Projet de loi sanitaire : le difficile compromis des députés et sénateurs
À l’Assemblée nationale, les débats ont été durs et heurtés malgré l’aggravation de la situation sanitaire et les lourds enjeux de libertés publiques du texte. Ils se sont déroulés dans une atmosphère plus sereine au Sénat. Toutefois, les sénateurs ont multiplié les points de désaccord avec l’Assemblée et le gouvernement. Finalement, ils se sont résolus à un compromis et, sur l’essentiel, c’est le texte de l’Assemblée qui a prévalu.
Le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi. Il devrait rendre sa décision, en urgence, dans les prochains jours.
État d’urgence sanitaire
Contrairement à ce que souhaitait le Sénat, qui proposait d’inscrire ces mesures dans l’« état d’urgence sanitaire », nous restons dans régime dit « de sortie de la crise sanitaire ». Celui-ci est prolongé jusqu’au 15 novembre 2021 (le gouvernement proposait initialement le 31 décembre). Par ailleurs, la loi déclare l’état d’urgence sanitaire à La Réunion et aux Antilles.
Passe sanitaire
Le passe pourra être demandé pour les activités de loisir, les bars, la restauration (sauf restauration collective et restauration professionnelle routière et ferroviaire), les foires, séminaires et salons professionnels et les établissements médicaux, sociaux et médico-sociaux. Cela pour les activités intérieures comme extérieures. Pour les déplacements de longue distance par transports publics, il sera limité aux déplacements interrégionaux. Alors que la CMP avait supprimé le passe pour les grands magasins et centres commerciaux, le gouvernement l’a fait rétablir par amendement.
Comme l’a souhaité le Sénat, la présentation de documents officiels d’identité ne pourra être exigée que par les agents des forces de l’ordre.
Pour le public, le passe sera applicable dès le décret d’application. Il sera applicable aux mineurs de 12 ans et plus, mais seulement à partir du 30 septembre.
Salariés et établissement réfractaires
Pour les personnels, le passe entrera en application le 30 août. Le devenir des personnels réfractaires a beaucoup occupé les travaux parlementaires. Le gouvernement souhaitait qu’après un dialogue et une possibilité de prendre ses congés, le contrat du salarié soit suspendu sans salaire, aboutissant, au bout de deux mois, à un licenciement. Le Sénat a obtenu qu’ils ne soient pas licenciés mais simplement suspendus. Seuls les CDD pourront être rompus. Reste que, si la situation se prolonge, il risque de devoir démissionner. Nul doute que le Parlement devra revenir sur ce point à l’avenir, si la situation sanitaire se prolonge.
Un établissement qui ne contrôlera pas le passe ne sera pas immédiatement passible de sanctions pénales. Le Sénat a introduit une procédure de mise en demeure suivie d’une éventuelle fermeture administrative.
Isolement
Alors que le Sénat s’était d’abord opposé à l’isolement d’office des cas positifs, sans décision individuelle, la version Assemblée a prévalu : les personnes devront s’isoler pendant dix jours et ne pourront sortir qu’entre 10 heures et midi, sauf urgence ou aménagement horaire accepté par la préfecture. Des personnes pourront faire des contrôles à domicile entre 8 heures et 23 heures. La personne isolée pourra saisir le juge des libertés et de la détention. Pour la seule journée d’hier, au vu des statistiques de contamination, plus de 15 000 personnes auraient dû se placer à l’isolement.
Vaccination et test
L’obligation vaccinale a peu évolué. Les soignants ayant reçu une première injection avant le 15 septembre pourront achever leur parcours vaccinal jusqu’au 15 octobre. Comme pour les passes, il ne sera pas possible de licencier un salarié réfractaire. Par ailleurs, les médecins-conseils de l’assurance maladie pourront contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination proposés par les personnels.
Un amendement des députés permet que l’autorisation d’un seul des titulaires de l’autorité parentale soit requise pour la réalisation d’une vaccination ou d’un test. Par amendement des sénateurs, un mineur de plus de 16 ans pourra se faire vacciner à sa demande.
Délits spéciaux
Les sénateurs ont introduit un nouveau délit en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’une mesure d’expulsion.
Les peines seront aggravées en cas de destruction de matériel de vaccination ou pour l’agression d’une personne chargée de contrôler les passes sanitaires. La loi a clarifié l’usage et la proposition de faux certificats de vaccination, pour, notamment, favoriser la lutte contre les faux passes sur internet.
Par ailleurs, l’article 11 bis prévoit que les délits liés au passe sanitaire pourront être jugés par juge unique.