Effet de la subrogation légale entre l’assureur, le FGTI et la victime

Effet de la subrogation légale entre l’assureur, le FGTI et la victime

Un individu a été victime, le 26 octobre 2004, d’une agression. Sa mère avait souscrit un contrat d’assurance garantissant, à elle et ses enfants majeurs à charge, la prise en charge d’accidents.

La victime, représentée par sa mère, a saisi une commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (CIVI) aux fins d’expertise et indemnisation. Un accord entre le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) et la victime a été trouvé et a été homologué par la Commission. Ce dernier a fixé l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 503 294,44 €.

La victime a, ensuite, assigné l’assureur pour que le juge ordonne la tenue d’une expertise visant à lui permettre d’obtenir une provision de 10 000 €.

À la suite du décès de la victime et de son représentant légal, le frère de la victime a assigné l’assureur en intervention forcée à l’instance d’appel.

La cour d’appel a confirmé le jugement du 9 décembre 2013 qui donnait acte au FGTI de ce qu’il avait déjà versé la somme 503 294,44 € et condamnait l’assureur à payer à la victime une provision de 10 000 €. Les juges du fond ont surtout confirmé la décision de première instance en ce qu’elle jugeait que l’indemnisation accordée par le FGTI à la victime ne faisait pas obstacle aux demandes dirigées par cette dernière représentée par sa mère contre l’assureur.

L’assureur forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation dont seul le premier moyen est reproduit dans la décision.

Dans la première branche du moyen, l’assureur fait valoir que l’accord intervenu entre le FGTI et la victime – et homologué par la CIVI – privait la victime de tout intérêt et qualité à agir contre l’assureur. Ce dernier explique que le FGTI avait déjà indemnisé la victime et avait été subrogé jusqu’à concurrence de cette indemnité dans ses droits et actions contre les personnes tenues d’assurer la réparation totale ou partielle du préjudice souffert. Dit autrement, la subrogation qui s’est opérée rendait, selon l’assureur, sans effet et sans intérêt la formation d’une action nouvelle de la part du subrogeant.

Dans la deuxième branche du moyen, l’assureur remet en cause le raisonnement de la cour d’appel selon lequel l’indemnisation par le FGTI et celle demandée en application du contrat d’assurance ne reposaient pas sur les mêmes fondements si bien que l’homologation obtenue auprès de la CIVI n’avait pas autorité de la chose jugée dans les rapports entre la victime et l’assureur. Selon ce dernier, ce raisonnement est inopérant, car la subrogation légale a un effet translatif et prive donc de jure la possibilité pour la victime d’intenter une nouvelle action.

Dans la troisième branche du moyen, l’assureur explique que l’action en répétition offerte par l’article 706-11 du code de procédure pénale au bénéfice du FGTI à l’encontre de la CIVI ne concerne que le cas dans lequel la victime a déjà obtenu le paiement de son indemnité par le FGTI et qu’elle obtient, auprès d’un autre organisme, une seconde indemnité relative au chef de préjudice ayant déjà fait l’objet d’une indemnisation. L’assureur tentait de montrer qu’il ne s’agissait pas de ce cas-là mais d’une nouvelle action du subrogeant – la victime – à l’encontre de l’assureur et non, comme cela aurait dû être une action du subrogé – le FGTI –, à l’encontre du tiers débiteur.

La question posée à la Cour de cassation consistait à déterminer si la victime était fondée à intenter une nouvelle action à l’encontre de son assureur pour obtenir une indemnisation dont le principe a déjà été validé par le FGTI et l’accord, homologué par la CIVI.

L’enjeu de la question consistait ainsi à déterminer s’il était possible, pour l’ayant droit, de solliciter auprès de son assureur une indemnisation supplémentaire alors qu’une convention est intervenue concernant un préjudice déjà réparé.

La Cour de cassation effectue un contrôle lourd de l’arrêt d’appel et juge le moyen mal fondé. Elle rappelle, tout d’abord, que le régime de responsabilité des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale est un régime autonome répondant à des règles qui lui sont propres. Elle juge ensuite que la cour d’appel a exactement retenu que la victime avait eu le droit d’agir contre son assureur nonobstant sa qualité de subrogeant. Il en résulte que le FGTI aura la possibilité de demander à la CIVI que la victime rembourse les sommes déjà versées.

Le plus souvent, lorsqu’une personne est victime d’un dommage, et que les conditions de l’article 706-3 du code de procédure pénale sont remplies, elle obtient réparation auprès du FGTI. Le FGTI est alors subrogé, en application de l’article 706-11 du code de procédure pénale, dans les droits de la victime, ce qui lui permet d’être titulaire d’un recours envers le responsable ou envers toute personne tenue à un titre quelconque d’en assurer la réparation.

Ici, la victime a obtenu réparation de son préjudice à hauteur de 503 294,44 € à la suite d’un accord intervenu entre l’ayant droit de la victime et la FGTI, accord homologué par la CIVI. Puisqu’il s’agit d’un accord, il est possible que l’indemnisation n’ait pas été complète même si elle censée être totale (v. C. pr. pén., art. 706-3 ; v. aussi, R. Bigot, Les sommes déductibles du versement par le FGTI, note ss Civ. 2e, 7 mars 2019, n° 17-27.139, Dalloz actualité, 27 mars 2019). La question se posait donc de savoir si, sur le fondement contractuel, l’ayant droit avait la possibilité de demander des sommes supplémentaires, en l’occurrence, une provision de 10 000 €.

