposées le 2 juin. Les exécutifs municipaux et communautaires qui exerceraient avant les élections resteront en fonction jusqu’à ce que la situation sanitaire permette de réunir les nouveaux conseils.

 

Sur ce projet de loi, lire également :

• Le Sénat en état d’urgence sanitaire, par Pierre Januel le 20 mars 2020

• Les députés s’embourbent malgré l’urgence, par Pierre Januel le 21 mars 2020

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« Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. »

Pour ce débat, l’Assemblée a tenté de concilier pluralisme et fait majoritaire : chaque groupe, quelle que soit sa taille, est représenté par trois membres, mais les chefs de file portent donc les pouvoirs du groupe. En Marche ! gardera donc la majorité. L’objectif est d’étudier le texte en commission dans la journée et de faire le débat en hémicycle pendant la nuit.

En introduction, la rapporteure LREM Marie Guévenoux veut rassurer : « Avec le Sénat, nous nous entendons sur l’essentiel. Quand la circonstance le demande, les divergences se réduisent vite. » Et d’expliquer qu’en amont, de nombreux échanges ont eu lieu avec Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et Philippe Bas, son homologue du Sénat. Pour accélérer les choses, « certains amendements votés par le Sénat ont été introduits sur les souhaits de l’Assemblée. Mais nous avons quelques dissonances qui persistent sur le texte ».

Hier, le Sénat a en effet adopté le texte avec deux gros cailloux pour le gouvernement. Il a précisé les mesures permises par l’état d’urgence sanitaire et souhaité accélérer le dépôt des listes pour les élections municipales. La rapporteure Marie Guévenoux n’a posé que des amendements sur le second point. Qui enflamme les députés.

Dans les communes où il y aura un second tour, celui-ci serait repoussé en juin, si les conditions sanitaires le permettent. Dans le cas contraire, le premier tour serait annulé. Le point qui occupe tout le monde est : « Jusqu’à quand doit-on déposer les listes ? » Députés LR, PS, PCF tiennent absolument à ce qu’il ait lieu fin mars, comme le souhaite le Sénat, pour figer les choses. En face, LREM, FI et RN s’y opposent : dans la période, il est illusoire que des négociations d’entre deux-tours aient lieu, d’autant qu’on ne sait pas si ce second tour se tiendra.

La députée écologiste Delphine Batho s’exaspère : « C’est surréaliste. Nos débats tournent autour d’une chose : la date du dépôt, ou pas, du second tour des municipales. On se pince. On n’a pas de masques. On n’a pas de gel hydroalcoolique dans les hôpitaux, mais vraiment, ce qui mobilise les politiques, c’est la date de dépôt des listes. » La présidente Braun-Pivet tente d’accélérer : « Vous ne pouvez pas prendre et reprendre la parole en parlant quatre minutes à chaque fois, tout en disant qu’il faut moins de ce sujet. Je ne veux priver personne de prise de parole, mais j’en appelle à la responsabilité de chacun. »

« C’est un vrai sujet »

Dans la Ve République, le président préside, le gouvernement gouverne et le Parlement parle. Hier, l’Assemblée a sombré dans cette caricature. À 17h30, les députés n’ont toujours pas commencé avec le cœur du texte : l’état d’urgence sanitaire et les ordonnances. Avec jusqu’à dix-sept prises de parole pour un amendement.

Le problème est profond. Depuis 2017, l’Assemblée n’arrive plus à légiférer vite. Et ce quelle que soit la commission. Une partie de l’opposition ne joue pas le jeu parlementaire et souhaite imposer ses sujets plutôt qu’amender les textes. Le tout dans un climat de forte défiance vis-à-vis de la majorité et du gouvernement, toujours soupçonnés de mentir ou de vouloir attaquer à la démocratie. Même si l’opposition n’a jamais eu autant de temps.

Dans le passé, le Parlement a montré sa capacité à adopter en trente-six heures des textes majeurs, dictés par la crise. Hier, cent vingt amendements ont été déposés, chaque député venant avec un « vrai sujet » (cette crise n’en manque pas) mais des débats parfois vains. La commission a ainsi débattu de détails sur les ordonnances, alors même que le gouvernement ne sera présent qu’en séance.

Le député communiste Stéphane Peu se plaint : « la difficulté dans nos débats est de faire accepter à la majorité des amendements qui ne proviennent pas d’elle. Tout le monde joue le jeu de l’union nationale et vous refusez systématiquement tous nos amendements. » Au final, quatorze amendements auront été adoptés. Sept de la majorité, sept de l’opposition, souvent sans portée. Le débat en séance est repoussé à samedi.

Auteur d'origine: babonneau

Examiné selon la procédure accélérée les 19 et 20 mars, le projet de loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » détermine en son titre III intitulé les « mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 », les champs pour lesquels le gouvernement va pouvoir procéder par ordonnance, dans un délai de trois mois après la publication de la loi.

Ainsi, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le gouvernement pourra prendre par ordonnance « toute mesure, conforme au droit de l’Union européenne, relevant du domaine de la loi » pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales et, notamment, « pour limiter les cessations d’activités d’entreprises, quel qu’en soit le statut, et les licenciements ».

Ce texte encadre toute une série de mesures provisoires annoncées en matière de droit du travail, de la sécurité sociale en matière notamment de bénéfice de l’activité partielle, de conditions d’acquisition et de prise de congés payés, de repos, d’intéressement et de participation, du suivi de santé des salariés ou encore de modalités d’information et de consultation des institutions représentatives du personnel.

Le Syndicat des avocats de France (SAF) a d’ores et déjà manifesté à travers une lettre ouverte à la ministre du travail son inquiétude quant aux domaines faisant l’objet de ce texte d’urgence qui permet d’envisager des « dérogations à des règles jusqu’à présent considérées comme d’ordre public ». Le SAF souligne qu’il n’est pas question que « des réformes puissent être décidées dans l’urgence avec des effets au-delà de la période exceptionnelle du confinement ».

Extension du recours à l’activité partielle

Afin de limiter les ruptures des contrats de travail, le gouvernement pourra, selon le projet de loi d’urgence, prendre toute mesure pour renforcer le recours à l’activité partielle, notamment en :

• l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, le dispositif d’activité partielle pourrait notamment être ouvert, selon l’exposé des motifs du projet de loi, aux travailleurs à domicile ou aux assistants maternels qui n’y ont pas accès jusqu’à présent ;
• réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre ;
• favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle pendant la baisse d’activité induite par la crise sanitaire ;
• prévoyant une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel.

Congés payés

Le texte permet également au gouvernement de prendre par ordonnances des dispositions destinées à modifier les conditions d’acquisition de congés payés et de permettre à l’employeur d’imposer ou modifier unilatéralement au salarié les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail ou des jours de repos affectés sur un compte épargne-temps du salarié en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise applicables.

L’employeur pourra ainsi imposer au salarié la prise de congés payés pendant toute la période d’état d’urgence sanitaire.

Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 3141-16 du code du travail, l’employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés et l’ordre des départs. Et il ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue. L’objectif du texte serait donc de réduire ce délai de prévenance. Présenté comme un « effort raisonnable » demandé au salarié alors que l’État « met en place un plan exceptionnel pour sauver l’emploi et éviter les licenciements », l’article 7 du projet de loi autorise ainsi le gouvernement à permettre à l’employeur de fixer une partie des congés pendant la période de confinement. Un amendement du Sénat - adopté en commission des lois - a toutefois précisé que cette possibilité ne saurait porter sur plus de six jours ouvrables

L’habilitation permet aussi au gouvernement de modifier les conditions d’acquisition de congés payés. Il est possible d’envisager que cette mesure est destinée à modifier provisoirement l’assimilation à du temps de travail effectif des périodes de chômage partiel (C. trav., art. R. 5122-11) ;  les périodes d’activité partielle pendant la durée du confinement n’ouvriraient pas droit à congés payés.

Durée du travail et repos

À l’inverse, une fois les ordonnances adoptées, les entreprises qui doivent faire face à un surcroît exceptionnel d’activité pourront déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical.

L’article 17 du projet de loi autorise en effet le gouvernement à « permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger de droit aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ». Reste à préciser la notion d’activités essentielles.

Comme il est toutefois précisé dans l’étude d’impact – et rappelé dans l’avis du Conseil d’État –, les mesures prises devront être articulées dans le respect des normes du droit international et du droit de l’Union européenne.

En ce qui concerne les questions de dérogations aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical, ainsi que les conditions d’acquisition des congés payés et d’utilisation du compte épargne – temps du salarié, le Conseil d’État rappelle qu’il ressort de la jurisprudence constitutionnelle que « le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » (décis. n° 2007-556 DC, 16 août 2007, consid 17). Le Conseil d’État rappelle en outre que le gouvernement devra également veiller à ce que les dérogations envisagées à la durée du travail respectent les dispositions de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Cette directive imposant aux États membres de l’Union européenne de garantir à tous les travailleurs une durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours ne devant pas dépasser quarante-huit heures, heures supplémentaires comprises et droit à un congé annuel payé d’au moins quatre semaines.

Vie collective de l’entreprise

L’exposé des motifs de la loi indique que le recours massif au télétravail ou au travail à distance associé à un fort taux d’absentéisme peut rendre difficile l’application des procédures d’information-consultation du comité social et économique (CSE). Aussi, le projet de loi autorise le gouvernement à modifier provisoirement les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis. Aujourd’hui, aux termes de l’article L. 2315-4 du code du travail, le recours à la visioconférence pour réunir le comité social et économique peut être autorisé par accord entre l’employeur et les membres élus de la délégation du personnel du comité. En l’absence d’accord, ce recours est limité à trois réunions par année civile. L’objectif du projet de loi d’urgence serait de permettre l’adoption des mesures visant à faciliter le recours à une consultation dématérialisée de l’instance.

S’agissant de la vie syndicale, il est relevé que, compte tenu de la crise sanitaire, l’organisation du scrutin auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés – et qui permet la désignation des conseillers prud’hommes ainsi que des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles –, prévu le 23 novembre et 6 décembre prochain, pourrait être impactée. Le dépôt des candidatures syndicales étant en cours, la constitution et la fiabilisation de la liste électorale pourraient être affectées. Le maintien du calendrier électoral ferait peser un risque sur la bonne organisation du scrutin, aussi le projet de loi d’urgence prévoit la possibilité d’adapter l’organisation de cette élection, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles.

Intéressement et participation

S’agissant de l’intéressement et de la participation, le gouvernement pourra prendre toute mesure pour modifier les dates limites et les modalités de versement des sommes au titre de ces dispositifs. En effet, aux termes des articles L. 3314-9 pour l’intéressement et L. 3324-12 pour la participation, les sommes issues de la participation et de l’intéressement doivent être versées avant le 1er jour du sixième mois suivant la clôture de l’exercice de l’entreprise (soit le 31 mai lorsque l’exercice correspond à l’année civile). Ces délais légaux pourront donc être assouplis afin – selon l’étude d’impact – de permettre aux établissements teneurs de compte de ne pas être pénalisés par les mesures prises dans le cadre de l’épidémie.

Suivi de l’état de santé des travailleurs

Est également envisagée la possibilité d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le code du travail.

Une instruction du ministère du travail anticipait déjà sur cette disposition et présentait une instruction le 17 mars 2020 destinée à adapter le fonctionnement des services de santé au travail pendant la période de confinement. Ainsi, il est indiqué que toutes les visites et toutes les actions en milieu de travail peuvent en principe être reportées sauf si le médecin du travail « estime qu’elles sont indispensables ». Dans cette optique, et si cela est possible, il est conseillé de privilégier la téléconsultation. En revanche, les visites autres que périodiques concernant les salariés exerçant une activité nécessaire à la vie de la nation doivent être maintenues. Enfin, priorité doit être donnée aux services de santé de relayer activement les messages de prévention et d’assurer une permanence téléphonique de conseils aux employeurs et salariés.

Formation professionnelle

S’agissant de la formation et de l’apprentissage, le gouvernement sera habilité à adapter les dispositions afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations, de versement de contributions. Selon l’exposé des motifs, l’ordonnance permettra d’aménager les conditions de versement des contributions dues au titre du financement de la formation professionnelle, en cohérence avec les dispositions qui seront prises en matière fiscale et sociale. De même, France compétences devrait disposer d’un délai supplémentaire afin d’enregistrer les certifications dans le répertoire spécifique, notamment celles dont l’enregistrement arrive à échéance dans les prochains mois. Des dispositions devraient également permettre d’adapter les conditions de prise en charge des coûts de formation, des rémunérations et cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle. S’agissant des coûts de formation, l’exposé des motifs indique qu’une ordonnance devrait permettre de simplifier les modalités de prise en charge en privilégiant une logique forfaitaire, plus simple à mettre en œuvre. Enfin, précise l’exposé des motifs, l’ordonnance permettra de prendre les dispositions nécessaires afin d’éviter les ruptures dans la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. 

Auteur d'origine: Dechriste

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Auteur d'origine: Bley

Alors que la réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis opérée par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 doit, pour sa majeure partie, entrer en vigueur le 1er juin 2020, l’épidémie de covid-19 nécessite une nouvelle modification de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

En ligne de mire, notamment, une importante proportion de syndics des quelque 740 000 copropriétés qui pourraient voir leur mandat expirer, faute de tenue d’assemblée générale.

Mandat d’un an

On sait en effet que bon nombre de syndics de copropriété sont élus pour un an et que, très majoritairement, les assemblées générales, appelées, entre autres, à renouveler le mandat du syndic (ou à changer de mandataire), se tiennent au printemps.

De lege lata, les copropriétés concernées se retrouveront à brève échéance sans mandataire, le seul remède curatif existant consistant soit à ce qu’un copropriétaire convoque l’assemblée générale aux fins de désigner un syndic, soit à recourir à la désignation judiciaire d’un administrateur provisoire (L. n° 65-557, art. 17, in fine ; décr. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 47).

On objectera qu’afin de prévenir la vacance de syndic, le premier alinéa de l’article 17-1 A de la loi de 1965 (issu de la loi ELAN du 23 nov. 2018) permet aux copropriétaires de participer à l’assemblée générale « par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification ». Par ailleurs, l’alinéa 2 du même texte (également issu de la loi ELAN, mais entièrement réécrit par l’ordonnance de 2019) envisage le vote par correspondance.

Toutefois, outre le fait que ces nouveaux modes de participation aux assemblées générales ne sont pas encore entrés dans les mœurs (mais nécessité peut certainement faire loi), leur mise en œuvre n’est pas, à ce jour, efficiente. En effet, non seulement l’arrêté établissant le formulaire de vote par correspondance n’a pas été publié (mais il suffirait qu’il le soit !) mais, de surcroît et surtout, la tenue d’une assemblée via un moyen de communication électronique implique… qu’une précédente assemblée générale l’ait décidé (décr. n° 67-223, art. 13-1). Or le dispositif est trop récent pour que les organes délibérants des copropriétés aient pris les devants (les articles 13-1 et 13-2 du décret de 1967 ont été insérés dans le texte par le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019).

Habilitation du gouvernement

L’article 7, j, du projet de loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 autorise le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, donc rétroactivement, relevant du domaine de la loi, « adaptant le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires ».

Selon l’AFP, le cabinet du ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, a annoncé que les contrats des syndics qui devaient arriver à terme continueront jusqu’à ce qu’ils puissent tenir une prochaine assemblée générale.

Enjeux

L’enjeu économique lié au bon fonctionnement des copropriétés est important, puisque, selon l’étude d’impact du texte, « le montant des charges annuelles de quelque 8 millions de lots peut être évalué à 12 milliards d’euros. En permettant le maintien de la gestion des copropriétés concernées pendant la période d’épidémie du virus covid-19 et celle permettant ensuite d’organiser les assemblées générales, la mesure devrait avoir un impact sur la situation financière des copropriétés en permettant que les appels de charges de copropriété soient transmis aux copropriétaires. Elle devrait également permettre d’éviter les factures impayées à l’égard des entreprises prestataires du syndicat des copropriétaires ».

Le projet de loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 va suivre la procédure accélérée et a été débattu devant le Sénat ce jeudi 19 mars.

Auteur d'origine: Rouquet

L’articulation et la coordination des compétences en présence d’institutions représentatives du personnel implantées dans différents sites peuvent parfois susciter quelques difficultés. Difficultés que le législateur avait anticipées concernant les CHSCT, en prévoyant le principe d’une instance temporaire de coordination (ITC) aux termes de l’ancien article L. 4616-1 du code du travail.

Peut alors se poser la question de savoir si l’un des CHSCT de l’entreprise peut, en présence d’une ITC, solliciter une expertise dans le cadre de la consultation sur le règlement intérieur lorsque cette instance n’y recourt pas elle-même ?

C’est à cette question que répond l’arrêt du 26 février 2020.

Une société avait, dans la perspective d’actualiser son règlement intérieur et sa charte informatique, créé une ITC de ses vingt-trois CHSCT. Cette instance avait décidé de ne pas recourir à une expertise. Pour autant, l’un des CHSCT a décidé de recourir à une telle expertise. La société a alors saisi en référé le président du tribunal de grand instance d’une demande d’annulation de cette décision de recours à l’expertise.

La demande fut rejetée par la juridiction, qui a estimé que la décision de l’ITC de ne pas recourir à l’expertise ne privait pas ipso facto les CHSCT de leur propre droit d’y recourir. Pour le président du tribunal de grande instance, la consultation sur le règlement intérieur entrait dans le domaine de compétence du CHSCT en vertu de l’ancien article L. 4612-12, et l’expertise était dans ce cadre destinée à permettre au CHSCT de répondre utilement à la consultation sollicitée par l’employeur.

La société se pourvut alors en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation va livrer une réponse claire et concise à la question posée.

Opérant une lecture stricte de l’ancien article L. 4616-1 du code du travail qu’elle mobilise en visa, elle va rappeler que l’employeur qui doit consulter les CHSCT sur un projet de règlement intérieur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, peut mettre en place une instance temporaire de coordination des CHSCT qui a pour mission de rendre un avis après avoir eu recours, le cas échéant, à une expertise unique.

Les hauts magistrats vont par ailleurs ajouter que même en l’absence d’expertise décidée par l’instance temporaire de coordination, les CHSCT des établissements concernés par le projet commun ne sont pas compétents pour décider le recours à une expertise sur cette même consultation.

Se faisant, elle opère une répartition claire des compétences en présence d’une ITC. Dès l’instant que celle-ci est créée, la compétence et l’opportunité du recours à l’expertise dans le cadre de la consultation « CHSCT » sur le règlement intérieur lui est exclusivement réservée et échappe aux différents CHSCT. Cette solution apparaît cohérente au regard de l’esprit de l’ITC. Ne pas réserver le monopole et l’opportunité de l’expertise à cette instance aurait eu pour conséquence de la priver d’une grande partie de son intérêt. Cette solution apparaît en outre fidèle à la lettre du texte de l’ancien article L. 4616-1 du code du travail, qui dispose que l’instance est « seule compétente pour désigner cet expert », et qu’elle est « seule consultée sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements ».

Le CHSCT ayant aujourd’hui disparu, et avec lui l’instance temporaire de coordination, la portée de cet arrêt s’en trouvera réduite aux contentieux initiés avant leur suppression.

La consultation sur le règlement intérieur échoit désormais au seul CSE. Un dispositif de coordination des compétences entre CSE central et CSE d’établissement a été introduit par le législateur à l’article L. 2316-1 du code du travail, qui prévoit aujourd’hui que le CSE central exerce les attributions qui concernent la marche générale de l’entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d’établissements. Concernant le recours à l’expertise, l’article L. 2316-3 du code semble s’orienter vers une solution comparable, en précisant que la désignation d’un expert, à l’occasion de l’information consultation sur tous les projets importants concernant l’entreprise – dont ceux ayant trait à la santé, la sécurité et aux conditions de travail – doit être effectuée par le CSE central.

Auteur d'origine: Dechriste

Votée par les parlementaires dans le cadre de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, la contemporanéisation des aides personnalisées au logement, c’est-à-dire, leur versement en temps réel, revient à calculer les APL sur les douze derniers mois glissants et à réviser leur montant tous les trois mois.

Très critiquée, en ce qu’elle pourrait entraîner la baisse de l’aide pour plus d’un million d’allocataires, voire sa disparition, et compliquée à appliquer, la mise en œuvre de cette réforme a été plusieurs fois repoussée.

En dernier lieu, le décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 (JO 31 déc.) prévoyait son entrée en vigueur en avril 2020, voire en juin 2020 pour les aides personnalisées au logement à l’accession.

Le covid-19 en a décidé autrement, dans un communiqué de presse du 17 mars 2020, le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales annonçant le report sine die de la mesure.

Ce report est, selon le communiqué, justifié par le fait que « les mesures prises pour faire face à l’accélération de l’épidémie du coronavirus – COVID 19 réduisent […] la disponibilité des personnels des CAF et des MSA. Dans ce contexte, il est essentiel de mobiliser les moyens disponibles des caisses pour assurer la continuité de leur mission de service public de maintien des droits de tous les allocataires ».

Auteur d'origine: Rouquet

À l’occasion de la réunion de son bureau du 17 mars 2020, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) a décidé de reporter le paiement des cotisations. Ainsi, « pour ceux dont les cotisations sont en prélèvement mensuel automatique, l’échéance de mars ne sera pas prélevée, mais répartie sur les mois suivants jusqu’en décembre. L’échéance annuelle statutaire du 30 avril, à laquelle la moitié au moins des cotisations 2020 doit être réglée, est reportée au 31 mai. »

De même, « pour les employeurs d’avocats salariés, les échéances trimestrielles et mensuelles d’avril 2020 sont reportées au mois suivant.

Les majorations et pénalités de retard sont également suspendues jusqu’à nouvel ordre, alors que l’envoi des contraintes aux huissiers ainsi que des demandes de titres destinés aux Chefs de Cours sont suspendues.

Selon le communiqué, « ces décisions exceptionnelles de décaler les échéances de paiement de cotisations, ne mettront pas en péril le paiement des pensions, la CNBF ayant une trésorerie suffisante pour un peu plus de deux mois. »

Enfin, la CNBF rappelle que les avocats en difficulté peuvent déposer leur dossier de demande d’assistance via le formulaire de saisine de la commission sociale accompagné des justificatifs demandés.

Auteur d'origine: Dargent
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L’arrêt commenté permet de revenir sur le schéma contractuel des salariés intérimaires et la prise en compte collective de leurs intérêts.

Un salarié sous contrat de travail temporaire (intérimaire) est un salarié embauché et rémunéré par une entreprise de travail temporaire (ETT) qui le met à la disposition d’une entreprise utilisatrice pour une durée limitée, dénommée mission. Cette opération contractuelle tripartite génère un démembrement du lien de subordination : l’entreprise de travail temporaire conserve le pouvoir disciplinaire, tandis que l’entreprise utilisatrice se voit confier l’exercice du pouvoir de direction. On peut dire qu’à l’instar de l’autorité parentale, l’autorité patronale est conjointe.

Mais le pouvoir s’accompagne de devoirs. Le droit européen, le droit interne ainsi que la jurisprudence organisent, en conséquence, une répartition des responsabilités et une coopération entre les entreprises de travail temporaire et les entreprises utilisatrices qui ont pour objet de mieux protéger les travailleurs intérimaires notamment en matière de santé et de sécurité. En effet, il convient tout d’abord de rappeler que la responsabilité de la protection de la santé et de la sécurité des intérimaires est commune à l’employeur juridique et à l’entreprise utilisatrice (Dir. 91/383/CEE du 25 juin 1991, art. 8). Le législateur français précise que l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail des salariés intérimaires, telles qu’applicables au lieu de travail, de même qu’il lui incombe de fournir les équipements de protection individuelle (C. trav., art. L. 1251-21 et L. 1251-23). Quant à l’entreprise de travail temporaire, elle doit informer ces travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité, ainsi que les mesures prises pour y remédier et le responsable de l’entreprise utilisatrice, en tant que responsable des conditions d’exécution du travail, doit dispenser une formation pratique et appropriée à la sécurité aux salariés intérimaires (C. trav., art. L. 4141-1 et L. 4121-2 ). Notons également que le coût d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dont pourrait être victime le salarié intérimaire, est partagé entre l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice (CSS, art. L. 241-5-1). Par ailleurs, la Cour de cassation juge en matière de faute inexcusable que l’entreprise de travail temporaire est seule tenue envers l’organisme social des obligations de l’employeur, mais elle dispose d’une action contre l’entreprise utilisatrice auteur de la faute (V. par ex., Civ. 2e, 4 févr. 2010, n° 08-10.520).

Malgré ce partage de responsabilités et cette coopération entre les sociétés, il semble que la santé et la sécurité des travailleurs intérimaires soient moins effectives que celles des autres salariés, étant relevé que le nombre d’accident du travail chez les salariés intérimaires est en augmentation de près de 8 % en 2017, alors que chez les autres salariés, la sinistralité est stable et surtout inférieure à celle des intérimaires (DARES analyses, Les ouvriers intérimaires sont-ils plus exposés aux risques professionnels ?, oct. 2018, n° 45 ; L’Assurance maladie, L’essentiel 2017, Santé et sécurité au travail).

Face à ces constats, la question de la représentation collective des personnels intérimaires apparaît plus que nécessaire.

Pour mémoire, les salariés intérimaires étaient éligibles au CHSCT de l’entreprise utilisatrice. En revanche, s’agissant de l’entreprise de travail temporaire, la Cour de cassation réservait dans un premier temps l’éligibilité au CHSCT de l’entreprise de travail temporaire aux salariés travaillant réellement au sein de l’entreprise de travail temporaire, c’est-à-dire les salariés permanents (V. par ex., Soc. 17 nov. 1999, n° 98-60.485 ; 26 sept. 2002, n° 01-60.676 P, D. 2002. 2778, et les obs. ; 6 déc. 2006, n° 06-60.008). Dans un second temps, la Haute juridiction revoyait sa copie, et autorisait les salariés des entreprises de travail temporaire à se porter candidats à la délégation salariale du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire (Soc. 22 sept. 2010, n° 09-60.454 P, D. 2010. 2298 ; Dr. soc. 2010. 1262, obs. F. Petit ). Toutefois, le salarié ne pouvait être membre des deux CHSCT à la fois (Soc. 28 nov. 2001, n° 00-60.359).

La question de savoir quelle instance est légitime à exercer ses prérogatives au nom de la défense des salariés intérimaires est également essentielle. A cette interrogation, la chambre sociale de la Cour de cassation y avait répondu partiellement, puisqu’elle avait jugé que le champ d’intervention du CHSCT concernait toute personne placée à quelque titre que ce soit sous l’autorité de l’employeur. La compétence du CHSCT était donc étendue aux salariés du sous-traitant dès lors qu’il y a observation d’un lien d’autorité et ce, y compris, en l’absence de rapport de subordination traditionnel (Soc. 7 déc. 2016, n° 15-16.769, RDT 2017. 429, obs. A.-L. Mazaud ). Demeurait à trancher la question de la possibilité, pour le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire, d’exercer ses prérogatives à l’égard des salariés sous contrat de travail temporaire. C’était précisément l’objet du pourvoi.

Dans l’espèce ayant donné lieu à la décision commentée, le CHSCT de la société Manpower avait décidé de faire appel à un expert, en application de l’article L. 4614-12 du code du travail, pour la réalisation d’une étude relative à la situation de risque grave dans laquelle se trouvaient les travailleurs temporaires de la société Manpower au sein de l’entreprise utilisatrice Feedback. Le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par la société Manpower, avait annulé cette décision le 1er août 2018. Le CHSCT se pourvoyait contre cette décision. Il est exact que la Cour de cassation avait jugé, dans un arrêt non publié, qu’un CHSCT d’établissement ne pouvait donner mission à un expert d’intervenir que sur le périmètre dudit établissement (Soc. 26 juin 2013, n° 11-28.946). Toutefois, dans ce contexte différent, la solution ne répondait pas vraiment à la question soumise à la Haute juridiction, puisqu’elle signifiait seulement qu’un CHSCT ne pouvait missionner d’expert que sur son propre périmètre. La question du pourvoi était plutôt celle de savoir si le CHSCT incluait dans son périmètre de compétence les salariés mis à disposition d’une autre entreprise.

Le CHSCT reprochait au juge du fond d’avoir annulé la délibération désignant un expert pour risque grave au motif que les travailleurs temporaires avaient vocation à être représentés par le CHSCT de la seule entreprise utilisatrice, de sorte que le CHSCT de la société de travail temporaire n’était pas compétent pour décider de cette expertise. Le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire considérait que, nonobstant l’absence de texte l’autorisant expressément, le droit à la santé et à la sécurité l’autorisait à intervenir peu important qu’une autre entreprise en soit également responsable.

La position du CHSCT de l’entreprise Manpower se heurtait à deux obstacles de taille que constituent le droit de propriété et la liberté d’entreprendre (DDH, art. 17 ; Préambule de la Constitution du 27 oct. 1946), puisque dans les faits, il s’agissait bien d’une ingérence d’un CHSCT extérieur de l’entreprise utilisatrice. Ces obstacles n’étaient cependant pas insurmontables dans la mesure où, en cas d’atteinte prétendue au principe de la liberté d’entreprendre, un contrôle de proportionnalité est opéré par le Conseil constitutionnel. On sait qu’il est ainsi loisible au législateur d’apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi (pour une mise en balance du droit à la protection de la santé et de la liberté d’entreprendre, v. Cons. const. 25 janv. 2013, n° 2012-290/291 QPC, D. 2013. 254 , décision relative au prix du tabac). Il appartenait au cas d’espèce à la Cour de cassation d’opérer un balancier entre le droit à la santé et le droit de propriété, pour décider si l’interprétation de l’article L. 4612-14 conférant au CHSCT d’une entreprise de travail temporaire le pouvoir de décider d’une expertise au sein d’une entreprise utilisatrice en cas de risque grave était légitime, et le seul moyen pour parvenir à la protection de la santé des travailleurs intérimaires.

Dans sa décision, la Cour de cassation prend tout d’abord le soin de rappeler que le droit à la santé et à la sécurité de tout travailleur est protégé tant par la Constitution (al. 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946) que par le droit européen (art. 31, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; art. 6 § 4 de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989). S’agissant plus précisément des salariés intérimaires, la Haute juridiction rappelle aussi que si la responsabilité de la protection de leur santé et de leur sécurité est commune à l’employeur et à l’entreprise utilisatrice (Dir. 91/383/CEE du 25 juin 1991, art. 8), il appartient en premier chef à l’entreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette protection. C’est ainsi qu’il incombe, selon ses termes, au CHSCT de déclencher une expertise en présence d’un risque grave au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail.

Cependant, la Cour de cassation poursuit son raisonnement, et juge qu’en présence d’un risque grave pour ces travailleurs, si l’entreprise de travail temporaire ne prend aucune mesure et que son CHSCT est lui-même passif quant à l’usage de son droit issu de l’article L. 4614-12 du code du travail, alors le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire « au titre de l’exigence constitutionnelle du droit à la santé des travailleurs » peut faire appel à un expert agréé afin d’analyser la réalité du risque et les moyens éventuels d’y remédier. Il en résulte que le juge du fond ne pouvait écarter la compétence du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire s’agissant d’une expertise risque grave, sans vérifier l’existence d’un risque grave et l’inaction de l’entreprise utilisatrice et de son CHSCT.

Cette solution de mesure et de conciliation doit être saluée.

Tout d’abord, l’immixtion du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire est limitée, puisque sa compétence n’est finalement reconnue qu’à titre supplétif, c’est-à-dire en cas de carence tant de l’entreprise utilisatrice que de son CHSCT. Il reviendra, en outre, au juge du fond de vérifier ces carences, et en tout état de cause de vérifier la réalité du risque grave invoqué. Il n’existait, en réalité, aucune autre voie alternative permettant de ne pas empiéter sur le droit de propriété et la liberté d’entreprendre pour s’assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs intérimaires, dans la mesure où manifestement seul le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire pouvait efficacement se préoccuper des conditions de travail de ces personnels.

Par ailleurs, cette solution a le mérite de mettre fin à une situation plutôt paradoxale. En effet, comme le relevait le Professeur Verkindt, les conditions de travail, de santé et de sécurité sont déterminées par les conditions du travail réel, lesquelles s’apprécient dans l’entreprise utilisatrice. Pourtant, l’entreprise de travail temporaire et son CHSCT n’ont aucun moyen d’action ni droit d’entrée dans l’entreprise utilisatrice. Le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire, où sont présents les intérimaires, ne peut agir que sur les conditions de travail des travailleurs permanents de l’entreprise de travail temporaire (P.-Y. Verkindt, Les CHSCT au milieu du gué, Trente-trois propositions en faveur d’une instance de représentation du personnel dédiée à la protection de la santé au travail, Rapport 2013, p. 62).

Cette solution apparaît même essentielle au regard de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 aux termes de laquelle les travailleurs mis à disposition ne sont plus éligibles au comité social et économique (CSE) de l’entreprise utilisatrice (C. trav., art. L. 2314-23). En l’absence de représentation des travailleurs intérimaires au sein des instances de l’entreprise utilisatrice, l’ingérence (mesurée) du comité social et économique, qui reprend les prérogatives des anciens CHSCT, est plus que bienvenue.

Il convient, enfin, de préciser que la société Manpower présentait également une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant l’interprétation que la chambre sociale donnerait de l’article L. 4614-12 du code du travail si, cassant la décision attaquée, elle admettait la possibilité pour le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire de désigner un expert pour étudier une situation de risque grave dans une entreprise utilisatrice. En d’autres termes, il s’agissait donc d’une QPC sur une interprétation préventive de la Cour suprême. Par un arrêt du 5 juin 2019 la Cour de cassation retenait qu’il n’y avait pas lieu à renvoyer la QPC, au motif que « la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que, si tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la Cour suprême compétente, il n’existe pas, en l’état, d’interprétation jurisprudentielle constante autorisant le CHSCT d’une entreprise de travail temporaire à diligenter une expertise au sein d’une expertise utilisatrice , en application de l’article L. 4614-12 du code du travail, alors en vigueur, au titre d’un risque grave concernant les travailleurs mis à disposition de cette entreprise utilisatrice ».

Cependant, cette irrecevabilité n’avait aucune incidence sur le sens de la décision que la Cour de cassation pouvait être amenée à prendre sur le fond, et l’hypothèse s’était déjà rencontrée. En effet, dans une précédente affaire ayant donné lieu à une décision d’irrecevabilité (Soc., QPC, 13 juill. 2016, n° 16-10.459 P), la Haute juridiction avait ensuite censuré la décision des juges du fond en considérant « qu’il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion » (Soc. 1er févr. 2017, n° 16-10.459, D. 2017. 550 , note J. Mouly ; ibid. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta  ; Dr. soc. 2017. 215, étude J.-G. Huglo et R. Weissmann ; RDT 2017. 332, obs. I. Desbarats ). Dans cette espèce, la Cour de cassation rendait exactement une jurisprudence qui était celle préventivement critiquée par la QPC déclarée irrecevable. Effectivement, l’objectif de la QPC de permettre aux parties d’interroger le Conseil constitutionnel sur la norme législative telle qu’elle s’applique. En revanche, il ne s’agit pas d’offrir, à titre préventif, un recours contre une évolution de la jurisprudence. Par conséquent, la réponse donnée à la QPC ne liait pas la chambre sociale quant à la réponse qu’elle devait apporter au pourvoi.

Auteur d'origine: Dechriste

Ce texte, un projet de loi organique ayant le même objet (qui suspend les délais de procédure des questions prioritaires de constitutionnalité) et un projet de loi de finances rectificative permettant la prise en compte des coûts liés à l’épidémie ont été présentés en conseil des ministres le 18 mars. Les deux premiers devaient être examinés par le Sénat jeudi 19 et par l’Assemblée nationale vendredi 20, le troisième faisant la navette en sens inverse.

État d’urgence sanitaire

L’état d’urgence sanitaire est la seule mesure pérenne du projet de loi ordinaire. Il serait déclaré par décret en conseil des ministres et prorogé par la loi au bout d’un mois. Cette déclaration donnerait au Premier ministre le pouvoir de prendre par décret des mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ainsi que de procéder à des réquisitions. Le ministre de la santé pourrait prendre les autres mesures générales et individuelles par arrêté. Un comité scientifique rendrait des avis publics sur le dispositif.

Les élus du premier tour entrent en fonction

Le titre Ier du projet confirme le report (au plus tard au mois de juin 2020) du second tour des élections municipales, décidé la veille par décret, ainsi que des élections des Français de l’étranger et en tire les conséquences. Les élus du premier tour entrent en fonction immédiatement (sauf dans les communes de moins de 1 000 habitants où moins de la moitié des conseillers municipaux ont été élus). Dans les autres communes, les mandats sont prorogés jusqu’au second tour. Les exécutifs des intercommunalités seront élus à titre provisoire, une nouvelle élection ayant lieu après le second tour dès lors que celui-ci est nécessaire dans une commune membre. Le gouvernement serait habilité par ordonnance à adapter le droit à cette situation, notamment s’agissant du fonctionnement des intercommunalités.

De très vastes habilitations

Le titre III donne au gouvernement de très vastes habilitations à prendre par ordonnance des mesures législatives provisoires. Il pourrait ainsi modifier le droit du travail et le droit de la fonction publique, notamment en matière de congés et de consultation des instances du personnel. Il pourrait également adapter les règles de délai, d’exécution et de résiliation des contrats de la commande publique. Pour faire face aux conséquences sur l’administration et les juridictions, est envisagée l’adaptation des règles relatives au dépôt et au traitement des demandes présentées à l’administration. Les délais, la compétence territoriale ou encore le recours à la visioconférence devant les juridictions administratives et judiciaires pourront aussi être provisoirement modifiés. Des dérogations aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements publics ou encore aux modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur seraient aussi rendues possible.

Auteur d'origine: babonneau

Le principe général posé par le gouvernement est « dès que c’est possible, il faut privilégier le télétravail ».

Le service SOS-Collaborateurs de l’UJA de Paris est saisi des difficultés rencontrées par les collaborateurs dans les cabinets au sein desquels ils exercent pour cette mise en place du télétravail.

Certains se sont trouvés confrontés à des arguments tels que, « le “télétravail” n’étant pas organisé par le cabinet », les jours d’absence seront déduits des vacances ou ne seront pas rémunérés, voire envisagés comme une faute susceptible de rupture du contrat de collaboration.

À ce jour, il n’y a encore aucun texte impératif au niveau de la profession mais une réalité sanitaire et des exigences étatiques qui imposent de stopper les déplacements et « rester chez soi ».

C’est pourquoi l’UJA de Paris, dès dimanche 15 mars, a adressé à l’ensemble des avocats parisiens un mail préconisant de favoriser le télétravail.

Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, informé de ces difficultés, s’est positionné dans le même sens lundi, en rappelant le statut indépendant et libéral (tweet officiel du 16 mars 2020) :

« Les collaborateurs, comme tout #avocat indépendant et responsable, de même que les stagiaires et les salariés ne peuvent être “obligés” à venir travailler s’ils sont concernés par une précaution sanitaire #COVID-19 »

Par conséquent, rien ne justifie que les cabinets d’avocats ne permettent pas aux collaborateurs de faire du télétravail en dehors des audiences urgentes maintenues par les juridictions.

En revanche, il y a une réalité pratique, à savoir que tous les cabinets n’ont pas pu anticiper les modalités techniques de la mise en place du télétravail, comme la fourniture d’un ordinateur portable à chaque collaborateur ou membre du personnel du cabinet.

Dans ce cas de figure, et au regard du contexte sanitaire exceptionnel, les collaborateurs pourvus de matériels informatiques peuvent proposer de le mettre au service du cabinet et à la mise en place du télétravail.

Il appartient également au cabinet – qui n’en dispose pas – de mettre en place des solutions d’accès à distance à la base de données du cabinet de manière sécurisée.

Enfin, outre l’équipe SOS-Collaborateurs de l’UJA de Paris () qui assure toujours et chaque jour l’accompagnement des collaborateurs en difficulté qui la contactent, sachez que l’Ordre des avocats de Paris a désigné parmi les membres du Conseil de l’ordre des « référents collaboration » (informations disponibles sur le site du barreau de Paris, v. aussi Dalloz actualité, 20 avr. 2018, art. T. Coustet).

Pour 2020, il s’agit de nos confrères Anne-Laure Casado, Yannick Sala, Thierry Schoen et Julien Brochot ().

Enfin, le bâtonnier et la vice-bâtonnière ont mis en place, au regard de la crise sanitaire actuelle, une « commission spéciale ».

Ne craignez pas et n’hésitez pas à leur signaler tout abus, toute inquiétude par un simple email.

Un vade-mecum est en cours de préparation et sera diffusé par l’Ordre des avocats de Paris très prochainement.

Il appartient à toute la profession de s’adapter à l’ampleur de cette crise sanitaire et le télétravail devient la règle.

Auteur d'origine: Bley

Créée de toutes pièces par la jurisprudence il y a près d’un demi-siècle (v. Crim. 23 avr. 1970, D. 1970. 444), l’unité économique et sociale (UES) a initialement été conçue comme un dispositif protecteur quant à la mise en place des institutions représentatives du personnel. Basée sur l’existence de critères d’ordre économique et social, l’UES favorise le rapprochement de personnes juridiques distinctes néanmoins liées par un mode de fonctionnement et des intérêts convergents.

D’un côté, l’unité économique est fondée sur la concentration du pouvoir de direction ainsi que sur la complémentarité des activités des différentes entités composant l’UES. De l’autre, l’unité sociale repose sur un ensemble d’indices permettant de déceler l’existence d’une communauté de travail dite homogène.

Qu’elle soit reconnue par voie conventionnelle ou judiciaire, l’UES donne à voir une nouvelle cartographie de l’entreprise par la création d’un périmètre singulier, lequel devient le cadre juridique du dialogue social d’entreprise et de la représentation des salariés. Ce périmètre englobe donc plusieurs entités qui, selon l’arrêt commenté, doivent agir de concert dans la défense de leurs intérêts communs.

En l’espèce, un expert avait été désigné par un CHSCT pour réaliser une expertise au sein d’une UES regroupant deux cliniques. L’une des deux cliniques décide d’assigner l’expert devant le président du tribunal de grande instance (TGI) pour contester le coût de l’expertise. La deuxième clinique se joint à l’action plus de quinze jours après l’assignation. Le président du TGI déclare l’action irrecevable dans la mesure où la contestation a été...

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Auteur d'origine: Dechriste

La réserve sanitaire, créée par la loi n° 2007-294 du 5 mars 2007 relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur, est un corps de 30 000 personnes volontaires mobilisables par les pouvoirs publics en vue de répondre aux situations de catastrophe, d’urgence ou de menace sanitaire graves. En vertu de la loi, elle a pour objet de compléter, en cas d’événement excédant leurs moyens habituels, ceux mis en œuvre dans le cadre de leurs missions par les différents services de santé (renfort hospitalier, campagnes de vaccination, opérateurs téléphoniques, contrôles aux aéroports). La réserve est composée de professionnels de santé et étudiants dans les filières médicales qui, après avoir été déclarés aptes physiquement, subissent une période de formation auprès de l’Agence nationale de santé publique.

Le réserviste bénéficie d’un certain nombre de protections légales. En effet, la loi interdit par exemple à l’employeur de sanctionner un réserviste en raison de ses périodes d’absences. Les personnes réservistes bénéficient également du régime de la protection fonctionnelle durant leurs missions, qui oblige l’État à prendre en charge la réparation intégrale des préjudices qu’ils subissent ou qu’ils font subir en cas d’accident. Les réservistes sont indemnisés au cours de leurs missions, lesquelles ne peuvent pas excéder en principe une durée de quarante-cinq jours par année civile.

Conformément à l’article L. 3134-1 du code de la santé publique, il peut être fait appel à la réserve sanitaire par arrêté motivé du ministre chargé de la santé. C’est ainsi que, par arrêté du 4 mars 2020, l’ensemble de la réserve sanitaire a été mobilisée pour une durée indéterminée pour constituer des équipes d’intervention rapide placées auprès des agences régionales de santé pour renforcer les établissements de santé.

Usage du droit de réquisition

Le droit de réquisition s’entend généralement comme un dispositif exceptionnel de l’État qui, moyennant un mécanisme de rétribution ou d’indemnisation, est actionné par temps de guerre ou afin d’assurer la continuité du service public en période de mouvement social prolongé. Il peut aussi être mobilisé lors d’une crise sanitaire, au titre du pouvoir de police spéciale détenu par le gouvernement.

La loi n° 2004-906 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est venue renforcer et adapter les instruments dont dispose l’État en matière de santé publique, et a notamment créé un pouvoir de police sanitaire spécifique, afin de mieux prévenir et gérer les menaces sanitaires graves. Ce cadre juridique, rendu nécessaire par la latence de la menace bioterroriste et l’apparition de nouvelles pathologies infectieuses, est un des rares cas possibles d’extension des pouvoirs des autorités administratives en raison de circonstances exceptionnelles, en plus de l’état d’urgence et de l’état de siège.

En matière sanitaire, cet outil a été utilisé à plusieurs reprises ces dernières années pour limiter la propagation du virus Ebola, afin de renforcer les contrôles sanitaires, d’autoriser l’utilisation de certains traitements et de sécuriser le circuit transfusionnel et la réalisation des examens médicaux des personnes contaminées. Il a aussi servi de fondement juridique pour permettre la distribution de kits gratuits destinés au traitement des patients atteints par le virus de la grippe H1N1 en 2009. À cette dernière occasion, le ministre de la santé avait d’ailleurs autorisé par arrêté les préfets à procéder à toute réquisition nécessaire à la mise en œuvre de la campagne de vaccination (arr. du 4 nov. 2009).

Depuis la loi du 5 mars 2007, le droit de réquisition est expressément mentionné au code de santé publique. Ainsi en vertu de ses articles L. 3131-8 et L. 3131-9, le premier ministre peut, lorsque l’afflux de patients ou de victimes ou la situation sanitaire le justifie, procéder par décret aux réquisitions de produits ou de professionnels de santé. C’est ainsi que, par un premier décret n° 2020-190 du 3 mars 2020 suivi d’un décret correctif n° 2020-247 du 13 mars 2020, le premier ministre a décidé de réquisitionner les stocks et les productions de masques de protection respiratoire et de masques antiprojections. Des personnels de santé du secteur privé pourraient, à terme et en fonction de l’évolution de la pandémie, être réquisitionnés par l’État.

La réglementation du prix des solutions hydroalcooliques

Un prix est soit déterminé par le libre jeu du marché, soit fixé par les pouvoirs publics dans des conditions prévues par la loi au titre de son pouvoir de police économique – en témoignent notamment les prix du gaz, des péages, des courses de taxi ou de l’électricité. Parallèlement aux dispositifs propres à certains produits, la loi prévoit, depuis l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté de prix et de la concurrence, la possibilité pour le gouvernement de lutter contre des hausses excessives de prix par « des mesures temporaires motivées par une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé ». Cette disposition a depuis été codifiée à l’article L. 410-2 du code du commerce.

Cette disposition permet par exemple de réguler le prix du carburant ou du gaz dans certains départements ou collectivités d’outre-mer où un opérateur, en raison des spécificités géographiques, pourrait se trouver en situation de monopole économique et imposer des prix excessifs (v. par ex. décr. n° 2003-1241, 23 déc. 2003, réglementant les prix des produits pétroliers dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique, ou le décret n° 88-1048, 17 nov. 1988 réglementant les prix de certains produits dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon).

Sur le fondement de ces dispositions, le gouvernement a souhaité protéger les consommateurs contre les risques induits par une situation manifestement anormale du marché résultant de la pandémie, et a procédé, après avis du Conseil national de la consommation, à la réglementation du prix de vente des gels hydroalcooliques (décr. n° 2020-197, 5 mars 2020).

Auteur d'origine: pastor

Dans la première affaire (req. n° 424335), Mme B…, gérante et associée unique d’une EURL, contestait la décision du président de la métropole de Lyon de réduire le montant du RSA qu’elle recevait, en raison de la prise en compte dans ses ressources du bénéfice dégagé par la société.

