Le Conseil d’État apporte des précisions sur les modalités de cession par une commune d’un immeuble avant l’expiration du contrat de bail emphytéotique.
Le Conseil d’État précise les éléments de valorisation à prendre en compte lorsqu’une commune renonce à acquérir gratuitement les constructions de l’emphytéote. Les insuffisantes indications de la note explicative de synthèse adressée aux conseillers municipaux rend la délibération illégale.
Dans le cadre d’un projet de rénovation, la société Dourdan Vacances a souhaité acquérir les terrains mis à sa disposition par la commune, pour une durée de soixante ans, dans le cadre d’un bail emphytéotique. Par une délibération votée avant le terme du bail, le conseil municipal de la commune de Dourdan a approuvé leur vente à la société.
La cour administrative d’appel de Versailles a annulé la délibération. Après avoir relevé que le prix de cession retenu pour les « terrains » en cause était sensiblement l’estimation retenue par le service des domaines pour les seuls terrains sans les constructions existantes, elle a estimé...
Le Conseil d’État juge que l’ancien propriétaire d’un navire, dont la cession, non publiée, n’est pas opposable aux tiers, ne peut pas être poursuivi pour contravention de grande voirie (CGV).
Par acte du 23 septembre 2015, Mme C et M. B. ont vendu leur bateau à Mme A. et M. F. Deux procès-verbaux de CGV ont été dressés le 26 février 2016 à l’encontre, d’une part, de Mme C. et M. B. et, d’autre part, de Mme A. et M. F., au motif que le bateau stationnait sans autorisation en rive gauche du Rhône. Voies Navigables de France les a déférés au tribunal administratif de Marseille comme prévenus d’une CGV au titre du stationnement de ce bateau. Le tribunal administratif a condamné Mme C. et M. B. à une amende de 1 000 €, leur a enjoint sous astreinte d’évacuer, dans un délai d’un mois, le bateau du domaine public fluvial. La cour administrative d’appel de...

Largement inspirée des propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat (à propos de laquelle, v. not., P. Januel, La Convention citoyenne mise sur le droit pour sauver le climat, Dalloz actualité, 23 juin 2020), la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « Climat et résilience ») comprend de nombreux volets et réforme de multiples aspects du quotidien (travail, déplacement, logement, consommation…). Ce texte fleuve, qui ne compte pas moins de 305 articles, intéresse à la fois le droit de l’environnement, le droit des baux d’habitation, le droit pénal, le droit des affaires, le droit bancaire et financier… En raison des objectifs ambitieux qu’il se fixe en faveur du climat, notamment par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le législateur ne pouvait pas faire l’économie d’envisager le sort évidemment essentiel des immeubles soumis au statut de la copropriété. À la lecture de la loi, on recense au moins sept articles (Loi du 22 août 2021, art. 63, 111, 158, 171, 177 à 179) qui concernent très directement le droit de la copropriété, et qui invitent à une présentation sommaire des principales mesures législatives intéressant la matière.
Jeux Olympiques Paris 2024 : contrôle du raccordement des immeubles bordant la Seine
En vue des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le législateur – dans la continuité du « plan baignade » lancé en 2018 – ambitionne de favoriser l’assainissement de la Seine en participant à l’amélioration de la qualité de ses eaux.
La tâche n’est pas mince. À ce titre, il est notamment mis à la charge des syndics gérant des immeubles situés sur les territoires dont les rejets d’eaux usées ou pluviales pourraient avoir une incidence sur la qualité de l’eau du fleuve pour les épreuves de nage libre et de triathlon qui s’y dérouleront, « de faire réaliser le contrôle des raccordements de l’immeuble au réseau public de collecte des eaux usées mentionné au II de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales et de tenir à la disposition des copropriétaires qui en font la demande le document établi à l’issue de ce contrôle » (Loi n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 18, III). La liste des territoires concernés sera fixée par décret, et l’obligation d’établir ce contrôle de raccordement pour les immeubles bordant le fleuve de la Capitale sera effective à compter du 1er janvier 2022 (Loi du 22 août 2021, art. 63, VI et VII).
Partant, il est inséré dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, un nouvel article 24-10 prévoyant que lorsque le syndicat ne dispose pas du justificatif d’un tel contrôle, « il en fait la demande auprès de la commune. Le document établi à l’issue de ce contrôle lui est délivré dans les conditions prévues au même article L. 2224-8 ».
La loi nouvelle précise en outre que ce contrôle du bon raccordement est effectué aux frais du syndicat des copropriétaires et qu’il est valable dix ans.
Voitures électriques et hybrides : installation de bornes de recharge
Au sein du titre IV relatif aux mesures pour « se déplacer », la loi nouvelle se fait fort d’améliorer l’installation de bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides dans les immeubles soumis au statut de la copropriété en assouplissant les règles de vote en la matière (Loi du 22 août 2021, art. 111, II). Pour ce faire, il est inséré dans la loi de 1965 un nouvel article 24-5-1 qui, par dérogation au j de l’article 25 (majorité des voix de tous les copropriétaires), prévoit que certaines décisions seront acquises à la majorité de l’alinéa 1er de l’article 24 (soit, à la majorité des voix exprimées par les copropriétaires présents, représentés ou votant par correspondance). Il en va ainsi de la décision de conclure une convention avec le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité (C. énergie, art. L. 353-12) ou avec tout autre opérateur d’infrastructure de recharge (C. énergie, art. L. 353-13) pour faire installer, sans frais pour le syndicat des copropriétaires, une infrastructure collective rendant possible le déploiement ultérieur de points de recharge pour véhicules électriques ou hybrides.
Diagnostic de performance énergétique « collectif » : durcissement des règles
Jusqu’à présent, sous le régime de la copropriété, certains bâtiments d’habitation collectifs (ceux de cinquante lots ou plus, équipés d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement, et dont la date de dépôt de la demande de permis de construire est antérieure au 1er juin 2001) étaient exemptés de l’obligation d’établir un diagnostic de performance énergétique, puisqu’ils font l’objet d’un audit énergétique (CCH, art. L. 126-31 anc.). Cette exemption est supprimée par la loi nouvelle qui remanie entièrement l’article L. 126-31 du code de la construction et de l’habitation pour prévoir qu’un dossier de performance énergétique doit être réalisé dans les conditions prévues à l’article L. 126-26 du même code pour « tout bâtiment d’habitation collective dont le permis de construire a été déposé avant le 1er janvier 2013 » (en dépit de l’imprécision rédactionnelle, il faut certainement comprendre que c’est bien à la date du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, et non à celle de l’obtention du permis de construire, qu’il convient de se référer). Et d’ajouter que « ce diagnostic est renouvelé ou mis à jour tous les dix ans, sauf lorsqu’un diagnostic réalisé après le 1er juillet 2021 permet d’établir que le bâtiment appartient à la classe A, B ou C au sens de l’article L. 173-1-1 ».
Il s’ensuit une adaptation logique de l’article 24-4 de la loi du 10 juillet 1965 qui impose au syndic de copropriété d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale suivant l’établissement de ce diagnostic le vote d’un plan de travaux d’économies d’énergies ou d’un contrat de performance énergétique.
On note ainsi un durcissement très net des obligations en matière de « DPE collectif », même si le législateur prend soin de prévoir une entrée en vigueur progressive de ces innovations selon la taille – grosse, moyenne ou petite – des copropriétés concernées : à compter du 1er janvier 2024 pour celles de plus 200 lots ; à compter du 1er janvier 2025 pour celles entre 50 et 200 lots ; et à compter du 1er janvier 2026 pour celles de moins de 50 lots (Loi du 22 août 2021, art. 158, VI).
Jusqu’à ces échéances, on continuera de recourir à un audit énergétique (V. Zalewski-Sicard, Climat et résilience : la loi est publiée, JCP N 2021. Act. 804, spéc. note 3).
Immeuble d’habitation de plus de quinze ans : élaboration d’un plan pluriannuel de travaux
C’est certainement l’une des mesures majeures de la réforme : reprenant à son compte une idée finalement abandonnée par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis (P.-É. Lagraulet, L’administration de la copropriété réformée, AJDI 2019. 852 ; P. Lebatteux, Un espoir déçu : la disparition du plan pluriannuel de travaux, Administrer 01/2020. 9), la loi « Climat et résilience » réhabilite l’obligation d’établir un plan pluriannuel de travaux (A. Renaux, Copropriété : retour du plan pluriannuel de travaux en 2021 ?, Dalloz actualité, 16 nov. 2020).
L’article 14-2 de la loi de 1965 fait dès lors peau neuve et précise « qu’à l’expiration d’un délai de quinze ans à compter de la date de réception des travaux de construction de l’immeuble, un projet de plan pluriannuel de travaux est élaboré dans les immeubles à destination partielle ou totale d’habitation soumis à la présente loi. Il est actualisé tous les dix ans ». Il revient au syndic d’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires les modalités d’élaboration de ce projet de plan, lesquelles doivent être votées à la majorité des voix exprimées par les copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance.
Dans le détail, ce projet de plan – qui doit être établi par une personne disposant de compétences et garanties qui seront déterminées par décret – comprend :
la liste des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants, à la réalisation d’économies d’énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ;une estimation du niveau de performance que les travaux visés permettent d’atteindre ;une estimation sommaire du coût de ces travaux et leur hiérarchisation ;une proposition d’échéancier pour les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire dans les dix prochaines années.Toutefois, le texte retient que, dans l’hypothèse où le diagnostic technique global ne fait apparaître aucun besoin de travaux au cours des dix années qui suivent son élaboration, le syndicat est dispensé de l’obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux.
En revanche, lorsque celui-ci est bel et bien exigé, le modus operandi est le suivant : le projet de plan pluriannuel de travaux est présenté à la première assemblée générale des copropriétaires qui suit son élaboration ou sa révision. Lorsque ce projet de plan fait apparaître la nécessité de réaliser des travaux au cours des dix prochaines années, le syndic inscrit à l’ordre du jour de cette assemblée générale la question de l’adoption de tout ou partie du projet de plan pluriannuel de travaux, qui est soumise à la majorité des voix de tous les copropriétaires. Au regard des décisions ainsi prises, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale appelée à approuver les comptes soit la question de l’adoption de tout ou partie du projet de plan pluriannuel de travaux s’il n’a pas été adopté, soit les décisions relatives à la mise en œuvre de l’échéancier du plan pluriannuel de travaux adopté.
En tout état de cause, les travaux prescrits dans ce plan décennal ainsi que leur échéancier et, le cas échéant, ceux prescrits par le diagnostic technique global, doivent être intégrés dans le carnet d’entretien de l’immeuble.
Le bon respect de ces règles est appelé à être étroitement surveillé : il n’est pas accessoire de noter que dans le cadre de l’exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles visant à lutter contre l’habitat indigne, l’autorité administrative compétente peut à tout moment demander au syndic de lui transmettre le plan pluriannuel de travaux adopté, afin de vérifier que les travaux programmés permettent de garantir la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité de ses occupants. À défaut, l’autorité administrative peut élaborer ou actualiser d’office le projet de plan pluriannuel de travaux, en lieu et place du syndicat des copropriétaires et aux frais de ce dernier. Dès réception du projet de plan notifié par l’autorité administrative, le syndic doit convoquer l’assemblée générale pour qu’elle se prononce sur son adoption en tout ou partie.
Ces mesures de planification, qui témoignent une nouvelle fois d’une volonté législative d’accélérer la rénovation du parc immobilier en copropriété, ont là encore vocation à entrer en vigueur de manière échelonnée, en fonction de la taille de la copropriété : le 1er janvier 2023 pour celles de plus de 200 lots ; le 1er janvier 2024 pour celles comprenant entre 50 et 200 lots ; et le 1er janvier 2025 pour les autres (Loi du 22 août 2021, art. 171, VI).
Immeuble d’habitation de plus de dix ans : constitution d’un fonds de travaux
L’article 14-2, dont la nouvelle mouture vient d’être présentée, est immédiatement complété par la création d’un article 14-2-1 ainsi rédigé : « Dans les immeubles à destination totale ou partielle d’habitation, le syndicat des copropriétaires constitue un fonds de travaux au terme d’une période de dix ans à compter de la date de la réception des travaux de construction de l’immeuble, pour faire face aux dépenses résultant :
- 1° De l’élaboration du projet de plan pluriannuel de travaux mentionné à l’article 14-2 et, le cas échéant, du diagnostic technique global mentionné à l’article L. 731-1 du code de la construction et de l’habitation ;
- 2° De la réalisation des travaux prévus dans le plan pluriannuel de travaux adopté par l’assemblée générale des copropriétaires ;
- 3° Des travaux décidés par le syndic en cas d’urgence, dans les conditions prévues au troisième alinéa du I de l’article 18 de la présente loi ;
- 4° Des travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, à la préservation de la santé et de la sécurité des occupants et à la réalisation d’économies d’énergie, non prévus dans le plan pluriannuel de travaux ».
Dans son fonctionnement, ce fonds de travaux est assez simple à présenter : il est alimenté par une cotisation annuelle obligatoire à laquelle chaque copropriétaire contribue selon les mêmes modalités que celles décidées pour le versement des provisions du budget prévisionnel. S’agissant de son montant, il est retenu que celui-ci ne puisse être inférieur à 2,5 % du montant des travaux prévus dans le plan adopté et à 5 % du budget prévisionnel mentionné à l’article 14-1. À défaut d’adoption d’un tel plan, le montant de la cotisation annuelle ne peut être inférieur à 5 % du budget prévisionnel mentionné au même article 14-1. L’assemblée générale peut toutefois décider d’un montant supérieur à la majorité des voix de tous les copropriétaires.
La loi nouvelle encadre par ailleurs les conditions de suspension de cette cotisation, et elle précise surtout leur sort en cas de cession : « les sommes versées au titre du fonds de travaux sont attachées aux lots et entrent définitivement, dès leur versement, dans le patrimoine du syndicat des copropriétaires. Elles ne donnent pas lieu à un remboursement par le syndicat des copropriétaires à l’occasion de la cession d’un lot. L’acquéreur peut consentir à verser au vendeur un montant équivalent à ces sommes en sus du prix de vente du lot ». Ainsi, comme cela est fréquemment le cas en pratique, il sera aménagé un remboursement conventionnel, directement entre les parties (éventuellement, et c’est recommandé, par la compatibilité du notaire instrumentaire), des sommes versées au titre de ce fonds de travaux.
On comprend bien que ce versement d’une provision annuelle sur un fonds dédié, associé à l’élaboration d’un programme chiffré des travaux sur une période de dix ans, sont au service d’une rénovation accélérée des immeubles en copropriété. Le rapprochement est tel que l’entrée en vigueur de cette innovation est calquée sur celle relative à l’élaboration du plan pluriannuel de travaux avec un échelonnement selon le nombre de lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces : le 1er janvier 2023 pour celles de plus de 200 lots ; le 1er janvier 2024 pour celles comprenant entre 50 et 200 lots ; et le 1er janvier 2025 pour les autres (Loi du 22 août 2021, art. 171, VI).
En outre, et sans qu’il soit utile de détailler, toutes ces innovations obligent le législateur à d’inévitables retouches pour assurer une bonne coordination des textes, à la fois dans la loi de 1965, mais aussi dans divers codes (CCH, CGI, code civil…), et ainsi tenir compte de la référence aux nouvelles dispositions des articles 14-2 et 14-2-1 (Loi du 22 août 2021, art. 171).
Vente d’un lot de copropriété : allongement de la liste des pièces à fournir
L’article 721-2 du code de la construction et de l’habitation, qui énumère les documents et informations qui doivent être remis à l’acquéreur lors de la vente d’un lot de copropriété et, qu’à ce titre, on ne présente plus (en particulier auprès des notaires qui le connaissent parfaitement), fait une nouvelle fois l’objet d’une retouche.
Celle-ci n’est pas négligeable, puisque le texte est complété de la référence au plan pluriannuel de travaux de l’article 14-2, venant ainsi étoffer la liste – déjà importante – des pièces à remettre à l’acquéreur lors de la cession d’un lot de copropriété. S’ensuivent diverses mesures de correction pour coordonner les textes.
Cependant, l’entrée en vigueur de ces mesures sera, là encore progressive, mais retardée d’un an par rapport à d’autres innovations déjà évoquées : au 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots ; au 1er janvier 2025 pour celles entre 50 et 200 lots ; et au 1er janvier 2026 pour les autres (Loi du 22 août 2021, art. 171, VII)
Dossier technique global : quelques aménagements à la marge
Doivent également retenir l’attention quelques retouches des textes consacrés au dossier technique global, et en particulier la réécriture de l’article L. 731-2 du code de la construction de l’habitation qui dispose désormais que « le contenu du diagnostic technique global est présenté à la première assemblée générale des copropriétaires qui suit sa réalisation ou sa révision ». Les autres modifications opérées sont à la marge, et n’appellent pas davantage de remarques (Loi du 22 août 2021, art. 171, II, 5° à 7°).
Organismes HLM : octroi d’une nouvelle prérogative
Une ultime série de mesures mérite d’être signalée en ce qu’elle accorde une nouvelle prérogative aux organismes d’habitations à loyer modéré (HLM). Au sein du code de la construction et de l’habitation, les articles L. 421-3 (pour les offices publics de l’habitat), L. 422-2 (pour les sociétés anonymes d’habitations à loyer modéré) et L. 422-3 (pour les sociétés anonymes coopératives de production d’habitations à loyer modéré) sont amendés à l’effet de permettre à ces différents organismes « de réaliser pour le compte d’un syndicat des copropriétaires dont ils sont membres toute opération ou tous travaux de rénovation énergétique » ; le tout dans le respect du dernier alinéa de l’article L. 411-2 dudit code (Loi du 22 août 2021, art. 177 à 179).
Une fois de plus, la mesure est guidée par le souhait très clair du législateur d’accélérer les travaux de rénovation des immeubles en copropriété, en particulier pour accroître leur niveau de performance énergétique.
Sur la loi « Climat », Dalloz actualité a également publié :
• 305 articles pour le climat, par Pierre Januel le 5 septembre 2021
• Climat et résilience : s’adapter à la réalité des territoires, par Jean-Marc Pastor le 7 septembre 2021
• Loi « Climat et résilience » : aspect de droit bancaire et financier, par Xavier Delpech le 8 septembre 2021
• Loi « Climat et résilience » : aspect de droit des affaires, par Xavier Delpech le 8 septembre 2021
• Loi « Climat » et commande publique : greenwashing législatif ou vraie avancée ?, par Alexandre Delavay le 9 septembre 2021
• Loi « Climat et résilience » : aspect de droit pénal, par Pauline Dufourq le 9 septembre 2021
La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 tend, par diverses mesures d’inégale portée, à accélérer la rénovation des immeubles bâtis soumis au statut de la copropriété, en particulier pour accroître leur niveau de performance énergétique mais pas uniquement. Passage en revue des principales innovations législatives intéressant le droit de la copropriété.
La cour de Luxembourg était interrogée par la cour administrative autrichienne (Verwaltungsgerichtshof) sur la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi de la protection internationale.
Un ressortissant irakien dont la première demande de protection internationale avait été rejetée de manière définitive par l’Office fédéral autrichien pour le droit des étrangers et le droit d’asile a introduit quelques mois plus...
La réforme des juridictions financières est un serpent de mer depuis que Philippe Séguin présidait la Cour des comptes. Le projet a été relancé avec l’arrivée de Pierre Moscovici à la Cour et les engagements pris par le gouvernement de Jean Castex dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Le comité interministériel de la transformation publique (CITP) du 5 février 2021 avait annoncé cette réforme.
Elle devrait aboutir par une habilitation à légiférer par ordonnances, déjà évoquée par la Lettre A, et que Dalloz actualité a également pu consulter. Si ce texte était adopté dans le projet de loi de finances 2022, l’ordonnance devrait être publiée dans les six mois,...
Le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Nîmes a suspendu, au nom du respect de la vie privée et du droit au travail des agents de la commune de Saint-Laurent-d’Aigouze et du centre communal d’action sociale (CCAS), la note de service du maire qui leur imposait la présentation d’un passe sanitaire, sous peine de suspension de leur fonction.
Par une note de service du 31 août 2021, le maire a entendu régir les conditions d’exercice de leurs fonctions au sein des bâtiments municipaux par l’ensemble des agents dont il est responsable, en sollicitant notamment des informations concernant leur éventuelle vaccination ou leur situation au regard de la contamination par la covid-19.
Saisi entre autres par la...

L’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et le décret du 4 mai 1972 relatif à l’École nationale de la magistrature organisent les modalités et conditions d’accès au corps judiciaire. Il existe traditionnellement plusieurs voies d’accès, parmi lesquelles les trois concours d’entrée, qui constituent la voie principale de recrutement, et le recrutement dit « sur titres ».
Le recrutement sur titres est notamment ouvert aux professionnels qui justifient de quatre années d’activité dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales, et qui remplissent les conditions de diplôme exigées pour l’exercice des fonctions judiciaires. Les dossiers de candidature sont examinés par une commission d’avancement, chargée d’apprécier les compétences et les mérites des différents candidats. Les candidats retenus sont nommés directement auditeurs de justice et intègrent la promotion de l’ENM au même titre que les personnes recrutées par la voie des trois concours d’entrée, et effectuent une scolarité de trente-et-un mois comportant des stages pratiques, en particulier en juridiction.
Parmi les conditions de recevabilité au recrutement sur titres, le premier alinéa de l’article 33 du décret du 4 mai 1972 précise que les candidats doivent être âgés de trente et un an au moins et de quarante ans au plus au 1er janvier de l’année en cours.
La contestation de l’acte réglementaire fixant la condition d’âge minimal
En l’espèce, une candidate remplissait la condition de diplôme et d’expérience pour se présenter au recrutement sur titres aux fonctions d’auditeurs de justice pour l’année 2022, mais ne satisfaisait pas à la condition d’âge minimal au cours de l’année de dépôt de son dossier.
Par une demande préalable formée devant le garde des Sceaux, ministre de la Justice, elle a tout d’abord sollicité l’abrogation de l’article 33 du décret qui fixe cette condition. Elle a ensuite saisi le Conseil d’État d’une requête dirigée contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le garde des Sceaux.
En effet, s’il est possible pour toute personne justifiant d’un intérêt à agir de demander au juge administratif l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte réglementaire dans un délai de deux mois suivant la publication de cet acte, il est également possible de demander, à tout moment, à l’auteur de cet acte réglementaire de l’abroger et, dans l’hypothèse d’un refus, de contester ce refus – même implicite – devant le juge administratif compétent.
Saisi tout d’abord par la voie du référé-suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, le Conseil d’État a estimé que la requête ne remplissait pas la condition d’urgence, dans la mesure où la juridiction s’apprêtait à juger l’affaire au fond dans les plus brefs délais et, à tout le moins, avant la date limite de dépôt des candidatures fixée au 1er janvier 2022 (CE 1er juill. 2021, n° 453470).
C’est ainsi que par une décision du 8 septembre 2021, le Conseil d’État s’est prononcé sur la conformité, au regard notamment du droit européen, de la condition d’âge minimal fixée par le décret de 1972.
Méconnaissance du principe européen de non-discrimination
La requérante soulevait en premier lieu une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dirigée contre les dispositions de l’article 18-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, qui renvoient au décret en Conseil d’État le soin de fixer les limites d’âges pour candidater au recrutement sur titres.
Le Conseil d’État commence par rejeter la QPC, au double motif que ces dispositions, issues d’une loi organique régulièrement promulguée, doivent par principe être regardées comme conformes à la Constitution (CE 29 juin 2011, n° 347214, AJDA 2011. 1355 ), et que les réformes constitutionnelles intervenues depuis son entrée en vigueur ne sont pas de nature à caractériser des circonstances nouvelles justifiant la transmission de la question au Conseil constitutionnel.
Afin de contester la conformité de la règle fixée par l’article 33 du décret, la requérante soutenait que cette disposition méconnaissait le droit de l’Union européenne, notamment le principe général de non-discrimination et l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux. Il est vrai que la Cour de justice de l’Union européenne a, de longue date, reconnu que ce principe général, concrétisé par la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, interdit les discriminations en fonction de l’âge (v. CJUE 19 janv. 2010, aff. C-555/07, AJDA 2010. 248, chron. M. Aubert, E. Broussy et F. Donnat ; RDT 2010. 237, obs. M. Schmitt ; RTD eur. 2010. 113, chron. L. Coutron ; ibid. 599, chron. L. Coutron ; ibid. 673, chron. S. Robin-Olivier ; ibid. 2011. 41, étude E. Bribosia et T. Bombois ; Rev. UE 2013. 313, chron. E. Sabatakakis ).
Le Conseil d’État reconnaît que les dispositions attaquées du décret « réservent un traitement moins favorable aux personnes qui n’ont pas atteint le seuil d’âge de trente et un ans par rapport à celles qui ont atteint cet âge en les privant de la possibilité de présenter leur candidature pour être nommées auditeur de justice sur titres », et qu’elles constituent donc une discrimination directe fondée sur l’âge. Le ministère de la Justice n’apportant, en défense, « aucun élément de nature à justifier que cette différence de traitement répondrait effectivement à une exigence professionnelle essentielle et déterminante », et ce alors même que l’accès aux fonctions d’auditeur de justice par d’autres voies statutaires n’est, quant à lui, pas soumis à une condition d’âge minimal.
Le Conseil d’État annule donc la décision implicite par laquelle le garde des Sceaux a refusé d’abroger ces dispositions, et ordonne l’abrogation des dispositions litigieuses dans un délai de trois mois.
La candidate évincée, âgée de trente ans, devrait donc pouvoir régulièrement candidater au recrutement sur titres en vue d’intégrer le corps des auditeurs de justice en 2022.
Quel moyen d’accès – direct ou pas – aux produits de première nécessité dans les centres commerciaux pour les personnes ne possédant pas de passe sanitaire ? La question qui divise les tribunaux (v. Dalloz actualité, 6 sept. 2021) a fini par remonter au Palais-Royal. La solution du juge des référés ne va cependant pas faciliter le travail des préfets.
Des particuliers avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice pour qu’il suspende l’obligation préfectorale imposant le passe sanitaire à l’entrée de six centres commerciaux des Alpes-Maritimes. Ils ont fait appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance rejetant leur demande. Le gouvernement ayant revu sa position sur le passe sanitaire, celui-ci n’est plus requis dans les centres commerciaux des départements où le taux d’incidence est inférieur à 200/100 000 et en décroissance continue depuis au moins sept jours. De nombreux recours sont devenus sans objet, pas en l’espèce.
Un public mixte
Le juge des référés s’est interrogé sur la « garantie d’accès » des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, figurant au point II, 7°, de l’article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié.
Face à un public mixte, composé de ceux qui possèdent un passe sanitaire et ceux qui n’en possèdent pas, ces dipositions, précise le Conseil d’État, « n’imposent pas d’assurer cette garantie au regard de ceux se trouvant dans l’enceinte des grands magasins et centres commerciaux dans lesquels est exigé le passe sanitaire ». Pour autant, les préfets devront s’assurer que les personnes des centres commerciaux concernés ont la possibilité d’accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé, « dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres, appréciée au regard de la densité urbaine et des moyens de transport disponibles ». La difficulté se corse pour les préfets puisqu’il leur appartient, de permettre à toutes les personnes, y compris celles non détentrices d’un passe sanitaire, « l’accès aux lieux de soins situés dans l’enceinte de ces centres commerciaux, le cas échéant, lorsqu’un accès différencié à ces lieux ne peut être aménagé, sur présentation d’un justificatif de rendez-vous. » Et lorsqu’il existe un accès direct à des moyens de transport depuis un centre commercial dans lequel est exigé le passe sanitaire, les préfets devront s’assurer « que les personnes non détentrices de ce passe peuvent accéder à ces mêmes moyens de transport par des accès pour lesquels le passe n’est pas requis, situés à proximité immédiate de ce centre ».
Pas de méconnaissance du principe d’égalité
Le juge des référés considère que la méconnaissance du principe d’égalité ne révèle pas une atteinte à une liberté fondamentale. En tout état de cause, l’obligation de présentation d’un passe sanitaire pour accéder à certains lieux, dès lors que ce dernier n’est pas limité au seul certificat de vaccination, « ne crée aucune discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées qui serait contraire au principe d’égalité et au règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance et l’acceptation de certificats covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de covid-19. »
Précisons qu’une première audience s’est tenue au Conseil d’Etat la semaine dernière s’agissant du passe sanitaire dans les centres commerciaux lyonnais. A l’issue de celle-ci, les différentes sociétés requérantes se sont purement et simplement désistées (CE ord., 10 sept. 2021, n° 456263, Société Centre Commercial Lyon La Part-Dieu et autres ; CE ord., 10 sept. 2021, n° 456213, Société Dolulle et autres).
Quel moyen d’accès – direct ou pas – aux produits de première nécessité dans les centres commerciaux pour les personnes ne possédant pas de passe sanitaire ? La question qui divise les tribunaux (v. Dalloz actualité, 6 sept. 2021) a fini par remonter au Palais-Royal. La solution du juge des référés ne va cependant pas faciliter le travail des préfets.
Des particuliers avaient saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nice pour qu’il suspende l’obligation préfectorale imposant le passe sanitaire à l’entrée de six centres commerciaux des Alpes-Maritimes. Ils ont fait appel devant le Conseil d’État de l’ordonnance rejetant leur demande. Le gouvernement ayant revu sa position sur le passe sanitaire, celui-ci n’est plus requis dans les centres commerciaux des départements où le taux d’incidence est inférieur à 200/100 000 et en décroissance continue depuis au moins sept jours. De nombreux recours sont devenus sans objet, pas en l’espèce.
Un public mixte
Le juge des référés s’est interrogé sur la « garantie d’accès » des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi que, le cas échéant, aux moyens de transport, figurant au point II, 7°, de l’article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié.
Face à un public mixte, composé de ceux qui possèdent un passe sanitaire et ceux qui n’en possèdent pas, ces dipositions, précise le Conseil d’État, « n’imposent pas d’assurer cette garantie au regard de ceux se trouvant dans l’enceinte des grands magasins et centres commerciaux dans lesquels est exigé le passe sanitaire ». Pour autant, les préfets devront s’assurer que les personnes des centres commerciaux concernés ont la possibilité d’accéder à des biens et services de première nécessité, en particulier alimentaires et de santé, « dans des magasins ou établissements situés à une distance raisonnable de ces centres, appréciée au regard de la densité urbaine et des moyens de transport disponibles ». La difficulté se corse pour les préfets puisqu’il leur appartient, de permettre à toutes les personnes, y compris celles non détentrices d’un passe sanitaire, « l’accès aux lieux de soins situés dans l’enceinte de ces centres commerciaux, le cas échéant, lorsqu’un accès différencié à ces lieux ne peut être aménagé, sur présentation d’un justificatif de rendez-vous. » Et lorsqu’il existe un accès direct à des moyens de transport depuis un centre commercial dans lequel est exigé le passe sanitaire, les préfets devront s’assurer « que les personnes non détentrices de ce passe peuvent accéder à ces mêmes moyens de transport par des accès pour lesquels le passe n’est pas requis, situés à proximité immédiate de ce centre ».
Pas de méconnaissance du principe d’égalité
Le juge des référés considère que la méconnaissance du principe d’égalité ne révèle pas une atteinte à une liberté fondamentale. En tout état de cause, l’obligation de présentation d’un passe sanitaire pour accéder à certains lieux, dès lors que ce dernier n’est pas limité au seul certificat de vaccination, « ne crée aucune discrimination entre les personnes vaccinées et non vaccinées qui serait contraire au principe d’égalité et au règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance et l’acceptation de certificats covid-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de covid-19. »
Après avoir refusé à l’association École Hanned-Acces de conclure un contrat simple pour l’école primaire qu’elle gère à Argenteuil, le préfet du Val-d’Oise a rejeté le recours préalable obligatoire de l’association contre cette décision. Celle-ci ayant été annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le ministre de l’éducation nationale s’est pourvu en cassation.
La liste des conditions auxquelles doivent satisfaire les établissements pouvant bénéficier d’un...
Le rapport, rendu public le 8 septembre, montre que le dispositif législatif est utile. Mais face à la difficulté d’enrayer ce phénomène (en forte augmentation en 2020 : 871 délits relevés, contre 588 en 2019, pour 15 143 interventions, contre 9 556 l’année passée),...

L’entrée en vigueur du Protocole additionnel n° 15
Dans le prolongement de la Conférence de Brighton des 18 au 20 avril 2012, par laquelle un Premier ministre britannique dont l’Histoire a déjà oublié le nom avait tenté en vain de réduire à presque rien l’influence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Protocole additionnel n° 15 a été signé à Strasbourg le 24 juin 2013, quelques mois avant le Protocole n° 16 dont on a déjà eu l’occasion de commenter les premières applications. L’aîné aura donc été un peu plus lent au démarrage que le cadet. Il n’y a pas lieu de s’en étonner puisqu’il s’agit d’un Protocole d’amendement n’entrant en vigueur que si l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifié, tandis que 10 ratifications suffisent généralement pour entraîner celle d’un Protocole facultatif tel que le n° 16. Or l’unanimité a pris son temps pour se dégager puisqu’il manquait la ratification de l’Italie qui ne l’a décidée que le 21 avril 2021. Alors s’est enclenché un compte à rebours qui a conduit à l’entrée en vigueur du Protocole n° 15, le 1er août 2021, trois ans jour pour jour après celle du n° 16.
Vers plus de subsidiarité et de marge d’appréciation ?
L’apport le plus remarquable de ce nouveau Protocole tient au changement qu’il introduit dans le Préambule de la Convention pour y ajouter des références au principe de subsidiarité et à la marge d’appréciation dont les États jouissent en conséquence. Théoriquement remarquable, cette innovation ne devrait pas entraîner de trop profonds bouleversements. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme, à partir de son arrêt Handyside c/ Royaume-Uni du 7 décembre 1976, a déjà accordé aux États une marge d’appréciation, variable suivant les circonstances, les domaines et le contexte. Désormais, elle ne pourra plus la leur retirer puisque la nouvelle rédaction du Préambule vient d’introduire une sorte d’effet cliquet. Il n’est pas assuré, en revanche, que la conventionnalisation du principe de subsidiarité poussera à beaucoup l’élargir. Plus exactement, l’élargissement a sans doute déjà eu lieu. En effet, à la veille et au lendemain de la signature du Protocole n° 15 et sans attendre de savoir quand il serait unanimement ratifié ou si même il le serait, la Cour a saisi de spectaculaires occasions, particulièrement dans son arrêt de Grande chambre Austin c/ Royaume-Uni du 15 mars 2012 relatif à la technique policière du kettling, de rendre son point de vue un peu plus subsidiaire par rapport à l’appréciation des États dont la marge a été ainsi élargie. Ayant fait preuve de compréhension et de bonne volonté avant même l’entrée en vigueur du Protocole n° 15, il sera très intéressant d’observer si elle s’estime tenue d’accorder désormais encore plus d’importance à la subsidiarité et plus d’ampleur à la marge d’appréciation. Sur ce plan on en est réduit aux spéculations. Il y a, en revanche, des certitudes, quant aux conséquences procédurales de l’entrée en vigueur du Protocole n° 15.
Conséquences procédurales
Encore celle qui exercera la plus forte influence sur les habitudes et les réflexes des praticiens ne s’appliquera-t-elle qu’à partir du 1er février 2022. C’est seulement à partir de cette date, en effet, que le délai de six mois durant lequel la Cour doit être saisie après une décision nationale définitive, sera ramené à quatre mois suivant la nouvelle rédaction de l’article 34 qui fixe les conditions de recevabilité des requêtes individuelles. Ainsi espère-t-on qu’une réduction de deux mois du temps de l’initiative procédurale s’accompagnera d’une diminution corrélative du nombre des requêtes pendantes, qui en 2020 s’élevait à 65 800 soit une augmentation de 6 %. L’obsession d’une asphyxie de la Cour de Strasbourg sous le nombre des requêtes qui lui sont annuellement adressées était déjà à l’origine de l’introduction par la Protocole n° 14 entré en vigueur le 1er juin 2010 d’une nouvelle condition de recevabilité : l’exigence de ce que la violation alléguée par le requérant lui ait fait subir un préjudice important. Comme cette condition qui confond un peu trop cyniquement protection des droits de l’homme et droit de la responsabilité civile était fort critiquée, l’article 34, qui l’a accueillie l’avait encadrée par deux garde-fous conduisant à la neutraliser lorsque le respect des droits de l’homme garantis par la Convention exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne. Or, personne n’a jamais réussi à comprendre ce que signifiait cette dernière réserve. Le Protocole n° 15 l’a donc sagement et tout simplement supprimée ; ce qui ne devrait donc strictement rien changer à la pratique de la Cour.
Il faudra être très attentif en revanche, à l’influence que pourrait exercer sur la cohérence et la réactivité de sa politique jurisprudentielle la modification apportée à l’article 30 de la Convention qui permet à une chambre, de sept juges, de se dessaisir en faveur d’une grande chambre, de dix-sept juges, si une affaire pendante devant elle soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou si sa solution peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour. Jusqu’alors, les avantages que cette procédure offre pour une meilleure administration de la justice européenne pouvait être anéantis lorsque l’une ou l’autre des parties s’y opposait. Depuis le 1er août 2021, le requérant et l’État défendeur ne peuvent plus empêcher une chambre de se dessaisir en faveur d’une grande chambre.
Enfin le Protocole n° 15 exige que les candidats au poste de juge à la Cour soient âgés de moins de 65.
Comme ils sont élus pour neuf ans et que leur mandat s’achève à l’âge de 70 ans, tous les nouveaux élus siégeront donc normalement pendant au moins cinq ans. Ainsi seront donc éliminés les candidats qui recherchent surtout l’honneur de prolonger leur carrière en occupant pendant quelque mois ou quelques semaines un siège à la Cour de Strasbourg.
Renforcement de la protection des étrangers
La Convention et ses Protocoles additionnels ne contenant que deux dispositions expressément prévues en leur faveur, l’article 4 du Protocole n° 4 interdisant leurs expulsions collectives et l’article 1er du Protocole n° 7 leur reconnaissant un certain nombre de garanties procédurales en cas d’expulsion, les étrangers ne peuvent guère compter que sur une protection par ricochet. Or, la Cour européenne des droits de l’homme, c’est le moins que l’on puisse dire, ne s’est pas toujours montrée très courageuse pour la leur accorder. C’est ce dont témoignent un certain nombre d’arrêts scandaleux tels que l’arrêt N c/ Royaume-Uni du 27 mai 2008 suivant lequel ne constituait pas un traitement inhumain et dégradant l’expulsion de jeunes mères de famille infectées par le VIH vers leur pays d’origine où, privées de la possibilité de continuer à avoir accès à un traitement médical adapté, elles s’éteindraient à brève échéance sous les yeux de leurs enfants.
Or, l’été 2021 semble avoir été marqué par un peu plus d’audace. Elle se manifeste déjà dans un arrêt Shahzad c/ Hongrie du 8 juillet (n° 12625/17) par une application de l’article 4 du Protocole n° 4 interdisant les expulsions collectives dans le cas d’une expulsion qui n’en était pas vraiment une puisqu’il s’agissait d’une reconduite sommaire d’un étranger vers une autre partie du territoire de l’État défendeur et qui n’était pas à strictement parler collective puisqu’elle n’avait visé qu’un seul individu (pour une application de l’article 4 du Protocole n° 4 à une véritable expulsion collective d’étrangers, v. l’arrêt D.A et autres c/ Pologne du 8 juill. 2021, n° 51246/17).
Au titre du renforcement de la protection par ricochet, on peut relever un constat de violation de l’article 8 dressé par un arrêt Khachatryan et Konovalova c/ Russie du 13 juillet (n° 28895/14) parce que le refus de renouvellement d’un permis de séjour au simple motif qu’un certificat médical n’avait pas été joint à la demande, avait porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée du requérant.
L’attention de plus en plus intransigeante portée par la Cour à la situation des étrangers particulièrement vulnérables a valu à la France un arrêt d’une remarquable et exemplaire sévérité. Il s’agit de l’arrêt M.D et A.D du 22 juillet (n° 57035/18) rendu dans une affaire ou une mère et son enfant mineur alors âgé de quatre mois avaient été retenus pendant 11 jours dans le Centre de rétention administrative n° 2 de Mesnil-Amelot. Non seulement la Cour a estimé qu’un tel traitement avait dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3, mais elle a également retenu une violation de l’article 5 consacrant le droit à la liberté et à la sûreté pour l’humiliant motif rarement relevé que les autorités françaises n’avaient même été capables d’appliquer convenablement les règles nationales prévues en la matière. Peut-être l’arrêt E.H. du même jour (n° 39126/18, AJDA 2021. 1594 ) qui a estimé qu’elles n’avaient pas violé l’article 3 en expulsant un requérant d’origine sahraouie vers le Maroc les aura-t-il un peu consolées.
L’arrêt marquant le plus nettement un renforcement de la protection des étrangers est l’arrêt M.A c/ Danemark du 9 juillet (n° 6697/18), le seul arrêt de Grande Chambre de la période considérée, par lequel la Cour a recherché pour la première fois si et dans quelle mesure l’imposition d’un délai d’attente légal pour l’accès au regroupement familial des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire ou du statut de protection temporaire est compatible avec l’article 8 de la Convention. Après un long rappel de sa jurisprudence relative au regroupement familial, la Cour est parvenue à la conclusion que, relativement à cette question nouvelle, les États devaient se voir reconnaître une ample marge d’appréciation mais que, pour autant, la latitude dont ils jouissent en la matière n’était pas absolue et qu’elle appelait un examen sous l’angle de la proportionnalité de la mesure de façon à s’assurer, au nom du principe d’effectivité récemment élevé au rang de principe général d’interprétation de l’ensemble des dispositions de la Convention et de ses Protocoles, que le droit au respect de la vie privée et familiale des étrangers qui demandent un regroupement familial ne reste pas théorique et illusoire. Or le délai d’attente de trois ans qui avait été imposé en l’espèce a été jugé disproportionné et un constat de violation de l’article 8 a été dressé.
L’examen post-mortem du corps d’un bébé contre la volonté de sa mère
L’arrêt le plus original rendu en juillet-août 2021 par la Cour de Strasbourg est probablement l’arrêt Polat c/ Autriche du 20 juillet (n° 12886/16, AJ fam. 2021. 448, obs. A. Dionisi-Peyrusse ). Il s’est prononcé dans une affaire particulièrement douloureuse où, dans l’intérêt de la science et de la santé publique, les autorités avaient procédé à l’autopsie d’un enfant décédé deux jours après sa naissance, contre la volonté de sa mère qui s’y était opposée pour des raisons religieuses, et sans l’informer de l’ampleur des prélèvements des organes internes qui devait seulement apparaître au moment du rituel funéraire.
Ces pénibles circonstances ont permis à la Cour de rappeler deux règles qu’elle n’a pas l’occasion de mettre très souvent en œuvre : d’abord que le droit au respect de la vie privée et familiale qui s’applique surtout dans les relations entre des êtres humains vivants peut être étendu à certaines situations après la mort ; ensuite que la manière d’enterrer les morts représente un aspect essentiel de la pratique religieuse relevant du droit à la liberté religieuse.
En conséquence, la Cour a constaté des violations des articles 8 et 9 parce que les autorités n’avaient pas trouvé le juste équilibre entre les droits qu’ils garantissent et les exigences de la santé publique d’une part et, d’autre part, une violation de l’article 8 parce que la mère n’avait pas été suffisamment informée de la nature de l’examen qui serait effectué sur le corps de son enfant mort.
Encore de nouvelles applications du principe de non-discrimination
La vitalité de la combinaison de l’article 14 combiné avec d’autres articles de la Convention se vérifie à chaque livraison bimestrielle. Cette fois, elle est attestée par trois arrêts.
D’abord l’arrêt A.M c/ Russie du 6 juillet (n° 47220/19, AJ fam. 2021. 490, obs. M. Saulier ; ibid. 448, obs. A. Dionisi-Peyrusse ) suivant lequel la suppression du droit de visite d’un parent parce qu’il subissait une opération de changement de sexe constituait une violation manifeste de l’article 14 combiné avec l’article 8.
Ensuite l’arrêt Gruba c/ Russie du 6 juillet également (n° 66180/09) qui stigmatise, grâce à la combinaison de l’article 14 avec l’article 8, une différence d’accès au congé parental entre policiers et policières. Enfin l’arrêt Tkhelidze c/ Géorgie du 8 juillet (n° 33056/17) qui a conclu à une violation de l’article 2 consacrant le droit à la vie combiné avec l’article 14 et dénoncé une défaillance systémique parce que l’inaction de la police (due à des préjugés sexistes) qui avait échoué à empêcher des violences domestiques fondées sur le genre, avait abouti à l’assassinat d’une jeune femme.
En outre, il se trouve à l’arrière-plan de l’important arrêt Fedotova c/ Russie du 13 juillet (n° 40792/10, AJ fam. 2021. 495, obs. M. Saulier ) où la Cour, ayant constaté que l’impossibilité pour les couples homosexuels de faire reconnaître officiellement leur relation violait l’article 8, ne s’est pas donné la peine de préciser qu’il y avait aussi violation de l’article 8 avec l’article 14.
Le stockage de produits radioactifs
Malgré le silence complet de la Convention sur l’environnement, la Cour de Strasbourg a su adapter sa jurisprudence aux exigences de plus en plus pressantes de sa protection par de célèbres et audacieux arrêts tels que Lopez Ostra c/ Espagne du 9 décembre 1994, Tatar c/ Roumanie du 27 janvier 2009 ou, plus récemment, Cordella c/ Italie du 24 janvier 2019. Un arrêt Association Burestop et 55 autres c/ France du 1er juillet (n° 56176/18, AJDA 2021. 1416 ), rendu à la requête d’associations de protection de l’environnement hostiles au projet de création d’un centre de stockage de produits radioactifs sur le site de Bure, lui offrait l’occasion de confirmer son dynamisme environnemental.
Or, elle a négligé de la saisir. Certes, elle a jugé que les requérants avaient été victimes d’une violation de l’article 6, § 1er, en raison d’une restriction disproportionnée de leur droit de saisir un tribunal pour contester le projet. Cependant, elle a refusé l’essentiel : dresser un constat de violation de l’article 10 par application de sa récente jurisprudence Magyar Helsinki Bizottsag c/ Hongrie du 8 novembre 2016 suivant laquelle l’article 10 de la Convention qui n’ouvre pas un droit général d’accès aux informations détenues par les autorités, peut néanmoins, dans une certaine mesure et sous certaines conditions, garantir un droit de cette nature et une obligation pour les autorités de communiquer des informations. Elle a en effet estimé que les recours exercés devant les juridictions nationales leur avaient permis, en dépit de motivations qui n’étaient pas exemptes de toute critique, d’en savoir assez sur les potentialités géothermiques du site de Bure présentant un lien avec le risque nucléaire provoqué par le projet de stockage. Dans la mesure où l’arrêt Cangi c/Turquie du 29 janvier 2019 avait expressément précisé que la jurisprudence Magyar Helsinki Bizottsag vaut notamment pour l’accès à des informations relatives à des projets dont la réalisation est susceptible d’avoir un impact sur l’environnement, la motivation, très compréhensive pour l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, de l’arrêt Association Burestop c/ France, lui donne malheureusement l’allure d’un arrêt régressif.
La protection des journalistes
La protection des journalistes ne relève pas que du seul droit à la liberté d’expression garanti par l’article 10 qui a reçu une nouvelle application dans l’arrêt Sic c/ Portugal du 27 juillet (n° 29856/13) en faveur d’une société de médias qui avait été condamnée pour diffamation d’une personnalité après la diffusion d’un reportage l’accusant d’avoir participé à un réseau pédophile. En effet, la Cour stigmatise aussi les atteintes à d’autres droits de l’homme par lesquelles les autorités tentent de les empêcher de jouer pleinement leur rôle de chiens de garde d’une société démocratique.
C’est ce dont aideront à se convaincre, l’arrêt Azer Ahmadov c/ Azerbaïdjan du 22 juillet (n° 3409/10) concluant à une violation de l’article 8 parce qu’un journaliste avait été placé sur écoutes téléphoniques ; l’arrêt D. c/ Bulgarie du 20 juillet (n° 29447/17) qui a constaté une violation de l’article 3 prohibant les traitements inhumains ou dégradants dans le cas de l’arrestation à la frontière et du renvoi vers son pays d’origine d’un journaliste qui fuyait la persécution politique à laquelle sa profession l’exposait particulièrement et l’arrêt Mammadov et Abbasov c/ Azerbaïdjan du 8 juillet (n° 1172/12) stigmatisant, au regard de l’article 5, § 1er, le placement en garde à vue pendant une heure d’un reporter spécialisé dans la protection des droits…des journalistes. Dans cette affaire, des constats de violation de l’article 10 ont également été dressés en raison de la saisie par la police du matériel qui leur aurait permis de réaliser des enregistrements.
L’arrêt le plus original de la série est probablement l’arrêt Norman c/ R-U du 6 juillet (n° 41387/17) qui met en place une sorte de réversibilité de la protection des sources journalistiques. En l’espèce un journaliste avait révélé l’identité de sa source car il s’agissait d’un fonctionnaire de l’administration pénitentiaire qui fournissait des informations en échange d’argent. Déclaré pénalement coupable de comportement fautif par un agent public dans l’exercice de ses fonctions, la source dévoilée, qui n’avait jamais imaginé que son activité auprès d’un journaliste lui vaudrait des poursuites pénales, se plaignait d’une violation de l’article 7 consacrant le principe pas de peine sans loi et de l’article 10 parce qu’elle estimait avoir droit à une protection en tant que source journalistique. Or la Cour n’a constaté de violation ni de l’un ni de l’autre article ; solution qui abandonne la protection des sources journalistiques à la pure discrétion du journaliste.
Absent ou en retrait dans les arrêts relatifs à la protection des journalistes, l’article 10, d’ordinaire si envahissant, s’est montré relativement discret au cours de la période étudiée. À peine s’est-il illustré dans l’arrêt Gachechiladze c/ Géorgie du 22 juillet (n° 2591/19) où il a été jugé qu’une condamnation en raison d’une publicité pour des préservatifs en avait constitué une violation et dans l’arrêt Uçdag c/ Turquie du 31 août (n° 23314/10) ou il a servi à dénoncer la condamnation d’un imam en raison d’une publication sur Facebook.
La protection des détenus
En juillet-août 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu quelques arrêts intéressants relatifs à la détention provisoire. Il s’agit surtout de l’arrêt Akgün c/ Turquie du 20 juillet (n° 19699/18) qui a constaté des violations de l’article 5, §§ 1, 3 et 4 parce que l’utilisation d’une messagerie cryptée, en l’occurrence ByLock, n’avait pas pu suffire, en elle-même, à rendre plausible l’appartenance à une organisation terroriste et à justifier cette privation de liberté. Il s’agit encore de l’arrêt Kazilov c/ Russie du 6 juillet (n° 2599/18) relevant une violation de l’article 1er du Protocole n° 1, qui garantit le droit au respect des biens, en raison de la rétention de la caution entre le prononcé du jugement de condamnation et le prononcé du jugement d’appel malgré le placement immédiat en détention.
Dans l’arrêt Nechay c/ Ukraine du 1er juillet (n° 15360/10) et dans l’arrêt Badalayan c/ Azerbaïdjan du 22 juillet (n° 21295/11) où elle a constaté des violations des articles 3 et 5 parce qu’un civil, indûment confondu avec un prisonnier de guerre, avait été retenu en captivité pendant vingt-deux mois, la Cour s’est également montrée très attentive à la durée de la détention. Dans un ordre d’idées presque voisin, on remarquera l’arrêt Avanesyan c/ Arménie du 20 juillet (n° 12999/15) estimant qu’une condamnation à deux ans et six mois d’emprisonnement d’un objecteur de conscience au service militaire avait violé son droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion consacré par l’article 9.
L’indignité des conditions de détention avant ou après condamnation définitive a continué à mobiliser l’attention de la Cour. Ainsi son arrêt Sili c/Ukraine du 8 juillet (n° 42903/14) a constaté qu’elles étaient tellement épouvantables que, comme dans beaucoup d’autres États membres du Conseil de l’Europe, elles emportaient violation de l’article 3. On accordera une particulière attention à l’arrêt Polgar c/ Roumanie du 20 juillet (n° 39412/18) par lequel elle fait le point sur les retombées de son arrêt pilote Rezmivez du 25 avril 2017 par lequel elle demandait aux autorités roumaines de prendre les mesures nécessaires pour endiguer la dérive systémique constatée en matière de conditions de détention. Le bilan est encourageant puisque des mesures destinées à réduire le phénomène de surpopulation carcérale ont été effectivement mises en œuvre, mais insuffisant pour empêcher de nouveaux constats de violation de l’article 3. La procédure de l’arrêt pilote pourrait donc être créditée d’une efficacité relative.
Dans ce contexte jurisprudentiel favorable à l’amélioration des conditions de vie des détenus, qui même définitivement condamnés, doivent seulement être privés de liberté, certains pourront s’étonner du maintien, par l’arrêt Leslaw Wojik c/ Pologne du 1er juillet (n° 66424/09), de la jurisprudence Aliev c/ Ukraine du 29 avril 2003 justifiant le refus par les autorités pénitentiaires d’autoriser des visites conjugales pendant la détention.
Les droits procéduraux
L’article 6, § 1er, est une véritable corne d’abondance de droits procéduraux donnant lieu à des applications un peu routinière qui sont un peu trop systématiquement passées sous silence. Pour la période couverte par cette tentative de synthèse, quelques-unes méritent d’être signalées. La plus importante se trouve sans doute dans l’arrêt Bio Farmland Betriebs s.r.l c/ Roumanie du 13 juillet (n° 43639/17) qui n’hésite pas à prêter main forte à la Cour de Justice de l’Union européenne en jugeant que le rejet insuffisamment motivé d’une demande de renvoi préjudiciel devant elle constitue une violation du droit à un procès équitable. Il faut également mentionner les arrêts Maesri c/ Italie du 8 juillet (n° 20903/15), X. c/ Pays-Bas du 27 juillet (n° 7263/17) et Karrar c/ Belgique du 31 août (n° 61344/16) qui ont dressé des constats de violation de l’article 6, § 1er, respectivement parce qu’il avait été refusé d’ordonner en appel une nouvelle audition de témoins à charge ; parce qu’il avait été impossible pour le requérant d’assister à l’audience d’appel et parce que le président d’une cour d’assises avait pris des contacts avec la mère des victimes.
L’article 6 n’est pas le seul à consacrer des droits procéduraux. Cette fois-ci l’article 2 du Protocole n° 7 qui consacre le droit à un double degré de juridiction en matière pénale et, surtout, l’article 4 du Protocole n°7 qui proclame celui à ne pas être puni et jugé deux fois, lui ont fait un peu d’ombre. Le premier nommé a permis, dans un arrêt Y.B. c/ Russie du 20 juillet (n° 71155/17) de dénoncer une impossibilité de faire appel contre une condamnation pour pédopornographie. Quant au second, il a donné lieu à un florilège d’arrêts et de décisions aux solutions contrastées : décision d’irrecevabilité Matijasic c/ Croatie du 1er juillet (n° 38771/15) suivant laquelle les points de pénalité et l’interdiction de conduire subséquente ne constituent pas une double peine ; arrêt Galovic c/ Croatie du 31 août (n° 45512/11) qui apporte une contribution remarquable à la lutte contre le fléau des violences conjugales, en estimant qu’une approche globale et cohérente du phénomène permettait de sanctionner des actes de violence ponctuels et un comportement habituel par une réponse pénale plus grave sans contrevenir au principe non bis in idem ; arrêts Milosevic c/ Croatie du 31 août (n° 12027/16) et Bragi Gudmundur Kristjansson c/ Islande (n° 12951/18), tous les deux du 31 août, qui, eux ont constaté que le droit à ne pas être jugé ou puni deux fois avait été bafoué, dans le premier cas parce que le requérant avait subi à la fois une condamnation pour utilisation illégale de mazout et l’imposition d’un droit d’accise ; dans le second parce qu’il y avait eu en même temps majoration fiscale et condamnation pénale pour infractions fiscales majeures.
Divers
On pourrait encore citer plusieurs arrêts mettant en cause le comportement de la police. On retiendra à titre d’exemple l’arrêt Abdulkhanov c/ Russie du 6 juillet (n° 35012/10) qui a dû constater que des brutalités policières avaient violé à la fois l’article 2 et l’article 3.
Les litiges d’ordre familial continuent à provoquer des constats de violation de l’article 8 comme dans l’arrêt Neves Caratao Pinto c/ Portugal du 13 juillet (n° 28443/19) relatif au droit de visite.
L’article 1er du Protocole n° 1 consacrant le droit au respect des biens est lui aussi souvent sollicité. Il est d’ailleurs au cœur d’un arrêt important qui témoigne d’une certaine compréhension à l’égard des politiques répressives : l’arrêt Todorov c/ Bulgarie du 13 juillet (n° 50705/11) suivant lequel la confiscation d’avoirs criminels présumés est conforme à l’intérêt général mais peut être disproportionnée en l’absence d’examen du lien entre les biens et l’activité criminelle présumée.
Dans un avis du 16 juillet 2021, la Cour de cassation retient qu’il n’entre pas dans les attributions du juge de l’exécution d’autoriser un indivisaire à procéder seul à la vente amiable d’un bien indivis en cas de refus du coïndivisaire.
par Wolfgang Fraissele 14 septembre 2021
Soc., avis, 7 juill. 2021, FS-B, n° 21-70.011
La présente décision est l’occasion de rappeler la double obligation qui incombe à l’employeur au sujet de la visite médicale de reprise ainsi que de l’entretien professionnel de la salariée à son retour de congé de maternité.
En premier lieu, la salariée doit bénéficier d’un examen de reprise à son retour de congé de maternité, quelle qu’en soit la durée (C. trav., art. R. 4624-31). C’est ainsi que l’employeur doit prendre attache avec les services de santé au travail pour organiser cette visite de reprise qui a pour objet d’apprécier l’aptitude de la salariée à reprendre son ancien emploi. Le médecin du travail peut décider de la nécessité de mesures d’adaptation du poste ou de réadaptation de la salariée (C. trav., art. R. 4624-23, al. 1er). En effet, cet examen de reprise a pour objet : 1° De délivrer l’avis d’aptitude médicale du salarié à reprendre son poste ; 2° De préconiser l’aménagement, l’adaptation du poste ou le reclassement du salarié ; 3° D’examiner les propositions d’aménagement, d’adaptation du poste ou de reclassement faites par l’employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de pré-reprise. C’est pourquoi la visite doit être organisée dans les meilleurs délais, c’est-à-dire lors de la reprise du travail ou au plus tard dans un délai de huit jours à compter de la date de la reprise (C. trav., art. R. 4624-23, al. 2). Toutefois, l’absence de visite de reprise après le congé maternité n’a pas pour conséquence d’étendre la période de protection légale de la salariée. En effet, à l’inverse d’un accident du...
Entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2021, 5 516 demandes de médiation préalable obligatoire (MPO) ont été enregistrées dans le cadre de l’expérimentation prévue par la loi Justice du XXIe siècle. Le taux de réussite globale est de 76 %, révèle le bilan final de l’expérimentation que le Conseil d’État vient de rendre public.
Ce bilan était prévu par la loi pour permettre au législateur de décider des suites à donner à l’expérimentation, qui doit s’achever le 31 décembre 2021. Le rapport constate d’importantes disparités entre les territoires et les administrations concernés. Ses préconisations pour l’avenir de la MPO tiennent donc logiquement compte de ces constats.
L’expérimentation (v. AJDA 2018. 1636) concernait deux grands secteurs : des contentieux sociaux et certains litiges de la fonction publique (pour les ministères de l’éducation nationale et des affaires étrangères et des collectivités territoriales volontaires) dans un nombre limité de départements. 82 % des demandes de MPO ont visé des litiges sociaux, Pôle emploi en concentrant la moitié à lui seul et un petit tiers ayant été traité par les délégués du Défenseur des droits (revenu de solidarité active, aides exceptionnelles de fin d’année, aide personnalisée au logement).
Des taux de succès très variables
4 810 MPO ont effectivement été engagées, 13 % des demandes étant irrecevables. Ce taux varie considérablement selon les secteurs. Près de 100 % des demandes adressées aux médiateurs de Pôle emploi étaient recevables, à peine plus de la moitié pour les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CDG). Un constat qui, selon le rapport, peut s’expliquer par des difficultés de lisibilité du dispositif mais « pourrait également traduire un besoin d’élargissement du champ d’application de la MPO ».
Le taux d’accords en fin de médiation est lui aussi très variable : 98 % pour les médiateurs régionaux de Pôle emploi, seulement 37 % pour les délégués du Défenseur des droits et 52 % pour les centres de gestion. Si le rapport en conclut que les médiateurs internes à l’administration semblent plus à même de convaincre celle-ci de revoir sa position, des disparités géographiques semblent moins explicables. Ainsi, les délégués du Défenseur des droits affichent un taux de succès de 16 % en Haute-Garonne, contre 49 % en Loire-Atlantique. Le médiateur de l’académie d’Aix-Marseille a concilié l’administration et ses agents dans 81 % des cas, son homologue de Montpellier affichant un taux de réussite de 18 %.
Encore faut-il préciser qu’une médiation réussie n’implique pas forcément que l’administration a revu sa position. Près de 60 % des accords dans les contentieux sociaux (70 % pour Pôle emploi) concernent ce que le rapport appelle des « médiations pédagogiques », c’est-à-dire que l’administration n’a fait aucune concession mais que la médiation a permis au demandeur de comprendre et d’accepter sa position. Ce type d’accord constitue 44 % des succès des médiateurs académiques et 14 % dans les CDG. Ces médiations « sont et doivent être comptabilisées comme des accords et donc des réussites », insistent les auteurs du rapport, qui concèdent tout de même que « le risque que certaines d’entre elles relèvent in fine plus de la résignation que de l’acceptation et donc de l’accord ne peut être exclu ».
De quelques heures à plusieurs mois
La durée des médiations est également très variable, une moyenne de 56 jours (en augmentation au cours des 3 années d’expérimentation) cache là aussi de fortes disparités, de 30 jours à Pôle emploi à 109 jours pour les délégués du Défenseur des droits, en passant par 52 jours pour les médiateurs des CDG. En pratique, « si certaines MPO se sont achevées en quelques heures, d’autres ont nécessité plusieurs mois. » Le rapport constate que les médiations internes sont plus rapides que les médiations externes mais aussi que les médiateurs professionnels (comme ceux des CDG) sont en mesure de gérer les dossiers plus vite que les bénévoles (délégués du Défenseur des droits).
L’expérimentation a mis en lumière des marges d’amélioration dans le cas où le législateur voudrait pérenniser et élargir le dispositif. Ainsi, l’articulation avec le recours administratif préalable obligatoire pour les contentieux sociaux paraît complexe. Faut-il choisir entre les deux, choix qui pourrait être opéré par le législateur en amont ou par les acteurs au cas par cas ? Cette articulation difficile est l’une des raisons pour lesquelles les caisses d’allocations familiales « ne sont guère convaincues de l’intérêt et de l’utilité de la MPO ». Aussi, même si les conseils départementaux et le Défenseur des droits sont plus mitigés, les auteurs du rapport jugent « préférable d’abandonner la MPO dans ce champ contentieux », tout en y promouvant la médiation de droit commun. En revanche, dans la fonction publique et pour Pôle emploi, la pérennisation et la généralisation sont préconisées.
Le rapport recommande, enfin, que le dispositif soit placé sous la supervision du Défenseur des droits.
Un impact positif sur les flux contentieux
Même si ce n’était pas le seul objectif, on sait que la médiation est, de longue date, pour le Conseil d’État, l’un des moyens de réguler le flot des recours. Selon le rapport, la MPO « n’a pas dégonflé les flux contentieux, du moins pas de manière évidente et significative ». Avec prudence, il évoque cependant un impact « positif », même s’il ne peut être véritablement quantifié. Ainsi, sur les trois années d’expérimentation, le contentieux du RSA a baissé globalement de 21 % dans les départements non expérimentateurs et de 60 % dans les six où a été mise en place la MPO. De même le contentieux de la fonction publique dans l’éducation nationale a augmenté de 63 % dans les départements expérimentateurs contre 72 % ailleurs.
Un arrêté du 30 juillet 2021 précise le format et le contenu de la fiche d’information sur le prix et les prestations proposées par le syndic de copropriété.
L’article L. 1221-19 du code du travail, issu de la loi de modernisation du marché du travail, restreint la liberté contractuelle dont disposaient les parties au contrat de travail, en limitant, en fonction de la classification professionnelle reconnue au salarié, la durée initiale de la période d’essai qu’elles envisagent de stipuler dans ce contrat. Cette durée ne doit pas excéder deux mois pour les ouvriers et les employés, trois mois pour les techniciens et les agents de maîtrise et quatre mois pour les cadres. Au-delà de ces durées maximales légales, la période d’essai a expiré, dès lors le contrat de travail du salarié concerné est devenu définitif, de sorte que si ce contrat se trouve rompu par l’employeur, la rupture doit s’analyser en un licenciement qui, en l’absence de motif légitime, doit être considérée comme étant sans cause réelle et sérieuse (rappr. Soc. 17 oct. 2007, n° 06-43.243, RJS 2/2008, n° 133). Les textes conventionnels peuvent prévoir des dispositions différentes. Le salarié devra bénéficier de la...

En juillet 2019, le Conseil d’État avait enjoint au ministre de l’Intérieur de prendre toutes mesures nécessaires pour que soient respectés les délais d’enregistrement des demandes d’asile, fixés à l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CE 28 déc. 2018, n° 410347, Association La Cimade, Lebon ; AJDA 2019. 9 ; ibid. 590 , concl. G. Odinet ; RTD eur. 2019. 538, obs. D. Ritleng ). Constatant toujours des dysfonctionnements, la Cimade a saisi le Conseil d’État d’une demande pour assurer l’exécution de la décision de...

En juillet 2019, le Conseil d’État avait enjoint au ministre de l’Intérieur de prendre toutes mesures nécessaires pour que soient respectés les délais d’enregistrement des demandes d’asile, fixés à l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CE 28 déc. 2018, n° 410347, Association La Cimade, Lebon ; AJDA 2019. 9 ; ibid. 590 , concl. G. Odinet ; RTD eur. 2019. 538, obs. D. Ritleng ). Constatant toujours des dysfonctionnements, la Cimade a saisi le Conseil d’État d’une demande pour assurer l’exécution de la décision de...
Les dispositions de la loi « Climat et résilience » intéressant les baux d’habitation ou mixtes renforcent les exigences liées à la performance énergétique et climatique des logements loués et accélérent le rythme des rénovations.

Saisi de cette deuxième initiative mettant en œuvre la procédure du RIP, après la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris (Cons. const. 9 mai 2019, n° 2019-1-RIP, AJDA 2019. 1020 ; ibid. 1553, étude M. Verpeaux ; ibid. 1560, étude M. Carpentier ; D. 2019. 1259 , note J. Roux ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; RFDA 2019. 763, chron. A. Roblot-Troizier ), le Conseil constitutionnel estime que la proposition de loi, en son article 7 qui prévoit que la Conférence nationale de santé « détermine les activités, actes et soins justifiables de la mise en œuvre d’une tarification à l’activité par les...
Depuis l’habilitation que lui a accordée la loi ESSOC (et qu’a élargie la loi ASAP), le gouvernement plaide pour la nécessité de clarifier et de simplifier la réglementation en la matière. De leur côté, plusieurs syndicats et un très actif collectif de professionnels baptisé « Pas de bébés à la consigne »...
Le vendeur ne peut évincer l’acquéreur d’un terrain en invoquant la prescription acquisitive pour se faire reconnaître propriétaire du terrain qu’il a vendu, mais dont il a conservé la possession.

La loi « climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021, dans un chapitre « Verdir l’économie », décline les nouvelles obligations des acheteurs, des autorités concédantes et des titulaires.
Les considérations environnementales seront désormais obligatoires lors la procédure de passation et de l’exécution des contrats. En matière sociale, les objectifs fixés sont plus modestes.
Aux racines du processus d’achat : l’environnement au stade de la procédure de passation
Dans un nouvel article préliminaire, le législateur affirme la participation de la commande publique au développement durable, dans ses dimensions économiques, sociales et environnementales (CCP, art. L. 3-1).
Plus précisément, le législateur impose de nouvelles obligations contraignantes au stade de la définition des besoins et au stade du choix de l’offre (les marchés publics et les concessions de défense ou de sécurité ne sont pas concernées par ces obligations et ne seront pas traités dans le présent article), qui entreront en vigueur à une date fixée par décret, au plus tard le 22 août 2026.
Des précisions sur la définition du besoin
Première étape du processus d’achat, la définition des besoins doit conduire l’acheteur ou l’autorité concédante à préciser la nature et l’étendue de son besoin ainsi que les spécifications techniques nécessaires pour le satisfaire.
Jusqu’à présent, le code de la commande publique prévoyait que seules la nature et l’étendue de ces besoins devaient prendre en compte des « objectifs de développement durable » qui recouvraient des considérations économiques, sociales et environnementales (CCP, art. L. 2111-1).
Cette exigence est désormais élargie aux spécifications techniques qui devront également être définies en fonction de ces objectifs (art. II, 1° et III, 1° de la loi – art. L. 2111-2 pour les marchés et L. 3111-2 pour les concessions). Et ce pour toutes les catégories d’achat.
Cette nouvelle obligation risque d’être complexe à mettre en œuvre pour certains achats. On pense notamment aux prestations intellectuelles, pour lesquelles la mise en valeur du développement durable n’est pas toujours évidente.
Cette obligation n’est toutefois pas à négliger.
Le juge contrôle la bonne définition des besoins par les acheteurs et les autorités concédantes. Si ce contrôle est réduit à l’erreur manifeste d’appréciation (CE 2 oct. 2013, n° 368846, Lebon ; AJDA 2013. 1946 ; AJCT 2014. 113, obs. S. Hul ), il n’en reste pas moins qu’un besoin imprécis ou incomplet peut conduire à l’annulation d’une procédure de passation (CE 15 nov. 2017, n° 412644, Cne Le Havre, Lebon ; AJDA 2017. 2284 ; AJCT 2018. 161, obs. O. Didriche ).
L’environnement s’impose lors du choix des offres
C’est sans doute l’avancée la plus nette en matière de protection de l’environnement.
Jusqu’à présent, l’obligation d’intégrer une dimension « développement durable » dans la définition des besoins n’imposait pas à l’acheteur de prévoir un critère de sélection des offres portant sur le développement durable ou sur l’environnement (CE 23 nov. 2011, n° 351570, Communauté urbaine de Nice-Côte d’Azur, Lebon ; AJDA 2011. 2321 ).
La loi Climat revient sur cette position : en 2025 au plus tard, toutes les procédures de passation de tous les marchés publics devront inclure un critère de sélection des offres relatif aux « caractéristiques environnementales de l’offre » (art. 35, II, 6° et III, 4° de la loi – art. L. 2152-7 pour les marchés et L. 3124-5 pour les concessions).
La Convention citoyenne pour le climat avait proposé qu’une pondération minimale de 20 % de ce critère soit inscrite dans la loi.
Assez logiquement, le législateur n’a pas retenu cette proposition : elle aurait été difficilement conciliable avec l’obligation d’adapter la pondération des critères en fonction des caractéristiques propres à chaque marché (CJCE 4 déc. 2003, EVN et Wienstrom, aff. C-448/01, pts 39 à 43, AJDA 2004. 334 , note T. Gliozzo ; CE 10 juin 2020, 431194).
Ce nouveau critère obligatoire appelle plusieurs observations.
La formulation du critère « environnemental » devra éviter certains pièges.
On le sait, il ne sera pas possible d’exiger simplement des soumissionnaires qu’ils respectent la réglementation applicable en matière environnementale ou les exigences du cahier des charges. Un tel critère est systématiquement censuré car il relève de la seule conformité des offres (CAA Bordeaux, 8 nov. 2016, n° 15BX00313).
De plus, la formulation du critère environnemental devra veiller à ne pas entrer en contradiction avec les autres objectifs de la commande publique, par exemple en restreignant abusivement la concurrence.
Ainsi, on pourrait imaginer qu’un critère qui se limiterait à comparer la quantité globale de CO2 émise lors du transport de marchandises pourrait pénaliser les entreprises les plus éloignées du lieu de livraison et donc s’apparenter à un critère géographique interdit. A l’inverse, le critère relatif à la quantité de CO2 émise par kilomètre parcouru a déjà été validé par le juge (TA Nice, ord., 20 janvier 2015, n° 1202066).
Enfin, le critère environnemental, bien qu’obligatoire, devra toujours être lié à l’objet du marché et apprécié sur la base d’éléments précis et objectifs.
Par exemple, la notation d’un critère « impact environnemental » sur la base d’un « bilan carbone » dont ni le contenu, ni les modalités d’appréciation n’étaient indiquées, est irrégulière (CE 15 févr. 2013, n° 363921, AJDA 2013. 1083 ).
Sous ses réserves, les possibilités restent très variées.
Le code de la commande publique prévoyait déjà la possibilité d’avoir recours à des critères fondés sur « les performances en matière de protection de l’environnement, (…) la biodiversité, le bien-être animal ».
Et la jurisprudence donne des exemples de critères « environnementaux » réguliers. Par exemple, pour un marché de travaux, les « mesures et démarches adoptées pour diminuer l’impact environnemental des travaux », appréciées notamment au regard « de la diminution du bruit et de la pollution, l’émission de poussières, la propreté du chantier et des accès, la gestion raisonnée des déchets et l’économie d’eau » (TA Caen, ord., 31 mai 2013, n° 1300854).
Les critères envisageables sont nombreux : chaque étape d’une prestation peut donner lieu à des efforts et à des propositions innovantes des soumissionnaires : les processus de fabrication des matériaux ou des fournitures, les modes de transports et de livraison, la gestion des stockages, des emballages ou des déchets.
Pour les aider dans cette démarche et « dans la définition de leur politique d’achat » (DAJ Bercy, Fiche explicative loi Climat, 24 août 2021), la loi Climat impose à l’État de mettre à leur disposition au plus tard le 1er janvier 2025 « des outils opérationnels de définition et d’analyse du coût du cycle de vie des biens pour les principaux segments d’achat » (art. 36 de la loi).
Si la date d’entrée en vigueur du critère environnemental obligatoire reste à définir par décret – au plus tard le 22 août 2026 – il semble préférable de commencer dès à présent à s’approprier ces critères.
Cette période de transition pourra également être l’occasion de former les prescripteurs et les acheteurs au maniement des concepts environnementaux et au choix d’indicateurs pertinents.
La convention citoyenne pour le climat l’avait anticipé en proposant « d’accentuer la formation des fonctionnaires et des élus en charge des marchés publics ».
Reste à le mettre en pratique, dans un contexte où les acheteurs sont déjà soumis à des contraintes nombreuses et à une matière de plus en plus technique.
Au stade de la candidature, un nouveau motif d’exclusion facultatif
Depuis 2017, les sociétés ou les groupes d’au-moins 5 000 salariés doivent établir et mettre en œuvre un plan de vigilance qui a notamment pour but d’identifier les risques et de prévenir les atteintes graves à l’environnement (L225-102-4 code de commerce).
La loi Climat permet désormais aux acheteurs et aux autorités concédantes d’exclure de la procédure de passation les entreprises qui ne satisfont pas à cette obligation, sauf si cette exclusion conduit à restreindre la concurrence ou à rendre plus difficile l’exécution des prestations (art. 35, II, 5° et III, 6° de la loi – futurs art. L. 2141-7-1 pour les marchés et L. 3127-7-1 pour les concessions).
À noter que ce motif d’exclusion est facultatif : l’acheteur devra apprécier, au regard des éléments dont il dispose et au terme d’une procédure contradictoire, si l’exclusion du candidat doit être prononcée.
Au stade de l‘exécution : l’environnement comme obligation contractuelle
En 2018, l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) estimait que seuls 13,6 % des marchés publics contenaient une clause environnementale (OECP, Étude sur les pratiques des acheteurs en matière d’accès des TPE/PME à la commande publique, d’achats innovants et d’achats durables, juin 2020, p. 9).
La loi Climat entend y remédier : les conditions d’exécution des marchés publics et des concessions devront désormais prendre en compte « des considérations relatives à l’environnement » (art. 35, II, 3° et III, 2°, de la loi – futurs art. L. 2111-2, al. 2 pour les marchés et L. 3114-2 pour les concessions - Arr. du 30 mars 2021 relatifs aux CCAG-FCS, Travaux, MI, MOE, TIC et PI). Cette obligation ne concerne pas les marchés et les concessions en matière de sécurité et de défense.
Il s’agit de la conséquence logique de l’insertion de la logique environnementale au stade de la définition des besoins et du choix des offres.
Cette exigence générale s’inscrit dans la continuité des nouveaux cahiers des clauses administratives générales (CCAG - Arr. du 30 mars 2021 relatifs aux CCAG-FCS, Travaux, MI, MOE, TIC et PI) qui contiennent tous une « clause environnementale générale ».
Les acheteurs pourront utilement s’appuyer sur les exemples d’objectifs environnementaux listés par les CCAG pour rédiger leurs clauses, comme la réduction des prélèvements des ressources, le recyclage ou les économies d’énergie.
Préparer l’avenir : les outils de suivi et de programmation en matière environnementale
À compter du 1er janvier 2023, les schémas de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER) devront intégrer une dimension sociale et environnementale et des objectifs précis (art. 35, II, 2° de la loi – CCP, art. L. 2111-3).
Si l’objectif est louable, il se heurte à une double limite.
D’abord, le SPASER ne concerne qu’un nombre réduit d’acheteurs ; seuls les acheteurs dont le montant annuel total des achats dépasse les 100 millions d’euros hors taxes sont concernés.
Ensuite, la mise en place de cet outil est laborieuse. Au 31 décembre 2019, seuls 20 % des collectivités soumises à l’adoption d’un SPASER en avait adopté un.
Concernant les concessions, le rapport annuel devra désormais intégrer les mesures mises en œuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique (art. 35, III, 5° de la loi – art. L. 3131-5, al. 1er).
Des objectifs beaucoup plus modestes en matière sociale
La loi Climat assigne également aux acheteurs des obligations en matière sociale, dont la valeur contraignante est toutefois à relativiser.
Au plus tard en août 2026, les clauses contractuelles des marchés et des concessions devront désormais prendre en compte « des considérations relatives au domaine social ou à l’emploi, notamment en faveur des personnes défavorisées » (art. 35, II, 4° et III, 3°, de la loi – futurs art. L. 2112-2-1 pour les marchés et L. 3114-2-1 pour les concessions).
Cette obligation est toutefois doublement à relativiser.
D’abord, elle ne concerne que les contrats dont la valeur dépasse les seuils européens, c’est-à-dire 5 350 000 € HT pour les concessions et les marchés de travaux et 139 000, 214 000 et 428 000 € HT pour les autres marchés.
Ensuite, la liste des exceptions à cette obligation risque d’atténuer sa valeur contraignante. Ainsi, un acheteur pourra échapper à cette obligation pour des motifs larges, notamment si le marché porte sur une solution immédiatement disponible ou si cette clause n’est pas susceptible de présenter un lien suffisant avec l’objet du marché.
Sur la loi « Climat », Dalloz actualité a également publié :
• 305 articles pour le climat, par Pierre Januel le 5 septembre 2021
• Climat et résilience : s’adapter à la réalité des territoires, par Jean-Marc Pastor le 7 septembre 2021
• Loi « climat et résilience » : aspect de droit bancaire et financier, par Xavier Delpech le 8 septembre 2021
• Loi « climat et résilience » : aspect de droit des affaires, par Xavier Delpech le 8 septembre 2021
• Loi « climat et résilience » : aspect de droit pénal, par Pauline Dufourq le 9 septembre 2021
En 2020, la CADA a réduit de manière importante ses délais de traitement. Alors que la durée moyenne était passée de 74 à 182 jours entre 2016 et 2019, l’instance présidée par Jean-Luc Nevache a réussi à la ramener à 85 jours en 2020. Le tout, alors que le flux de nouveaux dossiers n’a que faiblement diminué (6 479 saisines). Pour y parvenir, la CADA s’est réorganisée, traitant dorénavant près de 40 % des dossiers par simple ordonnance, dès lors que la question est relativement simple.
Principal problème soulevé par la CADA : l’inertie, voire la mauvaise foi, des administrations. Le délai de réponse des administrations à la CADA ne cesse de s’allonger (18 jours) et le taux de réponse des administrations aux avis favorables de la commission diminue (58,5 %). La CADA souhaite prioritairement se consacrer à une « une action de sensibilisation et...