Il est vrai qu’en matière de subrogation, le subrogeant se trouve désintéressé par le paiement qui lui a été octroyé. L’ayant droit de la victime a déjà obtenu une somme de la part du FGTI et cette somme faisait l’objet d’un accord homologué par la CIVI. Il est donc légitime de se demander ce qui fondait l’ayant droit à demander une provision de 10 000 € à l’encontre de l’assureur. Puisque le FGTI est subrogé dans ses droits, il deviendrait titulaire de son action et de tous ses accessoires (Civ. 1re, 29 oct. 2002, n° 00-12.703, D. 2003. 1092 image, obs. V. Avena-Robardet image ; RDI 2003. 340, obs. H. Heugas-Darraspen image), ce qui aurait pour effet de désintéresser la victime ou son ayant droit. Pour répondre, la Cour de cassation fait bien la distinction entre le fondement contractuel, d’une part, matérialisé par le contrat d’assurance et ses spécificités, et le régime de l’article 706-3 du code de procédure pénale, d’autre part, qui est un régime autonome de responsabilité pour lequel elle rappelle régulièrement qu’il répond à des règles qui lui sont propres (Civ. 2e, 18 juin 1986, n° 84-17.283, Bull. civ. II, n° 93 ; 1er juill. 1992, n° 91-19.918, Bull. civ. II., n° 181 ; RCA 1992. Comm. 407 ; Dr. pénal 1992. Comm. 247, note A. Maron ; 13 oct. 1993, n° 91-21.540, Bull. civ. II, n° 285 ; RCA 1994. Comm. 7 ; 8 déc. 1993, Bull. civ. II, n° 359 ; RCA 1994. Comm. 47 ; Dr. pénal 1994. Comm. 77, note A. Maron ; jur. cités in H. Groutel, J.-Cl., fasc. 20, n° 88).

Dès lors, deux situations peuvent se présenter : si le FGTI est mis en cause dans l’action de l’ayant droit à l’encontre de l’assureur, le Fonds bénéficiera d’une action subrogatoire à l’encontre de la victime pour récupérer les sommes versées afin que cette dernière ne bénéficie pas d’une double indemnisation.

Dans le deuxième cas de figure, si le FGTI n’est pas mis en cause dans l’action de l’ayant droit à l’encontre de l’assureur, le Fonds bénéficiera d’une action en répétition, sur le fondement de l’article 706-10 du code de procédure pénale, qui lui permettra là encore de récupérer les sommes déjà versées à la victime.

Ainsi, les premiers juges ont considéré que le recours contractuel de la victime ne constituait pas une atteinte au principe de réparation sans perte ni profit, car la loi a justement prévu un recours spécifique – l’action en répétition de l’indemnité –, qui permet au FGTI d’obtenir le remboursement de toutes les sommes qui auraient éventuellement déjà été versées. S’il s’agit d’un surplus d’indemnisation, la victime peut la conserver, mais s’il s’agit d’une demande d’indemnisation qui correspond à une somme déjà allouée, le FGTI pourra la récupérer.

Il faut aussi rappeler que le FGTI n’agit pas à titre subsidiaire ce qui justifie que la victime puisse s’adresser à l’un quelconque de ses débiteurs pour demander une indemnisation sans que l’un d’entre eux soit privilégié (Civ. 2e, 23 juin 1993, n° 91-19.791, Bull. civ. II, n° 224 ; 6 nov. 1996, n° 94-17.970, Bull. civ. II, n° 243 ; D. 1996. 268 image ; RCA 1997. Chron. 1, obs H. Groutel). Ainsi, le FGTI ne peut renvoyer la demande de la victime ou de son ayant droit sous prétexte qu’il existe un autre débiteur.

Même quand le FGTI exerce son recours subrogatoire sur le fondement de l’article 706-11 du code de procédure pénale, la victime ou son ayant droit est en mesure de saisir le juge pour obtenir une indemnité complémentaire. Cela s’explique par le fait que les deux modes de réparation sont strictement autonomes. La question de l’intérêt et de la qualité à agir n’était pas un obstacle car la Cour de cassation juge que « l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l’action et que l’existence du préjudice invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de l’action mais de son succès » (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-19.827 ; Civ. 1re, 27 nov. 2019, n° 18-21.535). Appliqué en l’espèce, cela signifie que la victime avait intérêt à agir sur le fondement contractuel, la question de la double indemnisation du préjudice ne pouvant se poser que dans un second temps et il appartiendra alors au FGTI de justifier de l’opportunité de son recours.

C’est aussi l’autonomie du régime, rappelée dans l’incipit de l’attendu de l’arrêt commenté, qui justifie l’exclusion des règles de l’ancien article 1251, 3e, du code civil sur la subrogation et son effet translatif. Le FGTI est un fonds visant à garantir à tous le droit à une indemnisation au nom de la solidarité nationale. À cet égard, il n’est pas tenu avec l’assureur du payement de la dette et n’a pas la qualité de coobligé à une dette commune.

Procédure disciplinaire : la connaissance des faut...
Compétence pour fixer la redevance due pour occupa...

Maitre Didier ADJEDJ   SELASU AD CONSEIL AVOCAT   34, COURS ARISTIDE BRIAND    84100 ORANGE

@:   didier.adjedj@avocatadjedj.fr      |    secretariat@avocatadjedj.fr   |  Fax: 04 90 11 18 59

telephone maitre adjedj300 RCS Avignon:832479349   |   CNIL autorisation unique AU-004  |  https://www.adconseil-avocat.fr/