Dans la seconde espèce (req. n° 424379), Mlle A… demandait notamment l’annulation de la décision de récupération d’un indu de RSA prise par la même métropole au motif qu’elle n’avait pas déclaré, au titre de ses ressources, des loyers perçus par une SCI dont elle détenait la moitié des parts.

Saisi en cassation, le Conseil d’État juge que, pour...

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Auteur d'origine: pastor
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Avant la fusion des institutions représentatives du personnel opérée par les ordonnances du 22 septembre 2017, l’employeur devait consulter le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 4612-8-1 anc.). En cas de projet commun à plusieurs établissements résultant d’une telle décision, il pouvait mettre en place une instance temporaire de coordination des différents CHSCT (ICCHSCT). Cette instance avait pour mission d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé, alors prévue à l’article L. 4614-12, 2°, du code du travail, afin d’évaluer et prévenir les risques pour la santé des salariés induits par le projet de réorganisation dans l’ensemble des établissements concernés. Elle devait également être consultée et rendre des avis sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements. À l’origine, ces dispositions ne dispensaient par l’employeur de consulter chaque CHSCT des établissements concernés, et ne privaient pas ces comités locaux de recourir à un expert sur le fondement de l’ancien article L. 4614-12, 2°, du code du travail (C. trav., art. L. 4616-1 issu de la L. n° 2013-504, 14 juin 2013). La loi Rebsamen du 17 août 2015 avait donné une place plus centrale à l’ICCHSCT, qui devenait seule compétente pour désigner un expert dans l’hypothèse précitée, et était la seule à devoir être consultée sur les mesures d’adaptation du projet communes à plusieurs établissements (C. trav., art. L. 4616-1 issu de L. n° 2015-994). Le recours à l’expert pouvait toutefois être décidé par un CHSCT local en l’absence d’une instance temporaire de coordination (Soc. 19 déc. 2018, n° 17-27.016, Dalloz jurisprudence).

En l’espèce, la société Pages jaunes, dans le cadre d’un projet de réorganisation ayant vocation à affecter plusieurs de ses établissements, avait engagé, à compter du 21 février 2018, une procédure d’information-consultation de ses instances représentatives du personnel. Dans ce cadre, elle avait mis en place une ICCHSCT, laquelle avait nommé, le 2 mars 2018, un expert afin de l’assister dans l’étude du projet de transformation et de ses conséquences en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. Le contentieux faisant l’objet de l’arrêt commenté est ensuite né de ce que le CHSCT « Nord-Est » de la société avait décidé en parallèle, par une délibération du 6 avril 2018, le recours à une expertise, fondée sur l’existence d’un « risque grave […] constaté dans un établissement » (C. trav., anc. art. L. 4614-12, 1°). La société avait alors fait assigner le CHSCT en annulation de cette délibération le 20 avril 2018.

Par une ordonnance du 16 octobre 2018, le président du tribunal de grande instance (TGI) de Nancy a annulé la délibération du CHSCT Nord-Est, au motif que l’ICCHSCT avait déjà nommé un expert afin de l’assister dans l’étude du projet de transformation et de ses conséquences sur la santé et les conditions de travail. L’expertise sollicitée par le CHSCT, bien que reposant sur un fondement juridique différent, avait des visées similaires à celle mise en œuvre quelques semaines plus tôt par l’instance coordinatrice : la prévention des risques pour la santé des salariés dans les établissements du Nord-Est, inclus dans le projet de réorganisation décidée au niveau national par la société. Le CHSCT Nord-Est a formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Par un arrêt du 5 février 2020, la chambre sociale casse l’ordonnance litigieuse, au visa des textes précédemment présentés (C. trav., art. L. 4614-12 et L. 4616-1 anc.), reprochant au président du TGI de ne pas avoir recherché si le CHSCT, qui faisait état de circonstances spécifiques à l’établissement, ne justifiait pas d’un risque grave au sein de cet établissement indépendamment de l’expertise ordonnée en raison d’un projet important par l’ICCHSCT.

En donnant expressément une compétence exclusive à l’ICCHSCT pour organiser le recours à l’expertise relative à un « projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail » (C. trav., art. L. 4614-12, 2°) affectant plusieurs établissements, l’article L. 4616-1 du code du travail maintenait implicitement la possibilité pour les CHSCT locaux de faire appel à un expert « lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, [était] constaté dans l’établissement » (C. trav., art. 4614-12, 1°). Aucune disposition légale ne neutralisait cette possibilité dans un contexte de réorganisation de nature à affecter plusieurs établissements. Le président du TGI, pour annuler la délibération du CHSCT Nord-EST prévoyant le recours à un expert, ne pouvait simplement relever l’existence d’une expertise concomitante demandée au niveau national par l’ICCHSCT. Il devait établir que le CHSCT ne justifiait pas d’un risque grave au sein de cet établissement indépendant de ceux résultant du projet de réorganisation au niveau national.

Dans le cadre de cette réorganisation opérée par la société Pages jaunes, la Cour de cassation a rendu un autre arrêt, non publié, relatif à une délibération du CHSCT « Sud-Est », qui avait également fait appel à un expert pour un risque grave pour les salariés relevant de sa compétence territoriale. Dans cette espèce, le président du TGI de Grasse avait constaté que le CHSCT faisait état de la souffrance des salariés du fait notamment d’un nombre important de réorganisations et avait alerté la direction sur un taux élevé d’absentéisme, le désengagement, le stress et l’épuisement des salariés, créant un risque routier mais également un risque de conflit avec la hiérarchie commerciale, entre services ou avec les clients. L’existence de ces risques avérés justifiait que le CHSCT fasse appel à un expert, indépendamment de l’expertise pour projet important ordonnée par l’ICCHSCT (Soc. 4 févr. 2020, n° 18-23.753, Dalloz jurisprudence).

Cette jurisprudence devrait pouvoir être transposée au comité social et économique (CSE), désormais compétent en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail. En effet, le code du travail prévoit que le CSE central d’entreprise est seul consulté sur les mesures d’adaptation communes à plusieurs établissements d’un projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2316-1). La désignation d’un expert dans le cadre d’un tel projet doit également être effectuée par ce CSE central (C. trav., art. L. 2316-3), tandis que le CSE d’établissement reste compétent pour faire appel à un expert « lorsqu’un risque grave […] est constaté dans l’établissement » (C. trav., art. L. 2315-94).

L’ordonnance est également cassée au motif que le président du TGI avait limité à 2 000 € la somme allouée au titre des frais et honoraires d’avocat exposés par le CHSCT dans le cadre de la procédure, alors que le comité demandait le remboursement de 3 600 €. Sur ce point, la décision ne surprend pas. La Cour de cassation considère en effet que les frais exposés par le CHSCT pour se défendre en justice lors d’une contestation par l’employeur du recours à un expert sont à la charge de ce dernier, sauf abus du CHSCT (Soc. 6 avr. 2005, n° 02-19.414, Dalloz jurisprudence). En cas de contestation de l’employeur, il incombe au juge de fixer le montant des frais et honoraires d’avocat exposés par le CHSCT, qui seront mis à la charge de l’employeur, au regard des diligences accomplies (Soc. 22 févr. 2017, n° 15-10.548, Dalloz actualité, 17 mars 2017, obs. J. Siro ; D. 2017. 512 ). En l’espèce, la somme demandée par le CHSCT ne faisait l’objet d’aucune contestation. Le président du TGI ne pouvait donc pas décider de limiter cette somme.

Auteur d'origine: Dechriste

Il y a parfois des annonces désarçonnantes. Vendredi, la garde des Sceaux, après trois heures de réunion avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier de Paris, a rappelé que les avocats n’auraient pas gain de cause dans leur bataille contre la réforme des retraites et a énoncé son plan d’attaque pour favoriser l’équilibre économique des cabinets d’avocat : la nomination de Dominique Perben qui devra remettre un rapport – encore un ! – d’ici la fin du mois avril. Les sujets prioritaires : la revalorisation « significative » de l’aide juridictionnelle (conditions d’attribution de l’AJ et niveau de rétribution) « dans le cadre des propositions » faites par les députés Naïma Moutchou (LREM) et Philippe Gosselin (LR), « les conditions auxquelles serait subordonnée la possibilité de conférer un caractère exécutoire à l’acte d’avocat » et la possibilité de « faire évoluer le taux de TVA des honoraires » dans le cadre des dispositions européennes. Dominique Perben pourra, s’il le souhaite, proposer d’autres pistes « pour améliorer les conditions d’exercice de la profession ».

Alors voilà ce qui désarçonne. La ministre de la justice jure que, cette fois-ci, la revalorisation sera vraiment significative. Faut-il un rapport pour annoncer des chiffres dont dispose la profession depuis des dizaines d’années ? Pour de nombreux avocats, le minimum serait de doubler les unités de valeur (32 € actuellement). Faut-il d’ailleurs rappeler que le futur « rapport Perben » s’ajoutera à la dizaine de rapports rendus pour sauver l’aide juridictionnelle. Le plus souvent cité est celui de l’ancien sénateur Roland du Luart (2007), qui avait évoqué un « système à bout de souffle » et « proche de l’implosion » (à l’époque, le budget de l’aide juridictionnelle était de 300 millions d’euros, contre 500 pour 2019). Mais il n’est pas inutile d’en citer quelques autres tant leur nombre est symptomatique d’un malaise à traiter le sujet : rapport Bouchet (2001), Cour des comptes (2008), Darrois (2009), Bocquillon (2009) Belaval (2010), Gosselin (2011), Haut Conseil des professions du droit (2013), Carré-Pierrat (2014), Le Bouillonnec (2014), Mézard-Joissains (2014), Moutchou-Gosselin (2019), etc., sans oublier plusieurs propositions de loi abandonnées dans un tiroir et les nombreux rapports du Conseil national des barreaux, dont celui de Myriam Picot de 2013. Ou encore le rapport plus global sur l’avenir de la profession, remis à Jean-Jacques Urvoas en 2017 par les avocats Kami Haeri, Sophie Challan-Belval, Éléonore Hannezo et Bernard Lamon.

« Conférer ensuite la force exécutoire à l’acte d’avocat, voilà une bravade qui pourrait réveiller l’endormie dissension entre avocats et notaires. » A-t-on oublié les mois de tension en 2010 qu’avait dû gérer la ministre de l’époque, Michèle Alliot-Marie, les notaires refusant net que « l’acte contresigné par avocat » – une idée de l’avocat Jean-Michel Darrois issue de son rapport de 2009 – ait la moindre force exécutoire ? La loi du 28 mars 2011 avait finalement créé un acte a minima, fort peu utilisé par la profession (134 actes d’avocat avaient été archivés via le site AvosActes, créé par le barreau de Paris et la Conférence des bâtonniers, en 2015). En 2014, nouveau « coup de chaud » : les notaires s’offrent deux pleines pages dans Le Monde et Les Échos pour mettre un coup d’arrêt aux propositions contenues dans le Livre blanc de la profession d’avocat, diffusé à l’occasion des débats sur la justice du 21e siècle.

Des propositions à l’intérêt « très catégoriel »

Interrogé à l’époque, Jean Tarrade, président du Conseil supérieur du notariat, avait été très clair : « Les avocats demandent, entre autres, à ce que l’acte d’avocat ait la force de l’acte authentique, ils réclament l’accès aux fichiers immobiliers et sollicitent de pouvoir faire des partages successoraux. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Déjà en 1967, dans un Livre bleu, ils réclamaient une profession unique ! La commission Darrois a repris cette idée. Les représentants des avocats sont dans l’empiétement permanent des prérogatives d’autres professions, deviennent agents sportifs, mandataires en transactions immobilières, etc. Ils ont la volonté permanente de faire le métier des autres. C’est pourquoi la profession de notaire, d’habitude discrète, est sortie de sa réserve car les propositions des avocats sont inacceptables. » Avec une entrée dans le code civil en 2016, et une utilisation imposée dans le cadre du divorce par consentement mutuel, l’acte d’avocat n’est peut-être pas tout à fait mort. Reste à savoir de quelle manière Dominique Perben va convaincre les notaires.

Troisième chantier à risque : l’application du taux de TVA réduit de 10 % aux honoraires d’avocats. C’est encore un vieux combat de la profession qui s’est systématiquement vu opposer par Bercy la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, selon laquelle « les services rendus par les avocats à leurs clients, y compris les particuliers et ceux bénéficiant de l’aide juridictionnelle, n’étaient pas des prestations susceptibles de se voir appliquer un taux de TVA réduit ». Sauf que, comme l’a rappelé une motion votée en novembre 2019 par le conseil de l’ordre de Paris, une proposition de directive modifiant la directive du 28 novembre, examinée par le Parlement européen, a été soumise au sein du Conseil européen en vue de son adoption : « cette proposition prévoit que seuls les biens et services énumérés dans une liste dite “négative” ne pourraient pas bénéficier de la part des États membres d’un taux réduit de TVA. Le projet actuel de cette liste ne mentionne pas les prestations d’avocats aux particuliers (B2C). En cas d’adoption de la nouvelle directive, les États membres pourront donc appliquer un taux réduit aux prestations des avocats ».

Dominique Perben a donc un mois pour résoudre ce qui a été, jusqu’à présent, insurmontable. Sa désignation a par ailleurs provoqué quelques interrogations. L’ancien garde des Sceaux, de 2002 à 2005 sous le gouvernement Raffarin, avait rassemblé contre lui une partie de la profession lors des votes de la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002 (dite loi Perben I) et de la loi portant sur l’adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (dite loi Perben II) de 2004. À propos des robes noires qui avaient protesté devant le ministère, il avait ironisé : « il y a 17 000 avocats à Paris. Ils étaient 100, rue de la Paix ». Aujourd’hui avocat au sein du cabinet Betto Perben Pradel Filhol, certains confrères grincent des dents : il a bénéficié du décrié « décret passerelle » de 2010, pour être inscrit au tableau sans que son parcours le justifie. Le décret avait finalement été supprimé en 2013. Enfin, il est le beau-père du député Raphaël Gauvain (LRM), auteur du rapport de 2019 sur la protection des entreprises contre les lois et mesures à portée extraterritoriale, qui avait ressorti un sujet terriblement explosif, celui de l’avocat en entreprise. « L’avocat en entreprise, c’est un vrai casus belli pour une très large majorité de la profession qui craint que Perben ne s’en inspire », commente un avocat.

Un élu du Conseil national des barreaux estime que ces sujets annexes – hors retraite – « ne présentent en réalité qu’un intérêt très catégoriel. Pour faire simple : les avocats qui interviennent à l’aide juridictionnelle se fichent totalement de la force exécutoire de l’acte d’avocat, qu’ils ne pratiquent pas. Et ceux qui n’interviennent pas l’AJ considèrent à juste titre que l’augmentation des U.V. ne compensera pas l’augmentation de leurs cotisations retraite. L’idée de créer un comité Théodule sur ces sujets, alors que nos demandes sont définies et chiffrées depuis bien longtemps, passe très mal. Nous avons des tonnes de rapports démontrant que le budget de l’AJ doit être a minima doublé pour permettre au système de fonctionner. Nous n’avons pas besoin de nous réunir en commission pour en discuter ».

La présidente du Conseil national des barreaux a, sur Twitter, reconnu que la Chancellerie « avait fait un pas » et avait « envoyé un petit signal aux avocats », tout en regrettant, par exemple, qu’aucune donnée chiffrée n’ait été donnée concernant la revalorisation de l’aide juridictionnelle. « Mais cela ne change rien à notre mobilisation contre la réforme des retraites. Ni à ma détermination », a-t-elle conclu. Le mouvement de grève continue. L’examen et le vote prochain du projet de loi de réforme des retraites également.

Auteur d'origine: babonneau

Cette proposition de loi avait été déposée par le sénateur Alain Milon en octobre dernier et adoptée le 5 novembre. Les députés l’ont modifié à la marge le 15 janvier tout en adoptant conforme l’article 1er, qui supprime la barrière d’âge de 75 ans pour faire une demande de PCH.

Sur la question des fonds départementaux de compensation...

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Auteur d'origine: pastor

Jusqu’à quand le salarié peut-il remonter lorsqu’il agit pour obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée (CDI) d’une succession de contrats à durée déterminée (CDD), et sur quelle période peut-il revendiquer les rappels de salaires afférents aux périodes interstitielles sans se voir opposer la prescription ? Comment conjuguer prescription de l’action en exécution du contrat et prescription des créances salariales dans le cadre d’une telle action en requalification ? Telles étaient les questions posées par cet arrêt du 29 janvier 2020.

Un salarié a été engagé en qualité d’enquêteur, dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage du 20 novembre 2004 au 4 octobre 2013. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale aux fins de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Saisis le 7 juillet 2014, les juges du fond vont accueillir sa demande pour la période allant du 7 juillet 2012 jusqu’au jour de la saisine, et considérer comme prescrite la demande en requalification des contrats à durée déterminée jusqu’au 6 juillet 2012 et rejeter les demandes en découlant.

Pour les juridictions du fond, la loi du 14 juin 2013 ayant institué un délai de deux ans pour toutes les demandes indemnitaires relatives à l’exécution ou la rupture des contrats de travail, le salarié ne pouvait solliciter la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée que sur la période de deux ans précédant la saisine.

Contestant cette interprétation,...

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Auteur d'origine: Dechriste

La réunion prévue ce matin à 9h30 entre la garde des Sceaux et les instances de la profession d’avocat pour évoquer les sujets hors retraites (aide juridictionnelle, taxation d’honoraires, etc.) « risque d’être un peu tendue », augure un élu du Conseil national des barreaux.

Hier, l’Assemblée nationale a voté l’amendement du gouvernement dont la profession ne veut pas et à propos duquel elle n’avait pas été avertie : l’instauration d’un dispositif « de solidarité des avocats géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) », qui « pourra prendre en charge toute la hausse de cotisations pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000 € ». Ce dispositif devrait être financé par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente, sans oublier le produit des réserves, explique la ministre.

Certains avocats voient dans cette disposition « une nationalisation de leurs réserves » et un autofinancement imposé.

Auteur d'origine: babonneau
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Si l’annulation de la rupture du contrat de travail du salarié permet à ce dernier de demander sa réintégration dans l’entreprise, les conséquences indemnitaires de la nullité pour le salarié réintégré diffèrent selon qu’elle est prononcée ou non en raison de la violation par l’employeur d’une liberté fondamentale ou d’un droit à valeur constitutionnelle. À défaut d’une telle violation, le salarié réintégré dans son emploi a droit à une indemnité égale aux salaires qu’il aurait perçus entre la date de la rupture de son contrat et sa réintégration effective, déduction faite des revenus de remplacement éventuellement perçus pendant cette même période. En revanche, cette déduction n’a pas à être opérée lorsque la violation d’une liberté fondamentale est retenue.

Cette seconde hypothèse concerne par exemple le licenciement intervenu en raison de l’exercice du droit de grève par le salarié (Soc. 2 févr. 2006, n° 03-47.481, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier ; D. 2006. 531, obs. E. Chevrier ; RDT 2006. 42, obs. O. Leclerc ), le licenciement prononcé en raison de l’état de santé du salarié (Soc. 11 juill. 2012, n° 10-15.905, Dalloz actualité, 13 sept. 2012, obs. B. Ines ; D. 2012. 1967 ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ), le licenciement discriminatoire en raison de l’activité syndicale du salarié (Soc. 9 juill. 2014, n° 13-16.434, D. 2014, 1594 ) ou encore le licenciement portant atteinte à la liberté d’ester en justice (Soc. 21 nov. 2018, n° 17-11.122, D. 2018. 2311 ; RDT 2019. 257, obs. I. Meyrat ). À l’inverse, le licenciement prononcé à la suite de la dénonciation par un salarié de faits de harcèlement moral (Soc. 14 déc. 2016, n° 14-21.325, Dalloz actualité, 3 janv. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 12 ) ou le licenciement discriminatoire en raison de l’âge (Soc. 15 nov. 2017, n° 16-14.281, Dalloz actualité, 24 nov. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 2375 ; ibid. 2018. 190, chron. F. Ducloz, F. Salomon et N. Sabotier ; RDT 2018. 132, obs. M. Mercat-Bruns ) ne violent, selon les juges, aucune liberté fondamentale ni droit garanti par la Constitution.

Quelques jours après avoir rappelé que la rupture du contrat discriminatoire en raison de l’âge ouvrait droit pour le salarié à une indemnité amputée des revenus de remplacement perçus jusqu’à la réintégration (Soc. 22 janv. 2020, n° 17-31.158, Dalloz actualité, 11 févr. 2020, obs. L. de Montvalon ; D. 2020. 220 ), les juges du droit ont eu à se prononcer sur le licenciement d’une salariée lié à sa maternité. En l’espèce, une salariée licenciée le 26 novembre 2012 avait saisi le juge prud’homal d’une demande en annulation de son licenciement, qu’elle estimait discriminatoire car motivé par son état de grossesse. Elle sollicitait la réintégration dans son emploi, laquelle avait été ordonnée par un jugement du 18 septembre 2015. Le contentieux s’était ensuite poursuivi, notamment pour déterminer les conséquences indemnitaires de l’annulation du licenciement.

Au regard de décisions antérieures, le principe de non-discrimination en raison de l’état de grossesse ne semblait pas constituer une liberté fondamentale au sens des textes à valeur constitutionnelle (Soc. 30 sept. 2010, n° 08-44.340 ; 16 nov. 2011, n° 10-14.799, Dalloz jurisprudence). Faisant application de cette jurisprudence, la cour d’appel de Paris, le 5 juin 2018, a octroyé à la salariée une indemnité égale aux salaires qu’elle aurait dû percevoir jusqu’à sa réintégration, diminuée des revenus de remplacement dont elle avait bénéficié durant cette période (environ 36 000 €). Contestant la prise en compte de ces revenus dans la fixation du montant de l’indemnité, elle a formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 29 janvier 2020, la chambre sociale casse et annule la décision rendue par la cour d’appel de Paris. Ce faisant, elle fait évoluer sa jurisprudence en rattachant la discrimination liée à l’état de grossesse à l’alinéa 3 du préambule de la Constitution de 1946, consacrant le principe d’égalité entre les hommes et les femmes, avec les conséquences que cela implique pour l’indemnité à laquelle peut prétendre la salariée licenciée et réintégrée dans son emploi. Dans son attendu de principe, les juges énoncent « qu’en application des dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail, tout licenciement prononcé à l’égard d’une salariée en raison de son état de grossesse est nul ; que, dès lors qu’un tel licenciement caractérise une atteinte au principe d’égalité de droits entre l’homme et la femme, garanti par l’alinéa 3 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période ».

Bien que la violation de principes à valeur constitutionnelle justifie une protection particulière de la victime, il peut sembler surprenant que l’indemnité octroyée en cas de licenciement discriminatoire puisse varier de quelques dizaines de milliers d’euros en fonction du motif de discrimination invoquée, alors que l’annulation repose dans tous les cas sur le même fondement juridique (C. trav., art. L. 1132-1 et L. 1132-4). Comment justifier, en effet, qu’une victime de discrimination ait à restituer des revenus versés par la sécurité sociale ou Pôle emploi lorsque la discrimination est liée à son âge, mais qu’elle puisse conserver ces mêmes revenus lorsque la discrimination est liée à son état de santé ou son état de grossesse ? Une harmonisation des droits des victimes de discrimination pourrait être envisagée, par une extension – écartée jusqu’à présent par la Cour de cassation – de cette jurisprudence aux droits fondamentaux reconnus par le droit européen ou les traités internationaux ratifiés par la France. Le principe de non-discrimination est en ce sens un principe général du droit de l’Union européenne (Charte des droits fondamentaux de l’UE, art. 21 ; pour une application en matière de discrimination fondée sur l’âge, v. CJUE 19 janv. 2010, aff. C-555/07, AJDA 2010. 248, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; RDT 2010. 237, obs. M. Schmitt ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron ; ibid. 599, chron. L. Coutron ; ibid. 673, chron. S. Robin-Olivier ; ibid. 2011. 41, étude E. Bribosia et T. Bombois ; Rev. UE 2013. 313, chron. E. Sabatakakis ) ; il est également consacré par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 14) et est l’objet de la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail.

Auteur d'origine: Dechriste

L’arrêt commenté a eu à trancher une question inédite : celle de la possibilité de cumuler au sein du nouveau comité social et économique les mandats d’élu et de représentant syndical au comité, éventuellement par voie d’accord collectif.

En l’espèce, le syndicat CGT plate-forme Total a désigné comme représentant syndical au sein du comité social et économique d’établissement de la société Total raffinage France un salarié qui y était également membre élu suppléant. La société a saisi le tribunal d’instance afin qu’il soit enjoint au salarié de choisir entre l’un ou l’autre des mandats et qu’à défaut, le mandat de représentant syndical soit jugé caduc. Le tribunal a fait droit à la demande.

Le syndicat et le salarié ont formé un pourvoi en cassation et ont essentiellement soulevé trois arguments qui méritent de s’y attarder.

Ils ont d’abord fait valoir qu’aucune disposition légale n’interdisait le cumul des mandats litigieux. Il est vrai que le nouvel article L. 2314-2 du code du travail, propre au comité social et économique, dispose que le représentant syndical « est choisi parmi les membres du personnel de l’entreprise », de sorte qu’il ne contient pas en soi d’interdiction de cumul. L’argument avait cependant peu de chance de convaincre car le nouveau texte reprend à l’identique les dispositions de l’ancien article L. 2324-2 du code du travail applicable à l’ancien comité d’entreprise. Or, s’agissant du comité d’entreprise, par une décision de principe qui a par la suite été appliquée avec constance, la Cour de cassation a jugé que « le même salarié ne peut siéger simultanément dans le même comité d’établissement en qualité à la fois de membre élu et de représentant syndical auprès de...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Un joueur professionnel, recruté par le Toulouse Football Club le 30 juin 2009, avait conclu un contrat à durée déterminée (CDD) pour quatre saisons avec un terme fixé au 30 juin 2013. Victime d’une embolie pulmonaire en octobre 2010, il avait été placé en arrêt de travail. En mars 2012, à la suite de deux examens médicaux, ce joueur avait été déclaré inapte à son poste de gardien de but au sein du Toulouse football club par le médecin du travail, qui considérait qu’un reclassement était possible dans une activité excluant la pratique du sport à haut niveau et les voyages réguliers en avion. Après le refus par le joueur d’une proposition de reclassement, le club avait rompu son contrat pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 9 mai 2012.

Le sport professionnel est un secteur dans lequel le recours au contrat à durée déterminée est non seulement d’usage mais également nécessaire pour assurer l’équité sportive des compétitions (la convention collective du rugby professionnel impose en ce sens le recours au CDD dans un « souci d’équité sportive », art. 1.1). Le contrat conclu en l’espèce reposait sur la possibilité ouverte par le code du travail de conclure des CDD dans les secteurs où il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de certains emplois (C. trav., art. L. 1242-2), dont fait partie le sport professionnel (C. trav., art. D. 1242-1). Depuis 2015, le sportif professionnel est lié à son club par un CDD spécifique encadré par le code du sport (art. L. 222-2 s.). Qu’il s’agisse d’un CDD d’usage ou d’un CDD spécifique, les dispositions du code du travail relatives à la rupture anticipée du CDD trouvent à s’appliquer.

Aux termes de ces dispositions, sauf accord des parties, un contrat à durée déterminée « ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail » (C. trav., art. L. 1243-1). Bien que cela ne soit pas spécifié, l’obligation de reclassement, imputable à l’employeur en cas de licenciement pour inaptitude (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10), l’est aussi en cas de rupture du CDD pour ce motif (Soc. 8 juin 2005, n° 03-44.913, D. 2005. 1884 ; Dr. soc. 2005. 918, obs. C. Roy-Loustaunau ). En l’espèce, le salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail et l’employeur avait rempli son obligation de reclassement, mais le contentieux portait sur l’applicabilité à cette rupture de certaines dispositions prévues par la Charte du football professionnel qui a, comme le rappelle avec constance la Cour de cassation, valeur de « convention collective sectorielle » (Soc. 16 déc. 2015, n° 14-16.059, D. 2016. 82 ; Dr. soc. 2016. 189, obs. J. Mouly ; JS 2016, n° 161, p. 8, obs. F. Lagarde ; 10 févr. 2016, n° 14-26.147, D. 2016. 431 ; ibid. 2017. 667, obs. Centre de droit et d’économie du sport (OMIJ-CDES) ; Dr. soc. 2016. 446, étude J. Mouly ; ibid. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 2017. 552, étude A. Donnette-Boissière, S. Selusi-Subirats et B. Siau ; JS 2016, n° 162, p. 9, obs. J. Mondou ; ibid., n° 163, p. 34, étude J.-P. Karaquillo ).

La cour d’appel de Toulouse, dans une décision rendue le 21 avril 2017, a considéré que la rupture du contrat du joueur était irrégulière et a condamné le club à lui verser près de 1,5 million d’euros à titre de dommages-intérêts, au motif qu’il avait été privé d’une garantie de fond (conformément à la jurisprudence alors en vigueur, v. Soc. 17 mars 2015, n° 13-23.983, Dalloz actualité, 22 avr. 2015, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2015. 467, obs. J. Mouly ; RDT 2015. 333, obs. C. Varin ) prévue par cette charte en ce que la commission juridique, chargée de concilier les parties en cas de contentieux, n’avait pas été saisie préalablement à la rupture de son contrat. Le club a formé un pourvoi en cassation, invitant les juges du droit à se prononcer sur la compétence de cette commission juridique en matière de rupture du contrat de travail d’un footballeur professionnel résultant d’une inaptitude constatée par le médecin du travail.

Aux termes de la Charte du football professionnel (CFP), une commission juridique, qui fait office de « juridiction de premier ressort », est compétente notamment pour homologuer les contrats des joueurs et entraîneurs, mais également pour « tenter de concilier les parties en cas de manquements aux obligations découlant d’un contrat passé par un club avec un joueur, un entraîneur », les manquements étant envisagés comme « ceux de nature à empêcher la poursuite normale des relations entre les parties » (CFP, art. 51). Lorsqu’une partie ne satisfait pas à son engagement contractuel, l’autre partie peut demander la résolution avec dommages et intérêts mais doit porter le litige devant la commission juridique (CFP, art. 265). Plus généralement, « tous les litiges entre clubs et joueurs, notamment ceux relatifs à la durée et aux obligations réciproques qui découlent du contrat, sont de la compétence de la commission juridique » (CFP, art. 271).

Pour accueillir la demande du joueur, la cour d’appel a considéré que la Charte précitée imposait à l’employeur de saisir la commission juridique avant toute résiliation unilatérale du contrat, sans distinguer selon les motifs de la rupture. Le respect de cette obligation constituait une garantie de fond pour le salarié, rendant abusive toute rupture du contrat notifiée sans intervention préalable de cette commission (pour une application en cas de rupture du contrat d’un footballeur professionnel pour faute grave, v. Soc. 4 juin 2009, n° 07-41.631, D. 2010. 400, cours de droit et d’économie du sport Université de Limoges ). Selon les juges du fond, le fait que l’article 267 de cette charte renvoie aux dispositions du code du travail pour énoncer que « l’inaptitude physique du joueur ne peut être constatée que par le médecin du travail selon la procédure décrite dans ce même code » ne suffisait pas à écarter la compétence de la commission juridique en cas de rupture du contrat et ne devait pas priver le joueur de la possibilité de bénéficier d’une tentative de conciliation préalable.

Par un arrêt rendu le 29 janvier 2020, la chambre sociale casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse, en faisant une application plus stricte des dispositions conventionnelles en cause. Elle décide en effet que « la saisine de la commission juridique n’est obligatoire, dans les litiges relatifs à la rupture du contrat de travail, que lorsque la rupture est envisagée en raison d’un manquement de l’une des parties à ses obligations, en sorte que l’employeur n’est pas tenu de mettre en œuvre cette procédure lorsqu’il envisage la rupture du contrat du travail d’un joueur professionnel pour inaptitude et impossibilité de reclassement ». Les articles de la charte, précédemment évoqués, relatifs à la compétence de la commission juridique en cas de contentieux entre les parties, font référence aux manquements aux obligations contractuelles, « de nature à empêcher la poursuite normale des relations entre les parties » (à rapprocher de la définition jurisprudentielle de la faute grave – Soc. 26 févr. 1991, n° 88-44.908, Dalloz jurisprudence). L’inaptitude du salarié ne reposant sur aucune faute, aucun manquement aux obligations contractuelles, les juges de la Cour de cassation écartent la compétence de la commission juridique en cas de rupture du contrat résultant de cette inaptitude. La rupture anticipée du CDD était régulière dès lors que la procédure prévue par le code du travail en cas d’inaptitude avait été respectée.

Auteur d'origine: Dechriste

« Autant dire que ça ne marchera pas », prédit un membre du Conseil national des barreaux (CNB) à la lecture du nouvel amendement proposé vendredi par la Chancellerie aux instances de la profession d’avocat. Alors que l’examen du projet de loi de réforme des retraites piétine depuis une semaine à l’Assemblée nationale et que les avocats sont toujours majoritairement en grève, Nicole Belloubet a déposé vendredi un amendement pour réinitialiser des négociations quasi mortes.

Dans le courrier adressé au CNB, à la Conférence des bâtonniers et à l’Ordre de Paris, daté du 21 février, outre le rappel des propositions gouvernementales qui « restent sur la table » – dont l’abattement « pérenne » de 30 % de l’assiette sociale qui viendrait contrebalancer le doublement des cotisations –, la garde des Sceaux propose, par voie d’amendement1, d’instaurer « un dispositif de solidarité des avocats géré par la caisse nationale des barreaux français (CNBF) ». Ce dispositif « pourra prendre en charge toute la hausse de cotisations pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000 € ». Un dispositif qui pourrait être financé par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente, sans oublier le produit des réserves, explique la ministre.

« Les droits de plaidoirie (13 € par affaire plaidée) sont acquittés par les clients, à charge pour les avocats de les reverser à la CNBF. En revanche, la contribution équivalente, payée par ceux qui n’ont pas ou peu d’activité plaidante, est directement et exclusivement à la charge des avocats », rappelle ce membre du CNB. « Pour information, poursuit-il, en 2018, les droits de plaidoirie ont abondé la CNBF à hauteur de 8 millions d’euros et la contribution équivalente à hauteur de 79 millions d’euros. Donc dire que la hausse des cotisations sera compensée par les droits de plaidoirie et la contribution équivalente… revient à dire qu’elle sera supportée à 90 % par les avocats ». En somme, selon les avocats interrogés, cet amendement reviendrait à affecter les réserves des avocats à la hausse des cotisations alors qu’elles sont destinées à garantir le paiement des pensions pour les générations nées avant 1975. « L’amendement est une nationalisation de nos réserves », fulmine l’avocat Xavier Autain, élu du CNB et ancien membre du conseil de l’ordre de Paris, qui assiste aux réunions avec le gouvernement. Pour un avocat spécialiste de la question, l’amendement est « très complexe », ne pouvant se comprendre uniquement dans le cadre du fonctionnement du futur régime. Ce qui suppose des « éclaircissements du gouvernement », précise-t-il.

Des commentaires qui n’augurent rien de bon pour les jours à venir – la présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, se prononce aujourd’hui – et pour la réunion qui devrait se tenir « cette semaine ». Les deux camps ne s’écoutent plus depuis de longues semaines. D’un côté, les avocats fustigent « le dogme » du gouvernement, de l’autre c’est l’absence de propositions des avocats qui bloquerait la situation. Même la proposition de mettre en place un groupe de travail – avec la présence d’un médiateur indépendant ? – pour améliorer l’équilibre économique des cabinets d’avocats semble avoir été oubliée dans l’engluement de la crise.

 

 

 

1. Amendement n° 42467, article additionnel, après l’article 2, « Le présent amendement vise à confier à la CNBF la gestion d’un dispositif de solidarité permettant de prendre en charge tout ou partie de la hausse de cotisations pour les avocats libéraux et salariés, dont le revenu est inférieur à trois PASS. Cette solidarité pourra être financée par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente ainsi que les produits des réserves financières constituées par les régimes de base et complémentaires gérés par la CNBF ».

Auteur d'origine: babonneau
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Le premier ministre a réuni les partenaires sociaux à Matignon le 13 février pour annoncer ses arbitrages à l’issue des concertations menées sur les fins de carrière, la pénibilité et la transition vers le futur système universel de retraite (v. AJDA 2020. 265 ).

S’agissant des fonctionnaires, il a, en particulier, précisé les règles de transition pour ceux, nés à partir de 1975, qui auront effectué une partie de leur carrière sous le régime du code des pensions. Alors que le rapport Delevoye préconisait une transformation des droits acquis en points, c’est maintenant deux calculs séparés qui sont envisagés ; la retraite, unique, étant le résultat de l’addition des deux. Au moment du départ, les droits issus du régime du code des pensions seront pris en compte...

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Auteur d'origine: Montecler

Devant le juge de l’asile, c’est toujours la même histoire. Après avoir été ensorcelées par la cérémonie du « Juju », les jeunes femmes sont brinquebalées depuis leur Nigeria natal à travers l’Afrique du Nord, le Niger, la Libye, dans des conditions barbares imposées par les passeurs clandestins. Elles échouent d’abord dans un camp de réfugiés en Italie, puis, acheminées par ceux qui les ont fait venir, achèvent leur voyage sur le trottoir parisien, plus précisément rue Saint-Denis, où, douze heures par jour, liées par le sort et contraintes par la force, elles se prostituent dans les conditions sordides qu’offrent les cages d’escalier délabrées qui accueillent leurs passes.

La situation est connue des autorités, de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Depuis une trentaine d’années à Paris, le phénomène est d’une telle ampleur que « la communauté nigériane est la plus représentée au sein des femmes qui se prostituent sur la voie publique […], elles constituent 60 % de la masse des femmes que nous rencontrons », explique Vanessa Simoni, membre de l’association Les amis du bus des femmes, lors d’une conférence donnée le 18 juin 2019 à CNDA.

Les femmes nigérianes forcées de se prostituer constituent une communauté fermée, contrôlée par les puissants réseaux criminels qui les ont fait venir et leur demandent le remboursement d’une dette qui oscille entre 25 000 et 50 000 €, ce qui leur prend deux ans en moyenne. « Pour s’extraire du réseau, elles ont deux choix : l’obtention d’un titre séjour subordonnée à une plainte, ce qu’elles refusent en général, et la procédure de demande d’asile », résume Me Élie Weiss, un avocat qui assiste régulièrement ces femmes devant le juge de l’asile.

Cette deuxième voix est la plus prisée. Dans une décision du 30 mars 2017, la CNDA en grande formation a reconnu l’existence d’un groupe social des femmes nigérianes de l’État d’Edo victimes d’un réseau de prostitution et parvenues à s’en extraire « ou ayant entamé des démarches en ce sens ». Pour prouver son appartenance à ce groupe, le récit doit correspondre au parcours habituel de ces femmes, démontrer qu’elles partagent « une histoire commune et une identité propre », tel que cela est stipulé dans la convention de Genève. Elle confirme en cela une reconnaissance déjà présente dans une de ces décisions, rendue en 2015.

Il s’agit du « Juju », cérémonie mystique dirigée par un marabout, qui peut impliquer de manger un foie de poule cru, d’être scarifiée, enduite d’onguents divers. Cette cérémonie sert à faire peser sur la victime la menace d’une malédiction qui s’abattrait sur elle et sa famille si elle ne remplissait pas ses obligations. Accompagnée de scarifications, cette cérémonie permet de marquer ces femmes et de reconnaître celles qui auraient voulu échapper à leur sort. De retour au Nigéria, ces femmes, reconnues par leurs cicatrices, risquent des violences graves et la mort sociale.

Il y a ensuite la vie en communauté, sous la coupe du réseau : nommer les lieux de prostitution, raconter le quotidien, désigner les « madams », ces proxénètes qui surveillent leurs gagneuses et prélèvent tout ou partie de leur gain. Toutes ces filles vivent ensemble : elles vont à l’église ensemble et partagent des appartements, généralement loués par des « marchands de sommeil », en banlieue parisienne. Enfin, outre le quartier de Strasbourg-Saint-Denis, elles travaillent dans le quartier de Château-Rouge (XVIIIe arrondissement) et dans le bois de Vincennes.

Mais, le 16 octobre 2019, le Conseil d’État a resserré la jurisprudence de la CNDA. L’asile ne peut être désormais accordé que si les demandeuses apportent la preuve de leur extraction totale du réseau, excluant du « groupe social » les femmes nigérianes qui auraient « seulement amorcé des démarches pour s’en extraire ». En l’espèce, Mme A… avait écrit un courrier à la brigade de répression du proxénétisme de Paris et adressé une plainte au procureur de la République, deux documents dont la CNDA a estimé qu’ils « présentaient de façon lacunaire son parcours, l’identité de sa proxénète et des autres membres du réseau ainsi que les conditions de son activité de prostitution ».

« En recherchant, pour caractériser son appartenance au groupe social dont elle se revendiquait, si des éléments permettaient d’établir que Mme A… était effectivement parvenue à s’extraire du réseau, la Cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n’a pas commis d’erreur de droit », a estimé le Conseil d’État. « Un groupe d’individus peut posséder une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions lui conférant le caractère de groupe social au sens de la convention de Genève sans pour autant faire l’objet de persécutions », expliquait la rapporteure publique pour éclairer les juges du Conseil d’État. « Cela signifie que la caractérisation d’un groupe social n’implique pas automatiquement la reconnaissance de la qualité de réfugié », concluait-elle, estimant que le périmètre de ce groupe social est très limité. Pourquoi ? « Parce que le regard réprobateur de la société décrit par la Cour dans ses décisions successives s’explique pour des motifs à la fois d’ordre économique, criminel et superstitieux qui n’ont pas lieu de jouer à l’encontre de femmes qui continuent d’être exploitées », poursuit-elle. « Il vous faut être prudents car une vision trop extensive du groupe social comporterait un risque d’instrumentalisation du droit d’asile par les réseaux de traite. »

Vanessa Simoni en convient. « Ce n’est un secret pour personne : lorsque ces femmes arrivent en France, elles sont immédiatement orientées par leur réseau dans le processus de demande d’asile. » Cela permet aux femmes de circuler librement dans la rue, de présenter un papier en cas de contrôle et de se voir délivrer l’allocation demandeur d’asile (environ 300 € par mois). Dans ce contexte, l’obtention de l’asile ou de la protection subsidiaire est de nature à favoriser les activités criminelles du réseau. La restriction opérée par le Conseil d’État joue donc comme un garde-fou, pour se prémunir de la manipulation du droit d’asile par les réseaux criminels, au détriment des femmes victimes de traite. Ces femmes présentent généralement des discours stéréotypés et ne sont pas à même de fournir les explications détaillées exigées par le juge et, en toute logique, ne peuvent apporter la preuve de leur sortie du réseau.

Cette position présente l’inconvénient d’exclure les bonnes volontés du droit d’asile, ces femmes vulnérables et perdues qui pourraient compter sur le bénéfice de l’asile pour se libérer de l’emprise physique des proxénètes qui l’exploitent. Pour elles, la démarche doit débuter auprès des travailleurs sociaux comme Onyemah Egwunwoke, de l’association L’amicale du nid, qui accompagne des femmes nigérianes victimes de la traite dans ces démarches. « Il faut d’abord leur expliquer que le droit est de leur côté. On leur demande de bien expliquer leur situation actuelle, comment leur famille a réagi à l’annonce de l’intention de quitter le réseau car, si on ne peut pas expliquer tout cela, c’est louche » aux yeux des autorités. Aux yeux de l’OFPRA, tout est louche, d’après Onyemah Egwunwoke. « Ils ne peuvent pas croire que les femmes se sont extraites du réseau alors qu’elles vivent encore auprès de leur communauté », déplore-t-elle, mais dans cette communauté très refermée sur elle-même, l’aide matérielle – et le soutien psychologique – ne peut provenir, le plus souvent, que des sœurs d’infortune.

L’exemple de Gift, 25 ans aujourd’hui, est éloquent. Elle est arrivée en 2015 avec sa sœur, fut prostituée pendant plus d’un an, avant d’être orientée, à l’occasion d’un contrôle de police, vers une association. Tout d’abord, le soutien de sa famille au Nigéria a été déterminant. Puis, il a fallu, pour quitter le réseau, accepter d’être seule. « Je dormais où je pouvais, dans les églises parfois, je faisais le 115 pour avoir un lit, parfois je dormais dans la rue », explique-t-elle. Outre le traumatisme lié à l’exploitation sexuelle qu’elle a subie (« pour quitter vraiment la prostitution, il faut arriver à parler de ce qui nous est arrivé »), l’absence totale de moyens financiers et matériels constitue un obstacle important à l’émancipation de Gift, qui a dû accepter une vie de SDF pour prouver qu’elle souhaitait se défaire de la traite dont elle est victime. Gift a aussi pris des cours de français. Malgré cela, l’OFPRA a rejeté sa demande. « Ils ont cru que j’étais encore dans le réseau, car je n’ai pas répondu aux questions concernant ma sœur », explique-t-elle. Cette dernière, mineure, avait été placée dans une famille d’accueil après avoir été interpellée en même temps que Gift. Les deux sont proches, mais Gift n’a pas voulu évoquer son cas, par peur que cela lui nuise. Face à cette dissimulation manifeste, l’OFPRA a considéré que l’extraction du réseau n’était pas certaine. « Devant la CNDA, j’ai été bien conseillée par mon avocat, on a demandé le huis clos et j’ai pu parler en toute confiance. Si tu n’arrives pas à parler, ils vont croire que tu lis un discours. » Aujourd’hui, Gift a un emploi « alimentaire » et envisage de se former pour exercer un métier qui lui plaît.

En 2018, l’OFPRA a reçu 2 982 demandes d’asile de la part de ressortissants nigérians, la plupart émanant de femmes victimes de la traite. La CNDA a enregistré 2 318 recours. En 2019, le nombre s’élevait à 2 276, dont 57 % de femmes. Sur les 2 438 décisions rendues par la CNDA en 2019, 20,8 % ont abouti à une protection de la France (26 % pour les femmes, 12 % pour les hommes).

 

Sur ce même sujet, lire aussi sur Dalloz actualité, De Benin City à la rue Saint-Denis, la traite des femmes nigérianes, 4 déc. 2019, et Proxénétisme nigérian : « Leur ancien statut de victime ne doit pas atténuer leur responsabilité », 6 déc. 2019, par J. Mucchielli.

Auteur d'origine: babonneau

Alors que les barreaux votent de nouvelles journées de grève pour contester la réforme des retraites, Nicole Belloubet a envoyé, lundi 17 février, un mail à tous les magistrats et fonctionnaires des tribunaux et cours de France afin de leur rappeler qu’elle était à leurs côtés. Ce mouvement, répète la ministre à deux reprises dans le courrier, « perturbe gravement le fonctionnement » de la justice et « porte atteinte au fonctionnement de l’institution judiciaire ». Il « méconnaît ainsi les attentes des justiciables, notamment des plus vulnérables ».

Nicole Belloubet mesure « ce que ces opérations ont d’altérant et d’épuisant » pour les juridictions. « Je n’ignore rien des audiences qui, lorsqu’elles ne sont pas renvoyées, se prolongent par la multiplication des moyens de procédures, des perturbations judiciaires qui en découlent, des tensions inutiles. Je sais cette charge indue qui en résulte pour les greffes, qu’il s’agisse des chambres civiles ou correctionnelles, des cabinets, mais aussi des chambres de l’instruction. Je mesure également à quel point, par les renvois massifs qu’il provoque, ce mouvement est de nature à perturber les efforts que vous déployez au quotidien pour améliorer la situation des justiciables, mettre en œuvre les réformes ou les projets de juridiction dans lesquels vous vous êtes engagés ».