Article
par Jean-Marc Pastorle 9 septembre 2021
Décr. n° 2021-1000, 30 juill. 2021, 31 juill.
Lorsqu’un même projet comporte plusieurs parties ou étapes, le droit européen prévoit qu’une étude d’impact unique soit réalisée et ensuite actualisée. La loi ASAP a clarifié le champ des avis rendus par l’autorité environnementale sur les actualisations d’étude d’impact et a précisé que la consultation des collectivités serait réalisée, en cas d’actualisation, dans le cadre de la procédure d’autorisation environnementale quand celle-ci s’applique. Le décret prévoit les pièces et les modalités adaptées au cas où il y a une...
La Cour de justice a été saisie de deux affaires concernant la loi applicable au contrat de travail.
Dans la première affaire (aff. C-152/20), deux chauffeurs routiers roumains ont conclu, en Roumanie, un contrat de travail avec une société italienne. Ils ont par la suite assigné l’employeur devant un tribunal roumain en demandant le paiement d’un complément de salaire calculé par référence au salaire minimal prévu par la loi italienne et en particulier par la convention collective italienne du secteur des transports, qui aurait été, selon eux, applicables car ils auraient exercé habituellement leurs fonctions en Italie.
Dans la seconde affaire (aff. C-218/20), un chauffeur roumain et une société allemande avaient conclu un contrat de travail. Un syndicat roumain, dont ce chauffeur était membre, a ensuite saisi une juridiction roumaine afin que l’employeur soit condamné à payer le salaire minimal prévu par le droit allemand ainsi que les treizième et quatorzième mois dus en application de ce droit.
La résolution de ces affaires impliquait le recours au règlement Rome I n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles et en particulier à son article 8, qui est rédigé dans les termes suivants : « 1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.
2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est...

Dans le cadre de l’adoption de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail (Dalloz actualité, 6 sept. 2021, obs. C. Dechristé), l’Assemblée nationale a adopté un amendement visant à aligner la définition du harcèlement sexuel au travail avec la définition de l’article 222-33 du code pénal, issue de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. L’article L. 1153-1 du code du travail complète la définition du harcèlement en retenant les propos et comportements à connotation sexuelle mais aussi « sexiste ». Le même texte est complétée par trois alinéas disposant que « le harcèlement sexuel est également constitué : a) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ; b) Lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition ».
Propos ou comportements condamnés
Sur les propos ou comportements condamnés, la nature sexuelle n’englobe pas, en principe, le sexisme. La sexualité renvoie à des agissements liés à la satisfaction des besoins érotiques et à l’amour physique (pratiques sexuelles ou rapports sexuels). La « drague », qui relève de l’ordre du sentimental, n’est pas ainsi de nature sexuelle (Soc. 8 juill. 2020, n° 18-24.320, D. 2020. 1467 ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; RDT 2020. 687, obs. G. Pignarre ; Soc. 23 sept. 2015, n° 14-17143). Le sexisme est un comportement discriminatoire qui, répété, était condamné comme une forme de harcèlement moral « discriminatoire » (Crim. 11 juill. 2017, n° 16-85.214, s’agissant de l’affaire de l’« humour Potache » au sein d’une gendarmerie relatif à « l’infériorité constitutionnelle » de la femme). Lors de l’adoption de la loi du 3 août 2018, a été retenu un amendement destiné à « aligner, hors la répétition, la définition du harcèlement sexuel telle qu’elle figure à l’article 222-33 du code pénal et la définition de l’outrage sexiste » (Rapport Ass. nat., n° 778, 10 mai 2018, A. Louis, p. 18 s.). La loi du 2 août 2021 poursuit l’alignement dans le code du travail des articles L. 1153-1 et L. 1142-2-1 relatif à la condamnation des agissements sexistes, issu de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015. Déjà, l’article L. 1153-5-1 du code du travail, adopté par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, dispose que, « dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » (nous soulignons).
D’un point de vue axiologique, le législateur considère que les agissements imposés à connotation sexuelle et le sexisme sont des comportements illicites de même nature. La portée de la nouvelle définition apparaît limitée dès lors que les harcèlements sexuel et moral ont un régime identique. Néanmoins, certaines dispositions propres au harcèlement sexuel s’appliquent désormais au sexisme. En droit pénal, si les délits de harcèlement moral et sexuel sont punis de deux ans de prison et de 30 000 € d’amende, la répression est portée, en cas de harcèlement sexuel, à trois ans et à 45 000 € d’amende pour certaines circonstances aggravantes. En droit du travail, la prévention du harcèlement sexuel intègre une obligation d’information spécifique au profit des salariés, des personnes en formation ou stage et des candidats dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, portant sur le texte de l’article 222-33 du code pénal ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents (C. trav., art. L. 1153-5, al. 2). De même, la procédure de médiation prévue à l’article L. 1152-6 du code du travail ne s’applique qu’en matière de harcèlement moral ; le sexisme ne peut donc plus faire l’objet d’une médiation.
Identification des auteurs de faits de harcèlement sexuel
S’agissant de l’identification des auteurs de faits de harcèlement sexuel, le texte reprend les règles posées à l’article 222-33 du code pénal. La pluralité d’acteurs a été aussi reconnue, en droit pénal, pour le délit de harcèlement moral dans les conditions de vie (C. pén., art. L. 222-33-2-2, al. 3 et 4). Il est regrettable de ne pas avoir étendue cette définition au harcèlement moral dans les conditions de travail. L’objectif du législateur, en 2018, a été d’encadrer les « nouvelles formes de harcèlement qui ne remplissent pas toujours les critères juridiques des infractions […], en l’absence notamment de propos répétés par le même auteur », en particulier le « harcèlement de meute » ou le « raid numérique » (Rapport Ass. nat., n° 778, préc.). Sont réprimées trois situations : i) les faits venant de plusieurs personnes de manière concertée, même si chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ; ii) les faits commis par plusieurs personnes à l’instigation d’une d’entre elles ; iii) même en l’absence de concertation, les faits commis successivement par plusieurs personnes en sachant que les propos ou comportement caractérisent une répétition. La concertation, l’instigation et la succession volontaire supposent une indivisibilité subjective, donc intentionnelle. Certes, l’intention n’est exigée qu’en droit pénal ; mais les critères posés y renvoient implicitement même en droit du travail. A contrario, si un salarié subit par deux salariés des propos humiliants à connotation sexuelle ou sexiste dans des circonstances différentes et pour des raisons distinctes, cela constitue des faits de violences autonomes qui ne sauraient aboutir à la qualification de harcèlement sexuel.
On peut se poser la question de l’utilité des règles adoptées en matière de pluralité d’auteurs. Les définitions principales du harcèlement moral ou sexuel n’identifient pas l’auteur du harcèlement si bien que les faits peuvent provenir d’une pluralité d’auteurs, complices ou coauteurs. A l’alinéa 7 du III de l’article L. 222-33 du code pénal, il a été, de longue date, prévu comme circonstance aggravante le fait de harceler sexuellement « par plusieurs personnelles agissant en qualité d’auteur ou de complice ». La chambre sociale de la Cour de cassation a déjà jugé que des faits de harcèlements sont établis « par les photographies portant des annotations de mauvais goût et blessantes pour [un salarié], sans que le ou leurs auteurs aient pu être identifiés, et par des attestations, ainsi que par l’absence de réaction de la responsable hiérarchique qui aurait dû ne pas participer aux faits et faire procéder plus rapidement au retrait de ces photographies et rechercher les auteurs des annotations » (Soc. 15 févr. 2012, n° 10-21.948). Citons un arrêt du 5 juin 2018 de la chambre criminelle qui a reconnu la complicité de harcèlement moral, sur le fondement de l’article 121-7 du code pénal, à l’endroit de deux directeurs de service, les prévenus ayant, par aide et assistance, facilité la préparation et la consommation des délits reprochés à la société et à trois de ses dirigeants, peu important que certains d’entre eux n’eussent pas relevé de la direction dont ils avaient alors la charge ou, s’agissant de l’un d’entre eux, que le dommage invoqué se fût produit après qu’il eut quitté ses fonctions. En effet, indépendamment du rôle spécifique de direction d’un service que chacun des prévenus exerçait, les intéressés avaient activement contribué à l’efficacité, pour l’ensemble du groupe, d’un plan qui avait créé un climat d’insécurité permanent pour tout le personnel (Crim. 5 juin 2018, n° 17-87.524). En admettant la responsabilité délictuelle de salariés n’ayant pas nécessairement été en contact avec les salariés victimes de harcèlement moral, cette décision s’inscrit dans une conception large de la notion d’auteur du harcèlement moral. Elle complète, en outre, la jurisprudence relative à la reconnaissance du harcèlement moral dit « managérial » lié aux méthodes de gestion utilisées par l’employeur (Soc. 10 nov. 2009, n° 07-45.321, D. 2009. 2857 , obs. S. Maillard ; ibid. 2010. 672, obs. O. Leclerc, E. Peskine, J. Porta, L. Camaji, A. Fabre, I. Odoul-Asorey, T. Pasquier et G. Borenfreund ; JA 2010, n° 415, p. 11, obs. L. T. ; Dr. soc. 2010. 109, obs. C. Radé ; RDT 2010. 39, obs. F. Géa ).
Il n’en demeure pas moins que la coaction supposant que chacun des protagonistes réunisse individuellement sur leur tête l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction, donc la répétition des faits en cas de harcèlement, l’assouplissement de la définition pénale du harcèlement sexuel se justifie (sur la question et pour une analyse critique, v. E. Baron, La coaction en droit pénal, thèse Bordeaux 4, 2012) ; en droit social, la réforme n’était pas nécessaire techniquement, mais l’on comprend sa portée symbolique.
Les données permettant de constater la structuration du marché locatif et les niveaux de loyers peuvent avoir été collectées par un observatoire local des loyers avant que celui-ci ait été agréé.

Le Conseil d’État a décidé de liquider l’astreinte de 10 M€ prononcée contre l’État, au titre du premier semestre de l’année 2021 et de la répartir entre l’association requérante à l’instance initiale et d’autres organismes à but non lucratif.
Dans un arrêt du 12 juillet 2017, la Haute juridiction enjoignait à l’État d’élaborer et de mettre en œuvre, pour plusieurs zones du territoire, des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de réduire les concentrations en dioxyde d’azote (CE 12 juill. 2017, n° 394254, Association Les Amis de la Terre France, Lebon ; AJDA 2018. 167 , note A. Perrin et Meryem Deffairi ; ibid. 2017. 1426 ; D. 2017. 1474, et les obs. ; RFDA 2017. 1135, note A. Van Lang ; RTD eur. 2018. 392, obs. A. Bouveresse ). En juillet 2020, relevant que l’État ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes à assurer l’exécution complète de l’arrêt de 2017, elle prononçait à l’encontre de l’État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois, d’une astreinte de 10 M€ par semestre jusqu’à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution (CE, ass., 10 juill. 2020, n° 428409, Association Les amis de la terre France, Lebon avec les concl. ; AJDA 2020. 1447 ; ibid. 1776 , chron. C. Malverti et C. Beaufils ; D. 2021. 1004, obs. G. Leray et V. Monteillet ; JA 2021, n° 632, p. 33, étude S. Damarey ; RFDA 2020. 818, concl. S. Hoynck ; RTD civ. 2021. 199, obs. P. Théry ; RTD eur. 2021. 481, obs. D. Ritleng ).
Après évaluation des sept zones...

Les accords-cadres devront toujours comporter un maximum en montant ou en quantité
La modification du code de la commande publique ne s’est pas fait attendre.
En juin dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a en effet considéré que l’acheteur public était tenu de prévoir un montant ou une quantité maximum et qu’une fois cette limite atteinte, l’accord-cadre aura épuisé ses effets.
Le décret modifie en conséquence les articles R. 2121-8 et R. 2162-4 du code de la commande publique.
L’acheteur public doit fixer un maximum en valeur ou en quantité pour tous les accords-cadres (à bons de commande ou à marchés subséquents). En revanche, il est toujours possible de conclure des accords-cadres sans minimum.
Mais l’entrée en vigueur, repoussée au 1er janvier 2022, laisse perplexe
En effet, cette règle s’appliquera aux accords-cadres pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2022.
Ce report est d’autant moins compréhensible que dans ses commentaires sur cet arrêt, la DAJ du ministère de l’Économie recommandait aux acheteurs d’appliquer d’ores et déjà cette règle.
Le juge n’a d’ailleurs pas attendu pour annuler des procédures de passation pour ce motif. Nous recensons à ce jour deux décisions par lesquelles le juge du référé précontractuel annule la procédure de passation en raison de l’absence de valeur ou de quantité maximum (TA Bordeaux, ord., 23 août 2021, Sté Coved, n° 2103959 ; Lille, ord., 27 août 2021, SELARL Centaure Avocats, n° 2106335). Le juge des référés s’appuie sur l’arrêt de la CJUE et fait fi de l’entrée en vigueur repoussée du décret du 23 août 2021. Selon lui, cette jurisprudence est immédiatement applicable car la CJUE n’a pas limité dans le temps la portée de sa décision.
Dans ces deux décisions, le juge a également considéré que le requérant était lésé par ce manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence.
Pourtant, l’existence d’une lésion n’allait pas de soi. Dans son arrêt de juin dernier la CJUE avait considéré que ce manquement était « suffisamment perceptible pour pouvoir être décelé par un opérateur économique qui entendait soumissionner et qui devait, de ce fait, être considéré comme étant averti ». Mais le juge des référés s’appuie sur les raisons données par la CJUE : ce maximum revêt « une importance considérable pour un soumissionnaire » (CJUE 17 juin 2021 Simonsel & Well A/S, aff. C-23/20) car c’est sur cette base que ce dernier sera en mesure d’apprécier sa capacité à exécuter les obligations découlant de cet accord-cadre. Le juge des référés national en conclut que faute d’information sur ce maximum le requérant n’a pas pu présenter une offre adaptée. Et l’argument selon lequel le requérant était l’attributaire sortant et disposait ainsi de suffisamment d’informations, est systématiquement rejeté.
Il faut donc que les acheteurs publics appliquent cette règle dès à présent.
Une mise en pratique qui pose des difficultés car il s’agit d’un changement culturel pour les acheteurs publics
Pour bon nombre de consultations, cette obligation va poser des difficultés. Prévoir une estimation du montant ou des quantités fait déjà souvent l’objet d’âpres discussions en interne entre acheteurs publics et prescripteurs. On peut donc imaginer que fixer une valeur ou une quantité maximale sera parfois une gageure. Car cette règle remet en cause une partie de la souplesse des accords-cadres. Il n’est désormais plus possible de prévoir des achats illimités avec un ou des prestataires pendant une période déterminée. Le maximum est un couperet ; une fois atteint le marché cesse.
Certains seraient alors tentés de « gonfler » ce maximum pour s’assurer une marge de manœuvre durant l’exécution du marché et ainsi faire face à une hausse des besoins. C’est d’ailleurs ce que recommandait la DAJ de Bercy dans sa note sur l’arrêt de la CJUE.
Mais c’est une fausse bonne idée. La CJUE justifie l’obligation de fixer un maximum par le respect des grands principes de la commande publique. En effet, cette information a pour objectif de permettre aux candidats de comprendre la portée des obligations contractuelles mises à leur charge et corrélativement, à l’acheteur public de vérifier que les offres correspondent à ses exigences. Autrement dit, le maximum permet d’apprécier la capacité de l’entreprise à exécuter les obligations découlant du marché. Aussi, en « gonflant » le maximum, les acheteurs publics risquent de dissuader les plus petites entreprises de se présenter ou même d’écarter ou de désavantager ces mêmes entreprises lors de l’analyse des candidatures ou des offres.
Autre effet néfaste de la surestimation du maximum : elle va fausser un certain nombre d’informations et notamment les chiffres de l’observatoire économique de la commande publique (OECP).
La passation des marchés de défense ou de sécurité (MDS) est allégée et simplifiée
Les MDS sont des marchés conclus par l’État et ses établissements publics qui ont l’un des objets listés à l’article L. 1113-1 du code de la commande publique. Il s’agit par exemple de la fourniture d’équipements qui sont destinés à être utilisés comme des armes à des fins militaires. Comme ces MDS sont soumis à un régime dérogatoire pour leur passation et leur exécution, le juge veille à leur périmètre. Ainsi, le marché de fournitures de pistolets semi-automatiques lancé par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour ses agents de contrôle et de surveillance n’est pas un MDS (CE 18 déc. 2019, Min. de la Transition écologique et solidaire c/ Sté Sunrock, n° 431696, Lebon ; AJDA 2020. 12 ; RTD eur. 2020. 965, obs. E. Muller ).
Et le décret du 23 août 2021 rend le régime de ces marchés un peu plus dérogatoire aux règles des autres marchés.
En effet, le seuil de publicité et de mise en concurrence passe de 40 000 € HT à 100 000 € HT.
L’acheteur pourra également passer un marché sans publicité ni mise en concurrence pour les lots inférieurs à 80 000 € HT si le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur estimée totale des lots (art. 2322-14 mod. ; Décr., art. 7).
Le décret prévoit également un nouveau cas de marché sans publicité ni mise en concurrence : il s’agit des marchés de fournitures ou de services scientifiques ou techniques. Deux conditions doivent être remplies :
le montant estimé du marché doit être inférieur au seuil de procédure formalisée ;et il doit être nécessaire à l’exécution de tâches scientifiques ou techniques sans objectif de rentabilité et spécialisé dans le domaine de la recherche du développement, de l’étude ou de l’expérimentation. Il ne peut pas s’agir de prestations de fonctionnement courant du service (nouv. art. R. 2322-15 ; Décr., art. 7).Les règles concernant la computation des achats payés par carte achat sont assouplies : le code autorise désormais une vérification a posteriori et par trimestre de la valeur des marchés payés par carte achat (nouv. art. R. 2321-7 ; Décr., art. 5).
Les règles de publicité pour les procédures adaptées sont également allégées. Désormais, la publication au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) n’est plus obligatoire. L’acheteur public choisira librement les modalités de publicités adaptées en fonction des caractéristiques du marché (art. R. 2331-5 mod. ; Décr., art. 9).
Dans le but de favoriser l’accès des petites et moyennes entreprises aux MDS, le décret supprime l’obligation de constituer des garanties financières en contrepartie du versement de certaines sommes. Il prévoit également plusieurs mesures d’ordre financier pour le règlement partiel définitif (nouv. art. R. 2391-20-1 et R. 2391-20-2 ; Décr., art. 22).
Ce décret clarifie également la rédaction de certaines règles, notamment celles concernant la fixation des prix définitifs (Décr., art. 3).
À l’exception des règles relatives aux maximums pour les accords-cadres (v. ci-dessus), les règles sur ces marchés de défense ou de sécurité s’appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 26 août 2021.
Laïcité et services publics
L’article 1er inscrit dans la loi que les organismes chargés de l’exécution d’un service public seront soumis aux principes d’égalité, de laïcité et de neutralité, tout comme les titulaires des contrats de commande publique ayant pour objet l’exécution d’un service public. Ces derniers devront communiquer à l’acheteur les contrats de sous-traitance conclus pour l’exécution du service public.
L’article 6 prévoit la neutralité des élus municipaux dans l’exercice de leurs attributions au nom de l’État.
L’article 5 élargit la procédure du déféré accéléré aux actes des collectivités portant atteinte gravement aux principes de laïcité et de neutralité.
Nouveaux délits
Trois nouveaux délits sont créés dans les suites de l’attentat commis contre Samuel Paty. Le nouvel article 433-3-1 du code pénal punit de cinq ans d’emprisonnement les menaces, violences ou actes d’intimidation afin d’obtenir une exemption partielle ou différenciée des règles d’un service public.
L’entrave, de manière concertée et à l’aide de menaces, de l’exercice de la fonction d’enseignant sera punie d’un an d’emprisonnement (art. 10).
Enfin, l’article 223-1-1 pénalise la révélation d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer (trois ans d’emprisonnement).
L’article 30 interdit les certificats de virginité et l’article 34 crée un délit d’incitation à la demande d’un certificat de virginité.
Associations
Le contrat d’engagement républicain a été précisé (art 12). Pour percevoir une subvention, les associations s’engageront à respecter « les principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de dignité de la personne humaine, ainsi que les symboles de la République », à « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République et à « s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public ». A défaut, l’autorité publique pourra exiger la restitution des subventions versées, y compris en nature, depuis le manquement au contrat d’engagement (comme l’a précisé le Conseil constitutionnel).
L’article 16 élargit les possibilités de dissolution administrative des associations, notamment celles qui provoqueraient à des « agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ». La possibilité d’une suspension conservatoire par le ministère de l’Intérieur a, par contre, été jugée inconstitutionnelle.
Les associations qui délivrent des reçus fiscaux devront les déclarer. Les moyens du fisc pour contrôler l’éligibilité de ces dons sont renforcés.
Les associations recevant plus de 153 000 € de dons doivent publier leurs comptes, ce qu’elles ne font pas toujours. L’article 21 assortit cette obligation de sanctions et les dons provenant de l’étranger devront être indiqués.
Sur les fédérations sportives, l’article 63 fait passer le régime de tutelle de l’État à un régime de contrôle.
Immigration et asile
Le conseil a censuré le fait de subordonner le séjour d’un étranger en France à l’absence de rejet des principes de la République, du fait de l’imprécision de cette formule.
L’article 25 instaure une réserve générale de polygamie et l’apologie du terrorisme pourra justifier le retrait de statut de réfugié.
Haine en ligne
L’article 39 facilite le blocage des « sites miroirs », qui reproduisent des sites déclarés illicites par la justice.
L’article 42 anticipe le règlement européen sur le « Digital Services Act » (DSA). Il crée, jusqu’à fin 2023, de nouvelles obligations pour les plateformes, qui devront coopérer avec les autorités publiques sur ces contenus illicites et être transparent sur les moyens alloués à la modération.
Délits de presse
Plusieurs délits de presse, notamment les délits de provocation à une infraction, à la haine ou à la discrimination, d’apologie et de négationnisme pourront faire l’objet de procédures accélérées (CRPC, comparution immédiate). Il s’agit d’une rupture importante avec la loi de 1881, mais qui ne concerne pas les médias, puisque une exception est prévue pour les messages placés sous le contrôle d’un directeur de la publication (art. 46).
Éducation
L’instruction en famille passe d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation préalable (art. 49). Elle sera limitée à quatre motifs : santé, pratique sportives ou artistiques intensive, éloignement ou itinérance et existence d’une situation particulière propre à l’enfant. Ce dernier motif fera l’objet d’une vérification de la capacité des responsables à assurer l’instruction. Les refus feront l’objet de de recours préalable obligatoire devant une commission spéciale.
Les établissements d’enseignement privés hors contrat transmettront à l’administration la liste de leurs salariés ainsi que leurs documents comptables (art. 53).
Le préfet pourra s’opposer à l’ouverture d’une école privée pour prévenir une ingérence étrangère ou protéger les intérêts fondamentaux de la Nation (art. 103).
Loi 1905
Sur les cultes, des dispositions anti-putsh figureront dans les statuts types des associations loi 1905. Les cultes pourront avoir des immeubles de rapport (limité à 50 % de leurs ressources annuelles).
Les associations cultuelles devront se déclarer tous les cinq ans en préfecture. Le préfet pourra s’opposer à cette déclaration, notamment pour un motif d’ordre public. Les cultes devront transmettre leurs comptes et informer sur les financements étrangers, avec une possibilité d’opposition pour le préfet (art. 77).
Les collectivités pourront garantir les emprunts contractés pour financer la construction d’un lieu de culte (art. 70). Elles pourront également financer les travaux de réparations et les travaux d’accessibilité aux édifices (art. 71).
Tracfin
L’article 89 rénove le droit d’opposition de Tracfin.
Sur la loi « Séparatisme », Dalloz actualité, a également publié :
• Séparatisme : l’Assemblée se penche sur le contrôle des associations loi 1901, par Pierre Januel le 7 février 2021

La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement pérennise l’inscription dans le droit commun des mesures de police exorbitantes conférées aux autorités administratives, inspirées de l’état d’urgence et introduites, à titre provisoire et expérimental, dans le code de la sécurité intérieure (CSI) par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, dite loi « SILT ».
Le législateur consacre ainsi la rupture de l’équilibre entre le rôle de l’autorité administrative et celui de l’autorité judiciaire, fondateur de notre état de droit ; il acte le glissement de celui-ci vers « une logique de suspicion » (Défenseur des droits, avis n° 17-07 du 27 juill. 2017) contre laquelle le Défenseur des droits l’avait mis en garde ; il confirme les craintes de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) de voir « une prolongation indéfinie de l’état d’urgence » (CNCDH, avis sur le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, 6 juill. 2017).
La loi, qui comporte par ailleurs des dispositions relatives aux renseignements, à la lutte contre les drones malveillants et aux archives intéressant la défense nationale qui ne seront pas abordées dans le présent commentaire, consacre ainsi de nouvelles mesures de police administrative en matière de terrorisme et une nouvelle mesure de sûreté : la mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion.
La pérennisation et le renforcement des mesures exorbitantes de la loi SILT, inspirées de l’état d’urgence
L’article 1er de la loi du 30 juillet 2021 pérennise les mesures de police administratives créées par la loi SILT du 30 octobre 2017 : périmètres de protection, fermeture des lieux de culte, mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS) qui, limitées par la loi SILT au 31 décembre 2021, avaient été prorogées jusqu’au 31 juillet 2021 par la loi n° 2020-1671 du 24 décembre 2020.
Ces mesures extrêmement restrictives des droits et libertés dont la mise en œuvre dépend de la notion de « terrorisme » non définie par la loi, échappant au contrôle du juge judiciaire et ne faisant l’objet d’aucun contrôle effectif a priori du juge administratif, avaient fait l’objet de vives oppositions des plus hautes instances lors des débats parlementaires relatifs à la loi SILT de 2017. Le Conseil constitutionnel en a toutefois validé la constitutionnalité dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité (Cons. const. 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, AJDA 2018. 710 ; D. 2018. 876, et les obs. , note Y. Mayaud ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2018. 277, chron. O. Le Bot ; 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, AJDA 2018. 365 ; D. 2018. 830, et les obs. , note S. Pellé ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2018. 110, chron. O. Le Bot ; ibid. 186, Décision ).
La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 ne modifie ni les conditions de mise en œuvre de ces mesures ni le contrôle juridictionnel mis en place par la loi SILT de 2017, au mépris de l’avis du Défenseur des droits du 18 mai 2021 qui alertait le gouvernement sur la nécessité de « renforcer leur contrôle par les juridictions » afin « de garantir le droit à un procès équitable dès la première instance » (Défenseur des droits, avis n° 21-07 du 18 mai 2021). Cette instance relève, qu’en l’état, le juge administratif n’est pas en mesure de confirmer ou d’infirmer des décisions administratives prises, le plus souvent, sur la base de « notes blanche » secrètes et faisant obstacle à l’exercice du principe du contradictoire.
La mise en œuvre de ces mesures depuis 2017 a pourtant démontré que l’imprécision de leurs conditions de mise en œuvre en a permis une utilisation détournée, à des fins étrangères à la lutte contre le terrorisme. A titre d’exemple, l’étude d’impact au projet de loi du 18 mai 2021 relève que les périmètres de protection ont été institués, de manière permanente, dans le seul but d’assurer le maintien de l’ordre, au détriment du recours aux dispositions de droit commun, garantes des droits et libertés (au sein de points d’importance vitale, gares, installations portuaires et aéroportuaire).
La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 ne permet donc pas de rétablir le déséquilibre opéré par la loi SILT de 2017 entre les autorités administratives et judiciaires et n’ajoute aucun mécanisme permettant de prémunir contre un usage abusif de ces mesures de sûreté par l’administration. En dépit des validations successives de ces dispositifs par le Conseil constitutionnel, les vives mises en garde formulées notamment par le Défenseur des droits et le CNCDH restent pertinentes et la France pourraient s’exposer à des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme (Dalloz actualité, 26 sept. 2017, art. J. Mucchielli).
Les périmètres de protection
La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 pérennise tout d’abord l’article L. 226-1 du CSI qui prévoit la mise en place, par le préfet de police à Paris ou le représentant de l’État dans le département, de périmètres de protection, et permet aux officiers et agents de police judiciaire, gendarmes, mais également agents municipaux et agents de sécurité privés de procéder à des palpations de sécurité (les dispositions relatives aux palpations de sécurité n’existaient pas dans le cadre de l’État d’urgence), à des fouilles de bagages et à des visites de véhicules, à l’entrée et au sein de la zone.
L’encadrement insuffisant de l’intervention des agents de sécurité privés. - L’article 2 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 apporte une discrète modification à l’article L. 226-1 du CSI pour préciser que les agents municipaux et agents privés doivent opérer sous le « contrôle effectif » d’officier de police judiciaire et non seulement sous leur « responsabilité ». Cette modification formelle et tautologique n’apporte aucune garantie supplémentaire quant à l’effectivité de ce contrôle et ne prémunit pas de pratiques discriminatoires.
Si le Conseil constitutionnel avait validé le recours à des agents privés pour procéder aux vérifications visées à l’article L. 226-1, il avait toutefois formulé une réserve : le législateur est loisible de ne pas fixer les critères de mise en œuvre des vérifications mais celles-ci « ne sauraient s’opérer (…) qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes » (Cons. const. 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, § 33, préc.). Les modifications opérées par la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 n’apportent pas de garanties effectives à cet égard : ces vérifications attentatoires aux droits et libertés peuvent être opérées sans motif, par des agents de sécurité privé à l’égard de toute personne, indépendamment du comportement de celle-ci (Le Défenseur des droits avait souligné le risque de contradiction avec la jurisprudence exigeante de la CEDH à cet égard, CEDH 12 janv. 2010, n° 4158/05, Gillan et Quinton c/ Royaume Uni, RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre CEDH).
La limitation de la durée du périmètre de protection. - L’article 2 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 est venu encadrer le renouvellement du périmètre de protection. Sous l’empire de la loi SILT 2017, le périmètre de protection pouvait être mise en place pour une durée d’un mois renouvelable sans limitation dès lors que le lieu restait exposé à « un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation ». Désormais la durée du périmètre de protection ne pourra excéder deux mois.
À cet égard, le législateur a dépassé les exigences du Conseil constitutionnel : celui-ci avait considéré que le renouvellement illimité du périmètre était conforme à la Constitution à condition que le préfet « établisse la persistance du risque » (Cons. const. 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, préc.). En pratique, des périmètres de protection ayant pu être maintenus de manière permanente, il était urgent de fixer une limitation temporelle. Celle-ci demeure toutefois excessive au regard de la durée moyenne des événements programmés dans l’espace public (Défenseur des droits, avis n° 17-07 du 27 juill. 2017).
La fermeture des locaux dépendant du lieu de culte
L’article 3 de la loi de juillet 2021 élargit le champ d’application de la mesure de fermeture des lieux de culte prévue à l’article L. 227-1 du CSI en permettant au préfet de police à Paris ou au Représentant de l’État d’ordonner la fermeture de tout locaux dépendant du lieu de culte visé par la mesure et dont il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient utilisés aux mêmes fins pour faire échec à l’exécution de celle-ci (CSI, art. L. 221-7, II ; la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a repris les termes de l’article L. 227-1 du CSI pour créer un article 36-3 au sein de la loi du 9 décembre 1905 : le préfet de Paris ou le Représentant de l’État peut ordonner, pour les mêmes motifs pour une durée limitée à deux mois, la fermeture des lieux de cultes et des locaux dépendants de celui-ci, dans des cas étrangers à la lutte contre le terrorisme).
Le Défenseur des droits recommandait au législateur que la fermeture soit justifiée par des éléments précis et circonstanciés, le texte n’étant pas, en l’état, conforme au principe de légalité et ne prémuni pas contre des décisions administratives arbitraires (Défenseur des droits, avis n° 21-07 du 18 mai 2021).
L’extension des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS)
La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 pérennise les articles L. 228-1 à L. 228-7 du CSI, issu de la loi SILT de 2017, qui autorisent le ministre de l’Intérieur à prescrire des MICAS à l’encontre d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public, aux fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme.
Sous le régime de la loi SILT de 2017, l’individu pouvait être soumis par le ministre de l’Intérieur, après information du procureur de la République à deux régimes alternatifs de MICAS : (i) interdiction de se déplacer en dehors d’un périmètre géographique déterminé et obligation de se présenter aux services de police ou placement sous bracelet électronique (CSI, art. L. 228-2 et L. 228-3) ; (ii) obligation de signaler ses déplacements au-delà d’un périmètre déterminé et interdiction de paraître en un lieu déterminé (CSI, art. L. 228-4). L’individu pouvait en outre être astreint à déclarer (la loi n° 2021-998 du 30 juill. 2021 ajoute à l’obligation de déclarer son lieu d’habitation et tout changement de lieu d’habitation, celle d’en « justifier ») son lieu d’habitation ainsi que de tout changement de lieu d’habitation (CSI, art. L. 228-2, 2°) ; ne pas entrer en contact avec des personnes déterminées (CSI, art. L. 228-5).
L’article 4 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 ajoute un alinéa à l’article L. 228-2 du CSI qui prévoit que l’interdiction de paraître peut désormais être prononcée de manière cumulative avec les obligations prévues à l’article L. 228-2 du CSI et non plus alternativement. Ainsi, sous l’empire de cette nouvelle loi, l’individu assigné à résidence peut également faire l’objet d’une interdiction de paraître dans un lieu déterminé.
Ainsi que le rappelle le Défenseur des Droits, c’est moins leur cumul que les conditions de mise en œuvre de ces mesures administratives contraignantes, qui sont de nature à mettre en péril la sécurité juridique et de porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux : l’absence d’exigence à des éléments objectifs, précis et circonstanciés rendent ineffectif tout contrôle juridictionnel.
La censure par le Conseil constitutionnel de l’allongement à de la durée des MICAS
La loi du 30 juillet 2021 (art. 4, I, 2°c et 3° b) étendait la durée totale d’une MICAS à vingt-quatre mois lorsque ces obligations étaient prononcées dans un délai de six mois avant la libération d’une personne ayant fait l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour des faits de terrorisme, ou d’une durée supérieure ou égale à trois ans en cas de récidive légale. Chaque renouvellement au-delà d’une durée cumulée de douze mois ne pouvait excéder une durée de trois mois et étaient subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires.
Ces dispositions ont toutefois été censurées par le Conseil constitutionnel, aux termes de sa décision n° 2021-822 du 30 juillet 2021 : compte tenu de leur rigueur, les MICAS ne sauraient excéder une durée totale cumulée de douze mois, sans porter une atteinte excessive à la liberté d’aller et venir, au droit au respect de la vie privée et au droit de mener une vie familiale normale (Cons. const. 30 juill. 2021, n° 2021-822 DC, AJDA 2021. 1653 ; D. 2021. 1541, obs. C. const. ; 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, préc. ; 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC, préc.).
La durée des MICAS est identique à celle prévue par la loi SILT de 2017 : une durée initiale de trois mois renouvelables, sans que la durée totale ne puisse excéder douze mois ; le renouvellement au-delà de six mois est subordonnée à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires.
Le délai de jugement applicable en cas de renouvellement d’une MICAS
La loi du 30 juillet 2021 (art. 4, I) insère un nouvel alinéa à l’article L. 228-4 du CSI afin d’aménager le délai de jugement imparti au tribunal administratif en cas de saisine d’un tribunal incompétent : si une personne saisit un tribunal incompétent pour contester le renouvellement d’une MICAS, l’arrêté initial demeure en vigueur pendant le temps de la transmission et de l’enregistrement de la requête auprès du tribunal compétent, jusqu’à l’expiration du délai de quarante-huit heures imparti au tribunal compétent pour rendre sa décision. La MICAS ne pourra toutefois pas demeurer en vigueur plus de sept jours après l’expiration du terme fixé dans l’arrêté initial. La décision de renouvellement ne pourra pas entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande.
En cas de contestation du renouvellement d’une MICAS devant un tribunal incompétent, le tribunal compétent devra statuer sur la requête dans les sept jours suivant l’expiration du terme initial de la mesure. À défaut, la MICAS ne sera plus en vigueur (ces dispositions sont applicables aux MICAS en cours au jours de la promulgation de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 – soit le 31 juillet 2021 – dont le terme intervenait dans les sept jours de la promulgation, à condition que le renouvellement soit intervenu au plus tard le lendemain de la promulgation (art. 4, II). Dans sa rédaction initiale, l’article 4, I, de la loi prévoyait un délai de jugement de soixante-douze heures, ce qui entrait en contradiction avec le délai de quarante-huit heures prévu à l’article L. 521-2 du code de justice administrative. La disposition, jugée inintelligible par le Conseil constitutionnel, a été partiellement censurée et la référence au délai de soixante-douze heures, supprimée de l’article L. 228-4 du CSI).
La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion
L’article 6 de la loi de juillet 2021 crée les articles 706-25-16 à 706-25-33 du code de procédure pénale instaurant une nouvelle mesure de sûreté intitulée « mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion », inspirée des mesures de sûreté ayant fait l’objet d’un projet de loi censuré par le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2020-80 DC du 7 août 2020, notamment en restreignant le champ d’application des personnes concerné.
La nouvelle mesure judiciaire a été validée par le Conseil constitutionnel, saisi de l’examen de la constitutionnalité de l’article 6 de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 par les sénateurs, dans sa décision n° 2021-822 DC du 30 juillet 2021. Contrairement à son intitulé, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que cette mesure revêtait la nature d’une mesure de sûreté et non d’une peine, permettant une application rétroactive de ses dispositions.
Celle-ci est applicable aux personnes condamnées, pour une infraction à caractère terroriste (l’une des infractions visées aux art. 421-1 à 421-6 c. pén.), à une peine d’emprisonnement ferme non assortie d’un sursis d’au moins cinq ans ou trois ans en cas de récidive, et qui présente, à l’issue d’un réexamen de sa situation à la fin de l’exécution de sa peine, « une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme, faisant obstacle à sa réinsertion ». Cette mesure n’est pas applicable aux personnes condamnées à un suivi socio-judiciaire (Visé à l’article 421-8 du code pénal) ou faisant l’objet d’une mesure de surveillance judiciaire (C. pr. pén., art. 723-29), d’une mesure de surveillance de sûreté (C. pr. pén., art. 706-53-19) ou d’une rétention de sûreté (C. pr. pén., art. 706-53-13).
Au titre de cette mesure, l’individu est soumis à un suivi sanitaire, social, éducatif ou psychologique, avec une éventuelle prise en charge dans un centre de déradicalisation, ainsi qu’à une obligation d’exercer une activité professionnelle ou de formation. Il peut également être soumis à l’obligation de résider dans un lieu déterminer. La loi prévoit également les modalités de communication avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation ainsi qu’avec le juge d’application des peines .
La mise en œuvre de cette nouvelle mesure de sûreté dépend ainsi toujours de l’appréciation subjective de la « dangerosité » des individus qui ne repose pas sur des éléments pouvant être objectivement constatés. Aucun garde-fou n’est instauré à cet égard par la loi du 30 juillet 2021, s’agissant d’une matière où, contrairement à la rétention de sûreté, la dangerosité ne peut reposer sur la constatation d’un trouble grave de la personnalité (C. pr. pén., art. 706-53-13).
Ainsi, en dépit de la validation de cette mesure par le Conseil constitutionnel, l’imprécision du critère de la dangerosité en laisse craindre une application préventive et répondant à cette « logique de suspicion » qui a pénétré la matière terroriste et pollue notre État de droit. Cette loi recèle, en outre, une telle contradiction entre l’une de ses conditions de mise en œuvre – que le détenu ait pu bénéficier de mesures de réinsertion pendant l’exécution de sa peine - et la réalité pratique, qu’il sera bien difficile pour les tribunaux de l’ordonner.
Trois décrets d’application de la loi ELAN du 23 novembre 2018 précisent que l’expérimentation de l’encadrement des loyers par voie préfectorale est mise en place sur le territoire des communes de Lyon et de Villeurbanne, sur celui de la commune de Montpellier et sur celui de la commune de Bordeaux.
Le Haut Conseil pour le climat, qui est chargé d’évaluer annuellement la mise en œuvre des mesures prévues par la loi, examinera, tous les trois ans, l’action des collectivités territoriales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique.
Des terres moins bétonisées
Le point qui risquait de faire achopper la Commission mixte paritaire (CMP) concernait les zones à faibles émissions mobilité (ZFE) dont l’objectif est d’interdire progressivement les voitures les plus anciennes dans les centres-villes, afin de réduire la pollution de l’air. Alors que les députés avaient voté leur extension à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à 2025, soit trente-cinq nouveaux territoires, contre dix actuellement, le Sénat avait retardé le calendrier de cinq ans, à 2030, pour améliorer l’acceptabilité sociale de la mesure. C’est le calendrier de l’Assemblée qui a été retenu, soit 2025, mais avec une expérimentation d’un prêt à taux zéro, à partir de 2023, durant deux ans, pour que les ménages les plus précaires résidant dans les ZFE puissent acheter un véhicule propre. La commission est également revenue sur la baisse de la TVA sur le prix des billets de...
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets entend adapter les objectifs nationaux à la réalité de chaque territoire. Elle comprend ainsi de nombreuses dispositions qui intéressent les collectivités.
Dans un arrêt du 22 juin 2021, la Chambre criminelle s’est prononcée sur le régime des visites de sécurité intérieure mises en œuvre par le représentant de l’Etat dans le département, ou le préfet de police, à Paris, afin de lutter contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation (CSI, L. 219-1 à L. 229-6). Elles font l’objet d’un encadrement assez strict, avec une autorisation « à double détente » délivrée par l’autorité judiciaire, prise en la personne du JLD de Paris. Une première ordonnance écrite et motivée doit intervenir pour autoriser la visite et les éventuelles saisies réalisées à cette occasion (CSI, L. 229-1). Puis, le cas échéant, l’autorité administrative doit de nouveau obtenir une autorisation du JLD pour exploiter les éléments saisis, notamment les données informatiques (CSI, L. 229-5). Un appel est possible devant le premier président de la cour d’appel contre chacune de ces ordonnances, cette décision étant elle-même susceptible d’un pourvoi devant la Chambre criminelle de la Cour de cassation (CSI, L. 229-3 et L. 229-5 II). Il faut mentionner encore que le déroulement de l’opération, qui se traduit par un procès-verbal remis à l’intéressé (CSI, L. 229-2) peut lui-même faire l’objet d’un recours distinct devant ce juge (CSI, L. 229-3, II).
En l’espèce, un recours avait été formé uniquement contre la seconde ordonnance du JLD, soit celle ayant autorisé l’exploitation des objets saisis : en l’occurrence un téléphone portable et un ordinateur. Saisie d’un pourvoi contre une décision confirmative de cette ordonnance, la Cour de cassation a opportunément...
Le projet de loi est passé, en cours de navette, de 69 à 305 articles. Les députés de gauche avaient fait un recours très général devant le conseil constitutionnel, ne le saisissant formellement que sur un article, d’ailleurs validé. Le Conseil a en revanche censuré 14 cavaliers législatifs.
L’article premier est solennel : l’État rappelle son engagement à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le texte est d’ailleurs riche en déclarations de principe, immixtion dans le domaine réglementaire, neutrons législatifs et demandes de rapport. Il contient toutefois des dispositions importantes, couvrant plusieurs aspects du quotidien.
Consommation
L’article 2 impose un affichage sur les impacts environnementaux des produits. Cet affichage sera progressivement mis en place et précisé par décret.
Le chapitre II encadre la publicité, pour notamment interdire celles promouvant les énergies fossiles ou les voitures les plus polluantes. Les publicités devront progressivement afficher l’impact environnemental des produits, en commençant par l’automobile et l’électroménager. Les allégations environnementales seront encadrées. Selon l’article 14, le Conseil supérieur de l’audiovisuel sera chargé de promouvoir des codes de bonne conduite environnementaux des publicités. Les règlements locaux de publicité pourront interdire les publicités et enseignes lumineuses et l’article 20 interdit les banderoles tractées par avion. La plupart des échantillons publicitaires seront interdits.
Des obligations de vente en vrac pour les centres commerciaux seront imposées en 2030 (art 23). L’article 30 favorise la mise à disposition de pièces détachées, notamment des outils de bricolage et de jardinage. L’article 35 impose la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics, tant dans les critères d’attribution que dans les conditions d’exécution du marché.
Code minier
L’article 65, réforme le code minier et modifie le droit de suite : il donne au gouvernement la possibilité de refuser l’octroi, l’extension ou la prolongation d’un permis de recherche ou d’une concession pour raison environnementale. Le régime de plein contentieux sera appliqué concernant les projets miniers. L’article 81 habilite le gouvernement à modifier par ordonnance le droit minier.
Déplacements
L’article 103 prévoit la fin de la vente des voitures particulières neuves émettant plus de 123 g de CO2/km, d’ici 2030. Les zones à faibles émissions seront généralisées à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à 2025 (art. 119).
Une ordonnance prévue à l’article 137 permettra à certaines régions de mettre en place une écotaxe sur le transport routier de marchandises.
L’article 145 prévoit d’interdire en mars 2022 les lignes aériennes régulières intérieures, s’il existe une alternative ferroviaire sans correspondance de moins de 2h30. Exception : si la ligne assure majoritairement le transport de passagers en correspondance.
L’article 146 interdit les déclarations d’utilité publique pour les travaux d’extension des aéroports, avec des exceptions pour Nantes-Atlantique, Bâle-Mulhouse et les hélistations. Les émissions de gaz à effet de serre des vols intérieurs devront être compensées.
Logement
D’ici 2022, la hausse des loyers sera interdite dans les logements classés F et G par l’article 159. Les logements classés G, F puis E seront progressivement interdits à la location à compter de 2025.
L’article 167 crée un carnet d’information du logement. Ce carnet listera les plans, différents travaux de rénovation énergétique et la liste des matériaux utilisés. L’article 171 prévoit que les copropriétés de plus de quinze ans auront l’obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux.
L’article 173 permet de modifier par ordonnance le régime de contrôle et de sanctions des règles de construction.
Dispositions diverses
Les terrasses chauffées seront interdites en mars 2022 (art. 181).
L’article 191 entend limiter l’artificialisation des sols. Pour se faire, l’article suivant insère cet objectif parmi les objectifs généraux du code de l’urbanisme. Les documents de planification et d’urbanisme des collectivités territoriales devront le prendre en compte
L’article 215 prévoit qu’une autorisation d’exploitation commerciale ne pourra être délivrée pour une implantation ou une extension qui artificialiserait des sols, sauf si le projet s’insère dans un secteur particulier ou s’il est compensé. Les bâtiments commerciaux neufs de plus de 500 m² devront être végétalisés ou avoir des panneaux photovoltaïques.
L’article 231 permet de limiter l’accès aux espaces protégés.
Plusieurs articles portent sur l’érosion et le recul du trait de côte, avec notamment la création d’un droit de préemption spécifique et prioritaire (art. 244). Une réforme plus globale aura lieu par ordonnances.
L’article 252 prévoit un menu végétarien hebdomadaire pour la restauration collective scolaire et de l’État.
Les engrais de synthèse seront progressivement interdits pour les usages non-agricoles (art. 269).
Justice environnementale
La loi muscle la justice environnementale (Dalloz actualité, 30 mars 2021, art. P. Januel), en créant des délits de mise en danger et d’atteinte grave et durable à l’environnement (l’atteinte étant considéré comme durable à partir de sept ans). La condition de double intentionnalité du délit d’écocide a finalement été supprimée.
Les amendes de plusieurs délits environnementaux ont été renforcées (art. 286). L’article 290 permet le prononcé de mesures de réparation dans le cadre de CRPC. Sur les référés environnementaux (Dalloz actualité, 31 mars 2021, art. P. Januel), les avancées sont plus limitées, même si l’article 284 élargit le champ d’application du référé pénal spécial.
Le dernier titre porte sur le suivi de la loi : la Cour des comptes fera une évaluation annuelle de ce texte, avec l’appui du Haut Conseil pour le climat.
Le projet de loi est passé, en cours de navette, de 69 à 305 articles. Les députés de gauche avaient fait un recours très général devant le conseil constitutionnel, ne le saisissant formellement que sur un article, d’ailleurs validé. Le Conseil a en revanche censuré 14 cavaliers législatifs.
L’article premier est solennel : l’État rappelle son engagement à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le texte est d’ailleurs riche en déclarations de principe, immixtion dans le domaine réglementaire, neutrons législatifs et demandes de rapport. Il contient toutefois des dispositions importantes, couvrant plusieurs aspects du quotidien.
Consommation
L’article 2 impose un affichage sur les impacts environnementaux des produits. Cet affichage sera progressivement mis en place et précisé par décret.
Le chapitre II encadre la publicité, pour notamment interdire celles promouvant les énergies fossiles ou les voitures les plus polluantes. Les publicités devront progressivement afficher l’impact environnemental des produits, en commençant par l’automobile et l’électroménager. Les allégations environnementales seront encadrées. Selon l’article 14, le Conseil supérieur de l’audiovisuel sera chargé de promouvoir des codes de bonne conduite environnementaux des publicités. Les règlements locaux de publicité pourront interdire les publicités et enseignes lumineuses et l’article 20 interdit les banderoles tractées par avion. La plupart des échantillons publicitaires seront interdits.
Des obligations de vente en vrac pour les centres commerciaux seront imposées en 2030 (art 23). L’article 30 favorise la mise à disposition de pièces détachées, notamment des outils de bricolage et de jardinage. L’article 35 impose la prise en compte des considérations environnementales dans les marchés publics, tant dans les critères d’attribution que dans les conditions d’exécution du marché.
Code minier
L’article 65, réforme le code minier et modifie le droit de suite : il donne au gouvernement la possibilité de refuser l’octroi, l’extension ou la prolongation d’un permis de recherche ou d’une concession pour raison environnementale. Le régime de plein contentieux sera appliqué concernant les projets miniers. L’article 81 habilite le gouvernement à modifier par ordonnance le droit minier.
Déplacements
L’article 103 prévoit la fin de la vente des voitures particulières neuves émettant plus de 123 g de CO2/km, d’ici 2030. Les zones à faibles émissions seront généralisées à toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à 2025 (art. 119).
Une ordonnance prévue à l’article 137 permettra à certaines régions de mettre en place une écotaxe sur le transport routier de marchandises.
L’article 145 prévoit d’interdire en mars 2022 les lignes aériennes régulières intérieures, s’il existe une alternative ferroviaire sans correspondance de moins de 2h30. Exception : si la ligne assure majoritairement le transport de passagers en correspondance.
L’article 146 interdit les déclarations d’utilité publique pour les travaux d’extension des aéroports, avec des exceptions pour Nantes-Atlantique, Bâle-Mulhouse et les hélistations. Les émissions de gaz à effet de serre des vols intérieurs devront être compensées.
Logement
D’ici 2022, la hausse des loyers sera interdite dans les logements classés F et G par l’article 159. Les logements classés G, F puis E seront progressivement interdits à la location à compter de 2025.
L’article 167 crée un carnet d’information du logement. Ce carnet listera les plans, différents travaux de rénovation énergétique et la liste des matériaux utilisés. L’article 171 prévoit que les copropriétés de plus de quinze ans auront l’obligation d’élaborer un projet de plan pluriannuel de travaux.
L’article 173 permet de modifier par ordonnance le régime de contrôle et de sanctions des règles de construction.
Dispositions diverses
Les terrasses chauffées seront interdites en mars 2022 (art. 181).
L’article 191 entend limiter l’artificialisation des sols. Pour se faire, l’article suivant insère cet objectif parmi les objectifs généraux du code de l’urbanisme. Les documents de planification et d’urbanisme des collectivités territoriales devront le prendre en compte
L’article 215 prévoit qu’une autorisation d’exploitation commerciale ne pourra être délivrée pour une implantation ou une extension qui artificialiserait des sols, sauf si le projet s’insère dans un secteur particulier ou s’il est compensé. Les bâtiments commerciaux neufs de plus de 500 m² devront être végétalisés ou avoir des panneaux photovoltaïques.
L’article 231 permet de limiter l’accès aux espaces protégés.
Plusieurs articles portent sur l’érosion et le recul du trait de côte, avec notamment la création d’un droit de préemption spécifique et prioritaire (art. 244). Une réforme plus globale aura lieu par ordonnances.
L’article 252 prévoit un menu végétarien hebdomadaire pour la restauration collective scolaire et de l’État.
Les engrais de synthèse seront progressivement interdits pour les usages non-agricoles (art. 269).
Justice environnementale
La loi muscle la justice environnementale (Dalloz actualité, 30 mars 2021, art. P. Januel), en créant des délits de mise en danger et d’atteinte grave et durable à l’environnement (l’atteinte étant considéré comme durable à partir de sept ans). La condition de double intentionnalité du délit d’écocide a finalement été supprimée.
Les amendes de plusieurs délits environnementaux ont été renforcées (art. 286). L’article 290 permet le prononcé de mesures de réparation dans le cadre de CRPC. Sur les référés environnementaux (Dalloz actualité, 31 mars 2021, art. P. Januel), les avancées sont plus limitées, même si l’article 284 élargit le champ d’application du référé pénal spécial.
Le dernier titre porte sur le suivi de la loi : la Cour des comptes fera une évaluation annuelle de ce texte, avec l’appui du Haut Conseil pour le climat.
Texte fleuve aux 305 articles, la loi « climat et résilience » a été promulguée le 22 août après que le Conseil constitutionnel ait validé l’essentiel du texte. Revue des principales dispositions d’une loi foisonnante.
Le texte, dont la plupart des dispositions entreront en vigueur le 31 mars 2022, est organisé en quatre parties : renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail ; définir une offre socle de services à fournir par les services de prévention et de santé au travail ; mieux accompagner certains publics vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle ; et réorganiser la gouvernance du système de santé au travail.
Mieux évaluer et prévenir les risques professionnels
Depuis le rapport Lecocq, la volonté affichée des pouvoirs publics est de privilégier une logique de prévention et non plus de réparation en entreprise. À cette fin, plusieurs dispositifs de prévention en entreprise sont créés ou précisés.
Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est renforcé
Un nouvel article L. 4121-3-1 définit légalement le contenu du DUERP et ses modalités de mises à jour, de conservation et de mise à disposition.
Ainsi, il est précisé que le DUERP répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions. L’employeur doit transcrire et mettre à jour dans le DUERP les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3 du code du travail.
Outre son concours à l’analyse des risques professionnels, le CSE, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, doit, désormais, être consulté sur le DUERP et ses mises à jour.
Le DUERP doit, par ailleurs, être conservé et mis à disposition pendant au moins 40 ans.
Le DUERP a pour finalité de permettre à l’employeur de définir les mesures de prévention nécessaires.
L’étendue de cette obligation est fonction de l’effectif de l’entreprise.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les résultats de l’évaluation des risques doivent déboucher sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
Le contenu de cette obligation est renforcé par la loi, afin, notamment, de garantir son caractère opérationnel. Ainsi, ce programme doit désormais :
Ce programme doit être présenté au CSE dans le cadre de sa consultation sur la politique sociale de l’entreprise.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, les résultats de l’évaluation des risques doivent déboucher sur la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés. Une liste de ces actions doit être consignée dans le DUERP et ainsi que les mises à jour correspondantes. Cette liste doit dorénavant être présentée au CSE.
Mise en place d’un passeport prévention
Un passeport de prévention, qui devra être créé au plus tard le 1er octobre 2022, devra faire figurer tous les attestations, certificats et diplômes obtenus par chaque travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail. Le passeport sera renseigné par les employeurs, les organismes de formation mais aussi les travailleurs eux-mêmes lorsqu’ils ont suivi ces formations de leur propre initiative. Les demandeurs d’emploi auront également la possibilité d’ouvrir ce passeport. Il sera intégré dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences si le salarié ou demandeur d’emploi en possède un.
QVCT, nouveau thème de négociation périodique obligatoire
L’ANI du 9 décembre 2020 proposait que « l’approche traditionnelle de la qualité de vie au travail soit revue pour intégrer la qualité de vie et des conditions de travail ». La loi pour renforcer la prévention en santé au travail intègre cette modification dans les dispositions du code du travail relatives à la négociation périodique obligatoire d’entreprise, en renvoyant désormais à la notion de « qualité de vie et des conditions de travail » (QVCT). Ainsi, les partenaires sociaux devront aborder tous les 4 ans – dans le cadre des négociations périodiques obligatoires -, la question de la QVCT et l’accord « d’adaptation » conclu à l’issue de ces négociations devra aborder le thème (C. trav., art. L 2242-11). Ces dispositions sont d’ordre public. À défaut d’accord sur le sujet, ou en cas de non-respect de ses stipulations, l’employeur devra engager, chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle femmes/hommes et la qualité de vie et des conditions de travail.
Définition du harcèlement sexuel
La loi du 2 août 2021 harmonise la définition du harcèlement sexuel contenue dans le Code du travail avec celle du code pénal (sur cette nouvelle définition, v. Y. Pagnerre, à paraître). Ainsi, les propos ou comportements à connotation sexiste peuvent également caractériser des faits de harcèlement sexuel. D’autres formes de manifestation du harcèlement sexuel, prévues par le Code pénal, sont intégrées au Code du travail. Le harcèlement sexuel peut donc aussi être constitué :
lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;lorsqu’un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.Toutefois, à la différence de l’article 222-33 du code pénal, le texte ne retient pas l’exigence d’un élément intentionnel pour constituer le harcèlement.
Extension des missions des services de santé
Conformément à l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail du 9 décembre 2020, la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, réforme l’offre des services de santé au travail, rebaptisés « services de prévention et de santé au travail » (SPST). Le texte leur assigne de nouvelles missions et définit un ensemble socle de services que devront assurer tous les SPST interentreprises (SPSTI). En outre, le texte organise l’accès du médecin du travail au dossier médical partagé des travailleurs dont il assure le suivi.
Une nouvelle offre socle de services
Avec pour objectif d’améliorer la qualité des services rendus par les SPSTI, la loi du 2 août définit une « offre socle » que ces services devront obligatoirement mettre en place ainsi qu’une offre de services complémentaires, qu’ils pourront proposer de manière facultative. La loi prévoit en outre que chaque SPSTI devra faire l’objet d’une procédure de certification par un organisme indépendant.
Le socle de services devra répondre à l’ensemble des missions des SPSTI prévues par le Code du travail en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel des travailleurs et de prévention de la désinsertion professionnelle. La liste et les modalités de ces services devront être définies par le comité national de prévention et de santé au travail ou, en l’absence de décision du comité et à l’issue d’un délai à déterminer, par décret en Conseil d’État.
Médecins du travail : exercice des fonctions
La loi du 2 août relève au niveau législatif le principe selon lequel le médecin du travail doit consacrer à ses missions en milieu de travail le tiers de son temps de travail (cette répartition était auparavant prévue à l’art. R. 4624-4 c. trav.). À ce titre, les directeurs des SPSTI, tout comme les employeurs s’agissant des services autonomes, devront prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour que le médecin du travail puisse respecter cette répartition de son temps de travail mais aussi assurer sa participation, au cours des deux tiers restants, aux instances territoriales de coordination, dont notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou encore les dispositifs d’appui à la coordination des parcours complexes.
Par ailleurs, l’article 21 de la loi organise la possibilité pour les professionnels de santé au travail de recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance pour le suivi individuel du travailleur, compte tenu de son état de santé physique et mentale et, sous réserve, que ce dernier y ait consenti.
Enfin dans le cadre de l’exercice de ses fonctions, la loi du 2 août organise l’accès au dossier médical partagé par le médecin du travail. En effet, la loi « Santé » du 24 juillet 2019 intégrait le dossier médical en santé au travail (DMST) du travailleur dans son dossier médical partagé (DMP) à compter du 1er juillet 2021. Mais il n’était prévu qu’une possibilité de communication de ce dossier à un médecin choisi par le travailleur à la demande expresse de ce dernier. La loi du 2 août poursuit le renforcement de la collaboration entre la médecine du travail et de la médecine de ville, en proposant de permettre au salarié de consentir à l’accès, total ou partiel, à son DMP par le médecin du travail, en préservant la possibilité pour le salarié de revenir à tout moment sur les conditions de cet accès. Ce partage d’informations entre la médecine du travail et la médecine de ville doit permettre de mieux adapter l’environnement professionnel du travailleur à son état de santé.
Infirmier en santé au travail
L’article 34 de la loi du 2 août introduit une nouvelle section dans le Code du travail consacrée à l’infirmier en santé au travail et reconnaît donc un statut à ce professionnel de santé qui « assure les missions qui lui sont dévolues par le Code du travail ou déléguées par le médecin du travail, dans la limite des compétences prévues pour les infirmiers par le Code de la santé publique » et peut sous certaines conditions exercer « en pratique avancée en assistance d’un médecin du travail au sein d’un SPST » (C. trav., art. L. 4301-1).
Accompagnement des personnes vulnérables et lutte contre la désinsertion professionnelle
La prévention de la désinsertion professionnelle a une acception proche de celle du maintien en emploi ; elle doit permettre la mise en place d’actions permettant à des personnes dont les problèmes de santé ou le handicap restreignent l’aptitude professionnelle de rester en activité ou de la reprendre, soit par maintien dans l’emploi, soit par changement d’activité ou d’emploi. Plusieurs dispositifs sont prévus par la loi du 2 août.
Cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle. Une cellule doit être mise en place au sein de chaque SPST et animée par un médecin du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire désigné par lui et agissant sous sa responsabilité. Elle a pour missions :
de proposer des actions de sensibilisation ;d’identifier les situations individuelles ;de proposer, en lien avec l’employeur et les travailleurs des mesures individuelles d’aménagement d’adaptation ou de transformation du poste de travail ;de participer à l’accompagnement du travailleur percevant des indemnités journalières éligible à des actions de prévention de la désinsertion.Ces missions sont remplies en collaboration avec les professionnels de santé chargés des soins et de nombreux acteurs intervenant en matière d’insertion.
À compter du 1er janvier 2024, il est prévu que dans le cadre de sa mission de prévention de la désinsertion professionnelle, le SPST informe le service de contrôle médical, les organismes locaux et régionaux d’assurance maladie et le service social de la Carsat lorsqu’il accompagne un travailleur. Sous réserve de l’accord de celui-ci, il leur transmet des informations sur le poste et les conditions de travail. Lorsque les arrêts de travail adressés par l’assuré font apparaître un risque de désinsertion professionnelle, les organismes d’assurance maladie en informent les SPST.
Création d’une visite médicale de mi-carrière. Les travailleurs sont examinés par le médecin du travail au coursd’une visite médicale de mi-carrière, organisée à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile de leur 45e anniversaire. Cette visite a pour objectif, outre de faire un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, de permettre une évaluation du risque de désinsertion professionnelle et une sensibilisation du travailleur aux problématiques relatives au vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.
Rendez-vous de liaison et organisation de la reprise. Lorsque la durée de l’arrêt de travail est supérieure à une durée fixée par décret, la suspension du contrat de travail ne fait pas obstacle à l’organisation d’un rendez-vous de liaison entre le salarié et l’employeur, associant le SPST. Celui-ci a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’un examen de pré-reprise et de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail. Ce rendez-vous est organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Le salarié peut refuser de s’y rendre.
La loi donne également un cadre légal à la visite de pré-reprise ainsi qu’à la visite de reprise après un congé de maternité ou une incapacité résultant de maladie ou d’accident.
Convention de rééducation professionnelle. Une convention de rééducation professionnelle conclue entre l’employeur, le salarié et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) détermine les modalités de rééducation professionnelle ainsi que le montant et les conditions dans lesquelles la caisse verse au salarié l’indemnité journalière. Lorsque la rééducation professionnelle est assurée par l’employeur du salarié, elle donne lieu à un avenant au contrat de travail qui ne peut modifier la rémunération prévue par celui-ci. Lorsqu’elle n’est pas assurée par l’employeur, la rééducation professionnelle fait l’objet d’une convention de mise à disposition à but non lucratif. Un décret fixe les modalités d’application de ces dispositions. Peuvent bénéficier de cette convention les travailleurs handicapés ou non déclarés inaptes ou pour lesquels, lors de l’examen de pré-reprise, le médecin du travail a identifié un risque d’inaptitude.
Nouvelles règles de gouvernance du système de santé au travail
La loi réorganise la gouvernance de la santé au travail, en adaptant l’organisation interne des SPST, en élargissant les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions à d’autres membres de l’équipe de santé et en renforçant le pilotage national.
En particulier, le texte prévoit que chaque SPSTI devra être administré paritairement par un conseil composé de représentants des employeurs désignés par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel parmi les entreprises adhérentes ainsi que de représentants des salariés des entreprises adhérentes (C. trav., art. L. 4622-11 modifié). Est également prévu la dotation pour les SSTI d’un organe de surveillance sous la forme :
soit d’un comité social et économique interentreprises constitué par les comités sociaux et économiques (CSE) intéressés ;soit d’une commission de contrôle composée pour un tiers de représentants des employeurs et pour deux tiers de représentants des salariés, le président étant élu parmi ces derniers. Cette commission pourra saisir le comité régional de prévention et de santé au travail de toute question relative à l’organisation ou à la gestion du SPST.Les restrictions d’accès aux grands magasins et centres commerciaux, liées à l’épidémie de covid-19, doivent garantir l’accès des personnes ne disposant pas de passe sanitaire aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport situés dans l’enceinte de ces établissements. C’est en s’appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel du 5 août sur la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire que plusieurs tribunaux administratifs ont suspendu les arrêtés préfectoraux fixant la liste des grands magasins et centres commerciaux dont l’accès est subordonné à la présentation du passe sanitaire.
Après avoir jugé que la condition d’urgence était remplie, eu égard notamment « aux restrictions d’accès aux produits de première nécessité proposés par certains commerces de ces grands magasins et centres commerciaux », le tribunal administratif de Versailles a relevé que les mesures de restriction imposées par l’arrêté attaqué, sans que n’aient été prévus des aménagements pour permettre aux clients ne disposant pas de passe d’accéder à ceux de ces commerces qui vendent des biens et services de première nécessité, portaient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’aller et venir. Le tribunal administratif de Strasbourg en a fait de même, même si le préfet du Haut-Rhin se prévalait de l’existence, dans les bassins de vie concernés, d’une offre alternative en produits de première nécessité afin de garantir l’accès des personnes à ces biens et services. Or, estime le juge des référés, « le législateur n’a pas prévu l’existence d’une telle mesure de compensation » (TA Strasbourg, 27 août 2021, n° 2105891). Un arrêté du préfet des Hauts-de-Seine, qui ne présentait pas « un intérêt significatif pour répondre à l’objectif de contrôle de l’épidémie », a été suspendu sur le fondement de la liberté d’aller et venir et de la liberté d’entreprendre (TA Cergy-Pontoise, 30 août 2021, n° 2110762).
En revanche, le référé-liberté dirigé contre l’arrêté préfectoral qui subordonnait l’accès au centre commercial Espace Polygone à Perpignan à la présentation du passe sanitaire a été rejeté. Le juge des référés a jugé que, malgré la baisse significative du chiffre d’affaires de la société requérante, l’urgence à suspendre l’arrêté en cause n’était pas établie eu égard à l’intérêt général qui s’attache à combattre la propagation de l’épidémie de covid-19 (TA Montpellier, ord., 28 août 2021, n° 2104451). Le tribunal administratif de Paris lui emboitait le pas le 1er septembre à l’égard des centres commerciaux parisiens.

Par deux lois des 31 mai (v. AJDA 2021. 1068 ) et 5 août 2021 (v. AJDA 2021. 1588 ), le gouvernement a organisé la gestion de la sortie de crise sanitaire. Mais pour enrayer la propagation du virus et de ses variants, il a prévu des outils contraignants, comme le passe sanitaire, la vaccination obligatoire ou l’obligation de se placer à l’isolement en cas de contamination à la covid-19.
Vivement critiqué en raison des atteintes aux libertés individuelles qu’il emporte, le passe sanitaire a pourtant été validé, le 5 août, pour la seconde fois (la première fois, v. AJDA 2021. 1121 ) par le Conseil constitutionnel. Depuis le 9 août et jusqu’au 15 novembre, toute personne souhaitant accéder à certains loisirs, aux grands magasins et centres commerciaux, aux cafés et restaurants, y compris en terrasse – à l’exception des restaurants d’entreprise –, mais aussi pour les trajets de longue distance en transport en commun, doit présenter un passe sanitaire (preuve d’un examen de dépistage par test PCR, test antigénique ou autotest, de l’administration d’un vaccin ou du rétablissement de la personne à la suite d’une contamination). En limitant l’accès à certains lieux, le passe sanitaire porte atteinte à la liberté d’aller et venir, reconnaît le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 5 août. Mais les garanties qui l’entourent participent de la poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Son utilisation est limitée dans le temps. Les activités concernées présentent, par leur nature même, un risque particulier de diffusion du virus (pour une liste complète, v. le décr. n° 2021-1059 du 7 août 2021). Le contrôle de la détention du passe sanitaire est certes une charge supplémentaire pour les exploitants et les professionnels, mais la vérification peut être mise en œuvre en un temps bref, estiment les juges de la rue de Montpensier. De plus, si les exploitants ne jouent pas le jeu, ils s’exposent à une amende forfaitaire dont le montant est fixé, pour les exploitants de service de transport, par le décret n° 2021-1056 du 7 août 2021.
Violation du principe d’égalité
La présentation d’un passe sanitaire est également exigée des salariés travaillant dans certains lieux ou établissements afin de limiter la propagation du virus. Qu’ils soient en contrat à durée indéterminée, en contrat à durée déterminée ou en mission, les salariés sont tous exposés au même risque de contamination au virus. Dès lors, en prévoyant, dans la loi du 5 août, que le défaut de présentation du passe sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l’objectif poursuivi et violé le principe d’égalité.
Atteinte à la liberté individuelle
Toute personne qui se voit communiquer un résultat positif à un test de dépistage à la covid-19 doit se placer à l’isolement pour une période de dix jours, sans qu’aucune appréciation ne soit portée sur sa situation personnelle. « Bien que la personne placée en isolement puisse solliciter a posteriori un aménagement des conditions de son placement en isolement auprès du représentant de l’Etat dans le département ou solliciter sa mainlevée devant le juge des libertés et de la détention, les dispositions contestées ne garantissent pas que la mesure privative de liberté qu’elles instituent soit nécessaire, adaptée et proportionnée », juge le Conseil constitutionnel.
Pas de méconnaissance du droit à l’emploi
En revanche, les juges de la rue de Montpensier ont considéré que les conditions dans lesquelles les personnes soumises à une obligation vaccinale (les personnels au contact direct des personnes les plus vulnérable à travers leur lieu de travail et leur profession) peuvent continuer d’exercer leur activité jusqu’au 14 septembre 2021 ne portent aucune atteinte au droit à l’emploi ou à la liberté d’entreprendre. En effet, la loi a prévu une entrée en vigueur progressive de cette obligation. Les professionnels concernés peuvent, jusqu’à cette date, continuer d’exercer leur activité sous réserve de présenter soit un certificat de statut vaccinal, soit un certificat de rétablissement, soit un certificat médical de contre-indication à la vaccination, ou à défaut, un justificatif de l’administration des doses de vaccin requises par voie réglementaire ou un résultat de test de dépistage virologique négatif. Comme pour les exploitants de service de transport, le décret n° 2021-1056 fixe le montant de l’amende forfaitaire à laquelle s’expose l’employeur en l’absence de contrôle de l’obligation vaccinale. De plus, le décret n° 2021-1059 du 7 août définit les cas de contre-indication faisant obstacle à la vaccination.
Le sort des agents publics de l’État
Dans une circulaire du 10 août (NOR : TFPF2124744C), la directrice générale de l’administration et de la fonction publique présente les dispositifs de passe sanitaire et d’obligation vaccinale applicables aux agents publics de l’État, et notamment les agents concernés par l’obligation de présentation d’un passe sanitaire (agents dont les activités se déroulent aux heures et dans les espaces accessibles au public, à l’exclusion de ceux chargés de missions de contrôle) et par l’obligation vaccinale. Le document comprend des recommandations à l’égard des employeurs publics dans la mise en œuvre de ces dispositifs et rappelle également les dispositifs mis en place dans la fonction publique pour faciliter la vaccination des agents.
Un arrêté du 2 août 2021 fixant les tarifs réglementés de postulation des avocats en matière de saisie immobilière, de partage, de licitation et de sûretés judiciaires a été publié au Journal officiel du 15 août 2021.
Il ressort d’un arrêté du 12 juillet 2021 que, pour 2021 :
l’indice du revenu brut d’entreprise agricole national à l’hectare retenu est de 102,59 (indice base 100 en 2009) ;
l’indice du prix du produit intérieur brut retenu est de 112,31 (indice base 100 en 2009) ;
l’indice national des fermages s’établit à 106,48.
Quant à la variation de l’indice national des fermages par rapport à l’année 2020, elle est de 1,09 %.
L’association La Quadrature du Net, à l’origine de la question prioritaire de constitutionnalité, soutenait qu’en l’absence d’encadrement de ces pratiques, le législateur aurait méconnu le droit au respect de la vie privée, la protection des données personnelles, le secret des correspondances ainsi que la liberté d’expression.
Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions qui autorisent le partage d’informations entre services de renseignement ne...
À l’Assemblée nationale, les débats ont été durs et heurtés malgré l’aggravation de la situation sanitaire et les lourds enjeux de libertés publiques du texte. Ils se sont déroulés dans une atmosphère plus sereine au Sénat. Toutefois, les sénateurs ont multiplié les points de désaccord avec l’Assemblée et le gouvernement. Finalement, ils se sont résolus à un compromis et, sur l’essentiel, c’est le texte de l’Assemblée qui a prévalu.
Le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi. Il devrait rendre sa décision, en urgence, dans les prochains jours.
État d’urgence sanitaire
Contrairement à ce que souhaitait le Sénat, qui proposait d’inscrire ces mesures dans l’« état d’urgence sanitaire », nous restons dans régime dit « de sortie de la crise sanitaire ». Celui-ci est prolongé jusqu’au 15 novembre 2021 (le gouvernement proposait initialement le 31 décembre). Par ailleurs, la loi déclare l’état d’urgence sanitaire à La Réunion et aux Antilles.
Passe sanitaire
Le passe pourra être demandé pour les activités de loisir, les bars, la restauration (sauf restauration collective et restauration professionnelle routière et ferroviaire), les foires, séminaires et salons professionnels et les établissements médicaux, sociaux et médico-sociaux. Cela pour les activités intérieures comme extérieures. Pour les déplacements de longue distance par transports publics, il sera limité aux déplacements interrégionaux. Alors que la CMP avait supprimé le passe pour les grands magasins et centres commerciaux, le gouvernement l’a fait rétablir par amendement.
Comme l’a souhaité le Sénat, la présentation de documents officiels d’identité ne pourra être exigée que par les agents des forces de l’ordre.
Pour le public, le passe sera applicable dès le décret d’application. Il sera applicable aux mineurs de 12 ans et plus, mais seulement à partir du 30 septembre.
Salariés et établissement réfractaires
Pour les personnels, le passe entrera en application le 30 août. Le devenir des personnels réfractaires a beaucoup occupé les travaux parlementaires. Le gouvernement souhaitait qu’après un dialogue et une possibilité de prendre ses congés, le contrat du salarié soit suspendu sans salaire, aboutissant, au bout de deux mois, à un licenciement. Le Sénat a obtenu qu’ils ne soient pas licenciés mais simplement suspendus. Seuls les CDD pourront être rompus. Reste que, si la situation se prolonge, il risque de devoir démissionner. Nul doute que le Parlement devra revenir sur ce point à l’avenir, si la situation sanitaire se prolonge.
Un établissement qui ne contrôlera pas le passe ne sera pas immédiatement passible de sanctions pénales. Le Sénat a introduit une procédure de mise en demeure suivie d’une éventuelle fermeture administrative.
Isolement
Alors que le Sénat s’était d’abord opposé à l’isolement d’office des cas positifs, sans décision individuelle, la version Assemblée a prévalu : les personnes devront s’isoler pendant dix jours et ne pourront sortir qu’entre 10 heures et midi, sauf urgence ou aménagement horaire accepté par la préfecture. Des personnes pourront faire des contrôles à domicile entre 8 heures et 23 heures. La personne isolée pourra saisir le juge des libertés et de la détention. Pour la seule journée d’hier, au vu des statistiques de contamination, plus de 15 000 personnes auraient dû se placer à l’isolement.
Vaccination et test
L’obligation vaccinale a peu évolué. Les soignants ayant reçu une première injection avant le 15 septembre pourront achever leur parcours vaccinal jusqu’au 15 octobre. Comme pour les passes, il ne sera pas possible de licencier un salarié réfractaire. Par ailleurs, les médecins-conseils de l’assurance maladie pourront contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination proposés par les personnels.
Un amendement des députés permet que l’autorisation d’un seul des titulaires de l’autorité parentale soit requise pour la réalisation d’une vaccination ou d’un test. Par amendement des sénateurs, un mineur de plus de 16 ans pourra se faire vacciner à sa demande.
Délits spéciaux
Les sénateurs ont introduit un nouveau délit en cas de refus, par un étranger, de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’une mesure d’expulsion.
Les peines seront aggravées en cas de destruction de matériel de vaccination ou pour l’agression d’une personne chargée de contrôler les passes sanitaires. La loi a clarifié l’usage et la proposition de faux certificats de vaccination, pour, notamment, favoriser la lutte contre les faux passes sur internet.
Par ailleurs, l’article 11 bis prévoit que les délits liés au passe sanitaire pourront être jugés par juge unique.
Les députés ont adopté, le 20 juillet 2021, une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et une proposition de loi ordinaire portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l’information du Parlement sur les finances publiques. Ces textes concrétisent les travaux de 2019 de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, ou « MILOLF » (v. Dalloz actualité, 13 sept. 2019, obs. J.-M. Pastor)....

