Le plan d’action du gouvernement sur la sortie de crise
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, et le ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, ont signé, le 1er juin dernier, un plan d’action destiné à accompagner les entreprises dans la sortie de crise dont le contenu a été explicité dans un communiqué de presse (Sortie de crise : les aides pour les entreprises en situation de fragilité). Il est rappelé à cette occasion que depuis, mars 2020, près de 700 000 entreprises ont bénéficié de plus de 135 milliards d’euros de prêt garanti par l’État (PGE). Quant au fonds de solidarité, il a soutenu plus de 2 millions d’entreprises pour près de 28 milliards d’euros. L’administration fiscale a, pour sa part, répondu favorablement à 95 % des demandes de report d’échéances, les URSSAF ayant suivi le pas en accordant des exonérations et des reports dans des conditions inédites.
Il semble que les indicateurs économiques soient actuellement positifs et permettent d’envisager un retour satisfaisant à la croissance. L’État a signé un partenariat avec un certain nombre d’organismes pour accompagner cette reprise et notamment la Fédération bancaire française, l’URSSAF, le médiateur du crédit, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, l’ordre des experts-comptables, le Conseil national des barreaux, les greffiers des tribunaux de commerce, les commissaires aux comptes, les chambres de commerce, les Centres d’information sur la prévention des entreprises en difficulté, ou encore les associations pour le retournement.
Mise en place de nouveaux outils
En premier lieu, un Comité national de sortie de crise est institué avec les parties associées, l’État désignant le conseiller national qui le dirige (il s’agit de Gérard Pfauwadel). Localement, le préfet réunit les représentants locaux des parties signataires et ses travaux sont relayés au niveau de la région. L’objectif est de détecter les fragilités financières pour faciliter la prévention. Ces parties s’engagent à mobiliser leurs expertises pour fournir un diagnostic précis et opérationnel aux chefs d’entreprise dès le second semestre 2021.
Les services de l’État mettent en commun leurs compétences pour détecter les entreprises qui présentent des fragilités potentielles, l’ancien dispositif des « signaux faibles » ayant montré ses limites du fait de la crise. Un nouveau modèle a donc été mis en place en partenariat avec la Direction générale des entreprises, la Banque de France, l’URSSAF et la Délégation générale à l’emploi. Ce modèle est fusionné avec celui de la Direction générale des finances publiques.
Une meilleure coordination va donc être possible pour collecter et réunir ces signaux pour favoriser un diagnostic. C’est ce qui avait été souhaité par le rapport Richelme remis en février 2021 à ces ministres, notamment. Les experts-comptables et les administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires se sont engagés à proposer, sans surcoût, un diagnostic de sortie de crise simple et rapide d’ici la fin de l’année 2021. Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables va mettre en place une plateforme en ligne pour ceux qui n’ont pas d’expert-comptable.
Les commissaires aux comptes s’associent à ce diagnostic gratuit et les établissements bancaires doivent proposer un rendez-vous de sortie de crise. Les chambres de commerce et les chambres de métier de l’artisanat mobiliseront aussi leurs moyens à cet effet, ainsi que les greffiers des tribunaux de commerce.
Les avocats vont, quant à eux, élaborer une liste des points de vigilance pour réaliser un audit contractuel de l’entreprise ainsi qu’une analyse juridique. L’objectif est de choisir le meilleur dispositif pour les entreprises fragiles et l’État et l’URSSAF ont proposé un numéro téléphonique unique (le 0 806 000 245).
Le conseiller départemental de sortie de crise va être un point de contact privilégié pour orienter les entreprises fragiles dans un cadre confidentiel, notamment vis-à-vis du secret des affaires et du secret fiscal.
En outre, une boîte à outils financière est mise à disposition des entreprises par la prolongation des PGE et de la garantie sur le financement de commandes jusqu’à la fin de l’année 2021. Le médiateur du crédit continuera à intervenir pour faciliter l’accès aux PGE. Il faudrait à cet égard permettre l’allongement de la durée des PGE pour faciliter la restructuration durable d’entreprises ayant un réel potentiel de redressement. La rigidité de la durée de quatre ans constitue en effet un frein dans les négociations bancaires à l’encontre d’un traitement uniforme de ces créances.
L’État va relever le plafond des garanties sur les cautions, les prêts de financement à l’export pour les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 1,5 milliard d’euros (seuil de 90 % et 70 % pour les autres). En outre, l’État peut proposer un soutien financier adapté aux besoins des entreprises en maintenant jusqu’à la fin de l’année 2021 la possibilité de se voir accorder des prêts participatifs exceptionnels couvrant les besoins en investissements et en fonds de roulement des entreprises d’une durée de sept ans avec un maximum de 100 000 €.