Le ministère leur apporte son « soutien », sa « reconnaissance » et son « indéfectible confiance ». Elle s’engage enfin à continuer à « rencontrer et expliquer » aux avocats « la réalité » de la réforme des retraites, « bien loin du tableau qui en est dressé », ajoute la garde des Sceaux, qui prédit, une fois « la sérénité » revenue, la nécessité « de surmonter cette épreuve » et de « renouer les liens avec les avocats », « indispensables à l’œuvre de justice », conclut-elle.

Auteur d'origine: babonneau

À quoi ressemble une journée de « défense massive », aux comparutions immédiates de Paris ? À une forêt d’avocats, plantée dans la 23e chambre correctionnelle, qui prend racine. Vendredi 14 février, à l’ouverture de l’audience, les avocats sont debout, ce n’est pas une métaphore, résolument dressés au fond de la salle, dans le passage, avec les policiers et les badauds. Les portes sont restées ouvertes et, depuis l’extérieur, la voix pétaradante de maître Guillaume Grèze tente de convaincre le tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qu’il soutient au pupitre. Tous ces avocats au front grave qui entourent le prétoire donnent à cette audience la solennité qui habituellement lui fait défaut.

« On avait dit massif, dit l’avocat blogueur maître Eolas sur Twitter, ce n’était pas des paroles en l’air », et, à l’appui, une photo du cortège de défenseurs qui attendent de se partager les dossiers du jour. Vendredi 14 février, quelques dossiers ont été pris au fond en début d’audience, un avocat s’est excusé de plaider un dossier, car, dans ce cas précis, il ne peut « pas faire autrement », mais il est solidaire de la grève. Un prévenu a décidé d’être jugé (violences, atteintes sexuelles) sans avocat. L’audience avance et l’heure file ; à la nuit tombée, c’est le temps des nullités, et celles-ci pleuvent dans le prétoire au fil des dossiers. Une audience de comparution immédiate est toujours très longue. Celle de vendredi s’étire infiniment dans la nuit. Derniers mots : 3 h 44.

Moins de six heures plus tard, l’ardeur intacte, la « défense massive » est de retour. Des présidents expérimentés et respectés, deux parquetiers par audience : les conditions sont rarement aussi propices à des débats de haute volée. Les démunis du dépôt découvrent tout ce que le droit permet de faire pour protéger leurs libertés, et les soutiers du pénal, habitués à l’impuissance, se grisent de voir des arguments juridiques faire mouche. Me Christian Saint-Palais est vigilant, tandis que les sommités, comme Hervé Temime, transportent leurs mines célèbres sur les bancs des chambres où ils firent leurs armes.

Auteur d'origine: babonneau

Du 1er janvier 1989 au 31 mars 1991, le département des Alpes-Maritimes a fait bénéficier M. A. B. d’une aide sociale aux personnes handicapées correspondant à la prise en charge de ses frais d’hébergement dans un foyer. M. B. a, par la suite été placé en « foyer éclaté » et le département lui a versé une aide d’accompagnement à la vie sociale entre le 1er avril 1991 et le 31 mai 1998. Après son décès, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a prononcé la récupération des prestations d’aide sociale sur sa succession.

Suite au rejet, par la Commission centrale d’aide sociale, d’une partie de leur demande tendant à l’annulation de la décision en tant qu’elle portait sur la récupération des aides versées au titre de l’accompagnement à la vie sociale, plusieurs des frères et sœurs du défunt ont saisi le Conseil d’État d’un...

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Auteur d'origine: ebenoit
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Une partie du conseil de l’ordre de Paris, des représentants des syndicats (SAF, ACE, CNA, MAC, UJA), de la Conférence du stage et de l’association des avocats pénalistes (ADAP) et les avocats présents ont pris la parole. « Vous êtes magnifiques, s’est réjoui Me Cousi devant le dédale de robes, cette assemblée générale est historique, c’est une première dans l’histoire de notre barreau. […] Vous êtes chez vous rassemblés pour démontrer notre force et notre détermination ! […] Je vous défendrai, […] nous sommes à vos côtés, notre combat est juste ».

[Applaudissements]. Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre, en charge du dossier retraite, a rappelé à grands traits le contenu de la réforme. « Toutes les simulations du gouvernement concernent les avocats nés à partir de 2004 donc cela ne concerne personne ici », conclut-il devant un hall hilare. Arrive l’ovation pour Xavier Autain, « Monsieur Foutez-nous la paix ! ». « Nous avons face à nous un pouvoir inflexible. Ce qui est proposé ici n’est rien d’autre que ce qui est contenu dans le rapport Delevoye. […] Nous avons dès le début compris que les discussions allaient être compliquées. […] Lors des différentes réunions, ils enquillaient incohérence, ignorance et incompréhension. » Les avocats acquiescent. Ce gouvernement fait preuve « d’un dogmatisme et d’une surdité redoutables ». Hourra ! Xavier Autain cotinue. Oui, mais les avocats parisiens ne sont pas assez investis dans ce combat. « C’est vrai ! », crient certains. « Les confrères provinciaux nous regardent spécialement ce soir. Notre exemplarité doit être sans faille et notre unité aussi. [Applaudissements]   Il faut aller plus loin, ce gouvernement ne comprend que la force mais la force doit rester au droit. On a besoin de tout le monde pour y travailler. […] On a déjà une liste d’actions procédurales. […] Nous allons écrire une lettre qu’il serait bien que 70 000 avocats adressent à la Chancellerie ! [Acclamations] Ce sera une lettre d’avocat qui va dire quelque chose de juridique ! [Applaudissements] Nous avons besoin de vous en amont et en aval ». « On est là ! », hurle un avocat. « Ils commencent à nous craindre parce que nous sommes ensemble ! ». Le vestibule de Harlay approuve.

Dans cette ruche solidaire, un grain de sable sur la forme des actions à venir. Pour la Conférence du stage, l’arrêt total des désignations « est très problématique car elle touche les justiciables et les avocats les plus fragiles ». Une partie de la salle hue à demi-mot. « Ne pas désigner, c’est une omission, pas une action ! », continue Gaspard Lindon, premier secrétaire de la Conférence. Il est soutenu par Christian Saint-Palais, président de l’ADAP, qui fait part lui aussi de cette « préoccupation ». « Un avocat n’est pas un facilitateur mais un perturbateur. Si nous désertons toutes les audiences, alors le travail des juges est plus facile. Pour être entendus, nous devons perturber les audiences. Nous ne pouvons laisser les bancs de la défense pénale désertés ! Affrontons la réalité ! Ce sont les plus démunis qui sont sur ces bancs. Il faut une défense massive tous les jours, que les cabinets d’affaires qui se disent ce soir solidaires en mal de sensations fortes nous rejoignent ! Soyons solidaires ! Nous sommes là pour les défendre tous ! Nous sommes suffisamment nombreux, sinon nous n’aurons pas été à la hauteur du mouvement ! » Les avocats applaudissent. Une avocate brandit son carton rouge et répète à chaque parole du pénaliste : « Rouge ! Rouge ! Rouge ! » Elle n’est manifestement pas d’accord.

Les avocats sont invités à prendre la parole pour proposer des actions et les faire voter par l’assemblée. Se présenter aux municipales ? Non, cartons rouges ! Faire venir tous les membres du conseil de l’Ordre et du Conseil national des barreaux aux audiences dans le cadre de la défense massive ? Oui, cartons blancs ! Un rapprochement avec les syndicats de magistrats et de greffiers ? Oui, cartons blancs ! Se déplacer dans tous les commissariats et dire aux gardes à vue de ne pas parler tant que la grève est maintenue ? Oui, cartons blancs ! Exonération partielle des cotisations ordinales du fait de la grève ? Oui, cartons blancs ! Agir en responsabilité de l’État pour délai déraisonnable ? Oui, cartons blancs ! Certains avocats s’enflamment. La vice-bâtonnière Nathalie Roret clôt les ardeurs.

L’assemblée générale extraordinaire vote pour la reconduction de la grève totale jusqu’au 19 février. Olivier Cousi a annoncé que le conseil de l’ordre devrait mettre en place d’une caisse de solidarité afin de venir en aide aux avocats les plus affaiblis par la grève.

 

Les actions judiciaires votées en assemblée générale extraordinaire

Action en responsabilité de l’Etat pour délais déraisonnables : le Conseil de l’Ordre centralisera et mettra à disposition les modèles d’actes préparés par les différents groupes d’action permettant les recours évoqués pendant l’AG
 Sur la base du volontariat des confrères, mise en place d’une assistance bénévole des greffiers pour le paiement de leurs heures supplémentaires
 Communication générale de l’Ordre sur la nécessité de (i) demander et d’accepter les demandes de renvoi à chaque fois que possible ou (ii) de formuler des demandes de collégialité (articles 814 et 815)
 Appel général aux anciens membres du conseil de l’Ordre afin de renforcer la présence de référents lors des audiences pour soutenir les confrères dans leurs demandes de renvoi
 Renforcement des actions de défense massive au bénéfice des justiciables : le Conseil de l’Ordre prend acte de la proposition de généralisation des actions de défense massive proposée en assemblée générale. L’Ordre procèdera à un appel au volontariat et à la mobilisation auprès de l’ensemble du barreau pour mettre en œuvre ces actions. Les avocats pourront se rapprocher du bureau pénal et de l’antenne des mineurs pour se porter volontaires pour les actions de défense massive qui seront organisées
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L’application de la nouvelle mouture de l’article L. 2313-4 du code du travail portant sur la décision unilatérale par l’employeur du nombre et du périmètre des établissements distincts pour la désignation des comités sociaux et économiques (CSE) place au centre des débats la (re)définition de l’établissement distinct. C’est sur l’interprétation des contours de cette notion que vient nous éclairer à nouveau la chambre sociale de la Cour de cassation par son arrêt du 22 janvier 2020.

Dans le cadre de l’organisation des élections pour la mise en place d’un comité social et économique, une société avait invité les organisations syndicales à une négociation préélectorale. Les négociations ayant échoué, l’employeur a, par décision unilatérale, décidé de la mise en place d’un CSE unique.

Cette décision fut contestée auprès de l’administration, qui rendit une décision par laquelle fut reconnue l’existence de six établissements distincts. La société a alors contesté la décision du DIRECCTE devant le tribunal d’instance, qui la débouta de sa demande.

L’administration et la juridiction ont estimé qu’il existait au sein de la société six « stations » disposant d’une implantation géographique distincte et d’un budget spécifique...

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La mise à la retraite d’un salarié par l’employeur doit être annulée lorsqu’elle procède d’une discrimination fondée sur l’âge (C. trav., art. L. 1132-1 et L. 1132-4 ; Soc. 15 janv. 2013, n° 11-15.646, Dalloz actualité, 7 févr. 2013, obs. M. Peyronnet ; D. 2013. 256 ; Just. & cass. 2014. 193, rapp. J.-G. Huglo ; ibid. 193, avis P. Foerst ; Dr. soc. 2013. 398, note B. Gauriau ; ibid. 576, chron. S. Tournaux ). L’annulation de la rupture du contrat de travail permet au salarié de demander sa réintégration et, le cas échéant, le paiement des salaires dus entre la rupture du contrat et sa réintégration effective. Cette indemnité n’est pas réduite du montant des revenus de remplacement perçus durant cette période lorsque la nullité est prononcée en raison de la méconnaissance par l’employeur d’une liberté fondamentale du salarié ou d’un droit garanti par la Constitution (licenciement lié à l’exercice du droit de grève, v. Soc. 2 févr. 2006, n° 03-47.481, Dalloz actualité, 5 mars 2006, obs. E. Chevrier ; D. 2006. 531 ; RDT 2006. 42, obs. O. Leclerc ; licenciement discriminatoire fondé sur l’activité syndicale, v. Soc. 9 juill. 2014, n° 13-16.434, D. 2014, 1594 ; licenciement portant atteinte à la liberté d’ester en justice, v. Soc. 21 nov. 2018, n° 17-11.122, D. 2018. 2311 ; RDT 2019. 257, obs. I. Meyrat ). Une telle réduction s’opère en revanche pour les autres motifs de nullité (licenciement faisant suite à un harcèlement moral, v. Soc. 14 déc. 2016, n° 14-21.325, Dalloz actualité, 3 janv. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 12 ; licenciement discriminatoire en raison de l’âge, v. Soc. 15 nov. 2017, n° 16-14.281, Dalloz actualité, 24 nov. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 2375 ; ibid. 2018. 190, chron. F. Ducloz, F. Salomon et N. Sabotier  ; RDT 2018. 132, obs. M. Mercat-Bruns ). Au-delà de la difficulté à définir ce qui relève ou non des libertés fondamentales pour la chambre sociale (v. J.-G. Huglo et E. Durlach, Qu’est-ce qu’une liberté fondamentale au sens de la chambre sociale ?, RDT 2018. 346 ), l’application de cette solution peut s’avérer malaisée lorsque le contentieux s’éternise et qu’au moment où les juges statuent, le salarié n’est plus en âge d’être réintégré dans l’entreprise qui l’a évincé.

Dans cette affaire, étalée sur quinze ans, la SNCF avait mis à la retraite d’office, le 1er décembre 2005, un salarié qui remplissait, aux termes du règlement des retraites de la SNCF, la double condition d’âge et d’ancienneté de service. Le 13 juillet 2010, ce salarié avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en annulation de sa mise à la retraite en raison d’une discrimination fondée sur l’âge. Une première cour d’appel (Aix-en-Provence, 22 mai 2015) avait rejeté la demande du salarié au motif que les dispositions du code du travail prévoyant la nullité d’un acte discriminatoire, en vigueur au moment de sa mise à la retraite, n’étaient pas applicables aux établissements industriels et commerciaux publics. Elle avait en outre précisé qu’au regard des dispositions de droit européen applicable (dir. 2000/78/CE, 27 nov. 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail), qui conditionnent les différences de traitement fondées sur l’âge à une justification objective et raisonnable, le salarié ne pouvait se prévaloir d’une discrimination individuelle dans la mise en œuvre du dispositif de mise à la retraite. La mise à la retraite d’office était considérée comme un moyen approprié pour limiter la charge financière liée au nombre d’agents à la SNCF.

Dans un premier arrêt rendu le 7 décembre 2016, la chambre sociale avait cassé cette première décision des juges du fond, considérant que, « si des dispositions réglementaires autorisant, à certaines conditions, la mise à la retraite d’un salarié à un âge donné [pouvaient] ne pas constituer, par elles-mêmes, une discrimination prohibée, il n’en résult[ait] pas que la décision de l’employeur de faire usage de cette faculté de mettre à la retraite un salarié déterminé [était] nécessairement dépourvue de caractère discriminatoire, l’employeur devant justifier que la mesure répond[ait] aux exigences de la directive consacrant un principe général du droit de l’Union ».

La cour d’appel de Nîmes, statuant sur renvoi après cassation le 7 novembre 2017, a eu à se prononcer sur les demandes du salarié mis à la retraite. Ce dernier souhaitait obtenir l’annulation de sa mise à la retraite, sa réintégration, ainsi qu’une indemnité égale à la différence entre les salaires qu’il aurait dû percevoir de sa mise à la retraite jusqu’à sa réintégration et la pension de retraite perçue jusqu’à cette date – environ 180 000 € au 30 septembre 2017, à laquelle devait s’ajouter une indemnité calculée selon les mêmes modalités entre le 1er octobre 2017 et la date effective de sa réintégration. La cour d’appel a reconnu que la mise à la retraite d’office du salarié était discriminatoire en raison de son âge au regard des dispositions de la directive européenne précitée. Les juges du fond ont toutefois limité la sanction à une indemnité de 3 000 € venant réparer le préjudice subi par cette discrimination. Ils ont en effet refusé d’annuler cette mise à la retraite en considérant, comme les juges d’Aix-en-Provence, que les dispositions du code du travail prévoyant l’annulation d’une décision discriminatoire de l’employeur n’étaient pas applicables aux établissements publics industriels et commerciaux à la date de la mise à la retraite du salarié. En outre, aucune norme ne les obligeait à « prononcer la nullité d’un acte pris en violation d’un principe général du droit communautaire ou d’une norme ou jurisprudence européenne muette sur sa sanction ». Le salarié a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Le 22 janvier 2020, la Cour de cassation casse et annule la décision rendue par la cour d’appel de Nîmes. Dès lors « qu’elle avait retenu le caractère discriminatoire en raison de l’âge de la mise à la retraite d’office du salarié », en vertu de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 « qui consacre un principe général du droit de l’Union européenne », elle aurait dû appliquer l’article L. 122-45 du code du travail, devenu articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du même code, et annuler cette mise à la retraite. Pour les juges de la chambre sociale, en vertu de ces textes, « le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l’âge et qui demande sa réintégration a droit », en principe, « à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, depuis la date de son éviction jusqu’à celle de sa réintégration ». Une fois cette solution posée, la Cour de cassation tempère cependant les effets de cette annulation en distinguant trois périodes différentes :

• de la mise à la retraite à la demande en annulation de celle-ci : 01/12/2005 -> 10/07/2010. En principe, un acte nul est anéanti avec effet rétroactif. Par conséquent, le salarié mis à la retraite en vertu d’une décision de l’employeur annulée par le juge est réputé n’avoir jamais quitté son emploi s’il demande sa réintégration. Il est alors en droit de percevoir les sommes qu’il aurait perçues en occupant son poste. La Cour de cassation considère cependant que « le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue [à partir] du jour de la demande de réintégration ». En l’espèce, le salarié avait sollicité sa réintégration près de cinq ans après son éviction. L’annulation de la mise en retraite ne devait donc produire des effets qu’à partir de la date de cette demande ;

• de la demande en annulation de la mise à la retraite jusqu’à l’atteinte de la limite d’âge des agents de la SNCF : 10/07/2010 -> 10/10/2015. L’article 1er du décret n° 2010-105 du 28 janvier 2010 relatif à la limite d’âge des agents de la SNCF et de la RATP, en vigueur à la date de laquelle le salarié a formé sa demande de réintégration, fixe à 65 ans la limite d’âge à laquelle les agents du cadre permanent de la SNCF sont admis à la retraite. Or, le salarié, né le 10 octobre 1950, avait atteint cet âge le 10 octobre 2015. En d’autres termes, le salarié, s’il n’avait pas été mis à la retraite, aurait pu rester en poste jusqu’à cette date avant d’être contraint de partir à la retraite. Pour la chambre sociale, « le salarié dont la rupture du contrat de travail est discriminatoire en raison de l’âge et qui demande sa réintégration a droit, lorsqu’il a atteint l’âge limite visée à l’article 1er du décret n° 2010-105 alors applicable, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue, après déduction des revenus de remplacement, […] jusqu’à cet âge » ;

• de l’atteinte de la limite d’âge des agents de la SNCF jusqu’à la décision de la cour d’appel : 10/10/2015 -> 07/11/2017. À la date à laquelle la cour d’appel de Nîmes s’est prononcée, le 7 novembre 2017, le salarié était âgé de 67 ans. En vertu du décret applicable au moment de son éviction, il ne pouvait plus exercer ses fonctions au sein de la SNCF et sa réintégration ne pouvait avoir lieu malgré l’annulation de sa mise à la retraite d’office. Par conséquent, « le salarié ayant atteint la limite d’âge de 65 ans, sa demande en réintégration au sein de l’établissement après annulation de sa mise en retraite d’office ainsi que ses demandes en paiement d’une indemnité arrêtée au 30 septembre 2017 pour perte de revenus correspondant à la différence entre la rémunération qu’il aurait dû percevoir s’il était demeuré dans son emploi et la pension de retraite perçue et d’une indemnité correspondant à cette différence entre le 1er octobre 2017 et la date de sa réintégration effective n’étaient pas fondées ».

En conclusion, l’annulation de la mise à la retraite d’office du salarié lui ouvre droit à une indemnité égale aux sommes perdues du fait de la privation de son activité professionnelle, entre la date de sa demande de réintégration et la date à laquelle il avait atteint l’âge maximal pour exercer ses fonctions. La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la cour d’appel de Montpellier, qui devrait y mettre un terme, définitivement.

Auteur d'origine: Dechriste

Malgré quelques tensions lors de l’assemblée générale vendredi soir – certains élus prônant le maintien d’une grève dure avec des actions « coup de poing » et d’autres, comme la présidente de la Conférence des bâtonniers ou le barreau de Paris, évoquant un combat « sous une autre forme » –, les instances de la profession sont claires : elles ne veulent pas des dernières propositions de Matignon, présentées cette semaine par la garde des Sceaux et le secrétaire d’État aux retraites. La profession a par ailleurs vu ses amendements retoqués par la commission spéciale retraites de l’Assemblée nationale.

La réponse de la ministre de la justice ne s’est pas fait attendre. Samedi 8 février, Nicole Belloubet a dit « regretter » la décision du CNB de poursuivre le mouvement alors que le gouvernement a reçu les instances de la profession, a pris « trois engagements » concernant l’intégration des avocats au régime universel et a proposé de dégager « des pistes concrètes » sur les conditions d’exercice de la profession. « Le gouvernement souhaite maintenant une suspension du mouvement de grève des avocats dans les juridictions. La poursuite de ce mouvement contribue, en effet, à dégrader le fonctionnement du service public de la justice au détriment des justiciables et à tendre les relations entre les avocats, d’une part, et les magistrats et les greffiers, d’autre part. Il y aura nécessairement des conséquences sur l’économie des cabinets d’avocats. La garde des Sceaux en appelle à la responsabilité de chaque avocat au sein de son barreau pour mettre fin à un mouvement de grève qui dessert la profession et le service public de la justice », précise le communiqué.

Devant les procureurs réunis au ministère, vendredi 7 février, la garde des Sceaux faisait déjà état de son agacement. « L’année 2020 commence dans un contexte difficile. […] J’ai aussi conscience que vos juridictions sont fortement impactées par le mouvement de grève des avocats. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Le droit de grève ne peut être remis en cause. Mais il s’est exprimé dans certaines juridictions de façon inadmissible. J’ai eu l’occasion de déplorer les risques que fait courir le dépôt massif de demandes de mise en liberté. Je n’admets pas le blocage de certaines juridictions ou la pression mise sur certains magistrats. Vous savez que nous tentons de mettre fin à ce mouvement qui reflète, au-delà de la réforme des retraites, une forme de crise de la profession d’avocat », pense Nicolas Belloubet, qui espère, poursuit-elle, mettre fin au mouvement grâce aux propositions émises par le gouvernement. Ce mouvement « pèse sur le fonctionnement de la justice et dégrade les relations entre magistrats et avocats ».

« Que le gouvernement commence par suspendre (ou mieux, retirer !) son projet de désintégration de notre régime autonome de retraite. Les avocats sont indépendants. Ils ne prennent de consigne nulle part ailleurs que dans leur conscience, guidée par l’intérêt général », a rétorqué la présidente du CNB, Christiane Féral-Schuhl, qui a rappelé que « grève ou pas », la justice était déjà « au bord de l’implosion ».

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Un document PowerPoint accompagne la lettre et propose quelques adaptations au projet de réforme de retraites des avocats. Pour preuve de la bonne foi de Matignon, un amendement a déjà été déposé et, peut-on lire dans le courrier, le gouvernement « entend l’inquiétude des avocats quant à l’impact de cette réforme, en particulier pour les avocats dont les ressources sont les plus limitées ». Mais il ne lâche pas, répétant à l’envi « sa détermination totale à mettre en œuvre un système universel qui s’appliquera à tous les Français et donc aux avocats ».

Trois engagements de Matignon, trois analyses de la CNBF

La garde des Sceaux et le secrétaire d’État chargé des retraites promettent, comme ils l’ont déjà fait, que le montant des pensions sera préservé, voire meilleur qu’actuellement. « La pension d’un avocat percevant en moyenne 32 000 € sur l’ensemble de sa carrière sera supérieure de 13 % à celle qu’il aurait perçue dans le régime autonome des avocats ». Un avantage « encore plus important » pour une avocate avec deux enfants.

Autre point – ressurgi lors de la réunion du 3 février – présenté comme une avancée de bonne foi : l’abattement de 30 % sur l’assiette des prélèvements sociaux et de la CSG, qui fait l’objet d’un amendement déposé par le gouvernement. Si le taux de cotisation augmente progressivement, la réduction d’assiette « aura pour effet de limiter sensiblement l’impact de cette hausse » sur les charges payées. Le courrier insiste : « le passage au système universel n’entraînera aucun effort supplémentaire des avocats jusqu’en 2029 compte tenu augmentations déjà arrêtées par la Caisse nationale des barreaux français ». Un autre argument souvent brandi par les ministres.

Selon Christophe Pettiti, premier vice-président de la CNBF, à propos des cotisations et de l’abattement de 30 %

« Elles augmentent de toute façon pour tous, y compris après l’abattement de 30 % sur la nouvelle assiette globale des cotisations prévue par le projet de loi (appelé super brut). Les seuls qui n’auront pas d’augmentation sont ceux qui sont largement au-dessus de 3 PASS (120 000 €) car ils ne cotiseront plus au régime universel (RU) ni à la CNBF. Mais ils n’auront pas de droits au régime universel ou à la CNBF et cotiseront toutefois à 2,81 % au RU pour la solidarité. Pour bénéficier de l’équivalent en prestation que celle servie aujourd’hui par la CNBF, ils devront cotiser en Madelin ou en produit assurance-vie avec un rendement largement inférieur et pas nécessairement avec une défiscalisation. Pour les autres, la seule question reste : quelle est l’augmentation des cotisations ? Elle est certaine. Le gouvernement parle de 5,4 points (de plus) après avoir reconnu 6 %. Ce n’est pas possible de faire un chiffrage exact, car tout dépend réellement du montant des revenus. Le gouvernement compare avec un chiffre actuel à la CNBF de 14 % mais il y a de nombreux cas où aujourd’hui c’est 12 %, voire 11 % (revenu de 40 000 € ou 80 000 € par exemple).

Admettons même que l’on passe à 6 % de plus (seulement), ce n’est pas la même chose pour quelqu’un qui a un revenu de 25 000 € de BNC de se voir imputer 6 %, que si on a un revenu de 80 000 €. L’impact est évidemment fort.

Et le gouvernement ne compare pas les prestations du RU avant une augmentation des cotisations et donc des points avec la CNBF avec une augmentation des cotisations !

Enfin, l’abattement de 30 % pourra être remis en question tous les ans dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). »

Après 2029, l’augmentation sera de 0,5 point par an sur onze ans, pour les avocats qui ont des revenus inférieurs à 1,8 fois le plafond de la sécurité sociale (3 428 € par mois). Matignon propose deux scénarios possibles : soit les cabinets les plus rentables (revenus supérieurs à 80 000 €) maintiennent leur effort de solidarité, permettant aux plus faibles revenus de ne pas voir leurs cotisations augmenter après 2029 (scénario A, v. tableaux de projections ci-dessous) ; soit de maintenir l’augmentation de 0,2 point par an après 2029 et jusqu’en 2054 « en utilisant une partie des réserves financières de la CNBF pour ouvrir des droits à retraite plus élevés dès 2040 (scénario B, v. tableaux de projections ci-dessous).

Selon Christophe Pettiti, premier vice-président de la CNBF, à propos de l’évolution progressive des cotisations

« Soit elle est financée par ceux qui ont plus de 80 000 € de revenus au motif qu’ils cotiseraient moins : c’est inexact, ils cotisent plus (sauf ceux qui sont à plus de 120 000 €) mais ils n’ont pas de droits. Le gouvernement, qui supprime la solidarité du régime de base de la CNBF, impose la solidarité du régime universel, veut que les avocats ajoutent au taux de 28,1 % une cotisation supplémentaire pour la solidarité professionnelle qu’il a lui-même retirée !  En outre, dans un régime de retraite professionnel, il sera contestable sur le plan constitutionnel d’imposer une cotisation sans droits.

Second scénario proposé par le gouvernement : une augmentation progressive plus lente sur une durée plus longue avec l’utilisation des réserves de la CNBF. Mais le gouvernement n’a pris aucun engagement sur la réelle conservation des réserves par les caisses. Certes, elles seront conservées par la CNBF (c’est-à-dire détenues) mais les réserves ont pour objectif de compenser les chocs démographiques que la CNBF ne connaîtra pas avant vingt ou trente-cinq ans. Avec le régime universel, la CNBF va perdre en 2025 plus de la moitié de ses cotisants, et donc autant de cotisations, ce qui fera qu’elle ne pourra rapidement faire face à ses engagements sur les générations d’avant 1975. Le projet de loi prévoit que le régime universel fera une contribution pour le régime complémentaire (mais pas pour le régime de base) mais il ne le fera probablement qu’après utilisation des réserves. La Caisse n’aura donc pas la pleine disposition de ses réserves pour les avocats victimes du régime universel. »

Enfin, troisième engagement, qui n’est pas nouveau non plus : le maintien de la CNBF pour gérer les dossiers de retraite de l’ensemble des avocats. « Sur l’autonomie de la CNBF, relève Christophe Pettiti, rien de nouveau et au contraire une mauvaise nouvelle qui n’est pas neutre : la Caisse ne recouvrira plus les cotisations. Ce qui veut dire qu’elle n’aura aucune liberté de gestion, il faut rappeler que le projet de loi organique soumet les caisses au PLFSS, ce qui veut dire que les règles de gestion (augmentation des cotisations des prestations, des plafonds, etc.) seront désormais décidées par le gouvernement, y compris pour les générations avant 1975. »

Des « pistes » de réflexions fourre-tout

Et puis, il y a le « au-delà » des engagements. Dans ce même courrier, Nicole Belloubet et Laurent Pietraszewski proposent d’ouvrir « un travail » sur « l’économie des cabinets d’avocats » : exécution provisoire des décisions de taxation d’honoraires des bâtonniers, le montant des droits de plaidoirie et l’aide juridictionnelle. « Ce travail aurait vocation à aboutir de manière rapide avant la fin du mois d’avril », écrivent-ils. Deux mois pour repenser l’aide juridictionnelle, « à bout de souffle » depuis plus de vingt ans et qui a fait l’objet de plus d’une dizaine de rapports restés dans les tiroirs du ministère de la justice. Le courrier veut y croire – les avocats peut-être moins – : « ces garanties doivent contribuer à lever toutes les inquiétudes de la profession ». « Le premier ministre et nous-mêmes sommes évidemment prêts à recevoir à nouveau les représentants de la profession si cela vous paraît nécessaire », conclut la lettre.

Le Conseil national des barreaux, dont la colère ne fait que croître après la découverte d’une disposition les concernant introduite par surprise dans le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, se prononcera en fin de journée sur les documents gouvernementaux et donnera le la du mouvement pour la semaine à venir. 

Une note du barreau de Paris qui fait pschitt

Hier, Le Point, dans un article intitulé « Réforme des retraites : le double discours des avocats », révélait l’existence d’une note rédigée par le barreau de Paris, reconnaissant « que l’intégration au régime universel de retraite pourrait ne pas être si catastrophique ». Tollé immédiat. En réalité, il s’agit d’une note d’analyse envoyée le 1er février à tous les avocats parisiens récapitulant les arguments du gouvernement. Il est précisé : « Joël Grangé, membre du conseil de l’ordre, expose les principaux éléments contenus dans ce texte [projet de loi, ndlr], et leurs conséquences sur le régime de retraite des avocats ». Rien de plus. Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, a d’ailleurs rapidement réagi, hier sur Twitter, mettant en ligne la note afin de démentir l’hebdomadaire.

 

Source : document envoyé au CNB par le gouvernement

 

 

 

Auteur d'origine: babonneau
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Critiqué parce qu’il prévoit la création d’un fichier national biométrique des mineurs non accompagnés (v. AJDA 2019. 253), le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 autorise également les départements à solliciter, s’ils le souhaitent, les préfectures afin que celles-ci reçoivent l’étranger se déclarant mineur et regardent s’il figure déjà sur l’une des bases de données gérées par le ministère de l’intérieur. Alors que certains y voient la marque de l’étatisation de la protection des mineurs isolés (v. D. Burriez, AJDA 2019. 802 ), les contempteurs du texte subissent un nouveau revers. Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du recours contre ce décret, avait jugé conforme à la Constitution la création d’un fichier biométrique des mineurs isolés (Cons. const. 26 juill. 2019, n° 2019-797 QPC, AJDA 2019. 1606 ; ibid. 2133 , note D. Burriez ; D. 2019. 1542, et les obs. ; JA 2019, n° 604, p. 10, obs. S. Zouag ; AJ fam. 2019. 434 et les obs. ; Constitutions 2019. 387, chron. L. Carayon ; ibid. 439, Décision ). Le Conseil d’État, pour sa part, juge qu’il ne méconnaît pas les articles 3 et 20 de la convention de New York relative aux droits de l’enfant, reconnaissant ainsi implicitement à cette seconde stipulation un effet direct que sa jurisprudence antérieure lui déniait (CE 6 juin 2001, n° 213745, Mme Mosquera, Lebon T. 787  ).

De la bonne application du décret

Le Conseil d’État rappelle que, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, le décret n’a « ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur ». De même, il « ne modifie pas l’étendue des obligations du président du conseil départemental en ce qui concerne l’accueil provisoire d’urgence des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, non plus que sa compétence pour évaluer, sur la base d’un faisceau d’indices, leur situation, notamment quant à leur âge, et ne l’autorise pas à prendre une décision qui serait fondée sur le seul refus de l’intéressé de fournir les informations nécessaires à l’interrogation ou au renseignement des traitements [automatisés de données à caractère personnel concernant les étrangers] ni sur le seul constat qu’il serait déjà enregistré dans l’un d’eux ».

En particulier, « il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil provisoire d’urgence pour toute personne se déclarant mineure et privée de la protection de sa famille, confrontée à des difficultés risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité, sans pouvoir subordonner le bénéfice de cet accueil à la communication par l’intéressé des informations utiles à son identification et au renseignement du traitement “appui à l’évaluation de la minorité” ni au résultat de l’éventuelle sollicitation des services de l’État ».

Le décret attaqué dispose que le président du conseil départemental est informé d’un éventuel refus de l’intéressé de communiquer aux agents en préfecture les informations mentionnées au quatrième alinéa du II de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles. Toutefois, il ne prévoit aucune sanction à ce refus. À cet égard, « l’évaluation de la minorité a pour objet d’apprécier, à partir d’un faisceau d’indices, la vraisemblance des affirmations de la personne se déclarant mineure et privée de la protection de sa famille et la majorité de l’intéressé ne saurait être déduite de son seul refus de communiquer les informations ainsi mentionnées ».

Lorsque le président du conseil départemental a sollicité le concours du préfet, la personne qui se présente comme mineure et privée de la protection de sa famille est ainsi amenée à se rendre en préfecture. À cet égard, précise le Conseil d’État, « une mesure d’éloignement ne peut être prise contre la personne que si, de nationalité étrangère, elle a été évaluée comme majeure, et après un examen de sa situation ».

Faciliter l’évaluation sans finalité pénale

Le Conseil d’État exclut toute utilisation à des fins pénales du fichier biométrique qui a notamment pour finalité « d’identifier, à partir de leurs empreintes digitales, les personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et ainsi de lutter contre la fraude documentaire et la fraude à l’identité ». Par ces dispositions, « le pouvoir réglementaire a précisé que la meilleure identification des personnes se déclarant mineures et non accompagnées contribuerait à la prévention des fraudes documentaires et des usurpations d’identité, laquelle participe des objectifs assignés à ce traitement par l’article L. 611-6-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Il n’a, en revanche, pas fait figurer la répression de cette fraude parmi les finalités du traitement. En particulier, le décret attaqué ne mentionne le procureur de la République au nombre des destinataires du traitement qu’en raison des missions qui lui incombent en matière de protection des mineurs en danger, en vertu notamment de l’article 375-5 du code civil. Ainsi, sous réserve de l’exercice du droit de communication des autorités mentionnées à l’article 3 de la loi du 6 janvier 1978, les données collectées ne pourront être utilisées aux fins de recherche et d’établissement de l’existence d’infractions pénales ».

Une réécriture sans conséquence

Le Conseil d’État a tout de même censuré le texte. Une annulation mineure qui permet à la haute juridiction de rappeler au gouvernement que lorsqu’un décret doit être pris en Conseil d’État, le texte retenu par le gouvernement ne peut être différent du projet soumis au Conseil d’État ou du texte adopté par ce dernier. L’article 6 du décret a fixé au lendemain de sa publication la date d’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018. Or, « tant le projet initial du gouvernement que le texte adopté par la section de l’intérieur du Conseil d’État fixaient au 1er janvier 2019 la date d’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 et du décret lui-même ». Par suite, l’article 6 du décret attaqué a été adopté en méconnaissance des règles qui gouvernent l’examen par le Conseil d’État des projets de décret. Il est censuré sans que cela remette en cause le texte dans son ensemble. Il en résulte toutefois que « ce décret n’a été légalement applicable qu’à compter du 1er mars 2019, date de l’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 en l’absence d’autre date fixée par décret en Conseil d’État ».

Auteur d'origine: pastor

L’article 45 vise à supprimer l’interdiction, pour l’assureur de protection juridique, d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et l’avocat. À noter, l’assureur ne pourra toujours pas proposer le nom d’un avocat à son assuré, sans demande écrite de la part de ce dernier, ni lui imposer. L’article 46 vise à exclure du champ du droit des marchés publics, les prestations de représentation légale par un avocat et les conseils juridiques s’y attachant. 

Ces deux mesures figuraient dans un projet de loi contre la surtransposition de directives européennes, adopté au Sénat en novembre 2018, mais jamais mis à l’ordre du jour de l’Assemblée. Le lobbying des sénateurs-avocats avait permis, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, de supprimer la première disposition.

Différentes mesures de simplification

Le titre III vise à simplifier les procédures applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Il limite les effets de l’actualisation d’études d’impact existantes ou du changement de réglementation sur un projet d’installation. Il allège également les procédures de consultation du public et rend optionnelles, dans plusieurs cas, les consultations du CODERST ou de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Parmi les différents articles de simplification, le projet prévoit de simplifier la vente en ligne de médicaments, de supprimer les certificats médicaux d’aptitude d’un enfant mineur à un sport ou de dématérialiser progressivement la délivrance des documents provisoires aux étrangers.

Plusieurs décisions administratives seront déconcentrées, notamment dans le secteur de la santé. Enfin, le projet de loi entérine la suppression de plusieurs commissions, dont la commission consultative paritaire nationale des baux ruraux, la commission de suivi de la détention provisoire, l’observatoire de la récidive et de la désistance et le conseil national de l’aide aux victimes.
 

Auteur d'origine: babonneau
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Il est désormais acquis que les salariés éligibles à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) pour avoir travaillé dans un établissement désigné par arrêté ministériel durant une période ou y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante (Loi n° 98-1194 du 23 déc. 1998, art. 41) puissent demander la réparation d’un préjudice d’anxiété. La Cour de cassation considère en effet que ces salariés se trouvent « par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante » (Soc. 11 mai 2010, nos 09-42.241 à 09-42.257, Dalloz actualité, 4 juin 2010, obs. B. Ines ; D. 2010. 2048 , note C. Bernard ; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2010. 839, avis J. Duplat ; RTD civ. 2010. 564, obs. P. Jourdain ). Ces salariés n’ont pas à prouver la réalité du préjudice, celui-ci étant déduit du fait qu’ils peuvent prétendre à l’ACAATA (Soc. 2 avr. 2014, nos 12-29.825 et 12-28.616, Dalloz actualité, 2 mai 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 1312 , note C. Willmann ; ibid. 1404, chron. S. Mariette, C. Sommé, F. Ducloz, E. Wurtz, A. Contamine et P. Flores ). Plus précisément, ce préjudice naît – et le délai de prescription commence à courir – au jour de l’inscription de l’établissement sur la liste établie par arrêté ministériel, date à laquelle le risque à l’origine de l’anxiété est porté à la connaissance des travailleurs (Soc. 19 nov. 2014, nos 13-19.263 à 13-19.273, D. 2014. 2415 ; ibid. 2015. 104, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, S. Mariette, N. Sabotier et P. Flores ; ibid. 2283, obs. M. Bacache, A. Guégan-Lécuyer et S. Porchy-Simon ; ibid. 2401, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; Rev. sociétés 2015. 292, note V. Thomas ). La récente extension du champ du préjudice d’anxiété pour les salariés exclus de l’ACAATA mais exposés à l’amiante, sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass., ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17.442, Dalloz actualité, 9 avr. 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 922, et les obs. , note P. Jourdain ; ibid. 2058, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon ; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ;  AJ contrat 2019. 307, obs. C.-É. Bucher ; Dr. soc. 2019. 456, étude D. Asquinazi-Bailleux ; RDT 2019. 340, obs. G. Pignarre ; RDSS 2019. 539, note C. Willmann ), n’a pas entraîné une atténuation de la jurisprudence originelle pour les salariés éligibles à ce régime de préretraite (v. not. Soc. 11 sept. 2019, n° 18-50.030, Dalloz actualité, 2 oct. 2019, obs. L. de Montvalon  ; D. 2019. 1764 ; Dr. soc. 2020. 58, étude X. Aumeran ).

En l’espèce, un contentieux opposait trois salariées et leur employeur, société ayant pour activité principale la fabrication, transformation et vente de tous produits métallurgiques et notamment les produits en acier inoxydable, inscrite pour le site où travaillaient les salariées sur la liste des établissements de fabrication, de flocage et de calorifugeage à l’amiante ouvrant droit à l’ACAATA, pour la période allant de 1967 à 1996, par arrêté du 23 décembre 2014, publié le 3 janvier 2015.
Logiquement condamné à indemniser les salariées pour réparer...

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Après une nouvelle réunion en janvier, le groupe de travail mis en place par la Chancellerie a actualisé son document de travail qui porte sur la répartition des effectifs des conseillers dans les CPH, les conseils prud’hommes, sachant que dans les tableaux du document, les sigles renvoient souvent aux sections : AD comme activités diverses, AGR comme agriculture, ENC comme encadrement, IND comme industrie.

À notre connaissance, ce document de 87 pages n’a pas encore été soumis à l’avis consultatif du conseil supérieur de la prud’homie. Il présente plusieurs hypothèses de répartition des postes dans toute la France, une des options consistant à regrouper les sections agriculture et encadrement dans un seul CPH dans les départements lorsque l’activité de la section est inférieure à un certain niveau d’affaires par an.

« L’enjeu pour une organisation syndicale comme la nôtre est de voir les choses de façon pragmatique pour répartir au mieux les effectifs selon l’activité, afin d’éviter de devoir plus tard revoir la carte judiciaire ou supprimer des conseils », explique Frédéric Souillot, qui représente FO au sein du Conseil supérieur. Le ministère de la Justice dément toute volonté de fermeture de CPH.

Le scénario privilégié jusqu’à présent par le groupe de travail (indiqué « scénario GT » dans le document) conduirait par exemple à regrouper :

dans le ressort d’Aix-en-Provence l’activité encadrement de Draguignan et Fréjus vers Toulon et celles Martigues et Arles à Marseille ;dans le ressort de Paris, l’activité encadrement de Sens à Auxerre et celle de Fontainebleau à Melun ;dans le ressort de Versailles l’activité encadrement d’Argenteuil à Montmorency et de celles de Rambouillet, Saint-Germain, Poissy et Mantes-la-Jolie à Versailles ;dans le ressort de Rennes l’activité encadrement de Quimper et Morlaix à Brest, celle de Vannes à Lorient, celle de Saint-Nazaire à Nantes et celle de Guingamp à Saint-Brieuc ;dans le ressort de Lyon l’activité encadrement d’Oyonnax et Belley à Bourg-en-Bresse, celle de Villefranche-sur-Saône à Lyon et celle de Montbrison à Saint-Étienne, etc.

Cette nouvelle répartition des effectifs pourrait se mettre en place à l’occasion du renouvellement des conseillers prud’hommes qui fera suite à la nouvelle mesure de l’audience syndicale en 2021, pour la mandature débutant en 2022.

Auteur d'origine: babonneau

Le Conseil national des barreaux (CNB), la Conférence des bâtonniers et l’Ordre de Paris ont annoncé, mardi 4 février, tard dans la soirée, après le rendez-vous à Matignon, attendre le courrier formalisant des propositions. Elles seront soumises à l’assemblée générale du CNB qui se réunira le 7 février. D’ici là, « le mouvement de grève doit se poursuivre sans faiblir », conclut le communiqué du CNB.

De son côté, le premier ministre, dans un communiqué moins lapidaire que celui des avocats, réitère « la détermination totale du gouvernement à mettre en œuvre un système universel qui s’appliquera à tous les Français et donc aux avocats » et a « invité » les instances à « se saisir rapidement » des propositions.

Cette réunion, poursuit Matignon, « a également permis de partager de façon constructive différentes propositions pour accompagner l’intégration des avocats dans le système universel :

• la mise en place de l’abattement de 30 % sur l’assiette globale des prélèvements sociaux et de la CSG ;

• l’accompagnement de la trajectoire de cotisations ;

• le rôle de la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) dans la gestion des réserves et en tant qu’interlocutrice des avocats dans le futur système universel ».

« La seule vraie nouveauté est la formalisation de l’abattement de 30 %, un temps abordé puis abandonné. Pour le reste… », estime un avocat. Les barreaux ont renouvelé hier la poursuite du mouvement, à la suite de la manifestation de la profession.

Auteur d'origine: babonneau
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Tout le monde cherche François. « C’est le grand absent, on a beau le chercher, personne ne l’a trouvé. » L’affaire est sérieuse et tout le monde aimerait qu’il apparaisse enfin, mais les espoirs sont ténus. « Vous avez déjà vu ça, vous, un avocat de 23 ans qui gagne 40 000 € par an », demande Me Sophie Mathieu, du barreau de Saint-Étienne, foulard vert au vent qui coiffe son rabat d’avocate « en colère ». François, c’est l’avocat type de « La République en marche », celui qui peuple l’imaginaire du gouvernement lorsqu’il échafaude la réforme des retraites qui, ce lundi 3 décembre, a envoyé des milliers d’avocats dans la rue, provenant de la plupart des barreaux – 15 000 selon le Conseil national des barreaux, 7 400 selon la police. Parmi eux, quelques autres professions libérales, repérables par leurs blouses de médecin ou leur casquette de commandant de bord, mais la plupart étaient avocats. Tous exigent le retrait du projet, tous veulent garder l’autonomie de leur régime de retraite.

« Aujourd’hui, on a 10 millions à distribuer, et on va les donner »

Entre la place de la Bastille et celle de l’Opéra, aucun François à l’horizon. On trouve d’abord Renée Rimbon, avocate en Seine-Saint-Denis qui piétine en queue de cortège. La réforme prévoit de doubler les cotisations retraite des avocats. Résultat ? « Moi, installée, travaillant seule, je ferme au bout de six mois, alors on ne lâchera rien, même si ça doit durer un an. » Me Thomas Mertens, du barreau de Paris, estime que, « pour la plupart des justiciables, les honoraires de l’avocat vont augmenter ou, pire, l’aide juridictionnelle ne suffira pas pour payer les charges de fonctionnement d’un cabinet. Cela entraînera la fermeture de petits cabinets de proximité que les justiciables les plus pauvres ont encore la possibilité de saisir pour assurer leur défense ».

Dans son barreau de la Haute-Marne, la bâtonnière Céline Gromek prévoit une hécatombe. « On pense que 40 % des avocats disparaîtront », précisément 13 sur 33, car, dans le ressort de ce barreau, beaucoup ne travaillent qu’à l’aide juridictionnelle ou presque, car beaucoup de justiciables y sont éligibles. À Cambrai, dont les deux tiers du barreau (20 sur 30) sont venus défiler dans les beaux quartiers, les prévisions ne sont pas moins funestes. « Cela annonce des déserts judiciaires, on redoute la fermeture du tribunal », expose la bâtonnière Cathy Beauchart. Les collaborateurs aussi sont sur la sellette. Sophie Mathieu explique : « La rétrocession de base, à Saint-Étienne, c’est 2 100 €, ceux-là ne pourront pas tenir », car bien souvent les associés ne pourront pas augmenter la rémunération de leurs collaborateurs, dont les faibles revenus vont encore diminuer. « On ne pourra plus assurer un certain nombre de missions, on devra faire des choix au détriment de la défense des plus démunis », se désole Me Marjorie Farre, elle aussi stéphanoise, qui annonce tout de suite : « si la réforme passe, je suis obligée de licencier ma secrétaire, oui, il faut penser à ça aussi, aux 55 000 emplois générés par notre activité », assure-t-elle.