La transparence financière figure parmi les sept critères présidant à la représentativité d’une organisation syndicale de salariés, critères énumérés à l’article L. 2121-1 du code du travail. Cette obligation de transparence financière a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 avril 2020 (Cons. const. 30 avr. 2020, n° 2020-835 QPC, D. 2020. 989 ; RDT 2020. 690, obs. L. Jubert-Tomasso ; Constitutions 2019. 605, décision ).
Ce critère implique notamment de justifier de l’état et de l’origine de ses ressources conformément aux règles édictées aux articles D. 2135-1 et suivants du code du travail.
Les ressources des syndicats s’entendent des subventions, des produits de toute nature liés à l’activité courante, des produits financiers ainsi que des cotisations. Sont toutefois déduites de ce dernier montant les cotisations reversées, en vertu de conventions ou des statuts, à des syndicats professionnels de salariés et à leurs unions ou à des associations de salariés (C. trav., art....
La commission du contentieux du stationnement payant a déchargé Mme B… de l’obligation de payer le forfait de post-stationnement mis à sa charge par la commune de Strasbourg car elle apportait la preuve du paiement immédiat de la redevance due, bien qu’elle n’ait pas saisi correctement le numéro de sa plaque...
Durant les vacances d’été, la rédaction de Dalloz actualité prend quelques congés.
Merci d’être toujours plus nombreux à nous suivre.
Nous vous souhaitons à toutes et tous de belles vacances et nous vous retrouvons dès le 6 septembre, avec une édition complète et riche en actualités.
Durant les vacances d’été, la rédaction de Dalloz actualité prend quelques congés.
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Si un fonctionnaire exerçant des fonctions qui ne correspondent pas à son grade fait preuve d’insuffisance professionnelle, il appartient à l’administration de mettre fin à ces fonctions. Mais elle ne peut pas prononcer un licenciement pour insuffisance professionnelle en l’absence d’inaptitude de l’intéressé à exercer l’ensemble des fonctions correspondant à son grade.
Mme A…, éducatrice territoriale de jeunes enfants dans une communauté de communes, avait été nommée coordinatrice petite enfance et directrice du service multi-accueil. À la suite de plaintes de plusieurs de ses subordonnés et d’un rapport...
Lorsque l’exécution d’une décision juridictionnelle prononçant l’annulation partielle d’un plan local d’urbanisme (PLU) implique nécessairement la modification du règlement dans un sens déterminé, la commune doit faire application, selon la nature et l’importance de la modification requise, de l’une des règles régissant les procédures de révision ou de modification du PLU.
Le tribunal administratif de Toulon, après avoir annulé le PLU de la commune de La Londe-les-Maures, lui a enjoint d’adopter dans un délai de quatre mois une délibération approuvant un...
Le Conseil d’État précise les modalités d’élaboration de nouvelles dispositions d’un plan local d’urbanisme se substituant à celles qui ont été annulées par le juge.

Avec la loi Sapin II (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique), le législateur a entendu renforcer la protection qui entoure les lanceurs d’alerte professionnelle, qui se trouvent désormais intégrés au régime traitant des discriminations, par la combinaison des articles L. 1132-3-3 et L. 1332-4 du code du travail. Si cette protection reste conditionnée, notamment à ce que les faits dénoncés soient susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime (Soc. 4 nov. 2020 P, n° 18-15.669 P, Dalloz actualité, 24 nov. 2020, obs. L. de Montvalon ; D. 2020. 2242 ; Légipresse 2020. 654, et les obs. ) et à ce que la dénonciation soit faite de bonne foi (Soc. 13 janv. 2021 P, n° 19-21.138 P, Dalloz actualité, 26 janv. 2021, obs. L. Malfettes ; D. 2021. 139 ; Dr. soc. 2021. 365, obs. P. Adam ), elle n’en demeure pas moins importante, en particulier contre le licenciement. Est-ce à dire qu’un licenciement prononcé à l’encontre d’un lanceur d’alerte doit nécessairement être frappé de nullité dès lors que des faits potentiellement délictuels sont dénoncés de bonne foi ? C’est là précisément la question posée dans l’arrêt présentement commenté.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de directeur du service des tutelles par une association a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement. Quelques jours plus tard, le salarié a dénoncé à l’organe de tutelle de l’employeur des faits pénalement répréhensibles qui auraient été commis par l’association. Il a ensuite fait l’objet d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.
L’intéressé a alors saisi la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement, estimant que celui-ci était en lien avec la dénonciation. Les juges du fond estimèrent le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais rejetèrent les demandes du salarié quant à sa nullité, de sorte que ce dernier s’est pourvu en cassation.
Au visa de l’article 10, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel.
La haute juridiction a en effet affirmé qu’en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié intervenu pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité.
Les juges du fond avaient retenu que la lettre adressée à la direction par le salarié était postérieure à la convocation de celui-ci à l’entretien préalable au licenciement, la concomitance...
Le Conseil d’État a jugé à plusieurs reprises que, par dérogation à l’article R. 611-1 du code de justice administrative, « le tribunal administratif, juge de l’élection, n’est pas tenu de communiquer les mémoires en défense, non plus que les autres mémoires ultérieurement enregistrés, ou de procéder...
Le Sénat n’a pas pris le gouvernement en traître. Avant même l’adoption en conseil des ministres du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale il avait claironné son intention de lui donner du souffle (Ûv. AJDA 2021. 996Ü). Ou, selon, les rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, d’ « enrichir un texte qui manque cruellement d’ambition ».
C’est donc un texte considérablement amplifié que les sénateurs ont adopté le 21 juillet après y avoir introduit en particulier des dispositions issues de leurs cinquante propositions pour les libertés locales (ÛAJDA 2020. 1380Ü). Comme, au Palais du Luxembourg, on a de la mémoire, ils ont également profité de ce texte pour relancer des sujets sur lesquels ils n’avaient pas eu gain de cause comme le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités.
Extension du pouvoir réglementaire
Ainsi, au chapitre de la différenciation, les sénateurs veulent permettre à un ou plusieurs départements, une ou plusieurs régions ou une collectivité à statut particulier de « présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’un, de plusieurs ou de l’ensemble » des collectivités de ce niveau. Ils souhaitent également étendre le pouvoir réglementaire des collectivités, notamment pour donner aux départements davantage de contrôle sur les prestations d’aide...

Certaines professions, telles que les agents de contrôle des transports de la RATP, parce qu’elles impliquent le pouvoir de verbaliser, sont soumises à une prestation de serment préalable. Celle-ci impliquant de « jurer », elle peut se heurter frontalement à la liberté religieuse des intéressés. Et tel était précisément le cas dans l’arrêt présentement commenté.
Une agente a été engagée par la RATP en qualité de stagiaire, au sens du statut du personnel, son admission définitive dans le cadre permanent de la RATP étant subordonnée à son assermentation.
La RATP lui fit parvenir une convocation devant le tribunal de grande instance en vue de son assermentation en application de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer.
Or l’agent a indiqué lors de l’audience que sa religion chrétienne lui interdisait de prêter le serment, de sorte que ce dernier n’a pas été prêté.
L’agent a par la suite été licenciée au motif qu’elle avait refusé de prêter le serment, ces faits fautifs ne permettant pas son admission définitive dans le cadre permanent de la RATP.
L’agent a saisi la juridiction prud’homale afin de voir qualifier le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse, invoquant le fait qu’elle avait refusé de prononcer la formule du serment en raison de ses convictions religieuses en proposant toutefois une autre formule, conforme à sa religion, que le président de juridiction avait refusée.
Les juges du fond la déboutèrent de ses demandes, de sorte que l’intéressée se pourvut en cassation invoquant la nullité du licenciement pour discrimination fondée sur ses convictions religieuses.
La cour d’appel avait en effet avancé les arguments selon lesquels la formule juratoire litigieuse était présente dans les serments prêtés par de nombreuses professions, l’intéressée n’apposant du reste pas la main droite sur un texte religieux ni même sur la Constitution. La juridiction avait en outre considéré que la formule était dénuée de toute connotation religieuse et de toute référence à une autorité supérieure, et était seulement destinée à traduire l’engagement de celui qui la prononce à respecter loyalement et solennellement les obligations mises à sa charge, à savoir constater des infractions et dresser des procès-verbaux dans le respect des règles qui s’imposent à l’intéressé. Aussi en avait-elle déduit que l’employeur n’avait – en la licenciant – fait que respecter la loi qui exigeait une assermentation de la part de celle-ci pour pouvoir exercer ses fonctions.
La Cour de cassation va, au visa des articles 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article L. 1232-1 du code du travail, casser l’arrêt d’appel.
Elle va en effet rappeler que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ce droit impliquant la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. Elle va encore rappeler la – maintenant très classique – formule de l’alinéa 2 de l’article 9 de la Convention européenne, selon laquelle cette liberté « ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
Une protection européenne
Dans son raisonnement, la haute juridiction française va encore s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour rappeler que le devoir de neutralité et d’impartialité de l’État est incompatible avec un quelconque pouvoir d’appréciation de sa part quant à la légitimité des croyances religieuses ou des modalités d’expression de celles-ci (CEDH 1er juill. 2014, n° 43835/11, S.A.S. c. France, § 127, Dalloz actualité, 3 juill. 2014, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2014. 1348 ; ibid. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; ibid. 1866, étude P. Gervier ; D. 2014. 1451, et les obs. ; ibid. 1701, chron. C. Chassang ; ibid. 2015. 1007, obs. REGINE ; Constitutions 2014. 483, chron. M. Afroukh ; RSC 2014. 626, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2014. 620, obs. J. Hauser ; RTD eur. 2015. 95, chron. P. Ducoulombier ). Or il est maintenant bien acquis que les libertés européennes, parmi lesquelles la liberté de manifester ses convictions religieuses, comportent souvent une dimension négative, soit en l’occurrence le droit pour l’individu de ne pas être obligé de faire état de ses convictions religieuses et de ne pas être contraint d’adopter un comportement duquel on pourrait déduire qu’il a – ou n’a pas – de telles convictions. Il n’est pas loisible aux autorités étatiques de s’immiscer dans la liberté de conscience d’une personne en s’enquérant de ses convictions religieuses ou en l’obligeant à les manifester, et spécialement à le faire, notamment à l’occasion d’une prestation de serment, pour pouvoir exercer certaines fonctions (v. CEDH 21 févr. 2008, n° 19516/06, Alexandridis c. Grèce, § 38 ; 3 juin 2010, n° 42837/06 et a., Dimitras et autres c. Grèce, § 78, Dalloz actualité, 10 juin 2008, obs. C. de Gaudemont). Dans l’arrêt de la CEDH du 21 février 2008, le requérant devait – de façon similaire – prêter serment sur les Évangiles devant le tribunal pour être inscrit au barreau. Il avait alors dû révéler qu’il n’était pas chrétien orthodoxe et le tribunal l’avait autorisé à faire une déclaration solennelle, ce qui a conduit malgré tout la Grèce à une condamnation, la Cour considérant la liberté de manifester ses convictions religieuses dans son aspect négatif, qui implique l’interdiction pour les autorités étatiques de s’immiscer dans la liberté de conscience d’une personne en s’enquérant de ses convictions religieuses ou en l’obligeant à les manifester, notamment « à l’occasion d’une prestation de serment, pour pouvoir exercer certaines fonctions » (ibid.).
En considération de ce contexte jurisprudentiel, la Cour de cassation conclut en affirmant que l’agent n’avait commis aucune faute en sollicitant, lors de l’audience de prestation de serment, la possibilité de substituer à la formule « je le jure » celle d’un engagement solennel, de sorte que le licenciement pour faute au motif de son refus de prêter serment et de l’impossibilité consécutive d’obtenir son assermentation était sans cause réelle et sérieuse.
L’absence de nullité du licenciement
Ce n’est donc pas sur la piste du licenciement nul suggérée par le demandeur au pourvoi que s’engage la haute juridiction. Celle-ci a en effet estimé, à juste titre selon nous, que le licenciement n’a pas été prononcé par l’employeur en raison des convictions religieuses de la salariée. C’est en effet la circonstance, jugée fautive, du refus de prêter le serment prévu combiné à l’impossibilité d’exercer la profession sans être assermenté qui justifia la rupture de la relation.
Il paraît pour autant difficile, au regard de la jurisprudence antérieure et en particulier européenne, de pouvoir légitimement caractériser une faute grave au regard des circonstances. L’intéressée n’avait en effet pas refusé toute forme d’engagement déontologique, mais seulement le geste qui lui apparaissait incompatible avec sa religion. L’on notera que la CEDH pousse le degré d’exigence au niveau où l’intéressé doit non seulement ne pas se voir opposer un obstacle dirimant à la profession s’il refuse de prêter serment (comme ce fut le cas dans la présente espèce, le magistrat ayant refusé toute autre forme d’engagement solennel), mais ne doit pas même se voir confronté à une situation dans laquelle il serait amené à révéler – le cas échéant par son refus – ses convictions religieuses.
Cette circonstance devrait ainsi conduire à ouvrir plus largement le système de formalisation de l’assermentation des agents verbalisateurs qui, au regard du droit européen, ne devrait pas permettre de distinguer un salarié/agent ayant des convictions religieuses d’un autre.
La solution d’une sanction d’un licenciement jugé « seulement » sans cause réelle et sérieuse sans être frappé de nullité se démarque avec la ligne jurisprudentielle antérieure, la chambre sociale ayant déjà jugé dans une affaire aux faits pratiquement identiques qu’était nul le licenciement pour faute grave d’un agent de la RATP au motif qu’il n’avait pas obtenu son assermentation devant le tribunal, ce salarié ayant proposé, lors de sa prestation de serment, une formule de serment différente de celui prêté habituellement et conforme à sa religion chrétienne (Soc. 1er févr. 2017, n° 16-10.459 P, Dalloz actualité, 17 févr. 2017, obs. M. Peyronnet ; D. 2017. 550 , note J. Mouly ; ibid. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2017. 215, étude J.-G. Huglo et R. Weissmann ; RDT 2017. 332, obs. I. Desbarats ).
L’on notera que la Cour avait alors précisé que le serment prévu pour les agents de la RATP pouvait « être reçu selon les formes en usage dans leur religion », en avait déduit que le salarié n’avait commis aucune faute et que par conséquent son licenciement, prononcé en raison de ses convictions religieuses, était nul. Il s’agit donc d’un changement de cap qu’opère la haute juridiction qui ne semble plus y voir un licenciement nul comme étant fondé sur la violation d’une liberté fondamentale.
La solution prête à discussion en ce que si le licenciement ne trouve pas directement sa cause dans les convictions religieuses de l’intéressée mais plutôt dans son refus de prêter serment, il n’en demeure pas moins que l’un et l’autre restaient ici lié, la discrimination indirecte étant tout autant prohibée tant au niveau européen que national (v. not. C. trav., art. L. 1132-1, qui dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte).
Les employeurs du secteur des transports proposant des postes impliquant une assermentation devront donc désormais se montrer vigilants s’ils envisagent le licenciement de la personne ayant refusé de prêter serment pour un motif religieux. Celui-ci ne pourra en effet pas être licencié pour faute, sous peine de voir requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il restera alors trois hypothèses pour sortir de l’impasse : faire admettre une alternative au serment solennel compatible avec les convictions religieuses de chacun ; envisager un licenciement non disciplinaire, le cas échéant pour trouble au bon fonctionnement de l’entreprise. Cette dernière hypothèse, à notre sens plutôt risquée, deviendrait en effet plus envisageable si la chambre sociale n’associe plus le licenciement en pareil contexte à la violation de la liberté religieuse. La dernière hypothèse, présentant le moindre risque, consisterait alors dans la mesure où cela est possible, à positionner l’agent/le salarié sur un poste alternatif où l’assermentation n’est pas obligatoire.

Malgré des divergences qui paraissaient irréconciliables, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur ce texte inspiré des travaux de la convention citoyenne et pourtant largement critiqué pour son insuffisance (v. AJDA 2021. 300 ).
Le projet de loi se décline en sept titres et entend adapter les objectifs nationaux à la réalité de chaque territoire. Le Haut Conseil pour le climat est chargé d’évaluer annuellement la mise en œuvre des mesures prévues par la loi et, tous les trois ans, l’action des collectivités territoriales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique.
L’article préliminaire du projet de loi, inscrivant en droit français le nouvel objectif européen de...
Le Conseil d’État a annulé partiellement, le 16 juillet 2021, l’arrêté du maire de Saint-Étienne « portant code de la tranquillité publique », en jugeant qu’il portait une atteinte excessive à la liberté personnelle et en particulier à la liberté d’aller et venir.
Adopté le 15 octobre 2015 et en vigueur jusqu’au 15 janvier 2016, cet arrêté prohibait, dans son article 1er, « toute occupation abusive et prolongée des rues et autres dépendances ». Il précisait notamment qu’était considéré...
Dans les entreprises dépourvues d’institution représentative du personnel, le salarié convoqué à un entretien préalable au licenciement peut se faire assister par un conseiller inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative après consultation des organisations représentatives d’employeurs et de salariés au niveau national.
Le conseiller a souvent lui-même la qualité de salarié et exerce sa mission d’assistance sur son temps de travail.
Dans les établissements d’au moins onze salariés, l’employeur a l’obligation de laisser au salarié conseiller le temps nécessaire à l’exercice de sa mission dans la limite d’une durée qui ne peut excéder quinze heures par mois (C. trav., art. L. 1232-8).
Ce temps passé est assimilé à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d’assurances sociales et aux prestations...
L’action tendant à voir réputée non écrite la clause d’indexation n’est pas soumise à prescription. Seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, sauf à caractériser l’indivisibilité de la clause d’indexation.
Adopté en conseil des ministres hier soir, le texte sera en commission à l’Assemblée nationale dès aujourd’hui 14 heures, et en séance demain. L’objectif est qu’il soit adopté définitivement dès dimanche. Le Conseil constitutionnel devrait être saisi.
Pour justifier ces mesures répressives, le gouvernement, dans l’étude d’impact, souligne le caractère très contagieux du variant Delta. Face au rebond épidémique, l’article premier repousse, jusqu’au 31 décembre 2021, la possibilité pour le Premier ministre des mesures exceptionnelles dans le cadre de la sortie de l’état d’urgence sanitaire. L’état d’urgence sanitaire est par ailleurs prolongé à la Réunion et la Martinique jusqu’au 30 septembre.
Extension du passe sanitaire
Le passe sanitaire (qui indique la fin du parcours vaccinal, un test négatif ou que la personne a eu le covid récemment) va être élargi. Jusqu’ici limité aux grands événements, il pourra dorénavant être exigé pour l’accès à de nombreuses activités : loisirs, bars, restauration (à l’exception de la restauration professionnelle), foires et salons professionnels. Il pourra également être exigé pour l’accès aux services et établissements de santé ou sociaux, pour les accompagnants, visiteurs ou personnes accueillies pour des soins programmés. Le passe pourra aussi être exigé pour les activités de transport public de longue distance, sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif. Le Conseil d’État suggérait de repousser ce passe pour les centres commerciaux, l’accès aux biens de première nécessité n’étant alors plus forcément garanti. Mais le gouvernement cherche un compromis et le passe ne sera pas exigible en l’absence d’alternative.
Le passe sera applicable au public dès promulgation de la loi et, à compter du 30 août, aux salariés des lieux visés. Si un salarié ne présente pas de justificatif, il sera suspendu, sans salaire, jusqu’à ce qu’il soit produit. Si la situation se prolonge pendant cinq jours, il sera convoqué à un entretien. Au bout de deux mois, il pourra être licencié, la loi créant un motif spécifique justifiant la cessation définitive des fonctions ou la rupture du contrat de travail.
L’absence de contrôle par le gestionnaire d’un établissement soumis au passe sera punie d’une contravention de cinquième classe. Au bout de trois manquements en trente jours, les faits seront punis d’un an de prison. Le fait d’exiger un passe hors des cas prévus par la loi reste un délit. Un décret déterminera les aménagements pour les mineurs et les personnes justifiant d’une contre-indication médicale à la vaccination.
Le Conseil d’État a validé l’essentiel du dispositif malgré « l’atteinte particulièrement forte aux libertés », en raison de la situation sanitaire. Toutefois, l’application du passe « doit être justifiée par l’intérêt spécifique de la mesure pour limiter la propagation de l’épidémie, et non par un objectif qui consisterait à inciter les personnes concernées à se faire vacciner ». Par ailleurs, le caractère proportionné de cette mesure devra être réévalué en cas d’amélioration de la situation ou si les tests étaient rendus payants.
L’isolement des cas positifs
Autre mesure très contestée, l’isolement de l’ensemble des cas positifs, prévue par l’article 4. Dès que la personne aura été testée positive, elle sera placée à l’isolement pour dix jours non renouvelable, dans le lieu d’hébergement de son choix. Le placement en isolement cessera en cas de nouveau test négatif. Les personnes ne pourront sortir qu’entre 10 heures et 12 heures, sauf cas d’urgence ou déplacements strictement indispensables. Elles pourront demander un aménagement si elles justifient de contraintes familiales ou personnelles.
Il sera possible pour les agents de police de se rendre au lieu d’hébergement déclaré pour vérifier que la personne s’y trouve bien, sauf entre 23 heures et 8 heures. Une violation de l’obligation sera punie d’une contravention de quatrième classe, passible de prison à la troisième infraction.
Ce placement se fera de manière automatique, sans examen individuel. Néanmoins, il sera possible de faire à tout moment un recours auprès du juge des libertés et de la détention, qui devra statuer dans un délai de soixante-douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire. Ces mesures très contraignantes pourraient pousser des personnes à ne pas se faire tester, comme le craint l’Académie de médecine.
Vaccination obligatoire
L’étude d’impact rappelle les nombreux cas où la loi prévoit déjà une obligation vaccinale. L’article 5 du projet de loi l’étend, à partir du 15 septembre, au covid-19 pour un certain nombre de professions : personnels exerçant dans les centres de santé, les établissements et services médico-sociaux, les EHPAD et résidence-services ; professionnels de santé ; psychologues ; ostéopathes ; pompiers ; ambulanciers ; employés de bénéficiaires de l’APA, etc.
Les personnels non vaccinés pourront jusqu’au 15 septembre présenter des tests négatifs. Comme pour le passe sanitaire, les personnes pourront ensuite être suspendues, sans salaire. Et au bout de deux mois, elles pourront être licenciées. Le Conseil d’État a validé l’essentiel du dispositif. Il a toutefois introduit des règles de procédure prévues pour les licenciements. Il a également regretté que le Conseil commun de la fonction publique (CCFP) et le Conseil supérieur des personnels médicaux n’aient pas été consultés. Enfin, il « recommande que ces mesures n’entrent en vigueur qu’à l’expiration d’un délai adéquat permettant aux personnes concernées de recevoir le nombre de doses requises ».
Saisi d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat (CE 15 juill. 2020, n° 431703, Société BEMH, Conseil national des centres commerciaux, Lebon T. ; AJDA 2020. 1446), la Cour relève qu’il ressort de l’article 14, point 6, que les Etats membres ne sauraient subordonner l’accès à une activité de services ou son exercice à l’intervention, directe ou indirecte, d’opérateurs concurrents dans l’octroi d’autorisations. Selon elle, «...
Les militaires des États membres de l’Union européenne ne peuvent pas être totalement exclus des droits conférés aux travailleurs par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, a jugé la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Cet arrêt a pour origine un litige sur le versement d’heures supplémentaires entre le ministère slovène de la défense et un ancien sous-officier. La juridiction de renvoi ne doutait apparemment pas de l’applicabilité de la directive et demandait une interprétation de celle-ci. Mais, au cours de la procédure, les gouvernements français et espagnol ont soutenu que cette question relèverait des modalités d’organisation des forces armées des États, exclues du champ d’application du droit de l’Union par l’article 4, paragraphe 2, TUE. La Cour a donc reformulé la question pour répondre non seulement à la juridiction slovène mais aussi aux autres États membres.
Cette réponse est sans ambigüité : « bien qu’il appartienne aux seuls États membres de définir leurs intérêts essentiels de sécurité et d’arrêter les mesures propres à assurer leur sécurité intérieure et extérieure, y compris les décisions relatives à...

Après avoir longtemps assumé une filiation avec le droit civil en matière de prescription, le droit du travail s’est progressivement émancipé des règles de droit commun pour dégager un régime propre ou presque. Cette évolution s’est construite suivant une logique constante de raccourcissement des délais, d’abord initié à l’occasion de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 (L. n° 2013-504, 14 juin 2013), puis définitivement consacré par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. Définie comme un « mode d’extinction du droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps » (C. civ., art. 2219), la prescription conditionne la validité de l’action entreprise par le salarié qui ne peut plus faire valoir ses droits une fois la prescription acquise.
Pierre angulaire de la prescription en matière de relations individuelles de travail, l’article L. 1471-1 décline les délais d’action selon la nature des prétentions émises. On sait que le délai de prescription extinctive de toute action portant sur l’exécution du contrat de travail est de deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit (C. trav., art. L. 1471-1, al. 1). En parallèle, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture (C. trav., art. L. 1471-1, al. 2). Le législateur a par ailleurs multiplié les voies de l’exception. Ainsi, les actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail (C. civ., art. 2226), les actions en paiement ou en répétition du salaire (C. trav., art. L. 3245-1) et les actions visant des faits de discrimination ou de harcèlement (C. trav., art. L. 1134-5 ; art. L. 1152-1 ; art. L. 1153-1) se prescrivent respectivement par dix ans, trois ans et cinq ans. À cela s’ajoutent diverses dispositions légales prévoyant des délais spécifiques s’agissant par exemple de la régularité de la procédure de licenciement pour motif économique en raison de l’absence ou de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi (C. trav., art. L. 1235-7 : douze mois), de la validité d’une rupture conventionnelle homologuée (C. trav., art. L. 1237-14 : douze mois) ou encore de la dénonciation par le salarié du reçu pour solde de tout compte (C. trav., art L. 1234-20 : six mois).
Dans la pratique, la prescription est un enjeu de taille pour le salarié, qu’il s’agisse de déterminer le régime applicable à l’action intentée et/ou le point de départ du délai. À la lumière de plusieurs décisions rendues le 30 juin 2021, la Cour de cassation nous livre de précieuses réponses s’agissant de la prescription de l’action engagée par le salarié, selon la nature de la créance invoquée.
Action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait : prescription triennale (pourvoi n° 18-23.932)
Ainsi, la chambre sociale précise que « l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail ». Dans le cas présent, l’employeur faisait valoir à l’appui du pourvoi que l’action en contestation de la convention de forfait jours, quand bien même elle tendait incidemment à un rappel de salaire, portait nécessairement sur l’exécution du contrat de travail, de sorte qu’elle aurait dû être engagée dans un délai de deux ans. La cour d’appel relevait en revanche que le salarié ne demandait pas à ce que soit prononcée la nullité de la convention individuelle de forfait en jours intégrée à son contrat de travail. Ce dernier sollicitait simplement un rappel de salaire sur heures supplémentaires en faisant valoir l’inopposabilité de cette convention, laquelle avait été conclue alors que la société n’était pas dotée d’un accord d’entreprise. En ce sens, la chambre sociale avait admis qu’un salarié puisse réclamer le paiement d’heures supplémentaires et invoquer la nullité de la convention de forfait en jours à titre incident dès lors que la demande avait été formulée avant que la prescription triennale ne soit acquise (Soc. 27 mars 2019, n° 17-23.314, Dalloz actualité, 6 mai 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 705 ; ibid. 1558, chron. A. David, F. Le Masne de Chermont, A. Prache et F. Salomon ).
Action en paiement de sommes résultant d’une action en requalification d’un contrat : prescription triennale
Autre enseignement : lorsque la demande en paiement de sommes diverses résulte d’une action en requalification d’un contrat de travail à temps complet et en reclassification professionnelle, il y a lieu d’appliquer la prescription triennale instituée par l’article L. 3245-1 du code du travail (pourvoi n° 19-10.161). Pour la chambre sociale, il s’agit d’une action afférente au salaire, quand bien même les réclamations d’ordre pécuniaire sont la conséquence de prétentions visant la requalification à temps complet du contrat de travail. Sur le principe, rien ne faisait obstacle à ce que la demande soit soumise à la prescription biennale applicable aux requêtes portant sur l’exécution du contrat. En effet, force est de constater qu’il existe un lien fort, sinon exclusif, avec la problématique de la durée du temps de travail. Ce n’est pourtant pas la voie suivie par la chambre sociale, qui s’en était déjà détournée par le passé en privilégiant la prescription triennale après avoir assimilé la demande de requalification d’un contrat de travail en contrat à temps complet à une action en paiement du salaire (Soc. 19 déc. 2018, n° 16-20.522 P ; 9 sept. 2020, n° 18-24.831 P).
Point de départ du délai de prescription en cas de succession de contrats de mission (n° 19-16.655)
En parallèle, la Cour de cassation souligne que « le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de mission à l’égard de l’entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat » (n° 19-16.655). Par ailleurs, « le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission » (n° 19-16.655). Dès lors qu’il n’est pas justifié par un cas légal de recours, le contrat d’intérim peut être requalifié en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice. Dans cette hypothèse, le délai de prescription commence à courir à l’issue du dernier contrat d’intérim mais ses effets sont susceptibles d’être appréciés à partir du premier contrat irrégulier, suivant une lecture scrupuleuse de l’article L. 1251-40 du code du travail. Déjà, sous l’empire des anciennes dispositions fondées sur la prescription quinquennale de droit commun, la Cour de cassation avait fait prévaloir la date de rupture de la relation contractuelle pour déterminer le point de départ de la prescription (Soc. 13 juin 2012, n° 10-26.387, Dalloz actualité, 10 juill. 2012, obs. B. Ines ; D. 2012. 1682 ). La chambre sociale enracine un peu plus sa solution, et conforte la jurisprudence dégagée parallèlement en matière de CDD. Pour rappel, lorsque le recours à de multiples CDD a pour objet de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise, le délai de prescription ne court qu’au terme du dernier CDD (Soc. 8 nov. 2017, n° 16-17.499 P, Dalloz actualité, 22 mai 2018, obs. C. Couëdel ; JA 2018, n° 583, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; 29 janv. 2020, n° 18-15.359, Dalloz actualité, 27 févr. 2020, obs. L. Malfettes ; D. 2020. 286 ; ibid. 1740, chron. A. David, M.-P. Lanoue, A. Prache et T. Silhol ; JA 2020, n° 622, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2020. 847, étude L. Bento de Carvalho et S. Tournaux ; RDT 2020. 114, obs. D. Baugard ).
Demande de monétisation de jours épargnés sur le compte épargne-temps : prescription triennale
Parmi les cinq décisions rendues le même jour, l’une se révèle être intéressante à plusieurs égards. Tenant compte de l’objet du compte épargne-temps, la chambre sociale retient que « l’action relative à l’utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale » (pourvoi n° 19-14.543). En effet, le compte épargne-temps favorise l’accumulation de droits à congé rémunéré ou le bénéfice d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie notamment de périodes de congé ou de repos non prises, voire de sommes directement affectées à ce titre. Par conséquent, la demande de monétisation de jours épargnés sur le compte épargne-temps se prescrit par trois ans et non par deux ans comme le faisait valoir la cour d’appel.
Médaille du travail et discrimination : prescription quinquennale
En outre, la Cour de cassation souligne que la demande en versement d’une gratification conventionnelle afférente à la médaille du travail en raison des années d’ancienneté dans l’entreprise suit le régime de la prescription quinquennale dès lors que l’action est initiée à raison de faits de discrimination commis en application d’un accord collectif. En l’espèce, le salarié estimait avoir été privé de la gratification conventionnelle versée aux salariés justifiant d’une ancienneté de plus de trente-cinq années et ayant reçu une médaille de travail. Selon lui, le non-paiement de la gratification engendrait une discrimination en raison de l’âge, laquelle était couverte par la prescription quinquennale. Dans le sillage de sa jurisprudence (Soc. 9 oct. 2019, n° 17-16.642, Dalloz actualité, 15 nov. 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 1999 ; ibid. 2020. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ), la haute juridiction retient le caractère discriminatoire pour finalement admettre que l’action n’était pas prescrite à la date de saisine de la juridiction prud’homale.
Demande de rappel de salaires fondée sur une atteinte au principe d’égalité de traitement : prescription triennale
En revanche, la demande de rappel de salaires fondée non pas sur une discrimination mais sur une atteinte au principe d’égalité de traitement échappe à la prescription quinquennale (pourvoi n° 20-12.960). Dans ce cas, l’action en cause est couverte par la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail. Pour rappel, la jurisprudence distingue la discrimination de l’atteinte au principe d’égalité de traitement en ce que cette dernière suppose nécessairement une comparaison entre la situation du demandeur et celle des autres salariés (Soc. 12 juin 2019, n° 17-31.295). Tel n’est pas le cas dans l’hypothèse d’une discrimination, laquelle implique, par définition, l’existence d’un motif discriminatoire, et donc illicite, tiré de l’article L. 1132-1. Contrairement à ce que faisait valoir le pourvoi, la réparation intégrale d’un dommage né d’une discrimination n’oblige pas à placer celui qui l’a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu. Cela relève en réalité du principe d’inégalité de traitement, ce qui a conduit la cour d’appel à admettre que la demande de rappels de salaire était recevable uniquement dans la limite de la prescription triennale.
In fine, la Cour de cassation procède suivant une logique distributive, en tenant rigoureusement compte de la nature de la créance objet de la demande pour déterminer le régime de la prescription. Avec la profusion récente des délais de prescription en droit du travail, le résultat en est d’autant plus complexe pour le salarié qui devra opter pour une stratégie judiciaire réfléchie, voire parfois audacieuse, afin que sa demande puisse aboutir.
Au deuxième trimestre 2021, l’indice de référence des loyers (IRL) tel que modifié par l’article 9 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 sur le pouvoir d’achat, s’élève à 131,12 soit une hausse de 0,42 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 179, 13 juill. 2021).
Le Conseil d’État met un point final à une bataille juridique portant sur l’interdiction des néonicotinoïdes en rejetant le recours de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) et de trois organisations de producteurs qui demandaient l’annulation du décret n° 2018-675 du 30 juillet 2018 relatif à la définition des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques (req. n° 424617).
L’article 125 de la loi Biodiversité du 8 août 2016 prévoyait en effet l’interdiction de l’utilisation de tels produits phytopharmaceutiques à compter du 1er septembre 2018. Avant de trancher au...
M. B…, de nationalité afghane, se pourvoit en cassation contre deux arrêts de la CNDA, le premier, du 28 octobre 2020, rejetant sa demande de récusation d’un membre de la juridiction, le second, du 19 novembre de la même année, refusant d’annuler la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître le statut de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire.
Motifs de récusation
Sur la décision du 28 octobre, le Conseil d’État relève que la circonstance qu’un requérant, à la différence de son avocat, n’aurait pas été convoqué à l’audience statuant sur la demande de récusation n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie. De plus, la circonstance que l’un des juges...
Airbnb Ireland est responsable de ne pas avoir affiché les numéros d’enregistrement des déclarations sur les annonces parisiennes des locations meublées touristiques.
Le droit de préférence légal du locataire commercial de l’article L. 145-46-1 du code de commerce est récent et son application restent complexe. Il importe d’appréhender ce droit en présence de locaux consentis à bail commercial dans des immeubles soumis au régime de la copropriété. Avec Pierre-Édouard Lagraulet, avocat au barreau de Paris, et Pierre de Plater, juriste au cabinet PDPavocat, tous deux docteurs en droit.

M. Quintanel faisait partie des hommes fonctionnaires qui ont espéré, au début des années 2000, bénéficier de la jurisprudence Griesmar (CJCE 29 nov. 2001, aff. C-366/99, Griesmar c. Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, AJDA 2000. 808, chron. H. Chavrier, H. Legal et G. de Bergues ; ibid. 2002. 326, chron. C. Lambert, J.-M. Belorgey et S. Gervasoni ; D. 2002. 134, et les obs. ; AJFP 2002. 4, et les obs. , note P. Boutelet ; ibid. 11, note A. Fitte-Duval ; Dr. soc. 2002. 178, note M.-T. Lanquetin ; ibid. 2003. 751, chron. S. Van Raepenbusch ; RDSS 2002. 375, obs. F. Muller ) pour obtenir les avantages de retraite alors réservés aux femmes. On se souvient que, pour mettre fin à cette vague de demandes, la loi de 2003 sur les retraites a ouvert ces avantages aux deux sexes, tout en subordonnant leur obtention à une interruption d’activité de deux mois au moment de la naissance de l’enfant. Une condition que les femmes remplissent aisément, en raison du congé de maternité, et les hommes – particulièrement ceux de la génération concernée – quasiment jamais.
M. Quintanel et d’autres ont alors tenté d’engager la responsabilité de l’État pour violation du droit de l’Union européenne en plaidant la discrimination indirecte. L’un d’entre eux a obtenu que la Cour de justice des communautés européennes reconnaisse cette discrimination (CJUE 17 juill. 2014, aff. C-173/13, Leone [Epx] c. Garde des Sceaux, ministre de la justice c. Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, Dalloz actualité, 23 juill. 2014, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2014. 1519 ; ibid. 2295, chron. E. Broussy, H. Cassagnabère et C. Gänser ; AJFP 2015. 148 , comm. C. Mayeur-Carpentier ; RDSS 2014. 1073, note C. Boutayeb ). Néanmoins, l’assemblée du contentieux, conciliant « déférence communautaire et résistance nationale » (G. Alberton), a jugé que la...
Mme B…, assistante maternelle depuis 2006, a sollicité en 2015 le renouvellement de son agrément. Au cours de l’instruction, le département des Alpes-Maritimes a été averti par la commune de résidence de l’intéressée que le domicile de celle-ci avait fait l’objet d’une perquisition administrative le 26 novembre 2015. Le président du conseil départemental a, par une décision du 13 janvier 2016, retiré son agrément. Saisi par Mme B…, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui a infirmé le jugement. Pour rejeter la demande, la cour s’est seulement fondée sur les circonstances que le département avait été informé par la mairie de la perquisition administrative faite à son domicile, que l’intéressée n’en avait...
Mme B…, assistante maternelle depuis 2006, a sollicité en 2015 le renouvellement de son agrément. Au cours de l’instruction, le département des Alpes-Maritimes a été averti par la commune de résidence de l’intéressée que le domicile de celle-ci avait fait l’objet d’une perquisition administrative le 26 novembre 2015. Le président du conseil départemental a, par une décision du 13 janvier 2016, retiré son agrément. Saisi par Mme B…, le tribunal administratif de Nice a annulé cette décision. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille qui a infirmé le jugement. Pour rejeter la demande, la cour s’est seulement fondée sur les circonstances que le département avait été informé par la mairie de la perquisition administrative faite à son domicile, que l’intéressée n’en avait...
Le conseiller du salarié, autrefois dénommé « conseiller extérieur », est appelé à intervenir aux côtés de celui-ci lorsqu’il est convoqué à un entretien préalable au licenciement alors qu’il travaille dans une entreprise dépourvue de représentants du personnel (C. trav., art. L. 1232-4). Choisi sur une liste dressée dans chaque département par le préfet, il jouit de certains droits lui permettant d’exercer au mieux sa mission. Ainsi, une indemnisation forfaitaire annuelle tend à lui permettre de couvrir tout ou partie de ses frais administratifs et documentaires (C. trav., art. D. 1232-8) et la prise en charge de ses frais de déplacement est prévue. Il bénéficie d’un droit à formation (C. trav., art. L. 1232-12). S’il est salarié, le code du travail lui donne par ailleurs l’autorisation de s’absenter de son travail avec maintien de sa rémunération (C. trav., art. L. 1232-8 s.). Mais c’est sans doute l’application du statut des salariés protégés aux conseillers qui marque l’importance du rôle qu’on leur a confié, par la protection contre la rupture de leur contrat de travail dont ils disposent ainsi.
Selon le code du travail, dans le...
Placement des enfants
Les députés ont fait avancer le texte sur plusieurs points. L’hébergement d’enfants à l’hôtel, possibilité souvent utilisée pour les mineurs non accompagnés, a été source de nombreuses dérives. Cette possibilité sera limitée à deux mois, pour répondre à des situations d’urgence. Les députés ont prévu qu’un décret fixera des normes minimales de prise en charge.
L’article 2 ter du projet de loi prévoit qu’en cas de placement, les fratries ne seront plus séparées, sauf si l’intérêt d’un enfant le commande une autre solution.
L’article premier sur la remise d’une enfant à un membre de sa famille ou à un tiers a été complété, pour garantir, dans ce cas, un accompagnement systématique et permettre un dispositif de visite médiatisée. Par ailleurs, par amendement gouvernemental, l’allocation de rentrée scolaire sera directement versée aux parents en cas de mesure de placement à domicile.
Les députés se sont également penchés sur le cas des jeunes majeurs, anciennement placés. À la suite de leur sortie des dispositifs de l’aide sociale à l’enfance, de très nombreux jeunes sont dans des « situations très précaires ». Un amendement gouvernemental imposera dorénavant une prise en chargé des majeurs de moins de 21 ans, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité et « [qu’ils] éprouvent des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants ». Cette prise en charge se fera à titre temporaire et sera en plus du dispositif « garantie jeunes ». Par ailleurs, les jeunes majeurs sortant du dispositif de protection de l’enfance feront partie des publics prioritaires pour bénéficier d’un logement social.
Décisions judiciaires
Le texte prévoit qu’en matière d’assistance éducative, le juge des enfants pourra demander au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement lorsque son intérêt l’exige.
Le nouvel article 3 bis A vise à favoriser l’échange d’information entre services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires.
Un parent privé de l’exercice de l’autorité parentale par une décision judiciaire ne recouvrera plus automatiquement ce droit en raison du décès de l’autre parent. Contre l’avis du gouvernement, un amendement adopté prévoit que la formation collégiale en matière d’assistance éducative devra être composée de trois juges des enfants.
Organisation de la protection de l’enfance
Les missions du nouveau « Groupement d’intérêt public pour la protection de l’enfance, l’adoption et l’accès aux origines personnelles » ont été précisées.
Les centres de « planification et éducation familiale » seront renommés en centres « de santé sexuelle et reproductive », une dénomination jugée moins infantilisante. Les sages-femmes pourront les diriger. Le rôle des PMI en soutien à la parentalité se voit reconnu. Les infirmières puéricultrices pourront prescrire des dispositifs médicaux de soutien à l’allaitement.
Un amendement permettra d’expérimenter la création de « maison de l’enfant et de la famille », pour regrouper différents professionnels.
Mineurs non accompagnés
Sur le contrôle des mineurs isolés, le texte a peu évolué. Toutefois, si la minorité a été constatée, il ne sera plus possible qu’un autre département la réévalue.
À noter, les dispositions pour imposer les prises d’empreinte des gardés à vue avaient été retirées en dernière minute de l’avant-projet de loi. Elles seront intégrées avec plusieurs dispositions sécuritaires dans un nouveau projet de loi Sécurité, qui sera fin juillet en conseil des ministres, avec des dispositions sur les drones et l’irresponsabilité pénale.
Le gouvernement dit vouloir lutter plus efficacement contre les inégalités mondiales et protéger les biens publics mondiaux, en portant à l’international ses valeurs et ses priorités, en particulier dans les domaines de la santé, du climat, de la biodiversité, de l’éducation et l’égalité entre les femmes et les hommes. Le...
Le Conseil d’État a annulé partiellement, le 8 juillet, l’arrêté des ministres de la Santé et de l’enseignement supérieur du 5 mai 2021 fixant le nombre d’étudiants de première année commune aux études de santé (PACES) autorisés à poursuivre leurs études en médecine, odontologie, pharmacie et maïeutique à la rentrée universitaire 2021-2022. Sa décision, précise la Haute juridiction, implique l’obligation pour quinze universités d’accroître les capacités d’accueil en deuxième année du premier cycle des études de santé.
L’arrêté du 5 mai 2021 avait été pris pour remplacer un premier arrêté du 25 janvier, suspendu par le juge des référés (CE, ord., 28 avr. 2021, n° 451563). Il s’agit donc de la seconde intervention du juge administratif dans la mise en place de la réforme des études de santé,...
La commune de Neuilly-sur-Seine n’ayant atteint que 49 % de ses objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux au cours de la période triennale 2005-2007, le préfet des Hauts-de-Seine a prononcé sa carence et a, parallèlement, saisi la commission départementale mentionnée à l’article L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Celle-ci ayant estimé que ces manquements s’expliquaient par des raisons objectives, elle a saisi la commission nationale mentionnée au même article qui a recommandé au ministre chargé du logement de ramener de 746 à 600 logements les obligations de la commune au titre de la période 2008-2010. Le ministre a...
Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l’existence de « raisons objectives » justifiant un aménagement des obligations qui pèsent sur une commune en matière de réalisation de logements sociaux.
L’insertion dans un contrat de droit privé d’une clause dont la méconnaissance est sanctionnée d’une pénalité applicable au profit d’une personne publique ne rend pas ledit contrat administratif.
Un particulier acquiert un bien immobilier à usage de logement auprès de la société Bouygues immobilier, situé à Roquebrune-Cap-Martin dans le cadre d’une accession aidée. L’acte de vente, daté du 27 octobre 2011, inclut une clause qui limite les possibilités de location du bien immobilier pour une durée de quinze ans – clause assortie d’une pénalité, correspondant à 50 % du loyer perçu, en faveur de la Communauté d’Agglomération de la Riviera Française (CARF). Le 1er août 2016, la CARF émet un titre exécutoire à l’encontre du propriétaire pour infraction à la clause relative à l’accession aidée. Le propriétaire assigne alors la CARF devant le Tribunal d’instance de Menton en annulation du titre exécutoire.
Par un jugement rendu le 13 mars 2018, le Tribunal d’instance de Menton se déclare incompétent pour connaître du litige, considérant qu’il relève de la juridiction...
Le site du Grand Parquet, situé dans la forêt domaniale de Fontainebleau et géré par l’EPIC Pays de Fontainebleau Tourisme, a été, par des contrats conclus chaque année de 2007 à 2014, mis à la disposition de l’association Sport Concept pour y organiser un concours hippique. En 2014, le président de l’EPIC a informé l’association que le concours ne serait pas organisé en 2015. Un recours a été formé pour obtenir une indemnité en...
Le juge administratif est compétent en cas de litige portant sur le refus de renouvellement d’un contrat comportant autorisation d’occupation du domaine public opposé par un établissement public industriel et commercial (EPIC).
Multiples et hétérogènes, les pouvoirs d’enquête de l’administration nécessitent un urgent travail d’harmonisation et de rationalisation, conclut le Conseil d’État dans une étude rendue publique le 6 juillet.
Le recensement des agents titulaires de ces pouvoirs est si complexe qu’au bout d’une année de travail, le Conseil d’État « n’est pas en mesure d’en garantir l’exhaustivité ». Les administrations elles-mêmes ne...

Principale manifestation du pouvoir normatif de l’employeur au sein de l’entreprise, le règlement intérieur est un élément clé en matière de discipline et de santé et sécurité au travail. Destiné à mettre en lumière des règles générales et permanentes, son élaboration est étroitement encadrée, sans quoi le règlement intérieur est réputé inopposable au salarié. Le règlement intérieur doit d’abord être soumis à l’avis du comité social et économique (CSE) (C. trav., art. L. 1321-4) avant de faire l’objet de mesures de publicité (C. trav., art. R. 1321-1). Le règlement intérieur doit par ailleurs être déposé au greffe du conseil de prud’hommes du ressort de l’entreprise ou de l’établissement (C. trav., art. L. 1321-4 et art. R. 1321-2). Enfin, le règlement intérieur doit être communiqué à l’inspecteur du travail, ce dernier étant libre d’exiger le retrait ou la modification des dispositions contraires aux prescriptions du code du travail relatives au contenu du règlement intérieur (C. trav., art. L. 1321-4 ; art. R. 1321-4 et art. L. 1322-1). Ces différentes formalités conditionnent la mise en œuvre du contenu obligatoire du règlement intérieur (Soc. 9 mai 2012, n° 11-13.687 P, Dalloz actualité, 7 juin 2012, obs. C. Fleuriot ; D. 2012. 1340 ; RDT 2012. 564, obs. V. Pontif ; 1er juill. 2020, n° 18-24.556) et doivent être respectées même dans l’hypothèse d’une modification du règlement intérieur, en cas d’ajouts ou d’adjonctions (C. trav., art. L. 1321-5). Mais qu’en est-il lorsque la modification intervient consécutivement à la demande de l’inspection du travail ? L’employeur, contraint d’adapter le contenu du règlement intérieur, doit-il de nouveau consulter les membres...
Le Conseil d’État était saisi par plusieurs associations de requêtes tendant à l’annulation de la délibération du 5 novembre 2019 du conseil d’administration de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) décidant le maintien inchangé de l’ensemble de la liste des pays d’origine sûrs fixée en octobre 2015.
Il relève que la situation du Bénin s’était dégradée de façon préoccupante, celui-ci traversant une grave crise politique, en particulier depuis les élections...
Les enquêtes SPACE sont réalisées chaque année pour le Conseil de l’Europe. L’enquête SPACE I réunit des informations fournies par les administrations pénitentiaires des 47 États membres du Conseil de l’Europe, alors que l’enquête SPACE II s’intéresse aux personnes placées sous la surveillance de services de probation.
Population et densité carcérales
L’étude note que, « depuis 2013, année où il a atteint le niveau record de 131 détenus pour 100 000 habitants, le taux d’incarcération diminue chaque année » dans les pays membres du Conseil de l’Europe. Une diminution globale qui a été « de 20 % entre 2013 et 2020 ». Selon le professeur Marcelo Aebi, qui dirige l’équipe de chercheurs de l’université de Lausanne chargés du projet SPACE, « cette baisse s’explique en partie par la diminution […] du nombre d’infractions traditionnelles, comme les vols et les cambriolages, qui n’est pas compensée par l’augmentation des infractions commises dans le cyberespace, notamment des cyberfraudes. La cybercriminalité entraîne moins de condamnations car les auteurs de ces infractions sont souvent basés hors du territoire national et sont difficiles à retrouver et à...

Thématique devenue incontournable, les droits et libertés fondamentaux infusent le droit du travail. Qu’il s’agisse de libertés individuelles ou collectives, les droits fondamentaux du salarié prennent corps dans des principes divers tels que la liberté syndicale, la liberté d’expression, la protection de la santé et la sécurité ou encore le droit à une vie personnelle. Destiné à dissocier son statut de salarié de celui d’« être social », le droit au respect de la vie privée s’exprime à la fois au travail et en dehors, même si le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a rendu la frontière relativement poreuse.
D’un côté, l’employeur n’est pas admis à empiéter sur ce qui relève de la vie personnelle du salarié, en recueillant par exemple des informations en lien avec sa vie privée ou en mobilisant des faits tirés de la sphère personnelle pour motiver une sanction disciplinaire (Soc. 9 mars 2011, n° 09-42.150, Dalloz actualité, 18 mars 2011, obs. A. Astaix). De l’autre, le salarié s’est vu reconnaître un droit à une vie personnelle au temps et lieu de travail (Soc. 2 oct. 2001, n° 99-42.727, Nikon, D. 2002. 768, et les obs. , obs. M. Mercat-Bruns ; ibid. 2297, obs. A. Lepage ; Dr. soc. 2001. 915, note J.-E. Ray ; ibid. 1039, note J.-E. Ray ; RTD civ. 2002. 72, obs. J. Hauser ). Pourtant placé sous la subordination juridique de son employeur, le salarié est libre de faire vivre ses croyances et d’exprimer des choix personnels au travail.
Pour autant, l’employeur peut contrôler l’exécution du travail et surveiller et éventuellement sanctionner le salarié défaillant. Pour cela, et à condition de respecter un cadre contraignant, l’employeur est admis à recourir à différents procédés tels que la géolocalisation ou la vidéosurveillance. Rappelons toutefois quelques règles élémentaires s’agissant de la mise en place et de l’exploitation de ce type de dispositifs. Dans tous les cas, l’installation du mécanisme doit être conduite selon les principes de transparence – à l’égard des salariés comme des institutions représentatives du personnel – et de proportionnalité. Dès lors que le respect des droits de la personne du salarié est en cause, l’atteinte doit nécessairement être justifiée et appropriée suivant la fameuse maxime issue de l’article L. 1121-1 du code du travail.
La mise en balance des droits et libertés fondamentaux du salarié et des intérêts légitimes de l’employeur a donné lieu à un abondant contentieux. Malgré tout, il est parfois difficile de savoir où cesse la liberté du salarié et où commence l’expression du pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur. Bien souvent, l’enjeu principal réside dans la licéité du mode de preuve tiré d’un dispositif dont la légitimité est contestée. Dans un arrêt du 23 juin 2021, la chambre sociale nous livre un nouvel exemple et nous éclaire sur l’étendue ainsi que sur les modalités de contrôle du salarié au moyen d’un dispositif de vidéosurveillance.
En l’espèce, un salarié qui travaillait comme cuisinier dans une pizzeria avait été licencié pour faute grave à raison de faits que l’employeur entendait justifier à partir d’images tirées d’un dispositif de vidéosurveillance. Le salarié saisissait le conseil de prud’hommes afin de contester son licenciement. La cour d’appel lui donnait raison et condamnait l’employeur à payer différentes sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, de rappels de salaire et congés payés afférents et dommages-intérêts pour licenciement abusif. Pour la cour d’appel de Paris, le mode de preuve constitué par les enregistrements provenant de la vidéosurveillance devait être jugé inopposable dès lors que l’installation d’une caméra dans un lieu où le salarié travaillait seul portait nécessairement atteinte au droit au respect de sa vie privée. Faisant valoir que la mise en place de la vidéosurveillance était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, à savoir la sécurité des personnes et des biens, l’employeur formait un pourvoi en cassation.
Dans un arrêt du 23 juin 2021, la chambre sociale se range à l’analyse de la cour d’appel et rejette le pourvoi. Suivant une démarche pragmatique conduite par l’article L. 1121-1 du code du travail, la Cour de cassation admet que « les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié ». Dans le cas présent, le salarié exerçait seul son activité en cuisine et était cependant soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Quand bien même l’objectif affiché était d’éviter la réitération par le salarié de manquements aux règles d’hygiène et de sécurité, le dispositif était jugé inapproprié compte tenu des circonstances. La solution n’est pas surprenante.
Très tôt, le ministère du Travail avait indiqué que la vidéosurveillance ne pouvait avoir pour but exclusif le contrôle de l’activité professionnelle des salariés, au risque d’être jugée contraire à la liberté individuelle des personnes (rép. min., JOAN Q 16 juin 1980, 2152). Une surveillance exacerbée du salarié au moyen de la vidéosurveillance conduit nécessairement à détourner la finalité du dispositif par la mise en lumière constante de l’identité propre de l’individu et de son intimité. L’employeur est donc tenu de privilégier d’autres moyens s’il s’avère qu’il peut préserver les intérêts de l’entreprise sans porter une atteinte excessive aux droits des salariés. À cet égard, la bascule terminologique opérée à l’occasion de la loi dite LOPPSI II (L. n° 2011-267, 14 mars 2011, d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) prend tout son sens.
Aujourd’hui, il est moins question de « vidéosurveillance » que de « vidéoprotection », la lumière étant mise sur l’équilibre des intérêts en jeu plutôt que sur la manifestation exorbitante du pouvoir de contrôle de l’employeur.
À l’heure où la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a laissé entrevoir un doute quant à la teneur de la protection de la vie privée du salarié (CEDH 17 oct. 2019, nos 1874/13 et 8567/13, López Ribalda et a. c. Espagne, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2019. 2039, et les obs. ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; AJ pénal 2019. 604, obs. P. Buffon ; Dr. soc. 2021. 503, étude J.-P. Marguénaud et J. Mouly ; RDT 2020. 122, obs. B. Dabosville ; Légipresse 2020. 64, étude G. Loiseau ; RTD civ. 2019. 815, obs. J.-P. Marguénaud ; RJS 3/2020, n° 164), la solution retenue doit être saluée. Pour rappel, la CEDH avait admis les enregistrements tirés d’un dispositif illicite comme moyen de preuve à raison des soupçons légitimes d’irrégularités graves et des pertes constatées par l’employeur. Au demeurant, la décision est conforme à la ligne presque indélébile tracée par la CNIL, laquelle a par exemple admis que « le placement sous surveillance continue des postes de travail des salariés n’est possible que s’il est justifié par une situation particulière ou un risque particulier auxquels sont exposées les personnes objets de la surveillance » (délib. CNIL, 17 juill. 2017, n° 2014-307 ; pour un autre ex., v. délib. CNIL, 16 avr. 2009, n° 2009-201).
La CJUE, dans le cadre de l’affaire des prêts libellés en francs suisses, apporte d’utiles précisions relatives à la prescription, tant pour l’action aux fins de constatation du caractère abusif d’une clause (qui échappe à la prescription) que pour celle aux fins de la restitution de sommes indûment versées sur le fondement de telles clauses abusives (dont le point de départ doit être fixé dans un sens favorable au consommateur).
En vertu d’un bail rural d’une durée de vingt-cinq ans en date du 9 novembre 1982, les consorts L. ont été autorisés par le propriétaire, à exploiter plusieurs parcelles pour la réalisation d’un centre équestre.
Plus de deux ans après le terme du bail rural, il a été constaté par procès-verbal d’huissier en date du 24 juin 2009, que les consorts L. n’exploitaient pas ces parcelles depuis plusieurs années, en raison de leur état d’abandon à cette date.
À la suite de la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation par l’État, des parcelles qui avaient fait l’objet du bail rural du 9 novembre 1982 au profit de l’EARL, le juge de l’expropriation a été saisi en vue de la fixation des...
La fin de non-recevoir tirée de l’absence de notification des offres de l’expropriant à l’exproprié préalablement à la saisine de la juridiction n’est pas d’ordre public et ne peut être présentée pour la première fois devant la Cour de cassation.

Un arrêté du 30 novembre 2011, modifié par un autre du 13 novembre 2020, portant approbation de l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale, soumet à une procédure préalable de déclassification les documents couverts par le secret de la défense nationale lorsqu’ils sont devenus communicables de plein droit en application de l’article L. 213-2 du code du patrimoine (v. F Rolin et N. Wagener, AJDA 2021. 297 ). Plusieurs associations d’archivistes et d’historiens, estimant qu’une telle procédure retarde ou empêche...
Précision quant à la date de constat du transfert des contrats
Quand doit être constaté le transfert des contrats de travail dans le cadre de la mise en œuvre de l’article L. 1224-1 du code du travail ? Question délicate et potentiellement lourde de conséquences, à laquelle la chambre sociale répond sans ambages dans l’une des espèces présentement commentées (n° 18-24.597).
Un salarié y avait été mis à disposition d’une filiale du groupe auquel appartenait son employeur initial. Or les deux entités ont estimé que les contrats des salariés mis à disposition de la filiale étaient transférés en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, état de fait que le salarié entendit contester devant la juridiction prud’homale. Les juges du fond le déboutèrent de ses demandes, de sorte que l’intéressé forma un pourvoi en cassation.
La chambre sociale va, au visa de l’article L. 1224-1 du code du travail, interprété au prisme de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001, rappeler que l’article s’applique en cas de transfert d’une entité économique autonome qui conserve son identité et dont d’activité est poursuivie ou reprise.
L’éminente juridiction en profite pour rappeler la définition qu’il convient de retenir des termes « transfert » et « entité économique autonome ». L’entité économique autonome doit en effet s’entendre d’un « ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ». Le transfert quant à lui se réalise si « des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l’exploitation de l’entité sont repris, directement ou indirectement, par un nouvel exploitant ».
La Cour de cassation va enfin préciser la date à laquelle doit être constaté le transfert. Celui-ci s’opère en effet à la date à laquelle le nouvel exploitant est mis en mesure d’assurer la direction de cette entité.
On soulignera le réalisme de la solution retenue qui s’affranchit ainsi d’une appréciation qui serait fondée sur des critères...
La prescription de l’indu de rémunération d’un agent public est interrompue par toute action en justice… y compris celle de l’agent visant à obtenir l’annulation des titres de perception émis à son encontre par l’administration.
Mme B., agent non titulaire du ministère de l’Éducation nationale, placée en congé de maladie ordinaire puis en congé de longue maladie, a continué à percevoir sa rémunération tout en bénéficiant d’indemnités journalières de la sécurité sociale. L’administration a émis à son encontre seize titres de perception pour recouvrer les montants indus. Mme B. a obtenu l’annulation de ces titres par le tribunal administratif de Toulouse qui a jugé la dette prescrite, appréciation confirmée par la cour administrative d’appel de...
La servitude d’écoulement des eaux usées a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription.
Pour conclure à l’irrecevabilité de l’action de l’association MIRABLE-LNE, la cour d’appel n’a pas tenu compte de ce que l’association était agréée au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement. « Or, comme le reconnaît le gouvernement, un tel agrément lui conférait en principe intérêt à agir », relève la Cour. De plus, elle a retenu qu’à la différence des autres associations requérantes, son objet statutaire ne comportait pas expressément la lutte contre les risques pour l’environnement et la santé que représentent l’industrie nucléaire, mais était rédigé en des termes plus généraux, selon lesquels elle...
Le groupe sculpté Le Baiser de Constantin Brancusi et son socle formant une stèle constituent, avec la tombe, un « immeuble par nature » au sens de la loi, ce qui permet à l’État de l’inscrire aux monuments historiques sans recueillir l’accord de ses propriétaires.
Tania Rachewskaïa est née en 1887 en Russie puis a émigré en France où elle poursuivait des études de médecine. Elle s’est suicidée le 5 décembre 1910, à l’âge de vingt-trois ans, par amour, dit-on, pour son professeur et amant. Elle a été inhumée dans le cimetière du Montparnasse dans une concession funéraire acquise à titre perpétuel par son père. Son professeur était un ami du sculpteur Constantin Brancusi et, à son initiative ou par son intermédiaire, a été installé sur la tombe de la jeune femme un groupe sculpté, Le Baiser. Les descendants de la défunte ont fait valoir leurs droits sur la concession perpétuelle en 2005 et entrepris des démarches pour déposer et exporter la sculpture. L’État s’y est opposé en élevant Le Baiser au rang de...
La sculpture réalisée par Constantin Brancusi, achetée dans le but d’être scellée sur la tombe de Tatiana Rachewskaïa au cimetière du Montparnasse à Paris, constitue un monument funéraire indivisible.
Dans deux arrêts du 23 juin 2021 diffusés sur son site internet, la Cour de cassation précise que le supérieur hiérarchique qui a connaissance de faits fautifs d’un salarié doit être considéré comme l’employeur même s’il n’est pas titulaire du pouvoir disciplinaire, que ce soit pour le point de départ du délai d’engagement de la procédure disciplinaire ou concernant la possibilité de sanctionner des faits antérieurs à une précédente sanction.
Sur le point de départ du délai d’engagement des poursuites disciplinaires
L’employeur dispose d’un délai de deux mois, à compter du jour où il a connaissance d’un fait fautif imputé à un salarié, pour engager une procédure disciplinaire s’il le souhaite, en application de l’article L. 1332-4 du code du travail. La Cour de cassation l’indique clairement : pour le point de départ du délai de prescription des faits fautifs, l’employeur s’entend aussi du supérieur hiérarchique du salarié, et ce même s’il n’est pas le titulaire du pouvoir disciplinaire.
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour des faits de dénigrement survenus en présence d’un formateur, ayant transmis un rapport de ces événements à la direction de la société onze jours plus tard. C’est à la date de ce rapport que l’employeur a considéré avoir connaissance des faits fautifs. Il a...

1. Covid-19 : le confinement général n’était pas une privation de liberté au sens de l’aricle 5, § 1er, de la Convention européenne
La jurisprudence covid de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’est enrichie, avec la décision Terhes c. Roumanie du 20 mai 2021 (req. n° 49933/10), d’une pièce importante qui n’a peut-être pas l’éclat auquel on aurait pu s’attendre. Il s’agit, en effet, d’une simple décision d’irrecevabilité de la requête d’un député roumain alléguant que la mesure de confinement général qu’il avait dû lui aussi subir du 14 avril au 14 mai 2020 avait constitué une privation de liberté contraire aux exigences de l’article 5, § 1er, de la Convention européenne. La CEDH, constatant qu’en Roumanie, comme en France à la même époque, le confiné pouvait se rendre à différents endroits au moment de la journée où cela était nécessaire et n’était l’objet d’aucune surveillance individuelle de la part des autorités, a refusé d’assimiler le confinement à une assignation à résidence. Dès lors, il ne s’agissait pas d’une privation de liberté qui est la seule à entrer dans le champ d’application de l’article 5, § 1er. Ainsi, on voit se confirmer l’hypothèse, que laissait clairement entrevoir les arrêts de grande chambre Z.A. c. Russie (req. n° 61411/15, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen ; RTD civ. 2020. 329, obs. J.-P. Marguénaud ) et Ilias Ahmed c. Hongrie (req. n° 47287/15, AJDA 2020. 160, chron. L. Burgorgue-Larsen ; RTD civ. 2020. 329, obs. J.-P. Marguénaud ) du 21 novembre 2019 relatifs à la situation des étrangers dans les zones de transit, suivant laquelle l’article qui consacre le droit à la liberté et à la sûreté, n’est pas le bon instrument conventionnel pour contrecarrer les conséquences du confinement sanitaire. D’autres pistes restent cependant à explorer : celle de l’article 8 consacrant le droit au respect de la vie privée et familiale et surtout celle de l’article 2 du protocole n° 4 garantissant le droit des personnes se trouvant en situation régulière sur le territoire d’un État d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence que, au grand étonnement de la Cour européenne, le requérant n’avait pas invoqué en l’espèce.
2. L’encadrement de l’interception en masse des communications
Face à la sophistication et au développement des capacités technologiques qui accroissent fortement le volume des communications transitant par internet dans le monde entier et qui accentuent chaque jour un peu plus les menaces de terrorisme international et de criminalité transfrontalière, la surveillance stratégique de masse des communications revêt pour les États une importance déterminante pour la protection de la société démocratique.Cette interception en masse des communications qui se distingue des interceptions ciblées en ce qu’elles sont utilisées non pas dans le cadre d’une enquête pénale interne mais au titre du renseignement extérieur, autrement dit des services secrets, pour détecter de nouvelles menaces provenant d’acteurs connus ou inconnus, recèle à l’évidence un potentiel considérable d’abus susceptibles de porter atteinte au droit des individus au respect de leur vie privée. Dans un premier temps, les États ont obtenu de la Cour de Strasbourg, qui tente de conjurer ces abus spécifiques, de leur laisser en la matière une marge d’appréciation que commanderait la gravité des enjeux. La décision Weber et Saravia c. Allemagne du 29 juin 2006 (req. n° 54934/00) et l’arrêt Liberty c. Royaume-Uni du 1er juillet 2008 (req. n° 58243/00) sont particulièrement représentatifs de cette approche favorable aux États qui subordonne les interceptions en masse des communications à six garanties minimales. Or, constatant qu’à l’évidence, il n’est pas aisé d’appliquer à un régime d’interception en masse les deux premières des six « garanties minimales », à savoir la nature des infractions susceptibles de donner lieu à un mandat d’interception et la définition des catégories de personnes dont les communications sont susceptibles d’être interceptées, la Cour a ressenti la nécessité de préciser l’approche à adopter dans les affaires relatives à l’interception en masse. Elle l’a fait par deux arrêts de grande chambre du 25 mai Big Brother Watch c. Royaume-Uni (req. n° 58170/13, Dalloz actualité, 28 mai 2021, obs. M.-C. de Montecler ; D. 2018. 1916, obs. S. Lavric ; ibid. 2019. 151, obs. J.-F. Renucci ; ibid. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal 2018. 529, obs. A. Taleb-Karlsson ) et Centrum För Rättvisa c. Suède (n° 35252/08). Ils doivent être tenus pour les plus importants de la série mai-juin 2021 eu égard, tout d’abord, à la gravité et à l’ampleur des enjeux de la question qu’ils abordent et surtout parce qu’ils témoignent idéalement des efforts constants de la Cour de Strasbourg pour adapter la protection des droits de l’homme aux évolutions technologiques. En l’occurrence, elle tente d’y parvenir en justifiant des constats de violation de l’article 8 par cette affirmation majeure : afin de réduire autant que possible le risque d’abus du pouvoir d’interception en masse, le processus doit être encadré par des « garanties de bout en bout », c’est-à-dire qu’au niveau national, la nécessité et la proportionnalité des mesures prises devraient être appréciées à chaque étape du processus, que les activités d’interception en masse devraient être soumises à l’autorisation d’une autorité indépendante dès le départ – dès la définition de l’objet et de l’étendue de l’opération – et que les opérations devraient faire l’objet d’une supervision et d’un contrôle indépendant opéré a posteriori. Ces facteurs étant, de l’avis de la Cour, des garanties fondamentales, qui constituent la pierre angulaire de tout régime d’interception en masse conforme aux exigences de l’article 8 (§ 350 de l’arrêt Big Brother Watch et § 264 de l’arrêt Centrum). L’arrêt Big Brother Watch, qui constitue, en quelque sorte, l’épilogue européen des révélations par Edward Snowden, en 2013, sur les méthodes d’interception de masse utilisées par le service britannique de renseignement électronique, vérifie également au regard des exigences de l’article 8, les opérations de réception de renseignements provenant de services étrangers.
3. Clarification des principes généraux applicables aux violences domestiques
2021 sera peut-être l’année du renforcement de la protection des personnes vulnérables et plus particulièrement de celle des enfants. On se souvient sans doute de l’importance de l’arrêt de grande chambre X et autres c. Belgique du 2 février qui mobilise la Convention de Lazarotte sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels. Cette fois, un autre arrêt de grande chambre, Kurt c. Autriche du 15 juin (req. n° 62903/15), a accordé un intérêt soutenu aux violences domestiques, qui ne sont pas seulement d’ordre sexuel, dont ils sont les premières victimes. Dans la mesure où elles font peser les plus graves menaces sur leur droit à la vie, elles relèvent des principes généraux dégagés depuis longtemps par l’arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998 (req. n° 23452/94, RSC 1999. 384, obs. R. Koering-Joulin ; RTD civ. 1999. 498, obs. J.-P. Marguénaud ) pour déterminer, au regard de l’article 2 de la Convention, l’ampleur et le contenu de l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection des personnes dont la vie est menacée qui pèse sur l’État. Pour que pareille obligation positive entre en jeu, il doit être établi, selon ce qu’il est convenu d’appeler le « critère Osman », que les autorités savaient ou auraient dû savoir sur le moment qu’il existait un risque réel et immédiat pour la vie d’un individu donné du fait des actes criminels d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour parer ce risque. Or, pour la première fois, la Cour de Strasbourg a estimé dans l’arrêt Kurt qu’il était devenu nécessaire de clarifier ce qu’implique la prise en compte du contexte particulier et de la dynamique des violences domestiques sous l’angle du critère Osman et plus particulièrement au regard du standard de l’immédiateté sur lequel il repose. Ses réflexions interprétatives n’ont pas conduit à dresser, en l’espèce, un constat de violation de l’article 2. Elles n’en ont pas moins débouché sur d’importantes précisions qu’elle a tenu à résumer de cette manière : les autorités doivent apporter une réponse immédiate aux allégations de violences domestiques ; elles doivent rechercher s’il existe un risque réel et immédiat pour la vie de la ou des victimes qui ont été identifiées et elles doivent pour cela mener une évaluation du risque qui soit autonome, proactive et exhaustive ; elles doivent apprécier le caractère réel et immédiat du risque en tenant dûment compte du contexte particulier qui est celui des affaires de violences domestiques ; s’il ressort de l’évaluation du risque qu’il existe un risque réel et immédiat pour la vie d’autrui, l’obligation de prendre des mesures opérationnelles préventives entre en jeu pour les autorités. Ces mesures doivent alors être adéquates et proportionnées au niveau de risque décelé.
4. Lutte contre les peines et les traitements inhumains ou dégradants
La Cour de Strasbourg étoffe ou consolide régulièrement sa jurisprudence qui mobilise l’article 3 pour lutter contre les formes les plus brutales et les plus insidieuses de traitements inhumains ou dégradants. Ainsi, au cours des cinquième et sixième mois de l’année 2021, elle l’a utilisé pour stigmatiser des États qui n’avaient pas protégé une fille contre les violences sexuelles exercées par son père (22 juin 2021, R.B. c. Estonie, n° 22597/16) ; qui s’étaient révélés incapables de fournir à un condamné des soins adaptés à sa déficience mentale légère (11 mai 2021, req. n° 7373/17, Epure c. Roumanie) ; qui se préparaient à procéder à une extradition sans examen préalable de la santé d’un condamné victime d’un accident vasculaire cérébral (n° 59687/17, Khachaturov c. Arménie) ; qui avaient prononcé des condamnations à des peines perpétuelles sans possibilité de libération conditionnelle (17 juin 2021, req. n° 39734/15, Sandor Varga c. Hongrie). On remarquera aussi, sans grande surprise, une nouvelle application de l’article 3 dans un cas de brutalités policières (Ilevi et Ganvhevi c. Bulgarie du 8 juin, n° 69154/11 et 69163/11). Une place particulière doit être accordée à l’arrêt Adzhigitova c. Russie du 22 juin (req. n° 40165/07) relatif à une opération militaire qui a aussi donné lieu à un constat de violation rarissime de l’article 38 de la Convention parce que les autorités russes n’avaient pas fourni à la Cour toutes les facilités nécessaires pour mener une enquête efficace sur les circonstances de l’affaire.
5. La mise en balance du droit à l’oubli et du droit à la liberté d’expression
Avec les fulgurants développements de la numérisation est venue s’ajouter au rôle principal de la presse une fonction accessoire qui consiste à constituer des archives à partir d’informations déjà publiées et à les mettre à la disposition du public sur internet. Ces archives numériques constituent une source d’autant plus précieuse pour l’enseignement et les recherches historiques qu’elles sont immédiatement accessibles au public et généralement gratuites. C’est ce que la Cour de Strasbourg reconnaît depuis son arrêt Times Newspapers Ltd c. Royaume-Uni du 11 mars 2009 (req. n° 3002/03). La mise à disposition du public des archives numériques de la presse expose évidemment de nombreux condamnés à un risque perpétuel de confrontation avec un passé qu’ils ont le plus grand intérêt à oublier et à faire oublier pour pouvoir se réinsérer après avoir payé leur dette envers la société ou un créancier particulier. Aussi en appelle-t-on à la reconnaissance et à la protection d’un droit à l’oubli numérique, également appelé droit à l’effacement, nouvel aspect du droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour, qui a pris l’habitude de fournir des critères pour guider vers la meilleure manière de résoudre de tels conflits de droits (v. 7 février 2012, Von Hannover n° 2 c. Allemagne, req. n° 40660/08, Dalloz actualité, 23 févr. 2012, obs. S. Lavric ; AJDA 2012. 1726, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2012. 1040 , note J.-F. Renucci ; ibid. 2013. 457, obs. E. Dreyer ; Légipresse 2012. 142 et les obs. ; ibid. 243, comm. G. Loiseau ; RTD civ. 2012. 279, obs. J.-P. Marguénaud ), n’a fait aucune difficulté pour admettre qu’il fallait également chercher à concilier le droit à la liberté d’expression avec cette nouvelle ramification du droit au respect de la vie privée. Seulement, par son arrêt M.L. et W.W. c. Allemagne du 28 juin 2018 (req. n° 60798/10, D. 2019. 1673, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal 2018. 462, note L. François ; Dalloz IP/IT 2018. 704, obs. E. Derieux ; RSC 2018. 735, obs. J.-P. Marguénaud ), elle avait pu donner l’impression de vouloir étouffer le droit à l’oubli dans l’œuf en refusant, en toute indifférence aux difficultés de réinsertion des condamnés qui ont purgé leur peine, de constater une violation du droit au respect de la vie privée de deux demi-frères à qui l’on avait refusé l’anonymisation des données continuant de faire apparaître qu’ils étaient les assassins d’un acteur célèbre. Le retour à un véritable l’équilibre semble avoir été réalisé par un arrêt Hurbain c. Belgique du 22 juin (req. n° 57292/16) suivant lequel la condamnation du plus grand quotidien belge à anonymiser, au non du droit à l’oubli, l’identité d’un condamné réhabilité ne violait pas le droit à la liberté d’expression. La Cour a d’ailleurs eu à cœur de clarifier la question en précisant expressément que la conclusion à laquelle elle était parvenue en l’espèce ne saurait être interprétée comme impliquant une obligation pour les médias de vérifier leurs archives de manière systématique et permanente : sans préjudice de leur devoir de respecter la vie privée lors de la publication initiale d’un article, il s’agit pour eux, en ce qui concerne l’archivage de l’article, de procéder à une vérification et donc à une mise en balance des droits en jeu seulement en cas de demande expresse à cet effet.
6. Le printemps du principe de non-discrimination
Depuis le début de l’année 2021, d’importantes applications du principe de non-discrimination procédant à de courageuses combinaisons de l’article 14 avec d’autres articles de la Convention ont été remarquées. Au cours de la période mai-juin, d’autres sont venues s’ajouter pour aider à balayer encore quelques archaïsmes et à repousser quelques phobies. Il s’agit de l’arrêt Yocheva et Ganeva c. Bulgarie du 11 mai (req. n° 18592/15) qui vient au soutien d’un certain type de famille monoparentale en stigmatisant les autorités nationales pour avoir opéré une discrimination à l’égard des familles dans lesquelles l’un des parents est inconnu en décidant qu’une formule prévoyant le versement d’allocations aux familles dans lesquelles il y a un seul parent vivant visait exclusivement celles dans lesquelles un parent est décédé.
Il s’agit aussi de l’arrêt Association ACCEPT c. Roumanie du 1er juin 2021 (n° 19237/16) où la Cour européenne dresse un double constat de violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 et avec l’article 11 parce que les autorités n’avaient pas empêché l’invasion par l’extrême droite d’une salle de cinéma où était projeté un film gay.
L’avancée la plus marquante du principe de non-discrimination aura cependant été réalisée par un arrêt où, dans un souci d’économiser son temps et des moyens, la CEDH ne s’est pas donné la peine d’examiner la question d’une violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 tellement les raisons de dresser un constat de violation du seul article 8 étaient flagrantes. Dans l’arrêt J.L. c. Italie du 27 mai (n° 5671/16), elle a en effet dû déplorer que, pour acquitter sept hommes poursuivis pour violences sexuelles commises en réunion, des juges se soient permis des commentaires sur la vie privée de la plaignante qui véhiculent des préjugés sur le rôle de la femme dans la société italienne et qui sont susceptibles de faire obstacle à une protection effective des droits des victimes de violence de genre. Elle saisit opportunément cette étonnante occasion pour affirmer qu’il est essentiel que les autorités judiciaires évitent de reproduire des stéréotypes sexistes dans les décisions de justice, de minimiser les violences contre le genre et d’exposer les femmes, par l’utilisation de propos culpabilisants et moralisateurs, à une victimisation secondaire. Ce n’est pas la première fois, en 2021, que la CEDH s’appuie sur ce concept dont il faudra suivre attentivement les développements de la carrière jurisprudentielle naissante.
7. Confirmation de l’importance du contentieux relatif au droit à la liberté d’expression
Dans chaque chronique bimestrielle, il faut réserver un paragraphe au contentieux de la liberté d’expression qui n’est probablement pas le plus abondant mais qui, porté par les développements technologiques et les habitudes qui se prennent sur les réseaux sociaux est, actuellement, le plus significatif. Pour la période mai-juin 2021 on relève à nouveau des arrêts qui rappellent le caractère relatif du droit garanti par l’article 10. C’est ainsi que les arrêts Kilin c. Russie du 11 mai (req. n° 10271/12) et Milosavljevic c. Serbie du 25 mai (n° 57574/14) ont respectivement refusé d’en assurer le bénéfice à un requérant condamné en raison d’appels au racisme et au nazisme sur un réseau social en ligne très populaire et à un journaliste coupable d’avoir publié un article insinuant qu’un policier finalement acquitté avait violé une jeune fille rom.
Les arrêts qui constatent des violations du droit à la liberté d’expression des journalistes (11 mai 2021, req. n° 44561/11, Rid et Zao c. Russie ; 18 mai 2021, req. n° 42201/17, Ögreten et Kannat c. Turquie ; 8 juin 2021, n° 48329/19, Bulac c. Turquie) ; de parlementaires (4 mai 2021, req. n° 68136, Kerestecioglu Demir c. Turquie) ; de militants politiques (22 juin 2021, req. n° 5869/17, Erkizia Almandoz c. Espagne) ou de simples employés se laissant aller à « liker » certains contenus de Facebook (15 juin 2021, req. n° 35786/19, Melike c. Turquie), sont cependant les plus nombreux. En raison de leur portée plus générale, on attirera surtout l’attention sur l’arrêt Akdeniz et autres c. Turquie du 4 mai (req. n° 41139/15), rendu à la requête d’une journaliste et de deux universitaires et utilisateurs populaires des plateformes des médias sociaux, qui stigmatise une injonction provisoire ordonnée par les juridictions nationales interdisant la diffusion et la publication par tous moyens de communication d’ informations relatives à une enquête parlementaire ; l’arrêt OOO Informatsionoye Agentstvo c. Russie du 18 mai (req. n° 43351/12) qui prend des allures d’arrêt quasi pilote pour encourager la réforme de la législation des médias de façon à leur assurer la liberté et l’indépendance pendant les campagnes électorales et l’arrêt Ömur Cagdas Ersoy c. Turquie du 15 juin (req. n° 19165/15) soulignant avec une particulière insistance que l’esprit de la Convention est d’élargir la liberté d’expression pour faciliter la critique des responsables politiques.
8. L’intensification de l’influence des droits de l’homme sur le droit du sport
Comme on le sait, le mouvement sportif est très attaché à la construction d’un ordre juridique à part, reposant sur la lex sportiva jalousement appliquée par des instances qui n’entendent rendre de comptes à personne, pas même aux juges des droits de l’homme. Jusqu’ici, il avait à peu près réussi à échapper à l’emprise des droits de l’homme substantiels. En revanche, depuis les arrêts Mutu et Pechstein c. Suisse du 2 octobre 2018 (req. nos 40575/10 et 67474/10, Dalloz actualité, 16 oct. 2018, obs. N. Nalepa ; D. 2018. 2448, obs. T. Clay ; RTD civ. 2018. 850, obs. J.-P. Marguénaud ) qui ont admis que la responsabilité de l’État où le tribunal arbitral du sport a son siège peut être engagée lorsqu’il en approuve formellement ou tacitement les décisions, il est rapidement rattrapé par les droits procéduraux. La mutation procédurale s’est considérablement amplifiée avec l’arrêt Ali Riza et autres c. Turquie du 28 janvier 2020 (req. n° 30226/10). Il s’agit, en effet, d’un arrêt pilote par lequel la Cour européenne détectant un problème systémique touchant le règlement des litiges dans le milieu du football en Turquie indique à l’État, sur le fondement de l’article 46 de la Convention européenne, qu’il doit prendre des mesures visant à assurer l’indépendance structurelle de la commission d’arbitrage. Or les conséquences de cet arrêt viennent d’être prolongées par trois autres arrêts rendus le 18 mai contre la Turquie : Sedat Dogan (req. n° 48909/14) ; Naki (req. n° 48924/14) ; Ibrahim Tomak (req. n° 54540/16). Ils ne se sont pas contentés de constater de nouvelles violations de l’article 6, § 1er, parce que l’indépendance de la commission d’arbitrage n’était toujours pas assurée. Ils ont aussi et surtout saisi l’occasion offerte par ce dysfonctionnement récurrent pour constater des violations d’un droit substantiel de l’homme sportif, en l’occurrence le droit à la liberté d’expression entravé par des sanctions infligées en raison de messages diffusés sur internet par un arbitre et des joueurs, notamment, dans un cas, pour rendre hommage à Nelson Mandela.
9. Contentieux électoral
L’article 3 du Protocole n° 1 qui consacre le droit à des élections libres n’est pas celui qui réclame le plus souvent l’attention de la Cour. Il ne faut donc pas négliger la décision et les deux arrêts qu’elle vient de lui consacrer. La décision Galan c. Italie (req. n° 63772/16) et l’arrêt Miniscalo c. Italie (req. n° 55093/13) du 17 juin 2021, qui refusent d’en dresser des constats de violation dans des affaires de déchéance de mandats et d’interdiction de se présenter à des élections, sont surtout remarquables parce qu’elles ont permis à la Cour d’affirmer que de telles sanctions ne sont pas des peines au sens de l’article 7 lequel n’ est par conséquent d’aucun secours quand elles sont rétroactives. Quant à l’arrêt Caamano Valle c. Espagne du 11 mai (req. n° 43564/12), il se livre à un inhabituel rappel des principes d’interprétation de la Convention pour mieux pouvoir décider que la privation du droit de vote imposée à une femme handicapée mentale était proportionnée et conforme à l’article 3 du Protocole n° 1. Il y aurait donc des tendances régressives dans le travail interprétatif de la Cour européenne des droits de l’homme…
10. Les arrêts régressifs
L’arrêt de grande chambre Denis et Irvine c. Belgique du 1er juin (req. n° 62819/17, Dalloz actualité, 18 juin 2021, obs. H. Diaz) a admis qu’il n’y avait pas de violations de l’article 5, § 1er, et 5, § 4, dans des cas de refus de mettre en liberté des aliénés internés dans un hôpital psychiatrique parce que leurs troubles mentaux persistaient. Or la légalité du maintien de la mesure privative de liberté pouvait faire question dans la mesure où il avait été décidé sans tenir compte de deux conditions supplémentaires ajoutée par la loi depuis la décision initiale d’internement. Autrement dit, selon une interprétation large qui sert le mieux les objectifs de la Convention et qui est généralement adoptée par la Cour, le constat de la persistance des troubles mentaux aurait pu ne pas suffire pour justifier le maintien de l’internement au regard de l’article 5. En retenant une interprétation stricte dénoncée par plusieurs juges dissidents, la Cour semble donc s’être engagée sur une voie régressive parce que la plus hostile au droit à la liberté.
La même tendance régressive se retrouve, au regard de l’article 10, dans l’arrêt Halet c. Luxembourg du 11 mai 2021 (n° 21884/18, Dalloz actualité, 21 mai 2021, obs. S. Lavric ; D. 2021. 960, et les obs. ) qui, dans la célèbre affaire Luxleaks, retient une approche restrictive de la protection des lanceurs d’alerte auxquels l’arrêt de grande chambre Guja c. Moldova (n° 14277/04, AJDA 2008. 978, chron. J.-F. Flauss ) du 12 février 2008 et Heinisch c. Allemagne (req. n° 28274/08) du 21 juillet 2011 avaient pu laisser entrevoir de meilleures chances de succès.
11. Prolongements de sillons jurisprudentiels
Dans ce paragraphe qui sert un peu de camion-balai, on fera entrer les arrêts M.K. c. Luxembourg (req. n° 51746/18) et Valdis Fjölnisdotir c. Islande (req. n° 71552/17, Dalloz actualité, 17 juin 2021, obs. A. Panet ; AJ fam. 2021. 320, obs. A. Dionisi-Peyrusse ) du 18 mai 2021 concluant respectivement à des non-violations de l’article 8 dans une affaire de placement sous curatelle et de refus de reconnaître un couple d’homosexuelles comme les parents d’un enfant né par GPA ; l’arrêt Jessica Marchi c. Italie du 27 mai 2021 (req. n° 54978/17) adoptant la même solution dans un cas de placement d’un enfant accueilli provisoirement ; l’arrêt Nechay c. Russie du 25 mai 2021 (req. n° 40639/17) qui, lui, constate une violation de l’article 8 parce que les contacts entre un père et sa fille avaient été limités à dix heures par an ; l’arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 juin 2021 constatant une violation du droit au respect de la vie privée d’une assistante sociale appelée comme témoin parce que le juge avait proféré contre elle des accusations de faute professionnelle ; l’arrêt Atima limited c. Ukraine du 20 mai 2021 (req. n° 56714/11) ; l’arrêt Bisar Ayhan c. Turquie du 18 mai (req. n° 42329/12) constatant que le droit à la vie avait été violé au cours d’opérations militaires et le troublant arrêt du 29 juin A.O. Falun Dafa c. Moldova (req. n° 29458/15) concluant aux violations des articles 9 et 11 dans une affaire de dissolution d’une organisation dont le symbole rappelait une croix gammée.
Pour mieux en faire ressortir leur originalité, on évoquera en conclusion l’arrêt Norwegian Confederation of Trade Unions c. Norvège du 10 juin (req. n° 45487) considérant qu’il n’y avait pas de violation de l’article 11 dans une affaire où le boycott d’une compagnie maritime qui employait des dockers en dehors de la convention collective avait été déclaré illégal et l’arrêt Stetsov c. Ukraine du 11 mai (req. n° 5170/15) constatant une violation de l’article 2 du Protocole n° 4 qui consacre la liberté de circulation en raison d’une interdiction de quitter le territoire jusqu’au paiement intégral d’une dette contractuelle.

