Expropriation - Domaine public et vérification de titre en outre-mer
Civ. 3e, 17 mars 2016, FS-P+B, n° 14-20.205
L'arrêt ici rapporté est l'épilogue d'un contentieux relatif à la sécurité juridique des titres de propriété en outre-mer. Contrairement au territoire de métropole pour lequel le code général de la propriété des personnes publiques a fait disparaître la faculté de constituer des réserves foncières le long du littoral, cette possibilité a été maintenue en outre-mer où elle prend la forme d'une bande de terrain dite des « cinquante pas géométriques ».
Face aux occupations anarchiques de cet espace et aux interrogations tenants à son exacte délimitation, le décret n° 55-885 du 30 juin 1955 a institué une procédure de vérification et de régularisation des titres des occupants de cette zone. Toutefois, la saisine de la commission de vérification des titres de propriété créée par le décret de 1955 n'est reconnue que sous certaines conditions que la Cour de cassation entend interpréter strictement, comme a pu le constater l'auteur du présent pourvoi.
Ce dernier, une société civile immobilière, a acquis en mars 1988 une parcelle en Guadeloupe en renonçant à la condition suspensive de reconnaissance des droits de propriété de son auteur par l'État, puis a saisi la commission départementale de vérification des titres qui a déclaré sa demande irrecevable. Contestant ce rejet jusque devant la Cour de cassation, la société civile immobilière (SCI) se fit préciser par le juge du droit que « seuls peuvent solliciter la validation de leurs titres, les détenteurs d'actes antérieurs à l'entrée en vigueur du décret du 30 juin 1955, demeurés occupants des terrains par eux-mêmes, ou les héritiers de ces derniers ». La SCI étant devenue occupante du terrain par une acquisition postérieure à 1955, sa demande était irrecevable.
Dans une décision du 4 février 2011, le Conseil constitutionnel a jugé « qu'à l'exception de "ventes particulières" faites antérieurement à l'édit [de Saint-Germain-en-Laye] de 1674 qui les a validées, les terrains situés dans la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique n'ont pu être aliénés que par l'État ; qu'en conséquence, sous réserve des droits résultants d'une telle cession ou validation par l'État, aucun droit de propriété sur ces terrains n'a pu être valablement constitué au profit de tiers ».
Ne pouvant faire reconnaître son titre de propriété, la SCI entendait dans la présente affaire obtenir une indemnisation pour « l'expropriation de fait » qu'elle estimait avoir subie. Mais l'application de l'article 545 du code civil qui exige une juste et préalable indemnisation à toute expropriation impose au préalable la démonstration du droit de propriété contesté. Or, cette preuve ne pouvait être rapportée à raison du rejet dans la précédente procédure de la demande de vérification du titre. En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi en soulignant cette évidence. La demande en indemnisation ne tendait ici qu'à remettre en cause la décision précédente concernant la saisine de la commission de vérification. Elle n'avait donc aucune chance de prospérer.
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