« On lâche rien », scandent des Bretons venus en nombre. « Oui, abonde Marjorie Farre, même s’il faut constater que des confrères sont terriblement impactés par la grève », à force de renvois. « Mais c’est ça aujourd’hui, ou sinon on crève demain. » Pour sauver les petits courageux, la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) envisage de faire un geste. La commission de redistribution des aides sociales dispose de réserves importantes. Me Anne Salzer, administratrice à la CNBF, l’annonce : « Aujourd’hui, on a 10 millions à distribuer, et on va les donner », assure-t-elle. Pas besoin de cagnotte, la CNBF finance le mouvement de grève qui veut la sauver.

« Pirouette Belloubette ! »

La tête de cortège est sur la place de la République, nous sommes à mi-parcours. Me Louise Tort (barreau de Paris) sautille en diffusant « Cypress Hill » dans un haut-parleur qu’elle tient sur son épaule ; « Bella ciao » version opéra s’élève au-dessus de la foule du boulevard Beaumarchais, une avocate du barreau de Montpellier s’égosille sur un camion du cortège, et partout des grappes d’avocats reprennent des classiques (YMCA, We will rock you, Pirouette cacahuète), avec des paroles adaptées. « Pirouette Belloubette ! », entend-on, pour illustrer l’attitude dédaigneuse à leur encontre, disent-ils, de la ministre. « C’est le mépris absolu du gouvernement, le rictus de la garde des Sceaux quand les confrères jettent leur robe à Caen, c’est le mépris de nos souffrances », ne craint pas d’affirmer Cathy Beauchart. « Cela fait vingt-cinq ans que je fais ce métier, tempête Céline Gromek, je n’ai jamais eu le sentiment d’être à ce point méprisée. On est très très en colère, c’est un seuil jamais atteint ! » Un vieil avocat incognito, qui défile par solidarité, pense que Nicole Belloubet n’a pas voulu négocier, car elle « ne comprend pas, n’aime pas les avocats ». Me André Buffard, de Saint-Étienne, pense du haut de ses 71 ans que « tout cela, ça ressemble à un hold-up ». Il précise : « Ma génération a cotisé pour ceux qui n’avaient pas cotisé, et aujourd’hui on nous dit merci pour la cagnotte ! »

Les avocats croisés sont unanimes : l’État se nourrit sur la bête, car « la bête », ce régime autonome créé après la Seconde Guerre mondiale, fonctionne – il est même excédentaire. Pire ! Il veut ruiner la solidarité, car la CNBF, depuis 1948, verse des pensions de retraite (de base) identiques aux avocats ayant cotisé suffisamment longtemps, sans prise en compte des revenus professionnels. Me Philippe Paingris, du barreau de Paris, estime que « c’est l’honneur de la profession de donner une retraite digne à ceux qui dédient leur vie à la défense de la veuve et de l’orphelin ».

À voir cette foule des robes noires, Me Christian Saint-Palais pense que la détermination de ses confrères est grande. « Les confrères de province abandonnent leur cabinet, leurs affaires personnelles pour venir manifester, c’est très enthousiasmant ! » L’avocat parisien, président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), très impliquée dans le mouvement, réagit aux propos s’indignant des incendies de codes civils périmés (Dalloz). « Je suis solidaire de tous les modes d’action qui restent dans le cadre de la loi. » Mais pourquoi en arriver à des modes d’action si démonstratifs ? « Ces confrères ont tiré les leçons du passé, où des discussions trop polies les ont mis à terre. Ce sont des situations qui montrent la désespérance, cela révèle l’État de la préoccupation de certains pénalistes », analyse-t-il.

Place de l’Opéra, la nuit tombe et les avocats sont toujours debout. Tous les accès à la place Vendôme sont bloqués par les forces de l’ordre, alors, rue de la Paix, un petit groupe d’irréductibles fait un peu de fumée rouge, masque sur la tête, la colonne Vendôme et les CRS dans leur dos. Mais une dizaine d’avocats, dont certains avaient participé à l’opération de vendredi dernier, est parvenue à accéder à la place. On les voit, goguenards devant la Chancellerie, filmés par le journaliste Taha Bouhafs, avant de se carapater à l’approche des CRS qui ont tenté, en vain, de les encercler.

Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et l’Ordre de Paris sont reçus à 19h30 aujourd’hui à Matignon, pour une deuxième entrevue.

Auteur d'origine: babonneau

Les deux instances demandent qu’un alinéa soit ajouté à l’article 2 du projet de loi – instituant un système universel comprenant les avocats – excluant tout simplement la profession du nouveau système. Elles rappellent que le régime autonome de retraite des avocats est « autonome et équilibré », « pérenne », « solidaire » et « prévoyant ». « Les avocats sont d’ailleurs une exception dans l’exception des régimes autonomes des professions libérales, puisqu’ils sont les seuls à gérer en autonomie leur régime de base et leur régime complémentaire », peut-on lire dans l’exposé des motifs de l’amendement.

Le Conseil national des barreaux (CNB) exige que la loi soit « d’abord évaluée avant d’envisager une intégration de régimes autonomes ». Ainsi, dans un dernier amendement, après l’article 65 du projet de loi, le CNB propose : « la présente loi fera l’objet, après évaluation de son application par la mission d’évaluation des comptes de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale et du Sénat, d’un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans après son entrée en vigueur ».

Les autres amendements visent notamment :

à supprimer la référence aux professionnels libéraux qui intégreraient le régime universel nouvellement créé ;
 à supprimer l’habilitation à légiférer par ordonnance (notamment pour déterminer le taux et l’assiette des cotisations ou encore pour organiser les modalités de gouvernance) – se référant à l’avis critique du Conseil d’État sur la méthode gouvernementale ;
 à supprimer l’article 20 du projet de loi qui prévoit de soumettre les avocats au même niveau de cotisations que les salariés « pour un revenu en deçà d’un PASS », ce qui « engendre un préjudice économique réel pour près de 50 % de la profession d’avocat qui gagne moins de 40 000 € » ;
 à supprimer l’article 40 qui prévoit un minimum de retraites accordé à compter de l’âge d’équilibre sur 516 mois de cotisations. « Une moins-value », selon le CNB, qui s’appuie encore sur l’avis du Conseil d’État : le régime autonome permet aujourd’hui de garantir à chaque avocat 17 119 € annuels, quelle que soit la rémunération au cours de la carrière de l’avocat ;
 à exclure les avocats des mécanismes de solidarité alors même qu’ils ne peuvent compter sur la sécurité sociale pour remplacer les revenus manquants (art. 42) ;
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Après presque deux ans de concertation et cinquante jours de grève pour la contester, la réforme des retraites a été présentée au conseil des ministres du 24 janvier. La consultation du Conseil d’État – dont l’avis est fort critique (v. encadré) – n’a entraîné qu’assez peu de modifications par rapport aux avant-projets (v. AJDA 2020. 77 ). Ainsi le gouvernement a maintenu l’annonce d’une loi de programmation permettant de garantir aux enseignants une revalorisation de leur rémunération, bien que le Conseil d’Etat ait considéré qu’il s’agissait d’une injonction au gouvernement de déposer un projet de loi, procédé contraire à la Constitution.

Le projet de loi organique relatif au système universel de retraite (SUR), outre l’intégration dans le futur système des magistrats, des parlementaires et des membres du Conseil constitutionnel, prévoit une « règle d’or » d’équilibre. Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) devront fixer chaque année la trajectoire financière du SUR. Elles devront prévoir un solde financier positif ou nul pour l’année en cours et les quatre années à venir. Si les dispositions de la LFSS ont pour effet de porter la somme des soldes cumulés entre l’exercice 2027 et le terme de la projection sur cinq ans à un montant négatif supérieur à 3 % des recettes annuelle, cette même loi prévoit les moyens pour...

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Auteur d'origine: Montecler

La Conférence des présidents du Sénat a demandé hier que la procédure accélérée ne soit pas engagée sur la réforme des retraites. Un acte rare. Depuis qu’il en a la possibilité (2008), le Sénat ne s’était opposé que deux fois à la procédure accélérée (en 2014, sur la loi redécoupant les régions et la loi NOTRe). Cette contestation sera sans incidence : pour que le gouvernement renonce à la procédure accélérée, il faudrait que la conférence des présidents de l’Assemblée rejoigne celle du Sénat. Or, les responsables de la majorité ont indiqué souhaiter que ce texte soit étudié selon le calendrier prévu (débat dans l’hémicycle dès le 17 février).

La réforme des retraites étant un texte dense, flou, très contesté et étudié dans un calendrier réduit, la procédure fait l’objet de multiples contestations. La conférence des présidents de l’Assemblée a d’ailleurs rejeté hier les demandes des groupes LR, PS et GDR de saisir le conseil constitutionnel sur la conformité de l’étude d’impact du projet de loi. Depuis 2010, c’est la troisième fois que l’opposition à l’Assemblée tente de contester une étude d’impact (les deux précédents étaient les réformes des retraites de 2010 et 2013). La contestation de l’étude d’impact fait l’objet d’une procédure particulière : seule la conférence des présidents de la première assemblée saisie peut la déférer au conseil constitutionnel. Ce qu’avait fait, en vain, le Sénat en 2014 sur la loi redécoupant les régions.

Toutefois, les débats à l’Assemblée ne se feront pas en procédure du « temps législatif programmé » : en raison des délais restreints, les groupes d’oppositions ont pu y faire obstacle. Par ailleurs, l’installation de la commission spéciale a pris du retard, le groupe GDR ayant insisté pour que les délais prévus par le règlement de l’Assemblée soit strictement respectés.

Auteur d'origine: babonneau
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La déclaration d’inaptitude d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, établie par le médecin du travail, oblige l’employeur à lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités (C. trav., art. L. 1226-10) avant d’envisager un licenciement. Dans sa recherche de reclassement, l’employeur s’appuie sur les conclusions du médecin du travail, dont il doit impérativement tenir compte (Soc. 4 nov. 2015, n° 14-11.879, Dalloz actualité, 27 nov. 2015, obs. M. Peyronnet ; D. 2015. 2323 ), qui lui permettent d’apprécier les capacités du salarié au regard des tâches effectuées dans l’entreprise. Il peut aussi être aidé par des organismes désignés par des conventions collectives – c’était le cas dans l’association faisant l’objet de la décision commentée. En toute hypothèse, le respect de l’obligation de reclassement par l’employeur reste in fine apprécié à la lumière des mesures mises en œuvre par ce dernier.

En l’espèce, une salariée avait été engagée le 23 mars 2000 par l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Après un arrêt maladie de près de neuf mois, elle a été déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise avec mention d’un danger immédiat le 1er décembre 2010. L’employeur lui a proposé deux postes de reclassement le 22 avril 2011. Ces derniers ont été refusés et elle a finalement été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement le 11 janvier 2012.

La salariée a saisi le juge prud’homal d’une demande en requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement. Déboutée par la cour d’appel d’Amiens le 27 mars 2018, elle a formé un pourvoi en cassation.

Elle arguait notamment que le non-respect des dispositions conventionnelles applicables à l’AFPA, selon lesquelles l’employeur (ou le médecin du travail) était tenu de saisir une commission de reclassement associée à la recherche d’un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d’être déclaré définitivement inapte, constituait un manquement à l’obligation de reclassement privant le licenciement pour inaptitude de cause réelle et sérieuse. Elle considérait en outre que le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement était établi par différents éléments : d’abord, les préconisations du médecin du travail n’avaient pas été parfaitement observées par l’employeur ; ensuite, l’employeur n’avait pas recherché loyalement un reclassement dès lors qu’aucune proposition ne lui avait été formulée entre le 22 avril 2011 (date à laquelle elle avait reçu deux offres) et son licenciement le 11 janvier 2012 ; enfin, le refus des postes de reclassement proposés le 22 avril 2011 ne dispensait pas l’employeur de rechercher d’autres postes disponibles conformes à son état de santé. Seul le premier argument a véritablement retenu l’intérêt des juges du droit, qui ont eu à analyser l’incidence du non-respect de l’obligation conventionnelle de saisir une commission de reclassement sur la validité du licenciement pour inaptitude.

Par un arrêt du 18 décembre 2019, la chambre sociale rejette le pourvoi formé par la salariée, au motif que « selon l’article 79 de l’accord collectif du 4 juillet 1996 sur les dispositions générales régissant le personnel employé par l’AFPA, une commission de reclassement régionale ou nationale selon le niveau concerné, qui peut être saisie par le responsable hiérarchique ou le médecin du travail, est associée à la recherche d’un reclassement au bénéfice du salarié susceptible d’être déclaré définitivement inapte à son emploi par le médecin du travail ; qu’il en résulte que la méconnaissance de l’obligation de saisir la commission prévue à l’article 79 précité n’est pas de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ». Cette solution peut à première vue surprendre : au regard de la date des faits en cause, la jurisprudence selon laquelle une procédure conventionnelle de licenciement constituait une garantie de fond dont l’inobservation privait le licenciement de cause réelle et sérieuse (Soc. 17 mars 2015, n° 13-23.983, Dalloz actualité, 22 avr. 2015, obs. W. Fraisse ; Dr. soc. 2015. 467, obs. J. Mouly ; RDT 2015. 333, obs. C. Varin ) aurait pu s’appliquer. Cette jurisprudence n’a en effet été remise en cause qu’en 2017 par les ordonnances « Macron » (C. trav., art. L. 1235-2).

Elle peut toutefois être expliquée par différents éléments :

• d’une part, les dispositions conventionnelles en cause ne figurent pas, dans l’accord collectif, dans le titre relatif à la rupture du contrat de travail mais dans un autre titre comportant des « dispositions complémentaires » (relatives par ailleurs aux travailleurs handicapés, aux déplacements professionnels et au logement). Si l’article 79 précité impose laconiquement qu’une commission de reclassement soit associée à la recherche de reclassement d’un salarié susceptible d’être déclaré inapte à son emploi par le médecin du travail, il ne précise pas que la consultation de celle-ci s’inscrit dans la procédure de licenciement pour inaptitude ;

• d’autre part, la commission peut être saisie par le responsable hiérarchique mais également par le médecin du travail. Il paraît dès lors difficile de sanctionner l’employeur sur le terrain de la rupture unilatérale du contrat de travail alors qu’il n’était pas le seul responsable de la saisine de la commission ;

• enfin, le fait que cette commission soit associée à la recherche d’un reclassement ne modifie pas le principe posé par le code du travail : c’est à l’employeur qu’il incombe de rechercher et de proposer un reclassement au salarié déclaré inapte par le médecin du travail, en prenant en compte les conclusions écrites de ce dernier (C. trav., art. L. 1226-10). La convention applicable en l’espèce n’imposait pas à l’employeur de tenir compte des observations effectuées par la commission pour rechercher des postes disponibles dans l’entreprise.

En définitive, il appartient aux juges du fond, au regard de l’ensemble des éléments qui leur sont présentés, d’apprécier souverainement si l’employeur a procédé à une recherche sérieuse de reclassement (Soc. 21 janv. 2009, n° 07-41.173 ; 28 mai 2014, n° 13-14.189 ; 23 nov. 2016, n° 14-26.398, Dalloz actualité, 13 janv. 2017, obs. B. Ines ; D. 2016. 2409 ; ibid. 2017. 235, chron. F. Ducloz, P. Flores, F. Salomon, E. Wurtz et N. Sabotier ). Le concours de la commission de reclassement peut faciliter le respect par l’employeur de son obligation, sans pour autant que l’absence de consultation de cette dernière soit à elle seule de nature à remettre en cause la validité du licenciement, si des mesures de reclassement suffisantes ont été mises en œuvre.

La Cour de cassation balaye les autres arguments développés par la salariée, qui ne tendaient « qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel des éléments de fait et de preuve dont elle a déduit, hors toute dénaturation, que l’employeur avait procédé à une recherche sérieuse de reclassement ». Les juges ont par exemple refusé de déduire de l’absence de proposition de poste entre avril 2011 et le licenciement de la salariée en janvier 2012 que l’employeur n’avait pas recherché de poste durant cette période.

Il est enfin intéressant de noter que l’argument selon lequel le refus d’une offre de reclassement n’est pas suffisant pour considérer que l’employeur a respecté son obligation ne serait plus invocable aujourd’hui. Le code du travail précise en effet, depuis la loi Travail du 8 août 2016, que « l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail » (C. trav., art. L. 1226-12).

Auteur d'origine: Dechriste

Les avocats, en grève depuis quatre semaines contre le projet de réforme des retraites, utilisent divers moyens de contestation : grève des audiences et des permanences, fermeture des cabinets mais aussi dépôt en masse de demandes de mise en liberté (DML) à l’égard des mis en examen placés en détention provisoire. Cette dernière action a été vertement critiquée par certains magistrats qui disent ne pas pouvoir faire face à une telle charge de travail supplémentaire.

Interrogée, la Chancellerie rappelle que le droit de grève constitue certes l’un des fondements de la démocratie mais que « ce droit ne saurait expliquer ce type d’actions, qui s’inscrit dans un usage dévoyé de la procédure, pour à terme conduire à un blocage et à un engorgement très préjudiciables pour les juridictions, outre l’évident risque procédural dont les conséquences seraient très lourdes si elles conduisaient à la remise en liberté de terroristes ou de criminels ».

Plus de 400 avocats ont signé, dès vendredi 24 janvier, une lettre ouverte initiée par l’avocat parisien Yves Levano, expliquant aux personnels judiciaires, aux greffes, aux magistrats et au Conseil national des barreaux les raisons des « opérations DML ». Une action approuvée par le président de l’Association des avocats pénalistes (ADAP), Christian Saint-Palais, signataire également du texte. « Je n’en aurais pas eu l’idée spontanément mais dès lors que ce mouvement est très critiqué et qu’il est fait dans le cadre de la loi, je ne vais pas laisser les jeunes tout seuls. Si nous ne perturbons pas, ce n’est plus un mouvement ».

Nous reproduisons l’intégralité de la lettre ouverte et le nom des signataires.

Lettre ouverte aux personnels judiciaires, aux greffes, aux magistrats, au Conseil national des barreaux

L’action que nous avons entamée la semaine dernière, sans toujours bénéficier du soutien de nos institutions auxquelles nous l’avions proposée, est née d’un triple constat :

- si la justice, asphyxiée par un manque de moyens chronique, fonctionne encore tant bien que mal, c’est uniquement grâce à la dévotion de ses fonctionnaires, pourtant dépassés par leur charge de travail ;

- le projet de réforme des retraites, à raison de la hausse annoncée des cotisations sociales, risque de conduire certains avocats au dépôt de bilan et, par là même, va restreindre drastiquement l’accès au droit des justiciables les plus vulnérables ;

- tandis que le pouvoir exécutif ne semble entendre que les revendications des personnels susceptibles de blocage, la grève des avocats ne produisait pas l’effet escompté.

L’opération DML que nous avons portée présente le double avantage :

- de ne pas cesser le travail, mais au contraire de redoubler d’efforts pour défendre, en vertu du serment que nous avons prêté ;

- de ne pas prendre en otage « l’usager », en l’espèce le justiciable ;

Nous sommes conscients que, comme pour nos cabinets, l’opération DML occasionne une charge de travail supplémentaire pour les personnels judiciaires, greffes et magistrats, notamment en raison des moyens humains et informatiques ridicules dont ils disposent.

Comment est-il possible que la septième puissance mondiale, sous prétexte de modernisation et de réformes qui n’en ont que le nom, malmène ainsi une institution fondamentale ?

Dans le ressort de la cour d’appel de Paris, nous estimons de 5 % à 10 % le nombre de détenus « prévenus » qui auront, au cours de la même semaine, exercé leur droit le plus strict de solliciter une mise en liberté dans l’attente de leur procès ; tandis que les délais de jugement ne cessent de s’allonger.

Avec un nombre si faible, eu égard à la population carcérale, pourquoi redouter des difficultés de traitements des demandes risquant d’entraîner des remises en liberté ?

En s’en prenant aux avocats, professionnels assermentés et indépendants qui, jour et nuit, inlassablement, défendent tous leurs concitoyens, mis en cause ou plaignants, auteurs ou victimes, enfants ou parents, maris ou femmes, policiers ou manifestants, contribuables ou agents judiciaires de l’État, le gouvernement porte une attaque inédite et gravissime à notre profession qui participe de l’État de droit.

Par cette opération, nous avons voulu rappeler notre rôle, notre détermination à lutter pour notre survie et notre volonté de défendre la justice pour tous.

Y avait-il plus belle manière de faire qu’en sollicitant la liberté ?

Signataires :
ABAD Lalla, Barreau du VAL-D’OISE
ABITBOL Clément, Barreau de PARIS
ABITBOL Manuel, Barreau de PARIS
ABCI Kamilia, Barreau des HAUTS-DE-SEINE

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Manifestant, l’ambivalence de la négociation collective, les accords de type donnant-donnant, dits encore de « concessions », ont suscité moult controverses doctrinales (v., entre autres, A. Lyon-Caen, Le maintien de l’emploi, Dr. soc. 1996. 655 ; M.-A. Souriac-Rothschild, Engagements et arrangements sur l’emploi : quelle efficacité juridique ?, Dr. soc. 1997. 1061 ; T. Aubert-Monpeyssen, Valeur juridique d’un accord de maintien de l’emploi, D. 1998. 480 ; J. Dirringer et Y. Ferkane, L’économie générale « des accords de compétitivité » mise sens dessus dessous, Dr. ouvrier 2017. 716). L’accord de groupe Renault signé le 13 mars 2013, en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 janvier 2020, n’y échappe pas (A. Bighinatti et Y. Tarasewicz, La délicate appréciation du principe de faveur, interview, SSL n° 1754, 30 janv. 2017, propos recueillis par F. Champeaux). Baptisé « Contrat pour une nouvelle dynamique de croissance et de développement social de Renault en France » et signé par la CFE-CGC, la CFDT et FO, cet accord de groupe représentait, selon les allégations de la société Renault, un compromis dans un contexte de baisse de la demande dans le marché automobile notamment européen depuis 2007. En échange d’un engagement sur l’emploi – le recrutement en CDI de 760 salariés sur des « compétences critiques » – et du maintien d’un niveau de production en France – entre 710 000 et 820 000 véhicules –, engagement qui impliquait de ne pas fermer les sites sur le territoire national, la société Renault avait notamment obtenu une augmentation de la durée du travail sans hausse corrélative du salaire, la suppression de la possibilité d’utiliser les jours de congé de formation capitalisés pour bénéficier d’un congé de fin de carrière ainsi que la suppression du choix d’utiliser librement les heures supplémentaires capitalisées au lieu de les faire rémunérer (Liaisons soc. Quotidien, dossier Convention collective, n° 62/2013, 28 mars 2013).

Contestant les analyses du groupe quant à l’état du marché de l’automobile européen, ce compromis avait été refusé, notamment, par la CGT et le syndicat Sud qui n’avaient pas signé l’accord de groupe. À leurs yeux, les constats dressés par la société Renault sur la situation du secteur de l’automobile n’avaient qu’une seule finalité : tenter d’imposer des conditions de travail nécessairement moins favorables en contrepartie d’une absence de fermeture de sites (A. Bighinatti, art. préc.). Allant plus loin, les syndicats CGT et Sud ont intenté dès 2014 une action en justice. Ces organisations soutenaient que certaines dispositions de l’accord de groupe n’auraient pas dû s’appliquer aux salariés de l’une des filiales industrielles du groupe, en l’occurrence la société MCA, compte tenu de leur caractère moins favorable par rapport aux stipulations de plusieurs accords conclus au niveau de cette entreprise. En l’occurrence, l’accord de groupe était, d’après ces organisations syndicales, moins favorable que l’accord d’entreprise du 9 mai 1994 et les deux avenants de l’accord du 30 juin 1999 conclus les 9 mars et 19 décembre 2001. Rappelons, en effet, que ces conventions ont été signées avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2253-5 du code du travail issu de la loi Travail du 8 août 2016, c’est-à-dire dans un contexte où le conflit entre un accord de groupe et un accord d’entreprise n’était régi par aucun texte de loi. Si pareil conflit devait avoir lieu aujourd’hui entre ce type d’accords, il n’y aurait pas de discussion puisqu’en vertu de la disposition précitée, lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord. Mais, s’agissant des accords conclus antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article L. 2253-5 du code du travail, comme en l’espèce, c’est la règle de faveur qui permettait de résoudre les conflits entre un accord de groupe et un accord d’entreprise. D’où son invocation au soutien de la demande des organisations syndicales non signataires de voir ordonner le rétablissement des dispositions des accords d’entreprise précités.

Toutefois, par un jugement remarqué rendu le 6 décembre 2016, le tribunal de grande instance d’Avesnes-sur-Helpe (6 déc. 2016, n° 14/01025, SSL 30 janv. 2017, n° 1754) avait débouté ces deux syndicats, les magistrats ayant jugé que les dispositions de l’accord de groupe étaient globalement plus favorables que celles des accords d’entreprise. Se situant dans la lignée de l’arrêt Géophysique (Soc. 19 févr. 1997, n° 94-45.286, D. 1997. IR 75  ; Dr. soc. 1997. 432, obs. G. Couturier ), les juges avaient ainsi appliqué la méthode de comparaison globale. Confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Colmar du 30 mars 2018, le caractère globalement plus favorable de l’accord de groupe par rapport aux accords d’entreprise est à nouveau affirmé en l’espèce par l’arrêt du 8 janvier 2020, même si pareille appréciation résulte d’un contrôle léger de l’application de la règle de faveur par les juges du fond. Sont plus précisément validées l’interdépendance et l’indivisibilité des clauses de renonciation aux avantages au bénéfice des salariés de l’entreprise MCA et les engagements de maintien de l’emploi ainsi que d’un niveau de production en France.

Mais, au-delà de cette observation, c’est la manière dont la chambre sociale s’y prend en l’espèce qui interroge, voire perturbe. En effet, tout en confirmant l’appréciation des juges du fond sur le caractère globalement plus favorable de l’accord de groupe par rapport aux accords d’entreprise, la haute juridiction précise que la renonciation des salariés à certains avantages avait eu une contrepartie réelle et effective compte tenu des engagements du groupe de préserver un niveau d’activité global de production en France et de maintenir un certain niveau d’emploi. Des engagements qui avaient été respectés, prend-elle le soin de souligner. Or, d’un tel constat, la Cour de cassation en déduit que les juges du fond ont ainsi caractérisé que les dispositions de l’accord de groupe étaient globalement plus favorables à l’ensemble des salariés du groupe que celles de l’accord d’entreprise du 9 mai 1994 et de l’accord d’entreprise du 30 juin 1999 modifié par avenants des 9 mars 2001 et 19 décembre 2001.

Que l’accord de groupe soit plus favorable par rapport aux accords d’entreprise en raison de l’existence d’une contrepartie réelle aux renonciations des salariés, telle qu’un engagement sur un volume de production ou bien sur l’emploi, cela est aisément compréhensible. Il en va tout autrement si l’on considère qu’il est globalement plus favorable en raison de l’effectivité de cette même contrepartie. En effet, l’appréciation du caractère plus ou moins favorable n’a guère de sens si elle est effectuée à la lumière d’une qualité, l’effectivité des contreparties aux concessions salariales, impliquant l’exécution de l’engagement patronal et donc une éventuelle argumentation sur le terrain de la sanction en cas de non-respect de celui-ci. Dit autrement, le caractère plus ou moins favorable de l’accord de groupe ne saurait reposer sur autre chose que sur les stipulations prévues au moment de sa conclusion, en l’occurrence les concessions salariales en échange des engagements sur le volume de production en France et le maintien de l’emploi. L’exécution ou l’inexécution éventuelle de ces derniers ne devrait donc pas entrer en ligne de compte dans l’appréciation d’une disposition plus favorable.

Le caractère absurde de l’évocation d’une contrepartie effective au soutien du caractère plus ou moins favorable des dispositions de l’accord de groupe ressort d’autant plus si un raisonnement a contrario devait être mené, en l’absence de pareille contrepartie. Ainsi, telle que formulée, la solution de la Cour de cassation suggère qu’à défaut de contrepartie effective aux renonciations des avantages des salariés, c’est-à-dire en cas de manquement du groupe aux engagements pris en échange des concessions salariales, il conviendrait d’appliquer… les accords d’entreprise, à savoir des accords considérés, conformément à la méthode globale de comparaison, comme étant moins favorables que l’accord de groupe.

Un tel mélange entre l’appréciation de ce qui est plus favorable et la sanction du non-respect des engagements pris par le groupe pourrait être lié au pourvoi dont le second moyen se situait sur les deux terrains. Sans toutefois opérer la même confusion, ce moyen s’était concentré à titre principal sur une critique du caractère plus favorable des dispositions de l’accord de groupe par rapport à celles des accords d’entreprise. Ce n’est qu’à titre subsidiaire, si la méthode de comparaison globale devait être adoptée pour apprécier la disposition la plus favorable, que ce pourvoi demandait l’inopposabilité de l’accord de groupe en raison du non-respect des engagements de l’employeur au niveau de la société MCA. En l’occurrence, le pourvoi invoquait le fait que les effectifs de cette entreprise avaient diminué au cours de la période postérieure à l’entrée en vigueur de l’accord du 13 mars 2013.

Devant pareille confusion, vivement qu’une affaire similaire contribue à dissiper le doute sur la cohérence du raisonnement de la Cour de cassation.

Auteur d'origine: Dechriste

L’arrêt commenté a eu à trancher une question inédite, celle des conditions de désignation des membres composant la nouvelle commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) issue de l’ordonnance n° 1386-2017 du 22 septembre 2017.

Selon l’article L. 2315-39 du code du travail, les membres de la CSSCT sont désignés par le comité social et économique (CSE) parmi ses membres, « par une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32 [du code du travail] », soit « à la majorité des membres présents ».

Le litige soumis à la Cour de cassation portait sur l’interprétation des termes « par une résolution adoptée à la majorité des membres présents ».

En l’espèce, une CSSCT conventionnelle a été mise en place au sein de la société Stryker Spine par accord du 3 octobre 2018. L’article 3.4 de cet accord s’est borné à se référer aux dispositions légales sur les modalités de désignation des membres de la CSSCT. Les membres de cette commission ont été désignés lors de la première réunion, le 3 décembre 2018, à la majorité des membres présents. Par la suite, le syndicat CFDT a contesté cette désignation le 18 décembre 2018 devant le tribunal d’instance de Bordeaux qui, par jugement du 14 mars 2019, a débouté le syndicat de ses demandes.

Le syndicat a formé un pourvoi en cassation et a essentiellement soutenu qu’il résultait de l’accord collectif litigieux que les membres de la CSSCT devaient être désignés par une résolution préalable du CSE fixant les modalités de désignation et non pas directement lors de la première réunion par un vote à la majorité des membres présents.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation en jugeant qu’au regard des textes légaux, auxquels se réfère l’accord litigieux, la désignation des membres d’une CSSCT, que sa mise en place soit obligatoire ou conventionnelle, résulte d’un vote des membres du CSE à la majorité des voix des membres présents lors du vote, sans qu’il soit besoin d’une résolution préalable fixant les modalités de l’élection.

Est-ce à dire que des modalités différentes auraient pu être fixées par accord collectif ? Une réponse négative doit s’imposer en ce que l’article L. 2315-39 du code du travail figure parmi les dispositions d’ordre public qui ne peuvent être dérogées par un accord collectif sur le fonctionnement du CSE. L’article L. 2315-41 du code du travail confirme en ce sens que les modalités de désignation des membres de la CSSCT ne sont pas au nombre des dispositions pouvant être fixées par l’accord mettant en place la commission.

Auteur d'origine: Dechriste
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En application des anciens articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, les informations mises à disposition dans la base de données économiques et sociales (BDES) doivent porter « sur les deux années précédentes et l’année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes ».

À défaut de communication des informations prescrites par la loi ou l’accord collectif, les délais d’information-consultation des instances représentatives du personnel ne courent pas (Soc. 28 mars 2018, n° 17-13.081, D. 2018. 729 ; RDT 2018. 465, obs. I. Odoul-Asorey ; 12 juill. 2018, n° 18-40.024, Dalloz jurisprudence).

Dans ce cadre, l’arrêt commenté a eu à trancher la question de l’incidence d’une opération de fusion-absorption entre diverses sociétés sur le contenu de la BDES.

En l’espèce, le comité central d’entreprise de la société Sopra Steria Group, issue de l’absorption...

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Auteur d'origine: Dechriste

Une brise de panique a soufflé sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Des avocats ont publié un rapport – non finalisé – intitulé Répartition des effectifs des CPH, émanant de la direction des services judiciaires en date de décembre 2019 (en annexe de cet article). « Alerte ! Disparition programmée des conseils des prud’hommes dans ce document de travail de la Chancellerie ! Ni les avocats ni les magistrats ne sont au courant de cette nouvelle atteinte à la justice de proximité ! », s’est exclamée, sur Twitter, Gwenaëlle Vautrin, ancienne bâtonnière de Compiègne, qui a diffusé le document.

Il prévoit plusieurs scenarii : le regroupement de conseils des prud’hommes et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an, la répartition des postes selon l’organisation actuelle et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an.

Pour le syndicat de la magistrature (SM), « ces réunions semblent avoir abouti, au vu du document dont nous avons eu connaissance, à des conclusions précises et étayées en termes statistiques dont certaines – un des deux scenarii envisagés – prévoient tout simplement la suppression de vingt-deux conseils de prud’hommes ».

Et d’ajouter : « il ne faut pas être grand clerc pour en déduire que les effectifs des greffes vont également être supprimés en conséquence. Il est également incompréhensible que les organisations syndicales n’aient pas été associées à ce groupe de travail dont l’un des objectifs est tout simplement la réorganisation judiciaire du contentieux prud’homal ».

Interrogée, la Chancellerie précise qu’il s’agit « d’un groupe de travail convenu dans le cadre des travaux du Conseil supérieur de la prud’homie pour tenir compte de l’impossibilité pour certains CPH de constituer des sections ». L’objectif serait « de mieux répartir les conseillers de prud’hommes entre les CPH afin de réduire la vacance de postes ». La Chancellerie assure qu’il n’est pas question de « toucher au nombre de CPH, raison pour laquelle il s’agit de répartition des effectifs et pas de carte judiciaire ».

Auteur d'origine: babonneau
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Irrecevabilité d’un syndicat signataire du protocole d’accord préélectoral à invoquer une proportion de femmes et d’hommes différente de celle mentionnée dans ce document

En matière de préparation des élections des membres du comité social et économique (CSE), l’employeur est tenu d’inviter les organisations syndicales visées par la loi à négocier un protocole d’accord préélectoral. L’objet premier de cet accord est de répartir les sièges à pourvoir entre les différentes catégories de personnel, ainsi que le personnel entre les collèges électoraux. La Cour de cassation prend soin de le rappeler en préambule d’un moyen relevé d’office dans l’arrêt Neubauer (pourvoi n° 18-20.841). La répartition des personnels dans les collèges doit s’accompagner, de plus, de la mention de la proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège électoral, en vue d’appliquer les dispositions de l’article L. 2314-30 du code du travail. En effet, aux termes de la première phrase de son alinéa 1er, « pour chaque collège électoral, les listes […] qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ».

En l’espèce, dans l’arrêt Neubauer, la CGT se prévalait d’une erreur de calcul de la proportion d’hommes et de femmes d’un collège électoral, telle que mentionnée dans le protocole d’accord préélectoral. L’erreur de calcul de la proportion d’hommes et de femmes justifiait d’après le syndicat, le choix de présenter trois candidats masculins pour trois sièges au sein du collège des ouvriers et employés. La proportion de femmes étant bien plus faible (14 %) que celle inscrite dans le protocole préélectoral (17 %).

Ce raisonnement ne convainc toutefois pas la Cour de cassation qui décide, contrairement au tribunal d’instance, que la CGT n’est pas recevable à invoquer par voie d’exception une proportion d’hommes et de femmes composant le corps électoral différente de celle figurant dans le protocole préélectoral. Il ressort ainsi de l’arrêt Neubauer qu’un syndicat signataire de ce protocole qui a présenté des candidats sans réserve n’est pas recevable, postérieurement aux élections, à contester ce chiffre pour légitimer les candidats qu’il a présentés.

Radicale, la solution ne s’expliquerait-elle pas par la volonté des magistrats de garantir en l’occurrence la mixité ? Si l’on suit en effet le raisonnement de la Cour de cassation jusqu’au bout, la CGT aurait donc dû présenter deux candidatures masculines et une candidature féminine en application du protocole préélectoral. Toutefois, faire reposer la mixité sur une erreur de calcul demeure contestable. La solution pourrait alors s’expliquer autrement, à savoir par la volonté des juges de ne pas remettre en cause ce protocole. Reste à savoir si, par un raisonnement a contrario, un salarié ou un syndicat non signataire peut contester la proportion de femmes et d’hommes inscrite dans le protocole préélectoral.

Mise en œuvre de la règle de l’arrondi : entre représentation équilibrée et parité

Prenant position pour la première fois sur la nature des dispositions de l’article L. 2314-30 du code du travail, la chambre sociale prend soin d’indiquer que les dispositions de cet article sont d’ordre public absolu (arrêts Locanor, pourvoi n° 18-23.513 ; Faurecia, pourvoi n° 18-26.568 ; Fiducial, pourvoi n° 19-10.826 ; Triverio, pourvoi n° 19-10.855). Elle confirme par là même que le droit électoral est l’un des domaines de prédilection de cet ordre public. Ainsi, si la négociation du protocole d’accord préélectoral est décisive en ce qu’elle permet de fixer le nombre de sièges à pourvoir mais aussi la répartition des salariés dans les collèges électoraux, elle ne peut déroger à la règle de répartition équilibrée des hommes et des femmes, y compris afin d’assurer une meilleure représentation du sexe sous-représenté (arrêts Faurecia et Triverio).

Cette règle de répartition équilibrée oblige à s’adonner à des calculs qui n’aboutissent pas nécessairement à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes. Aussi, le législateur a prévu dans cette configuration qu’il convient de procéder à un arrondi arithmétique à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ou à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 (C. trav., art. L. 2314-30). Les arrêts rendus par la Cour de cassation permettent d’illustrer ces deux configurations. Leur lecture conduit par ailleurs à distinguer selon que le nombre de sièges à pourvoir est égal ou supérieur à deux.

Nombre de sièges à pourvoir égal à deux

Dans l’arrêt Locanor, deux postes étaient à pourvoir dans le cadre des élections des membres de la délégation du personnel du CSE. La proportion de femmes et d’hommes était respectivement de 30,46 % et de 69,54 %. La mise en œuvre de la règle de calcul aboutissait à une décimale supérieure à 5 s’agissant des femmes (2 x 30,46/100 = 0,6092, arrondi à l’entier supérieur, c’est-à-dire 1). La chambre sociale en a conclu que c’était à bon droit que le tribunal d’instance avait considéré qu’il convenait d’attribuer un poste à une femme. Or le syndicat CFDT concerné n’avait présenté qu’un seul candidat, un homme. À l’appui de son pourvoi, le syndicat faisait notamment valoir qu’une liste pouvait comporter un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges à pourvoir. L’argument était voué à l’échec rapporté à la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, depuis un arrêt du 9 mai 2018, la chambre sociale a instauré l’obligation pour toute organisation syndicale, dans l’hypothèse où deux sièges sont à pourvoir, de présenter une liste « comportant nécessairement une femme et un homme, ce dernier au titre du sexe sous-représenté dans le collège considéré » (Soc. 9 mai 2018, n° 17-14.088, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. Actu. 1018  ; ibid. 1706, obs. N. Sabotier  ; Dr. soc. 2018. 921, note F. Petit  ; RJS 7/2018, n° 491 ; JSL 2018, n° 456-1 ; JCP S 2018. 1219, obs. B. Bossu). Or telle était la configuration de la société Locanor. Dans ce cas, la parité est bel et bien imposée.

Dans l’arrêt Faurecia, les femmes représentaient 11 % des effectifs d’un collège électoral. Là encore, deux sièges étaient à pourvoir. La mise en œuvre de la règle de calcul aboutissait toutefois à une décimale inférieure à 5 (2 x 11/100 = 0,22, arrondi à l’entier inférieur, c’est-à-dire 0). Le syndicat CGT de l’entreprise n’a présenté dans ce collège qu’un candidat masculin. La société a alors saisi, avec succès, le tribunal d’instance afin que la liste ainsi présentée soit déclarée irrégulière. Au nom des principes constitutionnels de liberté syndicale et de parité, la juridiction du fond avait estimé qu’en cas de pluralité de candidats, les syndicats ne pouvaient pas présenter de liste avec une candidature unique. Cependant, la chambre sociale casse le jugement en indiquant qu’en cas de décimale inférieure à 5, le syndicat se voit offrir pas moins de trois possibilités. Les deux premières possibilités découlent de l’article L. 2314-30 du code du travail. Celui-ci prévoit que, lorsque l’application de la règle de la décimale conduit à exclure totalement la représentation d’un sexe, les listes de candidats peuvent comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Cette simple faculté a été mise en place par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 2018 (Cons. const. 19 janv. 2018, n° 2017-686 QPC, D. 2018. 119 ; Constitutions 2018. 183, Décision  ; sur la conformité constitutionnelle de la représentativité proportionnée aux élections professionnelles, Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 15 mars 2018). On en déduit que le syndicat peut soit présenter un candidat de chaque sexe, étant précisé que le candidat du sexe sous-représenté ne pourra être tête de liste, soit présenter deux candidats du sexe surreprésenté. Toutefois, la chambre sociale va plus loin en aménageant une troisième possibilité, ce qui constitue une nouveauté. Désormais, il est admis dans cette configuration, qu’un syndicat puisse présenter un candidat unique du sexe surreprésenté. La Cour de cassation déroge ainsi à sa jurisprudence antérieure dans les situations où l’application de la règle de la décimale est susceptible d’aboutir, de toute façon, à l’absence de représentation du sexe sous-représenté.

Pareille exception à la présence sur les listes d’au moins un candidat de chaque sexe n’est applicable que lorsque l’absence de représentation d’un sexe résulte de la mise en œuvre des règles de proportionnalité et d’arrondi au regard du nombre légal de sièges à pourvoir. En revanche, l’exception ne vaut donc pas lorsque la représentation d’un sexe passe sous le seuil de 0,5, non pas dès l’origine mais lors du calcul opéré a posteriori pour la composition d’une liste incomplète (arrêt Fiducial).

Nombre de sièges à pourvoir supérieur à deux

Dans l’arrêt Fiducial, le protocole d’accord préélectoral prévoyait concernant le premier collège quatre sièges de titulaires à pourvoir dans le cadre de la mise en place du CSE. Le corps électoral se composait de 85 % de femmes ainsi que de 15 % d’hommes. Les organisations syndicales étaient donc tenues de présenter une liste respectant la proportion de la part des hommes et des femmes dans le collège considéré. Au cas d’espèce, cela aurait dû entraîner la désignation d’un candidat de sexe masculin (4 x 15/100 = 0,6 arrondi à 1) et de trois candidates de sexe féminin (4 x 85/100 = 3,4 arrondis à 3). Cependant, le syndicat CFTC avait fait le choix de présenter une liste composée d’uniquement deux candidates, autrement dit ne comportant pas autant de candidats que de postes à pourvoir. Le tribunal d’instance saisi par la société Fiducial a décidé d’annuler l’élection de la deuxième élue du syndicat CFTC. Devant la Cour de cassation, ce dernier faisait néanmoins valoir dans l’un des moyens du pourvoi son droit de présenter des listes de candidats incomplètes. Sans dénier un tel droit, la chambre sociale précise toutefois que, dans de telles circonstances, « l’application de la règle de l’arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 provoquée par le nombre de candidats que l’organisation syndicale a choisi de présenter ne peut conduire, s’agissant de textes d’ordre public absolu, à éliminer toute représentation du sexe sous-représenté qui aurait été autrement représenté dans une liste comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir ». Autrement dit, la chambre sociale applique ici la règle de l’arrondi non pas au regard du nombre de sièges à pourvoir mais bien au regard du nombre de candidats présentés sur la liste syndicale (Soc. 17 avr. 2019, nº 17-26.724 P, D. 2019. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta  ; SSL 2019, n° 1863, p. 13, obs. M. Caro ; JSL 2019, n° 477-4, obs. Pacotte et Margerin ; JCP S 2019. 1191, obs. Y. Pagnerre). Or l’application de la règle de l’arrondi en fonction du nombre de candidats présentés (deux) sur une liste incomplète (pour les hommes, 2 x 15/100 = 0,30, soit une décimale inférieure à 5) et non en fonction du nombre de sièges à pourvoir (quatre) ne doit pas aboutir à exclure la représentation du sexe sous-représenté qui aurait été nécessairement représenté si la liste présentée comportait autant de candidats que de postes à pourvoir. Il convient alors que la liste composée de deux candidats comporte un candidat de l’un et de l’autre sexe. En conséquence, c’est à bon droit que le tribunal d’instance a décidé de l’annulation de la dernière élue du sexe surreprésenté sur la liste CFDT. Ainsi, la chambre sociale fait application d’une règle de parité aussi bien lorsque deux sièges sont à pourvoir (arrêt Locanor) que lorsqu’une liste incomplète comporte deux candidats dans une entreprise où l’application de la règle de représentation équilibrée aurait dû aboutir à une représentation des deux sexes (arrêt Fiducial). De la sorte, elle contre les stratégies syndicales visant à empêcher la représentation du sexe sous-représenté. En cela, cette solution ne peut qu’être saluée.

Dans l’arrêt Triverio, la configuration était différente de celle rencontrée dans l’arrêt Fiducial en ce sens que la règle de l’arrondi au regard du nombre de postes à pourvoir conduisait à ce qu’aucun siège ne soit attribué à une femme. En effet, six sièges devaient être pourvus et la répartition des sexes dans le premier collège était de 96 % d’hommes et de 4 % de femmes (6 x 4/100 = 0,24, arrondi à l’entier inférieur, soit 0). Dans ce cas, l’article L. 2314-30, dont les dispositions sont d’ordre public absolu, n’offre qu’une faculté à ceux qui constituent les listes de candidats. Ces dernières peuvent comporter un candidat du sexe sous-représenté mais « sans que les organisations syndicales y soient tenues ».

Office du juge en cas de composition irrégulière des listes de candidats

S’agissant des contestations relatives à la composition des listes de candidats, les arrêts Faurecia et Vente-Privée logistique (pourvoi n° 19-12.596) apportent plusieurs précisions utiles. Tandis que le premier ouvre la voie à un contentieux préélectoral en cas de méconnaissance de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes, le second oblige le juge à tenir compte des règles relatives aux ratures dans le contentieux postélectoral en cas de non-respect de la règle de l’alternance.

Faculté de saisir le juge en amont du scrutin à des fins de régularisation de la liste de candidats

Outre l’admission de candidatures uniques sous certaines conditions, l’arrêt Faurecia innove en admettant que les contestations portant sur la composition d’une liste syndicale puissent être effectuées avant le déroulement des élections. Alors même qu’une saisine du juge antérieurement à l’élection n’est pas prévue par la loi, la chambre sociale ouvre pourtant la voie à un contentieux préélectoral en cas de méconnaissance par le syndicat de son obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes (C. trav., art. L. 2314-30, al. 1er, 1re phrase). En effet, jusqu’à présent, seul un recours postélectoral pouvait être envisagé en vertu de l’article L. 2314-32 du code du travail. Dans le commentaire joint à l’arrêt Faurecia, la haute juridiction explique pourtant que « les recours préélectoraux sont, de manière générale, admis par la jurisprudence même lorsque la loi ne les évoque pas expressément. La raison en est pratique : s’il est possible, par une décision préélectorale, de résoudre un litige et permettre le cas échéant de régulariser préventivement une difficulté, cette procédure est préférable à celle qui, engagée après les élections, ne peut conduire qu’à l’annulation de ces dernières » (Lettre de la chambre sociale, déc. 2019).