Saisi par la société Orange, le juge du fond avait annulé, en raison de l’incompétence de la commune pour fixer le tarif de la redevance due par les opérateurs de communications électroniques en contrepartie de l’occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux que ces opérateurs ont réalisés, les titres exécutoires émis par Montpellier Méditerranée Métropole.
Reprenant les principes posés par son arrêt Société des autoroutes Estérel-Côte d’Azur-Provence-Alpes du 10 juin 2021 (Lebon ; AJDA 2010. 1172 ), le Conseil d’État précise « qu’en l’absence de...
La politique de lutte contre la prolifération des algues vertes a porté sur huit baies sableuses et leurs bassins versants situés dans les Côtes d’Armor et le Finistère.
Les deux plans pour lutter contre ce phénomène n’ont eu qu’un faible impact sur les concentrations en nitrates, sur les changements...
En l’absence de dispositions particulières applicables à l’occupation provisoire du domaine public routier par les chantiers de travaux des exploitants des réseaux de communications électroniques, une commune peut légalement, en sa qualité de gestionnaire du domaine public, faire usage de sa compétence générale pour fixer le tarif de la redevance due en contrepartie d’une telle occupation, juge le Conseil d’État.
Un décret du 28 juin 2021 s’intéresse à l’évolution des loyers soumis à la loi du 1er septembre 1948.
Titulaire du marché relatif à la mise en place d’une flotte de vélos à destination du public et de mobiliers urbains, la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (SOMUPI) a contesté le refus de la ville de Paris de s’acquitter du montant de la TVA sur l’intéressement versé au titre de la qualité du service.
À...
Par deux arrêts du 23 juin, la première chambre civile de la Cour de cassation insiste sur le strict respect des conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut accorder une troisième prolongation de la mesure de rétention en application de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (article L. 552-7 avant la recodification du CESEDA par l’ordonnance du 16 décembre 2020).
L’un des motifs permettant cette...
SI l’économie générale du dispositif existant est reconduite, certaines nouveautés sont à signaler quant à la prise en considération de la performance énergétique du logement.
Un décret du 30 juin 2021 recodifie la partie réglementaire du livre Ier du code de la construction et de l’habitation et fixe les conditions de mise en œuvre des solutions d’effet équivalent.
La demande tendant à voir déclarer non écrites les clauses du bail renouvelé à compter du 1er avril 2014, en ce qu’elles sont contraires à l’article L. 145-40-2 du code de commerce, doit être rejetée.

Saisi notamment par la commune de Grande-Synthe (Nord) et plusieurs associations, le Conseil d’État avait donné trois mois, en novembre dernier, au gouvernement pour justifier que la trajectoire de réduction des gaz à effets de serre pour 2030 pourrait être respectée sans mesures supplémentaires (CE 19 nov. 2020, n° 427301, Grande-Synthe [Cne], Dalloz actualité, 27 nov. 2020, obs. C. Collin ; Lebon ; AJDA 2021. 217 ; ibid. 2020. 2287 ; D. 2020. 2292, et les obs. ; ibid. 2021. 923, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke ; ibid. 1004, obs. G. Leray et V. Monteillet ).
Contrôle des mesures, pas de la trajectoire
Le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone prévoit une diminution de 12 % de ces émissions entre 2024 et 2028 (v. AJDA 2020. 861 ). Sans remettre en cause cette trajectoire, le Conseil d’État s’appuie sur des rapports d’experts (Conseil général de l’environnement et du développement durable, Haut conseil pour le climat, etc.) pour en déduire que « cette nouvelle trajectoire de diminution des émissions de gaz à effet de serre implique l’adoption de mesures supplémentaires à court terme pour être en mesure d’obtenir l’accélération de la réduction des émissions de gaz à effet de serre visée à partir de 2023 ». D’ailleurs, ce constat de la nécessité d’une accentuation des efforts pour atteindre les objectifs n’est pas sérieusement contesté par la ministre de la transition écologique.
Le gouvernement n’a pas convaincu la haute juridiction. Mais cette dernière, sans toutefois parvenir à préciser la nature des mesures qui sont nécessaires, se borne à indiquer que, « faute qu’aient été prises, à la date de la présente décision, les mesures supplémentaires nécessaires pour infléchir la courbe […], le refus opposé […] par le pouvoir réglementaire est incompatible avec la trajectoire de réduction de ces émissions fixée par le décret du 21 avril 2020 précité […] ».
Un dénouement en 2022 ?
Le Conseil d’État constate en outre que l’accord entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne en avril 2021 a relevé l’objectif de réduction des émissions gaz à effet de serre de 40 à 55 % par rapport à leur niveau de 1990. L’annulation du refus implicite de prendre des mesures supplémentaires permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction de ces émissions tels que fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 implique nécessairement l’édiction de telles mesures. Dans un communiqué du même jour, le gouvernement prend acte de l’arrêt du Conseil d’État et rappelle « sa détermination à renforcer son action climatique, en accélérant encore les réductions d’émissions et en mettant en place des mesures pour protéger les Français des impacts déjà observables du changement climatique ».

1. Le contentieux lié à la violation d’une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail d’un salarié soulève de nombreuses difficultés (M. Poumarède, La sanction de l’embauche déloyale d’un salarié d’une entreprise concurrente : aux confins du droit des affaires et du droit du travail, RTD com. 2012. 651 ). Une problématique récurrente est de déterminer si le juge commercial saisi de ce litige doit, ou non, surseoir à statuer dans l’attente d’une décision du conseil de prud’hommes, également saisi. L’arrêt commenté est, à ce titre, particulièrement intéressant en ce qu’il rappelle l’orientation adoptée et s’attarde sur le cas particulier du référé commercial.
2. Les faits d’espèce était des plus classiques : une société se plaignait de l’embauche de son ancien salarié par l’un de ses concurrents, au mépris de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail. La société victime engage alors deux actions : la première contre son ancien salarié devant le conseil de prud’hommes ; la seconde contre son concurrent devant le tribunal de commerce afin de faire cesser, en référé, la nouvelle relation de travail.
3. Dans le cadre du référé commercial, un sursis à statuer fut sollicité par l’entreprise concurrente dans l’attente du jugement du conseil de prud’hommes. Pour nous en tenir à l’essentiel, l’ordonnance de référé fut frappée d’appel et la cour d’appel refusa de surseoir à statuer. En d’autres termes, cette dernière accéda donc aux demandes de la société victime et ordonna l’arrêt de la relation de travail sous astreinte ainsi que le paiement d’une provision. Le pourvoi formé se concentrait sur la position de la cour d’appel qui aurait dû surseoir à statuer compte tenu de la procédure engagée devant le conseil de prud’hommes.
4. La Cour de cassation rejette toutefois ce pourvoi en affirmant qu’aucun sursis à statuer n’avait, en l’espèce, à être retenu. La formule mérite d’être reprise in extenso : « Si la juridiction commerciale, qui a compétence, dans le cadre d’un litige opposant deux...

Le litige opposant la société italienne Mezzi & Fonderia à l’Académie de France à Rome à propos de la résiliation du contrat de de concession du service de cafétéria et de restauration de la Villa Médicis à Rome est l’occasion pour le Conseil d’État de préciser les règles applicables au dépendance du domaine public français situées sur le territoire d’un État autre que la France.
Saisi par le titulaire du contrat, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande tendant à l’annulation de cette décision de résiliation et à la reprise des relations contractuelles. La société Mezzi & Fonderia se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant ses appels (23 janv. 2020, n° 19PA01312, Société Mezzi & Fonderia, AJDA 2020. 1058 , note C. Meurant ).
Le Conseil d’État estime que la cour...
Le juge administratif est compétent pour connaître des litiges relatifs à un contrat comportant occupation de dépendances du domaine public français situées à l’étranger, alors même que le contrat stipule expressément qu’il est régi par la loi étrangère.

On n’en doutait guère depuis la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 17 mars 2021, aff. C-900/19, One voice (Assoc.) et Ligue pour la protection des oiseaux c/ Ministre de la transition écologique et solidaire, AJDA 2021. 588 ; ibid. 1086, chron. P. Bonneville, C. Gänser et A. Iljic ; ibid. 1086, chron. P. Bonneville, C. Gänser et A. Iljic ; D. 2021. 577 ). Le Conseil d’État l’a confirmé, le 28 juin : la chasse à la glu (dite aussi aux gluaux) est incompatible avec la directive Oiseaux. La Haute juridiction a annulé les arrêtés du ministre de la Transition écologique autorisant cette chasse traditionnelle dans cinq départements du sud de la France pour les campagnes 2018-2019 et 2019-2020....
L’indemnité d’occupation due par le preneur à compter de l’expiration du bail commercial doit être fixée en fonction de la valeur locative sans appliquer la règle du plafonnement du loyer.
L’article L. 111-6-1 du code de la construction et de l’habitation, qui ne vise que la division en vue de mettre à disposition des locaux à usage d’habitation, n’est pas applicable à des lots nouvellement créés permettant d’individualiser juridiquement et comptablement des chambres et débarras distincts existant déjà en dernier étage et correspondant à la structure de l’immeuble depuis son origine.
L’article 45 de la Constitution prévoit que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
Si la notion apparaît dès 1935 dans le règlement de l’Assemblée nationale, l’exigence constitutionnelle d’un lien entre un amendement et un texte en discussion devant le parlement a été établie pour la première fois dans une décision du Conseil constitutionnel du 13 décembre 1985. Par la suite, la réforme constitutionnelle de 2008 a constitutionnalisé l’irrecevabilité des « cavaliers législatifs ».
En application de cet article 45, il existe une interdiction dès la première lecture des « dispositions contenues dans un projet ou une proposition de loi qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n’ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a prétendu les faire figurer » (Jean Maïa, Secrétaire général du Conseil constitutionnel).
Cohérence ou verrouillage du débat ?
Les règles relatives à ces « cavaliers législatifs » ont une application large, puisqu’elles concernent tant les projets que les propositions de loi. Elles vont en outre concerner les amendements parlementaires et les amendements du gouvernement. Elles ne s’appliquent en revanche ni aux...
La sophistication du droit administratif européen prévu pour la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD) est telle qu’il est désormais à l’origine d’un contentieux autonome, distinct des questions matérielles relatives à la protection des données personnelles. Si les affaires Schrems ont mis en lumière les relations verticales entre la Commission et les autorités nationales de contrôle, la gouvernance horizontale est aujourd’hui au cœur de l’actualité politique et jurisprudentielle.
L’enjeu : l’efficacité du mécanisme du guichet unique prévu par le RGPD
La principale question dans l’affaire Facebook Belgium porte sur l’efficacité du fonctionnement du mécanisme du guichet unique prévu par le RGPD dans un contexte général d’interrogations sur sa pertinence. Ce système de guichet unique prévoit la compétence de l’autorité de contrôle de l’établissement principal ou de l’établissement unique du responsable du traitement pour agir en tant que chef de file pour les traitements transfrontaliers effectués par ce responsable du traitement. Le défi est celui de la cohérence dans l’application du texte : aussi, en cas de traitement transfrontalier de données, le RGPD organise une centralisation du contrôle par un chef de file, en coopération avec les autres autorités de contrôle concernées. Comme la plupart des géants du numérique ont établi leur filiale européenne en Irlande pour des raisons fiscales, l’autorité irlandaise se retrouve, de fait, au cœur des dossiers les plus importants.
L’enjeu est l’efficacité du droit administratif européen et la pertinence de la régulation institutionnelle pensées pour l’application du RGPD, en particulier l’articulation qu’il prévoit entre les compétences respectives des différentes autorités nationales de contrôle : la compétence du chef de file est-elle exclusive ou partagée avec les autres autorités concernées ? En d’autres termes : une autorité de contrôle non-chef de file peut-elle ester en justice devant une juridiction de son État membre contre des infractions au RGPD pour un traitement de données transfrontalier, en dehors des exceptions prévues par les textes ?
Dans les faits à l’origine du litige ayant donné lieu à la question préjudicielle, l’autorité belge souhaitait pouvoir agir en justice contre Facebook Belgium pour un traitement transfrontalier de données personnelles alors même que le responsable de ce traitement est Facebook Ireland. Les faits à l’origine de cette question ne sont que l’un des exemples d’une problématique devenue plus générale dans laquelle une pluralité d’autorités nationales a émis de fortes critiques à l’égard de l’inaction de l’autorité irlandaise dans un certain nombre de dossiers. La sensibilité politique de cette situation est telle que le gouvernement français souhaite désormais s’assurer qu’un tel système de guichet unique ne soit pas reproduit pour l’application du Digital Services Act. On peut ainsi s’étonner du silence de certains gouvernements, prompts à souligner politiquement les limites du guichet unique, qui n’ont cependant pas saisi ici l’occasion de présenter des observations devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) alors même que se présentait une occasion de le faire évoluer. La faible mobilisation étatique contraste avec l’importance de la question que la Cour de justice avait à traiter.
L’application cohérente et homogène du RGPD dans l’Union se révèle être un défi. Pour le relever, la Cour de justice va chercher à défendre « l’effet utile » du mécanisme de guichet unique qui, malgré les difficultés qu’il génère, est au cœur de la volonté du législateur européen. Pour définir un équilibre entre ces éléments contradictoires, la CJUE va reprendre une distinction fondamentale dans la théorie des compétences, celle qui dissocie la répartition des compétences entre autorités de l’exercice des pouvoirs par ces autorités.
Le principe : l’autorité chef de file est, en principe, seule compétente pour adopter une décision constatant qu’un traitement transfrontalier de données personnelles méconnaît le RGPD
Si la répartition des compétences entre autorités de contrôle fixée par le RGPD à travers le mécanisme du guichet unique est appliquée de façon stricte par le juge, le juge encadre l’exercice de leurs pouvoirs par des principes régulateurs bien établis, en particulier l’obligation de coopération loyale. La répartition des compétences entre autorités chef de file et autorités concernées est ainsi préservée par la Cour de justice qui en rappelle fermement le principe : seule l’autorité chef de file est, en principe, compétente pour adopter une décision constatant qu’un traitement transfrontalier de données personnelles méconnaît le RGPD. La compétence des autres autorités de contrôle concernées, même à titre provisoire, n’est que l’exception, précisément encadrée par les textes. Cette limitation des compétences des autorités de contrôle concernées, qui vaut aussi bien pour le pouvoir d’adopter une décision que d’ester en justice, est jugée par la Cour conforme aux exigences de la Charte des droits fondamentaux dès lors que les règles de répartition des compétences « n’enlèvent rien à la responsabilité incombant à chacune de ces autorités de contribuer à un niveau élevé de protection de ces droits ». La protection des droits fondamentaux semble intrinsèquement liée à la cohérence d’ensemble de la régulation institutionnelle prévue par le droit administratif européen issu du RGPD.
La répartition des compétences est claire : l’autorité de contrôle chef de file est normalement le « seul interlocuteur » du responsable du traitement transfrontalier. La Cour de justice la réaffirme, en dépit des sollicitations de quelques gouvernements pour la faire évoluer. Ceux-ci se fondaient notamment sur la rédaction à la vérité quelque peu ambiguë de l’article 56, § 1, du RGPD qui affirme la compétence du chef de file « sans préjudice de l’article 55 » relatif aux pouvoirs généraux de toute autorité de contrôle pour défendre une interprétation du mécanisme reposant sur une application cumulative des compétences des autorités concernées et du chef de file. Selon cette interprétation, clairement écartée par la Cour, les compétences de chef de file pourraient être exercées en parallèle à celles que l’article 55 confère à toutes les autorités de contrôle, qui resteraient donc libres d’ester en justice contre un traitement transfrontalier.
Fondée sur une confusion manifeste entre compétences et pouvoirs, cette interprétation, au demeurant contraire à l’esprit du RGPD qui avait précisément pour ambition de coordonner les compétences des différentes autorités nationales, est fermement écartée par la Cour de justice. La compétence de principe de l’autorité chef de file ne peut s’accommoder de l’exercice distinct, parallèle, des pouvoirs des autres autorités de contrôle. Le principe même de la régulation institutionnelle prévue la protection des données est que chaque autorité, en participant à cette gouvernance collective, ne peut plus concevoir son action de façon autonome. Cette mise en perspective des pouvoirs des autorités de contrôle dans un cadre institutionnel plus large vaut pour tous leurs pouvoirs : ainsi, toute forme de modulation entre les pouvoirs des autorités de contrôle (qui dissocierait par exemple entre la possibilité d’ester en justice ou les autres pouvoirs de ces autorités) est écartée.
La nuance : l’interprétation de l’exercice des pouvoirs prévus par le système du guichet unique à la lumière de l’obligation de coopération loyale
Le principe de coopération loyale ne concerne ni ne modifie la répartition des compétences : il éclaire la façon de les exercer de manière à ce qu’une interprétation littérale ne la dénature pas, la lettre du RGPD ne doit pas permettre d’en trahir l’esprit. Ainsi, le chef de file doit exercer ses pouvoirs dans le respect de l’obligation de coopération loyale, c’est-à-dire dans une coopération étroite avec les autres autorités concernées. Il ne peut « s’affranchir, dans l’exercice de ses compétences d’un dialogue indispensable ainsi que d’une coopération loyale et efficace avec les autres autorités de contrôle concernées ». Ce principe de coopération loyale est concrétisé, dans le RGPD, par des exigences de coopération et d’assistance mutuelle.
La compétence du chef de file n’est ainsi pas exclusive : d’une part, le texte prévoit des exceptions à cette compétence de principe et, d’autre part, la CJUE permet aux autorités concernées de retrouver une certaine marge de manœuvre en cas d’incompétence négative ou de carence du chef de file. La compétence en matière de traitements transfrontaliers s’apparente ainsi davantage à une compétence partagée, avec l’application d’une logique de préemption en faveur du chef de file, qu’à une compétence parallèle.
One-stop-shop vs forum shopping
La préemption en faveur du chef de file ne doit pas cependant se muer en un aveu d’inconséquence en cas d’incompétence négative. La Cour de justice de l’Union européenne se montre tout aussi ferme sur la tentation d’un contournement du système qui serait rendu possible par l’inaction ou l’insuffisance de la protection assurée par une autorité chef de file. Ainsi, « le mécanisme de guichet unique ne saurait en aucun cas aboutir à ce qu’une autorité de contrôle nationale, en particulier l’autorité de contrôle chef de file, n’assume pas la responsabilité qui lui incombe en vertu du règlement 2016/679 de contribuer à une protection efficace des personnes physiques contre des atteintes à leurs droits fondamentaux, sous peine d’encourager la pratique d’un forum shopping, notamment de la part des responsables de traitement, visant à contourner ces droits fondamentaux et l’application effective » du RGPD (pt 68).
Le système du guichet unique ne doit pas laisser subsister des îlots d’immunité dans l’application du RGPD. On ne saurait être plus clair : le système de répartition des compétences ne doit pas pouvoir être instrumentalisé par les opérateurs économiques qui verraient un effet d’aubaine dans la modération excessive, voire l’inertie, dont pourrait faire preuve une autorité chef de file. La fermeté du rappel de la répartition des compétences s’accompagne de la même fermeté à l’égard des chefs de file qui ne joueraient pas leur rôle, ouvrant ainsi la voie à des détournements du système. Ainsi, plutôt que d’assouplir le système, la Cour de justice préfère le renforcer à travers l’obligation de coopération loyale : le « partage de compétences et de responsabilités entre les autorités de contrôle repose nécessairement sur la prémisse d’une coopération loyale et efficace entre ces autorités ainsi qu’avec la Commission afin d’assurer l’application correcte et cohérente » du RGPD (pt 72).
L’obligation de coopération loyale est conçue de façon ambivalente. D’un côté, les autorités concernées ne peuvent contourner la compétence de principe du chef de file, que ce soit pour adopter une décision ou ester en justice. Elles ne peuvent pas non plus s’en émanciper au motif que cette limitation de leurs pouvoirs serait incompatible avec les droits fondamentaux dès lors que le système de régulation institutionnel retenu intègre les exigences de la Charte de l’Union européenne. D’un autre côté, si l’autorité chef de file ne respecte pas le principe de coopération loyale et en particulier ses obligations d’assistance mutuelle, les autres autorités concernées ne doivent pas être condamnées à l’impuissance. Ainsi, si une autorité a requis l’assistance mutuelle du chef de file et qu’il ne lui fournit pas les informations demandées, elle retrouve des moyens d’agir et pourra dans certains cas s’adresser aux juridictions de son État (pt 71). Pour cela, la Cour de justice va renforcer l’efficacité du dispositif de l’article 61 du RGPD qui prévoit, outre les mesures qui peuvent être justifiées par l’urgence, que l’autorité concernée peut soumettre toute question d’application générale ou produisant des effets dans plusieurs États membres au comité européen de la protection des données (CEPD) pour obtenir un avis, en particulier lorsque l’autorité compétente ne respecte pas ses obligations d’assistance mutuelle. Si cette procédure, assez lourde, avait tout d’un « tigre de papier » (pt 122 des conclusions de l’avocat général Bobek) dans la mesure où l’avis du CEPD ne semble pas avoir d’effet contraignant sur le chef de file défaillant, la Cour de justice en tire cependant des conséquences précises sur la régulation des compétences institutionnelles, dans une logique de vases communicants : à la suite de l’adoption d’un tel avis ou d’une telle décision, et pour autant que le CEPD y soit favorable, l’autorité concernée « doit pouvoir prendre les mesures nécessaires » pour assurer le respect des règles relatives à la protection des droits des personnes et notamment ester en justice. La CJUE ne précise cependant pas davantage ce point qui semble permettre, par une sorte de préemption inversée, une intervention supplétive de l’autorité concernée.
La stratégie d’évitement : la question de l’application du guichet unique aux témoins de connexion
On soulignera ici que la Cour de justice de l’Union européenne, cherchant peut-être à rester au-dessus de la mêlée, s’attache plus ici à résoudre les questions de principe qu’à arbitrer le litige sur le fond. Si c’est bien là son rôle dans la procédure préjudicielle, cette retenue contraste malgré tout quelque peu avec la forte implication qui est la sienne sur d’autres sujets. Ainsi, elle ne tranche pas la question, politiquement délicate, de savoir si le chef de file a rempli ou non son devoir d’assistance mutuelle qu’elle laisse au juge de renvoi le soin d’apprécier, pas plus qu’elle n’arbitre la question du champ d’application matériel du RGPD qui fait aussi l’objet d’un désaccord entre les autorités de contrôle belge et irlandaise. Ainsi, le point de savoir si les témoins de connexion utilisés par Facebook pour collecter les données relèvent du RGPD ou de la directive e-privacy, pourtant essentiel pour la recevabilité de la question préjudicielle, n’est pas arbitré par le juge qui se retranche opportunément derrière la présomption de pertinence des questions du juge de renvoi (comp. avec l’ord. n° 449212 du 4 mars 2021 du Conseil d’État dans l’affaire Google LLC et Google Irlande, dans laquelle le juge du référé a estimé que le mécanisme du guichet unique prévu par le RGPD n’est pas applicable en matière de témoins de connexion dès lors qu’ils sont régis par la directive e-privacy). Cette délimitation du champ matériel du RGPD est pourtant fondamentale car elle peut ouvrir la voie à des stratégies d’évitement du guichet unique. Cette responsabilité laissée au juge national s’explique peut-être ici par l’horizontalité des enjeux de gouvernance.
Autres questions préjudicielles sur les compétences des autorités de contrôle non-chef de file
D’autres questions plus secondaires faisaient aussi l’objet du renvoi préjudiciel. Au-delà de la récurrente question de l’application temporelle du texte, le juge de renvoi demandait si la répartition des compétences entre autorités de contrôle (chef de file et autorités concernées) pouvait être différente dans l’hypothèse où le responsable du traitement de données transfrontalier a établissement secondaire dans l’État de l’autorité concernée. La réponse est à l’évidence négative dès lors que l’établissement principal est situé dans un autre État membre : l’exercice du pouvoir d’une autorité de contrôle, autre que le chef de file, d’intenter une action en justice ne dépend pas de l’existence d’un établissement du responsable du traitement transfrontalier sur le territoire de cet État membre, même si la présence d’un établissement secondaire peut avoir d’autres conséquences du fait de la qualification d’autorité concernée qu’elle induit.
Le juge de renvoi se demandait également si la compétence de l’autorité nationale non-chef de file était différente selon qu’elle dirige son action en justice contre l’établissement principal du responsable du traitement de données transfrontalier ou contre l’établissement secondaire qui se trouve dans son propre État membre. Le juge de renvoi belge s’interrogeait ainsi en pratique sur sa compétence pour connaître d’un recours dirigé contre Facebook Belgium alors même que, dans l’Union, le siège social de Facebook est en Irlande et que Facebook Ireland est le responsable du traitement des données personnelles pour tout le territoire de l’Union. Là encore, la réponse est négative dès lors que l’établissement principal du responsable de traitement se trouve dans un autre État membre. La répartition des compétences entre autorités nationales de contrôle n’est pas affectée mais la CJUE laisse une souplesse sur l’entité qui peut être mise en cause par le recours de l’autorité de contrôle dans cette hypothèse, pour autant que l’action en justice vise un traitement de données effectué dans le cadre des activités de cet établissement. En l’occurrence, l’établissement de Facebook en Belgique sert essentiellement aux relations avec les institutions européennes, et de façon secondaire, à la promotion d’activités publicitaires et de marketing. La Cour de justice estime que de telles activités sont indissociablement liées au traitement des données dont Facebook Ireland est le responsable sur le territoire de l’Union et que le traitement doit donc être regardé comme étant effectué « dans le cadre des activités d’un établissement du responsable du traitement » au sens de l’article 3, § 1, du RGPD.
Enfin, la Cour de justice affirme l’effet direct de l’article 58, § 5, du RGPD. Cet article dispose que « chaque État membre prévoit, par la loi, que son autorité de contrôle a le pouvoir de porter toute violation du présent règlement à l’attention des autorités judiciaires et, le cas échéant, d’ester en justice d’une manière ou d’une autre, en vue de faire appliquer les dispositions du présent règlement ». Si les règlements ont en principe, par nature, un effet direct, on sait que des exceptions ont été très ponctuellement admises par la Cour de justice. La question se posait ici avec une acuité particulière, au-delà même de la rhétorique singulière autour de la supposée « transposition » du RGPD au regard des marges de manœuvre nationales qu’il prévoit, dès lors que la formulation de l’article renvoie au droit national le soin de prévoir les modalités de mises en œuvre de ce droit de recours, laissant ainsi un doute sur son inconditionnalité, qui est pourtant l’une des conditions de l’effet direct avec la précision et la clarté. La reconnaissance d’un effet direct paraît opportune, notamment dans un contexte où l’articulation des compétences entre les autorités nationales rend déjà suffisamment subtile la mise en œuvre de leurs pouvoirs : sophistiquer encore davantage la capacité d’agir de ces autorités nationales de contrôle pourrait les condamner à l’inertie.
Un arrêt de principe ?
Finalelement, l’arrêt réussit le pari d’être déjà considéré comme un arrêt de principe alors même qu’il cherche surtout à préserver le système de gouvernance établi par le législateur européen : le mécanisme du guichet unique est conservé et même renforcé par l’obligation de coopération loyale. Le rôle du juge est ici subtil : son objectif n’est pas de changer la régulation institutionnelle mais d’en limiter les contournements qui le fragilisent et le déconsidèrent.

Le Conseil d’État s’était déjà attaché à tirer les conséquences de la portée différenciée de l’annulation d’une décision d’homologation ou de validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi selon le motif retenu. Il avait ainsi jugé que « lorsque le juge administratif est saisi d’une requête dirigée contre une décision d’homologation ou de validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi d’une entreprise qui n’est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours se prononcer, s’il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l’absence ou de l’insuffisance du plan, même lorsqu’un autre moyen est de nature à fonder l’annulation de la décision administrative » (CE 15 mars 2017, n° 387728, Ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, Lebon ; AJDA 2017. 603 ; RDT 2017. 242, concl. F. Dieu ).
Dans l’arrêt du 14 juin 2021, le Conseil d’État réaffirme ce principe mais précise davantage encore la grille d’analyse à laquelle le juge administratif doit se conformer. Il incombe désormais au juge administratif de toujours commencer par se prononcer sur le moyen tiré de l’absence ou de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi d’une entreprise qui n’est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, dès lors que ce moyen est soulevé devant lui. Priorité doit ensuite être donnée aux autres moyens éventuellement présentés à l’appui...
Faute d’avancée possible avec l’Assemblée, le Sénat a même adopté une question préalable pour la dernière lecture du projet de loi de bioéthique, ce qui revient à rejeter le texte en abrégeant les débats. La clause de revoyure n’a pas échappé aux dissensions. Depuis 2004, les lois bioéthiques sont révisées tous les sept ans.
Durant les débats, la clause a été ramenée à cinq ans avant de repasser à… sept ans. La mesure phare du texte, la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, a éclipsé le reste du texte. Les sénateurs s’y sont eux-mêmes perdus. Alors qu’en premier lecture, ils avaient adopté la PMA pour toutes mais en limitant son remboursement par la sécurité sociale aux seuls cas d’infertilité. En seconde lecture, après des tensions autour de la PMA post-mortem, ils ont finalement rejeté...
Le Sénat a revisité le texte, l’éloignant même des orientations que le gouvernement avait fixées dans son étude d’impact. Les sénateurs ont ainsi créé un article préliminaire engageant la France à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui découleront de la révision prochaine du règlement européen « sur la répartition de l’effort », qui doit fixer, pour chaque État membre, des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de - 55% en 2030.
Sur le volet des transports, ils ont approuvé une baisse de la TVA sur les billets de train de 10 % à 5,5 %, l’une des propositions de la convention citoyenne pour le climat, dont n’avaient voulu ni le gouvernement ni les...

À la suite de la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, plusieurs propriétaires ont contesté la fixation par le juge de l’expropriation des indemnités leur revenant.
C’est à cette occasion que ces propriétaires ont saisi le Conseil constitutionnel de deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) à l’encontre des dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui interdisent au juge de tenir compte des changements de valeur du bien exproprié lorsqu’ils sont provoqués par l’annonce des travaux ou des opérations dont la déclaration d’utilité publique est demandée par l’expropriant (Civ. 3e, QPC, 1er avr. 2021, n° 20-17.133 ; 1er avr. 2021, n° 21-40.004, Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. G. Hamel ; AJDA 2021. 768 ; AJDI 2021. 377 , obs. G. Hamel ).
Ils reprochaient à ces dispositions de prévoir des modalités inconstitutionnelles d’évaluation du bien exproprié en cas d’opération qu’ils qualifient « d’expropriation pour revendre ».
Les requérants estimaient que ces dispositions ne permettaient pas au juge de l’expropriation « d’accorder une juste et intégrale indemnité dès lors qu’elles lui imposent d’évaluer ce bien en considération de son seul usage effectif à une date située très en amont de celle à laquelle il fixe le montant de l’indemnité, sans lui permettre de tenir compte du prix auquel l’expropriant entend vendre le bien, dans des conditions déjà connues et lui permettant de réaliser une plus-value substantielle certaine ».
Selon eux, les dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique porte une atteinte injustifiée au droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui exige une juste et préalable indemnisation de l’exproprié.
Toutefois, dans la décision rapportée, le Conseil constitutionnel n’adhère pas à ce raisonnement et considère qu’en « interdisant au juge de l’expropriation, lorsqu’il fixe le montant de l’indemnité due à l’exproprié, de tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence lorsqu’ils sont provoqués par l’annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d’utilité publique est demandée par l’expropriant, les dispositions contestées visent à protéger ce dernier contre la hausse de la valeur vénale du bien résultant des perspectives ouvertes par ces travaux ou opérations ».
Les Sages du Palais-Royal expliquent ainsi que le législateur a entendu éviter que la réalisation d’un projet d’utilité publique soit compromise par une hausse de la valeur vénale du bien exproprié, au détriment du bon usage des deniers publics.
Le Conseil constitutionnel rappelle également que, pour fixer l’indemnité d’expropriation, le juge peut tenir compte des changements de valeur subis par le bien exproprié depuis la date de référence à la suite de circonstances autres que celles prévues au dernier alinéa de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. À ce titre, il peut notamment prendre en compte l’évolution du marché de l’immobilier pour estimer la valeur du bien exproprié à la date de sa décision.
Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel décide que les dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique contestées ne portent pas atteinte à l’article 17 de la Déclaration de 1789, selon laquelle nul ne peut être privé de sa propriété que sous la condition d’une juste et préalable indemnité.
Le Conseil en conclut que ces dispositions, qui ne sont pas entachées d’incompétence négative et ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution.
Les dispositions de l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui ne permettent pas au juge de l’expropriation de tenir compte du prix auquel l’expropriant entend revendre le bien dans des conditions déjà connues et lui permettant de réaliser une plus-value substantielle certaine, sont conformes à la Constitution.
En l’espèce, Mme C., employée par la commune de Reclesne, avait été licenciée, après avis du comité médical, pour inaptitude totale et définitive à son emploi et à tout autre. Elle contestait le refus de la commune de lui accorder le bénéfice de l’allocation d’ARE. La commune faisait valoir que Mme C. se trouvait, à la date de sa demande, dans une situation d’invalidité l’empêchant, en application de l’article L....

Article
par Emmanuelle Maupinle 29 juin 2021
Décr. n° 2021-795, 23 juin 2021, JO 24 juin
Le texte encadre la réalisation d’études d’évaluation des volumes prélevables dans les milieux naturels en période de basses eaux pour les usages anthropiques. Il donne un cadre juridique sécurisé aux autorisations de prélèvement : contenu de l’étude d’impact, définition des quantité d’eau qui peuvent être prélevées dans les milieux naturels (rivières et nappes souterraines) sans les mettre en danger. Il renforce le...

Dans un arrêt du 21 juin, le Conseil d’État précise les modalités de liaison du contentieux par une demande indemnitaire adressée à l’administration après la saisine du juge.
Alors que le décret JADE devait faire obstacle à la recevabilité d’une requête indemnitaire sans demande préalable, celle-ci a été admise par la jurisprudence Consort Rollet (CE, sect., 27 mars 2019, n° 426472, Lebon 95Lebon ; AJDA 2019. 662 ; ibid. 1455 , note F. Poulet ), dès lors qu’une décision implicite de rejet est née avant la décision du juge.
M. B., ancien fonctionnaire de la commune de Montigny-lès-Metz, a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner celle-ci à l’indemniser du préjudice causé par le refus illégal de la commune de le réintégrer, pendant plusieurs années, à l’issue d’une...
À la suite des opérations électorales à Grimaud, le tribunal administratif de Toulon a rejeté une protestation de M. D. contre l’élection de M. J. et refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, soulevée en défense par ce dernier, à l’encontre des dispositions du 6° de l’article L. 231 du code électoral. M. D. a fait appel du jugement en tant qu’il a rejeté sa protestation. Sur recours incident, M. J. conteste le refus qui lui a été opposé par le tribunal administratif de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de...
Au 1er trimestre 2021, l’ILC enregistre une hausse de 0,43 %, tandis que l’ILAT baisse de 0,57 %.
L’indice du coût de la construction (ICC) du premier trimestre 2021, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 157, 23 juin 2021) s’élève à 1 822, soit une hausse de 2,94 % sur un an, de 9,04 % sur trois ans et de 12,68 % sur neuf ans.
Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.
Dans le cadre de contrats de prêts immobiliers libellés en francs suisses, la Cour de justice de l’Union européenne considère que les clauses prévoyant l’allongement de la durée d’un contrat de prêt et l’augmentation du montant des mensualités sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.
Précisions quant au point de départ du délai pour agir en cas de contestation de l’avis d’inaptitude
La procédure de licenciement pour inaptitude répond à des impératifs parfois obscurs, souvent complexes. Cela suppose le respect d’un cadre précis et contraignant, que l’on peut observer au stade de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, de la recherche de propositions de reclassement ou de la procédure de licenciement en elle-même. Sur le principe, il appartient au médecin du travail de déclarer inapte le salarié dont l’état de santé justifie un changement de poste, lorsque aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est envisageable. Les enjeux sont réels, tant pour l’employeur que pour le salarié déclaré inapte. Aussi, il est admis que le salarié comme l’employeur peuvent saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond afin de contester les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail et reposant sur des éléments de nature médicale (C. trav., art. L. 4624-7). La saisine doit intervenir « dans un délai de quinze jours à compter de leur notification » (C. trav., art. R. 4624-46). Derrière cette apparente simplicité se cache pourtant une interrogation : le délai de quinze jours commence-t-il à courir à compter de la notification de l’avis d’inaptitude ou, au contraire, à...
Le délai laissé aux syndicats des copropriétaires pour mettre en conformité leur règlement de copropriété exclut l’application de l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965.

La société Forseti, qui exploite une plateforme d’informations juridiques, a saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir contre la note du 19 décembre 2018 du garde des Sceaux rappelant aux premiers présidents des cours d’appel et aux procureurs généraux près ces cours les conditions de délivrance de copies de décisions judiciaires civiles et pénales aux tiers à l’instance.
La Haute juridiction rappelle les principes dégagés par sa décision de section GISTI (CE, sect., 12 juin 2020, n° 418142, Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s, Lebon avec les concl. ; AJDA 2020. 1196 ; ibid. 1407 , chron. C. Malverti et C. Beaufils ; AJ fam. 2020. 426, obs. C. Bruggiamosca ; AJCT 2020. 523 , Arrêt du mois S. Renard et E. Pechillon , Arrêt du mois S. Renard et E. Pechillon ; RFDA 2020. 785, concl. G. Odinet
Après avoir constaté la formation d’écarts de prix importants sur les places de marché des points d’échange gaz (PEG) Nord et Sud au cours des années 2013 et 2014, la Commission de régulation de l’énergie a ouvert une enquête contre la société Vitol. Le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) a relevé des manipulations de marché constitutives d’infractions au règlement (UE) n° 1227/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie (dit « REMIT ») et a infligé à cette société une sanction pécuniaire de 5 M€. Cette dernière en demande l’annulation au Conseil d’État.
La Haute juridiction précise que...
Dans la première affaire (C-718/19), la juridiction est saisie de la question de la conformité à la liberté de circulation de la réglementation belge relative aux mesures d’exécution (assignation à résidence pour éviter le risque de fuite ou placement en rétention pour une période maximale de huit mois) d’une décision d’éloignement d’un citoyen de l’Union et des membres de sa famille pour des motifs d’ordre ou de sécurité publics, mesures similaires à celles applicables aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. S’inspirer des règles applicables aux ressortissants de pays tiers pour prévoir des règles applicables aux citoyens européens n’est pas, en soi, contraire au droit de l’Union, estime la CJUE. Mais, si elles constituent des...
Le Premier ministre, Jean Castex, et la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin, ont chargé Jean Bassères de préparer la création de l’institut national du service public (INSP) et de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (DIESE), deux structures clés de la réforme de la haute fonction publique (v. Dalloz actualité, 4 juin 2021, obs. M.-C. de Montecler).
Le directeur général de Pôle emploi s’appuiera sur un groupe de travail « pluridisciplinaire et paritaire », a précisé le ministère. Il est composé de Godefroy Beauvallet, chef du service du conseil général de l’économie, Thomas Cazenave, inspecteur des finances et ex-délégué interministériel à la transformation publique, Coralie Chevallier, chercheuse en sciences cognitives et vice-présidente de l’université Paris sciences et lettres, Jacques Clément, directeur des ressources humaines du ministère de la Transition écologique, Gabriel Eckert, professeur de droit public à l’université de Strasbourg, Audrène Eloi, directrice du département des partenariats et des relations extérieurs à l’INSERM, Bénédicte Le Deley, ancienne secrétaire générale de l’Association nationale des DRH, Marie-Anne Lévêque, secrétaire générale du ministère de l’Éducation nationale et ancienne directrice générale de l’administration et de la fonction publique, Claire Pedini, directrice générale adjointe chargée des ressources humaines et de la transformation digitale de Saint-Gobain et Denis Robin, secrétaire général de la mer.
Dans la lettre de mission qu’ils ont adressée à Jean Bassères, Jean Castex et Amélie de Montchalin lui demandent de décliner les missions qui devront être exercées par l’INSP et la DIESE et les grands axes de leurs projets stratégiques. Il devra également définir les modalités d’organisation et de gouvernance des deux structures. Son rapport devra être rendu le 1er novembre. Toutefois, un point d’étape est prévu le 1er octobre, date à laquelle doivent être arbitrés les projets de texte d’application de l’ordonnance du 2 juin, en vue du recueil des avis des organes de concertation avant la consultation du Conseil d’État. Le fait que Jean Bassères soit chargé de cette mission ne présage aucunement, précise-t-on dans l’entourage d’Amélie de Montchalin, qu’il ait vocation à diriger l’une ou l’autre des deux structures. Le gouvernement lancera un appel à candidatures pour trouver le directeur de la DIESE comme celui de l’INSP.
Marqué du sceau de l’hybridation, le statut de VRP interpelle souvent par son originalité. Tout à la fois salarié et indépendant, le VRP bénéficie pour l’essentiel des dispositions du code du travail, avec toutefois quelques particularités. Pour rappel, le VRP, qui est chargé de développer une clientèle au profit d’un fournisseur, est lié à ce dernier à raison d’engagements portant notamment sur les services ou marchandises proposés à la vente ou à l’achat, sur le secteur d’activité à prospecter (champ géographique ou catégorie de clientèle) ainsi que sur le taux et la nature de la rémunération. Pour le reste, il bénéficie d’une grande latitude dans la mise en œuvre de ses missions. De cette large autonomie découle un lien de subordination particulièrement distendu, le pouvoir de direction et de contrôle de l’employeur étant, dans les faits, assez limité.
La spécificité du statut du VRP s’observe également à travers le lien étroit qu’il entretient avec la clientèle qu’il développe. Tenant compte de ce paramètre, le code du travail reconnaît au VRP le bénéfice d’une indemnité de clientèle, destinée à valoriser la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui (C. trav., art. L. 7313-13). Le VRP en est toutefois privé dans l’hypothèse d’un licenciement pour faute...
En l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur.

Énième rebondissement dans la non-application de la réforme de l’assurance chômage, les nouvelles modalités de détermination du montant de l’allocation d’assurance chômage ne s’appliqueront pas au 1er juillet. Une ordonnance de référé du Conseil d’État a en effet décidé que « les incertitudes sur la situation économique ne permettent pas de mettre en place » au 1er juillet les nouvelles règles, « qui sont censées favoriser la stabilité de l’emploi en rendant moins favorable l’indemnisation du chômage des salariés ayant alterné contrats courts et inactivité. […] De nombreuses incertitudes subsistent quant à l’évolution de la crise sanitaire et ses conséquences économiques sur la situation de celles des entreprises qui recourent largement aux contrats courts pour répondre à des besoins temporaires », justifie la plus haute juridiction de l’ordre administratif. « Or ces nouvelles règles de calcul des allocations chômage pénaliseront de manière significative les salariés de ces secteurs, qui subissent plus qu’ils ne choisissent l’alternance entre périodes de travail et périodes d’inactivité. »
Les nouvelles règles de détermination des droits des salariés en matière d’assurance chômage résultent – après l’impossibilité pour les partenaires sociaux de trouver un accord satisfaisant les objectifs dictés par le gouvernement – d’un décret du 26 juillet 2019 qui devait remplacer les règles issues de la convention de 2017 au 1er novembre 2019. Application reportée dans un premier temps à l’aune de crise sanitaire. Puis plusieurs dispositions de la réforme de l’assurance chômage avaient été censurées par le Conseil d’État le 25 novembre 2020 et notamment les celles relatives aux nouvelles modalités de calcul du salaire journalier de référence (SJR). Le juge administratif y voyait certes un objectif légitime (contrer les effets pervers du recours à des contrats courts fractionné qui permettait pour un même nombre d’heures de travail d’avoir un SJR plus élevé que le salarié en CDI à temps partiel sur la même période), mais relevait dans le même temps que les nouvelles règles conduisaient à des variations du SJR allant du « simple au quadruple » pour un même nombre d’heures de travail. En pénalisant fortement les allocataires travaillant de manière discontinue, le nouveau mode de calcul apparaissait ainsi à l’appréciation du Conseil d’État opérer une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi (v. CE 25 nov. 2021, n° 434920, Dalloz actualité, 1er déc. 2020, obs. L. Malfettes ; AJDA 2020. 346 ).
En réponse et pour corriger les règles ayant fait l’objet de l’annulation, un décret du 30 mars 2021 ajoutait un mécanisme de plancher au calcul du salaire journalier de référence afin d’éviter qu’il puisse varier du « simple au quadruple » (v. décr. n° 2021-346). Mais, pour l’ensemble des syndicats, les inégalités de traitement entre demandeurs d’emploi ayant travaillé une même durée pour une même rémunération mais selon un rythme différent existaient toujours et étaient en contradiction avec le principe assurantiel du régime d’assurance chômage en prenant en compte des périodes non travaillées. Toutes les organisations syndicales représentatives – à l’exception de la CFTC – ont déposé un recours auprès du Conseil d’État dans l’objectif d’obtenir la suspension de l’application des mesures de détermination de l’allocation d’assurance chômage afin qu’elle n’entre pas en vigueur au 1er juillet et, dans le même temps, elles ont déposé un recours au fond pour en obtenir l’annulation du décret du 30 mars.
La suspension du décret sonne pour les syndicats comme une victoire. Mais le gouvernement temporise et la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a d’ores et déjà précisé sur RTL que le ministère du Travail prendra en urgence un décret « pour que les règles actuelles puissent continuer à s’appliquer “au-delà du 1er juillet” ».
Sur le fond, le Conseil d’État doit se prononcer « dans les prochains mois » et son communiqué prend le soin de préciser que la décision de suspension ne remet « pas en cause le principe de la réforme ».
Le Conseil d’État devra ainsi se prononcer sur une violation au principe d’égalité avancée par les syndicats pour justifier une annulation de la réforme ou confirmer un changement de paradigme de l’assurance chômage qui n’aurait plus comme vocation la couverture assurantielle de la privation d’emploi. Comme l’explique Mathieu Grégoire, la réforme de l’assurance chômage introduite par les décrets du 26 juillet 2019 et 30 mars 2021 « n’est pas une réforme paramétrique. C’est une réforme systémique. Il ne s’agit pas de donner une nouvelle définition au “salaire journalier de référence”. Il s’agit d’introduire un nouvel objet qui n’est pas un salaire, mais un indicateur synthétique de salaire et de quantum d’emploi, en lieu et place de ce salaire journalier. […] Le changement d’objet témoigne du caractère systémique de la réforme qui éloigne profondément le dispositif d’une logique assurantielle de remplacement du salaire pour les salariés en situation de privation d’emploi » (v. M. Grégoire, Réforme de l’assurance chômage : vers la fin de la couverture assurantielle de la privation d’emploi, RDT 2021. 364, à paraître).

Les règles d’occupation des sols sont parfois si complexes que le contentieux qui en résulte peut parfois perdurer de longues années. L’arrêt ici rapporté, dont l’origine remonte au début des années 1980, en est un bon exemple.
M. T… et M. S…, propriétaires d’une parcelle de terre située dans un emplacement réservé par le plan d’occupation des sols, ont mis en demeure la commune de Saint-Tropez de l’acquérir en application de la procédure de délaissement alors prévue par l’article L. 123-9 du code de l’urbanisme (actuel art. L. 152-2 du même code).
Aucun accord n’étant intervenu sur le prix de cession, un jugement du 20 septembre 1982 a ordonné le transfert de propriété au profit de la commune et un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 8 novembre 1983 a fixé le prix d’acquisition à 800 000 F.
Le 22 décembre 2008, la commune de Saint-Tropez a revendu le terrain pour un montant de 5 320 000 € et le nouveau propriétaire de la parcelle a obtenu le 18 octobre 2011 un permis de construire pour la construction d’une villa individuelle avec piscine.
Entre 1983 à 2002, soit pendant près de vingt ans, puis après 2008, la parcelle litigieuse n’a pas reçu l’affectation d’intérêt général prévue, ayant justifié sa mise en réserve, permettant ainsi à la commune de Saint-Tropez de réaliser une plus-value très importante, au regard du prix auquel elle l’avait acquise.
C’est dans ce contexte que le 29 octobre 2013, Mme D…, venant aux droits des consorts T… et S…, a assigné la commune en paiement de dommages-intérêts.
Par un arrêt du 19 novembre 2019, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3e, 18 avr. 2019, n° 18-11.414, Dalloz actualité, 6 mai 2019, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2019. 903 ; D. 2019. 890 ; RDI 2019. 390, obs. R. Hostiou ; AJCT 2019. 356, obs. P. Peynet ), la cour d’appel de Lyon a condamné la commune de Saint-Tropez à verser à Mme D… la somme de 4 907 014,58 €.
La commune de Saint-Tropez, insatisfaite de la décision de la cour d’appel de Lyon, s’est pourvue devant la Cour de cassation, qui a rejeté l’ensemble des moyens de son pourvoi.
La prescription quadriennale doit être soulevée dès la première instance
Au soutien de son pourvoi, la commune de Saint-Tropez reprochait à la cour d’appel de Lyon d’avoir fait application de l’article 2224 du code civil, relatif à la prescription quinquennale des créances civiles. Elle considérait que les créances sur les collectivités publiques se prescrivaient par quatre ans à partir du premier jour de l’année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, en vertu de l’article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.
En réponse à ce premier moyen, la Cour de cassation considère effectivement que la demande indemnitaire de Mme D…, « résultant de la privation de la plus-value née de la revente de ses parcelles, portait sur une créance soumise à la prescription quadriennale de l’article 1er, alinéa 1er » de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, qui est bien applicable en l’espèce.
Elle fait toutefois application de l’article 7, alinéa 1er, de la loi du 31 décembre 1968, selon lequel la prescription quadriennale doit être invoquée avant que la juridiction saisie du litige en première instance se soit prononcée sur le fond.
Le raisonnement de la commune de Saint-Tropez en faveur de l’application de la prescription quadriennale était donc risqué et se retourne finalement contre elle.
En effet, même si Mme D… a assigné la commune de Saint-Tropez en indemnisation de son préjudice postérieurement à la fin de la prescription quadriennale, le 29 octobre 2013, la commune de Saint-Tropez ne s’est prévalue de la prescription quadriennale que devant la cour d’appel de renvoi.
La troisième chambre civile en déduit en conséquence que l’action de Mme D… était recevable.
Le raisonnement suivi ici par la Cour de cassation est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État en matière de prescription quadriennale, qui a déjà jugé « que, dès lors, la ville de Toulouse, qui n’a pas régulièrement opposé la prescription devant les premiers juges, ne saurait utilement s’en prévaloir devant le Conseil d’État » (CE 29 juill. 1983, req. n° 23828, Ville de Toulouse c. T…, Lebon p. 312 ).
Ingérence disproportionnée dans le droit de propriété
La cour d’appel de Lyon a retenu que les consorts T… et S… avaient subi une ingérence injustifiée dans leur droit de propriété dès lors que la commune n’avait pas affecté l’immeuble à la destination prévue par l’emplacement réservé et que cette dernière ne s’expliquait pas sur « l’aménagement » de l’espace vert.
La commune estimait a contrario que le terrain litigieux, qui faisait l’objet d’un emplacement réservé pour un espace vert, était resté pendant vingt ans à l’état d’espace vert, utilisé par le public, avant d’être aménagé en jardin d’enfants pendant huit ans.
La commune cherchait, dans son second moyen, à remettre en cause le contrôle de proportionnalité que la Cour de cassation avait exercé dans son arrêt du 18 avril 2019, selon lequel « un auteur de Mme D… ayant, sur le fondement du droit de délaissement et moyennant un prix de 800 000 F (121 959,21 €), cédé à la commune son bien, qui faisait alors l’objet d’une réserve destinée à l’implantation d’espaces verts, et que la commune, sans maintenir l’affectation du bien à la mission d’intérêt général ayant justifié sa mise en réserve, avait modifié les règles d’urbanisme avant de revendre le terrain, qu’elle avait rendu constructible, à une personne privée, moyennant un prix de 5 320 000 €, il en résultait que, en dépit du très long délai séparant les deux actes, la privation de toute indemnisation portait une atteinte excessive au droit au respect des biens de Mme D… au regard du but légitime poursuivi, de sorte qu’en rejetant la demande de dommages-intérêts formée par celle-ci, la cour d’appel avait violé l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Civ. 3e, 18 avr. 2019, n° 18-11.414, préc.).
Dans l’arrêt ici rapporté, la troisième chambre civile ne souhaite pas exercer un nouveau contrôle de proportionnalité en lieu et place de sa précédente décision et juge que, « dès lors que la Cour de cassation a opéré elle-même un contrôle de proportionnalité, le moyen, qui tend à remettre en cause le contrôle de proportionnalité surabondamment exercé par la cour d’appel de renvoi, est inopérant ».
Cette faculté de la Cour de cassation d’exercer un contrôle de proportionnalité, en principe réservé aux juges du fond, reste limitée, même si ce contrôle tend à se développer davantage sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
La prescription quadriennale doit être invoquée avant que la juridiction saisie du litige en première instance se soit prononcée sur le fond.
La première chambre civile de la Cour de cassation vient de transmettre un renvoi préjudiciel pour préciser notamment le régime des clauses abusives en présence d’une contractualisation de l’exigence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme d’un prêt immobilier.

L’arrêt rendu le 14 juin 2021 par le Conseil d’État apporte d’intéressantes précisions relativement au périmètre d’appréciation de la réalité du motif économique en cas d’appartenance de l’employeur à un groupe. Il intervient à la suite d’une décision du 29 juin 2020 (n° 423673, Lebon ; AJDA 2020. 1642 ) concernant la même affaire et qui avait donné l’occasion à la Haute juridiction de définir, pour la première fois, la notion de groupe et de préciser l’office du juge en la matière.
À la suite de son licenciement intervenu en 2012, un salarié protégé de la société Papeteries du Léman (PDL) avait, sans contester la décision d’autorisation de licenciement devant la juridiction administrative, saisi le conseil de prud’hommes afin de voir déclarer son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse et d’obtenir une indemnisation. Cette juridiction l’ayant débouté de sa demande, l’intéressé a interjeté appel devant la cour d’appel de Chambéry laquelle a, par un arrêt du 29 juin 2017, fort logiquement, sursis à statuer et saisi le tribunal administratif de Grenoble de la question préjudicielle de la légalité de la décision administrative. Plus précisément, la question soumise à la juridiction administrative, dont le champ d’intervention est strictement limité par la question préjudicielle posée par le juge judiciaire (v. CE 17 oct. 2003, n° 244521, Bompard, Lebon ; AJDA 2003. 2028 , chron. F. Donnat et D. Casas ; D. 2004. 1186, et les obs., note C. Boiteau ), était celle de savoir si l’inspecteur du travail avait commis une erreur d’appréciation en limitant le périmètre d’examen des difficultés économiques au seul groupe PVL. Par un jugement du 22 janvier 2018, le tribunal administratif de Grenoble avait déclaré illégale la décision de l’inspecteur du travail. Par une première décision du 29 juin 2020 (n° 417940, Papeteries du Léman (Sté), Lebon ; AJDA 2020. 2191 ), le Conseil d’État, a, sur le pourvoi de la société Papeteries du Léman, d’une part, annulé ce jugement en précisant pour la première fois la notion de groupe permettant de déterminer le périmètre d’appréciation des difficultés économiques et la nature du contrôle opéré par le juge administratif, et, d’autre part, sursis à statuer sur la question préjudicielle afin de permettre aux parties de débattre du bien-fondé de cette appréciation. Un an plus tard, l’examen de l’affaire lui permet tant de préciser davantage la notion de groupe que de clarifier le régime de la preuve en la matière.
La notion de groupe étendue à l’ensemble des entreprises placées sous le contrôle d’une même personne physique
La définition jurisprudentielle restrictive, par le premier arrêt PDL, de la notion de groupe en l’état du droit antérieur aux ordonnances de 2017
Par l’arrêt du 26 juin 2020 – dont le principe est rappelé mais affiné par la décision du 14 juin 2021 ici commentée – le Conseil d’État a, pour la première fois, défini le groupe, par référence au (seul) I de l’article L. 2331-1 du code du travail relatif au comité de groupe, comme s’entendant « de l’ensemble constitué par les entreprises placées sous le contrôle d’une même entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce », et ce « quel que soit le lieu d’implantation de leur siège, tant que ne sont pas applicables à la décision attaquée les dispositions introduites par l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 à l’article L. 1233-3 du code du travail » (rejoignant sur ce deuxième point la jurisprudence de la Cour de cassation, v. not. Soc. 16 nov. 2016, n°s 14-30.063 P, 15-15.190 P et 15-19.927 P). Une telle analyse, qui a...

Par quatre requêtes respectives, Mme W. et autres, Mme X. et autres, M. Y. et autres et M. Z. et autres ont saisi le juge des référés libertés de différentes demandes toutes similaires : 1°) annuler l’arrêté préfectoral n° 2021-1124/CAB/BPA du 9 juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires pour limiter la circulation du virus covid-19 dans le département de La Réunion ; 2°) à défaut d’une part, de procéder à la suspension des articles 14 et 15 du même arrêté préfectoral et d’autre part, dire que l’arrêté préfectoral du 9 juin 2021 précité ne pourra entrer en vigueur que dans les quinze jours compte tenu de la décision du Conseil d’État qui reconnaît que l’innocuité vaccinale ne peut être invoquée que quinze jours après la première injection ; 3°) enjoindre au préfet de La Réunion, sous 48 heures à compter de la présente décision d’une part, d’accorder une dispense pour les personnes présentant une contre-indication permanente à la vaccination et d’autre part, d’accorder une dispense pour les enfants de moins de onze ans et les enfants voyageant seuls en provenance ou à destination de La Réunion ; 4°) de condamner l’État au paiement d’une somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a été saisi par les 1 000 requérants au travers des quatre requêtes sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Pour rappel, cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de 48 heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale.
Force est de constater que certaines demandent révèlent une très grande légèreté dans l’argumentation présentée au point de dénaturer l’office du juge des référés administratif. Nous relevons sur ce point à la lecture de l’ordonnance qu’au cours de l’audience le représentant de l’ensemble des 1 000 requérants a abandonné expressément les conclusions tendant à ce que le juge des référés prononce une entrée en vigueur de l’arrêté de manière différée de quinze jours ainsi que celles tendant à ce que le juge prononce une dispense pour les personnes qui présenteraient une contre-indication permanente à la vaccination.
Cette ordonnance a un caractère didactique et permet de rappeler la procédure du référé-liberté et les conditions strictes auxquelles elle doit répondre pour être admise, notamment quant à la condition d’urgence.
La nécessité de démontrer une urgence particulièrement urgente
La notion d’urgence telle qu’exigée pour le référé-liberté est une notion différente de celle appréciée pour le référé suspension ou encore pour le référé dit mesures utiles. Cela peut se comprendre dans la mesure où le juge des référés doit statuer dans des délais extrêmement brefs et très contraints au regard de l’enjeu et l’importance des libertés en cause. Il y a donc bien une urgence propre à l’instance du référé-liberté (CE 4 févr. 2004, n° 263930, Commune d’Yvrac c/ Gueguen, Lebon ). À ce titre, le juge du Palais-Royal considère que cette condition d’urgence exigée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative ne peut être satisfaite qu’à partir du moment où les faits en la cause et les éléments mis en débat imposent au juge des référés de se prononcer dans le délai de 48 heures (CE 28 févr. 2003, n° 254411, Commune de Pertuis c/ Pellenc, Lebon ; AJDA 2003. 1171 , note P. Cassia et A. Béal ). Autrement dit, pour être recevable pour un référé-liberté, l’urgence dont on se prévaut doit s’inscrire dans une temporalité quasi immédiate ou immédiate et en corrélation avec le délai de 48 heures. Cela veut dire en clair que toutes les urgences ne relèvent donc pas de l’urgence au sens où l’entend celle du référé-liberté.
Ce qui doit donc amener le requérant à démontrer dans sa requête que sa demande ne peut souffrir d’aucun délai d’attente et que de ce fait les autres voies d’urgence existant ne permettent pas d’apporter une réponse immédiate et satisfaisante à la grave situation dans laquelle il se trouve confrontée. L’appréciation de l’urgence se fait in concreto au regard des éléments versés aux débats. Il convient de préciser que le Conseil...
Mme B.-D. se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Nice rejetant comme irrecevable sa requête contre la décision de récupération d’un indu de revenu de solidarité active au motif qu’elle n’avait pas exercé un RAPO.
« L’institution d’un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, vise...

La sanction de requalification d’un CDD en CDI et la rétroactivité qui lui est consubstantielle n’est pas sans poser un certain nombre de questions sur les modalités de « reconstitution » de la relation réputée à durée indéterminée, ainsi que sur les conséquences indemnitaires de la rupture. C’est sur ce terrain que les trois arrêts rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation le 2 juin 2021 se situent.
Dans chacune des espèces, un salarié avait sollicité la requalification d’une succession de CDD en CDI et l’avait obtenue. Différents problèmes juridiques surgirent au détour des espèces. Sur quelle base doit être calculé le rappel de salaire couvrant les périodes interstitielles séparant les différents CDD, ou encore l’indemnité compensatrice de préavis ?
L’indemnisation des périodes interstitielles
La question se pose avec une acuité particulière lorsque le salarié était par ailleurs en contrat à temps partiel. Sur ce terrain, la chambre sociale affirme d’abord, dans l’un des arrêts (pourvoi n° 19-16.183), que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat.
Sans motif de requalification d’un temps partiel en temps plein, la seule circonstance qu’existe une requalification de CDD en CDI est sans impact sur la durée du travail prévue au contrat et sur sa projection sur les périodes interstitielles séparant les contrats successifs.
Elle indique par ailleurs qu’il incombe au salarié qui sollicite un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles de rapporter la preuve qu’il est resté à la disposition de l’employeur durant les périodes séparant deux contrats à durée déterminée.
Aussi censure-t-elle le raisonnement des juges du fond qui, retenant pour base de calcul du montant du rappel de salaire dû la durée moyenne mensuelle de travail obtenue par l’addition des durées des contrats à durée déterminée exécutés rapportée au mois, ne s’en étaient pas tenus à la réalité de la situation de chaque période interstitielle telle qu’elle résultait de chacun des CDD précédents.
Le principe est donc clairement affirmé : l’appréciation au réel doit prendre le pas sur le calcul basé sur une moyenne.
C’est déjà en ce sens que la chambre sociale avait pu statuer en jugeant que le salarié engagé par plusieurs CDD non successifs et dont le contrat est requalifié CDI, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat sauf à démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur durant ces périodes (Soc. 10 déc. 2014, n° 13-22.422 P, Dalloz actualité, 27 janv. 2015, obs. W. Fraisse ; D. 2015. 20 ; 10 nov. 2009, n° 08-40.088, Dalloz actualité, 2 déc. 2009, obs. B. Ines). Pour bénéficier d’un rappel de salaire, le salarié doit, d’une part, démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’entreprise pendant les périodes intermédiaires et, d’autre part, il doit en apporter la preuve.
Cette affirmation implique dès lors de prendre en considération la nature réelle du contrat à temps partiel concerné par la requalification en CDI dans l’appréciation de l’indemnisation des périodes interstitielles. Et telle est également la solution retenue en matière d’indemnité de préavis.
Indemnité compensatrice de préavis (temps partiel)
La chambre sociale rappelle en effet, en outre, que l’indemnité compensatrice de préavis doit être égale au montant des salaires que le salarié aurait perçus s’il avait travaillé pendant la durée du préavis (pourvoi n° 19-18.080).
Or la cour d’appel avait ici aussi retenu pour base de calcul le salaire mensuel moyen et voit donc son raisonnement infirmé par les hauts magistrats. Le calcul de l’indemnité doit en effet se faire non pas sur un salaire moyen perçu pour les seules périodes contractuelles antérieures à la rupture, mais doit prendre en compte le salaire théorique que le salarié aurait dû percevoir s’il avait pu exécuter le préavis.
C’est dans cette droite ligne que le troisième arrêt vient également s’inscrire (n° 20-10.141).
Un salarié consultant pigiste à temps partiel avait saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat en CDI et le paiement des indemnités afférentes. Les juges du fond firent droit à sa demande, en lui allouant une indemnité compensatrice de préavis correspondant à trois mois d’un salaire à temps complet. L’employeur, estimant que cette indemnité ne pouvait correspondre à un salaire temps complet, s’est pourvu en cassation.
Les hauts magistrats, au visa de l’article L. 1234-5 du code du travail, rappellent d’abord que l’inexécution du préavis n’entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnités de congés payés comprises, avant de censurer le raisonnement des juges du fond. Ceux-ci avaient en effet estimé que le défaut d’exécution du délai-congé résultait de l’action fautive de l’employeur, qui devait dès lors payer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à une durée de travail à temps complet.
La chambre sociale invalide cette dernière réflexion, en s’appuyant sur ce même principe de réalité, et en invitant le juge à vérifier si, au jour de la rupture, le salarié était engagé à temps complet ou à temps partiel. Un salarié qui, au moment de la rupture, était à temps partiel doit, dès lors, et quel que soit le motif de la rupture, voir ses indemnités calculées sur la base dudit temps partiel.
Cette idée d’une appréciation « au réel » transparaît également dans l’appréhension de la rémunération mensuelle de référence qui, lorsqu’elle a été définie d’un commun accord par les parties, ne doit pas s’en trouver impactée par l’opération de requalification.
(Non-)impact de la requalification sur les autres clauses du contrat
Tel est en effet ce qui ressort de l’une des espèces présentement commentées (pourvoi n° 19-18.080), où un salarié, qui avait été embauché au titre de plusieurs CDD successifs au sein d’une société d’édition, a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la requalification de son contrat en CDI et le paiement des indemnités afférentes.
Le salarié ayant été soumis, lors de ses derniers contrats, à une réduction du nombre des jours travaillés, se posait alors la question, une fois acquise la cause de la requalification en CDI, de la façon dont la rémunération mensuelle de référence servant de base au paiement des indemnités devait être calculée, considérant cette diminution de jours. Les juges du fond prirent le parti de prendre la moyenne des douze derniers mois effectivement travaillés avant la baisse du nombre de jours.
La chambre sociale va, au visa de l’article L. 1245-1 du code du travail, affirmer que la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles, tenant notamment au nombre de jours travaillés.
Aussi, la détermination des jours de travail, dès lors qu’elle résulte – comme c’était le cas dans l’espèce commentée – de l’accord des parties intervenu lors de la conclusion de chacun des contrats, ne doit pas être affectée par la requalification en contrat à durée indéterminée. Les juges du fond ne doivent dès lors pas chercher à reconstituer, sur la base d’une moyenne consolidée, le nombre de jours de rémunération devant servir de base au calcul des indemnités liées à la requalification. Celles-ci doivent, et c’est ici le message principal et homogène qui ressort des arrêts, être calculées au réel, abstraction faite de toute moyenne reconstituée.
Cette primauté donnée par la Cour de cassation à la situation réelle du salarié et des termes du contrat initial nous apparaît louable. Bien que cette solution se montre plus fastidieuse pour celui qui devra quantifier les indemnités, il serait en effet cependant difficilement justifiable de considérer qu’une sanction de requalification en CDI emporte également un recalcul artificiel de la rémunération mensuelle servant de base pour calculer les indemnités auxquelles le salarié peut prétendre au titre de la rupture, alors pourtant que le code du travail n’y invite pas expressément.
La construction d’une antenne-relais doit être regardée comme une extension de l’urbanisation dans les communes littorales soumise au principe de continuité.

