Protection du lanceur d’alerte : indifférence de l’antériorité de la procédure à la dénonciation
Avec la loi Sapin II (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique), le législateur a entendu renforcer la protection qui entoure les lanceurs d’alerte professionnelle, qui se trouvent désormais intégrés au régime traitant des discriminations, par la combinaison des articles L. 1132-3-3 et L. 1332-4 du code du travail. Si cette protection reste conditionnée, notamment à ce que les faits dénoncés soient susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime (Soc. 4 nov. 2020 P, n° 18-15.669 P, Dalloz actualité, 24 nov. 2020, obs. L. de Montvalon ; D. 2020. 2242 ; Légipresse 2020. 654, et les obs. ) et à ce que la dénonciation soit faite de bonne foi (Soc. 13 janv. 2021 P, n° 19-21.138 P, Dalloz actualité, 26 janv. 2021, obs. L. Malfettes ; D. 2021. 139 ; Dr. soc. 2021. 365, obs. P. Adam ), elle n’en demeure pas moins importante, en particulier contre le licenciement. Est-ce à dire qu’un licenciement prononcé à l’encontre d’un lanceur d’alerte doit nécessairement être frappé de nullité dès lors que des faits potentiellement délictuels sont dénoncés de bonne foi ? C’est là précisément la question posée dans l’arrêt présentement commenté.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de directeur du service des tutelles par une association a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement. Quelques jours plus tard, le salarié a dénoncé à l’organe de tutelle de l’employeur des faits pénalement répréhensibles qui auraient été commis par l’association. Il a ensuite fait l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.
L’intéressé a alors saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement, estimant que celui-ci était en lien avec la dénonciation. Les juges du fond estimèrent le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais rejetèrent les demandes du salarié quant à sa nullité, de sorte que ce dernier s’est pourvu en cassation.
Au visa de l’article 10, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel.
La haute juridiction a en effet affirmé qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié intervenu pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité.
Les juges du fond avaient retenu que la lettre adressée à la direction par le salarié était postérieure à la convocation de celui-ci à l’entretien préalable au licenciement, la concomitance...