Allant plus loin, la chambre sociale précise les pouvoirs du juge saisi en amont de l’élection pour irrégularité de la liste de candidats. Il résulte ainsi de l’arrêt Faurecia que le juge peut déclarer la liste de candidats irrégulière et reporter la date de l’élection après régularisation de celle-ci mais, à condition toutefois de statuer avant la tenue du scrutin. En effet, la saisine du juge n’ayant pas pour effet de suspendre les élections professionnelles, il se pourrait que le tribunal saisi avant l’élection statue postérieurement à cette dernière. Dans ce cas, le juge ne peut plus reporter la date de l’élection pour permettre la régularisation. Il peut en revanche faire usage de la sanction de l’annulation de l’élection des candidats concernés, dont il dispose dans le cadre d’un litige postélectoral (Soc. 17 avr. 2019, préc.) En l’occurrence, l’arrêt Faurecia rappelle que le tribunal pourra seulement annuler l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part d’hommes et de femmes que celle-ci devait respecter. Plus précisément, le juge devra dans ce cas, annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats.

La prise en compte des ratures dans le contentieux postélectoral

Par l’arrêt Vente-Privée logistique, la chambre sociale précise enfin que pour l’application de la règle de l’alternance des candidats de chaque sexe sur la liste syndicale, le juge doit tenir compte de l’ordre des élus tel qu’il résulte le cas échéant de l’application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés. À cet égard, la chambre sociale rappelle l’article L. 2314-29 du code du travail aux termes duquel, lorsque le nom d’un candidat a été raturé, les ratures ne sont pas prises en compte si leur nombre est inférieur à 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste sur laquelle figure ce candidat. Dans ce cas, les candidats sont proclamés élus dans l’ordre de présentation.

En l’espèce, le syndicat CFTC avait présenté une liste de quatre candidats dans l’ordre suivant : une candidature féminine, deux masculines et une dernière, féminine. À l’évidence, cette liste ne respectait pas l’obligation d’alternance entre les candidats de chaque sexe. Toutefois, le syndicat se défendait en faisant valoir qu’à l’issue des élections ont bien été élus deux candidats de chaque sexe : Mme L…, placée en première position sur la liste de candidats et M. S…, figurant en troisième position sur cette même liste dans l’ordre des élus après prise en compte des ratures ayant exclu M. C…, placé en deuxième position.

Ce résultat pouvait-il régulariser une liste qui ne respectait pas, en amont de l’élection, la règle de l’alternance ? À cette question, la Cour de cassation répond, en l’occurrence, par la négative. Par conséquent, il y a de fortes chances que la juridiction de renvoi annule l’élection du candidat placé en troisième position mais élu en second du fait de l’application des règles relatives aux ratures. La candidate Mme M…, placée sur la liste en quatrième position, aurait donc dû figurer en troisième, et ce quand bien même l’application de la règle des ratures aurait pu entraîner l’élection de deux candidats du même sexe. Aussi, il ressort de l’arrêt Vente-Privée logistique que la légitimité électorale l’emporte sur l’objectif de parité.

Il convient toutefois de souligner que la réponse à la question posée aurait pu être différente dans un autre cas de figure. Par exemple, il a déjà été jugé qu’il n’y a pas lieu à annulation lorsque la liste, qui ne respecte pas la règle de l’alternance, comporte néanmoins la bonne proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats sont finalement élus (Soc. 9 mai 2018, n° 17-60.133 P, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. Actu. 1018  ; RJS 7/2018, n° 491 ; Lexbase Hebdo, éd. soc., 2018, n° 743, note G. Auzero ; 6 juin 2018, n° 17-60.263 P, D. 2018. Actu. 1261  ; RJS 8-9/2018, n° 553 ; JCP S 2018. 1248, obs. B. Bossu) Or tel n’était pas le cas dans l’arrêt Vente-Privée logistique, puisque Mme M…, placée en quatrième position, n’a pas été élue.

Rendus à la suite de l’examen en audience thématique de nombreux dossiers portant sur la mise en œuvre des dispositions des articles L. 2314-30 et L. 2314-32 du code du travail (sur cette pratique, v. Lettre de la chambre sociale, déc. 2019, préc.), les arrêts du 11 décembre 2019 ont le mérite de donner des réponses plus lisibles et cohérentes en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes lors des élections professionnelles. Ces éclaircissements sont indispensables dès lors que de nombreuses entreprises sont engagées dans le nouveau processus électoral régi par les dispositions de l’ordonnance du 22 septembre 2017.

Auteur d'origine: Dechriste

La question du périmètre de désignation des établissements distincts se révèle centrale en ce qu’elle conditionne la physionomie des institutions représentatives du personnel dans une entreprise. Aussi la naissance du Comité social et économique (CSE) a-t-elle été l’occasion pour le législateur de redéfinir les règles inhérentes à l’identification de ces périmètres, qui étaient jusqu’alors essentiellement jurisprudentielles. En l’absence d’accord collectif définissant ceux-ci, l’employeur devra en fixer le nombre et le périmètre, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement notamment en matière de gestion du personnel. Mais comment apprécier cette autonomie de gestion et comment s’opère désormais le contrôle de cette répartition unilatérale ? Les éléments de réponse se trouveront dans les premières interprétations jurisprudentielles de l’article L. 2313-4 du code du travail. Et c’est précisément sur ce terrain que se situent les enseignements de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 décembre présentement commenté.

En l’espèce, à la suite d’une négociation infructueuse destinée à mettre en place un ou plusieurs comités sociaux et économiques, l’employeur avait décidé unilatéralement de la mise en place de trois CSE dans l’entreprise, correspondant aux trois secteurs d’activité existant en son sein. Trois organisations syndicales ont contesté la décision auprès de l’administration du travail. Le DIRECCTE a, à la suite de cette saisine, fixé à 24 le nombre de CSE à mettre en place.

En réponse, l’employeur a formé un recours auprès du tribunal d’instance afin de ramener le nombre d’établissements distincts pour la mise en place du CSE à 3 et,...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Imaginons une « photo d’entreprise » ou un organigramme où, au lieu d’organiser les individus selon leur taille comme on peut le faire sur une photo de classe, on les organiserait selon leur positionnement dans l’entreprise (métier, niveau de responsabilité, rémunération). Une telle présentation des effectifs ne manquerait pas, dans certains secteurs, de faire apparaître une répartition genrée et ethnique des emplois et de matérialiser le « plafond » et les « parois » de verre qui limitent l’accès de certaines catégories de personnes à certains emplois. On verrait probablement que les femmes sont rares en « haut » de l’organigramme et que, dans certains secteurs (le nettoyage, le BTP), bas de la pyramide est principalement composé de personnes d’origines étrangères. Cette situation que l’on perçoit à l’œil nu est paradoxalement difficile à saisir par le droit en l’absence de statistiques permettant de transcrire cette réalité (la mesure est obligatoire pour le genre mais interdite pour l’origine « ethnique »). Elle est aussi compliquée à expliquer en raison des facteurs multiples qui ont pu conduire à une telle répartition des emplois. Les notions de discriminations directe et indirecte ne suffisent pas toujours à saisir la complexité des inégalités. Une autre notion en revanche permet d’appréhender le caractère plurifactoriel de ces situations : la discrimination systémique. Cette notion est, pour la première fois, à notre connaissance, employée en France dans le cadre d’un contentieux prud’homal ayant donné lieu à un jugement le 17 décembre 2019 du conseil de prud’hommes de Paris.

Dans cette affaire étaient en cause plusieurs entreprises du BTP (la filiale D de la société B ayant sous-traité le curage des bâtiments à la société Y) employant illégalement sur un même chantier vingt-cinq travailleurs d’origine malienne. Tous ces travailleurs, non déclarés, étaient affectés aux emplois les moins rémunérés mais aussi les plus difficiles et dangereux du chantier, dans des conditions où leur santé et leur sécurité n’étaient pas garanties par l’employeur (Y). À la suite de deux accidents du travail, l’inspection du travail ainsi que l’URSSAF sont intervenues. Un rapport de trois cents pages de l’inspection du travail détaille les irrégularités constatées : travail dissimulé, emploi de travailleurs dépourvus d’autorisation de travail, non-respect des règles de sécurité, etc. Des éléments suggérant l’existence d’une discrimination sont repérés par l’inspection du travail, mis en lumière par le Défenseur des droits intervenant à l’instance (décis. n° 2019-108, 19 avr. 2019) et finalement admis par le conseil de prud’hommes sous la qualification de « discrimination raciale et systémique ».

Le procédé ayant conduit à l’admission de cette « discrimination raciale et systémique » est un peu différent de ceux permettant de qualifier une discrimination directe ou indirecte.

Les conseillers prud’homaux rappellent tout d’abord l’ampleur de ce « système », à l’aide de l’ensemble des manquements relevés par l’inspection du travail, dans l’optique de démontrer l’« indignité » des conditions de travail : absence d’équipement de sécurité, non-respect des règles concernant les garde-corps sur les échafaudages utilisés, absence de salarié formé à la sécurité sur le chantier et pouvant contrôler les équipements, absence de suivi médical malgré l’inhalation de poussières nocives, etc., mais également à l’aide des témoignages consignés par l’inspection (par ex. : interdiction faite aux salariés de s’entraider ou de sécuriser leurs collègues).

Le conseil de prud’hommes s’appuie ensuite sur la décision n° 2019-108 du 19 avril 2019 du Défenseur des droits qui rappelle les nombreux fondements internationaux et nationaux de l’interdiction des discriminations et donne des définitions doctrinales et comparatistes de ce qu’est une « discrimination systémique ». On y retrouve par exemple un extrait du rapport sur les discriminations remis au ministère de la justice par Laurence Pécaud-Rivolier qui retient que c’est une « discrimination qui relève d’un système, c’est-à-dire d’un ordre établi provenant de pratiques, volontaires ou non, neutres en apparence, mais qui donne lieu à des écarts de rémunération ou d’évolution de carrière entre une catégorie de personnes et une autre… Cette discrimination systémique conjugue quatre facteurs : les stéréotypes et préjugés sociaux, la ségrégation professionnelle dans la répartition des emplois entre catégories, la sous-évaluation de certains emplois, la recherche de la rentabilité économique à court terme. La particularité de la discrimination systémique étant qu’elle n’est pas nécessairement consciente de la part de celui qui l’opère. A fortiori, elle n’est pas nécessairement décelable sans un examen approfondi des situations par catégories ».

Le conseil de prud’hommes reprend ensuite une étude réalisée dans le cadre d’un travail doctoral en sociologie (N. Jounin, Chantier interdit au public, La Découverte, 2009) décrivant et expliquant les causes de la ségrégation raciale constatée lors d’une enquête sur les entreprises du BTP. Ce travail démontre que la répartition des postes se fait non pas sur la base de la compétence ou de l’expérience, mais sur des considérations raciales. L’origine détermine le positionnement dans l’entreprise. À l’appui de sa démonstration, le conseil de prud’hommes remarque donc que « les fonctions de direction – en haut du système pyramidal – étaient quant à elles assurées par Messieurs A et J » et « l’enquête de l’inspection du travail fait apparaître l’existence d’une sorte de hiérarchie intermédiaire entre les travailleurs et la direction de l’entreprise en les personnes de messieurs D, deux frères d’origine maghrébine, représentant l’employeur sur le chantier et chargés de contrôler la bonne exécution des travaux ». On notera que les personnes de la direction sont nommées dans la décision, sans que leur origine ethnique soit précisée, là où toutes les autres sont « racisées ». Cela perturbe (le haut de la pyramide est-il composé d’une origine particulière, ce qui démontrerait l’organisation raciale de l’entreprise ?) mais aussi conforte la démonstration du caractère systémique de l’organisation (les conseillers, bien que tentant de démontrer l’existence d’une hiérarchie raciale, ne jugent pas nécessaire de préciser celle des dirigeants et font un usage sélectif – et probablement involontaire – des majuscules pour désigner ces « Messieurs »).

Ce phénomène de regroupement sur la base de la nationalité n’est cependant pas du seul fait de l’employeur, comme le remarque le sociologue Nicolas Jounin, il résulte aussi du contexte (postcolonial, puis des politiques migratoires) et des travailleurs qui, par cooptation, favorisent le recrutement de leur connaissance – bien souvent – de la même ethnie, origine ou famille qu’eux. Cette endogamie favorise les comportements racistes visant à nier les individualités : ainsi les travailleurs n’ont plus d’autres noms pour les employeurs et supérieurs hiérarchiques que « Mamadou ». L’individu étant réduit à son origine, la réification et l’interchangeabilité des travailleurs sont facilitées, de même que leur déshumanisation (refus de porter secours aux travailleurs accidentés).

Se pose cependant la question de savoir ce que cette notion de discrimination systémique permet de plus que les notions de discriminations directes et surtout indirectes. Au premier abord, il est difficile de voir l’intérêt réel de la notion. Le conseil de prud’hommes tente de l’expliquer à l’aide du travail de M. Jounin. La discrimination systémique permettrait selon lui de contourner plusieurs difficultés :

sur un chantier, il peut y avoir plusieurs entreprises et donc plusieurs employeurs (mais cet aspect n’est pas ici exploité) ;
 les méthodes de comparaison statistiques classiques sont inutilisables dans ce contexte du fait de l’absence de déclaration des travailleurs ;
 et, enfin, la comparaison est rendue délicate du fait de l’absence de travailleurs exerçant les mêmes fonctions.

Sur ce dernier point, les juges ont admis de longue date que la recherche de l’existence d’une discrimination directe ou indirecte n’implique pas nécessairement de procéder à une comparaison avec la situation d’autres salariés (Soc. 10 nov. 2009, n° 07-42.849, Dalloz actualité, 23 nov. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 2857 , obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 672, obs. O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, A. Fabre, I. Odoul-Asorey, T. Pasquier et G. Borenfreund ; Dr. soc. 2010. 111, obs. C. Radé ; RJS 2010, p. 14, n° 6 ; Dr. ouvrier 2010. 208, obs. Ferrer). Cependant, en l’absence de données statistiques, cette jurisprudence est difficile à concilier avec la présomption (Soc. 27 janv. 2015, nos 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773 [3 arrêts], Dalloz actualité, 6 févr. 2015, obs. M. Peyronnet ; D. 2015. 270, obs. C. C. cass. ; ibid. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; ibid. 2340, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2015. 237, étude A. Fabre ; ibid. 351, étude P.-H. Antonmattei ; RDT 2015. 339, obs. E. Peskine ; ibid. 472, obs. G. Pignarre ; SSL 2015, n° 1663, p. 7, obs. L. Pécaut-Rivolier ; RJS 3/2015, n° 172) qui existe encore (Soc. 3 avr. 2019, n° 17-11.970, Dalloz actualité, 11 avr. 2019, obs. M. Peyronnet ; D. 2019. 766 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ; Dr. soc. 2019. 447, étude C. Radé ; ibid. 559, étude J.-E. Ray ; RDT 2019. 498, obs. P. E. Berthier ; ibid. 578, obs. F. Rosa ; RJS 6/2019, n° 338, avis Berriat, p. 431 ; Dr. ouvrier 2019. 489, note Ferkane ; SSL 2019, n° 1858, p. 8, obs. O. Dutheillet de Lamothe ; JSL 2019, n° 476-1, obs. Hautefort ; JCP S 2019. 1134, obs. Loiseau ; ibid. 1135, obs. Cavallini) en matière d’égalité de traitement et permet de justifier que des travailleurs occupant des fonctions différentes soient traités différemment. La discrimination systémique permet de contourner cette difficulté en prenant pour point d’appui la situation d’un groupe identifié dans l’entreprise et non le traitement différent dont on peine à trouver le comparateur adéquat).

Comme le relève la décision du Défenseur des droits, ces traitements discriminatoires « ont été rendus possibles par une certaine hiérarchisation des fonctions ». Les notions de discrimination directe et indirecte étaient suffisantes sur le plan individuel pour que les travailleurs obtiennent satisfaction, mais elles ne permettaient pas de saisir l’ampleur de la discrimination subie. En démontrant que les travailleurs maliens étaient relégués en raison de leur origine et de la précarité induite par leur situation administrative (sur ce point, v. la discrimination multiple et indirecte retenue dans un cas similaire, mais individuel, Soc. 3 nov. 2011, n° 10-20.765, inédit mais cité par M. Mercat-Bruns in Le jeu des discriminations multiples, RDT 2013. 254 ) aux tâches les plus difficiles et dangereuses, ce que la discrimination systémique permet ici de démontrer, c’est l’existence d’une discrimination à l’embauche par le cloisonnement des individus à une catégorie d’emploi et non seulement dans le traitement infligé aux travailleurs après celle-ci. Ces travailleurs ne sont embauchés à aucun autre poste dans l’entreprise et n’évoluent pas. Si l’idée de ce cloisonnement existe depuis plusieurs années dans la jurisprudence française, c’est la première fois que les termes de « discrimination systémique » sont clairement employés (à l’inverse, la notion est courante dans la jurisprudence européenne, v. M. Mercat-Bruns, La discrimination systémique : peut-on repenser les outils de la non-discrimination en Europe ?, Rev. dr. homme).

Par ailleurs, l’ensemble des travailleurs maliens ont bénéficié de cette reconnaissance de la discrimination systémique. Une seule et même démonstration (s’appuyant sur un travail doctrinal et des enquêtes de l’inspection du travail, du Défenseur des droits et des syndicats) a permis la reconnaissance d’une discrimination qui est ici collective. La notion semble donc particulièrement adaptée à une action collective sur le fondement des articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail (mais les délais de ces actions sont incompatibles avec l’urgence sanitaire et sécuritaire de la situation). Le contentieux de l’espèce aurait sûrement pu relever des qualifications de discriminations directes (v. sur la discrimination consistant à modifier le prénom d’un salarié, Soc. 10 nov. 2009, n° 08-42.286, R. p. 345 ; D. 2009. 2857 , obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 672, obs. O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, A. Fabre, I. Odoul-Asorey, T. Pasquier et G. Borenfreund ; RDT 2010. 169, obs. T. Aubert-Monpeyssen ; RTD civ. 2010. 75, obs. J. Hauser ; RJS 2010. 14, n° 4 ; SSL 2009, n° 1422, p. 12) ou indirectes (traitement différent des travailleurs de ce chantier par rapport aux autres). La discrimination systémique, notamment parce qu’elle permet de saisir le cloisonnement professionnel, serait plus intéressante à mobiliser dans un contentieux contre l’État (par ex., telle population de tel territoire a moins de chance d’obtenir un emploi qualifié car elle ne bénéficie pas d’une éducation suffisante en raison du non-remplacement des professeurs absents qui font chuter les notes au bac et ne permettent pas d’entrer dans le supérieur…). Ce type de contentieux viserait moins à obtenir réparation qu’à contraindre l’État à adopter des mesures de correction. Or, en l’espèce, c’est clairement la réparation qui est recherchée et va être obtenue sur le plan collectif par l’addition des réparations individuelles.

Pour sanctionner cette discrimination systémique, les conseillers octroient au travailleur, à titre de dommages et intérêts, une somme équivalente à douze mois de salaire. Cette somme est ici déconnectée du préjudice résultant de la rupture. Ce montant vient réparer le préjudice résultant du cloisonnement professionnel dès l’embauche et des conditions de travail auxquelles les salariés étaient injustement et illégalement soumis. La prise d’acte de la rupture réalisée par le salarié est motivée par ces manquements de l’employeur, il est donc intéressant de vérifier l’impact de cette reconnaissance d’une discrimination sur la rupture de la relation de travail.

À ce titre, on déplore que la prise d’acte n’ait pas été requalifiée en licenciement nul, compte tenu de la nature discriminatoire des actes qui l’ont motivée et alors même qu’une telle nullité aurait été possible et avait été demandée. Mais il n’est pas rare que les conseils de prud’hommes soient plus réticents à prononcer la nullité d’un licenciement que ne le sont les magistrats en appel (ou les juges départiteurs) et privilégient la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L’absence de réponse des juges sur la demande de nullité formulée par le salarié entraîne toutefois de lourdes conséquences sur le plan indemnitaire, notamment au regard de l’application du barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. L’article L. 1235-3-2 a expressément prévu l’hypothèse où « la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l’employeur ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article L. 1451-1 ». Dans ces cas, « le montant de l’indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l’article L. 1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d’un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1° à 6° de l’article L. 1235-3-1, pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même article L. 1235-3-1 ». Or l’absence de reconnaissance de cette nullité (malgré l’existence d’un motif de nullité) a conduit le conseil de prud’hommes de Paris à appliquer le barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse à la rupture en octroyant un mois de salaire en raison de l’ancienneté inférieure à un an des travailleurs. Ce qui est contradictoire avec l’article L. 1235-3-1, qui prévoit que « l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article », à savoir, pour le cas d’espèce, « 1° la violation d’une liberté fondamentale » ou bien « 3° un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ». Le barème n’étant pas applicable « lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».

Si l’on en croit le conseil de prud’hommes de Paris, pour que le barème d’indemnisation soit écarté, il ne lui suffit pas de qualifier la nature discriminatoire des manquements, il doit aussi effectivement prononcer la nullité. Le seul fait de se trouver dans un cas ouvrant droit à la nullité ne suffit pas à écarter le barème, il faut que cette nullité soit effectivement prononcée. Outre le fait que la nullité des décisions fondées sur un motif discriminatoire est d’ordre public, on ne saurait admettre que la réparation octroyée au titre de la discrimination soit de nature à éliminer le bénéfice de l’article L. 1235-3-1. En effet, si un salarié fait une prise d’acte en raison du non-paiement de ses salaires, la prise d’acte pourra donner lieu à l’indemnisation pour l’absence de cause réelle et sérieuse mais le salarié pourra tout de même récupérer les salaires non versés. Pourquoi en serait-il autrement en matière de discrimination ? La réparation de la discrimination subie dans l’exécution du contrat ne devrait pas conduire à oublier la nature discriminatoire de sa rupture.

Si appel il y a, les suites de cette affaire devront donc être suivies de près car la confirmation ou l’infirmation de cette décision ne manqueront pas d’apporter quelques précieux éclaircissements à la notion de discrimination systémique, mais également au regard de l’« adéquation » de la réparation du préjudice lorsque l’absence de reconnaissance effective de la nullité conduit à l’application du barème malgré l’existence de faits discriminatoires.

Auteur d'origine: peyronnet

Destiné à une large publication, l’arrêt du 27 novembre 2019 opère un revirement partiel de jurisprudence en précisant que dans l’hypothèse où le juge judiciaire est saisi par un employeur d’une demande en inopposabilité d’un accord professionnel étendu, il ne doit en aucun cas vérifier que l’employeur, compris dans le champ d’application professionnel et territorial de cet accord en est signataire ou relève d’une organisation patronale représentative dans le champ de l’accord et signataire de celui-ci. L’arrêt précise également que le juge judiciaire ne peut pas non plus vérifier la représentativité des organisations syndicales signataires relevant du secteur de l’accord.

En l’espèce, la solution est rendue à l’occasion d’un litige sur le champ d’application d’un avenant à la convention collective nationale des bureaux d’étude. Pour rappel, les fédérations patronales Syntec et Cinov d’une part, et les organisations syndicales F3C CFDT, FIECI CFE-CGC, FO, CFTC/CSFV et CGT d’autre part, avaient conclu le 28 octobre 2009 un avenant nº 37 à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987. Prévoyant notamment l’intégration, dans le champ d’application de ladite convention, des activités d’analyses, essais et inspections techniques, cet avenant nº 37 avait fait l’objet d’un arrêté d’extension du 17 mai 2010 (JO 22 mai). Rappelons que cette technique permet de rendre obligatoire l’application de l’accord de branche à toutes les entreprises relevant de son champ d’application professionnel et géographique, peu important qu’elles aient adhéré ou non à une organisation patronale signataire ou adhérente (C. trav., art. L. 2261-15). Malgré le recours à l’extension, la cour d’appel avait en l’espèce satisfait aux demandes en inopposabilité émanant de trois entreprises de l’avenant n° 37 et ce, au motif qu’elles n’étaient pas adhérentes aux organisations patronales signataires et qu’aucune...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Il est bien acquis que le salarié dispose de douze mois, à partir de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, pour contester la procédure de licenciement préalable à l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), la rupture de son contrat de travail ou son motif (Soc. 17 déc. 2013, n° 12-23.726, D. 2014. 23 ; Soc. 17 mars 2015, n° 13-26.941, D. 2015. 736 ; RDT 2015. 328, obs. A. Fabre ). Toutefois, ce délai restreint ne lui est opposable que s’il en a été fait mention dans la proposition de CSP (C. trav., art. L. 1233-67). Mais qu’en est-il lorsque ce délai n’est pas mentionné expressément et directement dans la proposition de CSP, mais dans un document annexe ? C’est précisément autour de cette question que s’est cristallisé le raisonnement ayant donné lieu l’arrêt du 11 décembre 2019 présentement commenté.

En l’espèce, une cadre commerciale a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement économique, à la suite duquel elle reçut une lettre lui présentant les motifs économiques de la rupture et lui proposant un contrat de sécurisation professionnelle, qu’elle accepta deux semaines plus tard. L’employeur lui notifia de nouveau et quelques jours après les motifs de la rupture, en précisant qu’elle disposait d’un délai d’un an pour contester celle-ci. La salariée saisit les...

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Auteur d'origine: Dechriste

C’est une majorité mais on ne peut pas non plus parler d’un raz-de-marée. Sur cinquante-sept décisions de conseil de prud’hommes qui ont statué sur la validité du barème Macron, trente-deux ont écarté le dispositif, contre vingt-deux jugements qui l’ont validé. Ce qui revient environ à 38 % des décisions dans le sens du barème. La formation de départage de Louviers avait, dans trois jugements rendus dans la période, sursis à statuer avant l’avis de la Cour de cassation.

55 % des prud’hommes contre le barème sous présidence salariée

De même, la composition du tribunal a-t-elle joué un rôle déterminant ? Pas si sûr. Les chiffres montrent que, sur les vingt-deux jugements listés en faveur du barème, onze ont été rendus avec une présidence « employeur ». Soit 50 %. Cinq d’entre eux étaient en départage, soit rendus par un juge professionnel. Enfin, six conseils prud’homaux avaient un...

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Auteur d'origine: tcoustet
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La seule absence de réalisation d’un risque permet-elle de déduire que l’employeur a pris toutes les mesures propres à prévenir ce risque ? La Cour de cassation répond par la négative dans un arrêt du 27 novembre 2019, en rappelant la distinction à établir, en droit du travail, entre prévention des risques suspectés et réparation du risque réalisé.

Une salariée qui, durant un arrêt de travail pour maladie, avait alerté son entreprise sur des problèmes de santé liés au travail et s’était plainte d’un harcèlement moral qu’elle subissait de la part de sa supérieure hiérarchique a été plus tard licenciée pour insuffisance professionnelle. Elle a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir déclarer nul le licenciement faisant suite à sa dénonciation d’un harcèlement moral et de condamner la société au paiement de diverses sommes, notamment pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité. La cour d’appel de Paris, le 15 novembre 2017, tout en déclarant nul le licenciement de la salariée, l’a déboutée de ses demandes en dommages-intérêts. Elle considérait notamment que le manquement à l’obligation de sécurité ne pouvait être retenu dès lors que les faits litigieux n’avaient pas reçu la qualification de harcèlement moral. Pour écarter cette qualification, elle avait constaté que la salariée démontrait avoir alerté son employeur sur des faits de harcèlement moral, sans toutefois établir la réalité des agissements reprochés. La salariée a formé un pourvoi en cassation, reprochant notamment aux juges du fond de ne pas avoir tenu compte du fait que l’employeur n’avait organisé aucune enquête interne alors qu’il était avisé de faits éventuels de harcèlement.

Tout en rappelant le pouvoir souverain d’appréciation par les juges du fond des éléments de fait et preuve en matière de harcèlement moral (Soc. 8 juin 2016, n° 14-13.418, Dalloz actualité, 21 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1257 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; JA 2016, n° 546, p. 12, obs. X. Aumeran ; JT 2016, n° 190, p. 15, obs. X. Aumeran ), la chambre sociale casse la décision d’appel en ce qu’elle déboutait la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

L’autonomie des dispositions légales relatives au harcèlement moral vis-à-vis de celles portant sur l’obligation de sécurité de l’employeur n’est pas nouvelle. Un salarié victime de harcèlement moral peut, en effet, demander la réparation du préjudice subi, d’une part, de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement et, d’autre part, des conséquences du harcèlement effectivement subi (Soc. 19...

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Auteur d'origine: Dechriste

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Aux lecteurs assidus mais malgré tout très occupés, il est peut-être temps de rattraper des articles mis de côté.

Et nous vous donnons rendez-vous le lundi 6 janvier 2020. Merci de votre fidélité et joyeuses fêtes. 

Auteur d'origine: babonneau
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La recevabilité d’une action en contestation d’une décision de l’inspecteur du travail qui autorise ou refuse le licenciement d’un salarié protégé est une question technique, impliquant d’avoir bien identifié les différents éléments qui conditionnent l’opposabilité du délai de recours (contenu et date de la notification, point de départ, durée, date et forme d’introduction de la requête, etc.). Ces questions avaient déjà fait l’objet de précisions en jurisprudence (v. en part. CE 7 déc. 2015, n° 387872, Lebon ; AJDA 2015. 2410 ), précisions que vient nous confirmer l’arrêt du 18 novembre 2019 rendu par le Conseil d’État.

Une salariée protégée licenciée pour faute a entendu contester la décision de l’inspectrice du travail qui avait autorisé son licenciement. À cette fin, elle saisit en premier lieu le ministre chargé du travail d’un recours hiérarchique. Celui-ci fit l’objet d’un accusé de réception mais demeura toutefois sans réponse expresse, de sorte à faire naître une décision implicite de rejet.

L’intéressée saisit alors la juridiction administrative d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des décisions administratives, le jour même de l’expiration du délai de recours. Or la requête ne comportait l’exposé d’aucun moyen et n’était donc pas proprement motivée. La requérante ne disposant plus du délai utile pour régulariser sa demande, celle-ci se vit rejetée par le tribunal administratif, décision que confirma ensuite la cour administrative d’appel. Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État était amené à se prononcer sur l’opposabilité des délais de recours contre les décisions en matière de licenciement d’un salarié protégé.

Les hauts magistrats vont rejeter le pourvoi, en prenant préalablement le soin de décrire clairement les règles en matière de délais de recours contre les décisions administratives rendues en matière de licenciement de salariés protégés.

Ainsi précisent-ils, sur le fondement des articles R. 421-5 du code de justice administrative et 18 et 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qu’en cette matière, les délais de recours ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l’accusé de réception de la demande l’ayant fait naître si elle est implicite.

Et l’espèce réunissait précisément les deux hypothèses en enchaînant une décision expresse de l’inspectrice du travail et une décision implicite de la ministre du travail saisie sur recours hiérarchique, dont il avait été donné accusé de réception comportant l’ensemble des informations nécessaires concernant les délais de recours.

Pouvait néanmoins se poser la question de savoir si ces règles d’opposabilité ont vocation à s’appliquer au recours hiérarchique auprès du ministre du travail, dans la mesure où celui-ci n’est pas un préalable obligatoire au recours contentieux et n’a pas vocation à se substituer à la décision de l’inspectrice du travail.

Le Conseil d’État dissout l’incertitude sans équivoque en reprécisant que ces conditions d’opposabilités sont également applicables à ce recours hiérarchique.

Dès lors que l’accusé de réception du recours hiérarchique de la salariée protégée répondait aux conditions, l’intéressée disposait donc, pour contester la décision de l’inspectrice du travail, d’un délai de deux mois à compter de la décision implicite de la ministre du travail.

Est-ce à dire que, si l’accusé de réception ne comporte pas les mentions ad hoc concernant les voies et délais de recours, le délai de recours devient indéfiniment inopposable au salarié, qui pourra saisir le tribunal administratif n’importe quand, et éventuellement des années plus tard ? Bien qu’une telle solution semble pouvoir se déduire de l’article R. 421-5 du code de justice administrative, le Conseil d’État a tenu à nuancer cette inopposabilité des délais de recours en l’absence d’information du justiciable au nom du principe de sécurité juridique, en décidant que la saisine devait intervenir dans un délai « raisonnable ». Sauf circonstances particulières ou textes spécifiques, ce délai ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse a été notifiée au requérant ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance (CE 13 juill. 2016, n° 387763, Dalloz actualité, 19 juill. 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon avec les concl.  ; AJDA 2016. 1479 ; ibid. 1629, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; AJFP 2016. 356, et les obs. ; AJCT 2016. 572, obs. M.-C. Rouault ; RDT 2016. 718, obs. L. Crusoé ; RFDA 2016. 927, concl. O. Henrard ; RTD com. 2016. 715, obs. F. Lombard ).

Précisons par ailleurs que, pour que la requête soit recevable, il faut non seulement qu’elle soit déposée avant l’expiration du délai de recours susévoqué, mais aussi et surtout que cette requête contienne l’exposé de moyens ou soit régularisée par dépôt d’un mémoire avant l’expiration du même délai (CJA, art. R. 411-1). C’est précisément ce dernier point qui faisait défaut en l’espèce et qui a justifié l’irrecevabilité de la demande de la salariée.

En somme, le salarié qui entend contester la décision de l’inspecteur du travail autorisant son licenciement pourra exercer un recours hiérarchique et/ou contentieux directement contre cette décision en respectant le délai de recours courant à compter de la notification de cette décision, à condition que celle-ci mentionne les voies et délais de recours. Dans l’éventualité d’un recours hiérarchique, celui-ci devra faire l’objet d’un accusé de réception mentionnant les voies et délais de recours qui lui sont propres pour rendre ceux-ci opposables au salarié. En cas de rejet par le ministre du travail (exprès ou implicite), le délai de recours juridictionnel contre cette décision, indépendant de celui concernant celle de l’inspecteur du travail, court à compter de cette seconde décision (expresse ou implicite).

Enfin et en toute hypothèse, c’est bien une requête régulière, comportant en particulier un exposé des moyens, qui doit intervenir avant expiration des délais afin d’échapper au prononcé de l’irrecevabilité. 

Auteur d'origine: Dechriste

La salariée d’une association créée pour développer l’enseignement confessionnel et comptant plusieurs établissements scolaires adressa un courriel à différents destinataires (dont différents responsables de l’association et l’inspecteur du travail) intitulé « agression sexuelle, harcèlement sexuel et moral » dans lequel elle mettait en cause le vice-président de cette association. Ce dernier la fit citer devant le tribunal correctionnel pour diffamation publique envers un particulier. La salariée fut déclarée coupable, puis la cour d’appel (Paris, 21 nov. 2018) confirma sa condamnation à 500 € d’amende avec sursis. Elle s’est alors pourvue en cassation, contestant la régularité de la citation délivrée par la partie civile au regard de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur le droit de la presse en raison d’une prétendue erreur concernant la date des propos incriminés ainsi que sa condamnation, la salariée estimant qu’elle aurait dû être exonérée de sa responsabilité pénale car elle avait dénoncé des faits de harcèlement dans les conditions prévues aux articles L. 1152-2, L. 1153-3 et L. 4131-1, alinéa 1er, du code du travail.

Sur le respect des conditions posées par l’article 53 de la loi de 1881, la chambre criminelle s’estime en mesure de s’assurer que « la citation comport[ait] la reproduction des passages incriminés et reprochés à [la prévenue], expos[ait] les modalités de leur diffusion en précisant, à deux reprises dans les motifs de l’acte de poursuite et par l’une des pièces qui lui ont été jointes, la date de cette diffusion, les qualifi[ait] et vis[ait] les textes applicables » (sur la citation directe en matière de presse, v. Rép. pén., v° Presse : procédure, par P. Guerder, nos 491 s.). Elle en déduit qu’« il n’existe aucune incertitude sur les faits objet de la...

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Auteur d'origine: lavric
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Une salariée, engagée en 2005 par la République du Ghana en son ambassade à Paris, en qualité de secrétaire bilingue, a été licenciée pour faute grave en 2009. Alors qu’elle avait saisi la juridiction prud’homale française en contestation de la validité de son licenciement, la République du Ghana a opposé le principe d’immunité de juridiction.

Cette règle de « droit international coutumier » (selon les termes utilisés par les juges dans la présente décision), reprise par différents textes (v. Conv. de Vienne, 18 avr. 1961, sur les relations diplomatiques ; Conv. de Vienne, 24 avr. 1963, sur les relations consulaires ; TUE et TFUE, protocole n° 7 sur les privilèges et l’immunité de l’Union européenne ; Conv. des Nations unies, 2 déc. 2004, sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens), prive le juge saisi de son pouvoir de statuer. Elle peut être invoquée par un État lorsque l’acte donnant lieu au litige participe, par sa nature et sa finalité, à l’exercice de la souveraineté de cet État et n’est donc pas un acte de gestion (v. Civ. 1re, 9 mars 2011, n° 09-14.743, Dalloz actualité, 25 mars 2011, obs. S. Lavric ; D. 2011. 890, obs. I. Gallmeister ; Rev. crit. DIP 2011. 385, avis P. Chevalier ; ibid. 401, rapp. A.-F. Pascal ). Cette règle s’applique en droit social, empêchant par exemple un État de se prévaloir du principe d’immunité de juridiction dans un contentieux relatif au refus de déclarer un professeur au régime français de protection sociale, ce refus constituant un acte de gestion administrative (Cass., ch. mixte, 20 juin 2003, n° 00-45.629, D. 2003. 1805, et les obs. ; Rev. crit. DIP 2003. 647, note H. Muir Watt ; v. aussi Soc....

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Auteur d'origine: Dechriste

Mme A. a bénéficié du revenu de solidarité active (RSA) du 1er mai au 31 juillet 2014. Au vu d’une demande d’aide au logement, mentionnant une vie de couple depuis mars 2014, la caisse d’allocations familiales a décidé de récupérer un indu de RSA. Sa demande de remise gracieuse ayant été rejetée, Mme A. a saisi le tribunal administratif qui a rejeté sa demande.

Le code de justice administrative comporte aux articles R. 772-5 à R. 772-10 des dispositions particulières applicables à la présentation, à l’instruction et au jugement des requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l’aide ou de l’action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d’emploi.

Pas de rejet immédiat de la requête

Il résulte de ces dispositions « tout d’abord que le juge ne peut rejeter une requête entrant dans leur champ d’application au motif qu’elle ne comporte l’exposé d’aucun moyen ou qu’elle ne comporte que des...

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Auteur d'origine: emaupin
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Dans une décision du 4 décembre, la juridiction administrative clôt une année riche de jurisprudences en matière de revenu de solidarité active (RSA), en précisant cette fois-ci la nature juridique du contrat d’insertion professionnelle conclu entre le bénéficiaire du RSA et le département.

Le contrat d’insertion n’est pas un contrat de droit public

En l’espèce, une bénéficiaire du RSA avait conclu avec le conseil départemental du Bas-Rhin, tel que le prévoient les articles L. 262-35 et L. 265-36 du code de l’action sociale et des familles, un document intitulé « contrat d’engagement » dans lequel figuraient ses obligations de recherches d’emploi, en contrepartie du versement du RSA. Après avoir constaté que la bénéficiaire n’était pas inscrite à Pôle emploi, le département du Bas-Rhin en a déduit un manquement à ces obligations et a procédé à la suspension du versement des droits. La bénéficiaire a alors saisi le tribunal administratif afin d’obtenir l’annulation du contrat initial.

Le Conseil d’État commence par censurer sévèrement, au titre de la méconnaissance du champ de la loi, le tribunal administratif de Strasbourg qui a qualifié le « contrat d’engagement » de contrat de droit public. La haute juridiction précise en effet que « l’obligation de conclure un contrat librement débattu, prévue aux articles L. 262-35 et L. 265-36 du code de l’action sociale et des familles, n’a ni pour objet ni pour effet de placer le bénéficiaire du revenu de solidarité active dans une situation contractuelle vis-à-vis du département qui lui verse ce revenu ».

Cette clarification ne manque pas de faire écho à la décision du 15 juin 2018 qui a précisé les types d’engagements qui peuvent, après une élaboration personnalisée avec le bénéficiaire, être légalement prévus dans le contrat. Cette décision intervenait en réaction à certains élus locaux de soumettre automatiquement les bénéficiaires du RSA à une action de bénévolat en contrepartie (CE 15 juin 2018, n° 411630, Haut-Rhin [Dpt], Dalloz actualité, 22 juin 2018, obs. J.-M. Pastor ; Lebon ; AJDA 2018. 1247 ; JA 2018, n° 583, p. 3, édito. B. Clavagnier ; ibid., n° 583, p. 9, obs. D. Castel ; AJCT 2018. 511, obs. P. Jacquemoire ; ibid. 2019. 325, étude A. Lapray ; RDSS 2018. 706, note H. Rihal ).

Le contrat d’insertion n’est pas susceptible de recours

Après avoir censuré le raisonnement du tribunal, le Conseil d’État rejette néanmoins le pourvoi formé par la requérante, en substituant aux motifs erronés du jugement une irrecevabilité nouvellement créée. En effet, le Conseil d’État énonce que, « si le contenu [du contrat] peut être discuté, le cas échéant, à l’occasion d’un recours formé contre une décision de suspension du versement du revenu de solidarité active […], ce document n’a pas le caractère d’un acte faisant grief ». Il condamne donc la requête à l’irrecevabilité, faute d’être dirigée contre une décision insusceptible de recours.

Cette décision intervient quelques mois après que le Conseil d’État a considéré que la mise en demeure de payer l’indu de RSA constitue un acte préparatoire insusceptible de recours, dans la mesure où elle intervient entre la décision de récupération et la décision de contrainte si le remboursement n’a pas eu lieu dans le délai imparti, qui sont toutes les deux susceptibles de recours (CE 10 juill. 2019, n° 415427, Dalloz actualité, 23 juill. 2019, obs. C. Biget ; Lebon ; AJDA 2019. 1481 ; RDSS 2019. 951, obs. Y. Dagorne-Labbe ).

Sont considérées comme des actes ne faisant pas grief les décisions administratives dont les effets sur la situation juridique du destinataire sont faibles ou difficilement perceptibles. Tel est le cas traditionnellement des actes préparatoires, des mesures d’ordre intérieur ou des directives dépourvues de caractère impératif (CE 3 mai 2004, n° 254961, Comité anti-amiante Jussieu, Lebon ; D. 2004. 1644 ).

Cette qualification à l’encontre des actes administratifs qui se bornent à formuler des recommandations dépourvues d’effet juridique, ou qui n’emportent aucune obligation, est empreinte d’une logique incontestable. Néanmoins, une telle solution paraît moins intuitive, notamment en l’absence de motivation par le Conseil d’État, lorsqu’elle est appliquée à un contrat qui fixe des obligations d’insertion professionnelle, dont le manquement peut être sanctionné par la suspension du versement de droits sociaux. D’ailleurs, le même jour que cette décision, le Conseil d’État a reconnu la possibilité de déférer au juge de l’excès de pouvoir une recommandation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (CE 9 déc. 2019, n° 416798, Dalloz jurisprudence) ainsi qu’un avis de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (CE 4 déc. 2019, n° 415550, Dalloz jurisprudence).

Cette position contraste, en premier lieu, avec le double mouvement libéral de déconstruction des mesures d’ordre intérieur en tant que catégorie d’actes ne faisant pas grief et d’élargissement du recours en excès de pouvoir à l’encontre de nouvelles formes d’actes administratifs. Sur ce dernier point en témoigne par exemple la possibilité désormais consacrée de contester une déclaration orale (CE 15 mars 2017, n° 391654, Association Bail à part, tremplin pour le logement, Dalloz actualité, 21 mars 2017, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2018. 53 , note C. Blanchon ; ibid. 2017. 601 ; D. 2017. 1149, obs. N. Damas ; AJDI 2017. 282 , obs. F. de La Vaissière ; Constitutions 2017. 280, chron. L. Domingo ), une recommandation de bonne pratique (CE 16 déc. 2016, n° 392557, Fondation Jérôme Lejeune, Lebon ; AJDA 2017. 500 ), ou un acte de droit souple (CE 13 juill. 2016, n° 388150, GDF Suez (Sté), Dalloz actualité, 20 juill. 2016, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2016. 1481 ; ibid. 2119 , note F. Melleray ; 20 juin 2016, n° 384297, Fédération française des sociétés d’assurances, Lebon ; D. 2016. 2305, obs. D.R. Martin et H. Synvet ).

Cette position contraste également, en second lieu, avec les garanties de forme et de procédure récemment accordées par la juridiction au profit des bénéficiaires du RSA. En effet, dans deux décisions rendues le 8 juillet 2019, le Conseil d’État a rappelé l’obligation faite aux agents de contrôle d’être assermentés et agréés (CE 8 juill. 2019, n° 422162, Lebon ; AJDA 2019. 1428 ), a soumis la décision de récupération d’indu à l’obligation de motivation et a conditionné la légalité des amendes au respect du principe du contradictoire (CE 8 juill. 2019, n° 420732, Lebon ; AJDA 2019. 1427 ).

En indiquant que le contenu du contrat d’insertion peut être utilement discuté à l’occasion d’un recours formé contre la décision de suspension du versement du RSA, le Conseil d’État renvoie au requérant désireux de contester son contrat le soin d’exercer un recours une fois que ses droits ont été suspendus. Encore faudra-t-il sûrement, en cas de pluralité d’engagements prévus au contrat et pour que la mécanique de l’exception d’illégalité s’opère, que l’obligation dont le manquement par le bénéficiaire a justifié la suspension du RSA soit la même qui entache d’illégalité le contrat d’insertion. Mais, alors même que l’actualité récente a prouvé la nécessité du contrôle juridictionnel des obligations que les départements envisagent de mettre à la charge des bénéficiaires du RSA (la question de la nature juridique du contrat d’insertion ne s’était pas posée à l’occasion de la décision précitée du 15 juin 2018 puisque la décision attaquée était alors une délibération du conseil départemental qui avait approuvé le principe de l’instauration d’un dispositif de service individuel bénévole), une annulation d’une décision de suspension de RSA ne pourra pas entraîner l’annulation d’une éventuelle clause abusive.

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La non-reconduction d’un CDD saisonnier en violation d’une clause de reconduction conventionnelle peut-elle s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ?

La question n’est pas nouvelle et avait déjà fait l’objet d’une réponse jurisprudentielle. Il a en effet été jugé que la clause contractuelle de reconduction envisagée par l’article L. 122-3-15 - devenu L. 1244-2 - a seulement pour effet d’imposer à l’employeur une « priorité d’emploi en faveur du salarié », et « ne peut être assimilée à la clause contractuelle prévoyant la reconduction automatique du contrat de travail pour la saison suivante et n’a pas, en toute hypothèse, pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée » (Soc. 30 mai 2000, n° 98-41.134, D. 2000. 174 ; Dr. soc. 2000. 768, obs. C. Roy-Loustaunau , ou dernièrement, Soc. 8 juill. 2015, n° 14-16.330, Dalloz actualité, 14 sept. 2015, obs. J. Siro  ; D. 2015. 1546 ; Dr. soc. 2016. 9, chron. S. Tournaux ). C’est dans le prolongement de ces solutions que vient s’inscrire la décision du 20 novembre 2019.

En l’espèce, un salarié employé en qualité de chauffeur d’engin de damage sur un domaine skiable, suivant une succession de contrats à durée déterminée saisonniers a, plusieurs dizaines d’années après, reçu notification de la non-reconduction de son dernier contrat pour motif réel et sérieux. Cette circonstance l’a conduit à saisir les juridictions prud’homales d’une demande en requalification de ses contrats en CDI, dont la rupture devait s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel fit droit à sa demande, au motif que les renouvellements...

