Statuant en référé-liberté dans une formation à trois juges, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté le recours de la Fédération musulmane de Pantin demandant la suspension de l’arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis prononçant la fermeture pour six mois de la grande mosquée de la ville.
L’arrêté préfectoral du 19 octobre est fondé sur l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure et les juges s’appuient explicitement sur l’interprétation qu’en a donné le Conseil constitutionnel (Cons. const. 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, AJDA 2018. 710
Un contexte d’entrisme de la mouvance radicale
Deux séries de faits fondaient l’arrêté. Tout d’abord, M. D., président de l’association gestionnaire a relayé sur la page Facebook de la mosquée – qui compte, précise l’ordonnance – 98 787 abonnés, la vidéo du père d’une collégienne de Conflans-Sainte-Honorine critiquant violemment Samuel Paty. Si M. D. a exprimé ses regrets, le tribunal estime qu’il a fait preuve d’une « négligence incompréhensible, alors que sa position et ses fonctions auraient dû le conduire à plus de retenue ». Le tribunal reproche au président de la mosquée non seulement de n’avoir pas vérifié les faits allégués, mais aussi d’avoir laissé « sans réaction ni désaveu » le message d’un internaute révélant l’identité du professeur et l’adresse du collège. Il a ainsi facilité, « par l’intermédiaire du réseau social de la mosquée demeuré sans contrôle, son identification par des individus potentiellement radicalisés et susceptibles de passer à l’acte, et d’ailleurs même invités à le faire par de nombreuses autres vidéos circulant alors sur les réseaux sociaux. »
Cette diffusion « s’inscrit, en outre, dans un contexte d’entrisme de la mouvance radicale au sein de la Grande mosquée de Pantin ». Les juges évoquent ainsi la personnalité d’un des imams du lieu de culte, « impliqué dans la mouvance islamiste radicale d’ Île-de-France » mais aussi le départ de plusieurs fidèles vers la zone irako-syrienne. Ils constatent par ailleurs que les autres mosquées de la ville ou celles de communes voisines sont tout à fait en mesure d’accueillir les fidèles.
« Enfin, des mesures correctrices, lorsqu’elles sont assorties de garanties suffisantes, sont de nature, comme l’a relevé le préfet de la Seine-Saint-Denis lors de l’audience de référé, susceptibles de fonder une demande d’abrogation de la mesure. » Toutefois, le juge considère que le seul fait que l’imam controversé ait annoncé à la presse « se mettre en retrait » de la mosquée n’est pas une mesure suffisante. « Dans ces conditions, la Fédération n’établit pas, à la date à laquelle le juge des référés statue, qu’elle serait en mesure d’éviter la réitération des graves dérives constatées dans un passé récent et la menace à l’ordre et la sécurité publics qui en était résultée. »