Article
par Emmanuelle Maupinle 22 juin 2021
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La loi n° 2015-994 du 17 août 2015, dite « loi Rebsamen », a posé le principe selon lequel les listes comportant plusieurs candidats doivent être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (C. trav., art. L. 2314-30, al. 1er). Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
Cette exigence s’applique tant à la liste des membres titulaires du comité social et économique qu’à la liste de ses membres suppléants (C. trav., art. L. 2314-30, al. 7). En revanche, elle ne concerne pas les candidatures libres présentées au second tour (Soc. 25 nov. 2020, n° 19-60.222 P, Dalloz actualité, 23 déc. 2020, obs. C. Couëdel ; D. 2020. 2349 ; ibid. 2021. 370, chron. S. Ala, M.-P. Lanoue et A. Prache ; ibid. 863, obs. RÉGINE ; ibid. 1152, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; Dr. soc. 2021. 1, tribune F. Petit ; ibid. 248, étude J. Brunie ; 31 mars 2021, n° 19-24.134).
La proportion de femmes et d’hommes composant chaque collège doit être mentionnée dans le protocole d’accord préélectoral. Lorsqu’au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier de l’employeur et que l’accord ne peut être obtenu, la proportion est fixée par la DREETS, laquelle a remplacé la DIRECCTE au 1er avril 2021 (C. trav., art. L. 2314-13). Dès qu’un accord ou une décision de l’autorité administrative ou de l’employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l’employeur doit alors porter à la connaissance des salariés, par tout moyen...
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La Cour de cassation refuse à un promoteur immobilier le bénéfice du régime de faveur des marchands de biens spécifique à la Nouvelle-Calédonie. Celui-ci avait fait édifier des constructions sur des terrains qu’il avait acquis, mais n’avait pas respecté ses engagements de revente dans le délai de quatre ans imparti par la loi.
Le délai de dix ans pour agir contre les constructeurs sur le fondement de l’article 1792-4-3 du code civil est un délai de forclusion, qui n’est pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription et la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait n’interrompt pas le délai de forclusion.
M. A., de nationalité afghane, s’est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 5 mai 2010. Après qu’il a été condamné pour son implication dans un réseau d’immigration clandestine, l’OFPRA a mis fin en 2018 à son statut de réfugié au motif que la présence en France de l’intéressé constituait une menace grave pour la société. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a annulé cette décision et a rétabli le statut de...
L’article L. 441-3 du code de la construction et de l’habitation est dépourvu de caractère interprétation justifiant une application rétroactive. Les organismes d’HLM ne sont pas tenus de proposer un nouveau bail et peuvent notifier un SLS lorsque la convention avec l’État a été signée antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi ELAN.
Dans un arrêt du 10 juin, le Conseil d’État concilie les règles relatives à la publicité de la nomination des agents publics avec la protection des données personnelles.
M. A. avait été recruté dans les fonctions d’inspecteur des finances publiques en application du décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique. Comme le prévoit ce décret, un an plus tard, il fut titularisé par un arrêté du 8 juillet 2015, mis en ligne sur le portail internet de Bercy. Estimant que cette publication...

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) se prononce, dans un arrêt du 3 juin 2021 (aff. C‑784/19), sur la notion d’« activités substantielles autres que des activités de pure administration interne », notion servant à qualifier les activités d’une entreprise, qui entend détacher des travailleurs, dans l’État membre dans lequel elle est établie. La haute juridiction pose fermement la nécessité pour une entreprise de travail temporaire qui se prévaut de détachements transnationaux à partir d’un État membre d’effectuer une partie significative de ses activités de mise à disposition de travailleurs intérimaires au profit d’entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités sur le territoire dudit État membre. Si cette solution peut sembler évidente au premier abord, et si elle est certainement heureuse eu égard à ses enjeux, elle n’était pas pleinement acquise compte tenu des conclusions de l’avocat général et de la prédominance qui est souvent accordée par la Cour de justice à la libre prestation de services. Une fois n’est pas coutume, en contredisant son avocat général, la Cour de justice fait preuve de sagesse.
La CJUE est ainsi conduite à interpréter les articles 12.1 du règlement (CE) n° 883/2004 et 14.2 du règlement (CE) n° 987/2009, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Pour rappel, l’article 12.1 du règlement n° 883/2004, qui est le règlement de base, indique que la personne détachée doit exercer une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur « y exerçant normalement ses activités ». Quant au règlement d’application n° 987/2009, il précise en son article 14.2 que les termes « y exerçant normalement ses activités » désignent « un employeur qui exerce généralement des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l’État membre dans lequel il est établi ».
En l’espèce, la société Team Power Europe, société d’intérim de droit bulgare, contestait la décision de l’institution compétente bulgare de lui avoir refusé la délivrance d’un certificat A1. Ce certificat devait attester, rétroactivement, de l’application de la législation bulgare de sécurité sociale à un travailleur, ressortissant bulgare, ayant été mis à disposition par cette société auprès d’une entreprise utilisatrice établie en Allemagne. La demande formulée le 9 mai 2019 concernait en effet une période de mise à disposition comprise entre le 15 octobre et le 21 décembre 2018.
Un tel refus était motivé par l’absence de réunion des conditions permettant de qualifier une mobilité transnationale de détachement, au sens de l’article 12.1 du règlement de base et de l’article 14.2 du règlement d’application. Il était en particulier justifié par le défaut d’activité substantielle de l’entreprise de travail intérimaire sur le territoire bulgare au sens de ces articles. Plusieurs éléments avaient conduit l’institution compétente à une telle décision. Par exemple, l’entreprise n’employait pas, à l’exception du personnel administratif et de direction, de travailleurs sur le territoire bulgare. Ou encore : la totalité de son chiffre d’affaires résultait des activités exercées par les travailleurs intérimaires mis à disposition en Allemagne, ce qui était corroboré par le fait qu’aucun contrat conclu avec des opérateurs exerçant une activité sur le territoire bulgare n’avait été présenté.
Pour critiquer cette décision, et en obtenir l’annulation devant les juridictions bulgares, l’entreprise intérimaire avait fait valoir à l’inverse qu’elle exerçait bien des activités substantielles sur le territoire bulgare : il s’agissait d’activités « de sélection, de recrutement et d’affiliation à la sécurité sociale de travailleurs intérimaires », celles-ci n’étant pas assimilables à l’accomplissement de tâches administratives purement internes.
La question qui se dessinait en creux dans ce contentieux était donc claire : la particularité de l’activité des entreprises de travail temporaire justifie-t-elle d’adapter les critères permettant d’évaluer l’existence d’activités substantielles dans l’État membre d’établissement de l’employeur ? La juridiction bulgare, statuant en dernier ressort en matière de sécurité sociale, estimant que la jurisprudence de la Cour de justice ne permettait pas de répondre à cette question, décidait d’interroger cette dernière. Il en a découlé la question préjudicielle suivante : l’article 14.2 du règlement n° 987/2009 doit-il être interprété en ce sens qu’une entreprise de travail intérimaire établie dans un État membre doit, pour être considérée comme « exerçant normalement ses activités », au sens de l’article 12.1 du règlement n° 883/2004, dans cet État membre, effectuer une partie significative de ses activités de mise à disposition de travailleurs intérimaires au profit d’entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités sur le territoire dudit État membre ? Autrement dit, pour qu’une entreprise de travail intérimaire relève du champ d’application de cette disposition, est-il suffisant que cette entreprise effectue de manière significative, dans l’État membre dans lequel elle est établie, des activités de sélection et de recrutement de travailleurs intérimaires ou doit-elle également exercer de manière significative des activités de mise à disposition de tels travailleurs dans cet État membre ?
La Cour de justice de l’Union européenne choisit la seconde alternative. Elle n’admet pas que l’entreprise de travail temporaire n’ait pas d’activités significatives de mise à disposition dans l’État d’établissement. Elle justifie cette solution en puisant dans trois registres d’interprétation : une interprétation des « termes » de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 987/2009, de son « contexte » normatif et des « objectifs » qu’il poursuit. Invitée par les textes à s’attarder sur les caractéristiques propres de chaque employeur et à la nature réelle des activités exercées, elle observe que la mise à disposition de travailleurs est le but ultime poursuivi par les activités de sélection et de recrutement de ces derniers. Ainsi, si la Cour admet, aux points 45 et 46 de son arrêt, que les activités consistant à procéder à la sélection et au recrutement de travailleurs intérimaires ne sauraient être assimilées à des « activités de pure administration interne », soit « des activités de nature exclusivement administrative qui visent à assurer le fonctionnement interne de l’entreprise », elle n’en relève pas moins, au point 49, que l’opération de mise à disposition auprès d’entreprises utilisatrices est le cœur de cette activité : seule la mise à disposition de ces travailleurs auprès d’entreprises utilisatrices en exécution des contrats conclus à cette fin avec ces dernières génère effectivement un chiffre d’affaires. En outre, les règles relatives au détachement sont dérogatoires et doivent donc être d’interprétation stricte (v. déjà, en ce sens, CJUE 6 sept. 2018, Alpenrind et al., aff. C-527/16, D. 2018. 1754 ), ce qui implique d’être particulièrement regardant sur la réalité de l’activité exercée. Enfin, les règlements de coordination des systèmes de sécurité sociale visent à garantir l’exercice effectif de la libre circulation des personnes et de la libre prestation de services. Il s’agit alors de « contribuer à l’amélioration du niveau de vie et des conditions d’emploi des personnes qui se déplacent au sein de l’Union » et d’offrir « un avantage en matière de sécurité sociale aux entreprises », vertueuses. À cet égard, la Cour ne se fait plus d’illusions : « le fait de permettre aux entreprises de travail intérimaire recourant à la libre prestation de services de bénéficier de cet avantage lorsqu’elles orientent leurs activités de mise à disposition de travailleurs intérimaires exclusivement ou principalement vers un ou plusieurs États membres autres que celui dans lequel elles sont établies risquerait d’inciter ces entreprises à choisir l’État membre dans lequel elles souhaitent s’établir en fonction de la législation de sécurité sociale de ce dernier dans le seul but de bénéficier de la législation qui leur est la plus favorable en cette matière et de permettre ainsi le “forum shopping” » (pt 62 de l’arrêt). Autrement dit, avoir des facilités administratives pour circuler est autorisé ; pouvoir exercer librement une pression vers le bas sur les systèmes de sécurité sociale ne l’est pas.
La CJUE refuse de suivre les conclusions de l’avocat général. Suivant ces dernières, les entreprises de travail temporaire étaient admises, au nom de la libre prestation de services et après analyse de leur « cœur de métier », à mettre des travailleurs à disposition, principalement ou exclusivement, auprès d’entreprises utilisatrices situées dans d’autres États membres que l’État d’établissement. Une limite était toutefois apportée à ce raisonnement : l’hypothèse de la fraude, en particulier lorsque la mise à disposition a lieu en direction d’un État exclusivement. La Cour de justice ne l’entend pas ainsi. Il n’y a pas une apparence de réalité et le détournement intentionnel d’une règle mais l’absence de réunion des conditions du détachement. C’est une question de qualification qui est soulevée, pas de caractérisation d’une fraude.
En raisonnant comme l’avocat général, la CJUE n’aurait fait qu’accroître le pouvoir d’organisation des entreprises fondé sur la libre prestation de services dans le marché intérieur européen et déjà fortement renforcé par sa jurisprudence relative au certificat A1. Au-delà, dans cet arrêt, la Cour porte une appréciation critique sur le travail intérimaire, forme d’externalisation de l’emploi.
La réponse apportée par la Cour de justice de l’Union européenne, dans cette affaire, était très attendue des organismes de contrôle, alertés par les conclusions de l’avocat général. Cette décision, riche, mérite leur attention.

Bruno Lasserre en est convaincu : il est à la tête d’une « institution de la République qui a un avenir rayonnant ». Présentant, le 15 juin, à la presse le bilan annuel et le rapport d’activité 2020, le vice-président s’est voulu résolument optimiste à l’issue d’une année de bouleversements, qui a sans nul doute fait connaître le Conseil d’État au grand public comme jamais… Mais a aussi vu pleuvoir les critiques. Pour autant, il n’a pas caché certaines préoccupations et ses attentes à l’égard de l’exécutif.
La juridiction administrative ne participera pas aux États généraux de la justice, qui concernent son homologue judiciaire. Mais « nous savons ce que nous voulons ». Pour Bruno Lasserre, il y a trois priorités pour la justice administrative, qui font l’unanimité en son sein. D’abord la simplification du contentieux des étrangers. Avec douze ou treize régimes procéduraux, « nous n’en pouvons plus ». Bruno Lasserre a passé « beaucoup de temps » et investi « beaucoup d’énergie » pour défendre auprès de l’exécutif les vingt propositions du rapport Stahl (AJDA 2020. 1932 ). « On me répond : c’est une bonne réforme, mais ce n’est pas le moment d’en débattre ». Le vice-président ne peut que s’incliner devant l’argument politique. Mais « je prends rendez-vous pour le début du prochain quinquennat ». La deuxième demande porte sur les effectifs de la...
Le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, le 11 juin, le paragraphe VIII de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique. Il a jugé que cette disposition, que lui avait renvoyée le Conseil d’État à la demande de l’UNSA fonction publique (CE 6 avr. 2021, n° 449040, UNSA Fonction publique, AJDA...
Le rapport des députés Jean-Noël Barrot (Modem) et Stella Dupont (LREM) sur l’exécution du budget 2020 de l’immigration est particulièrement riche. Ils reviennent sur le développement d’outils numériques et, notamment, la plateforme ANEF (« administration numérique des étrangers en France »). ANEF est un projet structurant, qui aura coûté 70 millions d’euros entre 2014 et 2023 et qui vise à dématérialiser les demandes. Aujourd’hui, il faut en moyenne 3,7 passages en préfectures pour délivrer un titre. L’objectif est d’arriver à deux passages pour un premier titre (prise d’empreintes et remise du titre) et à un seul pour un renouvellement.
Des modules sont progressivement mis en production. ANEF concerne déjà les demandes d’asile, les visas de long séjour valant titre de séjour, les titres de séjour « étudiants », les demandes d’autorisation de travail pour le recrutement de salariés étrangers et le « passeport talents ». Cet été, les naturalisations seront intégrées à ANEF, puis à l’automne ce...
La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, elle n’est pas un cautionnement. Limitée au bien affecté en garantie, elle est soumise à la prescription trentenaire pour les actions réelles immobilières.

En raison de complications survenues lors de l’accouchement de sa mère, un enfant se retrouve tétraplégique. Les parents de la victime, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité de représentant de leur enfant mineur, ont assigné en indemnisation l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l’ONIAM), ainsi que la société venant aux droits du centre hospitalier au sein duquel l’accouchement a eu lieu et l’assureur de ce dernier.
La cour d’appel de Nancy, par un arrêt du 18 novembre 2019, a infirmé partiellement la solution rendue par les juges de première instance. Si la cour d’appel retient également que la charge de l’indemnisation des préjudices subis par l’enfant et par ses parents doit peser sur l’ONIAM sur le fondement de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique, elle refuse toutefois que l’AEEH soit déduite de l’indemnité de plus de deux millions d’euros versée au titre des besoins d’assistance par une tierce personne jusqu’aux dix-huit ans de l’enfant.
L’ONIAM forme alors un pourvoi en cassation arguant de la violation des articles L. 1142-1, II et L. 1142-17 du code de la santé publique, ainsi que du principe de réparation intégrale du préjudice, considérant que l’AEEH, en sa composante de base, comme en ses compléments, doit être déduite de l’indemnisation due par l’ONIAM au titre des frais d’assistance par tierce personne.
La Cour de cassation devait donc répondre à la question de l’imputation de l’AEEH sur l’indemnité des besoins d’assistance par tierce personne due par l’ONIAM. Cette question suppose de s’interroger sur la nature de l’AEEH. A-t-elle une nature indemnitaire ? Et dans ce cas, doit-elle être déduite du poste de préjudice d’assistance par une tierce personne afin de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice ?
La première chambre civile de la Cour, par son arrêt du 2 juin 2021, rejette le pourvoi, décidant que l’AEEH et son complément « ne revêtent pas de caractère indemnitaire » de sorte que les juges du fond étaient fondés à refuser leur déduction de l’indemnisation due par l’ONIAM au titre de l’assistance par une tierce personne. Au sein de la motivation de la décision, les juges de cassation précisent la nature de l’AEEH : « elle constitue une prestation familiale et ne répare pas un préjudice ».
Rappel du principe de déduction posé par l’article L. 1142-17 du code de la santé publique
La Cour de cassation commence par rappeler le texte de l’article L. 1142-17 du code de la santé publique. Ce dernier, en son deuxième alinéa, prévoit en effet que l’offre d’indemnisation réalisée par l’ONIAM indique le montant des indemnités « déduction faite des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 […], et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice ». En cas de litige relatif au montant de l’indemnisation proposée par l’ONIAM, il appartient donc au juge, afin d’évaluer le montant des indemnités qui reviennent à la victime, déduction faite des prestations et indemnités visées par l’article L. 1142-17 du code de la santé publique, d’interroger notamment la victime sur les prestations et indemnités perçues (CE, avis, 22 janv. 2010, n° 332716, Coppola, Lebon ; AJDA 2010. 237 ; ibid. 1138, chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; RDSS 2010. 576, obs. D. Cristol ; et dans le même sens, Civ. 1re, 5 fév. 2020, n° 18-21.696 et 18-25.751, Gaz. Pal. 5 mai 2020, obs. D. Zegout).
L’application des dispositions de l’article L. 1142-17 permet de respecter le principe de réparation intégrale du préjudice, selon lequel il ne doit résulter pour la victime, rétablie « dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » (Civ. 2e, 28 oct. 1954 , Bull. civ. II, n° 328 ; JCP 1955. II. 8765, note R. Savatier ; RTD civ. 1955. 324, obs. H. Mazeaud et L. Mazeaud), ni perte, ni profit (v. not. en ce sens, Civ. 2e, 23 janv. 2003, n° 01-00.200, D. 2003. 605 JCP 2003. II. 10110, note J.-F. Barbièri). Autrement dit, il s’agit de réparer « tout le préjudice, mais rien que le préjudice ».
C’est dans cet aspect négatif du principe de réparation intégrale que s’inscrit l’article L. 1142-17 du code de la santé publique. En effet, ce dernier vise, outre les prestations énumérées à l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985 (lequel fait référence aux prestations versées par les organismes de sécurité sociale et groupements mutualistes, mais également aux sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation et aux salaires et accessoires de salaire maintenus pendant la période d’inactivité de la victime ou encore aux arrérages de pensions et de rentes d’invalidité versées par l’État à un agent public), aux « indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice ». La Cour de cassation a déjà été amenée à trancher des questions relatives à la déduction ou non de certaines indemnités ou prestations en application du principe de réparation intégrale (v. par ex., Civ. 2e, 29 mars 2006, n° 04-06.063 pour l’allocation de solidarité spécifique ; Civ. 2e, 3 juin 2010, n° 09-67.357 pour l’allocation de retour à l’emploi, RDSS 2010. 967, obs. D. Cristol ; Civ. 3e, 10 juill. 2008, n° 07-17.424 pour l’allocation aux adultes handicapés, D. 2008. 2226 ; ibid. 2009. 1168, obs. A. Leborgne ).
L’AEEH n’étant pas une des prestations énumérées par l’article 29 de la loi du 5 juillet 1985, la question était donc de savoir s’il s’agissait d’une indemnité réparant le même préjudice, plus spécifiquement en l’espèce, se posait la question de savoir si cette allocation ne réparait pas déjà, au moins en partie, une part du préjudice subi au titre de l’assistance par une tierce personne, poste de préjudice prévu au sein de la nomenclature Dintilhac.
L’AEEH, une prestation familiale dépourvue de caractère indemnitaire
L’AEEH est prévue par l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale. La Cour de cassation rappelle succinctement, au sein du paragraphe 6 de sa décision, les principales conditions d’attribution de cette allocation. En effet, cette dernière bénéficie à la personne qui assume la charge d’un enfant handicapé, âgé de moins de vingt ans, lorsque ce dernier justifie d’un taux d’incapacité permanente minimum (CSS, art. R. 541-1) et qu’il ne bénéficie pas d’une rémunération excédant un plafond fixé par l’article R. 512-2 du code de la sécurité sociale. Surtout, les juges de cassation soulignent les modalités de fixation de cette allocation : « elle est fixée, sans tenir compte des besoins individualisés de l’enfant, à un montant forfaitaire exprimé en pourcentage de la base de calcul mensuelle des allocations familiales et […], s’agissant d’une prestation à affectation spéciale, liée à la reconnaissance de la spécificité des charges induites par le handicap de l’enfant, elle constitue une prestation familiale et ne répare pas un préjudice de cet enfant ».
Le montant de l’allocation est fixé en pourcentage de la base mensuelle de calcul des prestations familiales et le montant de son complément est déterminé au moyen d’un guide d’évaluation et en fonction de la nature ou de la gravité du handicap de l’enfant tout en prenant en compte « la réduction d’activité professionnelle d’un ou des parents ou sa cessation ou la renonciation à exercer une telle activité et la durée du recours à une tierce personne rémunérée » (CSS, art. R. 541-2).
On comprend, dès lors, l’hésitation quant à la nature de l’AEEH. En effet, si sa base mensuelle ne tient pas compte des besoins individualisés de l’enfant, son complément suppose une certaine évaluation de la situation de l’enfant handicapé notamment au regard de la nécessité ou non d’un recours à une tierce personne. Ainsi, la Cour de cassation avait, en 2014, retenu que l’AEEH et son complément, « revêtent un caractère indemnitaire dès lors qu’elles ne sont pas attribuées sous condition de ressources et que, fixées en fonction des besoins individualisés de l’enfant, elles réparent certains postes de préjudices indemnisables » (Civ. 1re, 18 juin 2014, n° 12-35.252, D. 2015. 124, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2015. 148, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 12-14 oct. 2014, obs. F. Bibal). Toutefois, l’AEEH n’a pas pour objet de réparer le préjudice de l’enfant handicapé mais, comme l’indique le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, est « une prestation familiale » qui « a pour but d’aider les familles à faire face aux frais supplémentaires qu’entraîne le handicap d’un enfant à charge de moins de 20 ans ». Cette prestation est donc fixée indépendamment des préjudices effectivement subis (le montant du complément à l’allocation n’est d’ailleurs pas individualisé, mais est déterminé en fonction de 6 catégories, v. CSS, art. R. 541-2) et est versée à la famille qui a la charge de l’enfant handicapé. Prenant certainement en compte ces critiques, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion d’affirmer, dans des termes très proches de ceux de l’arrêt du 2 juin 2021, que l’AEEH « constitue une prestation familiale et ne répare pas un préjudice de cet enfant » de sorte que, ne revêtant pas de caractère indemnitaire, elle n’avait pas lieu d’être déduite de l’indemnité allouée par la CIVI (Civ. 2e, 7 mars 2019, n° 17-25.855, D. 2019. 535 ; ibid. 2058, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon ; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RTD civ. 2019. 344, obs. P. Jourdain ; ibid. 356, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 21 mai 2019, note A. Guégan). La première chambre civile de la Cour de cassation harmonise ainsi sa jurisprudence avec celle de la deuxième chambre civile, confirmant la nature de prestation familiale sans caractère indemnitaire de l’AEEH.

Maître A., avocat et candidat évincé à l’attribution du marché mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique pour la construction et la gestion d’un crématorium conclu en 2015 par la commune de Sainte-Eulalie, a demandé au juge administratif la résiliation du contrat. Il se pourvoit en cassation contre le rejet de sa requête.
Par sa décision d’assemblée Département de Tarn-et-Garonne du 4 avril 2014, le Conseil d’État a ouvert aux tiers susceptibles d’être lésés de façon directe et certaine par la passation ou par les clauses d’un contrat public l’accès au juge du contrat (CE 4 avr. 2014, n° 358994, Tarn-et-Garonne (Dpt), Lebon avec les concl. ; AJDA 2014. 764 ; ibid. 1035 ; ibid. 945, tribune S. Braconnier , chron. A. Bretonneau et J. Lessi ; D. 2014. 1179, obs. M.-C. de Montecler , note M. Gaudemet et Angélique Dizier ; RDI 2014. 344, obs. S. Braconnier ; AJCT 2014. 375 , obs. S. Dyens ; ibid. 380, interview S. Hul ; ibid. 434, Pratique O. Didriche ; ibid. 2015. 32, Pratique S. Hul ; AJCA 2014. 80, obs. J.-D. Dreyfus ; RFDA 2014. 425, concl. B. Dacosta ; ibid. 438, note P. Delvolvé ; RTD com. 2014. 335, obs. G. Orsoni ; Rev. UE 2015. 370, étude G. Eckert ). En présence d’irrégularités non régularisables et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, il appartient au juge de prononcer « soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une...
Le quitus donné par l’assemblée des associés ne peut avoir d’effet libératoire au profit du gérant pour les fautes commises dans sa gestion.
Le décret n° 2021-757 du 11 juin 2021 est le texte d’application du IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
En vigueur le 1er juillet 2021, il insère dans le code du tourisme les articles R. 324-1-4 à R. 324-1-7 et enrichit le code de l’urbanisme d’un article R. 425-32.
Issu de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019, l’article L. 324-1-1-IV bis du code du tourisme indique que sur le territoire des communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement des meublés touristiques, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en...
Un décret du 11 juin 2021 précise les modalités selon lesquelles, dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement des meublés touristiques, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme.
La condition de durée de détention du bien objet du congé peut désormais être appréciée en la personne de tout parent ou allié du bénéficiaire de la reprise jusqu’au troisième degré inclus, ce qui autorise le cumul de détentions successives par plusieurs de ces parents ou alliés.
Un décret du 9 juin 2021 actualise pour l’année en cours la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et sur les surfaces de stationnement.
Destinés à accompagner les services RH et structurer les méthodes de gestion au sein de l’entreprise, les guides RH occupent une place de choix dans les pratiques sociales contemporaines. Dans les faits, cet outil constitue un support permettant aux services concernés de mieux gérer diverses problématiques (durée du travail, congés, discipline, dialogue social, licenciement) et de dessiner un panorama exhaustif des règles juridiques. Il arrive parfois que le contenu du guide RH outrepasse les prescriptions légales pour intégrer des éléments qui lui sont propres. Lorsque le guide RH invite à suivre une procédure qui s’avère plus avantageuse pour le salarié, la question de la valeur juridique du guide RH en vient à se poser naturellement. Dans ce cas, qu’en est-il lorsque le service RH prend ses distances avec le contenu du guide qui le lie ? Dans un arrêt en...

Article
par Emmanuelle Maupinle 15 juin 2021
CE 9 juin 2021, Ville de Paris, req. n° 448948
Par deux ordonnances du 6 février 2021, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Paris a annulé les procédures de passation lancées par la ville de Paris pour l’attribution de contrats relatifs au retrait et à la destruction des véhicules abandonnés dans ses parcs de fourrière au motif qu’elles avaient été conduites en méconnaissance des dispositions prévues aux articles L. 2124-1, L. 2131-1 et R. 2131-16 du code de la...

Les dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral, dans leur rédaction issues de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019, doivent être appliquées, en vertu du principe de rétroactivité in mitius, au contentieux des élections municipales de 2020.
La loi du 2 décembre 2019 a inscrit dans le code électoral le principe, qui relevait jusqu’alors de la tradition, de stabilité du droit électoral dans l’année qui précède l’élection (v. R. Rambaud, La clarification du droit électoral, AJDA 2020. 346 ). Fort logiquement, elle a donc également prévu que, pour l’essentiel, ses dispositions ne seraient pas applicables aux élections municipales de 2020. Parmi ces dispositions figure la modification de l’article L. 118-3 du code électoral visant à donner davantage de latitude au juge pour déclarer – ou non – inéligible le candidat dont le compte de...
Seules les candidatures postérieures à la publication d’un appel à candidatures et répondant à l’offre au public telle que présentée par la SAFER peuvent être retenues pour l’attribution des biens aux conditions proposées.

Le Conseil d’État a annulé, le 10 juin, plusieurs dispositions du schéma national du maintien de l’ordre (SNMO, v. AJDA 2021. 189, obs. M. Burg ), au nom de la liberté de la presse. Il censure également le recours non encadré à la technique de l’encerclement.
Le Syndicat national des journalistes et la Ligue des droits de l’homme, rejoints ensuite par d’autres organisations syndicales et de défense des droits de l’homme, reprochaient à plusieurs dispositions du SNMO de faire obstacle à l’exercice de leur profession par les membres de la presse. Leur référé avait été rejeté (CE, ord., 27 oct. 2020, n° 444876).
Le Conseil d’État admet la compétence de principe du ministre pour adopter un tel acte, en tant que titulaire du pouvoir de police et chef de service. Mais celui-ci n’en devait pas moins respecter la liberté d’expression, dont le Conseil d’État rappelle l’importance. La haute juridiction ajoute que la présence de la presse et des journalistes lors de manifestations « revêt une importance particulière en ce qu’elle permet de rendre compte des idées et opinions exprimées et du caractère de cette expression collective ainsi que, le cas échéant, de l’intervention des autorités publiques et des forces de l’ordre, et contribue ainsi notamment à garantir, dans une société démocratique, que les autorités et agents de la force publique pourront être appelés à répondre de leur comportement à l’égard des manifestants et du public en général et des méthodes employées pour maintenir l’ordre public et contrôler ou disperser les manifestants ». Il s’inscrit, ce faisant, dans les pas de la Cour européenne des droits de l’homme qui reconnaît aux journalistes le rôle de « chiens de garde de la démocratie » (CEDH 27 mars 1996, n° 17488/90, Goodwin c. Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, AJDA 1996. 1005, chron. J.-F. Flauss ; D. 1997. 211 , obs. N. Fricero ; RTD civ. 1996. 1026, obs. J.-P. Marguénaud ).
Sur ce fondement, il annule les dispositions pouvant faire obstacle au libre exercice de leur profession par les journalistes. À commencer par le point 2.2.1 qui les autorise à porter des équipements de protection « dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ou provocation ». Ce paragraphe, pour le Conseil d’État, « revient à fixer, dans des termes au demeurant ambigus et imprécis, des conditions au port, par des journalistes, d’équipements de protection lors des manifestations ». Or le ministre de l’Intérieur ne dispose pas, « en sa qualité de chef de service, d’une compétence pour édicter de telles règles à l’égard des journalistes, non plus d’ailleurs qu’à l’égard de toute personne participant ou assistant à une manifestation ». Le membre de phrase en cause est annulé.
Non à l’accréditation discrétionnaire
Les syndicats de journalistes contestaient également le point 2.2.2 qui prévoit l’organisation d’un canal d’échange dédié entre les forces de l’ordre et les journalistes, titulaires d’une carte de presse, accrédités auprès des autorités. Le Conseil d’État admet le principe de la mise en place d’un tel canal. Et, même si l’exercice de la profession de journaliste n’est pas subordonné à la possession de la carte professionnelle, le ministre pouvait légalement, compte tenu des contraintes opérationnelles, en réserver l’accès aux titulaires de cette carte. Mais, « en tant qu’elles réservent l’accès aux informations susceptibles d’être délivrées par la voie du canal dédié aux seuls journalistes “accrédités auprès des autorités”, sans préciser la portée, les conditions et les modalités d’une telle “accréditation” susceptible, faute de précision, de permettre un choix discrétionnaire des journalistes accrédités parmi tous ceux titulaires de la carte de presse en faisant la demande, portent une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse et à la liberté de communication ». Les mots « accrédités auprès des autorités » sont donc annulés.
La technique de la nasse doit être encadrée
L’un des éléments les plus critiqués du schéma était le point 2.2.4 qui affirmait que le délit de participation volontaire à un attroupement était applicable aux journalistes et que ceux-ci devaient donc quitter les lieux après les sommations de se disperser. Cette lecture du code pénal est démentie par le Conseil d’État. Pour lui, si les dispositions des articles 431-4 et 431-5 du code pénal « ont pour effet d’interdire à toute personne, quelle que soit sa qualité, de continuer à participer volontairement à un attroupement après les sommations, elles ne sauraient par elles-mêmes faire échec à la présence de la presse sur le lieu d’un attroupement afin que les journalistes puissent […] rendre compte des événements qui s’y produisent. Les journalistes peuvent ainsi continuer d’exercer librement leur mission lors de la dispersion d’un attroupement sans être tenus de quitter les lieux, dès lors qu’ils se placent de telle sorte qu’ils ne puissent être confondus avec les manifestants et ne fassent obstacle à l’action des forces de l’ordre. Il en va de même pour les observateurs indépendants ».
Enfin est annulé le point 3.1.4 relatif à l’encerclement des manifestants. Cette technique, dite aussi de la nasse, avait récemment fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité reprochant au législateur de ne pas l’avoir suffisamment encadrée. Le Conseil constitutionnel avait rejeté cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au motif qu’un tel encadrement ne relevait pas de la loi (Cons. const. 12 mars 2021, n° 2020-889 QPC, Dalloz actualité, 16 mai 2021, obs. D. Goetz ; AJDA 2021. 1156 , note X. Bioy ; D. 2021. 528 ).
Mais il relève bien de l’autorité administrative. Et, si la mise en œuvre d’une telle technique « peut s’avérer nécessaire dans certaines circonstances pour répondre à des troubles caractérisés à l’ordre public, elle est susceptible d’affecter significativement la liberté de manifester, d’en dissuader l’exercice et de porter atteinte à la liberté d’aller et venir ». Or le SNMO se borne à prévoir qu’il peut être utile d’y recourir, « sans encadrer précisément les cas dans lesquels elle peut être mise en œuvre. Faute d’apporter de telles précisions, de nature à garantir que l’usage de cette technique de maintien de l’ordre soit adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances, le Syndicat national des journalistes et la Ligue des droits de l’homme sont fondés à soutenir que ce point 3.1.4 est entaché d’illégalité et à en demander l’annulation ».

Dans l’exercice de ses attributions économiques et sociales, le CSE est admis à recourir à l’assistance d’experts afin qu’ils livrent une analyse objective et détaillée selon les situations. Tel est le cas s’agissant de la consultation sur les orientations stratégiques (C. trav., art. L. 2315-87) ou sur la situation économique et financière de l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-88). Le CSE peut également faire appel à un expert habilité en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-94 ; pour le CHSCT, v. anc. C. trav., art. L. 4614-12). Dans ce cadre, l’expert est chargé d’étudier le projet et ses conséquences et de fournir un rapport approfondi sur les mesures projetées. Pour mener à bien sa mission dans le délai qui lui est imparti, l’expert dispose des mêmes éléments d’information que les membres élus du CSE. Faut-il encore que ces données soient suffisamment qualitatives pour que l’expert puisse livrer un examen lisible de la situation, permettant par ailleurs aux élus de formuler un avis éclairé. Les processus de consultation et d’expertise étant enfermés dans des délais relativement courts, la question du point de départ de ces délais s’avère cruciale, notamment lorsqu’un blocage découle de l’insuffisance des informations transmises par l’employeur. La procédure de consultation est-elle réputée suivre son cours alors même que les élus, dans l’attente du rapport d’expertise, ne sont pas en mesure de s’exprimer sur la nature du projet. Telle était la question soumise à la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt en date du 27 mai 2021.
La procédure de consultation est-elle réputée suivre son cours alors même que les élus, dans l’attente du rapport d’expertise, ne sont pas en mesure de s’exprimer sur la nature du projet ?
En l’espèce, plusieurs CHSCT d’établissement de La Poste avaient sollicité une expertise s’agissant d’un accord national portant « sur l’amélioration des conditions de travail et sur l’évolution des métiers de la distribution et des services des factrices/facteurs et de leurs encadrantes/encadrants de proximité ». Plusieurs mois après la désignation de l’expert, La Poste informait les CHSCT de l’organisation d’une réunion d’information/consultation sur les mesures prévues par l’accord en question. Au jour de la réunion, les CHSCT faisaient savoir à la direction qu’ils étaient dans l’impossibilité d’émettre un avis, en l’absence de restitution du rapport d’expertise. La Poste demandait aussitôt au cabinet d’expertise l’arrêt de sa mission et informait les établissements relevant du périmètre des CHSCT de l’application en leur sein des mesures contenues dans l’accord collectif. Les CHSCT saisissaient le président du tribunal de grande instance de demandes tendant notamment à dire que le délai de consultation n’avait pas commencé à courir. Les CHSCT souhaitaient faire obstacle à la poursuite de la procédure de consultation et obtenir la suspension, sous astreinte, de la mise en œuvre de l’accord. Le cabinet d’expertise intervenait à l’instance pour faire juger notamment que le délai d’expertise n’avait pas commencé à courir, faute de transmission par La Poste des documents nécessaires. Le cabinet d’expertise demandait par ailleurs la transmission de ces documents sous astreinte. Dans un arrêt du 18 avril 2019, la cour d’appel de Montpellier, statuant en référé, avait estimé que le délai préfix de deux mois de consultation des CHSCT n’avait pas commencé à courir et qu’il ne pouvait commencer à courir qu’à compter de l’obtention du rapport d’expertise. La Poste était enjointe de poursuivre la procédure de consultation des CHSCT, en transmettant au cabinet d’expertise les documents nécessaires afin qu’il puisse remplir sa mission. Estimant que le délai de consultation devait commencer à courir à compter de la date à laquelle, ayant reçu de l’employeur les informations nécessaires à l’exercice de leur mission, les CHSCT avaient décidé de recourir à une expertise et procédé à la désignation de l’expert, La Poste formait un pourvoi en cassation.
Dans un arrêt du 27 mai 2021, la chambre sociale casse et annule la décision de la cour d’appel. Après avoir rappelé le cadre de consultation du CSHCT ainsi que les modalités et délais de recours à l’expertise, la Cour de cassation précise que « l’absence de remise du rapport par l’expert, tenu pour exécuter la mesure d’expertise de respecter un délai qui court du jour de sa désignation, n’a pas pour effet de prolonger le délai de consultation du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail fixé par l’article R. 4614-5-3 du code du travail ». Consulté sur une décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 4612-8 anc.), le CHSCT qui a recours à l’expertise est en principe tenu de se prononcer dans un délai de deux mois (C. trav., art. R. 4614-5-3 anc.). Ce délai court à compter de la date à laquelle celui-ci a reçu une information le mettant en mesure d’apprécier l’importance de l’opération envisagée (C. trav., art. R. 4614-5-2 anc.). Le CHSCT peut alors décider de recourir à un expert, lequel est censé rendre son rapport dans un délai d’un mois à compter de sa désignation (C. trav., art. R. 4614-18, al. 1er anc.). Quand bien même il existerait un blocage à raison de l’insuffisance des informations transmises par l’employeur, l’absence de remise du rapport par l’expert n’emporte pas automatiquement la prolongation des délais de consultation et d’expertise.
Pas de recours judiciaire pour transmission insuffisante des informations par l’employeur, pas de prolongation ou de suspension du délai
En effet, cela suppose que le CHSCT (aujourd’hui la CSSCT du CSE) mette en œuvre les voies de recours normalement admises dans l’hypothèse d’une insuffisance d’informations. Dans ce cas précis, il appartient aux élus de saisir le président du tribunal judiciaire afin de faire reconnaître le caractère lacunaire des informations communiquées et ainsi obtenir la transmission d’informations complémentaires et, le cas échéant, la suspension du délai de consultation (Soc. 26 févr. 2020, n° 18-22.759, Dalloz actualité, 26 mars 2020, obs. C. Couëdel ; D. 2020. 440 ; ibid. 1740, chron. A. David, M.-P. Lanoue, A. Prache et T. Silhol ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; RDT 2020. 559, obs. F. Signoretto ). Á défaut d’avoir entrepris une telle procédure, rien ne pouvait valablement justifier la suspension des délais de consultation, pas même l’absence de remise du rapport par l’expert. Dans le cas présent, plus de quatre mois séparaient le point de départ de la consultation et la désignation de l’expert de la mise en œuvre du projet. Dès lors que « les CHSCT n’avaient pas saisi le juge dans le délai qui leur était imparti pour donner leur avis à l’effet d’obtenir la communication d’informations complémentaires et la suspension du délai de consultation […] jusqu’à la communication de ces éléments complémentaires », la procédure de consultation était réputée arriver à son terme à l’issue des deux mois.
Pour la cour d’appel, le point de départ du délai de consultation devait être calqué sur la date de remise du rapport d’expertise. Admettre que le délai puisse commencer à courir avant même que le CHSCT soit en possession de l’analyse sollicitée aurait pour effet « de priver de toute portée de recours à expertise ». Il est vrai que les procédures de consultation et d’expertise sont intrinsèquement liées car c’est sur la base du rapport que les élus sont en mesure de fournir un avis éclairé sur le projet. C’est toutefois oublier que les représentants du personnel disposent d’outils juridiques pour surpasser cette situation de blocage.
Par ailleurs, s’il est admis que les représentants du personnel et l’employeur peuvent « fixer d’autres délais de consultation, les prolonger, ou modifier leur point de départ » (Soc. 8 juill. 2020, n° 19-10.987, D. 2020. 1470 ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ), cela suppose que la volonté commune des parties soit explicite, peu important que l’accord ait été formalisé ou non. Dans le cas présent, la haute juridiction a estimé, au contraire de la cour d’appel, qu’il ne résultait pas de faits de l’espèce que les délais de consultation des CHSCT avaient été prolongés d’un commun accord. En d’autres termes, il n’était pas possible de déduire des échanges intervenus entre l’employeur et les CHSCT que les parties s’étaient entendues pour repousser les délais de consultation à raison de difficultés pratiques.
Lorsque les propriétaires intéressés sont parties à l’instance, le juge qui constate l’état d’enclave d’un fonds est légalement tenu de déterminer, conformément aux dispositions de l’article 683 du code civil, l’assiette de la servitude de passage en faveur de ce fonds.
À l’occasion d’une visioconférence de presse qui s’est tenue le 1er juin 2021, l’observatoire Clameur a présenté un nouvel outil, ainsi que les tendances du marché locatif privé.
La motivation de la décision de rétrocession, qui doit se suffire à elle-même, doit comporter des données concrètes permettant au candidat évincé de vérifier la réalité des objectifs poursuivis au regard des exigences légales.
Dans un avis publié au Journal officiel du 6 juin, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) alerte sur « les dangers provoqués par la permanence d’un manque généralisé de moyens » dans l’enseignement supérieur. « Dans la diversité de ses formes, l’enseignement supérieur représente non seulement un lieu de formation et de recherche mais aussi un lieu de...

Depuis avril 2018, le Défenseur des droits et ses délégués participent à l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire (MPO) en matière de contentieux sociaux (v. AJDA 2018. 1637 ). Pour la dernière année de l’expérimentation, l’institution a souhaité savoir comment son intervention était perçue par les principaux intéressés. Tel est l’objet du document de l’observatoire du Défenseur des droits Recours à la médiation préalable obligatoire : étude auprès des réclamants, rendu public le 8 juin.
Si le Défenseur des droits a accepté de participer à...
Dans des lois importantes, le Parlement a imprimé sa conception des archives, des musées… jamais des bibliothèques. Une ordonnance en 2017 et cinq articles dans le code du patrimoine forment à peu près tout l’encadrement législatif de ces institutions pourtant au cœur de la vie culturelle des Français. C’est à cette carence que veut remédier le Sénat avec l’adoption, le 9 juin, d’une proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de de la lecture publique. Un texte issu du groupe socialiste et...
Monsieur M., propriétaire d’un domaine viticole situé sur le territoire de la commune de Tresques, a déposé le 3 septembre 2011 une demande de permis de construire en vue de l’édification d’une maison à usage d’habitation. Par un arrêté du 30 mars 2012, le maire de Tresques a refusé de délivrer le permis sollicité. Cet arrêté de refus de permis de construire a été annulé par un jugement du teribunal administratif de Nîmes rendu le 21 décembre 2012.
Alors même que la commune de Tresques avait fait appel, Monsieur M. a confirmé le 2 janvier 2013 sa demande de permis de construire dans les conditions prévues à l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme.
Par un arrêt du 19 décembre 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement du 21 décembre 2012.
Monsieur M. ayant construit sa maison dans le courant de l’année 2013, la commune de Tresques l’a assigné en démolition sur le fondement de l’article L. 480-14 du code de l’urbanisme.
C’est dans ce contexte que les juridictions judiciaires ont été saisies.
Monsieur M. estimait, sur le fondement de...
La juridiction judiciaire est incompétente pour statuer sur l’existence d’un permis de construire tacite né du silence gardé par l’administration à l’expiration du délai de confirmation de la demande de permis de construire formée par le pétitionnaire sur le fondement de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme.
En l’absence de disposition en ce sens, le non-respect par le conseil syndical de son obligation de mise en concurrence n’est pas sanctionné par la nullité de la désignation du syndic par l’assemblée générale.

Prévu par la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (v. AJDA 2021. 1068 ), et validé par le Conseil constitutionnel (v., Cons. const. 31 mai 2021, n° 2021-819 DC, AJDA 2021. 1121 ; D. 2021. 1087 et les obs. ), sa mise en place avait suscité des craintes de la part de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (v. C. Crichton, Mise en garde de la CNIL sur le « pass sanitaire », Dalloz actualité, 20 mai 2021) et de la Défenseure des droits (AJDA 2021. 1070 ) qui avaient insisté sur son caractère exceptionnel. Le message a été entendu. Le pass sanitaire est limité dans le temps : il ne sera exigé que du 9 juin au 30 septembre. Il l’est également s’agissant de son champ d’application : il est obligatoire dès onze ans pour accéder à certains lieux ou évènements de...

Prévu par la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (v. AJDA 2021. 1068 ), et validé par le Conseil constitutionnel (v., Cons. const. 31 mai 2021, n° 2021-819 DC, AJDA 2021. 1121 ; D. 2021. 1087 et les obs. ), sa mise en place avait suscité des craintes de la part de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (v. C. Crichton, Mise en garde de la CNIL sur le « pass sanitaire », Dalloz actualité, 20 mai 2021) et de la Défenseure des droits (AJDA 2021. 1070 ) qui avaient insisté sur son caractère exceptionnel. Le message a été entendu. Le pass sanitaire est limité dans le temps : il ne sera exigé que du 9 juin au 30 septembre. Il l’est également s’agissant de son champ d’application : il est obligatoire dès onze ans pour accéder à certains lieux ou évènements de...
Un ressortissant afghan contestait l’arrêté de la préfète d’Ille-et-Vilaine décidant de son transfert aux autorités suédoises. Pour annuler l’arrêté, la cour administrative d’appel de Nantes a notamment estimé qu’il appartenait à la préfète de s’assurer auprès des autorités suédoises que l’intéressé ne courrait aucun risque...

« Comme dans le monde entier, l’année 2020 fut pour les personnes privées de liberté une année bouleversée et bouleversante », écrit Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans l’avant-propos de son rapport annuel, rendu public le 9 juin (et publié aux éditions Dalloz).
L’ancienne journaliste du Canard enchaîné et la précédente titulaire de la fonction, Adeline Hazan, ont dû faire face aux conséquences de la pandémie, particulièrement aiguës pour le « peuple du dedans », entre respect difficile des règles sanitaires, aggravation des privations de liberté ou maintien en rétention d’étrangers dont la fermeture des frontières rend l’éloignement quasi impossible. Alors que la situation des personnes que l’institution doit protéger était sensiblement aggravée, le CGLPL a vu son action entravée. Par le confinement, d’abord, qui a interrompu les visites en mars et avril. Mais aussi – et c’était davantage évitable – par la vacance du poste de CGLPL, entre la fin du mandat d’Adeline Hazan en juillet et la nomination de Dominique Simonnot, en octobre, trois mois pendant lesquels les visites ont également cessé, aucune autorité n’ayant le pouvoir de les ordonner.
C’est donc en sept mois d’activité que les contrôleurs ont visité 80 établissements, passant au total 77 jours en établissement de santé, 53 jours en prison, 45 jours en local de garde à vue, 7 jours en centre éducatif fermé et 6 jours en rétention administrative ou zone d’attente. 3 379 lettres ont été adressées au CGLPL, toujours en majorité par la personne privée de liberté elle-même, même si les courriers émanant de proches de celle-ci ont augmenté de 50 %.
L’institution a également rendu, en 2020, de nombreuses recommandations, au premier rang desquelles Les Recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté (v. A. Hazan, Les Recommandations minimales du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, AJDA 2020. 1396 ), texte de droit souple ayant vocation à orienter l’action des pouvoirs publics. Mais le CGLPL souhaite également « qu’avocats et juridictions s’en saisissent pleinement pour faire progresser l’effectivité du droit dans les lieux de privation de liberté ». Au-delà de cet élément de doctrine globale, une série de recommandations portent sur l’accès à internet, les droits de la défense, l’accès aux soins, etc.
Dans son avant-propos, Dominique Simonnot déplore la « désinvolture, avec laquelle sont traitées les recommandations du CGLPL par les ministres auxquels elles sont adressées ». Mais elle voit aussi dans cette année 2020 difficile, des raisons d’espérer, comme le « mouvement inédit de déflation carcérale » du printemps, qui prouve, selon elle, « qu’il est possible de ramener le taux d’occupation des prisons à leur capacité d’accueil ». Elle appelle à nouveau à inscrire « cette indispensable régulation carcérale » dans la loi, comme le préconise l’institution depuis 2014 et comme l’impose, à son sens, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Autres bonnes nouvelles, l’adoption, par le Parlement, sous la pression du juge, de lois offrant des recours aux détenus en cas de conditions de détention indignes et aux malades qui subissent isolement ou contention dans les hôpitaux psychiatriques. Des textes qui, pour le CGLPL, constituent des avancées, même si elles sont insuffisantes.
340 000 jeunes sont suivis par l’aide sociale à l’enfance. Pourtant, comme l’avait noté une mission d’information de l’Assemblée, les enfants placés connaissent ensuite d’importantes difficultés. Ainsi 30 % des utilisateurs de services d’hébergement temporaire sont des anciens de l’ASE. La gouvernance est complexe, avec de nombreux dysfonctionnements (jeunes placés en hôtel). L’augmentation du nombre de mineurs non accompagnés ces dernières années (environ 16 000 par an), a également montré les limites du système.
Le projet de loi porté par le secrétaire d’État Adrien Taquet veut répondre à ces différents enjeux. L’avant projet rectifié, qui fait dix-neuf articles et que nous publions aujourd’hui, est actuellement étudié par le Conseil d’État. Il est donc susceptible d’évoluer.
Améliorer la protection de l’enfance
Proposition phare, l’article 3 interdit le placements de mineurs dans des hôtels ou structures touristiques. Un rapport de l’IGAS, éloquent, dénonçait cette situation (v. not. les annexes p. 191 et 213), qui s’est développée ces dernières années. Les départements auraient payé pour 250 millions d’euros de nuitées hôtelières en 2018. 95 % des enfants placés à l’hôtel étaient des mineurs non accompagnés. À titre exceptionnel, en cas d’urgence, le recours à ces structures resterait possible pour une durée de deux mois.
Pour éviter que les nuits d’hôtel soient remplacées par des structures low-costs, l’article 13 prévoit qu’un décret définira les normes et les critères d’encadrement dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance. Le gouvernement souhaite également harmoniser le traitement des situations de danger pour les enfants.
Sauf urgence, l’article 2 prévoit qu’un placement ne pourra être ordonné que si les services ont étudié la possibilité d’un accueil par un membre de la famille ou un tiers de confiance. Par ailleurs, pour faciliter la vie quotidienne le juge pourra permettre au gardien de l’enfant d’exercer certains actes déterminés relevant de l’autorité parentale.
L’article 7 permettra au juge des enfants de renvoyer une affaire en matière d’assistance éducative, devant une formation collégiale.
Mineurs non accompagnés : renforcer le contrôle
L’article 16 prévoit le recours obligatoire au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité. Le gouvernement veut contraindre les départements à utiliser ce fichier, afin d’éviter que la situation d’une personne soit évaluée successivement par plusieurs départements. Un refus du département entraînera le retrait de la contribution forfaitaire de l’État. De nombreuses associations, ainsi que le Défenseur des droits, ont, à de multiple reprises, contesté ce fichier « tourné vers la gestion des flux migratoires, la lutte contre le nomadisme administratif et la fraude documentaire, au mépris des droits et de l’intérêt supérieur des enfants ». Par ailleurs, la clé de répartition des mineurs non accompagnés entre les départements va être modifiée pour mieux prendre en compte leur situation socio-économique ainsi que leur action en faveur des contrats jeunes majeurs.
Autre disposition répressive : l’article 17 permettra de garder à la disposition de la justice des prévenus présentés devant une juridiction incompétente du fait d’une erreur sur leur âge. La comparution devra avoir lieu dans un délai de vingt-quatre heures, sauf si elle doit intervenir dans un autre tribunal judiciaire : dans ce cas, la personne pourra être retenue jusqu’à cinq jours.
L’article 18 déborde très largement de la question des mineurs, puisqu’il concerne l’identification de toute personne suspectée d’une infraction. Actuellement, le refus de procéder à un relevé signalétique (empreintes digitales, palmaires ou photographies) est un délit pénal. Si la personne est suspectée d’avoir commis une infraction passible d’au moins trois ans de prison, le relevé pourra dorénavant être fait sans son consentement, sur autorisation du procureur.
Appuyer les assistants familiaux et les collectivités
La condition des assistants familiaux, qui accueillent chez eux la moitié des enfants placés, sera améliorée. L’article 9 leur garantira une rémunération mensuelle au moins égale au SMIC. Une rémunération minimale est également prévue si l’employeur public leur confie moins d’enfants que prévu. Par ailleurs, une rémunération sera maintenue en cas de suspension d’agrément (pour quatre mois). Pour mieux suivre les éventuels retraits d’agrément, une base nationale sera créée.
Un nouveau groupement d’intérêt public appuiera l’État et les conseils départementaux dans la définition et la mise en œuvre de la politique d’accès aux origines personnelles, d’adoption nationale et internationale d’accès aux origines personnelles. Il reprend notamment les compétences de l’agence française de l’adoption, du GIP Enfance en danger et de l’observatoire national de l’enfance en danger. Le Conseil national de la protection de l’enfance est refondu.
Actuellement, s’agissant de la PMI, les départements doivent garantir des normes de personnel et d’activité. Cette logique de moyen est remplacée par une logique d’objectifs. La santé maternelle et infantile fera l’objet d’orientations stratégiques annuelles. À noter, au conseil national d’évaluation des normes, les représentants des collectivités ont regretté qu’aucune disposition du pré-projet ne porte sur la santé scolaire et la pédopsychiatrie « exsangue ».
Le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du préfet de la région Bretagne qui n’avait pas donné suite à la demande d’une association de rendre plus efficace le 6e plan d’actions régional de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates (PAR).
Ce plan, entré en vigueur le 1er septembre 2018, est la déclinaison du programme d’actions national transposant la directive européenne n° 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Le 1er octobre de la même année,...

À la lecture du contentieux, la pratique semble courante pour les communes de tenter d’échapper au paiement de la commission de l’intermédiaire immobilier lorsqu’elles exercent leur droit de préemption (dernièrement, Civ. 3e, 9 juill. 2020, n° 19-19.310 F-D). Certes l’on songe au caractère public des deniers, certes l’agent immobilier n’intervient pas directement au bénéfice de la commune, mais la Cour de cassation nous enseigne que ces arguments ne sauraient suffire à faire flancher à la fois le principe de la force obligatoire des contrats – C. civ., art. 1103 – et le principe légal de rétribution de l’intermédiaire immobilier lorsque l’opération a été effectivement conclue et constatée (L. n° 70-9 du 2 janv. 1970 dite « loi Hoguet », art. 6 ; Décr. n° 72-678 du 20 juill. 1972, art. 73 ; sur ce dernier critère, Civ. 3e, 9 juill. 2014, n° 13-19.061, D. 2014. 1591, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2015. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; AJDI 2015. 139 , obs. M. Thioye ).
En revanche, et c’est tout l’intérêt de l’arrêt présenté, l’argumentation de la commune en l’espèce, pour tenter d’échapper à la rétribution de l’agent immobilier, était nouvelle et avait convaincu les juges de la cour d’appel de Toulouse.
La question soumise à la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 12 mai 2021 était celle de savoir si, faute de levée de l’option par le bénéficiaire d’une promesse de vente à la date de l’exercice du droit de préemption par la commune, et partant faute de substitution à l’acquéreur, la commission était néanmoins due à l’intermédiaire immobilier ayant préalablement conclu un mandat en vue de vendre avec le promettant. L’interrogation était légitime, tant il est devenu courant d’analyser le droit de préemption comme un droit de substitution (Civ. 1re, 24 janv. 2006, n° 02-18.746, AJDA 2006. 679 ; AJDI 2006. 484 , obs. M. Thioye ; RDI 2006. 321, obs. P. Soler-Couteaux ).
Décision de principe
Pour y répondre, la Cour de cassation a rendu une décision de principe, au visa de la combinaison des articles 1134, alinéa 1er, ancien du code civil, L. 213-2, alinéa 1er, du code de l’urbanisme et 6, I, alinéa 3, ancien de la loi du 2 janvier 1970.
Dans un premier temps, elle rappelle que « lorsqu’il exerce son droit, le titulaire du droit de préemption, au profit duquel la vente a été effectivement conclue, est tenu de prendre en charge la rémunération de l’intermédiaire incombant à l’acquéreur pressenti, auquel il est substitué, dès lors que le montant de la commission et la partie qui en est tenue sont mentionnés dans l’engagement des parties et dans la déclaration d’intention d’aliéner » (v. déjà en ce sens, Civ. 1re, 9 mars 1999, n° 96-21.259, Bull. civ. I, n° 79...
La promesse unilatérale de vente énonçant les conditions auxquelles la vente aurait lieu en cas de levée de l’option par le bénéficiaire, le droit à commission de l’agent immobilier étant conventionnellement prévu, il s’imposait donc à la commune.
« Il résulte des dispositions de l’article L. 214-18-1 du code de l’environnement, telles qu’éclairées par les travaux préparatoires relatifs à la loi du 24 février 2017, qu’afin de préserver le patrimoine hydraulique que constituent les moulins à eau, le législateur a entendu exonérer l’ensemble des ouvrages pouvant recevoir cette qualification et bénéficiant d’un droit de prise d’eau fondé en titre ou d’une autorisation d’exploitation à la date de publication de la loi, des...
Malgré la crise sanitaire, 2020 a été une année record pour la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avec 17 000 déclarations d’intérêts et de patrimoine réceptionnées, résultat d’une actualité politique et électorale chargée (en hausse de près de 220 % par rapport à l’année 2019 [sans élection majeure] et de plus de 60 % par rapport à l’année 2017 [présidentielle, législative et sénatoriale]). Dans son rapport annuel, le premier sous la présidence de Didier Migaud, l’Autorité estime toutefois que le taux de dépôt dans le délai légal demeure insatisfaisant : à l’issue des délais légaux, pourtant prorogés en raison de la crise sanitaire, seuls 47 % des maires, 39 % de leurs adjoints, avaient déposé leurs déclarations. L’année passée, l’institution a effectué plus de 2500 contrôles. À l’issue dix dossiers ont été transmis à la Justice.
« Peut-être qu’une simplification du système de déclaration permettrait d’obtenir des résultats plus satisfaisants », observe Didier Migaud, dans son discours de présentation du rapport. Ainsi, la Haute Autorité préconise, dans son rapport, de solliciter le dépôt d’une déclaration d’intérêts unique en cas de cumul de mandats ou de fonctions par...

Il est acquis que les règles définies à l’article L. 2314-30 du code du travail sont d’ordre public absolu, le protocole préélectoral ne pouvant y déroger (Soc. 11 déc. 2019, n° 19-10.826 P, Dalloz actualité, 23 déc. 2020, obs. C. Couëdel ; D. 2020. 563, obs. M.-P. Lanoue ; RJS 2/2020, n° 102). Mais sont-elles conformes à la Constitution ? C’est là la question posée par le truchement du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion du litige présenté dans l’arrêt du 27 mai 2021 ci-après commenté.
En l’espèce, suite à la proclamation des résultats des élections professionnelles intervenue au sein de l’Unité économique et sociale Randstad (UES) le 5 mars 2020, l’un des syndicats intéressé a saisi le tribunal judiciaire en annulation des élections de certains salariés en invoquant le non-respect par ces organisations syndicales des principes de représentativité équilibrée et d’alternance.
Les juges du fond relevèrent sur le fondement de l’article L. 2314-30 du code du travail qu’il ne pouvait y avoir de candidature unique sur une liste présentée par une organisation syndicale, et annulèrent les élections de certains membres des comités sociaux et économiques de l’UES.
Un pourvoi en cassation contre cette décision fut formé, et à l’occasion duquel un syndicat et plusieurs salariés ont demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) rédigée en ces termes : « Les alinéas 1 à 6 de l’article L. 2314-30 code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, tels qu’interprétés par la Cour de cassation, portent-ils atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment à la liberté syndicale, au droit à l’éligibilité aux institutions représentatives du personnel qui découle du principe de participation des travailleurs consacrés par les sixième et huitième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils interdisent aux syndicats de présenter aux élections professionnelles, lorsqu’au moins deux sièges sont à pourvoir au sein d’un collège électoral, une liste comportant un candidat unique appartenant au sexe sur-représenté ? »
Une question ni nouvelle, ni sérieuse pour la chambre sociale
La chambre sociale de la Cour de cassation va, de façon très classique vérifier la recevabilité de la QPC, et conclure par la négative, faute d’un caractère nouveau et sérieux.
Elle va en effet d’abord considérer que la disposition contestée est applicable au litige, dans la mesure où il est question d’une élection des membres de comités sociaux et économiques (CSE).
La chambre sociale relève cependant que si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, la question posée, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire application, n’est pas nouvelle.
D’autre part, les hauts magistrats vont encore considérer que la question posée ne présente pas un caractère sérieux.
Cette absence de caractère sérieux découle pour la chambre sociale du fait...
Malgré sa portée, les débats sur le projet de loi adopté mercredi soir par l’Assemblée se sont déroulés assez paisiblement et rapidement. La partie renseignement a ainsi été expédiée en trois heures. De nombreux députés (Marine le Pen, Guillaume Peltier), virulents sur les plateaux télé, ont déserté l’hémicycle.
La société civile s’est peu mobilisée sur le texte, à l’exception de l’article 19 qui vise à ouvrir certaines archives secret défense. Si cette ouverture reste insuffisante pour les archivistes, c’est l’article du texte qui aura le plus évolué. Le texte reviendra dès le 16 juin au Sénat.
Une surveillance plus globale
L’un des fondements de la loi de renseignement de 2015 était l’individualisation : une cible est surveillée par un service pour une finalité. L’article 7 met fin à ce principe et permettra à un service d’enregistrer un renseignement pour une finalité différente : un renseignement d’intelligence économique pourra être retranscrit même si la surveillance était motivée pour terrorisme.
De plus, les services pourront obtenir plus simplement tout renseignement utile des autres administrations, même si l’information relève d’un secret protégé par la loi. Cela concerne aussi les vingt-sept services dits du second cercle, dont plusieurs ont aussi des attributions judiciaires. Le risque de détournement existe donc.
L’article 6 élargit les croisements entre le fichier des radicalisés (FSPRT) et Hopsyweb, qui enregistre les personnes soignées sans leur consentement pour des troubles psychiatriques.
Autre extension : la surveillance algorithmique. L’ensemble des données de connexion des Français peut actuellement être récupéré et analysé par le groupement interministériel de contrôle. Si un faisceau de comportements suspects (connexion à certains sites ou applis) est repéré, l’anonymat de la personne est levé (1 739 cas en 2020). La personne est repérée. Si d’autres éléments permettent de la suspecter, les services déclenchent une surveillance, ce qu’ils ont fait plusieurs dizaines de fois. Avec cette loi, la surveillance algorithmique, ainsi que la surveillance en temps réel des personnes, sera étendue aux adresses web (URL).
Un contrôle suffisant de la surveillance internationale ?
Depuis 2015, l’ensemble des surveillances fait l’objet d’un avis d’une autorité indépendante (la CNCTR). Même si cet avis n’est que consultatif, le gouvernement l’a toujours suivi. À la suite de l’arrêt FDN, le projet de loi prévoit qu’au cas où si le gouvernement ne suivrait pas l’avis de la CNCTR, elle pourrait saisir le Conseil d’État. Une procédure étendue par les députés à des autorisations de surveillance internationale, où les règles sont souvent plus laxistes que pour la surveillance nationale.
Toutefois, les échanges de renseignement de services étrangers vers la France resteront à l’écart de la CNCTR, malgré un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (Dalloz actualité, 28 mai 2021, obs. M.-C. de Montecler). À noter, les députés ont renforcé les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, pour mieux contrôler l’action des services.
Une judiciarisation des mesures de contrôle
Le texte pérennise les mesures de la loi SILT de 2017, et notamment les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS). Elles permettent à un préfet d’imposer à une personne un pointage quotidien au commissariat, d’interdire de quitter une commune ou de paraître dans certains lieux.
Parmi les 68 personnes actuellement sous MICAS, les trois quarts sont des sortants de prison, souvent condamnés pour terrorisme. Pour mieux les suivre, les députés avaient l’an dernier proposé une nouvelle mesure judiciaire de contrôle. Mais, le dispositif avait été censuré par le conseil constitutionnel. Le nouveau texte propose donc une nouvelle mesure de suivi, plus axée sur la réinsertion.
Après évaluation, le juge pourra condamner la personne ayant purgé sa peine, à exercer une activité professionnelle ou suivre un enseignement. Elle pourra être astreinte à résider dans un lieu déterminé, éventuellement dans un « établissement d’accueil adapté ». Elle devra répondre aux convocations de la justice et du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).
La partie « contrôle » des obligations (pointage, assignation dans une commune) restera aux mains de l’autorité administrative, via les MICAS. Pour ces sortants de prison, la MICAS pourra durer, non pas un an, mais deux ans. Pour le Conseil d’État, la constitutionnalité de cet allongement est douteuse. À noter, les obligations prononcées dans le cadre des MICAS, devront dorénavant tenir compte « des obligations déjà prescrites par l’autorité judiciaire ». Cette articulation a parfois fait défaut, des préfectures imposant des obligations contradictoires à celles imposées par un contrôle judiciaire.
Le Sénat a adopté en première lecture, le 3 juin, une proposition de loi visant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit. Cette nouvelle loi dite « BALAI », du nom du bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles, abrogera près de 110 lois votées entre 1941 et 1980. En décembre 2019, une première loi BALAI avait abrogé une cinquantaine de...

L’absence d’assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des cantines scolaires et des piscines municipales est conforme au droit européen dès lors qu’elle n’entraîne pas de distorsion de concurrence.
Dans deux arrêts du 28 mai, le Conseil d’État développe le raisonnement qu’il avait tenu dans son arrêt Commune de Saint-Jorioz (23 déc. 2010, n° 307856, Lebon 527 ; AJDA 2011. 7 ; AJCT 2011. 140, obs. X. Cabannes ; JT 2011, n° 128, p. 12, obs. E. Royer ; RTD com. 2011. 322, obs. G. Orsoni ). Il était saisi de pourvois par les communes de Sarlat-la-Canéda (n° 431739) et Castelnaudary (n° 442738) qui souhaitaient voir assujetties à la TVA, respectivement, la fourniture de repas dans les cantines et l’exploitation de la piscine municipale.
La Haute juridiction considère qu’il résulte de la jurisprudence de la CJUE (29 oct. 2015, aff. C-174/14, RTD eur. 2016. 77, obs. D. Berlin ; ibid. 191, obs. A. Zians ) que le non-assujettissement des activités des personnes publiques à la TVA « est subordonné à deux conditions cumulatives tenant, d’une part, à ce que l’activité soit exercée par un organisme agissant en tant qu’autorité publique et, d’autre part, à ce que le non-assujettissement ne conduise pas à des distorsions de concurrence d’une certaine importance...

Rien n’y aura fait. Ni l’avis défavorable du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État. Ni le lobbying des grands corps. Ni les protestations de nombreuses personnalités de droite comme de gauche, voire proches de la majorité, comme l’ancien premier ministre Manuel Valls. Ni la grève des magistrats administratifs – fait assez exceptionnel en soi – à l’appel de leurs deux syndicats les 18, 19 et 20 mai. L’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de l’État a été adoptée par le conseil des ministres le 26 mai et publiée au Journal officiel le lendemain.
De cette réforme, annoncée par Emmanuel Macron le 8 avril (v. AJDA 2021. 764 ), on aura d’abord retenu la « suppression » de l’École nationale d’administration (ENA), qui sera remplacée par un Institut national du service public (INSP). De cet institut, l’ordonnance dit peu de choses, sinon qu’il assurera la formation initiale et continue des administrateurs de l’État et « d’autres corps de fonctionnaires susceptibles d’exercer des fonctions supérieures ». L’ordonnance lui donne également des missions de recherche et l’invite à coopérer avec des établissements français ou étrangers d’enseignement, de formation ou de recherche. Il faudra attendre un décret pour en savoir plus sur ses missions et notamment sur le « tronc commun » à treize écoles de la haute fonction publique annoncé par le chef de l’État.
Une « haute fonction publique à la merci du pouvoir » ?
Mais derrière ce changement d’appellation, c’est une transformation profonde de la conception française de la haute fonction publique que dévoile l’ordonnance : moins de corps, davantage d’emplois fonctionnels, plus de contractuels. C’est ce que dessine l’ordonnance, dont des décrets devront préciser les modalités. « Une haute fonction publique à la merci du pouvoir », s’est indignée la Fédération générale des fonctionnaires FO.
Emmanuel Macron avait annoncé vouloir réformer l’accès aux grands corps. C’est en fait la suppression de certains d’entre eux qui a été peu à peu annoncée depuis. Les corps des inspections générales, notamment les plus prestigieuses d’entre elles, celle des finances, de l’administration et des affaires sociales ainsi que le corps préfectoral devraient être mis en extinction. Les nominations des agents exerçant des fonctions d’inspection générale se feront, affirme l’ordonnance, « pour une durée et des conditions garantissant leur capacité à exercer leurs missions avec indépendance et impartialité ». Là aussi, c’est un décret qui précisera ces conditions, l’ordonnance entourant également de garanties la fin anticipée des fonctions.
Un corps va naître, en revanche, celui des administrateurs de l’État, corps interministériel « dont les membres sont chargés de la conception, de la mise en œuvre, de l’évaluation et du contrôle des politiques publiques ». Les lauréats de l’INSP ont, a priori, tous vocation à rejoindre ce corps.
Mais tous n’y resteront pas. Car il a bien fallu prévoir des exceptions au schéma imaginé par le chef de l’État. Les corps ayant des missions juridictionnelles, ceux des membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, mais aussi des magistrats des chambres régionales des comptes et des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel ne pouvaient pas être supprimés ni coulés dans le moule commun. Car, comme l’a délicatement rappelé le vice-président du Conseil d’État, « l’indépendance de la juridiction administrative est aujourd’hui protégée au plus haut niveau de la hiérarchie des normes : le Conseil constitutionnel, par deux décisions de 1980 et 1987, l’a érigée au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République, et la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales l’a pleinement reconnue dans ses arrêts Kress et Sacilor-Lormines de 2001 et 2006 » (B. Lasserre, Que reste-t-il du Conseil d’État napoléonien ?, 6 mai 2021).
Le Conseil d’État sauve ses auditeurs
Dans ce même hommage opportun au fondateur du Conseil d’État, le vice-président évoquait « une particularité fondamentale de la composition du Conseil d’État : je veux parler du brassage des générations, de l’esprit de compagnonnage qui y règne entre les conseillers les plus chevronnés et les jeunes auditeurs. Auditeurs qui ont été créés pour être, comme le disait Locré, de “vrais magistrats et de vrais administrateurs”, et qui forment aujourd’hui encore un vivier de talents utiles à l’intérieur comme à l’extérieur du Conseil, après qu’ils y ont été formés à ses métiers de très haute technicité ». L’auditorat, auquel le Palais-Royal est notoirement fort attaché, semblait condamné par la volonté d’Emmanuel Macron d’empêcher l’accès aux grands corps à la sortie de l’école (l’entourage de la ministre de la Fonction publique évoquait en avril un accès au bout de cinq ou six ans). Mais le Conseil d’État sait négocier. Et les auditeurs subsistent, sous la forme d’emplois, d’une durée de trois ans, non renouvelables, auxquels pourront être nommés des administrateurs de l’État et des membres de corps comparables comptant deux ans de services publics effectifs. Ils pourront ensuite accéder au grade de maître des requêtes après avis d’une commission comportant trois membres du Conseil d’État, dont le vice-président, et trois personnalités nommées par le président de la République, celui du Sénat et celui de l’Assemblée nationale. Un dispositif similaire est prévu à la Cour des comptes.
Les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel et ceux des chambres régionales des comptes conservent pour leur part deux voies de recrutement principales : un concours spécifique et le futur INSP. Les administrateurs de l’État pourront opter pour ces corps dès la sortie de l’INSP. Mais ils devront en principe passer au moins deux ans dans le corps des administrateurs, sauf s’ils justifient, avant leur nomination dans celui-ci, de quatre ans d’expérience professionnelle du niveau de la catégorie A dans le secteur public ou le secteur privé. Une telle expérience leur permettra également d’être dispensés de la condition de mobilité pour être nommés premier conseiller. En revanche, la nomination au grade de président nécessitera une seconde mobilité de deux ans. La possibilité, prévue par l’article L. 234-2-2 du code de justice administrative de remplacer cette mobilité par l’exercice de fonctions en cour administrative d’appel, est supprimée. Cette double obligation de mobilité et la suppression de la « mobilité en cour » sont la cause majeure de la colère des magistrats administratifs. Ils estiment que, notamment pour ceux exerçant en province et plus encore outre-mer, les postes en mobilité seront très compliqués à trouver. Leurs syndicats pointent des risques de blocage des carrières, de désorganisation des juridictions (en raison des départs de jeunes magistrats à peine formés), voire d’atteinte à leur indépendance.
La publication de l’ordonnance dans un délai record ne met sans doute pas un point final à la saga de la réforme. Si les syndicats de magistrats administratifs envisagent des recours, ils sont loin d’être les seuls. Des intentions similaires sont prêtées à l’Association des anciens élèves de l’ENA, très critique contre la réforme depuis son annonce. L’indépendance des inspections générales est un autre angle d’attaque. Il y a fort à parier que le gouvernement devra défendre sa réforme devant le Conseil d’État, voire le Conseil constitutionnel.
Des juges contractuels ?
Si la réforme du statut des magistrats financiers est presque entièrement calquée sur celle touchant les magistrats administratifs, il y a cependant une différence. Et de taille. Le nouvel article L. 221-10 du code des juridictions financières dispose que les fonctions de magistrats des chambres régionales des comptes peuvent être exercées par « des agents contractuels justifiant d’une expérience professionnelle compatible avec les activités et les missions des chambres régionales des comptes ». Des juges contractuels, donc. « Quand j’ai vu ce texte, confie un magistrat administratif qui a suivi le dossier, j’étais en train de boire un café ; j’ai failli le recracher. » Il reste à savoir si le Conseil d’État et/ou le Conseil constitutionnel, eux, avaleront cette innovation.
En dépit de la conjonction de phénomènes de grande intensité qu’elle a provoqués, la tempête Xynthia n’était ni imprévisible ni irrésistible, juge le Conseil d’État. L’Association syndicale de la vallée du Lay (ASVL), la commune de la Faute-sur-Mer et l’État ne peuvent donc pas invoquer la force majeure pour échapper au recours subrogatoire intenté par l’assureur de vingt-six victimes des inondations de février 2010.
Jugées responsables, à des degrés divers, des conséquences matérielles de la tempête par la cour administrative d’appel de Nantes, les trois personnes publiques se sont pourvues en cassation. L’ASVL soutenait que la conjonction exceptionnelle d’une forte dépression...
À l’occasion de la vente d’un lot de copropriété par adjudication, si le paiement de la provision de charges incombe au copropriétaire saisi, en revanche, c’est l’adjudicataire qui est redevable du coût de l’état daté.
Si, dans le secteur du marché immobilier, l’année 2020 a étét chaotique, le 1er trimestre 2021, toujours confronté à la crise sanitaire liée à la covid-19, se rapproche des records historiques.
La cour administrative d’appel de Marseille a annulé l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône autorisant la SAS Castorama à exploiter un entrepôt logistique sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Crau estimant que le projet portait atteinte aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Elle reproche au préfet de n’avoir imposé aucune prescription à l’exploitant en rapport avec les atteintes que son projet est susceptible de porter à...
En matière d’assemblées générales des copropriétaires, la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire prévoit un retour à la normale à partir du 1er octobre 2021.

Reprenant sa décision Ministre de l’Intérieur (CE 21 oct. 2015, n° 391375, Dalloz actualité, 30 oct. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2016. 792 , note E. Aubin ; ibid. 2015. 2007 ; D. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ), le Conseil d’État rappelle qu’iI résulte du règlement « Dublin III » que, « si l’État membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d’asile a informé l’État membre responsable de l’examen de la demande, avant l’expiration du délai de six mois dont il dispose pour procéder au transfert de ce demandeur, qu’il n’a pu y être procédé du fait de la fuite de l’intéressé, l’État membre requis reste responsable de l’instruction de la demande d’asile pendant un délai de dix-huit mois courant à compter de l’acceptation de la reprise en charge, dont...
La dégradation de la situation sanitaire à l’automne a conduit au déclenchement d’un nouvel état d’urgence sanitaire, à compter du 17 octobre 2020, prorogé jusqu’au 1er juin 2021.
Selon le Conseil d’État, si une amélioration est observée, « le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient (…) le maintien des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie, pour une durée adéquate ».
Dans ce contexte, la loi relative à la gestion de sortie de la crise sanitaire adapte sur plusieurs points les dispositions de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
L’objectif, selon M. Jean-Pierre Pont, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale, est de « sortir de l’état d’urgence sanitaire dès que possible, et déterminer le régime transitoire qui lui succèdera, afin de poursuivre, de manière proportionnée, la lutte contre le virus tout en permettant la reprise des activités ».
Des prérogatives étendues
Le texte prévoit que l’état d’urgence, en vigueur depuis le 17 octobre 2020, prendra fin le 1er juin, et non le 30 juin comme le prévoyait le texte adopté par le Sénat. Le régime transitoire s’appliquera du 2 juin au 30 septembre.
Durant cette période transitoire, le gouvernement disposera de prérogatives étendues. Ainsi, le Premier Ministre pourra interdire la circulation des personnes et des véhicules ainsi que l’accès aux moyens de transports collectifs ou encore réglementer l’ouverture au public d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, lorsqu’ils se situent dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus.
Parallèlement, le Sénat avait souhaité porter « une attention particulière à la Guyane qui, en raison de ses frontières avec le Brésil, est exposée à une dynamique de contamination particulière ». Ainsi, l’état d’urgence...
Un décret d’application de la loi ELAN du 23 novembre 2018 précise que l’expérimentation de l’encadrement des loyers par voie préfectorale est mise en place sur l’intégralité du territoire de l’établissement public territorial Est ensemble.
Par une délibération n° 2021-057 du 6 mai 2021, la CNIL a adopté un référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de la gestion locative.
Relativement courant au Sénat, le vote d’un texte à l’unanimité est beaucoup plus rare au Palais Bourbon. Il n’aura toutefois pas manqué une voix, le 27 mai, à l’Assemblée nationale à la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers volontaires.
Le texte du député LREM Fabien Matras était pourtant porteur d’un sujet explosif, qui oppose de longue date « les rouges » (les sapeurs-pompiers) et « les blancs » (les services d’urgence hospitaliers), celui de la création d’un numéro d’appel unique des services d’urgence. La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France milite depuis des années pour que le 112 devienne l’équivalent du célèbre 911 américain. La Fédération hospitalière de...
Les nombreuses réformes législatives intervenues ces dernières années n’intéressent pas la démocratie locale et les initiatives démocratiques restent marginales à l’échelon régional. Aussi, afin de « relancer la machine », l’OEP propose la création d’un référendum local d’initiative citoyenne permettant de soumettre aux électeurs des textes relevant de la compétence de la région. Les collectivités pourraient mettre en place à titre expérimental un droit d’interpellation citoyenne. Le document suggère d’imposer la tenue d’un grand débat régional d’une durée minimale d’un mois après chaque nouvelle élection...
Le versement du prix de vente effectué par le notaire sur son compte de dépôt obligatoire ouvert à la Caisse des dépôts et consignations n’équivaut pas à la consignation de ce prix prévue par l’article 2481 du code civil.
Le contentieux des élections professionnelles est un domaine borné par un strict cadre procédural, trouvant à la fois sa source dans les grands principes du droit électoral et dans le code du travail. Parmi ces règles figure celle de l’article R. 2314-24 du code du travail, qui dispose que lorsque la contestation porte « sur la régularité de l’élection ou sur la désignation de représentants syndicaux, la requête n’est recevable que si elle est remise ou adressée dans les quinze jours suivant cette élection ou cette désignation ». À défaut de contestation dans ce délai, la jurisprudence juge de manière constante que les élections sont purgées de tout vice (Soc. 19 nov. 1987, n° 87-60.178). Le bon sens pourrait conduire à penser qu’une requête en contestation des élections n’a vocation à être déposée qu’une fois le premier tour des élections organisé. Il avait déjà été jugé que le tribunal d’instance peut être saisi dès avant les élections de contestations relatives à la régularité d’opérations antérieures aux élections. (Soc. 22 avr. 1982, Bull. civ. V, n° 255 ; Dr. ouvrier 1990. 363).
Mais peut-on cependant valablement déposer une demande en annulation d’élections professionnelles avant-même que celles-ci aient eu lieu ? Telle était en substance la question portée par l’arrêt rendu le 12 mai 2021 présentement commenté.
En l’espèce, des négociations ont été menées dans une société de la grande distribution entre la direction et les organisations syndicales représentatives afin d’y mettre en place des comités sociaux et économiques (CSE) d’établissement. Ces négociations restées infructueuses, ont donc été supplée par une décision unilatérale de l’employeur fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts au sein de la société sur une branche particulière de l’entreprise (hypermarchés,...