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Une cour d’appel ne saurait débouter la salariée n’ayant pas été réintégrée dans son précédent emploi à l’issue d’un congé parental d’éducation de ses demandes au titre de la discrimination liée à son état de grossesse sans rechercher si, eu égard au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes qui choisissent de bénéficier d’un tel congé, la décision de l’employeur de ne confier à la salariée, au retour de son congé parental, que des tâches d’administration et de secrétariat sans rapport avec ses fonctions antérieures de comptable ne constituait pas un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison du sexe et si cette décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il résulte des statistiques nationales datées du mois de mars 2016 qu’en France, 96 % des travailleurs prenant un congé parental sont des femmes (CJUE 8 mai 2019, aff. C-486/18, Praxair, pt. 82 citant les conclusions de l’avocat général de la Cour de cassation à l’origine de la question préjudicielle dans l’affaire Praxair, AJDA 2019. 1641, chron. H. Cassagnabère, P. Bonneville, C. Gänser et S. Markarian ; RTD eur. 2019. 693, obs. S. Robin-Olivier  ; v. Soc. 11 juill. 2018, n° 16-27.825, D. 2018. 1557 ; RTD civ. 2019. 67, obs. P. Deumier ; RTD eur. 2019. 416, obs. A. Jeauneau ; JCP S 2018. 1275, note J.-P. Lhernould). Ces résultats statistiques ont exercé une influence considérable dans la solution de l’arrêt rendu le 14 novembre 2019 par la chambre sociale.

En l’espèce, Mme M…, engagée en qualité de comptable par la société Kiosque d’or, a bénéficié d’un congé parental à temps plein de près de trois ans, du 2 juillet 1998 au 23 avril 2001, date à laquelle elle a repris son travail. Toutefois, lors de son retour de congé parental, celle-ci s’est principalement vue confier des tâches subalternes, d’administration et de secrétariat sans rapport avec ses fonctions antérieures, l’employeur ayant décidé de maintenir le remplaçant de Mme M… à l’unique poste de comptable de l’entreprise. Son contrat de travail ayant été transféré quelques années plus tard, la salariée a fait l’objet d’un licenciement pour motif économique pour avoir refusé sa mutation dans un autre secteur géographique (Soc. 4 juill. 2012, n° 11-17.986, inédit, statuant sur les demandes de la même salariée au titre d’un harcèlement moral). L’ancienne salariée a alors saisi la juridiction prud’homale de plusieurs demandes d’indemnisation à l’encontre de son précédent employeur, auquel elle reprochait, outre des faits de harcèlement moral (arrêt préc. ; Soc. 14 oct. 2015, n° 14-25.773, inédit), une violation de son obligation de réemploi applicable au retour d’un congé parental, qui, d’après Mme M…, était également discriminatoire. À ce titre, elle réclamait pour la première fois devant la cour d’appel de Lyon une indemnisation à hauteur de 30 000 € pour une discrimination liée à son état de grossesse.

Le manquement de l’employeur aux dispositions issues de l’article L. 1225-55 du code du travail ne faisait aucun doute en l’espèce, puisqu’aux termes de ce même article, le salarié, de retour d’un congé parental d’éducation, retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente (Soc. 19 juin 2013, nº 12-12.758 P, Dalloz actualité, 9 juill. 2013, note C. Fleuriot ; D. 2013. 1629 ; Dr. soc. 2014. 11, chron. S. Tournaux ; JCP S 2013. 1407, note T. Passerone ; JS Lamy 2013, n° 349, p. 8, obs. F. Lalanne ; CSB 2013, n° 254, p. 266, obs. J. Icard). Par ailleurs, la notion d’emploi « similaire » exclut toute modification contractuelle ou attribution de tâches de qualification moindre (Soc. 17 mars 2010, n° 08-44.127 P). Ainsi, l’inobservation par l’employeur de son obligation de réintégration du salarié sur le même emploi ou sur un emploi similaire à l’issue de son congé parental peut donner lieu au profit de ce dernier, à l’attribution d’une indemnité (C. trav., art. L. 1225-71). C’est la raison pour laquelle la cour d’appel de Lyon a octroyé une indemnisation de 5 000 € à l’ancienne salariée de la société Kiosque d’or. Il n’empêche toutefois que la cour d’appel de Lyon a rejeté les demandes de l’ancienne salariée au titre d’une discrimination liée à son état de grossesse. L’indemnisation accordée étant uniquement fondée sur une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur.

Plus qu’une exécution déloyale du contrat de travail, le manquement de l’employeur à son obligation de réemploi de la salariée à l’issue de son congé parental ne pourrait-il pas s’analyser comme un élément laissant supposer l’existence d’une discrimination et, qui plus est, d’une discrimination indirecte en raison du sexe ? En l’espèce, c’est parce que les juges du fond n’ont pas reconnu une présomption de discrimination que l’arrêt rendu en appel est en partie censuré pour défaut de base légale. La solution mérite approbation dès lors que la Cour de cassation avait précisé dans un arrêt antérieur qu’« une discrimination indirecte en raison du sexe est constituée dans le cas où une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un sexe donné par rapport à d’autres personnes » (Soc. 6 juin 2012, n° 10-21.489 P, Dalloz actualité, 5 juill. 2012, obs. B. Ines ; D. 2012. 1619 ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1235, obs. REGINE ; Dr. soc. 2012. 813, rapp. H. Gosselin ; RDT 2012. 496, obs. M. Miné ). Or, observe la Cour de cassation dans la motivation de l’arrêt commenté, parmi les travailleurs faisant le choix de bénéficier d’un congé parental, il y a un nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes. Une telle observation explique pourquoi la chambre sociale se prononce en faveur de la reconnaissance d’une présomption de discrimination indirecte en raison du sexe. Il en ressort que, devant la cour d’appel de renvoi, l’employeur devra satisfaire à son exigence d’objectivité pour justifier la différence de traitement observée puisqu’il sera obligé d’avancer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination pour expliquer cette inégalité de traitement (C. trav., art. L. 1134-1).

Ce qui rend l’arrêt du 14 novembre 2019 encore plus remarquable, c’est l’engagement affiché par la chambre sociale de faire respecter l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes au travail, en l’occurrence, lorsqu’une salariée est de retour d’un congé parental. En témoigne la substitution du critère de discrimination illicite fondée sur le sexe opérée en l’espèce par les magistrats alors que la salariée invoquait l’existence d’une discrimination liée seulement à son état de grossesse. L’argument statistique tiré de ce que l’immense majorité des travailleurs ayant fait le choix de bénéficier d’un congé parental sont des femmes pourrait expliquer pareille substitution et, partant, la volonté de faire respecter l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes au travail.

Mais, au-delà des résultats statistiques, l’arrêt du 14 novembre 2019 est une illustration de l’influence qu’exerce le droit communautaire sur la Cour de cassation en matière d’égalité de traitement entre les travailleurs des deux sexes. En témoignent les dispositions citées au visa de l’arrêt. En effet, la haute juridiction s’appuie d’abord sur l’ancien article L. 122-45 du code du travail en vigueur au moment des faits du litige (C. trav., actuel art. L. 1132-1, issu de L. n° 2001-1066, 16 nov. 2001 relative à la lutte contre les discriminations, texte transposant la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000, art. 1), puis sur l’accord-cadre relatif au congé parental figurant à l’annexe de la directive 96/34/CE, du Conseil, du 3 juin 1996, applicable au moment du litige (accord-cadre du 14 déc. 1995 annexé à dir. 96/34/CE, 3 juin 1996, remplacée par dir. 2010/18/UE, 8 mars 2010, l’accord-cadre sur le congé parental ayant été révisé par un accord signé le 18 juin 2009).

La référence à la jurisprudence communautaire en dessous du visa témoigne plus vigoureusement encore de l’engagement de la Cour de cassation en faveur du respect par l’employeur de l’égalité de traitement entre hommes et femmes au travail en particulier, à l’issue d’un congé parental (CJUE 22 oct. 2009, Meerts, aff. C-116/08, pts 35 et 37 ; 27 févr. 2014, aff. C-588/12, pts 30 et 32, RTD eur. 2014. 530, obs. S. Robin-Olivier  ; 8 mai 2019, Praxair, aff. C-486/18, pt 41, préc.). En effet, à travers ces décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour de cassation se réfère plus précisément à certaines dispositions générales de l’accord-cadre sur le congé parental précité ayant pour finalité l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes. Ainsi, la chambre sociale rappelle qu’il ressort du premier alinéa du préambule de l’accord-cadre sur le congé parental et du point 5 des considérations générales de celui-ci que cet accord-cadre constitue un engagement des partenaires sociaux, représentés par les organisations interprofessionnelles à vocation générale, à savoir l’UNICE, le CEEP et la CES, de mettre en place, par des prescriptions minimales, des mesures destinées à promouvoir l’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes en leur offrant une possibilité de concilier leurs responsabilités professionnelles et leurs obligations familiales et que l’accord-cadre sur le congé parental participe des objectifs fondamentaux inscrits au point 16 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs relatif à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, à laquelle renvoie cet accord-cadre, objectifs qui sont liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail ainsi qu’à l’existence d’une protection sociale adéquate des travailleurs, en l’occurrence ceux ayant demandé ou pris un congé parental.

Mais le renvoi à la jurisprudence communautaire est également lié à un contexte où les objectifs précités ont été récemment rappelés par la Cour de justice de l’Union européenne à l’égard de la législation française relative au calcul de l’indemnité de licenciement des salariées embauchées à temps plein, mais licenciées durant une période de congé parental à temps partiel. Il en va de même de la référence au nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes parmi les travailleurs ayant fait le choix de bénéficier d’un congé parental (CJUE 8 mai 2019, aff. C-486/18, Praxair, préc.).

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L’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 2 décembre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Ce texte traduit sur le plan financier les mesures impliquées par la loi de transformation du système de santé (v. p. 2488).

C’est ainsi qu’il revoit le financement des hôpitaux de proximité. Celui-ci comportera deux parts : une garantie pluriannuelle de financement, concernant l’activité de médecine et fixée en tenant compte du volume d’activité et des recettes perçues antérieurement , des besoins de santé de la population du territoire et de la qualité de la prise en charge des patients, et une dotation de responsabilité territoriale, permettant de financer les missions optionnelles. Cette dotation doit notamment permettre de rémunérer les professionnels libéraux intervenant dans les hôpitaux de proximité.

Dans le but d’améliorer la pertinence des soins, la loi opère une refonte du contrat...

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L’arrêt commenté est l’occasion de répondre à une question inédite, qui a donné lieu à de nombreuses positions divergentes aussi bien en doctrine que devant les juges du fond : qui du juge judiciaire ou du juge administratif est compétent pour connaître des risques sur la santé des salariés induits par la mise en œuvre d’un projet de restructuration et de compression des effectifs accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi ?

Depuis la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’autorité administrative est seule compétente pour contrôler les plans de sauvegarde de l’emploi obligatoirement élaborés en cas de « grands » licenciements collectifs pour motif économique. Cette compétence administrative a naturellement entraîné celle du juge administratif dans les conditions fixées à l’article L. 1235-7-1 du code du travail : « l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1, le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les décisions prises par l’administration au titre de l’article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d’homologation mentionnée à l’article L. 1233-57-4 ».

Or un projet de restructuration qui peut être à l’origine d’un plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas visé par l’article L. 1235-7-1 du code du travail puisqu’il ne constitue pas le contenu du plan au sens des articles L. 1233-60 et L. 1233-61 du code du travail.

Néanmoins, bien que dissocié du plan de sauvegarde de l’emploi, le projet de restructuration est appréhendé par l’administration à travers le contrôle de la régularité de la procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel. Mais ce contrôle n’implique pas un regard de l’autorité administrative sur les risques du projet sur la santé des salariés. D’abord, en présence d’un plan établi conjointement par les partenaires sociaux, le rôle et le contrôle de l’administration sont très restreints. Par une décision du 7 décembre 2015, le Conseil d’État a jugé qu’en cas de validation d’un accord collectif majoritaire, l’administration n’est tenue de s’assurer que de la présence dans le plan des mesures propres à éviter les licenciements, d’un plan de reclassement et des mesures de suivi (CE 7 déc. 2015, req. n° 383856, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, Lebon ; AJDA 2016. 645 ; ibid. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ). Ensuite, en ce qui concerne l’ancien comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), le Conseil d’État a jugé qu’en présence d’un projet modifiant de manière importante les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des salariés et nécessitant la consultation du CHSCT, l’autorité administrative ne peut valider ou homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi que si la consultation de l’instance a été régulière (CE 29 juin 2016, req. n° 386581, Astérion France [Sté], Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ). Il suffit alors que le CHSCT ait disposé d’informations utiles pour que l’autorité administrative puisse approuver le plan de sauvegarde de l’emploi. La position du Conseil d’État est identique en ce qui concerne l’ancien comité d’entreprise (CE 22 juill. 2015, req. n° 385816, Ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; ibid. 2016. 113, obs. C. Gilbert ).

Aucune place spécifique n’est ainsi réservée par le législateur et le Conseil d’État au contrôle des manquements éventuels de l’employeur à son obligation de sécurité dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan sauvegarde de l’emploi.

C’est dans ce contexte qu’intervient l’arrêt sous examen.

En l’espèce, une filiale française du groupe américain United Technologies Corporation a souhaité simplifier ses processus de gestion informatique par le développement de nouveaux outils informatiques et a élaboré un projet de restructuration et de suppression de soixante et onze postes accompagné d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Ce dernier a fait l’objet d’un accord majoritaire qui a été validé par la Direccte le 30 juin 2015. Le 1er juillet 2015, le CHSCT, qui avait été consulté et qui avait émis un avis défavorable au déploiement du projet, a voté le recours à une expertise pour risque grave en raison des risques psychosociaux en lien avec le projet. L’expertise, contestée par l’employeur, a été validée par le tribunal de grande instance statuant en la forme des référés. À compter du 4 juillet 2015, le projet a été déployé progressivement au sein de l’entreprise. Le 16 janvier 2017, l’expert a conclu à l’existence de risques psychosociaux. Le CHSCT a ensuite demandé, sans succès, l’arrêt immédiat du déploiement du projet. Le 24 avril 2017, l’inspection du travail a adressé à l’entreprise une mise en demeure au regard des risques psychosociaux liés au déploiement du projet. C’est dans ce contexte que, par assignation d’heure à heure du 16 juin 2017, le CHSCT a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise aux fins qu’il soit constaté que l’employeur n’avait pas pris les mesures nécessaires pour préserver la santé des salariés et que la suspension de la mise en œuvre du projet soit ordonnée. La CGT est volontairement intervenue à l’instance. Par ordonnance du 2 août 2017, le juge des référés a rejeté les demandes aux motifs que le CHSCT ne serait pas compétent pour formuler une demande de suspension d’un projet entraînant un risque sur la santé des salariés. Saisie de l’appel interjeté par le CHSCT et le syndicat, la cour d’appel de Versailles a, sans surprise, infirmé l’ordonnance déférée en ce qu’elle a exclu la compétence du CHSCT pour faire suspendre un projet qui occasionne des risques sur la santé des salariés. À noter que le CHSCT, qui est bien doté du pouvoir d’ester en justice (Soc. 2 déc. 2009, n° 08-18.409, Dalloz actualité, 7 janv. 2010, obs. S. Maillard ; D. 2010. 23 ), tire directement de l’ancien article L. 4612-1 du code du travail son droit d’agir en justice afin de faire cesser le trouble résultant de la mise en œuvre d’un projet présentant un danger pour la santé et la sécurité des salariés. En outre, la cour d’appel a jugé que le juge judiciaire est seul compétent pour connaître de l’action intentée par les appelants. Enfin, constatant l’existence d’un danger sur la santé des salariés, la cour d’appel a fait interdiction à l’entreprise de déployer le projet, étant remarqué que la société avait d’elle-même suspendu la mise en œuvre du projet le temps d’une enquête interne.

La société s’est pourvue en cassation et a essentiellement fait valoir que l’appréciation des éventuels manquements de l’employeur à son obligation de sécurité, commis dans le cadre de l’établissement ou de la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi conclu après l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013, relève de la compétence du juge administratif. Le pourvoi rejoint ainsi la position d’une certaine doctrine selon laquelle dissocier les compétences juridictionnelles dans l’appréciation des risques induits par le plan et le contrôle du plan serait contraire à l’objectif du législateur qui était de « sécuriser » les procédures de grands licenciements pour motif économique par le contrôle de l’autorité administrative. La difficulté résulterait d’une remise en cause éventuelle par le juge judiciaire d’un plan contrôlé et approuvé par l’administration (CSB 1er nov. 2014, n° 268, p. 633, obs. M. Caron ; N. De Sevin et E. Bourguignon, Impact des PSE sur la santé et la sécurité des salariés : y a-t-il encore un juge compétent ?, Les Échos, 24 août 2015).

Si l’angle de la question est nouveau, la Cour de cassation s’est néanmoins déjà prononcée à deux reprises sur la compétence du juge judiciaire dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Elle a jugé que le juge judiciaire est incompétent pour connaître d’une demande de communication de pièces formulées à l’encontre de l’employeur par l’expert-comptable du comité d’entreprise dans le cadre de l’analyse d’un plan de sauvegarde de l’emploi (Soc. 28 mars 2018, n° 15-21.372, Dalloz actualité, 14 mai 2018, obs. B. Ines). Cette solution s’explique par le fait que la demande intervient dans le cadre de la procédure de consultation dont la régularité relève de la compétence exclusive de l’autorité administrative, sous le contrôle du juge administratif. La Cour de cassation a ensuite jugé que le juge judiciaire ne peut connaître, dans l’appréciation du respect par l’employeur de son obligation individuelle de reclassement, de la régularité du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi et apprécié par l’autorité administrative (Soc. 21 nov. 2018, n° 17-16.766, Dalloz actualité, 17 déc. 2018, obs. H. Ciray ; D. 2018. 2240, et les obs. ; ibid. 2019. 963, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2019. 353, étude M. Galy ; RDT 2019. 41, obs. S. Ranc ; ibid. 252, obs. F. Géa ).

Ces décisions fournissent un élément de réponse sur la ligne de la jurisprudence : relève de la compétence du juge administratif toute question en lien avec le contrôle opéré par l’autorité administrative dans l’appréciation de la régularité d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Partant, dans la présente affaire, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et a approuvé la décision de la cour d’appel « qui a constaté que le juge judiciaire avait été saisi de demandes tendant au contrôle des risques psychosociaux consécutifs à la mise en œuvre du projet de restructuration ».

Il résulte de cette décision que l’appréciation des risques induits par la mise en œuvre d’un projet de restructuration relève de la compétence exclusive du juge judiciaire, s’agissant d’un point non contrôlé par l’autorité administrative. La décision ne peut qu’être approuvée car le juge judiciaire n’intervient pas pour remettre en cause une décision administrative ayant approuvé le plan de sauvegarde de l’emploi mais pour statuer sur des enjeux qui ont échappé à son contrôle.

Finalement, la ligne jurisprudentielle de la Cour de cassation suit le raisonnement du professeur Gérard Couturier suivant lequel « le principal problème posé à propos de la compétence exclusive de la juridiction administrative est très probablement celui de ses limites. Il est, sans nul doute, encore possible de s’adresser aux juridictions judiciaires lorsqu’on est en dehors du temps et/ou de l’objet du contrôle de l’administration » (Dr. soc. 2013. 814 ).

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L’EFS avait saisi le Conseil d’État d’un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes le condamnant à verser un peu plus de 66 000 € à la caisse primaire d’assurance maladie de la Sarthe au titre des débours engagés pour la prise en charge de Mme F…, décédée des suites de sa contamination par l’hépatite C. La cour avait également condamné l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à indemniser les proches de Mme F…. Elle avait appliqué le même délai de prescription aux deux actions, celle des victimes contre l’ONIAM et celle de la caisse de sécurité sociale contre l’EFS.

Son raisonnement est approuvé par le Conseil d’État. La haute juridiction relève que les dispositions de l’article L. 1221-14 du code de la santé publique ont « substitué à l’action des victimes contre l’EFS une action en indemnisation par l’ONIAM, laquelle se prescrit, ainsi que le prévoit l’article L. 1142-28 du même code, cité au point 2, par dix ans à compter de la consolidation du dommage. Elles ont également ouvert aux tiers payeurs une action subrogatoire contre l’EFS qui doit être regardée comme obéissant aux mêmes règles de prescription que l’action des victimes contre l’ONIAM ».

Auteur d'origine: pastor
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Le comité de groupe est né de la pratique afin d’assurer une meilleure représentation des intérêts des salariés travaillant dans un groupe de sociétés. Le législateur est intervenu par une loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 afin de lui assurer une plus grande légitimité.

L’article L. 2331-1 du code du travail dispose aujourd’hui, selon une rédaction qui n’a pas changé malgré les dernières réformes ayant impacté les institutions représentatives du personnel, qu’« un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce ».

L’institution d’un comité de groupe suppose ainsi au préalable l’identification d’une entreprise dominante située en France. Cette identification n’est pas complexe lorsque l’entreprise dominante française constitue par ailleurs la société mère et qu’elle contrôle ses filiales dans les conditions visées aux articles L. 233-1, L. 233-3, II et III, et L. 233-16 du code de commerce.

Mais qu’en est-il lorsque l’entreprise dominante, située en France, n’est pas la société mère et qu’elle est contrôlée par des sociétés situées à l’étranger ? Peut-elle encore être considérée comme entreprise « dominante » au sens du texte précité ? Telles sont les premières questions inédites soumises à la Cour de cassation dans le cadre de la décision commentée.

En l’espèce, le groupe américain UTC Fire § Sécurity développe en France une activité sécurité-incendie regroupant dix-sept sociétés, détenues à 100 % par une société holding dont le siège social est situé à Cergy-Pontoise (95). La holding, qui est une société de participation financière, est elle-même détenue par deux sociétés, la société Chubb siégeant aux Pays-Bas et la société UTC F§S siégeant au Luxembourg. Le 1er juillet 2016, le comité d’entreprise de la société Chubb France a assigné devant le tribunal de grande instance de Pontoise les sociétés du groupe UTC ayant leur siège social en France afin que la holding mette en place un comité de groupe. Par jugement du 18 octobre 2016, le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la holding n’était pas la société dominante du groupe. Le comité d’entreprise a interjeté appel et, par arrêt du 28 juin 2018, la cour d’appel de Versailles a infirmé le jugement et a ordonné la mise en place d’un comité de groupe.

Les sociétés du groupe ont formé un pourvoi et ont d’abord soutenu que « la mise en place d’un comité de groupe n’est pas obligatoire lorsque la société holding française n’est pas la société dominante du groupe, étant elle-même contrôlée par une société ayant son siège social à l’étranger ». La question était donc de savoir, en substance, si l’entreprise dominante doit nécessairement être celle qui prend de manière effective les décisions en qualité de société mère. La réponse figure finalement dans le texte de loi qui se réfère, non au critère de la société mère, mais à la notion plus large de rapport de domination. Dès lors qu’un tel rapport est établi entre des sociétés, il importe peu que l’entreprise qui domine d’autres entreprises soit elle-même détenue par des sociétés étrangères. Telle est l’interprétation qui était notamment retenue par l’administration (Circ. DRT n° 6, 28 juin 1984). En ce sens, le professeur G. Couturier rappelait que le comité de groupe a pour objet de constituer un organe d’information dans un ensemble économique du dominant vers les dominés (« L’accès du comité d’entreprise à l’information économique et financière », Dr. soc. 1983. 26). L’identification de cet ensemble doit ainsi suffire à la mise en place du comité de groupe.

C’est précisément cette conception large qui est adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt sous examen en jugeant qu’« aux termes de l’article L. 2331-1 du code du travail, un comité de groupe doit être constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante dont le siège social est situé sur le territoire français et les entreprises qu’elle contrôle ; qu’il est sans incidence que l’entreprise dominante située en France soit elle-même contrôlée par une ou plusieurs sociétés domiciliées à l’étranger ».

Plus délicate était la question soumise par le second moyen de cassation, là encore inédite. L’article L. 2331-4 du code du travail dispose que ne sont pas considérées comme entreprise dominante, les entreprises mentionnées aux points a et c du paragraphe 5 de l’article 3 du règlement n° 139/2004 du conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations. Le point c exclut la mise ne place d’un comité de groupe lorsque l’entreprise dominante est une société de participation financière qui ne s’immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des filiales.

Au cas présent, la société holding était bien une société de participation financière. La cour d’appel a cependant jugé qu’elle s’était immiscée dans la gestion de ses filiales après avoir relevé que le dirigeant de la holding dirigeait également quatorze des dix-sept sociétés, que la holding a délibéré sur la question de l’acquisition de sociétés et qu’elle a pris des décisions en matière d’acquisition de parts de sociétés ou de vente de parts des sociétés du groupe. La cour d’appel en a déduit que la holding a pris les décisions stratégiques tant économiques que financières du groupe au-delà de ses liens capitalistiques avec ses filiales dont elle détient la totalité ou la quasi-totalité des parts.

Dans le cadre de leur pourvoi, les sociétés ont fait valoir que ces constatations étaient insuffisantes pour caractériser une immixtion anormale dans la gestion des filiales en se référant, en filigrane, à la jurisprudence de la Cour de cassation développée en matière de coemploi. Par une décision de principe, en présence de groupes de sociétés, la Cour de cassation exige qu’au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, l’immixtion anormale suppose la démonstration d’une véritable confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale des filiales (Soc. 6 juill. 2016, n° 15-15.481 P, D. 2016. 2096 , note R. Dammann et S. François ; Rev. sociétés 2017. 149, note E. Schlumberger ; RDT 2016. 560, obs. S. Vernac ; 9 oct. 2019, n° 17-28.150, D. 2019. 1998  ; RJS 12/2019, n° 671). À cet égard, il est vrai que les constatations de la cour d’appel n’étaient pas de nature à révéler une immixtion au sens du coemploi car l’identité de dirigeants et la coordination des décisions stratégiques ne sont pas des éléments suffisants (Soc. 7 mars 2017, n° 15-16.865 P, Dalloz actualité, 20 avr. 2017, obs. B. Ines ; D. 2017. 650 ; Rev. sociétés 2018. 58, note E. Schlumberger ; Dr. soc. 2017. 843, chron. S. Tournaux ; RDT 2017. 256, obs. G. Auzero ). 

Auteur d'origine: Dechriste
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En admettant la conformité à la Constitution des examens radiologiques osseux pour la détermination de l’âge des jeunes étrangers, le Conseil constitutionnel avait déçu nombre de défenseurs des droits de mineurs non accompagnés (Cons. const., 21 mars 2019, n° 2018-768 QPC, AJDA 2019. 662 ; ibid. 1448 , note T. Escach-Dubourg ; D. 2019. 742, et les obs. , note P. Parinet ; ibid. 709, point de vue H. Fulchiron ; ibid. 1732, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2019. 222, obs. A. Bouix ; RDSS 2019. 453, note A.-B. Caire ; Constitutions 2019. 152, Décision ). Il avait cependant précisé que de tels examens ne pouvaient pas constituer « l’unique fondement dans la détermination de l’âge de la personne ». Et qu’il appartient « à l’autorité judiciaire d’apprécier la minorité ou la majorité de celle-ci en prenant en compte les autres éléments ayant pu être recueillis. »

Par deux arrêts du 21 novembre, la Cour de cassation donne leur plein effet à ces réserves, sans d’ailleurs se référer explicitement à la décision n° 2018-768 QPC. Elle était saisie, d’abord, d’un pourvoi du département du Cantal contre un arrêt de la cour d’appel de Riom ayant déclaré mineur M. X. et l’ayant placé auprès de l’aide sociale à l’enfance (n° 19-17.726). Le département invoquait divers éléments, dont un examen osseux,...

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Auteur d'origine: Montecler

Lorsque le service de santé au travail est assuré par un organisme interentreprises, ses missions sont accomplies par une équipe pluridisciplinaire, animée et coordonnée par les médecins du travail, composée de ces mêmes médecins, d’intervenants en prévention des risques professionnels et d’infirmiers. La loi du 8 août 2016 a ajouté à cette équipe des collaborateurs médecins et des internes en médecine du travail (C. trav., art. L. 4622-7 et L. 4622-8). Parmi ces membres, l’intervenant en prévention des risques professionnels assure des missions, exclusivement préventives, de diagnostic, de conseil, d’accompagnement et d’appui, en collaboration avec le médecin du travail auquel il communique ses résultat (C. trav., art. R. 4623-38). Il doit disposer du temps nécessaire et des moyens requis pour réaliser son travail, il ne peut subir de discrimination en raison de ses activités de prévention et il doit pouvoir assurer ses missions dans les conditions garantissant son indépendance (C. trav., art. R. 4623-37).

Parmi les dispositions applicables à ces intervenants, l’article D. 4622-31 du code du travail, au cœur du litige faisant l’objet de la décision commentée, enjoint à l’employeur de consulter le comité interentreprises ou la commission de contrôle – chargé de la...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003 et son avenant du 21 octobre 2004, organisant le recours au forfait en jours dans la branche, ne sont pas de nature à garantir que la charge et l’amplitude de travail des salariés soumis à ces forfaits sont raisonnables, en ne prévoyant qu’un entretien annuel et le décompte des jours de travail et de repos dans un document conservé par l’employeur, sans organiser un suivi régulier, par ce dernier, de la charge de travail des intéressés. Les conventions de forfait conclues sur la base de ces dispositions conventionnelles sont nulles.

Alors que la Cour de cassation commence à peine à appliquer aux conventions de forfait des dispositions légales issues de la loi Travail du 8 août 2016 (Soc. 16 oct. 2019, n° 18-16.539, Dalloz actualité, 7 nov. 2019, obs. V. Ilieva ; D. 2019. 1997 ), elle continue d’affiner sa construction jurisprudentielle entamée en 2011 (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107, Dalloz actualité, 19 juill. 2011, obs. L. Perrin ; D. 2011. 1830 ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 481, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ) pour les forfaits conclus avant l’entrée en vigueur de cette loi. Pour ce faire, elle poursuit sa vérification au cas par cas des accords collectifs encadrant le recours à ce forfait, qui doivent organiser un suivi régulier de la charge de travail afin de prévenir les risques liés à l’excès de travail pour des salariés qui ne sont pas soumis à la durée légale et aux durées maximales de travail (C. trav., art. L. 3121-62).

En l’espèce, un salarié avait été engagé par une association en qualité de directeur général le 29 mars 2013 et avait été licencié pour faute grave le 8 octobre 2014 en raison de ses méthodes managériales et de son comportement à l’égard de ses subordonnés. Il avait saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes, notamment en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires. Il estimait que la convention de forfait en jours stipulée à son contrat était irrégulière, en ce qu’elle fixait une durée de travail de 208 jours – alors que la convention collective applicable prévoyait un maximum de 207 jours –, ne mentionnait pas les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées et en ce qu’aucun entretien individuel n’était mis en place pour assurer le suivi de l’exécution de cette convention de forfait.

La cour d’appel de Reims, le 10 mai 2017, a débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes. Sur celles relatives à la validité de la convention de forfait, elle a d’abord considéré que le nombre de jours de travail prévu n’était pas contraire à la convention collective applicable qui ajoutait au maximum de 207 jours la journée de solidarité. Elle a surtout relevé que, malgré l’obligation faite à l’employeur en cas de contentieux relatif au nombre d’heures travaillées de fournir aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le salarié avait la qualité de directeur général au sein de l’association et avait, à ce titre, la charge de s’assurer du respect de la réglementation sociale par l’association, notamment celle relative à la durée du travail et à son aménagement. La contestation du respect des règles dont il avait la charge était donc, selon les juges du fond, nécessairement de mauvaise foi. Le salarié a formé un pourvoi en cassation.

Dans un arrêt rendu le 6 novembre 2019, la chambre sociale casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Reims. Pour décider que la convention de forfait était nulle, justifiant la demande en paiement d’heures supplémentaires, elle a relevé que les dispositions de la convention collective ayant servi de base à la conclusion du forfait n’étaient pas assez protectrices. Ce moyen a été relevé d’office par les juges du droit, l’argument n’ayant pas été soulevé par le salarié devant les juges du fond.

Le laconisme des dispositions légales applicables aux conventions de forfait en jours conclues avant l’entrée en vigueur de la loi Travail a conduit la chambre sociale à développer une jurisprudence visant à concilier ce mode d’organisation du temps de travail avec des impératifs relatifs à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, tirés de différents principes et textes rappelés en visa dans la décision commentée (préambule de la Constitution de 1946, al. 11 ; TFUE, art. 151 faisant référence à la Charte sociale européenne, directives européennes relatives à la durée du travail, Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 31). La Cour de cassation conditionne la validité d’une convention de forfait en jours à l’existence de dispositions conventionnelles « de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié » (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540, Dalloz actualité, 24 oct. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ). Le forfait conclu sur la base d’un accord collectif ne comportant pas de telles garanties est nul (Soc. 24 avr. 2013, n° 11-28.398, Dalloz actualité, 23 mai et 28 mai 2013, obs. J. Siro ; D. 2013. 1143 ; ibid. 1768, chron. P. Flores, S. Mariette, F. Ducloz, E. Wurz, C. Sommé et A. Contamine ; RDT 2013. 493, obs. M. Véricel ), ce qui permet au salarié de demander le paiement d’heures supplémentaires en vertu du droit commun de la durée du travail (Soc. 4 févr. 2015, n° 13-20.891, D. 2015. 438 ). Les juges accordent une grande importance à cette protection jurisprudentielle, le moyen relatif aux carences de la convention collective étant relevé d’office – c’est le cas dans la décision commentée – même lorsque le salarié entend se prévaloir d’une convention de forfait insuffisamment protectrice (Soc. 24 avr. 2013, préc.).

En l’espèce, l’article 9 de la convention collective nationale des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs du 16 juillet 2003, applicable à l’association, permet le recours au forfait en jours pour les directeurs, dans la limite de 207 jours par an. L’avenant du 21 octobre 2004 à cette convention collective prévoit un entretien, la première année, permettant à la hiérarchie d’examiner avec le salarié sa charge de travail et les éventuelles modifications à y apporter, puis, les années suivantes, un entretien annuel durant lequel l’amplitude de la journée d’activité et la charge de travail du cadre sont examinées. Il énonce en outre que les jours travaillés et les jours de repos font l’objet d’un décompte mensuel établi par le cadre et visé par son supérieur hiérarchique qui doit être conservé par l’employeur pendant cinq ans. Pour considérer que la convention de forfait en cause était nulle, la Cour de cassation relève que « ces dispositions, en ce qu’elles ne prévoient pas de suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs de temps travaillé transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé ».

La décision n’est guère surprenante au regard de la jurisprudence antérieure. Les juges ont déjà pu considérer que l’organisation d’un simple entretien annuel prévu par l’accord de branche était insuffisante pour réaliser le suivi de la charge de travail (Soc. 4 févr. 2015, n° 13-20.891, préc.), même lorsque cet accord de branche était complété par un accord d’entreprise prévoyant un suivi plus régulier, trimestriel (Soc. 24 avr. 2013, préc.). En outre, l’existence d’un relevé des journées travaillées ne constitue une garantie suffisante que s’il est prévu que ce relevé serve de support à un suivi régulier, par l’employeur, de la charge de travail du salarié afin qu’elle reste raisonnable (Soc. 17 déc. 2014, n° 13-22.890, Dalloz actualité, 29 janv. 2015, obs. W. Fraisse ; RDT 2015. 195, obs. G. Pignarre ; 22 juin 2017, n° 16-11.762, D. 2017. 1366 ). Il ressort de décisions plus récentes que les éléments recueillis sur la charge de travail du salarié doivent permettre à l’employeur de « remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable » de travail (Soc. 8 nov. 2017, n° 15-22.758, Dalloz actualité, 30 nov. 2017, obs. J. Siro ; 17 janv. 2018, n° 16-15.124, Dalloz actualité, 30 janv. 2018, obs. W. Fraisse). Or, si la convention collective retoquée par les juges prévoit le décompte des jours de travail et de repos dans un document conservé pendant cinq ans par l’employeur, rien n’impose à l’employeur d’utiliser ce document à des fins de contrôle et de régulation de la charge de travail des salariés concernés. L’exigence du suivi régulier de la charge de travail des salariés au forfait en jours afin qu’elle reste raisonnable ne devrait pas être remise en cause à l’avenir, puisqu’elle fait désormais partie des dispositions légales relevant de « l’ordre public » (C. trav., art. L. 3121-60), bien que la loi ménage désormais la possibilité pour l’employeur de pallier les carences d’un accord collectif sur ce point par des mesures unilatérales (C. trav., art. L. 3121-65).

Auteur d'origine: Dechriste

Chaque phénomène social a son film, son œuvre. La Grande Dépression a suscité de nombreuses créations, dont certaines sont de grande qualité, parfois magistrales. En littérature, puis au cinéma, John Steinbeck et John Ford ont donné à la postérité Les Raisins de la colère. Les événements de 2008, liés à la crise des subprimes puis à la faillite de Lehman Brothers n’ont pas manqué, eux aussi, de susciter l’expression artistique et créatrice. Aujourd’hui, dans son film Sorry, we missed you, l’ubérisation a inspiré Ken Loach et son scénariste Paul Laverty. Le réalisateur anglais a plus de 80 ans ; il n’a cependant jamais été aussi contemporain. Il est un homme de son époque, critiquant encore avec vigueur les dérives d’un système effrayant. Comme toujours, le réalisme social de Ken Loach est saisissant. À tel point que l’on ressort du film avec une sorte d’incrédulité, presque naïve. Est-ce possible ? Comment les garde-fous que le droit du travail, dans ses principes d’humanité les plus universels, devrait mettre en œuvre, peuvent-ils permettre une telle situation ? Comment est-il possible d’en arriver à de telles extrémités ? Sorry, we missed you est avant tout l’histoire tragique d’une aliénation sociale conduisant à une déliquescence personnelle. La trame n’est pas neuve, certes. Mais les moyens de l’aliénation sont terriblement contemporains et correspondent à une évolution de notre société.

En cause ici ? Plusieurs choses qui conduisent au délitement progressif d’une cellule familiale. Ricky Turner cumule les boulots précaires et mal payés. Son épouse Abby s’occupe à domicile de personnes âgées souvent très isolées. Ils ont deux enfants. La plus jeune est brillante. Le garçon est un adolescent passionné de graffitis, proche de la déscolarisation et en rébellion contre le système. L’opportunité se présente pour Ricky de devenir son propre patron. La perspective constitue une sorte de graal. C’est la voie royale pour devenir propriétaire, un vieux rêve avorté quelques années plus tôt en raison des événements liés à la crise de 2008. L’affaire paraît bonne. Il suffit d’acheter un camion puis de travailler, comme livreur, « avec » une plateforme. Ricky est potentiellement indépendant étant donné qu’il est officiellement à son compte. Pour autant, le glissement sémantique est aussi d’ordre social. En réalité, il ne travaille pas « avec » mais bien « pour » cette plateforme, qui représente probablement tout ce que l’ubérisation revêt de détestable. Bien pire, les conditions de travail de travail sont affolantes. Tracés par un appareil de géolocalisation onéreux dont ils sont financièrement responsables, les livreurs prennent des risques inconsidérés. Ricky travaille plus de quatorze heures par jour, essuie les remarques dégradantes du contremaître de la plateforme. Cette violence du travail ne peut manquer d’avoir une répercussion sur la vie familiale des Turner. Déjà, le travail d’Abby en a directement fait les frais étant donné qu’ils ont dû céder sa voiture pour mettre l’argent nécessaire à l’acquisition du camion. Ce faisant, elle court après les bus tout en tentant, autant que faire se peut, de mener sa barque. Les rapports entre le père et le fils se crispent. Tout se tend.

Le film de Ken Loach est remarquable. Le scénario de Paul Laverty est rondement mené. L’interprétation des acteurs est poignante, évoluant au cœur de ce Newcastle totalement dépassé par le jeu de la famille Turner et par le huis clos qui se déroule, à intervalles réguliers, au sein de leur appartement. Debbie Honeywood trouve le ton juste. Elle porte en elle une certaine tristesse, subissant la difficulté du quotidien tout en continuant de faire preuve d’un incroyable dévouement pour ses personnes âgées. Ricky, incarné par Kris Hitchen, est déconnecté. Progressivement, il perd sa bouée de sauvetage et se marginalise avec son travail. La propriété du camion est un mirage ; Ricky ne s’appartient plus. Et c’est ce que filme admirablement la caméra de Ken Loach. Le rôle du chef de la plateforme est odieux. L’acteur excelle dans cet exercice délicat. Le travail du réalisateur dévoile à merveille cet effet de spirale dans laquelle Ricky s’engouffre.

Sorry, we missed you est un film important. Le constat qu’il dresse sur la situation anglaise est effrayant. Dans ces situations, l’entrepreneuriat est une chimère. Et l’indépendance affichée et initialement recherchée est d’une ironie glaçante. Jamais la notion de self-employed n’a résonné avec autant de mépris dans la bouche de ceux qui exploitent la situation sociale d’un homme comme Ricky. Le cinéma de Ken Loach ne se limite pas à une invitation à militer. Il est un appel urgent au droit qui doit se préoccuper de ces situations.

Auteur d'origine: Bley
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En matière de discrimination, l’article L. 1134-1 du code du travail facilite l’action en justice des victimes en aménageant le régime de la preuve. Le salarié doit présenter, et non établir, des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En ce sens, la directive n° 97/80/CE dispose à l’article 4 que : « 1. les États membres, conformément à leur système judiciaire, prennent les mesures nécessaires afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement. 2. la présente directive n’empêche pas les États membres d’imposer un régime probatoire plus favorable à la partie demanderesse. 3. les États membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l’instruction des faits incombe à la juridiction ou à l’instance compétente ». Toutefois, en raison de la valeur normative d’un accord collectif, il restait à résoudre la question de savoir si les différences de traitement qui en résultent sont présumées justifiées de sorte que le régime probatoire s’en trouve renversé.

Une salariée occupait au sein d’une société le poste de conseiller privé et avait obtenu en 2011 la médaille d’honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d’honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service. La salariée s’est estimée victime d’une discrimination fondée sur l’âge découlant des dispositions transitoires d’un accord collectif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouvelles modalités d’attribution des gratifications liées à l’obtention des médailles d’honneur du travail. Elle a par suite saisi la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’une gratification liée à l’obtention de la médaille pour trente-cinq années de service et d’une demande de dommages-intérêts pour une discrimination.

La cour d’appel a débouté la salariée au motif que, s’agissant de l’application d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, ces différences de traitement dont elle faisait l’objet étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle. La salariée s’est pourvue en cassation.

La Cour de cassation censure la décision d’appel au motif que le juge ne peut, pour débouter la salariée de sa demande en paiement d’une somme correspondant à la gratification liée à l’obtention de la médaille d’honneur du travail pour trente-cinq années de service, dont elle soutenait avoir été privée en raison d’une discrimination liée à son âge, retenir que, s’agissant de l’application d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, ces différences de traitement sont présumées justifiées et que la salariée ne démontrait pas que la différence de traitement dont elle faisait l’objet était étrangère à toute considération de nature professionnelle, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les stipulations transitoires de l’accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison de l’âge en privant les salariés ayant entre trente-six et quarante années de service au moment de l’entrée en vigueur de l’accord et relevant d’une même classe d’âge de la gratification liée à la médaille or du travail et, dans l’affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés.

Cette décision marque une rupture avec les derniers arrêts rendus en la matière. La Cour de cassation avait en effet fait évoluer sa position dans une série d’arrêts qui s’inscrivent dans la ligne des arrêts du 27 janvier 2015, selon laquelle « les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle » (Soc. 27 janv. 2015, nos 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773 (3 arrêts), Dalloz actualité, 6 févr. 2015, obs. M. Peyronnet ; D. 2015. 270, obs. C. C. cass. ; ibid. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; ibid. 2340, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2015. 237, étude A. Fabre ; ibid. 351, étude P.-H. Antonmattei ; RDT 2015. 339, obs. E. Peskine ; ibid. 472, obs. G. Pignarre ). Depuis, la chambre sociale jugeait que la différenciation du statut des salariés en fonction de leur appartenance à un établissement est présumée justifiée lorsqu’elle est opérée par voie conventionnelle. Pour renverser la présomption, il faut que celui qui conteste la différence de traitement démontre que celle-ci est « étrangère à toute considération professionnelle » (Soc. 8 juin 2016, n° 15-18.444, Dalloz actualité, 21 nov. 2016, obs. M. Peyronnet ; D. 2016. 2286, obs. note explicative de la Cour de cassation ; ibid. 2017. 235, chron. F. Ducloz, P. Flores, F. Salomon, E. Wurtz et N. Sabotier ; ibid. 2270, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2017. 87, obs. P.-H. Antonmattei ; RDT 2017. 140, obs. I. Odoul-Asorey ). Cette présomption s’applique que les différences résultent d’accords d’établissement différents (Soc. 8 juin 2016, préc.), ou d’un accord d’entreprise (Soc. 4 oct. 2017, n° 16-17.517, Dalloz actualité, 24 oct. 2017,obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 1981 ; ibid. 2018. 813, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2018. 67, obs. Y. Ferkane ).

La décision ici rapportée interroge. Il semblerait qu’elle s’inscrive dans une ligne jurisprudentielle antérieure aux arrêts de 2015 déjà tracée notamment par l’arrêt du 28 octobre 2009 (Soc. 28 oct. 2009, n° 08-40.457, Bull. civ. V, n° 239 ; Dalloz actualité, 16 nov. 2009, obs. S. Maillard) dans lequel la Cour de cassation avait précisé que des différences de traitement entre salariés d’établissements différents résultant d’un accord collectif ne sont admises qu’à la condition qu’« elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

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Aux termes du premier alinéa de l’article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes des candidats aux élections professionnelles sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. S’agissant de leur rang, la dernière phrase de ce même alinéa premier pose une obligation d’alternance, dès lors qu’il précise que ces listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.

Objet d’une question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle s’est prononcée en l’espèce la Cour de cassation le 24 octobre 2019, cette règle de l’alternance instituée par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, dite « loi Rebsamen » (loi préc., art. 7), n’est pas dénuée d’enjeux. En effet, en cas de manquement à celle-ci, l’élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions est annulée (Soc. 9 mai 2018, n° 17-14.088 P, Dalloz actualité, 5 juin 2018, obs. J. Cortot ; D. 2018. Actu. 1018 ; ibid. 1706, obs. Sabotier  ; Dr. soc. 2018. 921, note Petit ; RJS 7/2018, n° 491 ; JSL 2018, n° 456-1 ; JCP S 2018. 1219, obs. Bossu) – à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste aient été élus (Soc. 6 juin 2018, n° 17-60.263 P, D. 2018. Actu. 1261 ; RJS 8-9/2018, n° 553 ; JCP S 2018. 1248, obs. Bossu). Hormis ces hypothèses, il n’empêche qu’une méconnaissance de la règle de l’alternance oblige l’employeur à organiser des élections partielles (Cons. const. 13 juill. 2018, nos 2018-720 à 2018-726 QPC : D. 2018. Actu. 1498 ; Constitutions, 2018. 407. note Petit ; RJS 10/2018, n° 620).

La règle de l’alternance peut aussi susciter la controverse dès lors qu’elle aboutit, comme en l’espèce, à une surreprésentation du sexe minoritaire au sein du comité social et économique. À titre d’illustration, prenons un syndicat qui présenterait une liste composée de sept candidats et de trois candidates conformément à la part de femmes et d’hommes inscrits sur une liste électorale. En application de la règle de l’alternance, leur ordonnancement sur la liste des candidats doit être effectué en alternant entre chaque sexe. Dans notre exemple, bien que les femmes soient minoritaires dans l’entreprise, les trois candidates vont se retrouver en tête de liste du fait de cette règle. Ainsi, les femmes auront de meilleures chances d’être élues que les hommes.