Les PME et les entreprises de taille intermédiaire peuvent, quant à elle, solliciter une avance remboursable ou un prêt bonifié d’une durée de dix ans maximum avec trois ans de franchise et un montant pouvant aller jusqu’à 800 000 € dans la limite de 25 % du chiffre d’affaires 2019.
Pour les entreprises de taille significative, un fonds de transition est créé, qui est doté de 3 milliards d’euros, le ministère de l’Économie instruisant les demandes de financement.
Les plans d’apurement de dettes sociales et fiscales concernent, pour les entreprises de moins de 250 salariés, une durée adaptée à l’importance de la dette avec des mensualités progressives et pour les entreprises de plus de 250 salariés, un contact individuel pour établir des plans d’apurement individualisés. Pour les dettes fiscales, il est possible d’obtenir des délais de trente-six mois pour les PME redevables d’impositions exigibles entre le 1er mars et le 31 décembre 2020. La Commission des chefs de services financiers (CCSF) peut en outre accorder des plans de règlement globaux exceptionnellement jusqu’à quarante-huit mois.
Amélioration des procédures existantes et création de nouvelles procédures
Les procédures préventives sont encouragées par une information plus précoce du tribunal par les commissaires aux comptes avec la création d’un mandat ad hoc de sortie de crise pour les entreprises employant au plus dix salariés avec une durée de trois mois et un coût plafonné à 1 500 € HT pour les entreprises de moins de cinq salariés et 3 000 € HT pour les entreprises de cinq à dix salariés.
Il est également prévu de renforcer l’attractivité des procédures de conciliations en pérennisant la possibilité de demander la suspension de l’exigibilité des créances avant toute mise en demeure ou poursuite. L’État va proposer de renforcer la protection de la caution en conciliation pour qu’elle bénéficie des mesures octroyées aux débiteurs, en application de l’article 1343-5 du code civil.
Une procédure collective simplifiée pour les petites entreprises est en outre prévue pendant une durée de deux ans pour permettre une restructuration de dettes. Cette procédure sera applicable pour des entreprises se situant en dessous de certains seuils qui seront fixés par décret. La période d’observation sera limitée à trois mois débouchant sur un plan de continuation avec un échelonnement du passif sur plusieurs années sans cession de l’entreprise, cette procédure bénéficiant à la caution (v. à cet égard l’art. 13 de la loi n° 2021-689, 31 mai 2021, JO 1er juin ; K. Lemercier et F. Mercier, Entreprises en difficulté : instauration temporaire d’une procédure judiciaire de traitement de sortie de crise, Dalloz actualité, 7 juin 2021).
Pour les débiteurs dont la situation est irrémédiablement compromise, une ordonnance va être prise pour faciliter le rebond. Les conditions de la procédure de rétablissement professionnel seront allégées avec une élévation du seuil actuellement prévu. Une clôture accélérée sera possible dans un délai compris entre six mois et un an selon la taille de l’entreprise.
Des dispositifs bienvenus
La mobilisation des partenaires de cet accord permettra de mieux faire connaître ces dispositifs avec un engagement de transparence sur les frais et honoraires pratiqués. Un bilan de la mise en œuvre sera établi au plus tard à la fin de l’année 2021.
Ainsi, des solutions sont proposées alors même que la crise a vu croître l’endettement des entreprises françaises dans des proportions importantes, la dette financière brute ayant augmenté de 230 milliards d’euros. Cependant, la trésorerie de ces entreprises a augmenté de 217 milliards d’euros. L’idée de mieux faire connaître les dispositifs et surtout d’orienter les chefs d’entreprise permettra de mieux trouver des solutions adaptées, l’interlocuteur étant la médiation des entreprises en cas de différends avec un client ou un fournisseur, la médiation du crédit pour la recherche de financements, le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire pour le traitement des difficultés par la prévention ou la procédure collective.
Ces dispositifs sont largement bienvenus et ils permettent d’augurer une sortie de crise qui fera le moins de « casse » possible. Les professionnels de l’entreprise en difficulté ont constaté l’efficacité des mesures prises par le gouvernement qui ont permis d’éviter un bond en avant des procédures collectives grâce à une aide soutenue et sélective. C’est à ce prix que notre tissu économique sera préservé et il importe que tous les acteurs concernés puissent y concourir.