Par un contrat conclu le 12 août 1991, la commune de Liévin a confié l’aménagement d’une friche à la société immobilière de construction de Liévin, aux droits de laquelle vient la société Territoires 62. Ce contrat est repris par la communauté d’agglomération de Lens-Liévin ; celle-ci, par une délibération du 17 mars 2006, clôture l’opération d’aménagement de la friche en arrêtant le déficit à la somme de 857 664,64 €. Le président de la communauté d’agglomération est autorisé, par une délibération du conseil communautaire du 1er juin 2015, à signer un protocole transactionnel avec la société Territoires 62, dans le but de régler une somme égale à ce déficit, à condition que cette société renonce à réclamer des intérêts moratoires s’élevant à 158 746 € et à toute action relative à l’exécution du contrat. Le protocole transactionnel est alors signé le 13 août 2015.
Des conseillers communautaires de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin contestent la validité du protocole de transaction. Le tribunal administratif de Lille, par un jugement du 16 octobre 2018, enjoint au conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Lens-Liévin, dans un délai de trois mois, d’adopter une nouvelle délibération autorisant la signature de ce protocole de transaction, sans quoi il est frappé de nullité. Sur appel des mêmes conseillers communautaires, la cour administrative d’appel de Douai annule le jugement du tribunal administratif et le protocole transactionnel litigieux par un arrêt du 27 février 2020. Dans le cadre d’un pourvoi en cassation formé par la communauté de communes de Lens-Liévin, le Conseil d’État revient sur l’interdiction de renoncer aux intérêts moratoires.
Une interdiction absolue de renoncer aux intérêts moratoires
La Haute juridiction rappelle les dispositions de l’article 67 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier, applicable à la date de la transaction litigieuse : « Dans le cadre des marchés publics, y compris les travaux sur mémoires et achats sur factures, est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles en raison du défaut, dans les délais prévus, soit du mandatement des sommes dues, soit de l’autorisation d’émettre une lettre de change-relevé, soit du paiement de celle-ci à son échéance. / La présente disposition est applicable à toute clause de renonciation conclue à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. » Ces dispositions interdisent, et ce « de façon absolue », de renoncer aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics – peu importe si la renonciation intervient lors de la passation du marché, en cours d’exécution ou postérieurement à son exécution.
Dès lors, et alors même que le contrat portant aménagement de la friche a été signé antérieurement à la loi du 8 août 1994, l’interdiction de renoncer au paiement des intérêts moratoires a vocation à s’appliquer au protocole transactionnel relatif à ce contrat d’aménagement, lequel a été signé postérieurement à cette loi.
Le Conseil d’État confirme ainsi sa décision Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales c/ Syndicat intercommunal d’assainissement le Beausset, la Cadière, le Castellet (CE 17 oct. 2003, n° 249822, Ministère de l’intérieur de la sécurite intérieure et des libertés locales, Lebon ; AJDA 2003. 2267 , note J.-D. Dreyfus ; ibid. 2004. 1631, étude J.-F. Lafaix ; RDI 2004. 114, obs. M. Degoffe ), dans laquelle il avait admis pour la première fois que « toute délibération de l’organe délibérant de la personne publique responsable du marché qui autoriserait une transaction avec le titulaire du marché ou ses sous-traitants par laquelle ceux-ci renonceraient à tout ou partie des intérêts qui leur seraient dus serait illégale, quel que soit le moment où elle interviendrait ».
Or la question de la qualification du contrat portant aménagement de la friche peut légitimement se poser, dans la mesure où l’article 67 de la loi du 8 août 1994 précité s’applique aux marchés publics, et non pas aux concessions d’aménagement.
Une interdiction valable seulement en matière de marchés publics
Il convient ici de se reporter à la définition du marché public issue du code des marchés publics, dans sa version applicable au 12 août 1991, date de conclusion du contrat portant aménagement de la friche. Partant, est un marché public « un contrat conclu par les...
Un décret d’application d’une loi ne peut pas se contenter de répéter les termes de celle-ci en prévoyant qu’un arrêté les précisera.
L’article 39 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social a prévu que les statuts particuliers de certains corps, dont les corps enseignants, peuvent « subordonner l’avancement de grade à l’exercice préalable d’autres fonctions impliquant notamment des conditions...
Le tribunal administratif de Melun avait annulé le premier tour des élections municipales de la commune de Mareuil-lès-Meaux, au motif que la déclaration de candidature de M. U…, maire sortant, n’était pas valide pour défaut de la mention manuscrite requise par l’article...
Le 12 octobre 2016, la direction de Renault Sandouville décide d’étendre à l’ensemble de ses ateliers le port des protections individuelles contre le bruit, jusqu’alors imposé dans les seuls ateliers « montage » et « peinture ».
Toutefois, l’inspectrice du travail retire cette décision en ce que les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des ateliers concernés n’ont pas été consultés.
Cette décision est finalement annulée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie, saisi d’un recours hiérarchique formé par la société.
Le syndicat CGT des travailleurs de Renault Sandouville intente alors une action contentieuse devant le tribunal administratif de Rouen. Par jugement du 12 mai 2021, le tribunal rejette la requête, estimant que la note qui généralise le port d’équipements de protection individuels constitue une simple mesure d’application du règlement intérieur.
Fallait-il voir dans cette note de service une adjonction au règlement intérieur ? Telle est la question sur laquelle avait à se...
Les nuisances résultant de la location de lots à des touristes pour des courtes durées sont des troubles manifestement illicites dès lors que le règlement de copropriété interdit toute occupation gênante pour les autres copropriétaires.
Il résulte des dispositions de l’article L. 513-1 du CSS que le législateur a entendu lier l’attribution des prestations familiales, au nombre desquelles figure la prestation d’accueil du jeune enfant comprenant le complément du libre choix du mode de garde, à la charge effective et permanente de l’enfant.
« Dans le cas […] où à la suite du divorce, de la séparation de droit ou de fait des époux ou de la cessation de la vie commune des...
Il résulte des dispositions de l’article L. 513-1 du CSS que le législateur a entendu lier l’attribution des prestations familiales, au nombre desquelles figure la prestation d’accueil du jeune enfant comprenant le complément du libre choix du mode de garde, à la charge effective et permanente de l’enfant.
« Dans le cas […] où à la suite du divorce, de la séparation de droit ou de fait des époux ou de la cessation de la vie commune des...
Le contrat à durée indéterminée constitue le contrat de droit commun. Il est la forme normale et générale de la relation de travail (C. trav., art. L. 1221-2). A l’inverse, le caractère exceptionnel et dérogatoire du recours au contrat à durée déterminée est souligné par l’ensemble des règles qui l’encadrent rigoureusement et dont le non-respect est susceptible d’entraîner sa requalification en contrat à durée indéterminée.
Tel est le cas lorsque le contrat à durée déterminée a pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (C. trav., art. L. 1242-1), ne contient pas les mentions obligatoires (C. trav., art. L. 1242-12), ne respecte pas les délais de carence entre deux contrats successifs (C. trav., art. L. 1244-3).
C’est de ce non-respect dont il était question dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2021. En l’espèce, une salariée a été engagée en qualité d’aide cuisinière par une association, selon contrats à durée déterminée de remplacement du 24 avril au 11 septembre 2009, pour surcroît d’activité pour la journée du 12 septembre 2009, puis pour remplacement d’un salarié absent du 15 septembre 2009 au 8 avril 2011.
La salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins, notamment, d’obtenir la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 12 septembre 2009. La Cour d’appel a débouté la salariée de sa demande aux motifs que l’action de la salariée en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée était prescrite. Cette position est censurée par la Cour de cassation qui, dans son arrêt, apporte quelques précisions sur le régime de la prescription des...
Enregistrement des audiences (art. 1er)
Il sera possible d’enregistrer des audiences ou des auditions pour un motif d’intérêt public, sur autorisation du chef de juridiction. L’accord préalable des parties ne sera requis que pour une audience non publique ou pour la diffusion des éléments identifiants. La diffusion des images ne sera possible qu’une fois l’affaire définitivement jugée.
Enquêtes préliminaires (art. 2)
Les enquêtes seront limitées à deux ans (prolongeable d’un an sur décision motivée du procureur de la République). Exception : le parquet national antiterroriste et la criminalité organisée (trois ans, prolongeable de deux ans). Passé ce délai, les actes seront nuls. En cas de regroupement de plusieurs enquêtes, c’est l’enquête la plus ancienne qui prévaudra. Un classement sans suite suspendra le délai.
L’accès au dossier sera possible un an après une garde à vue, une audition libre ou une perquisition. Il sera de droit s’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence par un moyen de communication au public.
Secret professionnel de la défense et du conseil (art. 3)
Une éventuelle atteinte devra être autorisée par un juge des libertés et de la détention, de manière proportionnée. Une personne pourra s’opposer à la saisine d’un document, le juge des libertés et de la détention (JLD) tranchant alors. Les avocats pourront assister aux perquisitions, sans que cela devienne une obligation.
Secret de l’instruction (art. 4)
Sa violation sera plus sévèrement sanctionnée, notamment la diffusion des pièces de procédure. Le procureur pourra communiquer sur une affaire pour tout impératif d’intérêt public, et déléguer cette communication aux officiers de police judiciaire.
Cour d’assises et cour criminelle (art. 6, 7 et 10)
La majorité qualifiée requise pour former une décision de culpabilité passera de six voix à sept voix (sur neuf). Les jurys pourront plus facilement prononcer des peines criminelles entre vingt et trente ans. En cas de peine de prison, le mandat de dépôt sera obligatoire. L’audience de mise en état des affaires criminelles sera obligatoire. Le rapport introductif est simplifié, tout comme la lecture des textes de loi.
Les cours criminelles sont généralisées. Elles seront présidées par un (ancien) président de cour d’assises.
Organisation des juridictions (art. 6 bis et 6 ter)
Les pôles de l’instruction sont réorganisés. Des pôles spécialisés sur les crimes sériels et non élucidés seront créés.
Exécution des peines (art. 9)
Les libérations sous contrainte seront développées et le régime de réduction de peine est refondu (v. Dalloz actualité, 27 avr. 2021, art. P. Januel). Les réductions de peines seront restreintes pour les détenus refusant les soins prescrits ou ceux condamnés pour agression sur personne dépositaire de l’autorité publique. Le texte définit la notion de bonne conduite. Un surveillant siégera à la commission d’application des peines.
Meurtre de policiers (art. 9 bis)
La période de sûreté de tous les meurtriers de personnes dépositaires de l’autorité publique pourra être de trente ans.
Procédure pénale (art. 10 et 10 ter)
Le rappel à la loi est supprimé, mais une peine de substitution sera créée. Le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPCç est facilité dans différents cas. La notification du droit au silence est systématisée. Le dépôt dématérialisé des mémoires devant la chambre de l’instruction sera facilité tout comme la signification d’actes par voie électronique en matière pénale.
Prise illégale d’intérêts (art. 10 bis)
Le champ du délit a été étendu aux magistrats.
Condition pénitentiaire (art. 11 A à 16)
Le texte réforme profondément le droit du travail des détenus. Un code pénitentiaire sera créé par ordonnances. La condition des transgenres devra être prise en compte par l’administration.
Les bâtonniers ou leur délégué pourront visiter à tout moment un certain nombre de lieux de privation de liberté. Les locaux de retenues douanières sont rajoutés à la liste des lieux visitables.
Discipline et déontologie des professions réglementées (art. 19 à 28)
Des collèges de déontologie seront créés auprès du Conseil supérieur du notariat, des commissaires de justice, des greffiers des tribunaux de commerce et des avocats au conseil. Pour les juridictions disciplinaires, les réclamations abusives, infondées ou irrecevables seront filtrées.
Médiation (art. 29 à 29 ter)
Le caractère exécutoire aux actes contresignés par les avocats d’un accord de médiation est reconnu. Un Conseil national de la médiation est créé. Le recours préalable à un mode alternatif est étendu aux troubles anormaux de voisinage.
Paiement des avocats (art. 30 et 31)
Les parties pourront produire les justificatifs des frais dont elles demandent le paiement au titre des frais irrépétibles. Le CNB pourra délivrer des titres exécutoires en cas de non-règlement des cotisations par les avocats.
Juridiction nationale des injonctions de payer (art. 35)
Elle est supprimée (v. Dalloz actualité, 20 mai 2021, art. P. Januel).
Magistrats à titre temporaire et honoraires (loi organique)
Leur rôle est renforcé, notamment aux assises et au tribunal de police.
Par deux arrêts du 25 mai 2021, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) précise les conditions dans lesquelles un régime de surveillance de masse des communications électroniques – qu’il s’agisse du contenu de celles-ci ou des métadonnées rattachées – peut être compatible avec les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Citant très extensivement la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’arrêt Digital rights Ireland à la Quadrature du Net, la CEDH se montre cependant beaucoup plus compréhensive avec les États que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Et si, dans les deux affaires, les États en cause, le Royaume-Uni (n° 58170/13, Big Brother Watch et autres) et la Suède (n° 35252/08, Centrum för rättvisa), sont condamnés, c’est pour ne pas avoir entouré de suffisamment de garanties leurs régimes. Au point que, dans son opinion séparée sur l’affaire Big Brother Watch, le juge Pinto de Albuquerque déplore que « la Cour de Strasbourg reste en retrait de la Cour de Luxembourg, qui demeure le phare de la protection de la vie privée en Europe ».
Une ample marge d’appréciation
La Cour, en effet, « admet que l’interception en masse revêt pour les États contractants une importance vitale pour détecter les menaces contre leur sécurité nationale » (arrêt Big Brother Watch, § 424). L’article 8 de la Convention européenne « n’interdit pas de recourir à l’interception en masse afin de protéger la sécurité nationale ou d’autres intérêts nationaux essentiels contre des menaces extérieures graves, et les États jouissent d’une ample marge d’appréciation pour déterminer de quel type de régime d’interception ils ont besoin à cet effet ». Toutefois, « l’interception en masse recèle à l’évidence un potentiel considérable d’abus susceptibles de porter atteinte au droit des individus au respect de leur vie privée » (ibid., § 347). La CEDH s’attache donc à examiner les « garanties contre l’arbitraire et les abus qui […] sont prévues [dans les régimes mis en place] tout en ne disposant que d’informations limitées sur la manière dont ils fonctionnent » (Big Brother Watch, § 322). Elle juge en effet que, dans ce domaine, « les États contractants ont légitimement besoin d’opérer dans le secret, ce qui implique qu’ils ne rendent publiques que peu d’informations sur le fonctionnement du système, voire aucune ».
Pour déterminer si l’État défendeur a agi dans les limites de sa marge d’appréciation, la Cour recherchera, indique-t-elle, « si le cadre juridique national définit clairement :
les motifs pour lesquels l’interception en masse peut être autorisée ;les circonstances dans lesquelles les communications d’un individu peuvent être interceptées ;
la procédure d’octroi d’une autorisation ;
les procédures à suivre pour la sélection, l’examen et l’utilisation des éléments interceptés ;
les précautions à prendre pour la communication de ces éléments à d’autres parties ;
Depuis le 24 avril, le gouvernement, pour enrayer la propagation du variant brésilien de la COVID-19, a renforcé les mesures sanitaires pour les voyageurs arrivant de Guyane française (mais aussi du Brésil, de l’Argentine, du Chili, d’Inde et d’Afrique du Sud).
Ils font l’objet d’un arrêté préfectoral leur imposant une mesure de quarantaine sanitaire de dix jours en vertu des dispositions de l’article L.3131-17 du code de la santé publique. Une mesure qualifiée de « rupture d’égalité de traitement entre les citoyens » par le sénateur socialiste Georges Patient dans un courrier adressé le 23 avril au premier ministre.
Cet édifice sanitaire, critiqué en Guyane, vient de connaître une...
Dans une décision rendue le 19 mai 2021, le Conseil d’État annule l’article 9 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, ainsi que le décret n° 2020-508 du 2 mai 2020 qui s’y rattache. Ces deux textes adaptaient temporairement les délais relatifs à la consultation et à l’information du CSE afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19.
L’article 9 de l’ordonnance prévoyait, à titre temporaire, un raccourcissement des délais légaux ou conventionnels de communication aux membres du CSE de l’ordre du jour des séances consacrées aux décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face à l’épidémie, à l’exception des procédures de licenciement de dix salariés ou plus. Sur le fondement de cette ordonnance, le décret du 2 mai 2020 précisait que les délais réduits (8 à 10 jours selon les cas de consultation au lieu d’1 à 3 mois) s’appliquaient entre le 3 mai et le 23 août 2020.
Pas d’habilitation expresse
Ces dispositions ont été contestées pour excès de pouvoir par FO, Solidaires et par le Syndicat des avocats de France (SAF). Le Conseil d’État leur donne aujourd’hui raison, alors même que ces textes ne sont plus applicables.
Le juge administratif considère que la loi du 23 mars 2020 habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance ne l’autorisait pas à réduire les délais d’information et de consultation des CSE, ni les délais applicables au déroulement des expertises décidées par les comités. Le juge se réfère non seulement au texte de la loi d’habilitation, mais aussi à son exposé des motifs et aux travaux parlementaires lors de son adoption, pour rappeler que la loi d’habilitation visait non pas le raccourcissement explicite des délais de consultation mais « les modalités d’information et de consultation des IRP, d’organiser la consultation des IRP par voie dématérialisée […] et l’adaptation, l’interruption, la suspension et le report du terme de certains délais », le texte évoquant même un moratoire sur les délais.
Une voie contentieuse ?
Les effets de cette annulation sont cependant limités : ces textes n’ont été applicables que quatre mois et ils ne sont donc plus en vigueur. Mais, comme s’il s’agissait d’un avertissement adressé à l’exécutif, le Conseil d’État, d’une certaine façon, montre les dents. Peu convaincue par une ministre du Travail qui « se borne à évoquer qu’une telle annulation pourrait seulement donner lieu à l’engagement d’éventuelles actions indemnitaires en vue d’obtenir la réparation des préjudices susceptibles d’être causés par l’organisation de procédures passées d’information et de consultation des CSE », la plus Haute juridiction administrative estime qu’il n’y a pas lieu de limiter les effets de ces annulations, alors même qu’elle pourrait considérer qu’il en va de l’intérêt général et décider que les effets rétroactifs de l’annulation ne jouent pas. Autrement dit, cette décision pourrait ouvrir une voie de contentieux sur des décisions d’entreprises fondées sur ces délais abrogés de consultation du CSE ou sur l’impossibilité pour le CSE de se prononcer dans les délais impartis, estime l’avocat de FO, Thomas Haas.
Les conséquences d’un redressement fiscal imputable à l’incurie du gérant devenu liquidateur amiable constituent un préjudice personnel réparable pour l’associé.

L’Assemblée nationale a adopté définitivement, le 20 mai, la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine dans le texte du Sénat (v. AJDA 2021. 481 ). Ainsi s’achève le parcours, compliqué par la pandémie, d’un texte consensuel.
La crise sanitaire a aussi permis d’accélérer l’adoption de ce qui était l’un de ses objets majeurs : la révision des conditions d’attribution du label de la Fondation...
La liste « Construisons l’avenir d’Oppède » (Vaucluse) a remporté la majorité des sièges de conseillers municipaux. À la demande de candidats de l’opposition, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les élections.
Pour confirmer l’annulation, le Conseil d’État rappelle qu’en application de l’article R. 27 du code électoral, l’utilisation de l’emblème national sur les affiches et circulaires est interdite. En l’espèce, « la circulaire électorale de la liste “Construisons l’avenir d’Oppède” comporte dans son coin supérieur gauche, en cartouche, un logo de forme carrée revêtu de la mention...

Il est constant que l’acheteur public, nonobstant les stipulations contractuelles en ce sens ou la circonstance que rien ne soit prévu dans le contrat, a toujours la possibilité de prononcer une résiliation aux torts exclusifs du titulaire à la condition que le titulaire du marché ait « commis une faute d’une gravité suffisante » (v. réc. CE 18 déc. 2020, n° 433386, Société Treuils et Grues Labor, Lebon ; AJDA 2020. 2526 ; AJCT 2021. 197, obs. L. Roulet ). Le pouvoir de résiliation d’un contrat administratif pour « faute d’une gravité suffisante du cocontractant », désormais codifié aux articles L. 2195-3 et L. 3136-3 du code de la commande publique, n’entraîne pas en principe une indemnisation automatique du cocontractant contrairement à la résiliation pour motif d’intérêt général (CE, ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval ; CE 27 oct. 2010, n° 318617, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes Le Cannet Mandelieu La Napoule, Lebon ; AJDA 2010. 2076 ; AJCT 2011. 33, obs. G. Le Chatelier ). Toutefois, s’il est avéré que la résiliation prononcée aux torts exclusifs du titulaire est intervenue de façon irrégulière, en...
La tension entre la protection des langues régionales, qui « appartiennent au patrimoine de la France » d’après l’article 75-1 de la Constitution, et la garantie que « la langue de la République est le français » de son article 2, est à nouveau illustrée. La décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021 relative à la Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion a à nouveau illustrer cette tension, à l’avantage de l’article 2 de la Constitution.
À l’origine de la décision se trouve une loi, adoptée contre l’avis du gouvernement, visant à mettre en œuvre la protection constitutionnelle des langues régionales à travers différentes dispositions législatives. Modifié en grande partie après son dépôt, le texte a été reconstitué par le Sénat et finalement adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. La disposition cristallisant le plus de critiques n’est pas nécessairement celle que l’on attendait. Il s’agit de l’article 6 de la loi, qui modifie l’article L. 442-5-1 code de l’éducation. Le nouvel article permet de demander la participation financière d’une commune dans laquelle réside un enfant si ce dernier est scolarisé dans une école privée d’une autre commune proposant des enseignements de langue régionale. Cet article est celui qui est visé par la saisine des députés, intervenue la veille de l’expiration du délai.
Mais une fois saisi, le Conseil constitutionnel l’est de la loi dans son intégralité. S’il valide l’article 6, son analyse des articles 4 et 9 de la loi le conduit à les déclarer contraires à la Constitution. L’article 4 prévoyait la possibilité de l’enseignement dit immersif des langues régionales, alors que l’article 9 prévoyait la possibilité d’inscrire à l’état civil des prénoms contenant des signes diacritiques issus de langues régionales.
Dans les deux cas, la censure vient d’une violation du caractère général de l’article 2 de la Constitution. En imposant le français comme langue de la République, il interdit en effet à l’administration d’utiliser une langue autre que le français pour communiquer avec les administrés. Si l’on garde cet élément à l’esprit, et qui dirige la décision du Conseil constitutionnel, on comprend que ce dernier valide l’article 6 de la loi, mais invalide ses articles 4 et 9. Au préalable, il doit se prononcer sur une question annexe et procédurale, celle de la possibilité de retrait de signature par certains des signataires.
L’impossibilité pour les auteurs de la saisine parlementaire de se retirer de celle-ci
Plusieurs des signataires de la saisine parlementaire ont souhaité se retirer de la saisine du Conseil constitutionnel postérieurement à son enregistrement au greffe. Dans la mesure où la saisine n’était signée que par 61 députés, la question avait une véritable importance au-delà du simple aspect politique pour certains des signataires.
Le Conseil rappelle, dans son paragraphe 3, qu’« hormis les cas d’erreur matérielle, de fraude ou de vice du consentement, le Conseil constitutionnel ne saurait prendre en compte des demandes [de retrait de signature] exprimées en ce sens ». La rédaction n’est pas nouvelle, et résulte du considérant 4 de...
Généralement consécutive à une rupture du contrat de travail, la transaction peut être également conclue en cours de contrat, afin de mettre un terme à un différend concernant son exécution (Soc. 10 mars 1998, n° 95-43.094 P, RJS 4/1998, n° 456). Dans ces circonstances, l’employeur et son salarié entendent prévenir ou dissiper toute contestation relative au contrat de travail par des concessions mutuelles. Régie par le code civil (C. civ., art. 2044 s.), la transaction repose sur la volonté réciproque des parties et engage chacune d’entre elles suivant les conditions valablement négociées. En principe, un protocole transactionnel ne lie que les parties à la négociation, celui-ci étant par nature inopposable aux tiers. Mais alors qu’en est-il lorsque de cette transaction résulte une disparité entre salariés pourtant placés dans une situation comparable, voire identique. C’est la question à laquelle a été confrontée la chambre sociale à l’occasion d’un arrêt rendu le 12 mai 2021.
En l’espèce, plusieurs salariés concernés par des mesures économiques tendant à la suppression des équipes de nuit...
Il résulte des articles L. 521-16 et L. 521-16-1 du code de l’énergie que le regroupement des concessions formant une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés consiste à allonger la durée d’une ou plusieurs concessions échues ou dont la date d’échéance est proche et à réduire la durée d’une ou plusieurs concessions dont la date d’échéance est plus lointaine. Ce mécanisme a pour effet d’aligner les dates d’échéance des concessions regroupées sur une date...
Un « ministère mal préparé », une « situation inédite dans l’histoire de la justice » ou encore une « reprise d’activité difficile ». Le jugement sévère de la Cour des comptes sur la continuité d’activité des juridictions judiciaires pendant la crise de la covid – essentiellement pour la période du premier confinement –, cinglant pour l’administration, n’est pas vraiment une surprise. Ce constat d’échec doit toutefois permettre, espèrent les magistrats financiers, de poser les bases d’une vraie politique de gestion de crise au ministère de la Justice.
Un an après leur saisine par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la rue Cambon brosse en effet, dans ce rapport touffu de 163 pages, un état des lieux et suggère plusieurs recommandations pour éviter un nouveau naufrage judiciaire à l’avenir. « Au-delà de ces divers aspects, la principale leçon à retenir de la crise sanitaire du point de vue du fonctionnement de la justice est qu’une interruption de l’activité judiciaire n’est plus concevable », résument-ils.
Préparation aux crises embryonnaire
Mal préparée, la justice a souffert d’un manque flagrant d’anticipation, alors même qu’elle fait partie des activités d’importance vitale, censées justement pouvoir se poursuivre même en cas de crise majeure. « La préparation aux crises était embryonnaire avant la crise sanitaire, remarquent ainsi...
Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, qui a fait l’objet d’un compromis en commission mixte paritaire, donne des pouvoirs exceptionnels demandés par le gouvernement pour accompagner la sortie progressive de la crise sanitaire (v. AJDA 2021. 892 ). Mais le Parlement a posé des conditions, ces pouvoirs exceptionnels de sortie de l’état d’urgence sanitaire doivent être plus limités que ceux de l’état d’urgence : ni couvre-feu ni confinement, parce que ce sont des atteintes majeures aux libertés ; tout reconfinement décidé par le gouvernement, même territorial, devra être limité à un mois sauf autorisation du Parlement, ainsi que la loi du 23 mars 2020 l’exige.
Il y aura deux phases entre le 1er juin et le 30 septembre : pendant les trente premiers jours, le couvre-feu pourra être prolongé ; ensuite, ce sera impossible sauf rétablissement de l’état d’urgence et, dans ce cas, pas plus de trente jours sans autorisation du Parlement. Il n’y aura pas de reconfinement territorial au-delà d’un mois sans vote du Parlement ; c’est la loi qui prolonge elle-même l’état d’urgence sanitaire en Guyane pour faire face à la situation actuelle de ce territoire.
Cette loi met en place le pass sanitaire, qui devra être entouré de garanties conformes notamment aux exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés : seulement pour de grands rassemblements, si le respect des gestes barrières ne peut être assuré dans des conditions satisfaisantes en raison de la densité de la population présente, sans que des informations médicales puissent être divulguées, avec des personnes habilitées aux contrôles, en permettant aussi bien l’usage d’attestations papier que d’une application numérique, et sans aucune conservation des données par les organisateurs.
Organisation des élections départementales et des régionales
La loi vise également à faciliter l’organisation de la campagne électorale et des opérations de vote en vue des élections départementales et régionales prévues les 20 et 27 juin prochains. Les personnes attestant sur l’honneur ne pas pouvoir comparaître devant les officiers et agents de police judiciaire habilités à établir les procurations en raison de maladies ou d’infirmités graves disposent du droit à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration.
Certaines opérations de vote pourront se tenir à l’extérieur des bâtiments si l’emprise du lieu de vote est trop exiguë.
La cour d’appel de Versailles écarte le jeu de l’article 1722 du code civil, l’impossibilité d’exploiter du fait de l’état d’urgence sanitaire (limitée dans le temps) s’expliquant par l’activité économique qui y est développée et non par les locaux.
Il résulte d’un décret du 23 décembre 2006 et d’un arrêté du 29 juin 2007 « dont l’objet est de garantir une rémunération minimale aux agents titularisés dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l’État qu’à quotité de travail inchangée, le traitement brut effectivement perçu par un agent postérieurement à sa titularisation ne peut être inférieur à 70 % de la rémunération moyenne mensuelle brute effectivement perçue avant cette titularisation, calculée sur la base des six meilleures rémunérations mensuelles perçues par l’agent dans son dernier emploi au cours de la période de douze mois précédant sa titularisation ». L’arrêt d’espèce illustre l’application de cette règle à un agent à temps partiel.
Mme B…, agent contractuel de l’Office national des forêts, a été nommée ingénieur de l’agriculture et de l’environnement stagiaire après avoir été admise au concours. Avant comme après sa titularisation, elle était employée à temps partiel à 80 %. Elle conteste l’arrêté du ministre de l’Agriculture, qui, en fixant sa rémunération à l’indice brut 492, a pour conséquence de lui faire bénéficier d’un traitement mensuel brut inférieur à 70 % de la rémunération mensuelle brute qu’elle percevait antérieurement.
L’arrêté du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation du 1er juin 2015 et la décision implicite par laquelle il a rejeté le recours gracieux de Mme B… contre cet arrêté sont annulés en tant qu’ils fixent la rémunération de l’intéressée à l’indice brut 492.
À la demande d’un syndicat de copropriétaires, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg avait enjoint au préfet du Haut-Rhin, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, de prendre les mesures nécessaires pour faire évacuer les véhicules qui occupent indûment le parking transport...
Dès sa naissance, Karine J… a été victime de carences éducatives, de maltraitance, d’agressions sexuelles et de viols. Malgré de très nombreux signalements aux autorités, les viols ont perduré de nombreuses années, commis notamment par un ami de la famille vivant à leur domicile, déjà condamné pour des actes pédocriminels et par ailleurs accusé par sa propre fille. Le récit du calvaire de Karine J… a été fait par son avocat qui, lors de l’audience du 17 février 2021 (v. Dalloz actualité, 19 févr. 2021, art. J. Mucchielli), a demandé la condamnation de l’État pour déni de justice et faute lourde. En première instance, les juges avaient rejeté la faute lourde de l’État, constaté l’absence de demande d’indemnisation de l’oncle et de la tante de la jeune fille, déclaré les constitutions de partie civile de deux associations irrecevables. La décision s’était bornée à reconnaître un déni de justice et avait accordé la somme de 12 000 € à Karine J… à ce titre.
Par arrêt du 18 mai 2021, la cour d’appel a infirmé ce jugement du 17 février 2018. La constitution des deux associations a été déclarée recevable, ainsi que les demandes de l’oncle et de la tante de Karine J…. En effet, c’est sur le fondement d’une grossière erreur de plume que le tribunal avait considéré qu’aucune demande n’avait été formée au nom des époux J…. « S’agissant d’une pure erreur matérielle sur laquelle le tribunal aurait pu et dû solliciter les observations des parties pour la rectifier, tant elle est évidente et indiscutable, il y a lieu pour la cour, opérant cette rectification, de constater que les demandes indemnitaires formées devant le tribunal au nom de “M. et Mme René J…” étaient bien celles des époux Loïc J…. Elles ne peuvent donc être sérieusement qualifiées de “demandes nouvelles” ainsi que le prétend l’agent judiciaire de l’État. »
La question suivante portait sur la prescription de la faute lourde. Les juges de première instance avaient retenu comme point de départ de la prescription quadriennale l’année 2011, lorsqu’ils furent convoqués en tant que partie civile par le juge instruisant l’affaire de viols dans laquelle Karine J… était la victime, et les époux J… les représentants légaux, l’action étant donc prescrite après le 31 décembre 2015. Les appelants ont souligné que l’ensemble des dossiers d’assistance éducative n’avaient été joints au dossier qu’en 2013, et que ce n’est qu’à partir de ce moment qu’ils avaient pu prendre connaissance des faits qui ont été à la source du dommage, que le délai ne courait qu’à partir du 1er janvier 2014, et qu’ainsi, l’action engagée le 26 décembre 2016 n’était pas couverte par la prescription, qui n’était acquise qu’après le 31 décembre 2016. C’est le raisonnement qu’ont adopté les juges de la cour d’appel : « Ce n’est donc qu’à la date où les éléments collectés sur cette période 2002-2006 ont ainsi été joints au dossier, soit en novembre 2013, que les appelants ont eu connaissance des exactes modalités selon lesquelles avait été gérée la situation, dont les ratés sont la source de leur action », et retiennent le 1er janvier 2014 comme point de départ du délai de prescription.
La cour s’est ensuite penchée sur la question centrale faute lourde. Le parquet et l’agent judiciaire de l’État ont toujours estimé que les services de l’État ont réagi de manière adéquate à chaque signalement. Concernant l’un de ces signalements, une dénonciation anonyme informant d’abus sexuels et d’un comportement anormalement sexué de l’enfant, la cour d’appel considère : « Force est de constater qu’alors, aucune investigation complémentaire n’a été menée auprès de l’établissement scolaire fréquenté par l’enfant ou du voisinage de la famille, qu’aucun examen psychologique ni gynécologique de l’enfant n’a été envisagé, ni apparemment aucune vérification auprès des services sociaux, pour contrôler la réalité de la situation, le parquet s’accommodant, pour classer sans autre précaution ni réserve, d’une enquête exclusivement fondée sur les propos d’une enfant de six ans et de ses parents visés par la dénonciation : au regard de la nature des faits dénoncés, et quoi qu’il en soit de l’anonymat du dénonciateur [la tante de Karine J…, ndlr], cette réaction n’apparaît ni clairvoyante ni adaptée. »
Lors d’un signalement ultérieur, dit la cour, « une nouvelle fois, les enquêteurs s’en sont essentiellement tenus aux dénégations de Karine, âgée de huit ans et entendue par une brigadière de police, sans apparemment suspecter qu’elle puisse avoir subi des pressions de la part de ses parents, et à celles des époux J…, appuyées à nouveau d’un certificat médical rassurant sur l’état de l’enfant. […] Si l’agent judiciaire de l’État ne voit aucune faute dans cette seconde décision de classement, […] la cour y trouve pour sa part la démonstration de la superficialité de l’enquête ».
La cour considère in fine que « la succession des insuffisances ci-dessus analysées, dans le travail d’enquête et dans la communication interservices, et le manque de clairvoyance qui a gouverné l’appréciation de la situation et les prises de décisions constituent des fautes lourdes engageant la responsabilité de l’État vis-à-vis de Karine J… et de ses oncle et tante, victimes par ricochet ».
Sur le déni de justice : « La cour, en confirmation de la décision du tribunal sur ce point, retient donc le principe d’un déni de justice en raison de délais de procédure qu’elle considère toutefois excessifs à hauteur non pas de dix mois, mais de vingt-six mois. »
En conséquence, la cour a condamné l’État à verser la somme totale de 40 000 € au titre de la faute lourde et 15 000 € au titre du déni de justice, à Karine J…. À ses oncle et tante, 10 000 € et 6 000 € aux mêmes titres.
Sur le procès de l’agent judiciaire de l’État, Dalloz actualité a également publié :
• Karine J…, enfant violée malgré des signalements, demande réparation à l’État pour « faute lourde », par Julien Mucchielli le 19 février 2021
L’action oblique permet au créancier d’exercer les droits de son débiteur, lorsqu’il ne les exerce pas lui-même. Appliquée en matière de copropriété, cette action permet au syndicat des copropriétaires, dans certaines hypothèses, d’obtenir la résiliation du bail liant un copropriétaire à son locataire. C’est une des applications notables de ce mécanisme de droit commun qui permet notamment de faire définitivement cesser des atteintes au règlement de copropriété.
Saisie le 4 mai 2021 par le secrétaire d’État chargé du numérique et le ministre des solidarités et de la santé, la CNIL s’est prononcée en urgence sur le projet de mise en place d’un « pass sanitaire ». Cette urgence, relève-t-elle, est regrettable, ce d’autant plus que l’avis intervient le jour même de l’adoption du texte en première lecture par l’Assemblée nationale (V. J.-M. Pastor, Feu vert pour le « pass sanitaire », Dalloz actualité, 17 mai 2021 ; C. Stoclin-Mille, Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire à l’Assemblée, Dalloz actualité, 6 mai 2021).
Sur la gravité du dispositif
La CNIL semble insister sur le fait que son avis n’est ni politique (pt 9), ni scientifique (pt 18), bien qu’elle rappelle que le « pass sanitaire » ne se suffit pas à lui-même et doit s’inscrire dans une politique « globale et cohérente » (pt 26). Son rôle n’est pas non plus, selon ses dires, d’apprécier « la proportionnalité globale entre la contribution d’un pass sanitaire à la protection de la santé de la population » et d’autres droits fondamentaux, comme « la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre ou encore la liberté de consentir à un traitement médical ou à subir un acte médical » (pt 11). Toutefois, certaines expressions témoignent de la gravité d’un tel dispositif, lorsque sont par exemple soulignés « les impacts substantiels […] sur les droits et libertés fondamentaux » (pt 2) ou « le caractère sensible et inédit du dispositif envisagé » (pt 7) ou encore « le risque de créer un phénomène d’accoutumance préjudiciable » (pt 8). De la même manière, le caractère nécessairement exceptionnel d’un tel dispositif apparaît à plusieurs reprises, notamment lorsque la CNIL « estime que la mise en œuvre d’un tel dispositif doit être envisagée avec une grande prudence, de façon tout à fait exceptionnelle, au regard de l’ampleur de la crise sanitaire actuelle et pour une durée temporaire » (pt 17). Sa fermeté transparaît d’autant plus lorsqu’elle énonce que « le recours à ce type de dispositif ne saurait en aucun cas être maintenu au-delà de la crise sanitaire. En effet, le maintien du dispositif doit être limité à la durée strictement nécessaire à la réponse à la situation sanitaire exceptionnelle, compte tenu des paramètres épidémiologiques pertinents disponibles, et devra, en tout état de cause, prendre fin dès que cette nécessité disparaîtra » (pt 19).
Sur les lieux visés par le dispositif
Le projet conditionne l’accès à « certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels ». À cet égard, la CNIL regrette l’imprécision du texte, qui devrait définir précisément ces lieux au lieu de laisser ce soin au pouvoir réglementaire (pt 24). Plus encore, la loi devrait explicitement exclure, d’une part « les lieux qui ont trait aux activités quotidiennes (restaurants, lieux de travail, commerces, etc.) où il est difficile de ne pas se rendre » et, d’autre part, « les lieux qui sont liés à certaines manifestations habituelles de libertés fondamentales (notamment la liberté de manifester, de réunions politiques ou syndicales et la liberté de religion) » (pt 23). Enfin, la loi devrait proscrire explicitement l’accès conditionné par un « pass sanitaire » aux lieux qui ne sont pas visés par le texte (pts 24 et 30).
Relevant qu’un seuil de 1 000 personnes serait envisagé pour restreindre l’accès aux lieux visés par le projet de loi (pt 22), la CNIL recommande également que celui-ci devrait être fixé par voie législative, et non par voie réglementaire (pts 24 et 30).
Sur les modalités de délivrance du « pass sanitaire »
Trois moyens sont envisagés : résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ; justificatif de l’administration d’un vaccin ; document attestant d’un rétablissement à la suite d’une contamination. La CNIL insiste sur l’importance de ne pas différencier ces moyens et de préciser expressément que les lieux, établissements ou événement concernés ne doivent pas « sélectionner les types de preuves certifiées qu’ils acceptent » (pt 25).
Le format papier doit en tout état de cause être permis (pt 27) et présenter les mêmes garanties que la version numérique « en matière d’accessibilité et de protection des données à caractère personnel » (pt 38).
La CNIL approuve la volonté du gouvernement de mettre en œuvre une « solution de lecture des preuves numériques certifiées qui traiterait les informations contenues dans les certificats numériques afin de ne restituer à l’écran, lors de la vérification, qu’un résultat de conformité (couleur verte ou rouge) en complément de l’identité de la personne concernée, sans qu’apparaisse la catégorie de preuve mobilisée » (pts 35 et 36) pourvu qu’il mette en place des mesures destinées à ne pas accéder à davantage d’informations que le résultat de conformité (pt 37).
Sur l’encadrement législatif et réglementaire
Outre les éléments précisés supra, la CNIL énonce que la loi devra a minima prévoir que la base légale du traitement repose sur un objectif d’intérêt public, et préciser les finalités du traitement ainsi que la nature des activités ou lieux concernés (pt 30). Les dispositions réglementaires devront, quant à elles, préciser un certain nombre d’éléments listés au point 31.
Si « la puissance publique qui aura mis en place [le] dispositif » est responsable (pt 39), les personnes gérant les lieux, établissements ou événements en cause le sont également pour ce qui concerne le traitement des données « dans le cadre de l’opération de vérification » (pt 40). Les obligations de transparence et d’information leur incombent, mais la CNIL demande à ce que des modèles d’information soient mis à disposition par le gouvernement (pt 41).
L’exercice des droits des personnes doit en tout état de cause être pleinement effectif (pt 42).
Sur l’évaluation des risques
Eu égard à la nature des données traitées, une analyse d’impact sur la protection des données est nécessaire avant toute mise en œuvre du dispositif (pt 33). Quelques recommandations sont détaillées aux points 43 à 51.
L’impact du dispositif sur la stratégie sanitaire globale doit, ajoute-t-elle, « être étudié et documenté de manière fréquente, à intervalle régulier et à partir de données objectives afin que l’utilité et la proportionnalité de celui-ci au cours du temps puissent être évaluées » (pt 20).
Tout d’abord, alors que le projet de loi prévoyait une sortie de l’état d’urgence sanitaire le 2 juin, le Sénat a souhaité prolonger cet état d’urgence jusqu’au 30 juin. Cette prolongation se justifierait par le fait que « Par l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, le gouvernement s’est fait reconnaître la possibilité d’instaurer un couvre-feu jusqu’au 30 juin 2021. Il en résulte que la différence entre les deux régimes jusqu’à cette date est essentiellement optique. Par souci de cohérence juridique, la commission a donc prolongé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 juin, et a instauré un véritable régime de transition entre le 1er juillet et le 15 septembre, dans lequel les prérogatives accordées par le législateur au gouvernement seraient strictement adaptées et proportionnées à la gestion de la sortie de la crise sanitaire » (Rapport de Philippe Bas fait au nom de la commission des lois).
Le but de cette prolongation est de permettre « au gouvernement de mobiliser les mesures de couvre-feu dont il estime avoir besoin pour limiter le risque de reprise de l’épidémie, tout en l’adaptant, au besoin de manière territorialisée, à la situation sanitaire réellement observée ».
Le régime transitoire ne commencerait par conséquent que le 1er juillet et prendrait fin dès le 15 septembre 2021. Le projet adopté par les députés prévoyait une fin au 30 septembre, mais cette durée a été jugée excessive.
Le passe sanitaire encadré
Parallèlement, et dans la mesure où la situation sanitaire devrait être améliorée, le Sénat a restreint les prérogatives dont bénéficie le gouvernement pendant cette période transitoire. Ont ainsi été supprimées la possibilité d’interdire la circulation des personnes et des véhicules ou encore celle de fermer certaines catégories d’établissement recevant du public et les lieux de réunion.
Deuxième axe fort, les sénateurs ont encadré la mise en œuvre du « passe sanitaire », dispositif permettant au Premier ministre de conditionner l’accès à certains lieux à la présentation d’un résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de l’administration d’un vaccin ou d’un document attestant de leur rétablissement à la suite d’une contamination. Tout en acceptant le principe d’un tel mécanisme, les garanties qui y sont attachées sont significativement renforcées : mise en œuvre uniquement dans les lieux qui ne permettent pas d’assurer le respect des gestes barrières, interdiction explicite de la réutilisation des données qu’il contient, répression de la conservation des données, habilitation spéciale de la personne chargée du contrôle du passeport sanitaire.…
Un autre point de crispation concerne l’article 2 du projet de loi qui vise à allonger la durée à l’issue de laquelle la prolongation de l’état d’urgence sanitaire nécessite l’intervention du Parlement, passant cette durée à deux mois lorsque les circonscriptions territoriales dans lesquelles l’état d’urgence sanitaire s’applique représentent moins de 10 % de la population nationale.
Le Sénat a supprimé ce dispositif, pour maintenir l’intervention du Parlement au bout d’un mois en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, soulignant que « la réinstauration de l’état d’urgence sanitaire dans certaines circonscriptions […] est un motif suffisamment grave pour justifier que le Parlement se prononce ».
Ensuite, le Sénat a amendé l’article 5 du projet de loi qui prévoit de verser au sein du Système national des données de santé (SNDS) les données recueillies dans les systèmes d’information SI-DEP et Contact-Covid. Tout en rappelant l’intérêt des données collectées par ces traitements pour la recherche sur le virus comme pour l’évaluation de l’efficacité de la réponse sanitaire à l’épidémie, la Haute assemblée a apporté des garanties supplémentaires s’agissant de l’accès à ces données, des finalités auxquelles elles pourront être traitées ou de l’information des personnes concernées.
Élections régionales et départementales : limites aux dérogations
En outre, le Sénat a porté au 15 septembre 2021 (et non au 31 octobre) la prolongation de certaines mesures d’exception portant en particulier sur la vie sociale. Le Sénat a notamment refusé de prolonger l’application de certaines dérogations aux règles de procédure contentieuse (matière pénale, civile et administrative) estimant que celles-ci « portent une atteinte excessive aux droits des justiciables ». En outre, un amendement a été adopté prévoyant, temporairement, une procédure judiciaire simplifiée permettant l’adoption rapide de plans de nature à régler les difficultés causées ou aggravées par la crise sanitaire. Il est également prévu de prolonger jusque septembre 2021 le maintien dans le dispositif de l’aide sociale à l’enfance des jeunes âgés de 18 à 21 ans déjà pris en charge par les départements.
Enfin, le Sénat a revu le dispositif ayant pour objet de faciliter l’organisation de la campagne électorale et des opérations de vote en vue des élections départementales et régionales de juin 2021. Ainsi, il a souhaité limiter les dérogations aux règles de droit commun. Ont notamment été supprimé la date limite de mise à disposition des panneaux d’affichage et du récépissé des déclarations de candidature. Parallèlement, les sénateurs ont adopté un amendement permettant l’annulation de l’élection prévue en Guyane au mois de juin 2021, si l’évolution de la situation sanitaire locale ne permet pas sa tenue, et son report au plus tard au mois d’octobre 2021.
Le projet de loi doit désormais être examiné par un nombre restreint de députés et sénateurs dans le cadre d’une commission mixte paritaire ou être examiné en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale en cas d’échec de celle-ci.
Les données à caractère personnel ont été particulièrement sollicitées dans les systèmes d’information de lutte contre la propagation du virus mis en place par l’État, dans le cadre des recherches médicales mais aussi, plus largement, dans tous les usages quotidiens du numérique, liés notamment au télétravail, qui ont explosé depuis le premier confinement....
Pour donner une trajectoire financière à l’aide publique au développement, il a notamment prévu un cap jusqu’en 2025 – alors que le texte initial s’arrêtait à 2022 – en fixant une augmentation annuelle des crédits de 500 millions d’euros. Mais les sénateurs déplorent une politique déséquilibrée en la matière. Ils ont donc...
Le juge de l’expropriation est une juridiction d’attribution distincte du tribunal judiciaire, de sorte que les règles de la postulation ne s’y appliquent pas. En revanche, les règles de postulation prévues à l’article 5 de la loi du 31 décembre 1971 s’appliquent devant la cour d’appel statuant en matière d’expropriation à toutes les parties, y compris lorsqu’ils choisissent d’être représentés par un avocat, à l’État, aux régions, aux départements, aux communes et à leurs établissements publics.

Le règlement intérieur constitue la principale manifestation du pouvoir normatif de l’employeur au sein de l’entreprise. Destiné à encadrer la relation de travail par l’instauration de règles contraignantes, le règlement intérieur doit nécessairement traiter les questions de la santé et sécurité au travail et prévoir des règles relatives à la discipline. Ainsi, le règlement intérieur vise à assurer le bon ordre dans l’établissement en interdisant certains comportements ou actions et en aménageant les modalités de contrôle, de surveillance et de sanction des salariés.
À cet égard, il est parfois difficile de déterminer ce qui relève du champ disciplinaire et ce qui en est exclu. Certains documents tels que les codes de bonne conduite, les chartes d’éthique ou encore les codes de déontologie ont vocation à réglementer et codifier les rapports ou les pratiques au sein de l’entreprise. Dès lors qu’ils visent à obtenir du salarié un comportement donné, les rapports entretenus avec les domaines du règlement intérieur s’avèrent parfois difficiles à appréhender. En témoigne un arrêt du 5 mai 2021 à l’occasion duquel la chambre sociale s’est exprimée sur l’adjonction au règlement intérieur d’un code de déontologie (Soc. 5 mai 2021, n° 19-25.699, D. 2021. 907 ).
En l’espèce, un salarié recruté par une banque publique d’investissement en qualité de « directeur investissement » avait été licencié sur le fondement d’une cause réelle et sérieuse pour avoir manqué à certaines règles édictées...
par Jean-Marc Pastorle 19 mai 2021
L’ordonnance n° 2021-581 précise les principes guidant la procédure selon laquelle les établissements de santé peuvent prétendre au label des hôpitaux de proximité. Elle les redéfinit comme étant le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers. Leur fonctionnement est spécifique et décloisonné et ils sont investis dans des missions partagées et assurées en complémentarité avec les acteurs du territoire. La labellisation relève d’une démarche volontaire des établissements de santé et d’un engagement à assurer des missions définies en coopération étroite avec les acteurs des territoires. L’adéquation du projet de l’établissement aux missions des hôpitaux de proximité relèvera...
par Jean-Marc Pastorle 19 mai 2021
L’ordonnance n° 2021-581 précise les principes guidant la procédure selon laquelle les établissements de santé peuvent prétendre au label des hôpitaux de proximité. Elle les redéfinit comme étant le premier niveau de la gradation des soins hospitaliers. Leur fonctionnement est spécifique et décloisonné et ils sont investis dans des missions partagées et assurées en complémentarité avec les acteurs du territoire. La labellisation relève d’une démarche volontaire des établissements de santé et d’un engagement à assurer des missions définies en coopération étroite avec les acteurs des territoires. L’adéquation du projet de l’établissement aux missions des hôpitaux de proximité relèvera...
La consultation du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (CSTACAA) a achevé, le 11 mai, le ballet des consultations sur le projet d’ordonnance réformant la haute fonction publique. Les débats ont été longs et compliqués, confient plusieurs participants. Car le projet provoque de plus en plus de contestations. Au-delà du remplacement de l’ENA par l’Institut du service public, c’est l’annonce de la suppression de plusieurs grands corps (inspections générales des finances, des affaires sociales et de l’administration mais aussi corps préfectoral), dont les emplois deviendraient fonctionnels, qui provoque un tollé. Le conseil supérieur de la fonction publique de l’État avait donné un avis négatif le 3 mai. Pour Force ouvrière, le projet du gouvernement ouvre la voie à « une haute administration au service du politique et non plus au service de la Nation et des citoyens. C’est inadmissible, particulièrement pour les corps de contrôle et d’inspection ». Les préfets, de leur côté, ont trouvé des défenseurs du côté du Sénat qui veut, dans le cadre de l’examen du projet de loi 4D, restaurer l’autorité du préfet de département et appuyer le couple maire-préfet.
Les corps juridictionnels – Conseil d’État, Cour des comptes et magistrats de leurs juridictions subordonnées –, eux, ne peuvent pas être fonctionnalisés sans porter atteinte à l’indépendance de la justice, protégée par la Constitution et plusieurs textes internationaux. Mais l’accès à ces corps sera néanmoins revu en profondeur, même si le Conseil d’État semble être parvenu à sauver ses auditeurs.
Les deux syndicats de magistrats administratifs sont très remontés contre les conséquences qu’aura la réforme sur leur corps. Ils contestent notamment d’une même voix la double obligation de mobilité (pour chaque changement de grade) qui va faire de la carrière « une véritable course d’obstacles », selon le président de l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA), Emmanuel Laforêt. Un élu du Syndicat de la juridiction administrative craint également une perturbation du fonctionnement des juridictions en raison de l’obligation de mobilité des jeunes magistrats. Les deux syndicats ont donc voté contre le projet au CSTACAA et réfléchissent à des recours contentieux, mais aussi peut-être à une grève. Selon un sondage réalisé par l’USMA auprès des membres du corps, 70 % des quelque cinq cents magistrats qui ont répondu se déclarent prêts à se mobiliser contre le projet.

Il est aujourd’hui acquis que la rupture conventionnelle doit déterminer notamment le montant de l’indemnité de rupture versée par l’employeur, étant précisée que celle-ci ne peut en tout état de cause être inférieure au montant de l’indemnité, légale ou conventionnelle, à laquelle le salarié pourrait prétendre en cas de licenciement en application de l’article L. 1234-9 du code du travail (C. trav., art. L. 1237-13, tel qu’interprété de façon constante par la jurisprudence). Un avenant du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008, étendu par un arrêté du 27 novembre 2009, impose en outre le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement, si elle est plus favorable que l’indemnité légale. Mais qu’en est-il lorsque la convention prévoit non pas une, mais deux indemnités conventionnelles distinctes, ou renvoie directement à l’indemnité légale dans l’une des deux hypothèses ? C’est précisément dans ce contexte que l’arrêt du 5 mai 2021 nous apporte des éléments de réponse.
Une salariée recrutée par une caisse d’épargne et de prévoyance est convenue avec cette dernière d’une rupture conventionnelle près de vingt ans après son embauche.
La salariée a reçu, au titre de cette rupture, une indemnité spécifique calculée par référence au montant de l’indemnité légale de licenciement.
La salariée a néanmoins saisi les juridictions contestant le montant qui lui fut alloué. Les juges du fond ont fait droit à sa demande en appel, condamnant l’employeur au paiement d’un solde au titre de cette indemnité, de sorte que ce dernier s’est pourvu en cassation.
Les juges du fond, partant du constat qu’une indemnité conventionnelle plus favorable à l’indemnité de licenciement existait, en ont déduit que l’indemnité de rupture conventionnelle devait a minima atteindre ce montant conventionnel. Or les articles 2.2.4 et 2.2.5 de l’Accord sur les instances paritaires nationales du 22 décembre 1994 applicable aux salariés du Groupe Caisse d’Épargne prévoyaient le versement d’une indemnité conventionnelle de licenciement seulement dans deux hypothèses, en cas de licenciement pour insuffisance résultant d’une incapacité professionnelle et en cas de difficultés économiques sérieuses mettant en cause la pérennité de l’entreprise, tous les autres cas de licenciement pour motif personnel n’ouvrant droit qu’à l’indemnité légale de licenciement.
Pour l’employeur, à défaut de précision et considérant ces conditions, il était exclu que la salariée puisse prétendre à l’indemnité d’un montant supérieur à l’indemnité légale dans le cadre d’une rupture conventionnelle.
La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, rejette l’argumentation de l’employeur.
Les hauts magistrats ont en effet validé l’interprétation de l’article L. 1237-13 du code du travail livrée par la cour d’appel consistant à appliquer comme plancher de l’indemnité de rupture conventionnelle le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors qu’elle est plus favorable que l’indemnité légale de licenciement.
La solution, bien qu’en cohérence avec la jurisprudence antérieure, n’allait pas nécessairement de soi en présence d’une convention collective prévoyant différentes modalités d’indemnités conventionnelles de licenciement, dont certaines renvoyant à l’indemnité légale. Devait-on nécessairement indexer le plancher de l’indemnité de rupture conventionnelle sur la plus favorable des hypothèses conventionnelles ? Tel semble être le parti pris de la chambre sociale.
Une contradiction apparente avec l’interprétation administrative
En cela, elle peut paraître s’écarter d’une interprétation de l’instruction DGT n° 2009-25 du 8 décembre 2009 qui précisant que, lorsqu’une convention collective prévoit deux indemnités de licenciement, l’une pour motif personnel, l’autre pour motif économique, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit être au moins égale à l’indemnité légale si au moins une des indemnités conventionnelles est inférieure à l’indemnité légale ou à l’indemnité conventionnelle la plus faible si les deux indemnités conventionnelles sont supérieures à l’indemnité légale.
C’est en tout cas ce qu’invoquait l’employeur à l’appui de son pourvoi. Cette contradiction à l’instruction de la DGT n’est en réalité qu’apparente, puisque celle-ci évoque précisément un plancher correspondant « à l’indemnité conventionnelle la plus faible dans l’hypothèse où les indemnités conventionnelles seraient toutes supérieures à l’indemnité légale ». Tel n’était pas le cas en l’espèce, puisque la convention prévoyait soit une indemnité conventionnelle plus favorable, soit une indemnité égale à celle prévue par la loi, et non pas supérieure à celle-ci.
Sous cet angle, ce n’est que si toutes les indemnités conventionnelles de licenciement sont supérieures à l’indemnité légale que la règle de l’application de la plus faible d’entre elles à la rupture conventionnelle mérite application. À défaut, il était parfaitement loisible au juge sans contredire l’interprétation de l’autorité administrative de prendre l’indemnité conventionnelle de licenciement comme plancher de l’indemnité de rupture conventionnelle, fût-elle réservée à seulement deux motifs de licenciement clairement identifiés.
Un régime indemnitaire favorable au salarié
Cette solution pourrait apparaître également en rupture vis-à-vis de l’interprétation plus stricte qui domine en matière d’indemnité de licenciement. En matière de licenciement, en effet, la jurisprudence avait eu l’occasion de préciser que, dès lors qu’une convention collective énumère les causes pour lesquelles le licenciement peut être prononcé, l’indemnité conventionnelle de licenciement qu’elle institue ne peut être accordée que si le licenciement a été prononcé pour l’une de ces causes (v. not. Soc. 25 mars 1992, n° 90-45.494, RJS 5/1992, n° 589 ; 3 févr. 1993, n° 91-42.409, D. 1993. 61 ; ibid. 1994. 305, obs. M.-A. Souriac-Rotschild ).
Or l’article L. 1237-13 du code du travail renvoie, en matière d’indemnité de rupture conventionnelle, à l’indemnité légale de licenciement définie à l’article L. 1234-9, qui constitue un plancher en deçà duquel il n’est pas envisageable de descendre. Ce plancher s’en trouve rehaussé lorsqu’existe un régime conventionnel plus favorable en matière d’indemnité de licenciement, peu important que la convention ou l’accord n’ait pas expressément intégré la question de l’indemnité de rupture conventionnelle. C’est ce que prévoit un avenant du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008, étendu par arrêté du 27 novembre 2009. Ce dernier impose clairement le versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement si elle est plus favorable que l’indemnité légale. Les entreprises couvertes par l’ANI du fait de son extension sont donc désormais tenues sur ce fondement de verser l’indemnité conventionnelle pour toute rupture conventionnelle.
Aussi, à la lumière de cet arrêt et à défaut de précision du tissu conventionnel, l’hypothèse dans laquelle l’indemnité conventionnelle ne serait prévue que pour certains types de licenciement ne pourra servir d’argument pour s’affranchir de ce plafond plus favorable.
Reste en suspens la question d’une convention qui prévoirait deux indemnités conventionnelles distinctes, toutes deux plus favorables que l’indemnité légale. Dans cette hypothèse, non tranchée dans le cas d’espèce, l’instruction DGT n° 2009-25 du 8 décembre 2009 inviterait à ne retenir comme plancher que la plus faible des deux.
Il sera sans doute profitable aux partenaires sociaux souhaitant se réapproprier la question de l’indemnité de rupture conventionnelle de renégocier, le cas échéant par accord collectif d’entreprise. On rappellera en effet qu’il est désormais possible par ce biais, sur le fondement des nouveaux articles L. 2253-1 à L. 2253-3, de moduler l’indemnité, y compris à la baisse, dès lors qu’elle reste au moins égale au minimum légal de l’indemnité de licenciement définie à l’article L. 1234-9 du code du travail. Prévoir un paragraphe exclusivement consacré à l’indemnité de rupture conventionnelle permettra dans cette perspective de dissiper toute ambiguïté qui pourrait naître d’interprétations croisées entre les textes de niveau négocié de champ plus large, les textes interprétatifs de l’administration et la jurisprudence rendues à propos de l’indemnité de licenciement.
Une journaliste du quotidien La Voix du Nord a fait constater par huissier de justice la publication, sur plusieurs pages Facebook notamment celle du maire d’une commune et sur une chaîne Youtube, d’une vidéo la montrant en conversation lors d’une séance du conseil municipal et dont les commentaires la nommaient et suspectaient une collusion entre...

Par un arrêt du 9 octobre 2019 (CE 9 oct. 2019, n° 432722, FE Sainte-Anne (Sté), Lebon ; AJDA 2019. 2028 ), le Conseil d’État avait étendu cette compétence aux mesures de police qui en sont la conséquence directe. Poursuivant sa démarche de création d’un bloc de compétence au profit des cours administratives d’appel, il leur attribue le jugement des conclusions présentées contre une délibération qui porte notamment sur l’occupation du domaine public pour la réalisation d’installations terrestres de production d’électricité...

Conformément à l’article 39 de la Constitution, le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (dit « 4D », v. AJDA 2021. 476 ), qui a été examiné par le conseil des ministres le 12 mai, sera débattu en premier lieu par le Sénat, en principe à partir du 5 juillet. Et les sénateurs l’attendent de pied ferme. Ce projet de loi « ne répond pas tout à fait aux attentes », a estimé le président de la haute assemblée. « Mais nous n’allons pas bouder ce texte ; nous allons lui donner de la force ».
Preuve de l’importance accordée au sujet au Palais du Luxembourg, Gérard Larcher a participé, le 11 mai, à la présentation à la presse par Françoise Gatel, présidente de la délégation aux collectivités territoriales, et Mathieu Darnaud, président de la délégation à la...
La bonne foi au sens de l’article 555 du code civil s’entend par référence à l’article 550 du même code et concerne celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.
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Le juge administratif doit, à tous les stades de la procédure, appliquer les dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d’un accident ayant entraîné un dommage corporel. Toutefois, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) qui a omis de produire en première instance ne peut pas se rattraper en appel.
Dans une affaire opposant un agent de la ville de Paris à son employeur à propos des conséquences d’une vaccination, le Conseil d’État rappelle que « le tribunal administratif,...

M. H… A… a saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des dispositions de l’article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en ce qu’elles instituent un confinement et un couvre-feu pour les personnes vaccinées.
M. O… E… et M. C… P… B… ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant notamment à ordonner la suspension de l’exécution des dispositions de l’article 2 du décret n° 2021-384 du 2 avril 2021 modifiant les décrets n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 et n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire en tant qu’il s’applique aux personnes ayant déjà contracté la covid-19 et développé des anticorps toujours actifs contre cette maladie à la date d’édiction du décret querellé, celles-ci n’entrant pas dans la liste des exceptions permettant de déroger à l’obligation de rester chez soi.
Les associations Société des Habous et Lieux Saints de l’Islam et Fédération de la Grande Mosquée de Paris ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à enjoindre à l’État de faire droit à la demande formulée dans le courrier du recteur de la Grande Mosquée de Paris au ministre de l’Intérieur en date du 21 avril 2021 et d’autoriser en conséquence l’ouverture des mosquées en France du samedi 8 mai 2021 à 21 heures au dimanche 9 mai 2021 à 2 heures, avec des consignes sanitaires strictes prévues par une circulaire interne.
Après avoir abordé la question de l’urgence (I), nous aborderons celle des libertés en cause et du contrôle de proportionnalité exercée (II) avant de dégager les solutions données présentement par le juge des référés (III).
I - Le contrôle de l’urgence
Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi respectivement par les requérants sur deux fondements différents. En effet, dans la décision n° 451455, M… A…, la requête est déposée sur le fondement du référé-suspension prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Ce dispositif permet à tout requérant quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, de saisir le juge des référés aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision contestée dans la requête au fond. Elle est soumise à deux conditions : d’une part, l’urgence et d’autre part, à la démonstration d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision querellée devant le juge du fond. Pour les décisions n° 451940, M. E… et autre et n° 452144, Association Société des Habous et Lieux Saints de l’Islam et Association Fédération de la Grande Mosquée de Paris, les requêtes ont été introduites sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence est donc commune aux deux types de référé. Sur ce point, il convient de préciser que si la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dit état d’urgence « sécuritaire » a institué expressément une présomption d’urgence à son article 14-1, deuxième alinéa, s’agissant particulièrement assignations à résidence, la loi du n° 2020-290 du 23 mars 2020 n’a rien mentionné à ce niveau. Cependant, le Conseil d’État a intégré dès le départ de son contrôle cette présomption d’urgence pour toutes les décisions prises au titre de l’état d’urgence sanitaire qui lui ont été déférées au titre tant du référé-liberté que celui du référé-suspension. Ainsi, la condition d’urgence est regardée comme ne soulevant pas de difficulté particulière en présence d’un danger actuel ou imminent en lien avec l’épidémie de covid-19 (CE 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes Médecins, Lebon ; AJDA 2020. 655 ; ibid. 851 , note C. Vallar ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier ; ibid. 291, Pratique A. Lami et F. Lombard ). Les trois décisions commentées ne mentionnent pas expressément la condition d’urgence, celle-ci étant manifestement présupposée dans les circonstances de l’espèce pour le juge des référés saisi.
II - Le contrôle de proportionnalité exercé par le juge des référés sur les restrictions des libertés en percussion
Ces trois ordonnances mettent en exergue différentes libertés fondamentales qui entrent en percussion entre elles, au juge administratif de régler ce conflit.
Tout le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire institué par les articles 1 à 8 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 modifiée pour faire face à l’épidémie de covid-19 repose sur l’objectif primordial d’assurer la protection, par tous les moyens et quoiqu’il en coute, en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Le Conseil d’État a ainsi précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sect., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ). Il a indiqué que ce droit incluait « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 13 déc. 2017, M. Pica-Picard, n° 228928, Lebon T.). Ce droit de protection est en lien direct avec le principe de précaution mentionné notamment à l’article 5 de la charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Les dispositions de cette charte ont une valeur constitutionnelle (Cons....
À quoi servent les dispositifs zonés de soutien du développement économique et à l’emploi ? Pas à grand-chose… Mais il est politiquement difficile de les supprimer, répondent en substance le conseil général de l’environnement et du développement durable et les inspections générales des finances, de l’administration et des affaires sociales. Preuve du caractère éminemment sensible de la question, le rapport Les dispositifs zonés de soutien du développement économique et de l’emploi dans les territoires, remis au gouvernement en juillet 2020, n’a été rendu public que fin...
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Le juge administratif, dont la compétence en matière de droit du travail est loin d’être nouvelle ou résiduelle1, a vu son office considérablement étendu dans ce domaine par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui, procédant à une refonte des procédures de licenciement collectif, a confié à l’administration le soin de valider ou d’homologuer les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), tout en maintenant la compétence du juge judiciaire pour les contentieux individuels. L’intervention de l’administration du travail et, partant, du juge administratif en matière de licenciement pour motif économique a ainsi été rétablie en ce qui concerne les « grands » licenciements pour motif économique, alors qu’après avoir relevé de l’ordre administratif à la suite de l’instauration, en 1975, de l’autorisation administrative de licenciement, le contentieux des licenciements économiques avait intégralement été confié, après la suppression, en 1986, de cette autorisation, au juge judiciaire. La réforme législative de 2013, qui modifie profondément la procédure de licenciement collectif applicable aux entreprises tenues d’établir un plan de sauvegarde d’emploi, c’est-à-dire aux entreprises d’au moins cinquante salariés projetant au moins dix licenciements sur une période de trente jours, a entendu retranscrire les lignes directrices de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et l’étude d’impact ayant précédé son adoption (M.-C. Sarrazin et A. Denis, Plan de sauvegarde de l’emploi : le droit public s’invite à la table des négociations, Dr. ouvrier 2014. 790).
Une compétence partagée
Depuis l’adoption de cette réforme, les hautes juridictions des ordres administratif et judiciaire ont rendu plusieurs décisions qui ont précisé les frontières de leurs compétences respectives en s’attachant à dégager des lignes directrices garantissant un contrôle juridictionnel cohérent et effectif (v. la très éclairante Lettre de la chambre sociale de la Cour de cassation, n° spéc., oct. 2020, « Les compétences respectives du juge administratif et du juge judiciaire en cas de licenciement économique collectif », par L. Pécault-Rivolier [dir.] ; également les discours introductifs au colloque Vers un nouveau droit du travail ? Regards croisés du Conseil d’État et de la Cour de cassation, 19 avr. 2019, B. Lasserre et B. Louvel). Très récemment, le Tribunal des conflits est venu parfaire le bloc de compétence dévolu au juge administratif, en jugeant que le contrôle du respect, par l’employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques en vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail relève en cette matière de l’administration (et, partant, du juge administratif, T. confl., 8 juin 2020, n° 4189, Syndicat CGT Alstom Grid Villeurbanne, Lebon ; AJDA 2020. 2061 ), solution qui invite le juge administratif à exercer pleinement, en la matière, un rôle renouvelé (et qui met un terme à certaines interrogations soulevées par D. Piveteau dans son entretien à la SSL du 28 janv. 2019 n° 1846, Des frontières encore à préciser pour le juge du PSE).
Le développement d’un droit administratif du plan de sauvegarde de l’emploi
Le contrôle du plan de sauvegarde de l’emploi par le juge administratif s’est ainsi considérablement développé et affiné2, à des degrés variables selon que le contentieux concerne l’homologation du document unilatéral ou la validation de l’accord collectif fixant le contenu du plan, sur laquelle le juge administratif exerce un contrôle réel mais moins approfondi3, conformément à la promotion législative d’une voie négociée entre partenaires sociaux pour traiter les PSE (v. J. Daniel, Les périmètres du PSE en pratique, JCP S 2013, n° 19-20) et à la primauté de cette négociation.
Les contours et les modalités de l’obligation d’information-consultations du CSE
En ce qui concerne le contrôle de la régularité de la procédure d’information-consultation des instances représentatives, l’article L. 1233-30 du code du travail prévoit, dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, la réunion et la double consultation du comité social et économique (CSE, qui s’est vu attribuer par les ordonnances de 2017 les prérogatives de l’ancien comité d’entreprise et du CHSCT), d’une part, sur l’opération projetée et ses modalités d’application et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif (nombre de suppressions d’emploi, catégories professionnelles concernées, critères d’ordre et calendrier prévisionnel des licenciements, mesures sociales d’accompagnement et prévention des risques sociaux), en excluant toutefois de cette consultation le projet de licenciement ayant fait l’objet d’un accord collectif. Il précise que le comité, qui doit tenir au moins deux réunions espacées d’au moins quinze jours, rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur à une période allant de deux à quatre mois (selon le nombre de licenciements envisagés) et qu’en l’absence d’avis de cette instance dans ces délais, celle-ci est réputée avoir été consultée.
Le contrôle de la régularité de cette procédure d’information et de consultation entre, fort logiquement – à peine de laisser lettre morte ces exigences légales pourtant essentielles –, dans le champ du contrôle devant être opéré par l’administration avant toute décision d’homologation du document élaboré par l’employeur (C. trav., art. L. 1233-57-3) ou de validation de l’accord collectif (art. L. 1233-57-2).
Le Conseil d’État a très tôt précisé, essentiellement dès l’arrêt Heinz (CE 22 juill. 2015, n° 385816, Ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; ibid. 2016. 113, obs. C. Gilbert ), qu’il appartient ainsi à l’administration saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document unilatéral de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise, et qu’elle ne peut légalement accorder cette homologation que si le comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part, sur l’opération projetée et ses modalités d’application et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l’emploi. Il en a déduit qu’il lui appartient de s’assurer que l’employeur a adressé au comité d’entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause. S’agissant des décisions de validation d’un accord collectif, il a toutefois adapté cette analyse, en conformité avec la réserve formulée par le 2° de l’article L. 1233-30 du code du travail, en jugeant inopérant le moyen tiré de ce que la décision validant un tel accord serait illégale en raison d’un vice affectant la consultation du comité d’entreprise sur le projet de licenciement (CE 22 mai 2019, n° 420780, British Airways, Lebon ; D. 2019. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2019. 574, obs. F. Géa ). Cette exigence d’information complète et loyale des instances représentatives des salariés n’en demeure pas moins, quelles que soient les modalités d’élaboration, unilatérale ou négociée, du PSE, essentielle : il appartient au juge, lorsqu’il constate que la procédure a été irrégulière, d’annuler la décision de validation ou d’homologation sans avoir à rechercher l’influence exercée par cette irrégularité sur la décision en litige ni à examiner si elle a privé les salariés d’une garantie (CE 29 juin 2016, n° 386581, Astérion France [Sté], Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ).
Une jurisprudence administrative pragmatique mais vigilante
La haute juridiction administrative fait, en la matière comme dans d’autres domaines, œuvre de pragmatisme. Ainsi, les éléments d’information devant être communiqués au CSE ne sont-ils pas étendus à la situation économique d’un autre secteur d’activité que celui retenu par l’employeur (arrêt Heinz préc.), dès lors que l’appréciation de la réalité du motif économique n’entre pas dans le champ du contrôle de l’administration. En outre, la circonstance que ce comité ait rendu ses avis au-delà des délais prévus par l’article L. 1233-30 du code du travail est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité (arrêt British Airways préc.). Quel que soit le formalisme imposé par le code du travail, l’obligation substantielle de l’employeur, ou, en cas de procédure collective, de l’administrateur ou du liquidateur, s’articule autour de cette exigence, dont le respect est soumis au contrôle de l’administration : mettre l’instance concernée – pour ce qui nous concerne, le CSE – en mesure de se prononcer, en toute connaissance de cause, sur l’opération projetée.
L’arrêt du 16 avril 2021 s’inscrit bel et bien dans ce souci de pragmatisme jurisprudentiel et d’effectivité de l’information-consultation du CSE, en permettant d’éclaircir l’articulation entre le droit du CSE de recourir à un expert et les spécificités procédurales propres à l’existence d’une procédure collective.
Le droit de recourir à l’assistance d’un expert-comptable
Le législateur a prévu, à l’article L. 1233-34 du code du travail, la faculté du CSE consulté dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi de recourir à l’assistance d’un expert-comptable, décision devant, en principe (v. CE 23 nov. 2016, n° 388855, Saglietto, Lebon ; RDT 2017. 29, concl. M. Vialettes ), être prise dès la première réunion de ce comité. Cette faculté constitue, à n’en pas douter, un atout important de l’information du CSE permettant de rééquilibrer les forces en présence, l’expert-comptable se trouvant généralement au fait de la procédure et de ses enjeux. Le Conseil d’État a, en quelque sorte, transposé sa grille d’analyse appliquée à l’information des instances représentatives à celle de l’expert, en jugeant que l’administration doit s’assurer que ce dernier a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis en toute connaissance de cause et que la circonstance que l’expert n’ait pas eu accès à l’intégralité des documents demandés ne vicie pas la procédure si les conditions dans lesquelles il a accompli sa mission ont néanmoins permis au comité de disposer de tous les éléments utiles (CE 21 oct. 2015, n° 385683, Dentressangle, Lebon ; AJDA 2016. 351 ; ibid. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; RDT 2016. 113, obs. C. Gilbert ).
Les spécificités procédurales relatives à l’existence d’une procédure collective
Ce droit de recourir à l’assistance d’un expert-comptable doit toutefois être concilié, en cas d’ouverture d’une procédure collective, avec les règles propres à ces procédures, tenant à une exigence de célérité. Afin de tenir compte de l’urgence résultant de la situation de l’entreprise, la procédure de consultation se trouve, en effet, allégée. À la différence de la procédure applicable aux sociétés in bonis, l’obligation de réunir au moins deux fois le CSE est écartée lorsque l’entreprise est soumise à une procédure collective par l’article L. 1233-58 du code du travail. De même, la Direccte (DREETS depuis le 1er avr. 2021) dispose, pour instruire une demande de validation ou d’homologation, d’un délai réduit à compter de la date de la dernière réunion du comité (huit jours en cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, quatre jours en cas de liquidation judiciaire (C. trav., art. L. 1233-58, II, al. 2). Enfin, le CSE doit rendre son avis au plus tard le jour ouvré avant l’audience du tribunal de commerce (C. com., art. L. 631-19, III).
L’absence d’obligation d’une double réunion du comité social et économique en cas de procédure collective fait-elle, pour autant, obstacle à la mise en œuvre effective du droit de cette entité de recourir à un expert ? Une réponse négative avait été apportée, sous l’empire des dispositions antérieures à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, par la jurisprudence judiciaire (Soc. 7 juill. 1998, n° 96-21.451 P, D. 1998. 212 ; Dr. soc. 1998. 948, obs. A. Mazeaud ). Dans l’arrêt rendu le 16 avril 2021, le Conseil d’État, après avoir rappelé qu’il appartient à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité « tous les éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d’avoir faussé sa consultation » et que, même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaires, « une seule réunion du comité d’entreprise est en principe prévue par l’article L. 1233‑58 », « le recours à un expert, destiné à éclairer le comité d’entreprise, justifie qu’il soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d’effet le recours à l’expertise », précise qu’il « appartient alors à l’administration de s’assurer que les deux avis du comité d’entreprise ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l’expert ou, à défaut de remise du rapport de l’expert, à une date à laquelle, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l’employeur, l’expert a disposé d’un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis en connaissance de cause ».
Une telle solution permet d’articuler les exigences relatives à l’information du comité social et économique et celles relatives aux délais réduits applicables en cas de procédure collective, en ne privant pas de toute utilité le recours à l’assistance d’un expert. Elle apparaît, en outre, respectueuse de l’économie générale du rôle de ce comité et des prérogatives spécifiques qui lui sont accordées en cas de procédure collective, celui-ci devant être consulté à différentes étapes de la procédure (C. trav., art. L. 2312-53) et ses représentants être entendus par le tribunal de la procédure avant qu’il n’arrête certaines décisions (art. L. 2312-54). Enfin, et surtout, elle s’inscrit pleinement dans l’exigence de loyauté de la consultation du comité social et économique dégagée par la jurisprudence administrative comme judiciaire, exigence au sujet de laquelle Gaëlle Dumortier indiquait déjà, dans ses conclusions sur l’affaire Heinz, que « la loyauté de la consultation du comité d’entreprise, qu’on peut rattacher au principe constitutionnel de participation », implique que « l’employeur dialogue avec le comité d’entreprise, réponde à ses demandes légitimes d’information et soit ouvert à ses propositions ».
Notes
1. Outre la fonction consultative du Conseil d’État en matière de réglementation du travail (pour un exemple récent, v. l’éclairant avis rendu par le Conseil d’État le 4 février 2021 sur la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail), le juge administratif est appelé à contrôler les décisions prises par l’administration du travail qui régulent les relations sociales dans l’entreprise : autorisations relatives au licenciement des salariés protégés (CE, ass., 10 juin 1996, n° 66792, Ministre du travail c. Bisson, Lebon ; 5 mai 1976, nos 98647 et 98820, SAFER d’Auvergne et ministre de l’agriculture c. Bernette, Lebon, p. 232 ) et, plus récemment, à la rupture conventionnelle (ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017 et n° 2017-1718, 20 déc. 2017), même dans l’hypothèse où le salarié protégé contesterait la validité de son consentement (Soc. 20 déc. 2017, n° 16-14.880 P, D. 2018. 15 ; JA 2018, n° 583, p. 39, étude M. Julien et J.-F. Paulin ), mais aussi injonctions relatives aux règlements intérieurs des entreprises (CE 1er févr. 1980, n° 06361, Lebon , excluant la légalité de contrôles systématiques par alcootests à l’égard de l’ensemble des salariés de l’entreprise qui excèdent, par leur généralité, l’étendue des sujétions que l’employeur peut légalement imposer ; CE 5 déc. 2016, Société Sogea Sud, n° 394178, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2016. 2353 ; Dr. soc. 2017. 244, étude J. Mouly , jugeant en revanche que le recours à des tests salivaires de détection immédiate de produits stupéfiants ne requiert pas l’intervention d’un médecin du travail ; JCP S 2017. 1022, note T. Noël).
2. Pour des illustrations topiques, voir, outre les arrêts fondateurs (CE, ass., 22 juill. 2015, n° 385816, Heinz, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. D. Poupeau ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; ibid. 2016. 113, obs. C. Gilbert ; CE 7 déc. 2015, n° 383856, Darty, Lebon ; AJDA 2016. 645 ; ibid. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; 29 juin 2016, n° 386581, Asterion, Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ), sur la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise et du CHSCT : CE 27 mars 2015, n° 371852, Société Den Hartogh, Lebon (salariés protégés) ; 7 déc. 2015, n° 381307, Roussel, Lebon ; AJDA 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; RDT 2016. 113, obs. C. Gilbert ; 22 mai 2019, n° 413342, M. Lignie et a, Lebon ; AJDA 2019. 1848 et n° 420780 British Airways, Lebon ; D. 2019. 2153, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2019. 574, obs. F. Géa ; sur la motivation de la décision administrative, v. CE 1er févr. 2017, n° 391744, Me Sohm, Lebon ; AJDA 2017. 257 ; 12 mai 2017, n° 391649, Spirel ; 24 nov. 2017, n° 389443, Société Conserves du blaisois, Lebon ; AJDA 2018. 606 ; sur le caractère suffisant du plan, v. CE 22 juill. 2015, n° 383481, Calaire Chimie, D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; 22 mai 2019, nos 407401 et 407414, M. Dib et a, Lebon ; D. 2020. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane (s’agissant du plan de reclassement) ; CE 30 mai 2016, SCP Louis Lageat (s’agissant des modalités d’appréciation des moyens du groupe) ; v. égal., sur ce point, l’article de L. Dutheillet de Lamothe et de G. Odinet, Un an de jurisprudence sur les plans de sauvegarde de l’emploi, AJDA 2016. 1866 .
3. CE 7 déc. 2015, n° 383856, Syndicat CGT Darty France, Lebon ; AJDA 2016. 645 ; ibid. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet : lorsque le contenu du PSE a été déterminé par un accord collectif majoritaire signé dans les conditions prévues à l’article L. 1233-24-1 du code du travail, l’administration doit seulement s’assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63. Un moyen tiré de ce que le plan de reclassement prévu par l’accord collectif est insuffisant au regard du nombre de postes vacants au sein de l’entreprise est donc inopérant. V. égal. not. CE 22 juill. 2015, n° 385668, Société Pages jaunes, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. préc. ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa ; 12 juin 2019, n° 420084, M. Aubert et a, Dalloz actualité, 27 juin 2017, obs. L. Malfettes ; Lebon ; AJDA 2019. 2157 ; 22 juill. 2015, n° 383481, Syndicat CGT de l’Union locale de Calais et environs, Dalloz actualité, 24 juill. 2015, obs. préc. ; Lebon ; AJDA 2015. 1444 ; ibid. 1632 , chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; ibid. 2016. 1866, chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2015. 514, concl. G. Dumortier ; ibid. 528, étude F. Géa .
Validité d’un dispositif de préretraite justifié par un but légitime étranger à toute discrimination

La directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d’emploi et de travail pose le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes (JOUE, L 204, 26 juill. 2006). Le droit national entérine également ce principe d’égalité à l’alinéa 3 du Préambule de la Constitution, lequel proclame que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Pour sa part, l’article L. 3221-2 du code du travail impose à l’employeur d’assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.
Le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes est renforcé par les dispositions prohibant la discrimination en raison du sexe.
Aux termes des articles L. 1132-1 du code du travail et 225-1 du code pénal, aucune personne ne peut faire l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, en raison du sexe.
L’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée, intégrant en droit français les dispositions de l’article 2.1, b), de la directive 2006/54, précise que constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but soient nécessaires et appropriés (L. n° 2008-496, 27 mai 2008, portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations).
La Cour de cassation, dans son arrêt du 14 avril 2021, se prononce sur la question du caractère discriminatoire d’un dispositif de préretraite.
En l’espèce, un dispositif de départ volontaire en préretraite, mis en place dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi, permettait aux salariés devant quitter leurs fonctions de percevoir une indemnité spéciale de départ en préretraite et, pendant toute la durée de leur préretraite, un revenu de remplacement sous forme de rente mensuelle correspondant à un certain pourcentage de leur rémunération mensuelle brute. Ce versement était garanti jusqu’à l’âge auquel les bénéficiaires pouvaient prétendre à la retraite à taux plein et dans la limite de cinq ans.
Une salariée avait adhéré à ce dispositif le 12 septembre 2007. Son contrat de travail avait pris fin le 30 septembre 2008 et sa prise en charge au titre du dispositif de préretraite avait cessé au 30 avril 2011. Estimant être victime d’une discrimination à raison de son sexe et de sa situation de famille par l’application du dispositif de préretraite faite à son égard par la société ayant imposé la prise en compte des trimestres acquis au titre de la majoration de la durée d’assurance en raison de ses trois enfants, alors qu’elle aurait dû bénéficier du dispositif de préretraite jusqu’au 30 juin 2013, date de la retraite à taux plein, la salariée avait saisi, le 22 janvier 2014, la juridiction prud’homale aux fins de paiement par l’employeur de diverses sommes.
La cour d’appel a fait droit aux demandes de la salariée et a condamné la société à lui payer des sommes à titre d’indemnité pour le défaut de portage du dispositif de préretraite du 1er mai 2011 au 30 juin 2013, à titre d’indemnité pour le défaut de cotisations de l’employeur sur la période de portage jusqu’au 30 juin 2013 mais également à titre d’indemnité pour discrimination.
Cette décision est censurée par la haute juridiction.
Elle juge en premier lieu que la salariée avait atteint, au 30 avril 2011, la durée d’assurance pour bénéficier d’une retraite à taux plein en y intégrant les majorations de durée d’assurance résultant, au titre de ses enfants, des dispositions de l’article L. 351-4 précité du code de la sécurité sociale.
La Cour de cassation se prononce en second lieu sur la question du caractère discriminatoire dudit dispositif. Elle considère que le dispositif de préretraite mis en place par le plan de sauvegarde de l’emploi, selon lequel le maintien dans la structure de préretraite est garanti jusqu’à l’âge auquel les bénéficiaires peuvent prétendre à la retraite à taux plein, intègre ainsi les trimestres acquis au titre des majorations de durée d’assurance instituées à l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2010-462 du 6 mai 2010. Cette disposition, apparemment neutre, est susceptible d’entraîner, à raison du sexe, un désavantage pour les salariées de sexe féminin, du fait de la naissance et de l’éducation des enfants, dès lors que celles-ci, qui atteignent plus rapidement l’âge auquel le bénéfice d’une retraite à taux plein est attribué, sont plus souvent conduites à une sortie anticipée du dispositif de préretraite. Cette différence de traitement peut toutefois être admise en présence d’une justification objective par un but légitime, dès lors que les moyens pour réaliser ce but sont nécessaires et appropriés.
Au soutien de sa démonstration, la Cour de cassation excipe de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, s’agissant de la question similaire de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), de la directive 79/7/CEE du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, selon laquelle, lorsqu’un État membre prévoit, pour l’octroi des pensions de vieillesse et de retraite, un âge différent pour les hommes et pour les femmes, la dérogation autorisée, définie par les termes « conséquences pouvant en découler pour d’autres prestations », figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous a), permet qu’un État membre, eu égard au principe de cohérence, prévoie que les prestations d’invalidité qui ont pour fonction de remplacer le revenu procuré par l’activité professionnelle cessent d’être payées et sont remplacées par la pension de retraite au moment où les bénéficiaires arrêteraient de toute façon de travailler du fait qu’ils atteignent l’âge de la retraite (CJCE 11 août 1995, aff. C-92/94, Graham, Dr. soc. 1997. 397, chron. S. Van Raepenbusch ; ibid. 510, chron. S. Van Raepenbusch ; et pour une allocation destinée à compenser la diminution de salaire consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, v. CJCE 23 mai 2000, aff. C-196/98, Hepple, AJDA 2000. 808, chron. H. Chavrier, H. Legal et G. de Bergues ; D. 2000. 196, et les obs. ; Dr. soc. 2003. 751, chron. S. Van Raepenbusch ).
Elle en déduit qu’en l’espèce, le dispositif de préretraite instauré par le plan de sauvegarde de l’emploi est justifié par un but légitime étranger à toute discrimination en raison du sexe dès lors que les prestations de préretraite, ayant pour fonction de remplacer le revenu procuré par l’activité professionnelle dans l’attente de l’âge auquel le salarié est en droit de prétendre à une retraite à taux plein, cessent d’être versées à cette date objective, la pension de retraite étant servie au terme du versement des prestations de préretraite.
Lorsque les parties ont exprimé leur volonté de voir renouveler le contrat aux mêmes clauses et conditions du précédent bail, sans mention d’aucune réserve, la formule « aux mêmes clauses et conditions » emporte accord exprès et précis sur le prix du loyer du bail, de sorte que la demande ultérieure en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.
Le préfet du Doubs avait autorisé la société Maillard à exploiter une carrière de roches massives sur le territoire de la commune de Semondans, après lui avoir délivré une autorisation de dérogation au régime de protection des espèces en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement. Le tribunal administratif de Besançon ayant annulé ce dernier arrêté au motif qu’il était insuffisamment motivé, le préfet, estimant que cette annulation faisait obstacle à la poursuite de l’exploitation de la carrière litigieuse et rendait nécessaire a minima une modification de l’autorisation d’exploitation, a mis en demeure la société Maillard de régulariser sa...
Dans un rapport publié le 4 mai et consacré aux droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la Défenseure des droits, Claire Hédon, tire la sonnette d’alarme sur les atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés des résidents.
Ces six dernières années, l’institution a été saisie de 900 réclamations dénonçant les conditions et modalités d’accompagnement...
Dans un rapport publié le 4 mai et consacré aux droits fondamentaux des personnes âgées accueillies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), la Défenseure des droits, Claire Hédon, tire la sonnette d’alarme sur les atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés des résidents.
Ces six dernières années, l’institution a été saisie de 900 réclamations dénonçant les conditions et modalités d’accompagnement...
Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire entend tirer les conséquences de la politique vaccinale et de l’adoption de mesures de freinage de la diffusion du virus, bien que la situation demeure « problématique » et « incertaine », selon le Conseil d’État. Ce dernier estimant que « le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient […] le maintien des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie, pour une durée adéquate ».
L’instauration d’un dispositif de sortie de l’état d’urgence sanitaire
La principale mesure est un dispositif de gestion de la sortie de crise sanitaire à compter du 2 juin et ce jusqu’au 31 octobre 2021. Le Premier ministre pourra prendre une série de mesures dont :
réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, interdire ou restreindre les déplacements de personnes ;réglementer l’ouverture au public de certains établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation ;réglementer les rassemblements de personnes sur la voie publique.En Commission des lois, les députés ont adopté un amendement permettant en outre d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile entre 21 heures et 6 heures, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, et ce jusqu’au 30 juin. Selon l’exposé des motifs, cela se justifie par « la dynamique de l’épidémie observée ces dernières semaines, et de sa trajectoire prévisible d’ici la fin du mois de juin ».
Passe sanitaire
L’un des principaux points de crispation concerne la mise en place d’un futur « passe sanitaire ». Le régime transitoire permettait d’ores et déjà (loi du 9 juill. 2020), d’imposer à un passager aérien la présentation d’un test de dépistage...
Le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire entend tirer les conséquences de la politique vaccinale et de l’adoption de mesures de freinage de la diffusion du virus, bien que la situation demeure « problématique » et « incertaine », selon le Conseil d’État. Ce dernier estimant que « le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient […] le maintien des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie, pour une durée adéquate ».
L’instauration d’un dispositif de sortie de l’état d’urgence sanitaire
La principale mesure est un dispositif de gestion de la sortie de crise sanitaire à compter du 2 juin et ce jusqu’au 31 octobre 2021. Le Premier ministre pourra prendre une série de mesures dont :
réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules, interdire ou restreindre les déplacements de personnes ;réglementer l’ouverture au public de certains établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation ;réglementer les rassemblements de personnes sur la voie publique.En Commission des lois, les députés ont adopté un amendement permettant en outre d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile entre 21 heures et 6 heures, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé, et ce jusqu’au 30 juin. Selon l’exposé des motifs, cela se justifie par « la dynamique de l’épidémie observée ces dernières semaines, et de sa trajectoire prévisible d’ici la fin du mois de juin ».
Passe sanitaire
L’un des principaux points de crispation concerne la mise en place d’un futur « passe sanitaire ». Le régime transitoire permettait d’ores et déjà (loi du 9 juill. 2020), d’imposer à un passager aérien la présentation d’un test de dépistage...
Une assignation, même délivrée avant l’expiration du délai d’un an prévu à l’article 1792-6, ne peut suppléer la notification préalable à l’entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception.
Sans préjudice de dispositions particulières, lorsque les dispositions du titre relatif aux déchets s’appliquent sur le site d’une installation classée pour la protection de l’environnement, l’autorité titulaire du pouvoir de police des déchets est l’autorité chargée du contrôle de cette installation classée.
Les règles présidant à l’acquisition de la qualité d’organisation patronale représentative, inspirées de celles applicables aux organisations syndicales de salariés, ont été consacrées par la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014.
L’article L. 2151-1 du code du travail subordonne ainsi la représentativité patronale à la preuve de la réunion de six critères : le respect des valeurs républicaines, l’indépendance, la transparence financière, une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, l’influence, prioritairement caractérisée par l’activité et l’expérience et l’audience, qui se mesure en fonction du nombre d’entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et selon les niveaux de négociation.
L’article L. 2152-1 précise qu’en sus de ces critères, l’organisation patronale doit notamment, pour être représentative au niveau de la branche professionnelle, disposer d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche, et doit justifier d’un nombre d’entreprises adhérentes, à jour de leurs cotisations, représentant soit au moins 8 % de l’ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d’employeurs de la branche, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises.
L’appréciation de ces critères n’a fait l’objet que d’un contentieux mesuré. Certaines décisions rendues en la matière s’emploient cependant à apporter quelques clarifications.
Tel est le cas de l’arrêt du Conseil d’État du 24 avril 2021.
En l’espèce, l’Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) avait demandé à la cour administrative d’appel de Paris d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté de la ministre du Travail du 21 décembre 2017 fixant la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives « dans la convention collective des entreprises du paysage ». L’UNEP faisait notamment grief à l’arrêté de la ministre du Travail d’avoir reconnu représentative la chambre nationale de l’artisanat des travaux publics et des travaux publics (CNATP) et fixé son poids pour la négociation des accords collectifs à 3,5 % et, par conséquent, limité le poids de l’UNEP à 96,5 %.
La cour administrative d’appel de Paris ayant rejeté la requête de l’UNEP, cette dernière s’est alors pourvue en cassation.
L’appréciation du critère de l’indépendance
L’UNEP soutenait en premier lieu que la décision de la cour administrative d’appel de Paris était insuffisamment motivée sur le respect du...
Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté, le 3 mai, la requête de l’association Génération identitaire qui demandait la suspension du décret du président de la République du 3 mars 2021 prononçant sa dissolution. La formation de trois juges, présidée par le président de la section du contentieux, Christophe Chantepy, a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité visant l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure (CSI).
L’association requérante soutenait que cet article était entaché d’atteinte au principe d’égalité en ce qu’il prévoit uniquement la dissolution des associations visées alors que, pour les associations de supporters, l’article L. 332-18...
L’Assemblée nationale a sensiblement renforcé l’ambition du texte sur les menus végétariens dans la restauration collective, en imposant, à partir de 2023, l’obligation de proposer une option végétarienne quotidienne dans les restaurants collectifs des administrations et entreprises publiques, lorsqu’un choix de plats est déjà possible. Les députés n’ont toutefois pas souhaité imposer de nouvelles contraintes aux collectivités locales qui gèrent les cantines des écoles, collèges et lycées, préférant acter la pérennisation des menus végétariens hebdomadaires expérimentés depuis deux ans avec la loi Égalim.
Pour soutenir la transition des modèles de production, les acheteurs publics devront prendre en compte, dans les marchés publics, les considérations liées aux aspects environnementaux des travaux, services ou fournitures achetés. Le sujet de la transition écologique sera par ailleurs intégré parmi les attributions du comité social et économique des entreprises de plus de cinquante salariés.
La loi rend obligatoire l’instauration de « zones à faibles émissions » – limitant la circulation des véhicules les plus polluants – dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici à fin 2024, ce qui portera leur nombre à 43, contre 10 aujourd’hui, et permettra de réduire la pollution de l’air. Le texte interdit l’exploitation de services aériens sur les liaisons intérieures au territoire national dès lors qu’une alternative en train existe en moins de deux heures trente et rend impossible la déclaration d’utilité publique en cas de construction ou d’extension d’aérodrome (à l’exception des aéroports Nantes-Atlantique et Bâle-Mulhouse ainsi que de ceux des départements et collectivités d’outre-mer).
Un droit de préemption spécifique lié au trait de côte
Outre l’introduction d’une définition de l’artificialisation des sols ou l’intégration de l’objectif de réduction par deux du rythme d’artificialisation des sols sur les dix prochaines années dans le code de l’urbanisme est instauré un principe général d’interdiction de création de nouvelles surfaces commerciales qui entraînerait une artificialisation des sols.
Sera créée une stratégie nationale des aires protégées dont l’objectif est de couvrir au moins 30 % de l’ensemble du territoire national et des espaces maritimes sous souveraineté ou juridiction française. Les députés ont introduit de nouvelles dispositions adaptant le droit de l’urbanisme au recul du trait de côté. Elles visent à mieux informer les potentiels acquéreurs et locataires des risques liés à l’érosion littorale, à mieux identifier dans les documents d’urbanisme les zones concernées par le recul du trait de côte à un horizon de trente ans et à un horizon de cent ans et introduisent un droit de préemption spécifique et prioritaire pour les communes littorales exposées au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans.
Le droit pénal de l’environnement sera renforcé d’un délit de mise en danger de l’environnement puni de trois ans de prison et de 300 000 € d’amende et d’un délit général de pollution des eaux et de l’air puni, dans les cas les plus graves qualifiés « d’écocides », de dix ans d’emprisonnement et de 4,5 millions d’euros d’amende.

Si la figure du contrat renvoie par définition à un rapport équilibré et égalitaire, cette conception théorique a rapidement cédé le pas devant la réalité de la relation de travail salariée. Construit à mi-chemin entre contrat et pouvoir, le droit du travail a dû justifier la subordination du salarié et l’expression de l’autorité patronale. Cette difficulté s’est en particulier manifestée s’agissant de la modification par l’employeur des conditions d’emploi du salarié. Depuis la jurisprudence Le Berre (Soc. 10 juill. 1996, n° 93-40.966 P, Dr. soc. 1996. 976, obs. H. Blaise ), on distingue classiquement la modification du contrat de travail du simple changement des conditions de travail. La modification du contrat de travail s’analyse comme une atteinte à un élément essentiel du contrat (rémunération, qualification, lieu de travail, temps de travail). La mesure projetée par l’employeur ne peut aboutir que si le salarié y consent. En revanche, le simple changement des conditions de travail, lié au pouvoir de direction de l’employeur, s’impose au salarié qui ne peut refuser sous peine de se voir reprocher une insubordination.
Le problème se pose en des termes sensiblement identiques lorsque la modification du contrat de travail intervient à titre de sanction disciplinaire. Dans cette hypothèse, le pouvoir disciplinaire de l’employeur infuse la sphère contractuelle. Si l’employeur dispose en principe d’une grande latitude en ce qui concerne la sanction des manquements du salarié, il se trouve ici confronté au cadre contractuel préétabli. Il en va notamment ainsi en cas de rétrogradation ou de mutation disciplinaire puisque cela emporte un changement de qualification professionnelle ou de lieu de travail. On sait de longue date qu’une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire, ne peut être imposée au salarié (Soc. 16 juin 1998, n° 95-45.033 P, Hôtel Le Berry, D. 1999. 125 , note C. Puigelier ; ibid. 171, obs. M.-C. Amauger-Lattes ; ibid. 359, chron. J. Mouly ; Dr. soc. 1998. 803, rapp. P. Waquet ; ibid. 1999. 3, note C. Radé ; 15 juin 2000, nº 98-43.400 ; 17 juin 2009, nº 07-44.570 P, Dalloz actualité, 30 juin 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1765, obs. S. Maillard ). S’agissant d’une rétrogradation, ce dernier est libre de refuser, l’employeur étant toutefois admis à prononcer une autre sanction, y compris un licenciement pour faute au lieu et place de la sanction initiale (Soc. 11 févr. 2009, n° 06-45.897 P, Dalloz actualité, 24 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 1738, obs. S. Maillard , note J. Mouly ). Si le problème naît le plus souvent du refus opposé par le salarié, l’acceptation expresse de celui-ci n’est pas sans poser quelques difficultés. En effet, le salarié qui accepte de manière claire et non équivoque les conditions d’une rétrogradation disciplinaire est-il admis à contester par ailleurs le bien-fondé de la sanction ? Telle était la question soumise à la Cour de cassation à l’occasion d’un arrêt du 14 avril 2021.
En l’espèce, un salarié s’était vu notifier, sous réserve de son acceptation, une rétrogradation disciplinaire emportant diminution de sa rémunération brute mensuelle à raison d’un comportement jugé violent et agressif à l’égard d’un directeur. Le salarié avait d’abord accepté le changement de poste, lequel avait été contractualisé par voie d’avenant, avant de saisir la juridiction prud’homale d’une demande en annulation de la sanction. Celui-ci souhaitait ainsi obtenir le rétablissement sous astreinte dans un poste de qualification et rémunération équivalentes à son précédent emploi. Par jugement du 10 mai 2016, le salarié obtenait l’annulation de la sanction de rétrogradation et était réintégré dans la catégorie socioprofessionnelle qu’il occupait avant la notification de sa rétrogradation. L’employeur contestait le jugement devant la cour d’appel de Paris et obtenait gain de cause. Pour la cour d’appel, le salarié n’était pas fondé à remettre en cause la sanction dès lors qu’il avait signé l’avenant entérinant sa rétrogradation disciplinaire (Paris, 12 déc. 2018, n° 16/08871). Estimant que la simple signature d’un avenant portant rétrogradation disciplinaire ne prive pas le salarié de la faculté de contester la sanction dont il a fait l’objet, le salarié formait un pourvoi en cassation.
Dans un arrêt du 14 avril 2021, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris en ce qu’il considérait la sanction fondée et déboutait le salarié des demandes formées à ce titre. Pour la haute juridiction, « l’acceptation par le salarié de la modification du contrat de travail proposée par l’employeur à titre de sanction n’emporte pas renonciation du droit à contester la régularité et le bien-fondé de la sanction ». Avec cette solution, la chambre sociale renoue avec une jurisprudence ancienne consistant à admettre que le salarié a bien un intérêt à agir en vue de la contestation de la rétrogradation disciplinaire même s’il a consenti à sa mise en œuvre. (Soc. 18 juin 1997, nº 95-40.598). Quand bien même le salarié accepte la rétrogradation, le conseil de prud’hommes est tenu d’apprécier la régularité de la procédure suivie et de vérifier si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier la sanction.
Dans le cas présent, la cour d’appel s’était contentée de relever que l’intéressé avait retourné l’avenant signé et comportant la mention « lu et approuvé » dans lequel figuraient son nouvel emploi avec ses attributions, son lieu de travail, ses conditions d’hébergement, sa rémunération et la durée du travail. Aux termes des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, et en dépit de l’accord exprès du salarié, les juges se devaient de vérifier si la sanction était régulière en la forme et justifiée ou proportionnée à la faute commise. Pour la chambre sociale, le juge ne peut en aucun cas se soustraire au contrôle juridictionnel de la motivation de la sanction. Dès lors, la cour d’appel ne pouvait pas se retrancher derrière la signature, en parfaite connaissance de cause, de l’avenant consolidant la modification de la qualification professionnelle et, par voie de conséquence, de la rémunération. Les juges devaient nécessairement « s’assurer […] de la réalité des faits invoqués par l’employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée au salarié ».
On sait que l’acceptation par le salarié de la modification intervenue à titre de sanction ne peut résulter de son silence et de la seule poursuite du contrat de travail aux conditions nouvelles (Soc. 15 juin 2000, n° 98-43.400 ; 1er avr. 2003, n° 01-40.389 P, Dr. soc. 2003. 666, obs. A. Mazeaud ). Toutefois, lorsqu’il est possible de réunir des éléments manifestant la volonté claire et non équivoque du salarié, ni ce dernier ni l’employeur ne peuvent logiquement imposer le retour à l’état antérieur du contrat. Dès lors que la rétrogradation disciplinaire avait été soumise à l’assentiment du salarié et qu’il n’était pas en mesure de justifier de l’existence d’un vice de consentement, celui-ci aurait pu se voir opposer la novation du contrat de travail en application de l’article 1103 du code civil. Cela est d’autant plus vrai si l’on admet que la jurisprudence Hôtel Le Berry a été justifiée au nom du droit commun des contrats. En effet, suivant la théorie contractuelle du pouvoir, l’employeur tire ses prérogatives de la force obligatoire du contrat et de l’adhésion légitimante du salarié : la mise en œuvre du pouvoir disciplinaire se trouve à la fois justifiée et restreinte par le consentement du salarié. À ce titre, le raisonnement de la cour d’appel était tout à fait audible.
Telle n’est pourtant pas la voie suivie par la chambre sociale. Le fait pour le salarié de contractualiser la modification de sa qualification professionnelle n’induit pas le renoncement à une action en contestation de la sanction disciplinaire. C’est une chose de consentir à la modification de la qualification professionnelle, c’en est une autre d’approuver la véracité et la gravité des griefs invoqués à l’appui de la sanction. Le salarié est donc légitime à invoquer le « socle contractuel » pour contraindre l’employeur dans la mise en œuvre de la modification disciplinaire du contrat de travail. En revanche, l’employeur ne peut pas s’appuyer sur l’avenant valablement signé pour faire obstacle à l’action en contestation de la sanction initiée par le salarié.
La solution mérite d’être saluée. Dans la pratique, le salarié aura tendance à accepter la modification disciplinaire de son contrat de travail par crainte que son refus n’aboutisse à un licenciement à raison des faits fautifs qui lui sont imputés. Dans ces circonstances, la « valeur de la parole donnée » doit donc être largement relativisée. Priver le salarié de sa faculté de contester par ailleurs le bien-fondé de la sanction reviendrait à occulter cette situation de fait et l’obligation qui incombe au juge de contrôler systématiquement les manquements invoqués et leur caractère fautif ainsi que la licéité et la proportionnalité de la sanction.
Dans un arrêt du 15 avril 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur la recevabilité de l’appel contre un jugement d’orientation ordonnant la vente forcée d’un immeuble, dans la circonstance où une seconde déclaration d’appel a été formée pour appeler à la cause des créanciers inscrits omis dans la première déclaration d’appel.

En l’espèce, l’avocat général doyen, procureur général par intérim de la cour d’appel, a infligé un avertissement à une substitute du procureur de la République, pour avoir manqué aux devoirs de l’état de magistrat, notamment aux devoirs de loyauté, de réserve, de dignité et de délicatesse envers ses collègues et pour avoir porté atteinte à l’image de l’institution judiciaire.
Il lui était reproché, d’une part, d’avoir tenu des propos agressifs à l’égard de deux collègues magistrats et, d’autre part, d’avoir adopté des initiatives personnes dans la réquisition de peines contraires aux orientations de politique pénale définies par le procureur de la République conduisant à des incohérences dans l’action du parquet, sans concertation avec ses collègues et sa hiérarchie et, enfin, d’avoir eu des « usages inappropriés » des réseaux sociaux.
L’avertissement du magistrat, entre outil hiérarchique et mesure pré-disciplinaire
L’article 44 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature confère le pouvoir à l’inspecteur général des services judiciaires, aux chefs de cour et aux directeurs ou chefs de service de l’administration centrale de délivrer un avertissement aux magistrats placés sous leur autorité. L’avertissement est automatiquement effacé du dossier du magistrat, si aucun nouvel avertissement ou aucune sanction disciplinaire n’est intervenu dans un délai de trois ans.
La procédure d’avertissement, qui n’a pas la nature d’une sanction disciplinaire, s’exerce en dehors du cadre juridique, défini aux sections suivantes de l’ordonnance, relatif aux poursuites exercées devant le Conseil supérieur de la magistrature. L’avertissement peut toutefois faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif, dans un délai de deux mois francs, en application des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative, auquel cas le Conseil d’État est compétent en premier ressort pour statuer sur la légalité de la mesure (CE 13 juill. 2012, n° 342633, Jacob, Lebon ; AJDA 2012. 2359 ).
Jusqu’en 2016, l’ordonnance statutaire de 1958 ne fixait aucune règle procédurale encadrant la délivrance d’une telle mesure. En revanche, et parce qu’elle comporte certains effets similaires, la jurisprudence administrative a progressivement défini, dans le silence de la loi, les règles procédurales qu’il convient de respecter ainsi que les garanties...
L’arrêt ici rapporté illustre parfaitement les difficultés que présente le contentieux des procédures dérogatoires liées à la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris.
Dans le cas d’espèce, une procédure d’expropriation a été lancée par Société du Grand Paris (la SGP) au profit d’un bien situé à Alfortville, appartenant à Monsieur R.
Monsieur R. s’est pourvu en cassation contre l’ordonnance du juge de l’expropriation du département du Val-de-Marne du 4 février 2020, ayant ordonné le transfert de propriété, au profit de la SGP, de la parcelle lui appartenant.
Le demandeur au pourvoi estimait que le tribunal judiciaire de Paris était compétant pour connaître des procédures liées à la réalisation du réseau...
La compétence du juge de l’expropriation de Paris est limitée à la fixation des indemnités réparant les préjudices causés par la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris et ne s’étend pas au prononcé de l’expropriation et au transfert de propriété.
La communauté de communes d’Erdre et Gesvres souhaite réhabiliter l’ancien centre de tri postal de la commune de Nort-sur-Erdre pour le reconvertir en locaux associatifs et détruire le centre de secours attenant à ce bâtiment pour y construire une « maison de l’emploi » ainsi que des logements sociaux. Pour ce faire, la communauté de communes, maître d’ouvrage de l’opération de reconversion de l’ancien centre de tri postal et de construction de la maison de l’emploi, mandate la conduite de l’opération à l’office public de l’habitat (OPH) « Habitat 44 », déjà maître d’ouvrage de l’opération de construction des logements sociaux. Dans le cadre de ces deux opérations, le lot relatif au « gros œuvre » est attribué à la société Constructions Bâtiments Immobiliers (CBI) par actes d’engagement du 8 octobre 2009, pour un montant total de 460 460 € TTC.
Au cours des travaux, l’OPH met la société CBI en demeure d’achever les travaux et de reprendre les malfaçons les afférant. Estimant que la société CBI n’y a pas déféré, il décide le 23 septembre 2011 de résilier les marchés concernés aux frais et risques de la société. Pour remédier aux malfaçons relevées sur le lot « gros œuvre », l’OPH conclut d’une part un marché portant sur le lot « gros œuvre » avec la société Eiffage, et d’autre part, des avenants aux lots « terrassement, VRD, espaces verts », « sols coulés », « étanchéité multicouches », « couverture et bardage zinc », « revêtements de sols » et « plomberie sanitaire ».
Le 21 avril 2016, l’OPH notifie à la société CBI les décomptes généraux des deux marchés, faisant état, en ce qui concerne l’opération de construction réalisée sous la maîtrise d’ouvrage d’Habitat 44, d’un solde débiteur à la charge de la société CBI de plus de 82 000 €, après l’application de pénalités et d’une retenue au titre de l’ensemble des travaux de reprise, et, en ce qui concerne l’opération de réhabilitation du centre de tri postal réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de la communauté de communes d’Erdre et Gesvres, d’un solde débiteur de près de 78 000 €, également après l’application de pénalités et d’une retenue au titre de l’ensemble des travaux de reprise.
Après avoir contesté, en vain, ces décomptes généraux, la société CBI est condamnée par un jugement du 26 septembre 2018 du tribunal administratif de Nantes au versement des sommes susmentionnées à l’OPH et à la communauté de communes. Par un arrêt du 25 octobre 2019, la cour administrative de Nantes rejette la requête en appel de la société CBI qui se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’État annule l’arrêt du 25 octobre 2019 de la cour administrative...
À la suite de la mise en œuvre d’une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée (l’EPAEM) a acquis, par voie de cession amiable, les parcelles nécessaires à la réalisation d’un projet.
Les biens en cause étant occupés par plusieurs sociétés locataires, l’EPAEM a saisi le juge de l’expropriation aux fins de fixation des indemnités d’éviction revenant aux sociétés commerçantes.
À l’occasion de la première instance, les sociétés expropriées ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité devant la juridiction d’expropriation des Bouches-du-Rhône, qui a été transmise à la Cour de cassation : « Les dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique en ce qu’elles ne s’appliquent pas aux locataires occupant un bien ayant fait l’objet d’un transfert de propriété par voie de cession amiable au profit de l’expropriant portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe d’égalité devant la loi et la liberté d’entreprendre ? »
Par une décision du 21 janvier 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a renvoyé cette question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel (Dalloz actualité, 18 févr. 2021, obs. A. Cayol).
L’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique prévoit que, devant le juge de l’expropriation saisi de l’indemnisation et sous réserve que l’ordonnance d’expropriation soit intervenue, les locataires d’un bien faisant l’objet d’une procédure d’expropriation peuvent obtenir le paiement d’un acompte représentant, en principe, la moitié du montant de l’indemnité proposée par l’expropriant.
Cette disposition, permettant au locataire d’un bien exproprié d’obtenir le paiement d’un acompte sur l’indemnité qui lui est due, a été instaurée par le législateur en vue de faciliter la réinstallation du locataire exproprié dans un autre local.
Les sociétés requérantes reprochaient aux dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique de réserver le bénéfice d’un acompte sur l’indemnité d’éviction aux seuls locataires d’un bien faisant l’objet d’une procédure d’expropriation lorsque le transfert de propriété est opéré par voie d’ordonnance d’expropriation et d’en exclure les locataires d’un même bien dont le transfert de propriété est opéré par cession amiable.
Lors de l’audience de cette QPC devant le Conseil constitutionnel, le Premier ministre a tenté de sauver cette disposition en s’appuyant sur l’article L. 222-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, selon lequel l’ordonnance d’expropriation ainsi que les cessions amiables, consenties après déclaration d’utilité publique ou, lorsqu’il en est donné acte par le juge, antérieurement à cette déclaration, éteignent tous les droits réels ou personnels existant sur les immeubles expropriés.
Le Premier ministre soutenait une approche extensive de l’article L. 222-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui permettrait aux dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique d’être applicable non seulement lors d’un transfert de propriété du bien opéré par une ordonnance d’expropriation mais également lors d’une cession amiable.
Toutefois, dans la décision rapportée, le Conseil constitutionnel n’adhère pas à ce raisonnement, préférant reprendre celui des sociétés requérantes, et considère que les dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique excluent « la possibilité de percevoir un acompte sur l’indemnité les locataires d’un bien dont le transfert de propriété a été opéré par cession amiable. Elles instituent ainsi une différence de traitement entre les locataires d’un bien exproprié selon que le transfert de propriété du bien qu’ils louent a été opéré par une ordonnance d’expropriation ou par une cession amiable ».
Une fois ce constat effectué, le Conseil constitutionnel vérifie que la différence de traitement opérée entre les locataires n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi.
Pour rappel, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
Le Conseil constitutionnel considère en l’espèce que « la circonstance que le transfert de propriété du bien loué soit opéré par une ordonnance d’expropriation ou par une cession amiable ne rend pas compte, au regard de l’objet de la loi, d’une différence de situation entre les locataires », et cela pour deux raisons :
d’une part, les conséquences sur les droits du locataire sur le bien loué ainsi que sur son droit à indemnisation sont identiques, que le transfert de propriété de ce bien procède d’une ordonnance d’expropriation ou d’une cession amiable ;d’autre part, ni l’ordonnance d’expropriation ni les stipulations d’une cession amiable conclue entre l’expropriant et le propriétaire du bien n’ont pour objet de déterminer les conditions d’indemnisation et d’éviction du locataire.
Dans ces conditions, le Conseil constitutionnel décide que les dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique contestée « méconnaissent le principe d’égalité devant la loi et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution ».
Afin d’éviter de priver les propriétaires et locataires occupant un bien exproprié de la possibilité d’obtenir le versement d’un acompte, le Conseil constitutionnel s’abstient de prononcer l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution et décide d’une abrogation avec effet différé, pour permettre au législateur de réécrire la disposition contestée.
Ainsi, le Conseil constitutionnel reporte « au 1er mars 2022 la date de cette abrogation » et précise que « les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ».
Les dispositions de l’article L. 323-3 du code de l’expropriation, qui instituent une différence de traitement entre les locataires d’un bien exproprié selon que le transfert de propriété du bien qu’ils louent a été opéré par une ordonnance d’expropriation ou par une cession amiable, sont contraires à la Constitution.

Entre 1998 et 2005, cinq marchés publics relatifs à la fourniture de panneaux de signalisation routière, pour un montant total d’environ 15 millions d’euros, sont attribués par le département de la Loire-Atlantique à la société Lacroix Signalisation. Il s’avère que cette société, ainsi que sept autres entreprises, se sont entendues entre 1997 et 2006 sur la répartition et le prix de ce type de marchés publics. Elles ont été condamnées, pour ce motif, par une décision n° 10-D-39 de l’Autorité de la concurrence rendue le 22 décembre 2010.
Dès lors qu’une entente anti-concurrentielle constitue un dol puisqu’elle conduit à vicier le consentement de la personne publique à entrer dans un lien contractuel (CE 9 déc. 2007, n° 268918, Campenon-Bernard, Lebon ; AJDA 2008. 6 ; ibid. 814 , note J.-D. Dreyfus ; RFDA 2008. 109, note F. Moderne ), le département de la Loire-Atlantique entend obtenir réparation du dommage causé par ces pratiques.
Le tribunal administratif de Nantes, par une ordonnance du 31 août 2015, désigne un expert qui, dans un rapport du 13 mai 2016 et un rapport complémentaire du 7 juillet suivant, évalue le préjudice à environ 5 millions d’euros. La société Lacroix Signalisation demande alors l’annulation des opérations d’expertise ; par un jugement du 19 juin 2019, le tribunal administratif rejette les demandes de la société et la condamne à verser au département de la Loire-Atlantique la somme principale de 3 746 476 €. La société Lacroix City Saint-Herblain, qui vient aux droits de la société Lacroix Signalisation, se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 6 mars 2020 par lequel la cour administrative de Nantes a d’une part rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Nantes, et d’autre part fait droit aux conclusions de l’appel incident du département de la Loire Atlantique en portant la somme mise à la charge de cette société à 4 121 124 €.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi et précise, dans le cadre de l’indemnisation du préjudice subi par une personne publique...
Afin de mener à bien ses missions, et notamment de lui permettre de rendre un avis utile lors des consultations opérées par le chef d’entreprise, le comité social et économique dispose de la possibilité de recourir à des expertises.
Ces dernières, menées par un expert-comptable ou un expert habilité, peuvent ainsi concerner les orientations stratégiques de l’entreprise (C. trav., art. L. 2315-87), sa situation économique et financière (C. trav., art. L. 2315-88 s.) ou encore la politique sociale de celle-ci, les conditions de travail et l’emploi (C. trav., art. L. 2315-91 s.). Au-delà de ces expertises, qui visent les consultations récurrentes du CSE (C. trav., art. L. 2312-17 s.), un expert peut également être désigné à l’occasion de certaines opérations exceptionnelles dans l’entreprise : utilisation du droit d’alerte économique, licenciement collectif, OPA… (C. trav., art. L. 2315-92).
Plus originale est l’expertise prévue, pour les entreprises d’au moins 300 salariés, par les articles L. 2315-94 3° et L. 2315-95 du code du travail. Celle-ci vise à permettre de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle dans l’entreprise (l’existence de ces deux dispositions concurrentes sur le même sujet est d’ailleurs...
Dans une préconisation du 21 avril 2021, le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO) s’intéresse à la mise en conformité du règlement de copropriété avec les dispositions relatives aux parties communes spéciales.
Lors de sa conférence de presse, donnée le 30 juin 2020 à la suite de la sortie du décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 fixant les règles en matière d’open data des décisions de justice, le vice-président du Conseil d’État a indiqué que la juridiction administrative devrait être en mesure de mettre en ligne les décisions du Conseil d’État et des cours au...
Les dispositions du décret JADE, n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 qui ont soumis les litiges indemnitaires en matière de travaux publics à l’exigence d’une décision préalable ne s’applique pas quand est en cause une personne morale de droit privé qui n’est pas chargée d’une mission de service public administratif.
Par un avis rendu dans le cadre d’un contentieux opposant une communauté de...

Le recours hiérarchique auprès du ministre du Travail contre la décision de l’inspecteur du travail concernant l’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est un sujet lourd de conséquences, qui a pu déjà faire naître un certain contentieux. Ainsi, il avait été précédemment jugé qu’en cas de décision confirmative expresse, le ministre ne peut pas légalement, à la fois confirmer l’autorisation de l’inspecteur du travail, seule créatrice de droits, et dans la même décision, délivrer une seconde autorisation de licenciement (CE 5 sept. 2008, n° 303992 A, Sté Sorelait, AJDA 2008. 1630 ; Dr. soc. 2008. 1251, concl. Y. Struillou ; RJS 2008, n° 1101) ; dans ce cas, la demande tendant à l’annulation de la seule décision ministérielle doit être regardée comme tendant également à l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail (CE 5 sept. 2008, n° 303707 A, Sté Sapa Profiles Puget, AJDA 2008. 1630 ; Dr. soc. 2008. 1251, concl. Y. Struillou ; SSL 2009, n° 1388).
Mais qu’en est-il lorsque l’inspecteur du travail a, après avoir une première fois autorisé le licenciement, retiré sa décision pour de nouveau formuler une décision d’autorisation ? Le ministre doit-il statuer sur les deux décisions successives ou peut-il se borner à se prononcer sur la dernière d’entre elles lorsqu’il entend refuser l’autorisation ? C’est sur terrain et sur la question de l’office du ministre dans le cadre d’un recours hiérarchique que l’arrêt du 16 avril 2021 nous apporte des éléments de réponse.
En l’espèce, une salariée protégée avait fait l’objet d’une procédure de licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement, au cours de laquelle l’inspecteur du travail a successivement refusé par décision implicite la demande d’autorisation de licencier adressée par l’employeur, retiré sa décision de refus pour lui substituer une décision d’autorisation, puis a à nouveau retiré sa décision d’autorisation, pour finalement de nouveau prendre une décision d’autorisation de licenciement.
L’intéressée avait alors formé un recours hiérarchique auprès du ministre du Travail contre la décision de l’inspecteur du travail.
Le ministre ainsi saisi a, par une première décision implicite, rejeté...
L’ordonnance du 21 avril 2021 crée de nouvelles violations des règles antidopage : une nouvelle catégorie de substances, dites « d’abus », est créée. Ces produits interdits sont considérés comme avant tout récréatifs et les sportifs, lorsqu’ils démontrent que l’usage est intervenu hors compétition,...
Dans cet ouvrage qui compte parmi les modèles du genre judiciaire, Florence Aubenas propose, au terme d’un parcours qui mène des lieux du crime aux ramifications impressionnantes du dossier d’instruction, une passionnante enquête autour d’un meurtre sordide.
Si le locataire restaurateur empêché d’exploiter du fait de la réglementation covid doit continuer à verser ses loyers, la demande de règlement des intérêts et pénalités contractuelles de retard relève de l’appréciation des juges du fond.
Des travaux d’extension du réseau de chauffage urbain, de l’Eurométropole de Strasbourg ont provoqué l’effondrement d’une liaison haute tension exploitée par la société Électricité de Strasbourg (EDS). Cette dernière a saisi le juge du référé provision, qui a condamné le titulaire à indemniser EDS et le maître d’ouvrage à garantir intégralement le constructeur. L’Eurométropole se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy qui a augmenté le montant de la...
En l’espèce, une salariée avait été engagée en qualité de chef de projet par une société qui fit l’objet d’une absorption en date du 1er octobre 2012. L’intéressée fut convoquée par son employeur initial le 24 septembre à un entretien préalable à un éventuel licenciement ayant eu lieu le 9 octobre de la même année, qui déboucha sur un licenciement pour motif économique quelques jours plus tard par la société absorbante, à laquelle avait été transféré son contrat dans le cadre de la fusion-absorption.
La salariée a ensuite saisi la juridiction prud’homale, notamment afin de solliciter le paiement d’indemnités réparant le préjudice causé par la privation du bénéfice des dispositions du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) arrêté le 28 novembre au sein de la société absorbante, soit plus d’un mois après son licenciement.
Les juges du fond la déboutèrent de sa demande, de sorte que celle-ci se pourvût en cassation. Selon l’intéressée, le licenciement étant intervenu pendant l’élaboration du PSE, elle devait pouvoir prétendre au bénéfice de son contenu, notamment des dispositions relatives à l’indemnité de licenciement supraconventionnelle ainsi que celles relatives au bénéfice du versement d’une somme prévue pour les salariés justifiant d’un projet de création d’entreprise.
La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi va, au visa de l’article L. 1233-61 du code du travail dans sa version applicable au moment des faits ainsi que de l’article 1231-1 du code civil, casser l’arrêt d’appel. Elle va, en effet, affirmer le principe selon lequel le PSE ne peut s’appliquer à un salarié dont le contrat a été rompu avant son adoption, tout en le nuançant immédiatement en précisant que salarié qui a été privé...
En 2017, les parlementaires se sont imposés de nombreuses réformes : contrôle des frais de mandat, fin des collaborateurs familiaux, suppression de la réserve parlementaire, réduction du régime de retraite. Des règles qui semblent naturelles, mais qui étaient inenvisageables il y a quelques années.
Le rapport d’Agnès Roblot-Troizier, l’ancienne déontologue de l’Assemblée (elle a été remplacée fin 2020 par Christophe Pallez) permet de faire le point sur cette « révolution déontologique ». Celui du comité de déontologie du Sénat, présidé par le sénateur Arnaud Bazin, est moins disert, conformément à la tradition sénatoriale de « laver son linge sale en famille ».
En deux ans, la déontologue de l’Assemblée a été sollicitée 1 919 fois. 83 % des députés l’ont saisi au moins une fois. En comparaison, Ferdinand Mélin-Soucramanien, le prédécesseur d’Agnès Roblot-Troizier ne recevait qu’une cinquantaine de demandes de conseil par an. Il y a donc un nouveau réflexe déontologique des parlementaires.
Quelques...
La haute juridiction était saisie pour la seconde fois d’une sanction prononcée, en avril 2018, par l’AFLD à l’encontre d’un sportif. En février 2019 (CE 28 févr. 2019, n° 423635, JS 2019, n° 196, p. 9, obs. J. Mondou), elle avait annulé cette sanction car, à la date des faits et de la sanction, c’est la fédération sportive qui était compétente. En décembre 2019, le collège de l’AFLD a décidé d’engager de nouvelles poursuites pour les mêmes faits et a saisi la commission des sanctions de l’Agence qui a prononcé une nouvelle sanction.
Pouvoir de sanction de l’AFLD
L’annulation de la sanction ne faisait pas obstacle à ce que puisse être engagée, à raison des mêmes faits, une nouvelle procédure de...
Après la remise du rapport Frouin au ministre du Travail fin décembre 2020 formulant ses propositions pour « réguler les plateformes numériques » au gouvernement, la ministre du Travail avait en effet missionné une task force composée de Bruno Mettling, Mathias Dufour et Pauline Trequesser pour travailler un projet d’ordonnance relatif aux « modalités de représentation » des travailleurs de plateforme de transport « et les conditions d’exercice de cette représentation ».
L’ordonnance est prise sur le fondement de l’habilitation prévue au 2° de l’article 48 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, qui autorise le gouvernement à prendre les mesures nécessaires afin de déterminer les modalités de représentation des travailleurs indépendants définis à l’article L. 7341-1 du code du travail recourant pour leur activité aux plateformes mentionnées à l’article L. 7342-1 du même code et les conditions d’exercice de cette représentation. Cette habilitation détermine conséquemment le périmètre de cette nouvelle représentation qui n’a vocation à s’appliquer qu’aux seuls travailleurs indépendants des plateformes qui fixent les prix et les services et ne concerne donc que le secteur d’activités des VTC (conduite d’une voiture de transport avec chauffeur) et le secteur des livraisons à vélo, scooter ou tricycle.
Dans ces deux secteurs d’activité – qui représentent près de 100 000 travailleurs –, une élection nationale, à tour unique et par vote électronique, sera organisée afin de permettre aux travailleurs indépendants de désigner les organisations qui les représenteront. Il s’agira d’un scrutin sur sigle. L’objectif étant d’assurer de la continuité, dans un secteur où les changements sont nombreux et où le turn-over des travailleurs est...
L’action en expulsion d’un occupant sans droit ni titre, fondée sur le droit de propriété, constitue une action en revendication qui n’est pas susceptible de prescription.

Bien qu’il s’inscrive dans un régime général instauré jusqu’au 31 décembre 2021, l’état d’urgence sanitaire ne peut être maintenu en vigueur au-delà du 1er juin, les parlementaires ayant instauré une date butoir afin de pouvoir exercer un contrôle des mesures de confinement qui portent atteintes considérables aux libertés individuelles et publiques (L. n° 2021-160, 15 févr. 2021, art. 1 et 2 ; v. AJDA 2021. 303 ). Il fallait donc que l’exécutif propose un nouveau texte à la représentation nationale pour pouvoir continuer à bénéficier des prérogatives nécessaires pour combattre l’épidémie de covid-19.
L’amorce d’une sortie
Le projet de loi, présenté en conseil des ministres le 28 avril, instaure donc un régime transitoire à compter du 2 juin et jusqu’au 31 octobre 2021, visant à amorcer le rétablissement des règles de droit commun. Ce régime est repris de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, validé avec réserves par le Conseil constitutionnel (9 juill. 2020, n° 2020-803 DC, AJDA 2020. 2274, note M. Verpeaux ). Il permet au pouvoir réglementaire de garder la possibilité de limiter les déplacements et l’utilisation des moyens de transport, de restreindre les conditions d’ouverture de certains établissements recevant du public et de limiter les réunions et rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Dans ce cadre, le Premier ministre pourra imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’une collectivité d’outre-mer de présenter un test de dépistage négatif, un certificat de vaccination ou un document attestant de leur rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, ce qui correspond au projet de certificat vert numérique de la Commission européenne. Saisi pour avis, le Conseil d’État estime que « le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient dès lors le maintien des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie, pour une durée adéquate » (avis n° 402632, NOR : PRMX2111684L).
Seront maintenues les mesures d’adaptation des règles applicables aux juridictions qui autorisent notamment le recours, pour la tenue d’une audience ou d’une audition, à des moyens de télécommunication audiovisuelle ou de communication électronique, ainsi que le transfert de compétence d’une juridiction empêchée vers une autre juridiction. Seront également prolongées, d’une part, les mesures mises en place par l’article 6 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 pour permettre la tenue des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur et, d’autre part, le délai fixé au dernier alinéa de l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 prévoyant notamment les règles de convocation de l’organe délibérant des collectivités territoriales et de leurs groupements et des conseils d’administration et bureaux des services d’incendie et de secours.
Mesures d’isolement et de quarantaine
Afin de faire face à de nouveaux variants et à la circulation hétérogène du virus sur le plan international, les règles relatives aux mesures d’isolement ou de quarantaine sont précisées : comme c’est déjà le cas outre-mer, le représentant de l’État pourra s’opposer au choix du lieu d’hébergement retenu par l’intéressé, s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure et à permettre son contrôle, et de déterminer, le cas échéant, un lieu d’hébergement et permettront de mieux garantir l’effectivité de ces mesures à l’arrivée sur le territoire, notamment des personnes en provenance de zones à risque. Cette disposition est susceptible de porter atteinte au droit des personnes concernées à mener une vie familiale normale, résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const. 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC, Dalloz actualité, 12 juin 2017, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2017. 1197 ; D. 2017. 1193 ; ibid. 2018. 1344, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2017. 345, Décision ; ibid. 449, chron. O. Le Bot ), à leur liberté d’aller et de venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Cons. const. 24 mai 2017, n° 2017-631 QPC, Constitutions 2017. 340, Décision ; ibid. 454, chron. L. Domingo ) ainsi qu’au droit au respect de la vie privée résultant de l’article 2 de cette déclaration (Cons. const. 10 juin 2009, n° 2009-580 DC, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, Dalloz actualité, 11 juin 2009, obs. J. Daleau ; AJDA 2009. 1132 ; D. 2009. 1770, point de vue J.-M. Bruguière ; ibid. 2045, point de vue L. Marino ; ibid. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; Dr. soc. 2010. 267, chron. J.-E. Ray ; RFDA 2009. 1269, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 97, obs. H. Périnet-Marquet ; ibid. 293, obs. D. de Bellescize ; RSC 2009. 609, obs. J. Francillon ; ibid. 2010. 209, obs. B. de Lamy ; ibid. 415, étude A. Cappello ; RTD civ. 2009. 754, obs. T. Revet ; ibid. 756, obs. T. Revet ; RTD com. 2009. 730, étude F. Pollaud-Dulian ). Pour autant, le Conseil d’État estime toutefois que, compte tenu des objectifs sanitaires poursuivis, la disposition envisagée vise à garantir l’efficacité des mesures de placement en isolement ou en quarantaine lorsque leur exécution dans le lieu choisi, y compris le domicile de la personne, peut porter atteinte à la santé de tiers présents sur place ou compromettre la lutte contre la propagation de l’infection.
Par ailleurs, au vu de l’importance des données recueillies dans les systèmes d’information pour suivre et gérer efficacement l’évolution de la situation sanitaire, ces données seront rassemblées au sein du système national des données de santé dans les conditions et selon les garanties de droit commun fixées par le code de la santé publique.
Aménagements pour les élections en Corse, Guyane et Martinique… y compris en extérieur
Enfin, le projet comporte des dispositions relatives à l’organisation des élections départementales, régionales et aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique qui se dérouleront en juin prochain. Afin d’assurer leur sécurisation sanitaire et de faciliter la participation des électeurs, il procède à diverses adaptations du droit électoral tenant compte de la crise sanitaire et de l’organisation simultanée, en métropole, de deux scrutins. Un site internet public permettra de consulter une version électronique des professions de foi des candidats. Le service public audiovisuel et radiophonique devra organiser un débat avant chaque tour entre les candidats têtes de liste aux élections régionales, des assemblées de Corse, de Guyane, de Martinique. Les panneaux d’affichage seront installés dès que l’état ordonné des listes de candidats aux élections aura été publié par le représentant de l’État afin de permettre aux candidats d’apposer leurs affiches avant le début de la campagne électorale.
Le projet prévoit ensuite des adaptations pour faciliter l’organisation matérielle des opérations de vote. Sous certaines conditions, les opérations pourront se dérouler en extérieur. Enfin, le projet assouplit les exigences relatives au matériel électoral – isoloirs et tables de dépouillement – notamment pour faciliter et fluidifier l’organisation simultanée de deux scrutins dans la même salle.

Bien qu’il s’inscrive dans un régime général instauré jusqu’au 31 décembre 2021, l’état d’urgence sanitaire ne peut être maintenu en vigueur au-delà du 1er juin, les parlementaires ayant instauré une date butoir afin de pouvoir exercer un contrôle des mesures de confinement qui portent atteintes considérables aux libertés individuelles et publiques (L. n° 2021-160, 15 févr. 2021, art. 1 et 2 ; v. AJDA 2021. 303 ). Il fallait donc que l’exécutif propose un nouveau texte à la représentation nationale pour pouvoir continuer à bénéficier des prérogatives nécessaires pour combattre l’épidémie de covid-19.
L’amorce d’une sortie
Le projet de loi, présenté en conseil des ministres le 28 avril, instaure donc un régime transitoire à compter du 2 juin et jusqu’au 31 octobre 2021, visant à amorcer le rétablissement des règles de droit commun. Ce régime est repris de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, validé avec réserves par le Conseil constitutionnel (9 juill. 2020, n° 2020-803 DC, AJDA 2020. 2274, note M. Verpeaux ). Il permet au pouvoir réglementaire de garder la possibilité de limiter les déplacements et l’utilisation des moyens de transport, de restreindre les conditions d’ouverture de certains établissements recevant du public et de limiter les réunions et rassemblements sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. Dans ce cadre, le Premier ministre pourra imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d’une collectivité d’outre-mer de présenter un test de dépistage négatif, un certificat de vaccination ou un document attestant de leur rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19, ce qui correspond au projet de certificat vert numérique de la Commission européenne. Saisi pour avis, le Conseil d’État estime que « le contexte sanitaire actuel et son évolution prévisible justifient dès lors le maintien des mesures de police sanitaires nécessaires à la lutte contre l’épidémie, pour une durée adéquate » (avis n° 402632, NOR : PRMX2111684L).
Seront maintenues les mesures d’adaptation des règles applicables aux juridictions qui autorisent notamment le recours, pour la tenue d’une audience ou d’une audition, à des moyens de télécommunication audiovisuelle ou de communication électronique, ainsi que le transfert de compétence d’une juridiction empêchée vers une autre juridiction. Seront également prolongées, d’une part, les mesures mises en place par l’article 6 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 pour permettre la tenue des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur et, d’autre part, le délai fixé au dernier alinéa de l’article 11 de l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 prévoyant notamment les règles de convocation de l’organe délibérant des collectivités territoriales et de leurs groupements et des conseils d’administration et bureaux des services d’incendie et de secours.
Mesures d’isolement et de quarantaine
Afin de faire face à de nouveaux variants et à la circulation hétérogène du virus sur le plan international, les règles relatives aux mesures d’isolement ou de quarantaine sont précisées : comme c’est déjà le cas outre-mer, le représentant de l’État pourra s’opposer au choix du lieu d’hébergement retenu par l’intéressé, s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences visant à garantir l’effectivité de la mesure et à permettre son contrôle, et de déterminer, le cas échéant, un lieu d’hébergement et permettront de mieux garantir l’effectivité de ces mesures à l’arrivée sur le territoire, notamment des personnes en provenance de zones à risque. Cette disposition est susceptible de porter atteinte au droit des personnes concernées à mener une vie familiale normale, résultant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const. 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC, Dalloz actualité, 12 juin 2017, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2017. 1197 ; D. 2017. 1193 ; ibid. 2018. 1344, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; Constitutions 2017. 345, Décision ; ibid. 449, chron. O. Le Bot ), à leur liberté d’aller et de venir protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Cons. const. 24 mai 2017, n° 2017-631 QPC, Constitutions 2017. 340, Décision ; ibid. 454, chron. L. Domingo ) ainsi qu’au droit au respect de la vie privée résultant de l’article 2 de cette déclaration (Cons. const. 10 juin 2009, n° 2009-580 DC, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, Dalloz actualité, 11 juin 2009, obs. J. Daleau ; AJDA 2009. 1132 ; D. 2009. 1770, point de vue J.-M. Bruguière ; ibid. 2045, point de vue L. Marino ; ibid. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 1966, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; Dr. soc. 2010. 267, chron. J.-E. Ray ; RFDA 2009. 1269, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 97, obs. H. Périnet-Marquet ; ibid. 293, obs. D. de Bellescize ; RSC 2009. 609, obs. J. Francillon ; ibid. 2010. 209, obs. B. de Lamy ; ibid. 415, étude A. Cappello ; RTD civ. 2009. 754, obs. T. Revet ; ibid. 756, obs. T. Revet ; RTD com. 2009. 730, étude F. Pollaud-Dulian ). Pour autant, le Conseil d’État estime toutefois que, compte tenu des objectifs sanitaires poursuivis, la disposition envisagée vise à garantir l’efficacité des mesures de placement en isolement ou en quarantaine lorsque leur exécution dans le lieu choisi, y compris le domicile de la personne, peut porter atteinte à la santé de tiers présents sur place ou compromettre la lutte contre la propagation de l’infection.
Par ailleurs, au vu de l’importance des données recueillies dans les systèmes d’information pour suivre et gérer efficacement l’évolution de la situation sanitaire, ces données seront rassemblées au sein du système national des données de santé dans les conditions et selon les garanties de droit commun fixées par le code de la santé publique.
Aménagements pour les élections en Corse, Guyane et Martinique… y compris en extérieur
Enfin, le projet comporte des dispositions relatives à l’organisation des élections départementales, régionales et aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique qui se dérouleront en juin prochain. Afin d’assurer leur sécurisation sanitaire et de faciliter la participation des électeurs, il procède à diverses adaptations du droit électoral tenant compte de la crise sanitaire et de l’organisation simultanée, en métropole, de deux scrutins. Un site internet public permettra de consulter une version électronique des professions de foi des candidats. Le service public audiovisuel et radiophonique devra organiser un débat avant chaque tour entre les candidats têtes de liste aux élections régionales, des assemblées de Corse, de Guyane, de Martinique. Les panneaux d’affichage seront installés dès que l’état ordonné des listes de candidats aux élections aura été publié par le représentant de l’État afin de permettre aux candidats d’apposer leurs affiches avant le début de la campagne électorale.
Le projet prévoit ensuite des adaptations pour faciliter l’organisation matérielle des opérations de vote. Sous certaines conditions, les opérations pourront se dérouler en extérieur. Enfin, le projet assouplit les exigences relatives au matériel électoral – isoloirs et tables de dépouillement – notamment pour faciliter et fluidifier l’organisation simultanée de deux scrutins dans la même salle.
La mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion
Le projet reprend la proposition de loi Braun-Pivet sur les sortants de prison, qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel en août dernier.
Le tribunal de l’application des peines de Paris pourra ordonner une « mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion » à l’encontre des anciens condamnés pour terrorisme ayant purgé au moins cinq ans de prison. Il devra être établi, à l’issue d’un réexamen de la personne « qu’elle présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive et par une adhésion persistante à une idéologie » terroriste.
Le juge pourra alors imposer au sortant de prison d’exercer une activité professionnelle, de suivre un enseignement ou une formation. La personne devra rendre des comptes au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et pourra être astreinte à résider en un lieu déterminé. La prise en charge pourra avoir lieu dans un établissement d’accueil adapté.
Les mesures seront prononcées pour un an, renouvelable, après avis de la commission pluridisciplinaire, dans la limite de cinq ans. Le renouvellement sera subordonné à l’existence d’éléments nouveaux ou complémentaires, comme l’exigeait le Conseil constitutionnel. Pour répondre à la censure d’août, d’autres garanties ont été apportées : la durée maximale est passée de dix à cinq ans et l’administration pénitentiaire devra avoir précédemment proposé au détenu des mesures de nature à favoriser sa réinsertion.
Mais la séparation étroite que le texte établit entre ce qui relève de la peine et de la mesure de sûreté reste contestée, tout comme l’évaluation de la dangerosité, qui fonde la mesure. Le dispositif devrait s’appliquer à une centaine de sortants de prison d’ici 2023.
Le renforcement des mesures administratives
Le projet de loi prévoit également d’étendre, jusqu’à deux ans, la durée des mesures administratives (MICAS), décidées par les préfets, contre les mêmes sortants de prison. Cette extension permet, en plus des obligations judiciaires, d’imposer des contraintes de pointage quotidien dans les commissariats. Selon les chiffres donnés par le ministère de l’Intérieur, 67 MICAS sont actuellement en vigueur.
D’autres mesures de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT), qui avait succédé à l’état d’urgence, sont étendues par ce projet de loi. Comme le proposaient des rapports parlementaires, en même temps que la fermeture administrative d’un lieu de culte, il sera possible de fermer ses locaux annexes.
Concernant les visites domiciliaires, très utilisées ces derniers mois (il y a eu 469 visites depuis 2017, dont 293 depuis l’attentat commis contre Samuel Paty), il sera possible d’effectuer les saisines malgré l’opposition de la personne.
Par ailleurs, dans les suites du décret Hopsyweb, l’article 6 prévoit de faciliter l’échange vers les préfets des informations concernant les hospitalisés d’office.
La réforme de la loi renseignement
Le texte vise également à pérenniser les algorithmes de la loi renseignement de 2015. Trois algorithmes sont déjà en fonction : ils scannent les données de connexions des Français à la recherche de certains comportements suspects prédéfinis. Mais le gouvernement ne s’arrête pas là. Comme le suggéraient les députés l’an dernier, en plus des données de connexion, la surveillance algorithmique sera étendue aux URL. Le Conseil d’État a été saisi pour que ce point soit intégré au texte. Les services de renseignement bénéficieront aussi d’un régime dérogatoire de conservation des données afin d’améliorer les outils d’intelligence artificiels dont ils disposent. Il s’agit de pouvoir tester les outils de big data et les algorithmes.
Le texte prévoit également l’échange de renseignement entre les différents services, y compris s’ils relèvent d’une finalité différente de celle qui a justifié son recueil. Ainsi, une personne pourra être surveillée pour prévention du terrorisme et d’éventuels renseignements transmis à un autre service si l’information relève des intérêts économiques majeurs de la France. Il s’agit d’une atteinte au principe de l’individualisation de la surveillance, qui était l’un des fondements de la loi de 2015, « une personne n’est surveillée par un service que pour une finalité ».
Par ailleurs, les services de renseignement pourront se faire communiquer, par une autre administration, toute information, même si elle est couverte par un secret protégé par la loi.
Le texte autorise également une nouvelle technique de renseignement : l’interception de correspondances émises ou reçues par la voie satellitaire.
Enfin, l’article 12 permettra le brouillage des drones. Une disposition initialement prévue dans la loi Sécurité globale mais qui avait été refusée car jugée hors sujet.

L’idée générale qui ressort de la réforme projetée consiste à rendre le temps de la détention plus utile et à favoriser la réinsertion des détenus par une plus grande responsabilisation et une implication de ces derniers dans leur propre parcours carcéral. Le texte fait en cela écho aux finalités de la peine dont les modalités d’exécution visent « à préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne condamnée afin de lui permettre d’agir en personne responsable, respectueuse des règles et des intérêts de la société et d’éviter la commission de nouvelles infractions » (C. pr. pén., art. 707). Parmi les mesures proposées, on relèvera à titre liminaire l’article 15 du projet de loi, qui prévoit la création, par voie d’ordonnance, d’un code pénitentiaire regroupant et organisant les règles relatives à la prise en charge des personnes détenues, au service public pénitentiaire et au contrôle des établissements pénitentiaires. Ce code, dont la création a été préconisée par la commission Cotte dans son rapport de décembre 2015 Pour une refonte du droit des peines, serait en grande partie constitué de la codification de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 et d’une extraction de textes figurant au code de procédure pénale, afin de rendre ces dispositions plus accessibles et lisibles. En ce qui concerne ensuite les mesures substantielles par lesquelles le projet de loi entend assurer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, deux séries de dispositions retiendront essentiellement notre attention. D’une part, il s’agit de la réglementation bienvenue du statut du travailleur détenu et, d’autre part, des modifications – plus controversées – du régime d’aménagement des peines. Seulement deux ans après la grande réforme du droit des peines opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, ce projet de loi se propose donc, une nouvelle fois, de venir renforcer le sens de la détention et l’efficacité de l’exécution des peines.
Renforcer le sens de la détention
Dans la droite ligne de la récente loi du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, le présent texte prévoit d’améliorer les conditions de travail en détention par la création d’un contrat d’emploi pénitentiaire et l’octroi de divers droits sociaux aux travailleurs détenus.
Instauration d’un contrat d’emploi pénitentiaire
L’article 11 du projet de loi crée un contrat d’emploi pénitentiaire qui a vocation à remplacer l’acte unilatéral d’engagement qui reliait jusque là la personne détenue à l’administration pénitentiaire. Il s’agit d’une avancée considérable visant à améliorer les conditions de travail en détention, en inscrivant l’activité professionnelle des détenus dans une relation contractuelle. Le travail en détention, qui était longtemps forcé et perçu comme un châtiment supplémentaire, est en effet considéré, depuis la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, comme un gage de réinsertion sociale. L’article 717-3 du code de procédure pénale prévoit en ce sens que les établissements pénitentiaires doivent prendre toutes dispositions pour assurer une activité professionnelle aux personnes incarcérées qui en font la demande. Pourtant, on constate que l’activité en détention est limitée dans la pratique et en forte baisse depuis une vingtaine d’années, en raison de facteurs multiples, tels que la crise économique et la surpopulation carcérale. En effet, selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, moins d’un tiers des détenus travaillent aujourd’hui en prison, en majorité dans des emplois peu considérés. Surtout, leurs conditions de travail sont très éloignées du droit du travail avec peu de garanties et une rémunération largement en deçà du SMIC horaire (OIP, Le travail en prison, en France, en 2020).
Le nouveau régime pourrait remédier à ces limites, en permettant notamment de transposer certaines dispositions du code du travail relatives à la durée du travail, au temps de repos, aux heures supplémentaires et aux jours fériés. En fonction du donneur d’ordre choisi, le contrat pourra unir la personne détenue à l’administration pénitentiaire, à une entreprise, une association ou un service chargé de l’activité de travail. Le projet de loi précise également, en son article 12, le processus de recrutement qui sera scindé en deux étapes (une première étape de classement au travail par le chef d’établissement et une seconde étape d’affectation sur un poste de travail), ainsi que les modalités de formation, de suspension et de cessation de la relation de travail. Ces dispositions permettront de rapprocher les conditions de travail en détention du droit commun applicable en milieu libre, tout en prenant en compte les contraintes inhérentes au cadre carcéral.
Amélioration des droits sociaux des travailleurs détenus
Le projet de loi prévoit également d’ouvrir des droits sociaux aux travailleurs détenus afin de favoriser leur réinsertion, tels que les droits à l’assurance chômage, à l’assurance vieillesse, à la retraite complémentaire, à l’assurance maternité, à l’assurance invalidité ou décès, ainsi qu’à l’assurance maladie. L’article 14 comprend à cet effet une habilitation à prendre par voie d’ordonnance des dispositions législatives en ce sens. L’habilitation devra également permettre de favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention et de lutter contre la discrimination et le harcèlement au travail.
Outre l’amélioration de la protection des droits des personnes incarcérées, le projet de loi a pour objectif de rendre le travail en prison plus attractif pour les entreprises, en permettant par exemple d’intégrer les opérateurs économiques implantés en détention dans le code de la commande publique afin qu’ils puissent bénéficier des dispositions relatives aux marchés réservés. Cela devrait avoir pour effet d’augmenter l’offre d’emploi et, partant, de permettre à un plus grand nombre de détenus de travailler.
Ces avancées, dont les modalités devront être définies par décret ou ordonnance, sont d’autant plus importantes que le travail en détention « vise à préparer l’insertion ou la réinsertion professionnelle de la personne détenue » (C. pr. pén., nouv. art. 719-10). Les nouvelles dispositions devraient ainsi assurer aux détenus des conditions de travail plus respectueuses de leur dignité tout en favorisant leur insertion socioprofessionnelle, facteur essentiel de prévention de la récidive lors de leur retour dans la société. Qui plus est, les activités de travail sont prises en compte pour l’appréciation des efforts de réinsertion et de bonne conduite des condamnés, dans le cadre de l’exécution de leur peine (C. pr. pén., art. 717-3).
Renforcer l’efficacité de l’exécution des peines
À la différence des aménagements classiques de peine qui reposent sur les efforts de réadaptation sociale et le « projet de sortie » de prison de la personne condamnée, les réductions de peine et la libération sous contrainte sont des mécanismes plus ou moins automatiques. Ceux-ci sont modifiés par le projet de loi, tantôt dans le sens d’une individualisation accrue, tantôt dans celui d’une automatisation de la sortie de détention.
Réforme des mécanismes de réduction de peine
L’article 9 du projet de loi prévoit de supprimer les crédits de réduction de peine automatiques, au profit d’un système reposant sur la récompense des efforts de réinsertion. L’aménagement des peines serait ainsi moins généralisé pour être davantage individualisé. Le mécanisme actuel, découlant des articles 721 et suivants du code de procédure pénale, comprend en effet un crédit de réduction immédiatement applicable dès la mise à l’écrou et portant sur l’ensemble de la peine prononcée, complété le cas échéant par des réductions supplémentaires de peine accordées par le juge de l’application des peines (JAP) aux condamnés ayant manifesté des efforts sérieux de réadaptation sociale.
Ce mécanisme, jugé incompréhensible pour les citoyens et les justiciables, est remplacé par un dispositif unique de réduction de peine que pourra octroyer le JAP, de manière progressive, lorsque le condamné aura donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou aura manifesté des efforts sérieux de réinsertion sociale (dont la loi propose une liste non exhaustive, par exemple l’exercice d’une activité de travail, la réussite à un examen ou l’indemnisation de la victime). Le bénéfice des réductions de peine est ainsi véritablement personnalisé, la décision étant prise par le JAP après avis de la commission de l’application des peines. La durée des réductions de peine peut atteindre au maximum six mois par an pour les peines supérieures ou égales à un an et quatorze jours par mois pour les peines inférieures à un an. Le projet de loi maintient un régime dérogatoire à l’égard des personnes condamnées pour un acte de terrorisme, pour lesquelles le montant total des réductions de peines pouvant être accordées sera réduit de moitié (C. pr. pén., art. 721-1-1). Il prévoit également la possibilité d’un retrait des réductions de peine accordées pour sanctionner les incidents en détention. Le nouveau régime est complété par la possibilité d’une réduction de peine exceptionnelle, pouvant aller jusqu’au tiers de celle-ci, en cas de comportement exemplaire à l’égard de l’institution pénitentiaire, tel que le fait de s’interposer en cas d’agression d’un surveillant pénitentiaire (C. pr. pén., nouv. art. 721-4). Ce mécanisme existe déjà dans le dispositif actuel au profit des condamnés qui ont permis de faire cesser ou d’éviter la commission d’infractions relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée (C. pr. pén., art. 721-3).
La logique est donc inversée : auparavant, les crédits de réduction de peine bénéficiaient automatiquement à tous les détenus, sous menace d’un retrait en cas de mauvaise conduite ; dorénavant, les réductions de peine ne seront accordées que sur la base du mérite, en cas de bonne conduite et d’efforts de réinsertion. Le nouveau système est en réalité proche de celui qui était en vigueur avant 2004 et qui comprenait des réductions ordinaires de peine pour bonne conduite et des réductions supplémentaires de peine en cas d’efforts de réadaptation, lesquelles seront donc fusionnées en une seule et même catégorie. Un tel système présente l’avantage d’inciter les détenus à faire des efforts pour s’impliquer dans leur parcours d’exécution de peine et, par voie de conséquence, de maintenir l’ordre dans les établissements pénitentiaires et de favoriser la prévention de la récidive. Il conduira cependant inévitablement à alourdir la tâche des juges de l’application des peines – avec le risque de revenir à la pratique qui était d’usage sous l’empire du système antérieur à 2004, consistant accorder la réduction de peine à tous les détenus n’ayant pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire… et donc à un automatisme de fait.
Le Conseil d’État, dans son avis du 8 avril 2021, souligne que le régime proposé ne permettra plus « à l’administration pénitentiaire et au détenu de connaître, dès l’incarcération, la date prévisionnelle de libération, ce qui facilitait la préparation de la sortie de prison ». En outre, il « est de nature à générer des disparités de traitement importantes entre les détenus en fonction des critères d’appréciation adoptés par les magistrats appelés à statuer sur leur cas ».
Le nouveau mécanisme s’appliquera aux personnes incarcérées à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction, par dérogation à l’article 112-2, 3°, du code pénal. Or, s’agissant d’une loi rendant plus sévère le régime d’exécution des peines, le texte risque de se heurter à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui pourrait y voir une violation du principe de légalité criminelle (v. en ce sens CEDH, gr. ch., 21 oct. 2013, Del Rio Prada c. Espagne, req. n° 42750/09, Dalloz actualité, 24 juill. 2012, obs. O. Bachelet ; D. 2012. 2917, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; AJ pénal 2012. 494, obs. M. Herzog-Evans ; RSC 2012. 698, obs. D. Roets ).
Par ailleurs, il est à craindre que la réforme ne conduise à accroître la surpopulation carcérale. Comme il ressort de l’étude d’impact, cela dépendra de la pratique des juges de l’application des peines et sera fonction des réductions de peine effectivement accordées. Une telle crainte est toutefois compensée par l’extension de la libération sous contrainte qui devrait réduire la densité carcérale.
Systématisation de la libération sous contrainte en fin de courte peine
À contre-courant de la logique justifiant la suppression des crédits de peine automatiques, le projet de loi prévoit une extension de la libération sous contrainte (C. pr. pén., art. 720) qui serait systématiquement applicable aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans, lorsque le reliquat de peine à exécuter est inférieur ou égal à trois mois. Dans ce cas, la libération devra en effet intervenir de plein droit, sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement de l’intéressé. Le projet de loi s’inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-222, 23 mars 2019, qui avait déjà renforcé le caractère systématique de cette mesure en faisant de son octroi le principe lorsqu’une peine de cinq ans au plus arrive aux deux tiers de son exécution. Le JAP ne peut ainsi la refuser qu’en cas d’impossibilité d’aménager la peine au regard des critères énoncés à l’article 707 du code de procédure pénale. Mais, jusque là, l’octroi de la mesure était subordonné à un examen préalable de la situation du condamné par le JAP qui disposait encore d’une certaine marge d’appréciation. Dorénavant, elle sera applicable de plein droit pour les peines les plus courtes approchant de leur terme. Le principe de l’exécution de la fin de peine hors les murs, afin de favoriser l’accompagnement et la réinsertion des sortants de prison, est donc renforcé.
Si une telle mesure peut avoir pour effet positif de désengorger les prisons tout en évitant les « sorties sèches », elle interroge quant à la cohérence du projet de loi : une plus grande individualisation de l’aménagement de peine, d’un côté, et une automatisation de l’aménagement, de l’autre. Il est toutefois à noter que la libération sous contrainte de plein droit sera exclue dans deux hypothèses, à savoir en cas de condamnation pour les infractions les plus graves (crimes, actes terroristes, violences sur mineur ou conjoint) ou lorsque la personne aura fait l’objet de sanctions disciplinaires pendant la durée de sa détention. Cette dernière précision permet, une fois de plus, d’exclure l’aménagement de peine en cas de mauvaise conduite en détention.
Enfin, il convient de mentionner l’article 5 du projet de loi qui a vocation à limiter le recours à la détention provisoire en imposant au juge, au-delà d’un délai de huit mois, de favoriser une voie alternative, notamment l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) ou le dispositif électronique mobile antirapprochement applicable en cas de violences au sein du couple (C. pr. pén., art. 137-3). Cet encadrement, quoique timide, doit être salué quand on sait que près d’un tiers des détenus sont actuellement des personnes en détention provisoire, le recours à cette mesure aggravant donc considérablement le surpeuplement carcéral.