La constitutionnalité d’une telle surreprésentation en raison de la règle de l’alternance était en l’espèce contestée par les requérants, à savoir l’Union départementale des syndicats FO du Val d’Oise et, il convient de le relever, par plusieurs hommes. De manière plus précise, ceux-ci soutenaient que la règle de l’alternance était incompatible avec le principe d’égalité devant la loi tel qu’il ressort du second alinéa de l’article 1er de la Constitution, aux termes duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». De même, était invoqué le grief tiré d’une méconnaissance du principe de participation garanti par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

Exerçant son rôle de filtre, la Cour de cassation décide de ne pas transmettre la question formulée. Sans surprise, les magistrats commencent par observer que la question posée n’est pas nouvelle. En effet, rappelons que, dans une décision du 19 janvier 2018, le Conseil constitutionnel avait déjà statué en faveur de la conformité de la règle issue de l’article L. 2314-30, ex-article L. 2324-22-1 du code du travail, même si le Conseil avait assorti sa décision d’une réserve d’interprétation concernant la règle de l’arrondi (19 janv. 2018, décis. n° 2017-686 QPC, D. 2018. Actu. 119 ; Constitutions, 2018. 183 ; A. de Tonnac, Sur la conformité constitutionnelle de la représentativité proportionnée aux élections professionnelles, Lettre Actualités Droits-Libertés du CREDOF, 15 mars 2018). Il reste que, dans le cas ayant donné lieu à la décision du 19 janvier 2018, l’application de la règle de l’alternance avait abouti à une situation de sous-représentation des candidats du sexe minoritaire et non pas à une surreprésentation, comme en l’espèce.

Cette situation explique sans doute la diligence dont fait preuve en l’occurrence la Cour de cassation lorsqu’elle procède à l’examen des autres conditions nécessaires à la transmission de la question au Conseil constitutionnel, alors que l’absence de nouveauté de cette question aurait suffi, à elle seule, à justifier la décision de non-renvoi. Pour appuyer encore plus cette dernière, les magistrats décident également que l’invocation du second alinéa de l’article 1er de la Constitution, en vertu duquel « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes […] aux responsabilités professionnelles et sociales », ne consacre pas de liberté ou de droit garanti par la Constitution. Allant plus loin, la chambre sociale dénie enfin tout caractère sérieux à la question posée.

Concernant l’absence de liberté ou de droit garanti par la Constitution, de prime abord, la solution n’étonne guère. En effet, la Cour de cassation reprend une décision du Conseil constitutionnel du 24 avril 2015, dans laquelle il a été jugé que le second alinéa de l’article 1er n’instituait pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit, dont la méconnaissance pourrait être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité (Cons. const., 24 avr. 2015, n° 2015-465 QPC, consid. 14, Dalloz actualité, 5 mai 2015, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2015. 836 ; ibid. 1552 , note A. Legrand ; D. 2015. 926 ; ibid. 2016. 915, obs. REGINE ; Constitutions 2015. 262, chron. O. Le Bot ). Cette même décision précisait toutefois que ceci n’interdit pas au Conseil d’en connaître, lorsqu’il examine la conciliation opérée par le législateur entre le principe d’égalité et l’objectif de parité (même décision, consid. 10). Sachant que la règle de l’alternance est un moyen permettant d’atteindre l’objectif de parité (rapport n° 2932, Ass. nat., XIVe législature de M.-C. Sirugue, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 1er juill. 2015, nouvelle lecture par l’Ass. nat. après la CMP, p. 27). La Cour de cassation aurait donc pu considérer que le principe d’égalité devant la loi était invocable à l’appui de la question prioritaire de constitutionnalité. Le fait qu’elle décide du contraire semble être un marqueur de l’importance qu’accordent les magistrats à l’objectif de parité recherché par le législateur au travers de la règle de l’alternance.

La reconnaissance prétorienne de la parité comme finalité de l’obligation d’alternance ressort d’autant plus avec l’examen du caractère sérieux de la question posée. À l’appui de l’absence d’une telle qualité, les juges rappellent qu’il est permis au législateur d’adopter des dispositions revêtant un caractère contraignant tendant à rendre effectif l’égal accès des hommes et des femmes à des responsabilités sociales et professionnelles. En creux, les juges reconnaissent la possibilité pour le législateur d’adopter des dispositions tendant à assurer la parité. Or l’obligation d’alternance des candidats de chaque sexe a été justement pensée par le législateur comme un moyen au service de la parité, compte tenu de la sous-représentation des femmes dans les instances représentatives du personnel (rapport n° 2792, Ass. nat., XIVe législature de M.-C. Sirugue, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 mai 2015, p. 141). En décidant que l’obligation d’alternance entre les candidats des deux sexes en début de liste est proportionnée à l’objectif de parité recherché par la loi, l’arrêt en l’espèce contribue à la reconnaissance de cette finalité qui n’est pas mentionnée à l’article L. 2314-30 du code du travail. En somme, la surreprésentation qui peut découler de l’application de la règle de l’alternance est conforme à la Constitution dès lors que cette même règle constitue un moyen approprié en vue d’atteindre la parité, seule à même de garantir l’effectivité de l’égal accès des hommes et des femmes à des responsabilités sociales et professionnelles.

Auteur d'origine: Dechriste

Si la transaction en droit du travail a le plus souvent pour objet de régler les conséquences d’une rupture du contrat de travail, la décision du 9 octobre 2019 rappelle opportunément que la transaction définie à l’article 2048 du code civil comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître, peut avoir un domaine plus large. Le droit commun des obligations trouve à s’appliquer et doit permettre aux parties à un contrat de travail de conclure une transaction afin de mettre fin à un différend concernant l’exécution même du contrat.

En l’espèce, une salariée employée par le syndicat CFDT a contesté son coefficient de classification et partant le salaire afférent, en se fondant sur un accord collectif d’entreprise et en comparant sa situation à celle d’une de ses collègues de travail.

Une transaction est signée en 2007 afin d’attribuer le coefficient de classification souhaité à la salariée et met fin au litige entre les parties ; le contrat de travail reprend alors son cours.

Le protocole comportait une clause de renonciation générale qui disposait : « moyennant bonne et fidèle exécution de ce qui précède, Madame [X] déclare entièrement remplie de tous ces droits, qu’elle qu’en soit la nature, nés ou à naître qu’elle pouvait tenir tant de son contrat de travail que du droit commun ou des conventions ou accords collectifs qui étaient applicables au sein de l’UIR CFDT ; Madame [X] renonce expressément à toute instance, à tout recours et ou contestation de quelque nature...

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Auteur d'origine: Dechriste

Créée par la loi du 11 février 2005, la PCH bénéficie à plus de 284 000 personnes, pour un coût d’environ 1,9 Md€. Pour autant, elle est perçue comme complexe et rigide dans sa mise en œuvre. D’où la présente proposition de loi qui vise à répondre aux questions les plus urgentes dont la suppression de la limite d’âge de 75 ans pour solliciter la prestation et la création d’un droit à vie à la PCH dès lors que le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement.

La finalité des fonds départementaux de compensation est redéfinie afin de les rendre opérationnels. Créés en 2005 pour plafonner le reste à charge des personnes handicapées, ils fonctionnent jusqu’à présent sans base réglementaire en raison des imprécisions de la loi.

Des assouplissements sont apportés aux conditions de service de la prestation : le bénéficiaire pourra recevoir des paiements ponctuels de PCH (attribuée pour une durée déterminée), par exception au principe d’un versement mensuel. Les modalités de contrôle d’effectivité exercé par le président du conseil départemental sont par ailleurs améliorées.

Enfin, les sénateurs ont souhaité créé, auprès du ministre chargé des personnes handicapées, un comité stratégique, chargé de réfléchir à une prise en charge intégrée (gestion logistique et financières) des transports des personnes handicapées. Le gouvernement, qui approuve la proposition de loi dans son principe, l’a placée en procédure accélérée.  

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Susceptibles de porter atteinte au droit à la santé et au repos du salarié, les forfaits en jours font l’objet d’une réglementation stricte depuis la loi du 8 août 2016 dite « loi Travail », ayant entériné plusieurs solutions de la chambre sociale rendues en la matière depuis 2011 (v. not., Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 P, D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. Controverse. 474, B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours , Dr. ouvrier 2012. 171 ; Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540 P, D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese
; Soc. 14 mai 2014, n° 12-35.033 P, D. 2014. 1157 ; Dr. soc. 2014. 687, obs. P.-H. Antonmattei ). Entre autres obligations, l’employeur doit dorénavant s’assurer de manière régulière que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail (C. trav., art. L. 3121-60 tel qu’issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016). Pareil suivi doit être opéré selon des modalités précisées par la convention collective servant de fondement au forfait en jours (C. trav., art. L. 3121-64). Afin de se mettre en conformité avec la loi et éviter tout nouveau contentieux, les interlocuteurs sociaux ont donc procédé à la révision de plusieurs conventions collectives, comme les y autorise d’ailleurs la loi Travail. Soucieux néanmoins de sécuriser les conventions de forfait-jours en cours, le législateur a également prévu que l’avenant de révision puisse s’appliquer automatiquement à la convention individuelle, sans demander l’accord des salariés concernés (L. préc., art. 12-I). Qu’en est-il toutefois des avenants de révision...

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L’obligation de négocier tout contrat de bonne foi (C. civ., art. 1104), qui impose aux parties d’adopter un comportement loyal dans les relations précontractuelles, trouve à s’appliquer en droit du travail dans le cadre de la négociation des conventions collectives. Cette obligation de mener loyalement la négociation d’accords collectifs apparaît parfois dans le code du travail, s’agissant par exemple des accords sur les salaires effectifs (C. trav., art. L. 2242-6) ou sur la mise en place du travail de nuit (C. trav., art. L. 3122-21) ; la Cour de cassation en fait une obligation qui doit « présider à toute négociation collective » (Soc. 28 nov. 2001, n° 00-11.209 P, RJS 2/2002, n° 150 ; pour une application récente, v. Soc. 17 avr. 2019, n° 18-22.948, Dalloz actualité, 14 mai 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 894 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ; Dr. soc. 2019. 574, obs. M. Gadrat ; RDT 2019. 589, obs. C. Nicod ). Il n’est donc pas surprenant que les juges de la chambre sociale considèrent que l’employeur est tenu d’une obligation de loyauté dans le cadre de la négociation d’un accord préélectoral, qui impose qu’il fournisse « aux syndicats participant à cette négociation, et sur leur demande, les éléments nécessaires au contrôle de l’effectif de l’entreprise et de la régularité des listes électorales » (Soc. 6 janv. 2016, n° 15-10.975, Dalloz actualité, 1er févr. 2016, obs. J. Siro ; D. 2016. 132 ; RDT 2016. 284, obs. C. Nicod ). Si elle est rattachée depuis 2016 à l’obligation de loyauté, la reconnaissance d’une obligation d’information dans la...

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Auteur d'origine: Dechriste

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a profondément modifié les conditions de validité des accords collectifs signés par des organisations syndicales représentatives. Pour être valable, l’article L. 2232-12 du code du travail dispose désormais que l’accord collectif doit être signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles.

À défaut d’accord majoritaire, l’accord peut encore être conclu par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés. Mais, dans ce dernier cas, une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages peuvent solliciter la consultation des salariés afin que l’accord soit validé. Les ordonnances du 22 septembre 2017, dites Macron, n’ont pas modifié la possibilité d’exiger la validation des accords minoritaires par les salariés.

Dans ce cadre légal, l’arrêt commenté a eu à trancher deux difficultés tenant, d’une part, au rôle de l’employeur dans l’organisation de cette consultation et, d’autre part, à la définition du périmètre des salariés devant être consultés.

En l’espèce, le 5 septembre 2018, un accord collectif de substitution excluant de son champ d’application les cadres, médecins, pharmaciens et dentistes a été signé avec le syndicat non majoritaire CGT au sein de l’hôpital Joseph Ducuing. En outre, un autre accord d’établissement précédemment conclu excluait du champ d’application de l’accord substitué le personnel médical travaillant en maternité. Le 12 septembre 2018, l’employeur a informé le syndicat CFDT de la demande de la CGT d’organiser la consultation des salariés à défaut de signature d’un accord majoritaire, la CGT n’ayant pas d’elle-même informé la CFDT. Un protocole d’accord sur la consultation a été signé par la CGT et seuls les salariés qui n’étaient pas exclus du champ d’application de l’accord de substitution ont été consultés. Ainsi, l’ensemble des salariés de l’établissement au sein duquel l’accord a été signé n’a pas été consulté.

Dans ce contexte, la CFDT a saisi le tribunal d’instance de Toulouse afin d’obtenir l’annulation du protocole et des opérations de consultation.

Elle a d’abord soutenu que l’employeur ne pouvait suppléer la carence du syndicat CGT qui ne lui avait pas notifié sa demande d’organisation d’une consultation des salariés, sauf à méconnaître son obligation de neutralité. L’article D. 2232-6 du code du travail dispose à cet égard que la ou les organisations syndicales sollicitant l’organisation de la consultation notifient par écrit leur demande à l’employeur et aux autres organisations syndicales représentatives.

Le tribunal n’a pas suivi cette argumentation, qui n’a pas davantage convaincu la Cour de cassation qui a d’abord jugé que la régularité de la demande de consultation formée n’est pas subordonnée à sa notification aux autres organisations syndicales représentatives, laquelle a seulement pour effet de faire courir les délais pour conclure un accord majoritaire afin d’éviter la consultation et pour organiser, à défaut, la consultation. La Cour de cassation adopte sans surprise la même solution qu’elle avait déjà dégagée dans le cadre de l’ancien régime et du droit d’opposition à l’entrée en vigueur d’un accord minoritaire qui était reconnu aux syndicats majoritaires. La Cour de cassation avait ainsi jugé que « ni la validité d’un accord ni son applicabilité aux salariés ne sont subordonnées à sa notification aux organisations syndicales, laquelle a seulement pour effet de faire courir le délai d’opposition de celles qui n’en sont pas signataires, si elles remplissent les conditions pour l’exercer » (Soc. 13 oct. 2010, n° 09-68.151 P, Dalloz actualité, 10 nov. 2010, obs. B. Ines ; D. 2010. 2586 ).

La demande de consultation étant régulière, la Cour de cassation a ensuite jugé qu’en l’absence de notification par le syndicat à l’origine de la demande, l’information donnée par l’employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à l’obligation de neutralité. Rappelons que l’obligation de neutralité de l’employeur est définie par l’article L. 2141-7 du code du travail qui interdit seulement à l’employeur ou à ses représentants d’employer un moyen quelconque de pression en faveur ou à l’encontre d’une organisation syndicale. La violation de cette obligation est strictement admise. Méconnaît ainsi son obligation de neutralité l’employeur qui, par exemple, subventionne le seul syndicat ayant signé un accord collectif (Soc. 29 mai 2001, n° 98-23.078 P, D. 2002. 34, et les obs. , note F. Petit  ; Dr. soc. 2001. 821, note G. Borenfreund ). Or la seule transmission au syndicat CFDT de la demande de la CGT ne semblait nullement constituer une pression en faveur de la CGT ou à l’encontre de la CFDT.

Plus sérieux était le second argument de la CFDT qui faisait valoir que l’employeur ne pouvait exclure de la consultation les salariés qui n’étaient pas visés par l’accord et devait consulter tous les salariés électeurs de l’établissement au sein duquel l’accord litigieux a été conclu. L’article L. 2232-12 du code du travail précise à cet égard que « participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1 ». Cette phrase prête assurément à confusion car la notion de « salariés couverts par l’accord » peut aussi bien être comprise comme visant les seuls salariés directement intéressés par l’accord (F. Petit, « Les conditions de l’organisation du référendum dans l’entreprise », Dr. soc. 2018. 417 ) ou comme visant l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement où sera appliqué l’accord (v. Dr. soc. 2018. 422, obs. V. Cohen-Donsimini, ). La confusion était d’autant plus permise que l’article D. 2232-2 du code du travail, dans sa version initiale, disposait que « le protocole conclu avec les organisations syndicales détermine la liste des salariés couverts par l’accord au sens du cinquième alinéa de cet article et qui, à ce titre, doivent être consultés », ce qui pouvait autoriser à penser que les salariés non concernés par l’accord pouvaient être exclus. Mais cette phrase a été annulée par le Conseil d’État par décision du 7 décembre 2017 (n° 406760), de sorte que seule la disposition légale subsiste aujourd’hui. 

Dans ce contexte, la Cour de cassation, désapprouvant la position du tribunal d’instance, a tranché en faveur de la seconde thèse : « doivent être consultés l’ensemble des salariés de l’établissement qui remplissent les conditions pour être électeurs dans l’entreprise sans préjudice de l’application, le cas échéant, des dispositions de l’article L. 2232-13 du même code ». Ainsi, sous réserve d’un accord collectif purement catégoriel, pour lequel l’article L. 2232-13 du code du travail dispose expressément que la consultation peut être réservée au collège électoral visé par l’accord, l’ensemble des salariés doivent être consultés en présence d’un accord de droit commun.

Cette solution ne peut qu’être approuvée au regard de la finalité de la loi qui, en introduisant l’approbation par les salariés d’un accord collectif minoritaire, a souhaité renforcer leur légitimité dans un contexte où les accords peuvent aujourd’hui contenir des dispositions moins favorables que les dispositions conventionnelles de branches et peuvent même de plein droit modifier les contrats de travail (C. trav., art. L. 2254-2, III).

Enfin, la portée de cette décision ne se limite pas à la consultation des salariés au sein des seules entreprises pourvues de délégués syndicaux. Rappelons qu’en l’absence de délégué syndical, en fonction de l’effectif de l’entreprise, des accords collectifs peuvent être conclus avec des salariés élus mandatés par des organisations syndicales représentatives, à défaut avec des élus non mandatés et à défaut encore avec des salariés non élus mais mandatés. Selon les situations, la loi conditionne la validité de ces accords à l’approbation des salariés (C. trav., art. L. 2232-21 à L. 2232-26). En application de l’arrêt sous examen, cette approbation doit donc être effectuée par l’ensemble des salariés de l’entreprise ou de l’établissement. Mais une difficulté subsiste dans ce dernier cas au sujet des accords collectifs purement catégoriels. Si la loi a prévu une disposition spécifique dans les entreprises pourvues de délégué syndical (C. trav., art. L. 2232-13), une telle disposition n’a pas été reprise dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. Ainsi, en l’absence de texte spécifique, l’ensemble des salariés devraient être consultés avant l’entrée en vigueur d’un accord purement catégoriel conclu en l’absence de délégué syndical. Des non-cadres seraient amenés à se prononcer sur un accord visant les seuls cadres (un accord de forfait-jours, par exemple) et pourraient bloquer la mise en œuvre de cet accord. Malgré le silence des textes, il n’est pas certain dans ce cas que la Cour de cassation maintienne avec la même rigueur sa jurisprudence.

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L’arrêt rendu le 9 octobre 2019 illustre la difficile conciliation entre le droit à l’information des représentants du personnel et le secret des affaires qui protège l’entreprise contre la divulgation d’informations sur ses difficultés économiques (M. Koehl, La négociation en droit des entreprises en difficultés, thèse dactyl. Paris Nanterre, 2019). En l’espèce, c’est le comité de groupe de la société Groupe Flo qui s’est heurté à la confidentialité sur la désignation d’un mandataire ad hoc.

Pourtant, aux termes de l’article L. 2332-1 du code du travail, « le comité de groupe reçoit des informations sur l’activité, la situation financière, l’évolution et les prévisions d’emploi annuelles ou pluriannuelles et les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces prévisions, dans le groupe et dans chacune des entreprises qui le composent. Il reçoit communication, lorsqu’ils existent, des comptes et du bilan consolidés ainsi que du rapport du commissaire aux comptes correspondant ». L’article L. 2334-4 du même code précise même que « pour l’exercice des missions prévues par l’article L. 2332-1, le comité de groupe peut se faire assister par un expert-comptable » et que celui-ci est rémunéré par l’entreprise dominante.

C’est dans ce cadre que le comité de groupe de la société Groupe Flo avait décidé en 2016, au cours d’une réunion, de recourir à l’assistance d’un cabinet d’expertise comptable pour l’examen des comptes annuels de la société Groupe Flo pour 2015. Le même expert a vu sa mission étendue en 2017 à l’examen des comptes annuels 2016. Or, au mois de novembre 2016 un mandataire ad hoc avait été désigné par le président du tribunal compétent à la demande de la société Groupe Flo, comme l’y autorise l’article L. 611-3 du code de commerce.

Pour rappel, le mandat ad hoc est une technique de prévention des difficultés des entreprises issue de la pratique du tribunal de commerce de Paris au plus fort de la crise immobilière des années 1990. Consacré par la loi n° 94-475 du 10 juin 1994, le mandat ad hoc permet le traitement à l’amiable des difficultés d’une entreprise dans un cadre totalement souple. Son originalité tient notamment à l’obligation de confidentialité qui incombe « à toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance » (C. com., art. L. 611-15).

La Cour de cassation veille d’ailleurs à ce qu’une telle obligation, formalisée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises soit bel et bien respectée. Elle a ainsi jugé « que la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite » (Com. 15 déc. 2015, n° 14-11.500 P, D. 2016. 5, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et...

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Mercredi 30 octobre, la cour d’appel de Paris s’est rangée à l’avis de la Cour de cassation, comme elle l’avait déjà fait le 18 septembre dernier (v. Dalloz actualité, 3 oct. 2019, art. T. Coustet ) : le barème est bien conforme aux textes internationaux. Il ne peut pas être écarté au nom des chartes européennes et de la Convention de l’organisation internationale du travail.

La juridiction était saisie d’une demande en nullité du licenciement d’un salarié de Natixis. En première instance, l’affaire ne concernait qu’une demande de réévaluation professionnelle de sa part, et pas un licenciement, mais le salarié a ensuite été licencié.

La CGT-FO et FO se sont joints à cette procédure d’appel. Les syndicats ont contesté l’application du barème tel que prévu par les ordonnances réformant le droit du travail, estimant qu’il était contraire aux engagements internationaux de la France (la Charte sociale européenne et la Convention n° 158 de l’OIT).

La cour d’appel de Paris a passé en revue leurs arguments et estimé que le barème ne posait pas de difficulté. Les juges ont retenu que ce barème permettait « de garantir au salarié “une indemnité adéquate ou une réparation appropriée”, le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise gardant une marge d’appréciation ».

Sentiment de cacophonie

N’en reste pas moins un sentiment de grande cacophonie. Au niveau des cours d’appel déjà. Le 25 septembre, celle de Reims avait rendu un arrêt plus nuancé (v. Dalloz actualité, 25 sept. 2019, art. T. Coustet ). Le barème prud’homal y est certes jugé conforme aux conventions internationales signées par la France, mais il peut être écarté si le juge constate, à la demande du salarié, une atteinte disproportionnée à la situation personnelle de ce dernier.

À l’échelon prud’homal ensuite, où la résistance se poursuit. Certains conseils prud’homaux continuent d’invoquer la contrariété aux normes internationales pour écarter le barème, alors qu’il a été déclaré conforme par les deux seules cours d’appel saisies. Ce fut le cas, par exemple, à Troyes en juillet (v. Dalloz actualité, 3 sept. 2019, art. T. Coustet ), ou à Limoges en septembre.

En juillet dernier, la Cour de cassation s’était réunie en formation plénière pour délibérer sur l’avis qui peine aujourd’hui à s’imposer aux juridictions du fond. Elle avait jugé le barème « conforme » aux engagements internationaux de la France (v. Dalloz actualité, 26 juill. 2019, art. T. Coustet ). 

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Reconnue comme prioritaire le 14 août 2008, Mme A. n’a été relogée qu’en novembre 2015. Le tribunal administratif a rejeté la demande de condamnation de l’État à l’indemniser du préjudice résultant pour elle de son absence de relogement, en y incluant notamment, les frais de stockage de ses affaires personnelles (11 080,74 €) et des frais d’hôtel (1 788,60 €).

Le Conseil d’État rappelle que la responsabilité de l’État est engagée à l’égard du seul demandeur (CE 13 juill. 2016, n° 382872, Lebon ; AJDA 2016. 1998 , concl. L. Marion ), que celui-ci ait ou non saisi le juge d’une demande d’injonction (CE, 19 juill. 2017, n° 402172, Lebon ; AJDA 2017. 1531 ). Les troubles dans les conditions d’existence « doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l’État, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l’État » (v. CE 16 déc. 2016, n° 383111, Lebon ; AJDA...

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Le titre Ier, qui contient un article unique, vise à favoriser le recours au congé de proche aidant. Les partenaires sociaux sont ainsi invités à négocier pour concilier la vie de l’aidant avec les contraintes de l’entreprise. En revanche, le texte a été amputé des...

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Les ordonnances dites Macron ont pour la première fois défini légalement la notion d’établissement distinct dans le cadre de la mise en place du nouveau comité social et économique et ont fixé une procédure précise permettant la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts.

Selon le nouvel article L. 2313-4 du code du travail, en l’absence d’accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, le nombre et le périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques sont fixés par l’employeur compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

Après avoir interprété cette nouvelle définition légale (Soc. 19 déc. 2018, n° 18-23.655, D. actualité, 16 janv. 2019, obs. H. Ciray ; D. 2019. 19 ; RDT 2019. 119, obs. C. Wolmark ), la Cour de cassation, à travers l’arrêt sous examen, vient de mettre un terme à un questionnement doctrinal quant à l’articulation entre la négociation collective et la décision unilatérale de l’employeur dans la fixation des établissements...

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L’employeur fixe en principe librement la date, l’heure et le lieu des réunions du comité d’entreprise puisque la convocation aux réunions du comité constitue une prérogative légalement attribuée au seul employeur (C. trav., art. L. 2325-14 ancien).

Mais ce pouvoir n’est pas absolu comme le rappelle la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.

En l’espèce, la société Sancellemoz disposait de deux cliniques situées en Haute-Savoie et les réunions du comité d’entreprise étaient organisées sur le site du plateau d’Assy. À la suite du rachat de la société par le groupe Orpea, les réunions du comité d’entreprise ont été délocalisées au siège administratif du groupe situé à Puteaux (92). En raison des contraintes résultant du changement de lieu des réunions du comité d’entreprise, le comité d’entreprise a, le 29 décembre 2015, assigné la société devant le tribunal de grande instance aux fins...

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Par un arrêt du 17 avril 2019 destiné à être publié, la chambre sociale se prononce sur la nature de la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification du lieu d’exécution de son travail. L’affaire aurait peu suscité l’intérêt si cette modification ne faisait pas suite à un transfert partiel d’activité et si elle n’avait pas été proposée par le nouvel employeur, autrement dit l’entreprise cessionnaire. De plus, cette dernière avait jugé bon de licencier le salarié récalcitrant sur la base d’un motif personnel.

En l’espèce, une société implantée à Orléans avait repris une activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet jusqu’alors exercée sur un lieu de production situé dans la région de Nantes. Cette reprise ayant entraîné une modification de la situation juridique de l’employeur, l’article L. 1224-1 entrait alors en jeu. Dans ce cadre, le cessionnaire était donc tenu de reprendre les contrats de travail des salariées affectées à l’entité transférée. Cependant, le repreneur voulait rapatrier à Orléans leur poste de travail, ce que les salariées ont toutefois refusé, comme cela leur est permis lorsque l’application de l’article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur. Dans ce cas, il appartient au cessionnaire, s’il n’est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement (Soc. 30 mars 2010, n° 08-44.227 P, D. 2010. 968 ; Dr. soc. 2010. 856, obs. A. Mazeaud ; RJS 06/2010, n° 489 ; JCP S 2010. 1297, obs. P. Morvan).

Toutefois, le licenciement aurait dû être prononcé selon les modalités d’un licenciement économique dès lors qu’il est lié à une modification et à un transfert auxquels la personne du salarié est étrangère. En effet, la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, imposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement économique (Soc. 14 mai 1997, n° 94-43.712 P, Dr. soc. 1997. 740, obs. F. Favennec et G. Couturier ). Or ce qui suscitait le débat en l’espèce était l’invocation par le nouvel employeur, au soutien du licenciement des salariées ayant refusé leur nouvelle affectation, d’un motif personnel en décalage avec le contenu des lettres de licenciement. Leur lecture révèle, en effet, que la fermeture du site d’origine et le déménagement à Orléans répondaient à des considérations purement économiques. Reproduites en partie dans les moyens annexés à l’arrêt, les lettres énoncent ainsi que la modification du lieu de travail avait été décidée « afin de pérenniser et de développer l’activité internet précédemment exploitée ». En ce sens, le cessionnaire a fait le choix de « mutualiser sur un seul lieu de production les moyens humains et techniques ». La décision d’affecter les salariées à Orléans a été dès lors interprétée par les juges du fond puis par la Cour de cassation, comme une manifestation de volonté de la part du repreneur de « réaliser des économies ». Partant, « le motif réel du licenciement résultait […] de la réorganisation de la société cessionnaire ». Confirmant les appréciations de la cour d’appel, la Cour de cassation en déduit que le transfert des postes de travail à Orléans était motivé par des raisons étrangères à la personne des salariées. Le licenciement prononcé pour motif personnel, alors qu’il avait la nature juridique d’un licenciement économique, était donc injustifié. Il en va ainsi alors même que le contrat de travail des salariées contenait une clause de mobilité en vertu de laquelle elles s’étaient engagées à accepter un déplacement de leur lieu de travail au nouveau siège social de l’entreprise. En effet, dès lors que l’employeur faisait référence dans les lettres de licenciement aux enjeux économiques de la modification proposée, le motif personnel ne pouvait qu’être écarté. D’où l’importance pour l’employeur de bien rédiger la lettre afin de ne pas suggérer un décalage entre son contenu et la qualification du licenciement.

De bon sens, cette solution semble prendre le contrepied d’un arrêt antérieur rendu le 1er juin 2016 (Soc. 1er juin 2016, n° 14-21.143 P, Dalloz actualité, 17 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1259 ; Dr. soc. 2016. 775, obs. J. Mouly ; RJS 08/2016, n° 553 ; JSL 2016, n° 414, p. 25 ; SSL 2016, n° 1728, obs. P. Bailly ; Dr. ouvrier 2016. 667, obs. D. Baugard). La Cour de cassation y avait admis que le transfert partiel d’une entité économique, en l’espèce une « activité de gestion tiers payant », de La Seyne-sur-Mer, dans le Var, à Lyon « avait entraîné par lui-même » la modification du contrat de travail d’une salariée. Rejetant la demande de celle-ci de juger la rupture injustifiée en raison de son refus, la Cour de cassation avait décidé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse du seul fait qu’elle avait refusé le transfert de son poste de travail à Lyon. Plus encore, c’est le caractère automatique d’un tel refus sur la légitimité du licenciement qui avait suscité la polémique. D’aucuns s’interrogeaient même sur le fait de savoir si la Cour de cassation n’avait pas oublié « l’esprit du transfert d’entreprise » (P. Bailly, L’esprit du transfert d’entreprise serait-il oublié ?, SSL 2016, n° 1728, préc.). Et pour cause : classiquement, en matière de transfert, la seule « modification » qui s’impose au salarié est « le changement d’employeur ». Si l’opération impacte un autre élément du contrat, le salarié peut en principe légitimement la refuser.

Compte tenu de la similarité des deux affaires, il n’est guère étonnant que le cessionnaire ait repris dans son argumentation la solution de l’arrêt du 1er juin 2016. En effet, celui-ci soutenait entre autres, à l’appui de son pourvoi, que « le transfert à la société Bloom Trade, située à Orléans, de l’activité de vente et de commercialisation de fleurs exploitée jusque-là par la société Le Bouquet nantais, avait par lui-même entraîné une modification des contrats de travail des salariés transférés à la société Bloom Trade, cette société ne pouvant maintenir les conditions antérieures de travail de ces salariés […], si bien que les refus de ces salariés de poursuivre l’exécution de leur contrat de travail à Orléans constituaient, pour la société Bloom Trade, une cause réelle et sérieuse de licenciement ne relevant pas des dispositions relatives au licenciement économique ». Pourtant, dans l’arrêt rendu le 1er juin 2016, la haute juridiction ne se prononçait pas sur la nature juridique du licenciement consécutif au refus de la modification du contrat de travail du fait du transfert. L’argumentation du repreneur en l’espèce ne pouvait donc pas s’appuyer complètement sur l’arrêt du 1er juin 2016 qui laissait en suspens la question de la qualification du licenciement. L’arrêt du 17 avril 2019 constitue ainsi un début de réponse de la Cour de cassation à cette interrogation. Plus encore, le fait de confirmer, à la suite de la cour d’appel, que le licenciement avait une nature économique pourrait marquer la volonté de la chambre sociale de s’éloigner de l’arrêt du 1er juin 2016.

Malgré les éclaircissements sur la nature du licenciement consécutif au refus des salariés transférés d’accepter la modification de leur contrat de travail, il faudra sans doute attendre d’autres arrêts de la Cour de cassation pour confirmer la solution de l’arrêt du 17 avril 2019. Dans l’attente, le repreneur qui projette de licencier les salariés transférés ayant refusé la modification de leur contrat de travail est incité à notifier des licenciements économiques. Il s’ensuit que ces salariés-là doivent bénéficier du régime correspondant, l’employeur devant procéder alors à leur reclassement ou même établir le cas échéant, un plan de sauvegarde de l’emploi. À tout le moins, l’arrêt invite l’employeur à faire preuve de prudence dans la rédaction de la lettre de licenciement afin de ne pas créer de décalage entre son contenu et le motif invoqué.

Auteur d'origine: Dechriste

Dans la première affaire (requête n° 419242), le Conseil d’État était saisi par La Ligue nationale pour la liberté des vaccinations d’un recours contre le décret du 25 janvier 2018, pris en application de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui rendait obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, onze vaccins. Pour la requérante, cette extension de la liste des vaccins obligatoires porte atteinte au droit à l’intégrité physique. Dans sa décision, la haute juridiction reconnaît qu’une « vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit ». Toutefois, elle peut être admise « si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l’objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d’une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d’autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d’une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l’efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu’il peut présenter ».

Le Conseil d’État relève qu’il s’agit « d’infections graves », « très contagieuses », « susceptibles de complications graves, […] pouvant entraîner la mort et […] crée[r] pour la femme enceinte un risque élevé de décès ou de malformations congénitales graves du fœtus ». Or « la couverture vaccinale constatée à la date des dispositions critiquées restait insuffisante pour créer une immunité de groupe, seule à même d’éviter de nouvelles épidémies et de protéger les personnes qui ne peuvent être vaccinées ». Les onze vaccins obligatoires présentent un niveau d’efficacité compris entre 85 et 90 %, voire égal à 100 % pour quatre d’entre eux. Dans ces conditions, estime le Conseil d’État, les dispositions critiquées « ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l’objectif poursuivi d’amélioration de la couverture vaccinale pour, en particulier, atteindre le seuil nécessaire à une immunité de groupe au bénéfice de l’ensemble de la population, et proportionnée à ce but ».

La seconde espèce (requête n° 415694) concernait le refus implicite de la ministre de la santé de prendre les mesures nécessaires pour imposer aux fabricants de vaccins de ne pas utiliser de sels d’aluminium comme adjuvants pour les vaccins obligatoires. Pour rejeter les requêtes, le Conseil d’État estime « qu’aucun lien de causalité n’a pu être établi, à ce jour, entre adjuvants aluminiques et maladie auto-immune » et qu’en « l’état des connaissances scientifiques, les vaccins contenant des adjuvants aluminiques ne peuvent être qualifiés de spécialités nocives ou de spécialités pour lesquelles le rapport entre les bénéfices et les risques ne serait pas favorable ».

Auteur d'origine: emaupin

Cette proposition de loi, déposée depuis près d’un an, contient une mesure phare : il crée un contrat d’accès à l’autonomie pour combler les lacunes du contrat jeune majeur ; le dispositif actuel tendant à considérer le contrat comme facultatif, alors que les besoins augmentent et que leur mise en place donne lieu à des divergences importantes entre les départements. C’est pourquoi, la proposition de loi rend obligatoire la prise en charge des majeurs de moins de 21 ans par les services de l’aide sociale à l’enfance lorsque ces jeunes...

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Auteur d'origine: pastor

Le code de la sécurité sociale institue une obligation d’affilier à un régime de retraite complémentaire les salariés « soumis à titre obligatoire à l’assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale » (CSS, art. L. 921-1). Ces régimes complémentaires sont gérés paritairement par les partenaires sociaux, qui fixent notamment par voie d’accord collectif l’assiette et le taux de cotisations, ou encore la valeur du point, indice permettant de déterminer les droits à retraite complémentaire de chaque salarié affilié.

En l’espèce, un ancien salarié ayant liquidé ses droits à la retraite le 1er juillet 2012 a constaté qu’à l’occasion de missions qu’il avait effectuées à l’étranger entre 1977 et 1986, certains trimestres de cotisation auprès de l’assurance vieillesse n’avaient pas été validés et que l’employeur ne l’avait pas affilié à l’AGIRC. Il a saisi le juge prud’homal le 5 décembre 2013 afin d’obtenir de l’employeur le paiement de diverses sommes en réparation du préjudice résultant de l’absence d’affiliation au régime général et à l’AGIRC durant son expatriation. Dans cette affaire, les débats ont principalement tourné autour de la question des délais de prescription applicable : le salarié retraité pouvait-il intenter une action contre son ex-employeur qui avait manqué à son obligation de l’affilier à un régime de retraite complémentaire, plus de 30 ans après les périodes de travail en cause ?

À défaut de dispositions légales spéciales dans le code du travail ou le code de la sécurité sociale, les délais de prescription en droit social sont ceux prévus par les...

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Le directeur d’un organisme de sécurité sociale peut décerner une contrainte pour assurer le recouvrement des cotisations sociales et majorations de retard (CSS, art. L. 244-9 et R. 133-3 s.). S’il n’a pas été fait opposition à cette contrainte devant le juge du contentieux de la sécurité sociale, celle-ci aura tous les effets d’un jugement. Quant à la requête en opposition elle doit être motivée et intervenir dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la contrainte, à défaut elle sera déclarée irrecevable.

Outre ces conditions de recevabilité du recours qui sont d’ordre public, le requérant n’est pas pour autant recevable à contester la contrainte au fond, c’est ce à quoi l’arrêt de rejet de la Cour de cassation du 4 avril 2019 aboutit.

De quoi s’agissait-il ? Une société commerciale avait fait l’objet d’un contrôle de la part de l’URSSAF portant sur plusieurs années (2007-2011), qui avait donné lieu à un redressement par lettre d’observations, puis le 14 décembre 2012 à une mise en demeure, qu’elle avait contestée devant la commission de recours amiable de l’organisme de recouvrement, laquelle par décision du 8 avril 2013 en avait réduit le montant. Aucun recours juridictionnel contre cette décision n’avait été fait. Entre-temps, le 22 janvier 2013, l’URSSAF, comme cela est parfaitement possible (Civ. 2e, 3 avr. 2014, n° 13-15.136, RDSS 2014. 583, obs. T. Tauran ) avait fait signifier une contrainte à laquelle la société s’est opposée devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Paris,...

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par Wolfgang Fraissele 6 mai 2019

Soc. 27 mars 2019, FS-P+B, n° 17-23.314

Par cette décision, la Cour de cassation vient préciser pour la première fois que tant que la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires n’est pas prescrite, l’action tendant à contester la validité de la convention de forfait annuel en jours stipulée dans son contrat de travail est recevable. En l’espèce, un salarié a été engagé à compter du 15 janvier 2006 en qualité de responsable de zone export sur le territoire du Moyen-Orient, statut cadre. Son contrat de travail comportait une convention de forfait annuel en jours. Le 19 mai 2014, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et des demandes se rapportant à son exécution. Il a été licencié le 23 mai 2014. Il soutenait que tant son contrat de travail que l’accord collectif instaurant le dispositif d’un forfait datant du 15 mars 2000 ne comportaient pas de dispositions de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés et que son employeur n’avait pas mis en place un...

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La Cour de cassation s’est d’abord prononcée sur la sanction du non-respect du délai de prévenance en cas de modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Le contrat de travail à temps partiel, qui doit être établi par écrit, doit permettre au salarié de prévoir son rythme de travail et lui permettre d’exercer éventuellement un emploi pour un autre employeur. Ainsi, le contrat doit obligatoirement fixer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ainsi que les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir et la nature de cette modification. Cette modification doit intervenir par ailleurs après respect d’un délai de prévenance, fixé au minimum à sept jours ouvrés à défaut de clause conventionnelle contraire (C. trav., art. L. 3123-31).

La Cour de cassation a jugé que le non-respect de ce délai entraîne la requalification du contrat de travail à temps partiel en...

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L’article 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui organise la profession d’avocat énonce, en des termes qui semblaient laisser peu de place à la discussion, que « l’avocat exerce en qualité de salarié ou de collaborateur d’un avocat […]. Les litiges nés à l’occasion d’une rupture d’un contrat de collaboration sont soumis à l’arbitrage du bâtonnier ». Seulement voilà, en l’espèce, l’employeur n’est pas un avocat à la cour mais plaide devant le Conseil d’État et la Cour de cassation. 

L’action en requalification de l’avocat collaborateur relève-t-elle de la compétence du juge du travail ? Sur la plan juridique, la question est inédite. Hier, les deux parties se sont énergiquement employées à dérouler leurs arguments lors de l’audience en départage du conseil de prud’hommes de Paris. Pour l’occasion, seule la présidente a siégé.

Les arguments étaient affutés. L’avocat du cabinet, Me Jean Néret, a plaidé le premier. « Un avocat à la cour ne peut être salarié d’un officier ministériel », a-t-il affirmé. Il s’est fondé sur ce même article 7 de la loi de 1971, « siège de la matière » : « on ne peut exercer une activité d’avocat salarié qu’entre avocats à la cour », au sens de ce texte. « Les cabinets d’avocats aux conseils n’exercent pas la même profession, ce sont des officiers ministériels », a-t-il ajouté. Ils tiennent, en effet, cet héritage d’une ordonnance royale du 10 septembre 1817 encore en vigueur.

En renfort, le praticien a cité une unique décision mais qui fait déjà figure de précédent tout indiqué. Il s’agit de l’arrêt de la chambre sociale du 16 septembre 2017 (v. Dalloz actualité, 21 sept. 2015, art. A. Portmann ). La décision tranche une situation voisine, à l’égard cette fois d’un avocat et d’un avoué qui, avant la disparition de la profession au 1er janvier 2012, était également officier ministériel. Or la Cour de cassation avait décliné la compétence prud’homale au profit du bâtonnier. La cour d’appel de renvoi, dans sa décision du 24 janvier 2017 statuant au fond, s’était chargée de rejeter l’action en requalification (v. Dalloz actualité, 27 janv. 2017, art. A. Portmann ).

En défense, l’avocat du collaborateur, Me Kevin Mention, a été pressé par l’insistance de la présidente à « répondre sur la compétence et sur l’arrêt de la Cour de cassation ». Il a tenté de placer le débat sur les éventuelles incohérences liées au statut : « Les cabinets d’avocats aux conseils n’ont même pas le même ordre, pas le même bâtonnier ». « Devant quel bâtonnier l’affaire sera renvoyée le cas échéant ? », a-t-il interrogé.

La décision sera rendue le 8 décembre prochain.

Auteur d'origine: tcoustet

En vertu du premier alinéa de l’article L. 2411-7 du code du travail, l’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures. Cette protection court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.

C’est par l’une des lois Auroux, la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, que la notion d’imminence aux élections professionnelles a été introduite dans le code du travail. Cette disposition fait avancer la date de protection contre le licenciement au moment où l’employeur a connaissance de l’imminence de la candidature. On trouve aujourd’hui cette disposition au second alinéa de l’article L. 2411-7 pour les candidats aux élections des délégués du personnel et, toujours à ce même alinéa à compter du 1er janvier 2018, pour les candidats à la fonction de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique. L’autorisation de licenciement est donc requise selon cet article lorsque la lettre du syndicat notifiant la candidature a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

En l’espèce, une salariée a informé son employeur par une lettre reçue le...

Auteur d'origine: SIRO

D’abord censuré par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la loi Macron du 6 août 2015, puis retiré du projet de la loi Travail, le plafonnement des indemnités en cas de licenciement injustifié est finalement institué par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (v. Dalloz actualité, 4 sept. 2017, art. A. Bariet et J.-B. Davoine ). Il s’applique aux licenciements prononcés à partir du 24 septembre. Vendredi 27 octobre, trois experts du contentieux prud’homal ont débattu de la validité juridique et de l’intérêt pratique de cette mesure destinée, assure le gouvernement, à lever les freins à l’embauche et ainsi lutter contre le chômage de masse.

« Les prud’hommes n’ont pas besoin de barème pour allouer des indemnités cohérentes »

Pour Jamila Mansour, vice-présidente aux prud’hommes de Bobigny et militante CGT, imposer un barème d’indemnités en cas de licenciement abusif est un non-sens : « Tout justiciable qui se présente aux prud’hommes est un cas particulier. Dans un procès, nous tenons compte de nombreux facteurs : l’historique du salarié, son âge, sa situation familiale, le fait qu’il ait ou non retrouvé un travail, le climat du licenciement injustifié, l’éventuelle violence du licenciement, la taille et la situation financière de l’entreprise, etc. Cela peut paraître théorique mais c’est notre activité au quotidien, insiste la magistrate. J’ai encore à l’esprit une salariée de 57 ans, à quelques années de la retraite, licenciée après trente-cinq années dans l’entreprise pour faute grave et insuffisance professionnelle en raison d’une simple erreur comptable ! En tant que juge, je trouve le barème choquant. Et c’est aussi le cas pour les conseillers employeurs, qui pensent également être capables d’allouer des indemnités cohérentes au regard du cas présenté ». Une affirmation confirmée par Bruno North, vice-président pour le Medef aux prud’hommes de Paris : « Le conseiller prud’homal juge en droit. Mais au bout du compte, les décisions sont prises à quatre, et cela instille toute l’humanité nécessaire. Il faut préserver, ce que l’on nous a appris en droit, l’appréciation souveraine des juges du fond ».

La conformité des ordonnances en question

Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris, qualifie quant à lui « d’hérésie juridique » le plafonnement des indemnités prud’homales : « Le point technique qui devrait faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dans les mois à venir, c’est de savoir si l’on peut “barémiser“ à partir du seul critère d’ancienneté. Personnellement, je pense que l’ordonnance sera censurée. Et si ce n’est pas le cas, les avocats vont dire que les dommages-intérêts ne réparent que le préjudice lié à l’ancienneté et vont donc demander des indemnités complémentaires pour tout le reste, prédit-il. Le juge retrouvera alors toute liberté d’indemniser les autres sources de préjudice liées à la rupture du contrat ».

L’avocat en droit social pour les entreprises pointe également une faiblesse de l’ordonnance Macron au regard du droit international : « On le sait, le juge constitutionnel n’exerce pas de contrôle de conventionnalité de la loi, c’est-à-dire qu’il ne vérifie pas que la loi française est conforme aux normes internationales. En défense, le ministère du travail avance que le barème existe déjà dans certains pays européens. Mais ces barèmes étrangers sont le fruit d’une autre histoire sociale, rappelle Frédéric Sicard. Pour la France, je crois que cette nouvelle norme va poser problème ». D’autres contournements du barème sont d’ores et déjà anticipés : « Il y a l’exception de l’atteinte par l’employeur aux libertés fondamentales du salarié, poursuit le bâtonnier de Paris, qui justifie d’écarter le barème d’indemnités. Parmi ces libertés fondamentales, il y a la dignité humaine, reconnue par le Conseil d’État. L’atteinte à la dignité humaine pourra être plaidée dans les cas de licenciements vexatoires et violents ».

La justice prud’homale, amortisseur social

Les trois praticiens craignent, à travers la mise en œuvre du plafonnement des indemnités, que les conseils de prud’hommes ne soient plus en mesure de réguler les relations sociales : « Les prud’hommes restent, et c’est leur grande force, une justice humaine », expose le conseiller issu du Medef Bruno North. « Les salariés apprécient d’être jugés par des personnes qui connaissent le monde de l’entreprise, presque des pairs dont ils reconnaissent l’impartialité. »

« Il faut quand même se dire que la France a complètement transformé son économie ces vingt dernières années, tout le tissu économique a été transformé, met en avant Frédéric Sicard. C’est d’une violence extrême, il faut avoir en tête le nombre de licenciements économiques prononcés. Si nous n’avons pas connu les violences sociales que l’on pouvait attendre d’une telle violence économique, je l’attribue à la grande qualité du système prud’homal qui a joué le rôle d’amortisseur social. »

Un propos relayé par la vice-présidente aux prud’hommes de Bobigny : « Quand un salarié se présente devant nous, c’est le plus souvent le procès d’une vie. Les demandeurs sont tendus et veulent entendre la décision, qu’elle soit positive ou non. Si l’on prive les salariés licenciés de cet accès à une justice perçue comme équitable, il y a effectivement une source de risque social qui doit intéresser toute la société française ».

Plafond d’indemnités : la faute aux cours d’appel ?

D’autant plus que les magistrats de première instance pensent ne pas être les premiers visés par les ordonnances : « Le constat est simple : vous avez une demande de 10 du salarié, les conseillers vont débattre et condamner l’employeur à verser une somme de 2 à 4. Puis le salarié va faire appel et obtenir entre 6 et 7, régulièrement avec une motivation relativement faible, dénonce Bruno North. Je me demande donc si la frénésie de cette indemnité maximale ne vise pas plutôt les magistrats professionnels qui ont parfois la main lourde sur les indemnités. Il est connu qu’il vaut parfois mieux tomber sur telle ou telle cour d’appel. Sur ce point, il me semble logique que la justice ne soit pas différente pour le justiciable de Dunkerque ou de Toulouse ».

Et Jamila Mansour de rappeler en conclusion que respecter le droit du travail reste le meilleur moyen d’éviter de verser d’importantes indemnités aux salariés : « Il y a des entreprises, parfois de grande taille, que l’on ne voit jamais, ou qui connaissent parfois des contentieux mais qui ne sont jamais condamnées, soutient la vice-présidente aux prud’hommes de Bobigny. J’imagine que ces employeurs licencient, mais qu’ils licencient lorsqu’il existe une cause réelle et sérieuse et qu’au quotidien, ils prennent soin de respecter la loi. Les prud’hommes ne sont donc pas une fatalité ».

Auteur d'origine: babonneau

La chambre sociale juge que le fait pour un employeur d’ouvrir son établissement le dimanche sans qu’il y soit autorisé de droit ou par autorisation préfectorale constitue un trouble manifestement illicite que le juge des référés est habilité à faire cesser (Soc. 14 juin 1989, n° 88-15.302, Bull. civ. V, n° 448 ; RJS 7/89 n° 586 ; 13 juin 2007, n° 06-18.336, Bull. civ. V, n° 103 ; D. 2007. AJ 1874  ; RJS 8-9/07 n° 963).

En l’espèce, une société qui exploite une supérette ouverte le dimanche matin et fermée le lundi, a saisi la juridiction commerciale afin de faire cesser le trouble manifestement illicite qu’elle estime subir du fait de l’ouverture le dimanche matin du magasin exploité à proximité du sien en violation de l’arrêté préfectoral du 4 juin 1952 qui prévoit que « seront totalement fermés au public, dans tout le département de Seine-et-Oise, le dimanche toute la journée, le lundi toute la journée ou le mercredi toute la journée, au choix des intéressés, les établissements […] dans lesquels est vendue au détail de l’alimentation solide et liquide à emporter ».

La cour d’appel a estimé qu’il n’y avait pas lieu à référé car, s’il incombe à...

Auteur d'origine: SIRO
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Dans une décision du 6 octobre 2017, la Cour de cassation apporte deux précisions relatives, d’une part, à la détermination de la rémunération devant être maintenue en cas de maladie et, d’autre part, aux éléments que le juge doit prendre en compte pour vérifier que le salarié établit qu’il a pu être victime de harcèlement moral.

Afin de compléter les prestations servies notamment par les organismes de sécurité sociale, l’article L. 1226-1 du code du travail met en place un dispositif de maintien de salaire au profit des salariés en arrêt de travail pour maladie ou accident. Le travailleur comptabilisant une année d’ancienneté dans l’entreprise va ainsi être assuré d’obtenir, après écoulement d’un délai de carence, 90 % de sa rémunération pendant trente jours, puis deux tiers de celle-ci les trente jours suivants, ces droits augmentant avec l’ancienneté.

De nombreuses conventions collectives améliorent cette situation. Les dispositions conventionnelles applicables aux cadres des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées (annexe n° 6 à la convention collective du 15 mars 1966 – IDCC 413) offrent ainsi un maintien du salaire net pendant les six premiers mois d’absence, puis d’un demi-salaire net les six mois suivants.

Dans l’affaire ayant conduit à l’intervention de la Cour de cassation, le montant du salaire devant être maintenu posait difficulté. Les juges ont été conduits à s’interroger sur la prise en compte des rémunérations versées à l’occasion des astreintes pour l’application des dispositions conventionnelles susvisées.

La juridiction d’appel avait cru pouvoir exclure de la rémunération à maintenir les sommes en question. Elle a en effet considéré que, « si l’avenant applicable aux cadres précise que certaines primes et indemnités suivront le sort du salaire, il n’existe rien de tel en ce qui concerne les indemnités d’astreinte, qu’en outre l’article 72, a), de la convention collective prévoit l’ajout au salaire brut d’un certain nombre d’indemnités mais pas celles relatives au paiement des astreintes ». En conséquence, il y avait lieu selon les juges du fond de retenir que les signataires de la convention collective n’ont pas entendu inclure les indemnités pour astreinte dans la base de calcul du complément versé par l’employeur au salarié en arrêt maladie.

Les dispositions retenues par la cour d’appel ne visent cependant pas la détermination de l’assiette de calcul du maintien de salaire. La seule référence faite dans le cadre de ce dispositif au sein de la convention collective mentionne le salaire normalement perçu par le cadre s’il n’avait pas interrompu son activité. Les juges du droit en concluent, sur le fondement de la force obligatoire des contrats (C. civ., art. 1134 anc., 1103 nouv.) qu’il n’y a pas lieu d’en exclure les indemnités d’astreinte, qui constituent une partie du salaire normalement perçu par le travailleur. Au regard des fondements utilisés, il convient de considérer que les partenaires sociaux auraient pu en décider autrement, ce qui n’est pas le cas ici.

Soulignons que, rendue à propos d’un dispositif de maintien de salaire conventionnel, la décision n’en est pas moins extensible au dispositif légal. En effet, le maintien de salaire prévu par le code du travail renvoie à la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler (C. trav., art. D. 1226-1) comme salaire de référence à utiliser pour calculer les droits du salarié en cas d’absence pour maladie. Cette mention étant similaire à celle de « salaire normalement perçu par le cadre s’il n’avait pas interrompu son activité » envisagée dans la convention collective appliquée ici, il y a lieu de considérer que la position adoptée par la Cour de cassation est transposable au dispositif légal du maintien de salaire.

Concernant la preuve du harcèlement, deuxième thème abordé dans la décision, l’article L. 1154-1 du code du travail exige du salarié qu’il présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dans l’arrêt analysé, le salarié avait présenté divers éléments, parmi lesquels des documents médicaux, que les juges du second degré n’ont pas pris en compte pour apprécier s’ils justifiaient de faits susceptibles de caractériser l’existence d’un harcèlement moral. Fort logiquement, leur décision ayant écarté le harcèlement est cassée sur ce moyen, la Cour de cassation imposant leur prise en compte afin d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il s’agit ici pour la haute juridiction de reprendre le rôle des juges du fond tel que précisé l’an dernier par une décision dans laquelle elle leur imposait « d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié » (Soc. 8 juin 2016, n° 14-13.418, Dalloz actualité, 21 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1257 ; ibid. 1588, chron. E. Wurtz ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ) pour se prononcer sur le harcèlement moral.

Auteur d'origine: Cortot

Le projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social sera examiné les 7, 8, 9 et 14 novembre par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale. 

 

Pour rappel :

• Ordonnances : les domaines réservés à la branche professionnelle sont complétés, 28 sept. 2017, art. F. Mehrez

• Ordonnances : les règles de mise en place du comité social et économique sont clarifiées, 27 sept. 2017, art. J. François

• Licenciement et emploi : les ultimes changements, 27 sept. 2017, art. B. Domergue

• Les ordonnances Travail ont été publiées au Journal officiel, 25 sept. 2017, art. M. B.

• Social : Édouard Philippe annonce un cycle de réformes bouclé à l’été 2018, 18 sept. 2017, art. A. Bariet et L. Mahé Desportes

• Indemnités prud’homales plafonnées : l’office du juge à l’épreuve du barème, 15 sept. 2017, art. T. Coustet

• Notification du licenciement : ce que changent les ordonnances, 12 sept. 2017, art. F. Mehrez

• Les...

Auteur d'origine: babonneau
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En l’absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le contrat à durée déterminée (CDD) résulte de la volonté de l’employeur de porter atteinte à son droit d’obtenir en justice la requalification du contrat en CDI (n° 16-20.460).

Par la première décision (pourvoi n° 16-20.270), promise à la plus large diffusion, la chambre sociale indique que « le droit à l’emploi ne constitue pas une liberté fondamentale qui justifierait la poursuite du contrat de travail au terme de la mission de travail temporaire en cas d’action en requalification en contrat à durée indéterminée ». En l’espèce, un salarié a accompli plusieurs missions pour accroissement temporaire d’activité. Avant le terme de son dernier contrat, il a saisi en référé la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat en CDI et la poursuite de sa relation contractuelle. La formation de référé ordonne la poursuite de la relation de travail, le conseil de prud’hommes statue ultérieurement sur le fond en requalifiant le contrat en CDI. La cour d’appel saisie infirme l’ordonnance de référé. Dans un arrêt postérieur, elle prononce la nullité de la rupture du contrat de mission requalifié en CDI au motif que le salarié a agi en justice avant le terme de son contrat afin de faire respecter la liberté fondamentale au maintien du salarié dans l’emploi à la suite de la violation des dispositions relatives aux conditions restrictives de recours au travail temporaire. La décision est censurée par la chambre sociale.

Dans la note explicative produite par la Cour de cassation, il est rappelé que, dès lors qu’aucun texte n’interdit ou ne restreint la faculté de l’employeur de licencier, la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur n’ouvre droit qu’à des réparations de nature indemnitaire. Il en résulte que le juge ne peut, en l’absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d’une liberté fondamentale, annuler le licenciement (Soc. 13 mars 2001, n° 99-45.735, Bull. civ. V, n° 87 ; D. 2001. Actu. 1215http://RECUEIL/IR/2001/0907 ; Dr. soc. 2001. 1117, obs. C. Roy-Loustaunau ). Cette solution s’applique en matière de CDD requalifié en CDI, la sanction indemnitaire est la règle (Soc. 30 oct. 2002, n° 00-45.608, Bull. civ. V, n° 331 ;  Dr. soc. 2003. 134, obs. C. Roy-Loustaunau ).

La présente décision permet à la Cour de cassation de préciser que le droit à l’emploi « qui résulte de l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 n’est pas une liberté fondamentale, mais un droit-créance qui doit être concilié avec d’autres droits ou principes constitutionnels, tels que la liberté d’entreprendre qui fonde, pour l’employeur, le droit de recruter librement ou de licencier un salarié. La définition de cet équilibre entre deux droits de nature constitutionnelle relève du législateur, sous le contrôle du Conseil constitutionnel. En revanche, un justiciable ne peut pas se prévaloir directement dans le cadre d’un litige d’une violation du droit à l’emploi, sauf à vider de leur substance les autres droits constitutionnels avec lesquels ce droit doit être concilié » (note explicative).

Pour obtenir gain de cause, ce n’est pas le droit à l’emploi qui doit être invoqué par le salarié, mais la violation d’une liberté fondamentale comme la violation du droit du salarié d’agir en justice, par exemple dans le cas de ruptures anticipées de CDD consécutives à la saisine du juge par des salariés pour voir requalifiés leurs contrats en CDI (Soc. 6 févr. 2013, n° 11-11.740, Bull. civ. V, n° 27 ; Dalloz actualité, 27 mars 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. Actu. 440 ; RDT 2013. 630, obs. P. Adam ; Dr. soc. 2013. 415, note J. Mouly ). Encore faut-il que la relation de cause à effet entre la fin de la relation de travail et la saisine du juge soit établie.

Dans la seconde décision ici présentée (pourvoi n° 16-20.460), la Cour de cassation vient justement préciser qu’en « l’absence de rupture du contrat de travail pour un motif illicite, il appartient au salarié de démontrer que la fin de la relation de travail intervenue par le seul effet du terme stipulé dans le CDD résulte de la volonté de l’employeur de porter atteinte à son droit d’obtenir en justice sa requalification en CDI ». En l’espèce, un employeur proposait chaque année un CDD à une salariée pour effectuer des tâches d’agent de service thermal. À la suite de la saisine du juge par la salariée afin d’obtenir la requalification de sa relation de travail en CDI, aucun contrat ne lui est proposé. La cour d’appel a constaté que l’employeur ne donne pas d’explication plausible à l’absence de relation de travail et que ses agissements ont pour but de dissuader la salariée – et probablement les autres salariés qui se trouvent dans une situation comparable – de saisir le juge d’une demande en requalification. La chambre sociale censure la décision du juge du fond, car la cour d’appel a posé une présomption de violation du droit du salarié d’agir en justice en cas de non-proposition d’un nouveau CDD à la suite de la demande de requalification en CDI d’un précédent contrat. C’est cette inversion de la charge de la preuve qui est sanctionnée.

Auteur d'origine: SIRO
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Les salariés, dont le licenciement est irrégulier faute pour la procédure d’avoir été respectée ou parce qu’il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, relèvent d’un régime distinct selon leur ancienneté dans l’entreprise ou l’importance des effectifs de celle-ci. Si le salarié a une ancienneté d’au moins deux ans ou appartient à une entreprise employant au moins onze salariés, il peut prétendre, au titre de l’irrégularité de forme, à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (C. trav., art. L. 1235-2) et, au titre de l’irrégularité de fond, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (C. trav., art. L. 1235-3). La situation du salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté ou appartenant à une entreprise de moins de onze salariés est tout autre. Dans ce cas, le salarié a droit à une indemnité correspondant au préjudice subi (C. trav., art. L. 1235-5).

Cette différence de traitement, qui ne peut s’expliquer que par le souci du législateur de ménager les petites entreprises et leur éviter la charge d’indemnités de rupture trop lourdes, a cependant peiné à convaincre les juges de la Cour de cassation (Dr. soc. 1991. 762, obs. G. Picca ). Ces derniers ont, en effet, fini, malgré la forfaitisation partielle de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la fixation d’un plancher dissuasif, par rapprocher, dans le respect des textes, le régime juridique applicable aux deux catégories de salariés ci-dessus décrites. Ainsi, alors que l’article L. 1235-5 semble renvoyer aux règles du droit commun de la responsabilité civile et exiger la preuve non seulement de l’existence d’un préjudice consécutif à l’une ou l’autre des irrégularités mais encore celle de son quantum, la Cour de cassation a décidé d’établir, à l’image de ce qu’exigent les articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du code du travail (concernant le non-respect de la procédure de licenciement, v. not. Soc. 18 mars 2014, n° 11-26.424, Dalloz jurisprudence ; 23 sept. 2015, n° 14-19.163, Dalloz jurisprudence), une présomption de préjudice au profit du salarié lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc. 25 sept. 1991, n° 88-41.251, Bull. civ. V, n° 380 ; Dr. soc. 1991. 762, avis G. Picca ; 23 avr. 1992, n° 91-43.299 ; 5 oct. 1993, n° 90-42.602 ; 8 févr. 1995, n° 93-42.543 ; 12 nov. 1996, n° 93-44.166 ; 14 mai 1998, n° 96-42.104, Bull. civ. V, n° 253 ; 10 févr. 2000, n° 97-45.757 ; 12 déc. 2001, n° 99-45.217 ; 26 févr. 2003, n° 01-41.386 ; 26 janv. 2005, n° 02-47.032 ; 13 nov. 2007, n° 06-43.475 ; 2 avr. 2014, n° 12-28.103, Dalloz jurisprudence) et lorsque l’employeur n’a pas respecté la procédure de licenciement (Soc. 23 oct. 1991, nos 88-42.507 et 88-43.235, Bull. civ. V, nos 428 et 429 ; 15 oct. 1998, n° 96-42.638, Dalloz jurisprudence ; 13 mai 2009, n° 07-44.245, Bull. civ. V, n° 129 ; D. 2009. 1542, obs. B. Ines ; Dr. soc. 2009. 818, note F. Favennec-Héry ; 30 nov. 2010, n° 09-40.695 ; 23 sept. 2014, n° 11-28.137, Dalloz jurisprudence), le juge étant alors tenu d’en apprécier l’étendue.

Par un arrêt du 13 septembre 2017, la chambre sociale a apporté des éclaircissements et nouveautés concernant le régime indemnitaire du licenciement du salarié relevant des dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail.

La Cour de cassation a, pour censurer un arrêt qui avait rejeté la demande d’un salarié en dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail aux motifs que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice, considéré qu’il résulte de l’article L. 1235-5 du code du travail que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

La solution est parfaitement conforme à la jurisprudence ci-dessus exposée : l’absence de cause réelle et sérieuse cause nécessairement un préjudice au salarié ayant moins de deux ans d’ancienneté ou appartenant à une entreprise de moins de onze salariés. Mais elle en trace plus nettement les contours. Jusqu’alors, s’ils ne pouvaient écarter l’existence d’un préjudice, les juges du fond disposaient d’un pouvoir souverain quant à son évaluation (Soc. 16 févr. 1999, n° 97-40.309 ; 25 oct. 2000, n° 98-44.440 ; 29 oct. 2003, n° 01-43.970 ; 25 mars 2009, n° 07-44.723 ; 26 juin 2012, n° 11-12.579 ; 12 févr. 2014, n° 12-20.817, Dalloz jurisprudence). Elle avait cependant affirmé à plusieurs reprises que les juges pouvaient avoir apprécié souverainement « l’existence et le montant du préjudice subi par le salarié » (Soc. 24 mars 1999, n° 97-41.062 ; 19 avr. 2000, n° 98-41.830 ; 11 juill. 2001, n° 99-42.113 ; 25 sept. 2002, n° 00-43.959, Dalloz jurisprudence). Le doute n’est désormais plus permis. L’absence de cause réelle et sérieuse laisse présumer l’existence d’un préjudice.

Mais, bien que constante sur le régime de l’article L. 1235-5 en cas d’irrégularité de fond, la Cour de cassation a néanmoins décidé d’opérer un revirement de jurisprudence s’agissant du régime applicable en cas d’irrégularité de forme.

Alors que, contestant le rejet de sa demande en dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, le salarié, demandeur au pourvoi, invoquait la présomption de préjudice, la Cour considère que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond et prononce le rejet du pourvoi, la cour d’appel ayant, en l’espèce, estimé que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement. En somme, le non-respect de la procédure de licenciement ne laisse plus présumer l’existence d’un préjudice.

Le recul est net et d’ailleurs difficilement compréhensible.

Certes, comme nous l’avons observé, en disposant que le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi, le texte de l’article L. 1235-5 du code du travail pouvait suggérer l’application du droit commun de la responsabilité civile. En cela, la solution paraîtrait justifiée.

À cela s’ajoute que la Cour de cassation a entamé une série de remises en cause de présomptions de préjudice s’agissant du défaut de remise des documents de fin de contrat (Soc. 13 avr. 2016, n° 14-28.293, publié au Bulletin ; Dalloz actualité, 17 mai 2016, obs. B. Ines ; D. 2016. 900 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ; 11 janv. 2017, n° 15-10.281, Dalloz jurisprudence) et de l’illicéité d’une clause de non-concurrence (Soc. 25 mai 2016, n° 14-20.578, publié au Bulletin ; Dalloz actualité, 15 juin 2016, obs. M. Roussel ; D. 2016. 1205 ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ; ibid. 773, obs. J. Mouly ; RDT 2016. 557, obs. L. Bento de Carvalho ; 5 oct. 2016, n° 15-22.730, publié au Bulletin ; Dalloz actualité, 15 nov. 2016, obs. B. Ines ; D. 2016. 2070 ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJ Contrat 2017. 43, obs. Y. Picod ; JCP S 2016. 1402, obs. L. Drai). Cette récente défiance à l’égard des présomptions de préjudice constituerait un mouvement plus général de retour au droit commun de la responsabilité civile, dans la limite bien sûr de ce qu’autorise le code du travail.

Mais l’avocat général Georges Picca le soulignait déjà : la dualité des textes dont nous avons fait la présentation in limine introduit une discrimination entre des salariés subissant des inconvénients comparables issus d’une même situation. Et l’autonomie du droit du travail devait conduire à ne pas reléguer au droit commun une partie des salariés alors que les autres bénéficiaient d’un régime en quasi-totalité dérogatoire. Le tronc commun, malgré l’absence de traitement unitaire sur la détermination du montant de l’indemnité, devait résider dans l’établissement d’une présomption de préjudice.

Surtout, l’adoption de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail met directement à mal la position prétorienne ici retenue. L’article 2 de cette ordonnance prévoit, en effet, que les dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail sont remplacées par les prescriptions suivantes : « Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11 ». A ainsi disparu le premier alinéa de l’ancien article L. 1235-5 du code du travail qui excluait l’application aux salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou appartenant à une entreprise employant moins de onze salariés des anciens articles L. 1235-2 et L. 1235-3 du même code. Or l’article 4 de l’ordonnance précitée, même s’il a réécrit l’article L. 1235-2, en conserve la substance. Cela signifie que, sauf à ce que la Cour de cassation projette d’opérer un revirement de jurisprudence quant à l’existence d’une présomption de préjudice auparavant établie sur le fondement de l’ancien article L. 1235-2 du code du travail pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté et appartenant à une entreprise d’au moins onze salariés, le licenciement d’un salarié est soumis, quelle que soit son ancienneté ou la taille de l’entreprise, au même régime indemnitaire lorsqu’une irrégularité de forme est établie.

Il peut paraître dès lors inopportun de changer d’orientation, compte tenu de l’objectif constamment affiché de rendre le droit du travail prévisible pour les employeurs, alors même que la solution leur est finalement favorable, l’existence d’un préjudice pouvant être écartée à défaut d’avoir été démontrée.

Auteur d'origine: Ines
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La loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 (JT 2012, n° 141, p. 10, obs. L. T.) s’applique « aux entreprises, établissements ou parties d’établissement concourant directement à l’activité de transport aérien de passagers » ou qui assurent des services annexes (exploitation d’aérodrome, missions d’assistance de toutes sortes, etc. ; C. transp., art. L. 1114-1). Ce texte pose le principe du droit des passagers à être informés sur le service assuré en cas de grève. Précisément, tout passager a le droit de disposer d’une information « gratuite, précise et fiable » sur la réalité du trafic assuré. Pour ce faire, l’entreprise de transport doit délivrer cette information au passager, dans la mesure du possible, au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation liée à la grève (C. transp., art. L. 1114-7).

Ainsi, pour pouvoir garantir cet objectif, il pèse sur les salariés grévistes dont l’absence est de nature à affecter la réalisation des vols, l’obligation d’informer leur employeur, au plus tard 48 heures avant de participer à la grève, de leur intention d’y participer. Le droit de grève s’exerce ainsi dans le cadre des lois qui le réglementent (cette obligation a été jugée conforme à la Constitution, Cons. const. 15 mars 2012, n° 2012-650 DC, AJDA 2012. 574 ; Dr. soc. 2012. 708, étude V. Bernaud ; Constitutions 2012. 333, obs. C. Radé ). Il n’existe aucune forme à respecter. En ce sens, la Cour de cassation a déjà jugé conforme la remise à l’employeur d’une liste collective des déclarations d’intention de grève signé...

Auteur d'origine: Fraisse

Si l’organisme chargé du service de la prestation doit être informé de l’ensemble des ressources, de la situation familiale et de tout changement en la matière, il doit l’être aussi de toutes informations relatives au lieu de résidence, ainsi qu’aux dates et motifs des séjours à l’étranger lorsque leur durée cumulée excède trois mois.

En l’espèce, la caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône a informé M. B. de la fin de son droit au RSA à compter du 1er juin 2009 et lui a réclamé un trop-perçu. Le tribunal administratif, pour rejeter la demande d’annulation, a estimé, au regard des mentions portées sur les passeports algériens de M. et Mme B. que l’administration avait pu légitimement considérer qu’ils n’avaient pas « une présence stable et régulière sur le territoire français ».

Pour la Haute juridiction, « en se fondant ainsi exclusivement sur la fréquence des séjours des intéressés hors du territoire français, pour juger qu’ils n’avaient pas droit au bénéfice du [RSA] depuis le 1er juin 2009, sans […] rechercher préalablement si M. et Mme B. justifiaient d’une résidence stable et effective en France, au sens de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, puis déterminer ensuite, le cas échéant, si la durée totale de ces séjours par année civile excédait trois mois et justifiait ainsi que l’allocation ne leur soit versée que pour les seuls mois civils complets de présence sur le territoire, le tribunal a commis une erreur de droit ».

Auteur d'origine: emaupin

Le juge de l’aide sociale doit prendre en compte, pour fixer le montant de celle-ci, une décision du juge judiciaire en matière d’obligation alimentaire, juge le Conseil d’État.

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Auteur d'origine: emaupin

Les différences de traitement entre salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de cette entreprise et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées.

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Auteur d'origine: peyronnet

Un syndicat, signataire initial d’une convention ou d’un accord collectif, qui n’est plus représentatif au moment où leur révision est envisagée, ne peut s’opposer à celle-ci

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Auteur d'origine: Cortot

Lorsque l’avis d’inaptitude précède le licenciement pour motif économique, l’employeur est tenu de prendre en compte les préconisations du médecin du travail dans ses offres de reclassement. Il en est néanmoins dispensé lorsque l’impossibilité de reclassement ressort d’une cessation totale et définitive d’activité de l’entreprise.

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Auteur d'origine: Fraisse

Les conventions de forfait en jours doivent être prévues par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées raisonnables de travail notamment par un suivi effectif et régulier de l’employeur.

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Auteur d'origine: Fraisse

Le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l’amiante est constitué par le seul préjudice d’anxiété dont l’indemnisation n’est ouverte qu’au salarié ayant travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel.

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Auteur d'origine: Fraisse

Édouard Philippe, Premier ministre, et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, ont présenté, vendredi 13 octobre, leur plan pour garantir à tous un égal accès au soin. 

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Auteur d'origine: emaupin

La demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail introduite par un salarié antérieurement à son licenciement pour motif économique prononcé après qu’il ait exprimé l’intention de quitter l’entreprise dans le cadre d’un plan de départ volontaire doit être examinée par le juge malgré cette rupture.

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Auteur d'origine: Cortot

L’absence d’indépendance d’un syndicat lors de l’exercice d’une prérogative syndicale, judiciairement établie, ne le prive pas de la possibilité d’exercer, plus tard, les prérogatives liées à la qualité d’organisation syndicale représentative dès lors qu’il réunit, lors de l’exercice de ces prérogatives, tous les critères exigés.

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Auteur d'origine: Cortot

En l’absence de recours exercé devant l’inspecteur du travail contre les avis du médecin du travail, ces derniers s’imposent au juge.

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Auteur d'origine: Fraisse

La chambre sociale décide que l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail.

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Auteur d'origine: SIRO

Précisions sur les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat d’une pigiste en raison de l’absence de fourniture de travail par son employeur. 

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Auteur d'origine: peyronnet

S’appuyant sur les articles L. 3211-3 et R. 1112-47 du code de la santé publique, le Conseil d’État considère que lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement, il peut être interdit à un proche de lui rendre visite au motif, « qu’une telle visite n’est pas compatible avec l’état de santé du patient ou la mise en œuvre de son traitement ».

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Auteur d'origine: emaupin

Le salarié qui n’a pas expressément qualifié d’agissements de harcèlement moral les faits qu’il a dénoncés ne peut se prévaloir de la protection contre le licenciement prévue pour avoir relaté de tels agissements.

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Auteur d'origine: Cortot

La procédure prévue par l’article L. 1222-6 du code du travail est uniquement applicable lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail pour l’un des motifs énoncés à l’article L. 1233-3 du code du travail.

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Auteur d'origine: SIRO

La cour d’appel de Pau a considéré qu’un « audit social », réalisé par l’avocat de l’employeur, constituait un moyen de preuve légal et admissible de nature à fonder un licenciement pour faute grave.

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Auteur d'origine: portmann

Selon le décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 portant revalorisation de l’indemnité légale de licenciement publié le 26 septembre au Journal officiel, il faut désormais faire la différence entre les dix premières années d’ancienneté et les suivantes.

Ainsi, « l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
"1° Un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ;
" 2° Un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans. »

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Auteur d'origine: babonneau
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La combinaison des modes de rupture est parfois chose complexe. Régulièrement, la pratique des relations de travail laisse notamment apparaître des exemples de superposition se manifestant par une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail suivie d’une rupture effective de ce contrat. La Cour de cassation s’est attachée à préciser comment les juges du fond devaient traiter la demande du salarié en fonction du type de rupture intervenu postérieurement.

Ainsi, si le salarié démissionne après avoir introduit sa demande de résiliation judiciaire, celle-ci devient sans objet : elle n’a plus à être traitée par le juge (Soc. 30 avr. 2014, n° 13-10.772, Bull. civ. V, n° 108 ; Dalloz actualité, 26 mai 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 1043 ; Dr. soc. 2014. 675, obs. J. Mouly ). Au contraire, lorsque l’employeur licencie le salarié demandeur en cours d’instance, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être examinée. Dans une telle situation, « le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée », et « c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur » (Soc. 16 févr. 2005, n° 02-46.649, Bull. civ. V, n° 54 ; D....

Auteur d'origine: Cortot

En l’espèce, le fils de M. C. a été hospitalisé avec son consentement au centre hospitalier Charles-Perrens de Bordeaux. Fin mai 2010, et à la suite d’un acte de violence commise à l’encontre d’un personnel hospitalier, le préfet de la Gironde a décidé de son hospitalisation d’office pour un mois. Les 28 mai et 1er juin, son père s’est vu refuser le droit de lui rendre visite en raison de son état de santé. Il a alors contesté ses deux refus devant la juridiction administrative qui a rejeté ses demandes (v. CAA Bordeaux, 8 déc. 2015, n° 15BX02216, AJDA 2016. 581

Auteur d'origine: emaupin

Un ancien golfeur professionnel a été engagé par une association exploitant un terrain de golf en qualité de directeur, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Un peu plus de sept ans après son embauche, le directeur est licencié pour faute grave. Il lui est notamment reproché de graves manquements en matière de droit social. Les griefs étaient établis, entre autres, au moyen d’un « audit social », dressé par l’avocat de l’employeur, qui a constaté les manquements du salarié (absence de contrats écrits de certains salariés, comportement dénigrant envers une salariée, défaut de tenue d’un registre des alertes, etc.). Le salarié concerné a saisi le conseil de prud’hommes, demandant la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il demandait la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes découlant de cette requalification. Il a été débouté de ses demandes et a interjeté appel de la décision.

Un rapport « illégal » ?

Le salarié licencié avançait, entre autres arguments, que le licenciement s’appuyait sur un rapport d’« audit social », rédigé par le propre avocat de l’employeur. Il soutenait que le procédé était illégal et que les juges devaient écarter ce document qui ne pouvait, selon lui, avoir aucune valeur probatoire. Il soulignait en premier lieu que les investigations effectuées par le conseil de l’employeur dans l’entreprise relevaient en réalité des compétences de l’inspection du travail et que cette enquête constituait un détournement de leur compétence. Il faisait en outre valoir que l’avocat-conseil de l’employeur avait conduit des investigations sur le respect du droit social dans l’entreprise à charge, sans respecter le principe du contradictoire, comparant le rapport à un véritable « réquisitoire » contre lui. Ce rapport a, par la suite, servi à fonder le licenciement. Le salarié estimait également que l’établissement d’un tel rapport, ainsi que la réalisation de l’enquête qui l’avait précédé ne relevaient pas des missions de l’avocat au sens du règlement intérieur national (RIN).

Une prestation de conseil et d’assistance

La cour a rejeté l’argumentation du salarié. Elle n’a cependant pas répondu aux premiers arguments avancés, relatifs à l’absence de contradictoire et au contournement de la compétence des inspecteurs du travail. Toutefois, elle a jugé que le rapport « d’audit social » effectué par l’avocat constituait une preuve parfaitement légale et admissible des faits ayant fondé le licenciement. Par ailleurs, elle a considéré qu’un avocat pouvait parfaitement être missionné par un client pour effectuer cette tâche, la réalisation de cet audit étant, selon les juges du fond, une prestation de conseil et d’assistance telle que définie à l’article 6.2 du RIN. La cour d’appel a confirmé partiellement le jugement de première instance, validé le licenciement pour faute grave et débouté l’appelant de l’ensemble de ses prétentions salariales.

Auteur d'origine: portmann

Par deux décisions du 14 septembre 2017, la chambre sociale apporte quelques corrections à sa jurisprudence antérieure. Elle considère en effet, au visa de l’article 6, § 1, de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, que, concernant la mise à la retraite d’un salarié en raison de son exposition à des conditions de travail pénibles pendant une certaine durée (15 ans en l’espèce), l’employeur ne peut procéder à la mise en inactivité du salarié qu’à condition de démontrer que les conditions de travail pénibles ont eu un impact réel sur la santé du...

Auteur d'origine: peyronnet
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Opérée en 2008 (L. n° 2008-789 du 20 août 2008), la réforme de la représentativité syndicale, « porte d’accès » du syndicat à des prérogatives renforcées, a profondément modifié l’appréciation de cette qualité. Nul besoin de s’attarder sur les critères, renouvelés, de la représentativité, que l’article L. 2121-1 du code du travail énumère : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté d’au moins deux ans, audience électorale, influence, nombre d’adhérents et cotisations. La jurisprudence qui a suivi la refonte du dispositif s’est pour sa part beaucoup attardé – les dispositions législatives s’avérant relativement imprécises – sur la question de l’appréciation des critères et leur combinaison.

On se souvient ainsi de la position de la Cour de cassation qui, interprétant l’exigence cumulative des critères posés par le nouveau texte, a précisé que ceux relatifs au respect des valeurs républicaines, à l’indépendance et à la transparence financière doivent être satisfaits de manière autonome, tandis que les autres font l’objet d’une appréciation globale – bien que tous doivent être respectés (Soc. 29 févr. 2012, n° 11-13.748, Bull. civ. V, n° 83 ; Dalloz actualité, 14 mars 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 687 ; ibid. 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2012. 528, obs. L. Pécaut-Rivolier ; RDT 2012. 299, obs. I. Odoul-Asorey ; RJS 2012. 392, n° 471; Dr. ouvrier 2012. 315, rapp. Béraud ; JS Lamy 2012, n° 320-5, obs. C. Ferté ; JCP S 2012. 1168, obs. B. Gauriau).

Si un guide d’évaluation de la représentativité syndicale était ainsi donné aux juges du fond, la Cour de cassation ne donnait pas de précision sur la durée de la représentativité reconnue à une organisation professionnelle. Évitant les remises en cause trop fréquentes des prérogatives des syndicats représentatifs, la chambre sociale a, par un arrêt rendu l’année suivante, assuré la stabilité en affirmant que la représentativité des organisations syndicales, dans un périmètre donné, est établie pour toute la durée du...

Auteur d'origine: Cortot

Par cet arrêt du 21 septembre 2017, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle « en l’absence de recours exercé devant l’inspecteur du travail contre les avis du médecin du travail, ceux-ci s’imposent au juge » (Soc. 17 déc. 2014, n° 13-12.277, Dalloz actualité, 21 janv. 2015, art. C. Fleuriot ; 2 févr. 1994, n° 88-42.171, Bull. civ. V, n° 43). En l’espèce, un salarié à l’issue de deux examens médicaux a été déclaré apte à son poste avec restriction. Un peu moins d’un mois plus tard, le médecin du travail, après étude du poste, a déclaré le salarié inapte à son poste. Par suite, le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Selon la cour d’appel, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. L’arrêt retient qu’en application des articles R. 4624-34 et R. 4624-47 du code du travail, le médecin du travail doit à l’issue de chacun des examens...

Auteur d'origine: Fraisse
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Par ces deux décisions promises à la plus large diffusion, la chambre sociale revient sur une jurisprudence bien établie, et pourtant critiquable, selon laquelle la promesse d’embauche valait contrat de travail (constitue une promesse d’embauche valant contrat de travail l’écrit qui précise l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction, la rupture de cet engagement s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, v. Soc. 15 déc. 2010, n° 08-42.951, Bull. civ. V, n° 296 ; Dalloz actualité, 20 janv. 2011, obs. J. Siro  ; D. 2011. 170 ; RDT 2011. 108, obs. G. Auzero ; JS Lamy 2011, n° 293-2, obs. J.-P. Lhernould ; JCP S 2011. 1104, obs. C. Puigelier). Cette jurisprudence se voulait protectrice des intérêts du salarié puisque, comme la Cour de cassation le souligne dans sa note explicative publiée sur son site internet, « dès lors que la promesse d’embauche mentionnant la date d’entrée en fonction et l’emploi proposé valait contrat de travail, l’employeur se trouvait empêché de la retirer, même si le salarié ne l’avait pas encore acceptée », mais elle « présentait quelques difficultés en ce qu’elle ne prenait pas en compte la manifestation du consentement du salarié pour s’attacher exclusivement au contenu de l’acte émanant de l’employeur. Ainsi, un acte unilatéral emportait les effets d’un contrat synallagmatique » (en ce sens, v. nos obs. préc. ; J.-Y. Frouin, Le contrat de travail et les dérogations au droit commun du contrat, Dr. soc. 2017. 696 ).

Dans chacune des deux affaires, un joueur de rugby avait reçu une promesse d’embauche émanant d’un club, respectivement le 25 mai 2012 (pourvoi n° 16-20.103) et le 22 mars (pourvoi n° 16-20.104). Le 6 juin 2012, le club informait les deux joueurs qu’il n’entendait pas donner suite aux contacts noués. Le 12 puis le 18 juin, chacun des deux joueurs retournait la promesse d’embauche signée. La cour d’appel de Montpellier, saisie du litige, a fait application de la jurisprudence alors applicable aux faits de l’espèce : la promesse d’embauche vaut contrat de travail.

La chambre sociale rend sa décision au visa des articles 1134 du code civil dans sa version applicable à l’espèce et L. 1221-1 du code du travail soulignant que « l’évolution du droit des obligations, résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, conduit à apprécier différemment, dans les relations de travail, la portée des offres et promesses de contrat de travail » (formulation déjà employée par une chambre mixte, v. Cass., ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411, Dalloz actualité, 20 mars 2017, note A. Galliard ; D. 2017. 793, obs. N. explicative de la Cour de cassation , note B. Fauvarque-Cosson ; ibid. 1149, obs. N. Damas ; AJDI 2017. 612 , obs. M. Thioye ; AJ Contrat 2017. 175 , obs. D. Houtcieff ; RTD civ. 2017. 377, obs. H. Barbier ).

Elle énonce que :

l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ; que la rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur ; la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ; que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.

Les décisions du juge du fond sont par conséquent censurées puisqu’il n’a pas constaté que, dans chacune des deux hypothèses, l’acte offrait au joueur le droit d’opter pour la conclusion du contrat de travail dont les éléments essentiels étaient déterminés et pour la formation duquel ne manquait que son consentement.

Il appartiendra à la cour d’appel de renvoi de relever si les éléments constitutifs de la promesse unilatérale de contrat de travail sont réunis. Si tel n’est pas le cas, une offre de contrat de travail sera caractérisée et le délai entre sa présentation et sa rétractation sera jugé comme raisonnable ou non, critère permettant la mise en jeu de la responsabilité de l’auteur de l’offre.

La Cour de cassation applique par anticipation la réforme du droit des obligations (v. déjà, pour une application « anticipée », Cass., ch. mixte, 24 févr. 2017, préc.) aux faits de l’espèce. Les dispositions de l’ordonnance du 10 février 2016 ne sont entrées en vigueur que le 1er octobre 2016 et, conformément à l’article 9 de ce texte, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne. Cette application permet à la chambre sociale de rendre, et là réside le paradoxe, une décision qui n’aurait pas véritablement heurté la lettre et l’esprit du droit antérieur à la réforme (la note explicative souligne d’ailleurs la divergence qui existait entre la jurisprudence de la chambre sociale et celle de la troisième chambre civile, v. Civ. 3e, 7 mai 2008, n° 07-11.690, Bull. civ. III, n° 79 ; Dalloz actualité, 26 mai 2008, obs. G. Forest ; D. 2008. 2965, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; ibid. 2009. 440, chron. M.-L. Mathieu-Izorche ; RTD civ. 2008. 474, obs. B. Fages ).

Auteur d'origine: SIRO

Une pigiste a été embauchée par une société de presse en janvier 1993. En 2002, le volume de travail qui lui était habituellement fourni a fortement diminué. Estimant que l’employeur avait gravement manqué à son obligation de lui fournir du travail, elle a demandé à la juridiction prud’homale de prononcer la résiliation de son contrat de travail.

La cour d’appel a fait droit à la demande de résiliation judiciaire de la salariée et sa prise d’effet en a été fixée au jour du prononcé de la décision, le 12 novembre 2015. La cour a également calculé les indemnités dues à la salariée sur la base de la moyenne de ses trois derniers mois de salaires, tout en limitant l’indemnisation en raison du fait que la salariée ne s’était plus tenue à la disposition de son employeur à compter de décembre 2003.

La salariée a dans son second moyen contesté cette dernière limitation devant la Cour de cassation. Un moyen qui sera rejeté de manière expéditive par la chambre sociale (le moyen n’est en effet pas rappelé et nous ne pouvons que le deviner) au motif qu’ayant constaté que la salariée ne se tenait plus à la disposition de l’employeur depuis décembre 2003, la cour d’appel avait légalement justifié sa décision.

Plus intéressant est le moyen relevé d’office par la Cour de cassation concernant le mode de calcul de l’indemnisation de la salariée. La chambre sociale estime que la cour d’appel,...

Auteur d'origine: peyronnet
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L’article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Afin de protéger les salariés du harcèlement moral, le législateur a mis en place un dispositif particulier (G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, 31e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2017, § 935 s.). Ainsi, au-delà de l’interdiction de principe du harcèlement moral, des mesures concrètes ont été adoptées en vue de rendre nulle toute mesure prise à l’encontre d’une victime de harcèlement ou d’un salarié ayant refusé de subir une telle situation. Le code du travail prévoit la même protection à l’égard des travailleurs qui témoigneraient ou relateraient de tels faits (C. trav., art. L. 1152-2). C’est sur l’étendue de la protection de celui qui relate des agissements de harcèlement moral que la Cour de cassation s’est penchée dans le cadre de sa décision du 13 septembre 2017.

Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt commenté, un salarié avait adressé un mail à son employeur afin de lui faire part de sa volonté de l’informer de vive voix « du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste » qu’il estimait être en train de subir. Il sollicitait de ce dernier une rencontre dans un premier temps puis une vérification de ses propos dans un second temps. Bien mal lui en a pris, car il fût licencié pour faute grave le mois suivant. La lettre de rupture vise notamment le reproche d’avoir essayé de créer l’illusion d’une brimade et de proférer des accusations diffamatoires, les propos qu’il a tenus dans son mail n’étant assortis d’aucune justification. L’employeur a dès lors retenu à son encontre des faits de dénigrement, de manque de respect manifesté par des propos injurieux, constitutifs d’un abus dans la liberté d’expression.

Le salarié ayant saisi les juridictions sociales en nullité de la rupture, s’estimant licencié pour avoir relaté des agissements de harcèlement moral, le débat s’est porté sur l’applicabilité de la protection susvisée, issue de l’article L. 1152-2 du code du travail.

Il s’agissait de déterminer la portée qu’il convenait de donner au mail du salarié. En se plaignant auprès de son employeur du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste dont il estimait être victime, devait-il être considéré comme ayant relaté des faits de harcèlement moral ? De la réponse à cette question résultait la possibilité de prononcer la nullité de son licenciement subséquent. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n’est pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement (Soc. 10 mars 2009, n° 07-44.092, Bull. civ. V, n° 66 ; Dalloz actualité, 24 mars 2009, obs. L. Perrin  ; RDT 2009. 376, obs. B. Lardy-Pélissier ; ibid. 453, obs. P. Adam ).

Pour les juges du second degré, l’auteur du mail a, par le contenu de son message, visé des agissements de harcèlement moral, même si ces termes ne sont pas formellement employés. La cour d’appel a donc retenu la nullité de la rupture. La Cour de cassation, bien plus stricte, n’est pas de cet avis.

Il ressort en effet de l’arrêt de la chambre sociale, réunie en formation plénière, que le salarié n’a pas qualifié les faits dénoncés d’agissements de harcèlement moral. Dans ces conditions, il ne peut bénéficier de la protection mise en place par l’article L. 1152-2 du code du travail.

La Cour de cassation retient donc une interprétation stricte du texte : celui-ci protégeant le salarié qui a dénoncé des faits de harcèlement moral ne saurait être appliqué si la dénonciation en cause ne retient pas elle-même, expressément, cette qualification.

L’analyse surprend. Elle conduit à restreindre la portée d’un dispositif conçu dans un objectif manifeste de protection de travailleurs en situation de faiblesse face au comportement d’un collègue ou d’un supérieur hiérarchique.

Elle surprend d’autant plus que l’article 12 du code de procédure civile confie au juge le soin de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ». Dans ces conditions, les juges du fond pouvaient légitimement analyser les termes du mail litigieux et les qualifier comme visant une situation de harcèlement moral. Certes, la Cour de cassation exige que le demandeur sollicite cette qualification (Soc. 30 oct. 2002, n° 00-45.572, Bull. civ. V, n° 332 ; D. 2002. 3124 ; Dr. soc. 2003. 465, note C. Roy-Loustaunau ), mais ne doit-on pas voir une telle demande dans la seule saisine du salarié qui invoquait avoir été licencié pour avoir relaté des agissements de harcèlement moral ? En tout état de cause, les juges du droit ne se sont pas placés sur ce terrain. En outre, ils ne critiquent pas la qualification retenue par la cour d’appel, mais considèrent bien qu’elle était impossible au regard des termes de la dénonciation.

Malgré la position de la Cour de cassation, l’employeur n’échappera pas nécessairement à la nullité de son licenciement. En effet, reste au salarié à se placer sur le terrain de la violation de sa liberté d’expression. La rupture demeure basée sur les propos tenus par le salarié (l’employeur avait d’ailleurs mis en avant, dans notre affaire, un abus de la liberté d’expression de son salarié dans le mail qu’il lui avait adressé).

On sait depuis l’arrêt Clavaud (Soc. 28 avr. 1988, n° 87-41.804, Bull. civ. V, n° 257) que la violation de la liberté d’expression à l’occasion d’un licenciement conduit à la nullité de celui-ci ainsi qu’à la réintégration du salarié. Sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché peuvent être apportées, en vertu de l’article L. 1121-1 du code du travail (Soc. 28 avr. 2011, n° 10-30.107, Bull. civ. V, n° 96 ; Dalloz actualité, 9 mai 2011, obs. A. Astaix ; D. 2012. 704, obs. Centre de droit et d’économie du sport ).

Reste qu’en l’état la position dure de la Cour de cassation a un impact direct sur les dénonciations de faits de harcèlement, non seulement moral mais également sexuel, les dispositions applicables à la dénonciation de ces comportements étant identiques (C. trav., art. L. 1153-3). Il en va de même pour la dénonciation de faits discriminatoires (C. trav., art. L. 1132-3).

Auteur d'origine: Cortot

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Auteur d'origine: SIRO

Selon le décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 portant revalorisation de l’indemnité légale de licenciement publié le 26 septembre au Journal officiel, il faut désormais faire la différence entre les dix premières années d’ancienneté et les suivantes.

Ainsi, « l’indemnité de licenciement...

Auteur d'origine: babonneau