Il est rare que la Cour de cassation se prononce sur la prescription applicable en matière de discrimination. Les quelques décisions référencées dans le code du travail sont antérieures à la réforme des délais de prescription issue de la loi du 17 juin 2008. À l’époque, les faits de discrimination bénéficiaient de la prescription trentenaire de droit commun (Soc. 15 mars 2005, n° 02-43.560, D. 2005. 1053, obs. E. Chevrier ; ibid. 2499, obs. B. Lardy-Pélissier et J. Pélissier ; Dr. soc. 2005. 827, obs. C. Radé ; RTD civ. 2006. 303, obs. J. Mestre et B. Fages ; SSL 2005, n° 1225, p. 20, note Sargos). Ce format permettait d’apprécier la discrimination sur un temps long, ce qui se révélait fort utile pour établir une discrimination portant sur l’évolution de carrière. La chambre sociale avait d’ailleurs permis qu’un juge puisse apprécier la réalité de la discrimination subie au cours de la période non prescrite en procédant à des comparaisons avec d’autres salariés engagés dans des conditions identiques de diplôme et de qualification à la même date que l’intéressée, celle-ci fût-elle antérieure à la période non prescrite (Soc. 4 févr. 2009, n° 07-42.697, Dalloz actualité, 20 févr. 2009, obs. S. Maillard ; D. 2009. 634, obs. S. Maillard ; Dr. soc. 2009. 612, obs. C. Radé ; JCP S 2009. 1173, obs. Bugada).
La loi du 17 juin 2008 a abaissé le délai de prescription de droit commun à cinq ans, déplaçant les (rares) difficultés liées à la durée du délai de prescription vers celles (beaucoup plus nombreuses) liées au point de départ de ce délai. La discrimination ne peut parfois pas se résumer à un seul fait identifiable. Le refus d’une promotion peut être ponctuellement justifié, mais la multiplication des refus de promotion, conduisant à la stagnation d’une personne dans sa carrière professionnelle, peut révéler un caractère discriminatoire. Or la « révélation » de la discrimination est l’élément déclencheur du délai de prescription (C. trav., art. L. 1134-5).
Un arrêt inédit de la chambre sociale du 22 mars 2007 (n° 05-45.163 NP) était venu préciser le sens du terme « révélation » : il ne s’agit pas seulement de la date à laquelle le salarié a eu connaissance des faits de discrimination, mais plutôt de celle où il a « exactement connu » le préjudice lié à la discrimination subie. Cette logique dégagée par la Cour de cassation semble avoir été retenue lors des débats parlementaires. La révélation devrait être entendue comme le moment où la victime a « la connaissance du manquement et du préjudice en résultant » (v. le rapport n° 847 de E. Blessig fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi [n° 433], adoptée par le Sénat, portant réforme de la prescription en matière civile).
L’affaire donnant lieu à l’arrêt de la chambre sociale du 31 mars 2021 réunit l’ensemble de ces problématiques liées à la prescription. La salariée avait été embauchée en 1976, elle est devenue représentante syndicale en 1977. En 1981, suspectant l’existence d’un retard de carrière lié à son engagement syndical, elle saisit l’inspection du travail qui rendra un rapport appuyant sa réclamation et conduira à ce que l’employeur la repositionne sur un emploi administratif. C’est là la première particularité de l’affaire : il y a eu une première alerte de la salariée et une correction réalisée par l’employeur. Mais la salariée se plaint d’avoir découvert en 2008 de nouveaux éléments attestant une discrimination sur l’ensemble de sa carrière.
La demande de la salariée introduite en 2012 était-elle prescrite ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de déterminer le point de départ de la prescription. Les juridictions du fond ont toutes deux considéré que la salariée ayant dénoncé la discrimination à son employeur et ayant obtenu l’appui de l’inspection du travail dès 1981, l’action contre cette discrimination était prescrite en 2011, autrement dit trente ans après sa « révélation ». Quid alors des nouveaux éléments obtenus en 2008 ? Ces derniers n’ont pas été étudiés par la cour d’appel et c’est ce qui motive la cassation en l’espèce. Pour la chambre sociale, « si la salariée faisait état d’une discrimination syndicale ayant commencé dès l’obtention de son premier mandat en 1977 et dont elle s’est plainte en 1981, période couverte par la prescription trentenaire, elle faisait valoir que cette discrimination s’était poursuivie tout au long de sa carrière en termes d’évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résultait que la salariée se fondait sur des faits qui n’avaient pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription ».
La solution rend, par son analyse, les effets de la discrimination tout aussi importants dans le déclenchement du délai de prescription que les faits qui les engendrent. C’est parfaitement logique puisque l’effet principal de la discrimination, à savoir le « désavantage », fait partie intégrante des éléments de qualification de la discrimination. Il est étonnant cependant que la Cour de cassation ne distingue pas en l’espèce deux périodes de discrimination. L’une prescrite du fait qu’elle a été dénoncée et corrigée par l’employeur, ce qui justifierait l’enclenchement du délai de prescription dès 1981 à la condition que la discrimination ait bien été entièrement corrigée. L’autre en 2008 avec la découverte de nouveaux éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination sur l’évolution de carrière. Pour la Cour de cassation, il semblerait que ça ne soit pas la découverte d’éléments probatoires qui enclenche le délai de prescription mais le fait que les effets de la discrimination continuent de se produire.
Cette décision réitère les interrogations suscitées récemment par la décision du tribunal judiciaire de Paris en matière d’action de groupe et de non-rétroactivité de la loi (TJ Paris, 15 déc. 2020, n° 18/04058, Dalloz actualité, 11 févr. 2021, obs. M. Peyronnet ; JA 2021, n° 633, p. 10, obs. X. Delpech ; Dr. soc. 2021. 97, étude C. Radé ). En effet, en créant cette action, le législateur est venu limiter son utilité, notamment, en empêchant que soient invoqués à l’appui d’une action de groupe des faits antérieurs à sa création par la loi de 2016 sur la justice du 21e siècle.
Ainsi, pour résoudre les questions liées au point de départ de la prescription et à la non-applicabilité de la loi dans le temps, il serait possible de considérer que l’absence de correction d’une discrimination constitue un fait discriminatoire. Ainsi, tant que l’employeur ne prendrait pas les mesures nécessaires et adéquates visant à faire cesser la différence de traitement, il commettrait une discrimination. La discrimination s’apparenterait alors à une infraction continue, ce qui faciliterait l’application des règles de prescription. Une autre proposition visait à faire partir le délai de prescription de la rupture du travail, étant considéré que, tant que perdure le lien de subordination, le salarié victime n’est pas en mesure de se battre avec son employeur sur le terrain de la discrimination.

Vingt-quatre heures après le Conseil d’État (CE, ass., 21 avr. 2021, n° 393099, French data network, AJDA 2021. 828 ; D. 2021. 797, et les obs. ), la Cour constitutionnelle de Belgique a tiré à son tour les conséquences de la position de la Cour de justice de l’Union européenne sur la conservation des données de connexion. Et le moins qu’on en puisse dire est que sa lecture est très différente de celle de la Haute juridiction administrative française puisqu’elle annule les dispositions de la loi belge qui imposaient une conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion.
C’est pourtant sur le même arrêt que se fondent les deux décisions. En effet, l’arrêt La Quadrature du net (CJUE 6 oct. 2020, aff. C-511/18, AJDA 2020. 1880 ; D. 2021. 406, et les obs. , note M. Lassalle ; ibid. 2020. 2262, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; AJ pénal 2020. 531 ; Dalloz IP/IT 2021. 46, obs. E. Daoud, I. Bello et O. Pecriaux ; Légipresse 2020. 671, étude W. Maxwell ; RTD eur. 2021. 175, obs. Brunessen Bertrand ; ibid. 181, obs. Brunessen Bertrand ) ne répondait pas seulement à des questions préjudicielles du Conseil d’État français. La CJUE y avait joint trois questions de la Cour constitutionnelle belge, saisie de demandes d’annulation de la loi du 29 mai 2016 relative à la collecte et à la conservation des données dans le secteur des communications électroniques. Cette loi avait été votée par le parlement belge après que la Cour constitutionnelle avait annulé une loi du 30 juillet 2013 ayant le même objet, pour se conformer à la jurisprudence Digital rights Ireland (CJUE 8 avr. 2014, aff. C-293/12, AJDA 2014. 773 ; ibid. 1147, chron. M. Aubert, E. Broussy et H. Cassagnabère ; D. 2014. 1355, et les obs. , note C. Castets-Renard ;...
Les désordres réservés à la réception et non réparés au titre de la garantie de parfait achèvement peuvent relever sous certaines condition de l’article L. 242-1, alinéa 8, du code des assurances.

Le juge était saisi notamment par l’Association nationale de défense aux frontières pour les étrangers de recours contre les ordonnances du tribunal administratif de Nice (TA Nice, 4 mars 2021, n° 2101086, AJDA 2021. 535 ) et de Marseille (16 mars 2021, n° 2102047) qui ont rejeté la demande de fermeture immédiat des locaux attenants à ceux de la police aux frontières de Menton et de Montgenèvre.
Une réponse à l’objectif de mise à l’abri
Les locaux, qui ne sont pas prévus par un texte, répondent à un triple objectif de « mise à l’abri » des personnes étrangères, de préservation de l’ordre public aux abords de la frontière et de mise en place d’une politique efficace d’éloignement. Les requérantes soutiennent que les évolutions jurisprudentielles récentes (v. CJUE 19 mars 2019, aff. C-444/17, Arib, AJDA 2019. 613 ; ibid. 1047, chron. P. Bonneville, S. Markarian, H. Cassagnabère et C. Gänser ; D. 2019. 587 ; Rev. crit. DIP 2019. 749, note T. Fleury Graff ; CE 27 nov. 2020, n° 428178, Sté Cimade et autres, Lebon ; AJDA 2020. 2344 ) remettent en cause la possibilité de prononcer des refus d’entrée aux...
En France, il y a deux types de réductions de peine : des crédits automatiques, qui représentent en gros le quart de la peine, et des réductions supplémentaires (qui vont jusqu’au quart de la peine subie). Les crédits automatiques peuvent être retirés, en cas de mauvaise conduite ou de refus de soins. Ils avaient été instaurés en 2004, dans l’idée que les réductions de peine étaient attribuées à la plupart des détenus. Les automatiser, tout en permettant au juge de les retirer, permettait de se concentrer sur les cas problématiques et de donner aux détenus un horizon clair à leur date de libération. Ainsi, la justice disposait d’un bâton (la possibilité de retirer les crédits) et d’une carotte (celle d’octroyer des réductions supplémentaires).
L’article 9 du projet de loi de confiance dans l’institution judiciaire revoit toutes ces règles. Selon l’exposé des motifs, le système est « incompréhensible pour nos concitoyens », car, à la minute où la peine est prononcée par le juge, elle est automatiquement réduite. Par ailleurs, elle n’encourage pas « les efforts sérieux de réadaptation sociale ». L’idée est de n’accorder dorénavant les réductions de peine qu’au mérite.
Une réforme qui va faire déborder les prisons ?
Selon l’étude d’impact, concernant les crédits automatiques, 9 millions de jours ont été crédités en 2019. 8 % de ces crédits (soit 740 000 jours) ont ensuite été retirés. Sur les réductions supplémentaires de peine, les juges ont accordé 3 millions de jours, soit 45 % de ce qu’ils pouvaient prononcer. Si ces 11,3 millions de tous ces jours de réduction de peine n’avaient pas été accordés, cela aurait représenté une augmentation de 31 000 détenus. Alors que nos prisons sont déjà surpeuplées, sans réduction de peine, notre système pénitentiaire implose.
La réforme va tout chambouler. Il n’y aura plus de crédit automatique mais les juges pourront accorder des réductions allant jusqu’à la moitié de la peine. Mais, pour que la population carcérale n’augmente pas, il faudrait que leur taux d’accord passe de 45 % à 68 %. Un taux qui, pour Benjamin Monnery, enseignant-chercheur en économie à l’Université Paris-Nanterre, qui a travaillé sur la barémisation de l’exécution des peines, est très ambitieux. « Aujourd’hui, les trois quarts des réductions proviennent des crédits automatiques. En les supprimant, il y a un risque important que la population carcérale augmente. » Sachant que 1 % d’accord en moins correspond à une augmentation de 454 détenus, les juges vont être encouragés à prononcer bien plus de réduction qu’actuellement.
Une réforme aux effets flous
Autre effet : les retraits de crédits automatiques permettaient de sanctionner les incidents de détention. Les abandonner c’est aussi supprimer un outil de gestion de la détention. Comme l’indique Benjamin Monnery, « notre rapport de recherche montrait une corrélation très claire entre le temps de quartier disciplinaire prononcé par le chef d’établissement et la durée de retrait de crédits de peine prononcée par le juge de l’application des peines ». Pour garder cet effet bâton, le projet prévoit que les juges pourront retirer tout ou partie des réductions de peine à la CAP qui suit l’incident. Pour Benjamin Monney, l’effet bâton sera donc « plus tardif et plus fort ».
La question centrale est de savoir comment les juges de l’application des peines vont intégrer la réforme. Comme l’indique Martine Herzog-Evans, professeure à l’Université de Reims, « il n’y a pas de définition de ce qu’est la bonne conduite. Comment les juges vont-ils l’apprécier ? Comme avant 2004, c’est-à-dire par l’absence de mauvaise conduite ? » Finalement, la réforme va alourdir la charge de travail des commissions de l’application des peines (CAP) et augmenter le pouvoir discrétionnaire du juge.
Autre point soulevé par Benjamin Monnery, tous les détenus ne sont pas égaux face à la réinsertion. « Ce sont les publics les plus éduqués et insérés qui bénéficient déjà le plus des aménagements de peine. » Et de rappeler que seuls 29 % des détenus peuvent travailler alors qu’ils étaient 46 % en 2000. La situation des nombreux détenus condamnés à moins d’un an de prison n’est pas non plus très claire.
Le retour de la libération sous contrainte automatique
Alors que la réforme vise à supprimer des aménagements de peine automatique, elle en crée un autre : la libération sous contrainte qui deviendra systématique. Les personnes purgeant moins de deux ans de prison ferme feront leurs trois derniers mois à l’extérieur, suivies par un conseiller d’insertion. Deux exceptions sont prévues : si le détenu a été sanctionné disciplinairement pendant sa détention ou s’il ne dispose pas de solution d’hébergement. Selon l’étude d’impact, elle pourrait ainsi concerner 6 000 détenus. Pour rappel, il n’y avait, au 1er décembre 2020, que 783 condamnés en libération sous contrainte.
Créée par la loi Taubira en 2014, la libération sous contrainte se voulait déjà quasi automatique. Pourtant, elle a été un échec, comme l’avait analysé une recherche de Martine Herzog-Evans. Selon elle, « Il y a d’abord une résistance des juges, pour qui un aménagement automatique est contraire à leur culture professionnelle d’individualisation des peines ». Par ailleurs, la libération sous contrainte n’est pas possible dans un grand nombre de cas. « Comme souvent, la logique de cette réforme est d’enlever sa substance à un dispositif qui marche en espérant que cela continue de fonctionner. » Et de rappeler un autre échec, le Sefip, bracelet électronique de fin de peine, instauré en 2009 et rapidement abandonné.
Se pose aussi la question des personnels. Selon l’étude d’impact, la réforme nécessitera cent emplois de conseiller pénitentiaire d’insertion (CPIP) supplémentaires. La pérennisation des contractuels recrutés fin 2020 « permettra de prendre en charge cette suractivité projetée ». Il y aurait également besoin de quarante-deux magistrats et vingt-huit greffiers supplémentaires pour absorber la réforme.
Notons enfin que cet article n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2023. Soit après l’élection présidentielle.

Le texte, enregistré au Sénat le 8 avril, reprend une partie des dispositions du projet de loi, déposé à l’Assemblée nationale le 5 décembre 2019, relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère du numérique, abandonné après la proclamation de l’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19. Il tient compte des avis, globalement favorables, du Conseil d’État et des autorités publiques concernées (CE 1er avr. 2021, avis n° 402564 ; CSA, 22 mars 2021, avis n° 2021-07, JO 3 avr. ; ARCEP, 30 mars 2021, avis n° 2021-0531 ; HADOPI, 18 mars 2021, avis n° 2021/01). Il poursuit la réforme de l’audiovisuel public, mais comporte également des dispositions protégeant les droits des auteurs et les droits voisins (v. A. Blocman, Après la transposition de la directive Service de médias audiovisuels, la suite de la réforme se profile, Dalloz actualité, 26 janv. 2021 ; Le ministre de la culture présente une vaste réforme de l’audiovisuel, ibid. 19 déc. 2019 ; M.-C. de Monteclerc, Vers une refonte de la régulation de l’audiovisuel, ibid. 11 déc. 2019 ; K. Favro et C. Zolynski, Pour un (nouveau) modèle de régulation des contenus illicites, Légipresse 2019. 673 ).
Création de l’ARCOM, nouveau régulateur aux missions et pouvoirs élargis
Le projet de loi entérine la fusion du CSA et de la HADOPI au sein d’une autorité publique indépendante unique, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) (art. 1er). Le « premier jour du troisième mois » suivant le jour de la publication de la loi au Journal officiel, la HADOPI sera dissoute (art. 19) et le CSA prendra le nom d’ARCOM (art. 18).
L’ensemble des missions dévolues à la HADOPI en matière de protection du droit d’auteur et des droits voisins est transféré à l’ARCOM. Les articles L. 331-12 et suivants du code de la propriété intellectuelle (CPI) sont refondus en conséquence (art. 1er). Elle hérite également des missions du CSA, prévues par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, élargies à toute communication au public par voie électronique (art. 8).
Pour permettre à l’Autorité d’exercer pleinement son rôle, le projet de loi renforce les pouvoirs de recueil d’informations et d’enquêtes du CSA (art. 9), en les calquant sur le modèle déjà retenu pour d’autres autorités publiques indépendantes. De plus, les informations détenues par l’Autorité de la concurrence et l’ARCOM pourront être librement échangées sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle (art. 11).
Le collège de l’Autorité sera composé de sept personnes, comme le CSA actuellement. Une différence cependant, deux d’entre elles seront des membres en activités du Conseil d’État et de la Cour de cassation nommés respectivement par le vice-président du Conseil d’État et le président de la Cour de cassation (art. 5). La désignation de membres croisés entre les collèges de l’ARCEP et de l’ARCOM ainsi que la création d’un mécanisme de règlement des différends commun aux deux autorités sont abandonnés. Il est ainsi tenu compte de la coopération déjà mise en place par les deux institutions (v. CSA, avis 22 mars 2021, préc.).
Le texte modifie aussi le dispositif de sanctions prévu par la loi du 30 septembre 1986 pour le rendre plus efficace :
le mode de publication sera librement choisi par l’ARCOM (Journal officiel et/ou service de communication en ligne édité par ses soins) (art. 12 et 16) ;un délai de prescription quinquennale s’appliquera à toute mise en demeure qui n’a donné lieu à aucune sanction depuis son prononcé (art. 14) ;
et, pour les manquements à l’obligation de contribution annuelle au développement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, la sanction pourra reposer sur les mêmes faits ou couvrir la même période que ceux ayant fait l’objet de la mise en demeure (art. 12 et 16). Son montant maximal est relevé (art. 13).
Enfin, parmi les principales modifications, l’ARCOM se voit attribuer trois nouvelles compétences pour renforcer la lutte contre la contrefaçon sur internet :
établir une liste des sites manifestement contrefaisants ;lutter contre les sites de contournement (sites miroirs) ;
lutter contre la retransmission illicite des manifestations sportives diffusées en direct.
Maintien de la réponse graduée mais sans transaction pénale
Le dispositif de la réponse graduée est maintenu mais légèrement modifié pour renforcer son efficacité :
un ayant droit pourra individuellement, sans passer par l’intermédiaire d’un organisme de gestion collective, saisir directement l’ARCOM sur la base d’un constat d’huissier (mod. CPI, art. L. 331-24) ;L’absence de réception tacite peut être déduite des contestations constantes de la qualité des travaux exécutés et de la demande d’une expertise judiciaire pour établir les manquements de l’entrepreneur, nonobstant la prise de possession et le paiement des premières factures.
L’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui ne prend en compte des changements de valeur d’un bien destiné à être revendu par l’expropriant, lui permettant de bénéficier d’une plus-value certaine, est susceptible, en l’absence d’une indemnisation spécifique de l’exproprié, de porter atteinte à son droit de propriété.
Avant d’aborder les nombreux dossiers qui vont rythmer cette fin de quinquennat, la rédaction de Dalloz actualité profite d’une semaine de « vacances unifiées » pour savourer pleinement le confinement printanier. Retour lundi 26 avril.
À très vite.
Avant d’aborder les nombreux dossiers qui vont rythmer cette fin de quinquennat, la rédaction de Dalloz actualité profite d’une semaine de « vacances unifiées » pour savourer pleinement le confinement printanier. Retour lundi 26 avril.
À très vite.
Le colocataire solidaire sortant ne saurait être condamné à verser une somme au bailleur au titre de la remise en état des lieux, dès lors que la créance de celui-ci est née après l’expiration de l’obligation solidaire.
En séance publique, les sénateurs avaient adopté une motion tenant à opposer la question préalable. Les députés sont donc revenus à la version votée le 18 mars (v. AJDA 2021. 656).
Reconnaissance de la fonction de chef de service
En lieu et place de la création d’une nouvelle profession, l’article 1er prévoit la remise d’un rapport dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération. Plusieurs dispositions du texte concernent les...

Le projet de loi ordinaire modifie la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour autoriser l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience pour un « motif d’intérêt public » en vue de sa diffusion. Les nouvelles dispositions en matière de justice filmée sont les seules qui seront applicables immédiatement, le lendemain de la publication de la loi.
Le débat relancé
Si, pour certains, la justice doit être filmée et diffusée « totalement », ce qu’elle était jusqu’en 1954, les excès de cette permissivité ont atteint leur paroxysme lors du retentissant procès Dominici (1954) ou encore Marie Besnard (1952), dans lequel le président Favard lançait aux journalistes : « Messieurs, un peu de pudeur ». La profession s’en émeut et les députés votent en urgence, le 6 décembre 1954, la loi qui aujourd’hui continue d’encadrer strictement les pratiques des journalistes amenés à rendre compte des procès. L’article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 interdit « dès l’ouverture de l’audience des juridictions administratives ou judiciaires, l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’image […] ». Encore récemment le Conseil constitutionnel n’y trouvait rien à redire (6 déc. 2019, n° 2019-817 QPC, Dalloz actualité, 6 janv. 2020, obs. A. Leon ; AJDA 2019. 2521 ; D. 2019. 2355, et les obs. ; ibid. 2020. 1324, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ pénal 2020. 76, étude C. Courtin ; Légipresse 2019. 666 et les obs. ; ibid. 2020. 118, étude E. Derieux ; ibid. 127, chron. E. Tordjman, G. Rialan et T. Beau de Loménie ; Constitutions 2019. 590, décision ; RSC 2020. 99, obs. E. Dreyer ).
Le débat ressurgit au printemps 1985, au moment où le garde des Sceaux Robert Badinter présente un projet de loi « relatif à l’enregistrement audiovisuel ou sonore des audiences des juridictions » devant l’Assemblée nationale, interrogeant les députés, le 25 avril : « Peut-on admettre, dès lors, que l’histoire de nos grands procès demeure muette et aveugle ? » La loi votée le 11 juillet 1985 permettra l’enregistrement audiovisuel ou sonore de l’intégralité des débats à partir de points fixes dans la salle d’audience, « lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice ». La diffusion de l’enregistrement est subordonnée à l’autorisation du président du tribunal de grande instance de Paris. Après cinquante ans, la diffusion est libre. Le procès de Klaus Barbie en 1987 sera le premier procès français filmé.
Depuis la loi Badinter, onze procès ont fait l’objet d’une captation vidéo et deux autres (ceux du sang contaminé) d’une captation audio. Le procès des attentats de janvier 2015 constitue le premier procès terroriste.
Le projet de loi Confiance dans l’institution judiciaire crée un bouleversement dans le but d’améliorer la connaissance par les citoyens des missions et du fonctionnement de la justice : l’autorisation est justifiée par un intérêt public. Le projet de loi organique étend l’application des nouvelles dispositions à l’article 26 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
La captation puis la diffusion
Il faut distinguer les deux temps : l’enregistrement et la diffusion. La captation, d’abord, sera possible pour toutes les audiences publiques civiles, pénales, administratives. L’accord préalable des parties ne sera requis que lorsque l’audience n’est pas publique.
Le président du tribunal reste maître de la situation, ce n’est pas nouveau : les modalités de l’enregistrement ne devant porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées, le président de l’audience pourra, à tout moment, suspendre ou arrêter l’enregistrement pour l’un de ces motifs.
L’image, ensuite, et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience. La diffusion ne peut intervenir qu’après que l’instance a donné lieu à une décision définitive. Devant le Conseil d’État et la Cour de cassation, les audiences publiques peuvent aussi, après recueil de l’avis des parties, être diffusées le jour même.
Les personnes jugées et plaignantes ainsi que les témoins entendus lors de l’audience peuvent rétracter ce consentement après l’audience. L’anonymat est requis pour les mineurs et les majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique. Enfin, pour garantir le droit à l’oubli, aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la première diffusion sans excéder dix ans à compter de l’autorisation d’enregistrement.
Quel intérêt public ? Quel canal de diffusion ?
S’agissant de l’intérêt public justifiant l’enregistrement en vue d’une diffusion ultérieure, la chancellerie précise que celui-ci pourra résulter aussi bien d’un intérêt pédagogique que de l’importance de l’affaire.
Reste un point en discussion, qui n’est pas abordé dans le projet de loi : la diffusion sera-t-elle télévisée ou sur internet, en direct ou en replay, voire en streaming ? Des précisions seront nécessaires, mais le ministère assume. Il discute avec plusieurs groupes. Consultés sur le texte lors de la réunion du conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel du 29 mars, et du fait de ces imprécisions, le Syndicat de la juridiction administrative et l’Union syndicale des magistrats administratifs ont voté contre cet article.
En séance publique, les sénateurs avaient adopté une motion tenant à opposer la question préalable. Les députés sont donc revenus à la version votée le 18 mars (v. AJDA 2021. 656).
Reconnaissance de la fonction de chef de service
En lieu et place de la création d’une nouvelle profession, l’article 1er prévoit la remise d’un rapport dressant un état des lieux de la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération. Plusieurs dispositions du texte concernent les...
Les déclarations préalable à la CNIL, c’est terminé depuis le 25 mai 2018. Le traitement des données personnelles, notamment celles des salariés par les services de ressources humaines, doit répondre aux obligations du RGPD. Ce règlement n’a toutefois pas supprimé toutes les exigences d’analyse préalable de l’effet d’un traitement de données personnelles. Lorsque ce dernier est particulièrement sensible, les entreprises doivent mettre en œuvre au préalable une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD, ou PIA en anglais).
Mais en 2018 lors de l’entrée en vigueur du RGPD, peu d’entreprises et de collectivités avaient pris le temps de se conformer à la nouvelle règlementation. En réaction, la CNIL leur a accordé un délai de grâce de trois ans pour réaliser l’analyse d’impact des traitements de données mis en place avant le 25 mai 2018. La date fatidique approche. Au 25 mai 2021, plus d’excuses pour avoir omis de réaliser cette étude d’impact.
Des contrôles accrus à partir de mai 2021 ?
L’approche de cette date pourrait donner le top départ de contrôles CNIL plus poussés, selon Éric Barbry, avocat associé du cabinet Racine, spécialisé en droit des données personnelles. « Je n’ai constaté chez mes clients aucun contrôle CNIL depuis mai 2018 concernant le respect des règles relatives aux analyses d’impact. Tous les traitements RH mis en œuvre après mai 2018 devraient avoir fait l’objet d’une telle analyse, or ce n’est pas le cas. Je pense que la CNIL attend la fin du délai de mise en conformité pour opérer un tour de vis pour toutes les entreprises. »
Il reste un peu plus d’un mois aux...

La rédaction de la lettre de licenciement pour inaptitude est un enjeu majeur à la fois pour le salarié, qui aspire à connaître les raisons exactes pour lesquelles son contrat se voit rompu, et pour l’employeur, qui doit s’assurer de sa précise rédaction et motivation, sous peine de se voir condamner à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (V. not., Soc. 9 avr. 2008, n° 07-40.356 P, D. 2008. 2268, obs. B. Ines , note C. Lefranc-Hamoniaux ; ibid. 2306, obs. M.-C. Amauger-Lattes, I. Desbarats, C. Dupouey-Dehan, B. Lardy-Pélissier, J. Pélissier et B. Reynès ; Dr. soc. 2008. 757, obs. G. Couturier ; RDT 2008. 378, obs. F. Héas ). Mais l’employeur doit-il aller jusqu’à préciser au cours de la procédure les motifs qui s’opposent au reclassement dans le courrier alors qu’il a régulièrement proposé un emploi de reclassement au salarié intéressé, et que ce dernier l’a refusé ?
Telle était au premier chef la question posée aux juges dans l’arrêt du 24 mars 2021 présentement commenté.
En l’espèce, un salarié engagé en qualité de dépanneur installateur a été victime d’un accident du travail, à la suite duquel il a été déclaré inapte à son poste de travail, à l’issue de deux examens du médecin du travail. Il a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
L’intéressé a par la suite saisi les juridictions prud’homales de demandes liées à la rupture de son contrat. Celui-ci reprochait en effet à son employeur de ne pas lui avoir notifier préalablement à l’engagement de la procédure de licenciement les motifs qui s’opposait à son reclassement.
Les juges du fond le déboutèrent cependant de ses demandes....
1 276 agressions, menaces ou insultes contre des élus ont été recensées en 2020 : 505 maires ou adjoints ont été agressés physiquement, 350 ont été outragés, 68 atteintes contre des domiciles ont été recensées, et 63 véhicules ont été visés. C’est trois fois plus que l’année précédente. Selon les auteurs du rapport, cette évolution s’inscrit dans une tendance de long terme de multiplication des faits de violence dirigés contre les élus.
En raison de leur compétence en matière de police municipale, les maires restent « en première ligne », et sont plus souvent pris pour cible. Les difficultés apparaissent généralement à l’occasion de l’exercice de leurs pouvoirs de police, lorsqu’ils tentent d’assurer la préservation de l’ordre public. Sont notamment en cause le développement des incivilités (rodéos motorisés, nuisances sonores…) qui deviennent des « sources d’agressivité » qui « exposent physiquement l’élu ». Face à cela, les auteurs du rapport regrettent un sentiment d’impuissance des élus vis-à-vis des infractions commises sur leur territoire.
Les pouvoirs publics se sont saisis du sujet et des initiatives ont été prises pour tenter d’enrayer cette violence. Ainsi, la loi « engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a permis l’adoption de plusieurs dispositions renforçant les pouvoirs et les droits des élus municipaux, et les deux circulaires du 6 novembre 2019 et du 7 septembre 2020 ont invité les parquets à une plus grande fermeté. Néanmoins, ces avancées seraient insuffisantes pour mettre fin à de ces...
Les dispositions réformées de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 par le décret du 27 juin 2019 s’appliquent aux procédures en cours, mais pas aux actes déjà accomplis.
Discuté en raison de son obscurité, le cadre juridique de la contestation de l’avis d’inaptitude du médecin du travail a fait l’objet de plusieurs évolutions législatives successives, la dernière en date ayant reformulé les termes de l’article L. 4624-7 pour plus de clarté. La loi travail n° 2016-1088 du 8 août 2016 avait déjà transféré le recours contre les avis du médecin du travail initialement confié à l’inspecteur du travail aux juridictions prud’homales en formation des référés, mais en des termes suggérant que le salarié ou l’employeur ne pourraient que contester « les éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail », et non les autres éléments de ces avis et propositions. Le texte n’indiquait pas clairement non plus que le jugement rendu par le conseil de prud’hommes se substituait aux avis et décisions prises par le médecin du travail. La dernière réforme en date, issue de l’ordonnance n° 2017-1387 accompagnée du décret d’application n° 2017-1698, est encore venue reformuler les termes des articles L. 4624-7 et R. 4624-45 pour plus de clarté. Peut être faudrait-il retracer en deux lignes ces évolutions (Loi de 2016 puis ord. n° 2017-1387 puis décret d’application n° 2017-1698). À la lecture du premier de ces articles, la contestation porte désormais bien sur les « avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale ». L’article R. 4624-45 précisant quant à lui qu’il était alors « statué en la forme des référés », formule aujourd’hui substituée par « selon la procédure accélérée au fond » (Décr. n° 2019-1419 du 20 déc. 2019). Mais le juge saisi sur ce fondement peut-il substituer sa décision à l’avis rendu par un médecin en cas d’irrespect par ce dernier des dispositions légales et réglementaires ?
C’est autour de cette question que l’avis du 17 mars 2021 et l’arrêt du 24 mars 2021 rendus tous deux par la chambre sociale de la Cour de cassation apportent des éléments de réponse.
L’étendue du pouvoir du juge en matière de contestation d’un avis du médecin du travail
La première décision commentée (n° 21-70.002) invitait la chambre...
Le Conseil d’État a rejeté, le 8 avril, les recours contre le décret n° 2019-1592 du 31 décembre 2019 fixant les redevances d’utilisation des fréquences radioélectriques pour l’exploitation de réseaux de technologies mobiles de cinquième génération (5G).
Deux recours distincts avaient été déposés. Le premier, émanant d’une association de défense de l’environnement et d’une autre militant pour la prévention des risques liées aux technologies électromagnétiques, est déclaré irrecevable, l’objet des deux associations ne leur donnant pas un intérêt pour agir. La Haute juridiction n’a donc examiné que les...
Le texte sera à l’ordre du jour de la commission des lois de l’Assemblée nationale dès le 5 mai, avec comme rapporteur le député Stéphane Mazars. La loi pourrait donc être votée avant août.
L’article premier prévoit que les audiences pourront être filmées. Le Conseil d’État et la Cour de cassation ont été inclus.
L’article 2 encadre les enquêtes préliminaires, qui ne pourront excéder deux ans, avec possibilité de prolonger ce délai d’un an sur autorisation du procureur. Seules exceptions, les enquêtes concernant des crimes et délits commis en bande organisée dureront jusqu’à cinq ans. L’accès au dossier sera également possible un an après une audition libre, une garde à vue ou une perquisition ou si la personne a été publiquement présentée dans des médias comme coupable de faits faisant l’objet de l’enquête (sauf si la fuite provient d’elle ou si c’est une infraction en bande organisée).
L’article 3 traite du « du secret professionnel de la défense » et renforce la protection de l’avocat.
Les articles 6 et 7 portent sur le jugement des crimes. Les cours criminelles départementales sont généralisées et les règles des assises sont revues pour renforcer le rôle du jury populaire. Le projet de loi organique permettra à des avocats honoraires d’être assesseurs.
Les crédits automatiques de réduction de peine sont supprimés par l’article 9. En compensation, les juges pourront prononcer jusqu’à six mois de réduction de peines par an. Par ailleurs, pour les peines inférieures à deux ans, les trois derniers mois se feront automatiquement en « libération sous contrainte » « sauf en cas d’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement » et si le détenu a fait l’objet de sanction disciplinaire.
Les articles 11 et 12 traitent du travail en prison et créent un « contrat d’emploi pénitentiaire ». Un code pénitentiaire sera créé par ordonnances.
Le titre V porte sur la discipline des officiers publics ministériels. L’article 29 permettra l’exécution d’accord contresigné par les avocats sans homologation par un juge.
Le tribunal judiciaire de La Rochelle décide que la fermeture des commerces en raison de la pandémie aboutit à une perte de la chose louée, dispensant le locataire des loyers, tandis que la cour d’appel de Paris (référé), opérant revirement, estime que les loyers sont dus en l’absence de faute du bailleur.
Saisi de cette question par la cour administrative d’appel de Versailles, le Conseil d’État relève qu’il résulte de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) « que le législateur a...

L’interdiction de licencier un salarié pendant les périodes de suspension de son contrat pour maladie (C. trav., art. L. 1225-9 pour les suspensions d’origine professionnelle ; interdiction étendue aux suspensions d’origine non-professionnelle en vertu de l’interdiction des discriminations fondées sur l’état de santé – C. trav., art. L. 1132-1) admet des exceptions prévues par la loi ou la jurisprudence.
Lorsque l’arrêt de travail a pour origine une maladie ou un accident non professionnel, la Cour de cassation fait application, par analogie (Soc. 2 févr. 1999, n° 96-42.831, D. 1999. 69 ; Dr. soc. 1999. 419, obs. A. Mazeaud ; ibid. 566, étude P. Waquet ), des exceptions prévues lorsque le salarié a été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (C. trav., art. 1225-9 – faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou la maladie). Elle admet également, comme le rappelle l’arrêt commenté, le licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais la perturbation objective du fonctionnement de l’entreprise lié à l’absence prolongée ou aux absences répétées du salarié, rendant nécessaire son remplacement définitif.
En l’espèce, une salariée, directrice d’une association, en arrêt de travail à compter de mai 2012, avait été licenciée le 27 mars 2013 en raison de la désorganisation de l’association du fait de son absence prolongée et de la nécessité de procéder à son remplacement définitif. Elle avait saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement.
La cour d’appel de Paris a décidé, le 28 août 2018 que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse dès lors que l’absence de la salariée perturbait effectivement le fonctionnement de l’association et que celle-ci avait procédé à son remplacement définitif dans un délai jugé « raisonnable ».
La salariée a formé un pourvoi en cassation. Les griefs formulés à l’encontre de l’arrêt d’appel reposaient principalement sur la reconnaissance du caractère « raisonnable » du délai au terme duquel son remplacement était intervenu. Selon le moyen, la nécessité de procéder à son remplacement définitif n’était pas établie dès lors que celui-ci était intervenu six mois après le licenciement, ce qui privait pour effet...
Les bulletins de vote des élections municipales doivent être regardés comme nuls s’ils comportent une désignation insuffisante de la liste. Toutefois une simple erreur matérielle qui n’a pas induit en erreur les électeurs n’entraîne pas l’annulation des bulletins.
Lors des élections municipales et communautaires de Niederhausbergen (Bas-Rhin), la liste « Mieux vivre Nieder », telle que déposée à la préfecture, comprenait deux candidats supplémentaires par rapport au nombre de sièges à pourvoir, comme le permet l’article L. 260 du code électoral depuis la loi n° 2018-51 du 31 janvier 2018 relative aux modalités de dépôt de candidature aux élections (v. R. Rambaud, Mettre fin au «...
En premier lieu, le Sénat a adopté une série d’amendements particulièrement controversés concernant le port du voile. Est ainsi prévue l’interdiction du port du voile et autres signes religieux ostentatoires par les personnes accompagnant les sorties scolaires ou la possibilité pour le règlement intérieur des piscines et espaces de baignades publiques d’interdire le port du burkini. Dans le même registre, il est prévu d’interdire tout port de signe religieux ostensible par des mineurs dans l’espace public, ainsi que le port par ceux-ci de tout habit qui signifierait l’infériorisation de la femme sur l’homme.
Ces amendements ont été adoptés après un échange particulièrement vif, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, y étant fermement opposé. Outre les arguments politiques, il a été estimé que le dispositif serait censuré « à coup sûr » par le Conseil constitutionnel, puisque les principes de laïcité et de neutralité dans l’espace public s’appliquent aux agents du service public et non aux citoyens. L’expression religieuse des usagers du service public étant constitutionnellement protégée, il n’est pas possible « de [les] priver par principe […] de l’expression d’une opinion religieuse ».
De la même façon, l’argument constitutionnel a été opposé à l’amendement interdisant les listes communautaristes aux élections. Celui-ci prévoit l’interdiction de déposer aux élections des listes dont le titre remettrait en cause les principes « de la souveraineté nationale et de la démocratie, ainsi que de la laïcité ». De plus, les candidats menant des campagnes « ouvertement communautaristes et contraires à ces principes » ne pourraient pas bénéficier de financement. Cet amendement a été adopté malgré l’opposition de la ministre chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa, pour qui cette disposition « porte des atteintes aux libertés de candidature, d’expression et d’opinion ».
Modification du régime des associations
Autre pilier du projet de loi, la modification du régime s’appliquant aux associations. Il s’agit pour le gouvernement de renforcer les contrôles afin de lutter contre les dérives de certaines d’entre elles. Toutefois, ces mécanismes de surveillance ont suscité de vives craintes du tissu associatif qui ont pu y voir une menace pour la liberté de culte, d’association, d’enseignement ou d’opinion.
Le Sénat a globalement validé le dispositif gouvernemental, notamment en validant l’une des mesures phares de la loi, le « contrat d’engagement républicain » auquel doivent adhérer les associations et fondations. Le but poursuivi est que celles ne respectant pas les principes républicains ne reçoivent plus de subvention publique. Le Sénat en a même enrichi la portée en imposant aux structures subventionnées de « ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République ».
De la même façon, le Sénat a approuvé la dissolution administrative des associations causant des atteintes graves à l’ordre public, tout en encadrant davantage le nouveau pouvoir de suspension qui serait conféré au ministre de l’Intérieur dans les situations d’urgence. Parallèlement, les sénateurs ont ouvert la possibilité de dissoudre les associations qui interdisent à des personnes de participer à une réunion à raison de leur couleur ou leur origine, notamment, « en réponse aux réunions non mixtes, c’est-à-dire interdites aux “blancs”, organisées par l’Unef » (exposé des motifs de l’amendement adopté).
Autre mesure controversée, le Sénat a voulu faire obstacle à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour des individus ayant manifesté un rejet des principes de la République. Sur ce dernier point, le verrou constitutionnel a de nouveau été mis en avant : « Se pose […] la question de la caractérisation du degré de rejet des valeurs de la République. Ça nous semble difficile et nous expose à un risque constitutionnel » (Marlène Schiappa, ministre déléguée à la Citoyenneté).
En outre, suite à la controverse autour du financement public d’une mosquée à Strasbourg construite par une fédération d’origine turque, le gouvernement a fait adopter une obligation d’information du préfet trois mois avant toute subvention publique pour la construction d’un lieu de culte. L’objectif est d’éviter les « ingérences étrangères et le financement des associations séparatistes » et de permettre un « accompagnement […] de l’État » (Gérald Darmanin).
De même, le gouvernement a souhaité que le préfet puisse s’opposer à l’ouverture d’écoles hors contrat « pour des motifs tirés des relations internationales de la France ou de la défense de ses intérêts fondamentaux ». Selon le ministère de l’Intérieur, « cet outil législatif nouveau permettra de s’opposer à l’ouverture d’écoles comme celle d’Albertville par le Milli Görüs ». L’objectif est d’éviter que certains États étrangers ne cherchent à ouvrir et à gérer sur notre sol des établissements d’enseignement privés afin de promouvoir leurs intérêts et leur idéologie, souvent hostiles à la France.
L’instruction à domicile
S’agissant du sujet particulièrement sensible de l’instruction à domicile, le projet de loi initial prévoyait le passage d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation préalable. Le but était de répondre à la problématique des enfants accueillis dans des écoles clandestines, qui constituent de possibles lieux de radicalisation. Le Sénat est revenu sur ce régime d’autorisation préalable de l’administration jugeant qu’il entraînait une « suspicion à l’égard des familles ».
Le Sénat a néanmoins modifié le régime actuel, dans un souci de remédier à ses lacunes. Ainsi, lors de la déclaration, « la famille devra préciser les modalités d’organisation de l’instruction. En cas de doute sur son effectivité, le rectorat pourra demander un entretien avec la famille. Le but étant de ne plus attendre six mois avant de diligenter un contrôle ». De même, un enfant ayant fréquenté une école clandestine ou dont le parent aura été condamné pour un crime ou délit terrorisme ne pourra suivre une instruction à domicile l’année en cours et l’année suivante.
Toujours dans le cadre scolaire et afin de répondre à la problématique de l’absentéisme scolaire, les sénateurs ont ouvert la possibilité de suspendre les allocations familiales et de rentrée scolaire, selon une procédure « proportionnée et graduée ». Jean-Michel Blanquer n’a pas souhaité émettre d’avis tranché sur ce point, s’en remettant à la sagesse des sénateurs.
Parallèlement, face à l’absence de dispositions relatives au service public de l’enseignement supérieur, pourtant confronté à un « entrisme communautarisme, insidieux », le Sénat a précisé les conditions dans lesquelles certaines libertés s’y exerçaient. Il a été prévu qu’aucune activité cultuelle ne puisse avoir lieu dans les lieux d’enseignement. Concrètement, il s’agit d’interdire les prières dans les couloirs ou les amphithéâtres ainsi que les « actions de prosélytisme ou de propagande de nature à perturber les activités d’enseignement et de recherche ». Le ministre de l’Éducation nationale, s’y est opposé, regrettant l’ambiguïté de ce nouvel article tant concernant la nature des activités interdites que le périmètre de l’interdiction.
Le Sénat a également renforcé les contrôles et contraintes s’appliquant au milieu sportif, parfois pointé du doigt pour ses dérives communautaristes. Il a entre autres souhaité interdire le port de signes religieux ostensibles pour la participation aux événements sportifs organisés par les fédérations sportives ou encore imposé aux fédérations sportives l’interdiction de toute propagande politique, religieuse ou raciale.
Enfin, un autre point sensible du projet de loi a été ajusté : la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne. Les plateformes numériques seraient « civilement et pénalement responsables des contenus qu’elles diffusent ». Cette disposition a été adoptée contre l’avis du secrétaire d’État chargé du numérique, Cédric O, celui-ci la jugeant contraire au droit européen. Cela vient s’ajouter à l’article surnommé « Samuel Paty », créant un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui lorsque celle-ci est la conséquence de la diffusion, dans un but malveillant, d’informations relatives à la vie privée de l’individu.
Ces différentes évolutions ne sont pas définitives et les députés pourraient revenir sur nombre d’entre elles dans la suite de la navette parlementaire.

Finalement, l’établissement de formation de la haute fonction publique qui remplacera l’École nationale d’administration (ENA) ne devrait pas s’appeler École d’administration publique, comme l’avait préconisé le rapport Thiriez, mais Institut du service public (ISP). Pour autant, le plan de réforme que le président de la République a présenté à six cents cadres supérieurs de l’État au cours d’une « convention managériale » organisée en ligne, le 8 avril, ressemble beaucoup aux préconisations du rapport de l’ancien président de la Ligue de football professionnel (AJDA 2020. 372 ). Une réforme qui se concrétisera par une ordonnance, prise d’ici début juin, et devrait être mise en œuvre dès 2022.
A été retenue l’idée d’un établissement gérant à la fois les formations initiale et continue des hauts fonctionnaires et incluant, en cours de carrière, un cursus inspiré du modèle de l’École de guerre pour sélectionner, former et accompagner les cadres ayant vocation à exercer les plus hautes responsabilités. S’agissant de la formation initiale, l’ISP hébergera un tronc commun pour les élèves, non pas de sept, mais de treize grandes écoles de service public. Le gouvernement prévoit en effet de faire passer par ce tronc commun non seulement les administrateurs de l’État et territoriaux, les futurs directeurs d’hôpital et les futurs magistrats, comme le proposait le Frédéric Thiriez, mais aussi les grands corps techniques.
Emmanuel Macron souhaite que l’ISP soit ouvert au monde de la recherche et à l’université et noue des partenariats en France et à l’international. L’établissement devra proposer, a-t-il insisté, « des formations aux meilleurs standards internationaux, des diplômes aussi reconnus à l’échelle européenne et internationale ».
Deux maladies : corporatisme et déterminisme
S’agissant de l’encadrement administratif supérieur de l’État, la « révolution » – l’Élysée revendique le mot – concerne la sortie de l’ISP. Le classement serait conservé et pourrait être pris en compte pour la première affectation, mais il n’influencerait plus le reste de la carrière. Car, pour Emmanuel Macron, « il y a dans notre fonction publique deux maladies que nous devons régler : déterminisme et corporatisme ». Il ne faut plus sceller « des destins à vingt-cinq ans, pour le meilleur et quelquefois pour le pire ».
Donc, à leur sortie de l’ISP, les jeunes hauts fonctionnaires intégreront un corps unique, celui des administrateurs de l’État, qui remplacera celui des administrateurs civils mais avec une véritable interministérialité, insiste l’entourage du chef de l’État. Ils seront affectés à des missions opérationnelles, en priorité dans les services déconcentrés. Et ceux qui atterriront dans les administrations centrales devront y travailler sur les priorités du gouvernement. Si le classement survit, finie donc « la botte » ou au moins ses effets immédiats. Emmanuel Macron a martelé sa conviction que « pour conseiller, juger, contrôler, […] mieux vaut avoir fait ses preuves ». L’accès au Conseil d’État, à la Cour des comptes ou aux inspections générales ne se fera donc plus à la sortie de l’école mais « après s’être distingué par des résultats concrets, c’est-à-dire après plusieurs années d’expérience comme administrateur d’État et un processus de sélection que je veux méritocratique, ouvert et transparent ».
La fin des auditeurs au Conseil d’État
C’est évidemment un échec pour le Conseil d’État qui, depuis le lancement de la réforme, à sa manière habituelle, discrète mais insistante, a fait savoir l’importance qu’il attachait à la possibilité de recruter des jeunes. La réforme sonnera donc le glas des auditeurs au Palais-Royal. En revanche, selon les informations dont disposent les syndicats de magistrats administratifs (v. ci-dessous), les tribunaux et les cours pourraient conserver la possibilité de recruter dès la sortie de l’ISP. Il en irait de même pour les chambres régionales des comptes. Le concours de recrutement direct des magistrats serait également conservé, contrairement aux préconisations du rapport Thiriez.
Pour les autres hauts fonctionnaires, Emmanuel Macron affiche l’ambition d’une « gestion renforcée et personnalisée, véritablement interministérielle ». À cet effet sera créée une délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, qui devra accompagner chacun dans « l’écriture de sa carrière ». Il a également annoncé que tous les postes d’encadrement seront fonctionnalisés, y compris dans les corps techniques. Aux hauts fonctionnaires que ces perspectives n’enthousiasmeraient pas, le chef de l’État promet davantage de mobilité entre les ministères, la formation tout au long de la vie, des secondes parties de carrière plus attractives. Et veut même « construire des rémunérations attractives »…
« On oublie que nous sommes des juges »
« Les auteurs de la réforme n’ont pas tenu compte de la spécificité du corps des magistrats administratifs », déplore Robin Mulot ; « On oublie que nous sommes des juges », regrette Emmanuel Laforêt. Les premières réactions des présidents du Syndicat de la juridiction administrative (SJA) et de l’Union syndicale des magistrats administratifs (USMA) sont très similaires. Tous deux attendent le projet de texte pour en avoir confirmation, mais sont a priori soulagés de voir maintenu le concours de recrutement direct et la possibilité de rejoindre directement le corps à la sortie du futur ISP. « Le corps a trouvé un équilibre satisfaisant dans ses voies de recrutement et on souhaite le conserver », dit Robin Mulot.
Mais ce qui inquiète les deux syndicats est le projet de double obligation de mobilité (une au grade de conseiller, une seconde à celui de premier conseiller), qui, en outre, ne pourrait plus se faire dans une cour administrative d’appel. Trouver un point de chute pour ces mobilités risque d’être « extrêmement compliqué » pour les magistrats affectés en province ou outre-mer, craint Emmanuel Laforêt. Un avis partagé par son homologue du SJA qui souligne que les incompatibilités imposées aux magistrats administratifs compliquent l’exercice. Robin Mulot fait également part de sa « grande vigilance » sur le « rendez-vous de carrière » sur le modèle de l’École de guerre prévu par la réforme. Pour lui, il est « impensable » que cela s’applique à la sélection des chefs de juridiction. Le principe d’indépendance et le rôle du conseil supérieur des tribunaux et des cours doivent y faire totalement obstacle.
L’exercice du droit de passage n’est pas subordonné au paiement préalable de l’indemnité de désenclavement.
Le port d’arme est strictement encadré, et nécessite l’octroi d’une autorisation délivrée par le préfet. À l’instar du retrait d’un agrément nécessaire à la poursuite du contrat de travail (Soc. 19 oct. 2016, n° 15-23.854, RJS 1/2017, n° 17), le retrait de cette autorisation indispensable à l’exercice des fonctions du salarié, peut justifier la rupture de son contrat de travail.
Le retrait de l’autorisation de port d’arme est une décision administrative susceptible de faire l’objet de recours. Une difficulté surgit lorsque la décision de retrait est annulée postérieurement à la rupture du contrat de travail.
Tél était le cas dans l’affaire jugée le 17 mars 2021. En l’espèce, le préfet de police de Paris avait abrogé l’autorisation de port d’arme d’un salarié qui occupait les fonctions d’agent de sécurité de la RATP. Le préfet avait notamment considéré que le comportement du salarié laissait à craindre une utilisation dangereuse pour autrui des armes qui lui étaient confiées pour assurer ses missions. La direction de la RATP avait alors prononcé la révocation du salarié le même jour. Le tribunal administratif, sur recours du salarié, avait annulé la décision du préfet pour erreur manifeste d’appréciation. Par suite, le salarié avait saisi la juridiction prud’hommale pour que soit jugée...
Un arrêté du 1er avril 2021 fixe les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés pour l’établissement public territorial Plaine Commune.
Dans les communes couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCOT), la délibération approuvant un plan local d’urbanisme (PLU) entre en vigueur dès lors qu’elle a été publiée et transmise au représentant de l’État dans le département. Elle est exécutoire à compter de la date la plus tardive entre la publication et la transmission au représentant de l’État.
Par un arrêté du 12 mars 2014, le maire de Corbère-les-Cabanes (Pyrénées-Orientales) a délivré à M. A… un permis de construire. D’abord annulé par le tribunal administratif de Montpellier parce qu’il méconnaissait le plan local d’urbanisme de la commune, le permis de...
Dans l’acte de vente visé à l’article L. 261-10 du code de la construction et de l’habitation, la surface stipulée s’entend d’une surface habitable au sens de l’article R. 111-2 du même code, excluant les locaux d’une hauteur inférieure à 1,80 m.
Lorsqu’une demande de permis de construire est présentée par plusieurs personnes, le rejet fondé sur l’impossibilité de réaliser la construction envisagée qui a été notifié à un seul des pétitionnaires empêche la naissance d’un permis tacite à l’égard des autres. À moins, précise le Conseil d’État, que la décision expresse de refus ne rejette la demande de permis qu’en tant qu’elle émane de cette personne et pour des motifs propres à son projet de construction.
par Jean-Marc Pastorle 12 avril 2021
CE 2 avr. 2021, req. n° 427931, sera mentionné au Lebon
La société Forénergie et la société Serpe ont conjointement déposé le 12 février 2015 auprès du maire de Mauguio (Hérault) une demande de permis de construire sur laquelle la société Forénergie était désignée comme « demandeur » et la société Serpe comme « autre demandeur ». Avant le terme du délai d’instruction, le maire de Mauguio a refusé de délivrer le permis sollicité par une décision expresse du 9 mars 2015,...
Aux termes de l’article L. 5312-1 du code du travail, Pôle emploi prospecte le marché du travail, oriente et accompagne les demandeurs d’emploi et procède aux inscriptions sur la liste des demandeurs d’emploi, tient celle-ci à jour, assure le contrôle de la recherche d’emploi et le service des allocations d’assurance chômage. Le bénéfice du statut de demandeur d’emploi et, au-delà, l’indemnisation des chômeurs sont conditionnés à un certain nombre de critères. Pour prétendre à l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), les salariés involontairement privés d’emploi doivent en effet remplir des conditions d’activité (périodes d’affiliation) ainsi que des conditions d’âge, d’aptitude physique, de chômage, d’inscription comme demandeur d’emploi et enfin de recherche effective et permanente d’emploi.
Dans la réalisation de sa mission de service public, Pôle emploi est donc garant de la mise en œuvre de ces critères : le demandeur d’emploi peut ainsi être radié (C. trav., art. L. 5412-1 s. ; C. trav., art. R. 311-3-5 anc.) et l’attribution du revenu de remplacement peut être suspendue voire définitivement supprimée (C. trav., art. L. 5426-2, R. 5426-3 et R. 351-28 anc.). Il en va notamment ainsi lorsque le bénéficiaire a commis une fraude afin d’être ou de demeurer inscrit sur la liste des demandeurs d’emploi. Dans cette hypothèse, on peut s’interroger sur la latitude dont dispose Pôle emploi pour réprimer les fausses déclarations réalisées par les personnes privées d’emploi ? Dans quel cadre et à quel titre la suspension du versement des allocations peut-elle intervenir ? À cet égard, une réponse nous est apportée par un arrêt du 17 mars 2021.
En l’espèce, après plusieurs années de prise en charge (entre juin 2002 et janvier 2007), l’ASSEDIC – aux droits de laquelle succédait Pôle emploi Nouvelle-Aquitaine – avait interrompu le versement de l’allocation à une personne qui s’était déclarée privée d’emploi et dont elle contestait la qualité...

La légalité de la mise en demeure adressée par l’autorité académique aux parents des élèves d’un établissement d’enseignement privé hors contrat pour qu’ils inscrivent leurs enfants dans une autre école ne dépend pas des poursuites pénales engagées à l’encontre du directeur de l’établissement.
Le Conseil d’État a cassé un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux qui avait estimé que l’autorité de la chose jugée par le juge pénal rendait la mise en demeure irrégulière (CAA Bordeaux, 30 juill. 2019, n° 17BX03127, AJDA 2020. 61 , concl. N. Normand ). La cour avait annulé la décision par...
L’instruction à domicile est autorisée en France, pour les niveaux primaire et secondaire, au nom du principe de la liberté d’enseignement, qui constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 auquel se réfère le Préambule de la Constitution de 1958. Ainsi, les dispositions législatives du code de l’éducation consacrent un droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille (CE 19 juill. 2017, n° 406150). Toutefois le législateur est amené, afin de garantir le droit à l’instruction reconnu par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et par l’article 2 du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à encadrer cette liberté d’enseignement. Ainsi, le code de l’éducation reconnaît un droit à l’instruction au profit des enfants, et prévoit à ce titre les modalités dans lesquelles l’autorité municipale ainsi que les services compétents de l’État doivent diligenter des contrôles au sein des familles pratiquant l’instruction à domicile de leurs enfants, afin de s’assurer de la qualité de l’enseignement et du respect des règles applicables aux établissements privés hors contrat.
En France, l’instruction à domicile concerne une part marginale des enfants soumis à l’obligation scolaire (0,36 %...
La fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) publie une note proposant de nouveaux mécanismes fiscaux, tirés d’expériences étrangères, réellement incitatives à la conclusion d’obligations réelles environnementales.
L’article 72 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a créé un nouvel instrument de protection et de gestion de la biodiversité : les obligations réelles environnementales (ORE). Il s’agit d’un mécanisme contractuel, adapté des servitudes de conservation (« conservation easements ») en vigueur dans les pays anglo-saxons. Via ce mécanisme, le propriétaire d’un espace naturel peut conclure un contrat avec une personne morale de droit public ou de droit privé agissant pour la protection de l’environnement, faisant naitre à sa propre charge « des obligations...
Calcul du salaire journalier de référence (SJR)
Le 25 novembre 2020, le Conseil d’État avait annulé les dispositions relatives au calcul du SJR prévues par le règlement général d’assurance chômage annexé au décret du 26 juillet 2019, au motif qu’elles instauraient une « différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi » (Dalloz actualité, 1er déc. 2020, obs. L. Malfettes). Le décret du 30 mars rétablit et aménage ces modalités de calcul.
Ainsi, à compter du 1er juillet 2021, le salaire pris en considération pour déterminer le montant de la partie proportionnelle de l’allocation journalière est établi à partir des rémunérations perçues pendant la période de référence d’affiliation de vingt-quatre mois (36 mois pour les salariés de plus de 53 ans). Si des périodes d’inactivité existe dans cette période de référence, elles sont bien prises en compte. Mais afin de répondre à la censure du Conseil d’État et ne pas trop pénaliser les salariés dont les périodes d’emploi sont très morcelées, un plafond de ce nombre de jours non travaillés pris en compte dans le calcul est prévu. Le nombre de jours d’inactivité retenu ne pourra...

En cas d’annulation de vol ou de retard important (très exactement de plus de trois heures : CJCE 19 nov. 2009, aff. C-402/07 et C-432/07, Sturgeon, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ), la compagnie aérienne est tenue, conformément au règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, d’indemniser les passagers aériens pour un montant qui varie entre 250 et 600 € en fonction de la distance qui aurait dû être couverte par le vol (art. 7, § 1er). Il en est toutefois autrement en cas de « circonstances extraordinaires » (art. 5, § 3). Celles-ci sont souvent invoquées par les compagnies aériennes pour échapper à leur obligation d’indemnisation. Mais souvent en vain, car elles ne sont admises que dans des conditions très strictes. Il existe une jurisprudence foisonnante sur cette question, qui émane de la Cour de justice de l’Union européenne (mais les juridictions nationales ne sont pas en reste ; pour une illustration récente, v. Civ. 1re, 17 févr. 2021, n° 19-21.362 F-P, Dalloz actualité, 23 mars 2021, obs. X. Delpech, qui juge que si l’avion atterrit sur un autre aéroport que celui initialement prévu, le transporteur aérien est tenu d’indemniser le passager, même en cas de retard inférieur à trois heures), qui est très favorable aux intérêts des passagers. Elle s’explique par l’objectif principal assigné par le règlement (CE) n° 261/2004 : « assurer un niveau élevé de protection des passagers » (consid. 1).
Ainsi, un problème technique survenu à l’aéronef ne constitue de telles circonstances, sauf si ce problème « découle d’événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective » (CJCE 22 déc. 2008, aff. C-549/07, Wallentin-Hermann, RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ). Il en est de même d’une « grève sauvage » du personnel navigant à la suite de l’annonce surprise d’une restructuration (CJUE 7 avr. 2018, aff. C-195/17, Krüsemann, Dalloz actualité, 15 mai 2018, obs. X. Delpech ; D. 2018. 1587 , note P. Dupont et G. Poissonnier ; ibid. 1412, obs. H. Kenfack ; JT 2018, n° 209, p. 15, obs. X. Delpech ). La solution avait fortement déplu, on s’en doute, aux compagnies aériennes. Une grève sauvage n’est-elle pas un événement imprévisible ? À l’évidence, non pour la Cour de justice, qui considère, en substance, que les risques découlant des conséquences sociales qui accompagnent des mesures de restructuration et réorganisation sont inhérents à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne. C’est dire que les dirigeants d’une compagnie aérienne qui décideraient d’une restructuration de cette dernière doivent anticiper toutes les conséquences qui...
En cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 17 juillet 2019, comme en cas d’erreur affectant ce taux, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur.
Condamné à indemniser la veuve et les filles d’un patient décédé en janvier 2013 suite à plusieurs épisodes de chocs septiques postérieurs à une opération subie en 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, l’hôpital a appelé en garantie la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), qui était son assureur jusqu’au 30 septembre 2013. La cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à sa demande.
Il résulte des articles L. 1142-2 du...
Condamné à indemniser la veuve et les filles d’un patient décédé en janvier 2013 suite à plusieurs épisodes de chocs septiques postérieurs à une opération subie en 2011 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, l’hôpital a appelé en garantie la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), qui était son assureur jusqu’au 30 septembre 2013. La cour administrative d’appel de Bordeaux a fait droit à sa demande.
Il résulte des articles L. 1142-2 du...
Des considérations personnelles tenant notamment à son déménagement et à la garde de ses enfants constituent, pour un agent public contractuel, un motif légitime de refuser le renouvellement de son contrat à durée déterminée (CDD). Un tel motif lui ouvre droit au versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).
Mme B., employée par les Hospices civils de Lyon en vertu de plusieurs CDD de brève durée, a informé son employeur de son intention de ne pas renouveler le contrat en cours d’exécution, qui...

Louée pour la grande flexibilité qu’elle offre dans la gestion du temps de travail des cadres ou des salariés qui bénéficient d’un certain degré d’autonomie, la convention de forfait-jours est aujourd’hui bien ancrée dans les pratiques. Pour autant, les dangers d’un tel dispositif n’ont jamais été ignorés. Chacun sait l’importance accordée par le législateur à la problématique de la santé et sécurité au travail, la durée du travail et les temps de repos en étant une variable constante. Sur le principe, la convention de forfait-jours permet de déroger à la durée légale ou conventionnelle du travail sur la base d’un forfait établi sur l’année et décompté en jours. Le salarié n’étant pas soumis au respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, la mise en œuvre pratique du mécanisme de forfait-jours a rapidement laissé entrevoir des difficultés quant au suivi de la charge de travail du salarié.
Il est vrai que le salarié conserve le bénéfice des garanties offertes en matière de repos quotidien et hebdomadaire, de congés payés et de jours fériés chômés dans l’entreprise. Il est également vrai que la conclusion d’une convention de forfait-jours est subordonnée à sa prévision par une convention collective de branche ou d’entreprise, laquelle est réputée encadrer les modalités de recours au dispositif. Toutefois, ces garde-fous se sont vite révélés insuffisants pour garantir une durée raisonnable de travail (v. en ce sens : CEDS, 11 décembre 2001, récl. n° 9/2000). Au visa des droits fondamentaux de l’Union européenne et des principes constitutionnels, la jurisprudence a alors renforcé ses exigences en conditionnant la validité de la convention de forfait-jours au niveau de garantie offert par les dispositions conventionnelles. La Cour de cassation a ainsi affirmé que la convention ou l’accord collectif instituant le recours au forfait-jours devait garantir le respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail (Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 P, D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 474, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ). À défaut, la convention de forfait-jours est nulle et le droit commun trouve à s’appliquer s’agissant notamment du décompte hebdomadaire de la durée du travail.
Dans le prolongement de cet arrêt, de nombreuses conventions et accords collectifs ont été mis en cause à raison des garanties insuffisantes offertes. Tel est notamment le cas des secteurs des industries chimiques (Soc. 31 janv. 2012, n° 10-19.807 P, D. 2012. 445 ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1765, chron. P. Bailly, E. Wurtz, F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier et A. Contamine ; Dr. soc. 2012. 536, obs. P.-H. Antonmattei ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ), du commerce de gros (Soc. 26 sept. 2012, n° 11-14.540 P, D. 2012. 2316 ; ibid. 2013. 114, chron. F. Ducloz, P. Flores, L. Pécaut-Rivolier, P. Bailly et E. Wurtz ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2013. 273, obs. S. Amalric ; RTD eur. 2013. 292-28, obs. B. Le Baut-Ferrarese ), du notariat (Soc. 13 nov. 2014, n° 13-14.206, D. 2014. 2413 ; ibid. 2015. 104, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, S. Mariette, N. Sabotier et P. Flores ; RDT 2015. 195, obs. G. Pignarre ), de l’hôtellerie et restauration (Soc. 7 juill. 2015, n° 13-26.444) ou, plus récemment, des organismes gestionnaires de foyers et services pour jeunes travailleurs (Soc. 6 nov. 2019, n° 18-19.752 P, D. 2019. 2186 ; ibid. 2020. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2019, n° 609, p. 11, obs. D. Castel ; ibid. 2020, n° 612, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ). Par un arrêt du 24 mars 2021, la Haute juridiction poursuit sa démarche casuistique et se prononce sur l’accord du 23 juin 2000 applicable au secteur du bricolage. Si tant est qu’il le faille, la chambre sociale décortique son raisonnement en mobilisant, sans surprise, les textes européens et constitutionnels qu’elle a coutume d’invoquer : le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et bien sûr, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
La Cour de cassation estime que le cadre institué par l’accord n’est « pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail ». Dans le cas présent, l’accord se bornait à prévoir qu’il incombait au chef d’établissement de veiller « à ce que la charge de travail des cadres concernés par la réduction du temps de travail soit compatible avec celle-ci ». En parallèle, il était simplement précisé qu’ils devaient bénéficier d’« un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives », qu’ils ne pouvaient « être occupés plus de six jours par semaine » et qu’ils devaient bénéficier d’« un repos hebdomadaire d’une durée de 35 heures consécutives ». Faute de prévoir un « suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable », l’accord est réputé incompatible avec le droit à la santé et au repos. La convention de forfait-jours conclut sur la base des dispositions litigieuses encourait donc la nullité. Contrairement à ce qu’avait jugé la cour d’appel, la salariée était fondée à obtenir un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires, de repos compensateurs et d’indemnité pour travail dissimulé.
Du fait de l’intervention postérieure du législateur (loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016) et de la possibilité reconnue à l’employeur de « sécuriser » les conventions de forfait-jours, il est peu probable que la jurisprudence continue à se densifier. Les conventions et accords collectifs ont, pour la plupart, été modifiés pour intégrer ces contraintes jurisprudentielles et mettre en place un dispositif de suivi de la charge de travail. Pour le reste, le code du travail organise aujourd’hui un cadre contraignant qui présente l’avantage d’être explicite. L’employeur et les partenaires sociaux sont formellement tenus d’assurer un contrôle et une répartition optimale du temps de travail ainsi qu’une meilleure articulation entre vies personnelle et professionnelle (C. trav., art. L. 3121-60, L. 3121-64 et L. 3121-65), sans quoi le recours au forfait-jours est exclu.
La direction générale des finances publiques et l’ordre des géomètres-experts ont signé une convention permettant de digitaliser progressivement dans les cinq années à venir les documents cadastraux et de les rendre consultables gratuitement par les utilisateurs.
Aux cinq cahiers des clauses administratives générales (CCAG) « traditionnels » applicables aux marchés de travaux, de fournitures courantes et services, de prestations intellectuelles, de technique de l’information et de la communication, s’ajoute un sixième dédié à la maîtrise d’œuvre – auparavant les acheteurs faisaient référence au CCAG prestations intellectuelles. A jour des notions introduites lors des transpositions des directives de 2014 et de précisions dégagées par la jurisprudence administrative, ces nouveaux CCAG sont applicables depuis le 1er avril. Si les acheteurs peuvent « piocher » dans les nouveaux CCAG dès le 1er avril (v. l’entretien d’A. Pannier-Runacher, Le Moniteur, 1er...

Institué par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite loi « Macron »), le statut de défenseur syndical a permis de clarifier les conditions de recrutement, de formation et de travail des délégués des organisations syndicales jusqu’alors habilités à représenter gratuitement les salariés en justice (les « délégués permanents ou non permanents des organisations syndicales ouvrières ou patronales »). Aux termes de l’article L. 1453-4 du code du travail, le défenseur syndical « exerce des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale ». Cela suppose qu’il figure sur une liste établie tous les quatre ans par le DIRECCTE (DREETS depuis le 1er avril) sur proposition des organisations syndicales et patronales représentatives. Au titre de son mandat, le défenseur syndical bénéficie du statut protecteur instauré par l’article L. 1453-1 A du code du travail.
Le défenseur syndical figure donc sur la liste limitative des personnes habilitées à assister ou représenter les parties devant le conseil de prud’hommes. Il en va également ainsi du conjoint, du partenaire lié par un PACS ou du concubin, des salariés ou des employeurs appartenant à la même branche d’activité et, bien entendu, des avocats (C. trav., art. L. 1453-1 A). Il convient toutefois de noter que la représentation par un avocat ou un défenseur syndical est obligatoire en appel (C. trav., art. R. 1461-1 et R. 1461-2). S’il est le seul à pouvoir représenter une partie en cause d’appel, outre un avocat, le défenseur syndical doit néanmoins disposer d’un mandat spécial de représentation. À cet égard, la question s’est posée de savoir si un salarié, défenseur syndical et partie à une instance prud’homale, pouvait assurer sa propre représentation devant la cour d’appel. Dans un arrêt du 17 mars 2021, la chambre sociale s’y refuse et nous livre les clés d’intelligibilité.
En l’espèce, un salarié, par ailleurs défenseur syndical, avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. À la suite d’une ordonnance rendue le 16 novembre 2018, le salarié avait, seul, interjeté appel de la décision rendue en première instance. Dans ce contexte, la cour d’appel avait invité les parties à s’expliquer sur le moyen de nullité de la déclaration d’appel tiré de ce que le salarié assurait sa propre représentation en appel. Par un arrêt rendu en référé le 18 juin 2019, la cour d’appel de Besançon déclarait nulle la déclaration d’appel formée et déposée par le salarié en son nom. Estimant qu’il lui était possible de se représenter lui-même en justice à raison de son statut de défenseur syndical, le salarié formait un pourvoi en cassation.
Par arrêt du 17 mars 2021, la Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la nullité de la déclaration d’appel. La chambre sociale livre sa solution de manière extrêmement pédagogique. Suivant les dispositions des articles R. 1461-2 et L. 1453-4 du code du travail, la Cour relève d’abord que « l’appel porté devant la chambre sociale de la cour d’appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire », les parties étant tenues de « s’y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical ». Aux termes de l’article 411 du code de procédure civile, la représentation en justice est fondée sur un mandat, lequel est défini par le code civil comme l’« acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». Par nature, le mandat implique un lien interpersonnel jugé incompatible avec la possibilité d’assurer sa propre représentation en justice : le défenseur syndical, exerçant un mandat de représentation en justice, ne pouvait pas « confondre en sa personne les qualités de mandant et de mandataire ». Suivant le même raisonnement, la chambre sociale aurait pu admettre que le défenseur syndical avait implicitement ratifié le mandat qu’il s’était donné à lui-même pour interjeter appel d’une décision à laquelle il était partie. Ce n’est toutefois pas la logique suivie par la haute juridiction.
Une lecture combinée de ces dispositions amène la chambre sociale à trancher en défaveur du demandeur au pourvoi : « un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud’homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice ». Quand bien même il pouvait justifier de son statut de défenseur syndical, il appartenait au salarié de constituer avocat ou de choisir un défenseur syndical afin d’être représenté en cause d’appel. À défaut d’avoir donné mandat à un autre défenseur syndical, le salarié n’était pas admis à former et déposer la déclaration d’appel, dont la nullité est confirmée. Sur ce point, la solution ne surprend guère : on sait de longue date que le défaut de mandat de représentation constitue une irrégularité de fond sanctionnée par la nullité (Soc. 5 mars 1992, nos 88-45.188 et 88-45.190).
D’un point de vue strictement pratique, et si l’on tient compte des aménagements prévus à l’article 930-2 du code de procédure civile, rien ne semblait faire obstacle à ce que le défenseur syndical puisse mener lui-même à bien sa représentation. À cet égard, le salarié faisait valoir l’existence d’une restriction injustifiée du droit d’accès au juge (Conv. EDH, art. 6, § 1). Reprenant à son compte la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation précise qu’il en va du respect des principes de bonne administration de la justice et d’efficacité de la procédure d’appel.
La solution fait écho à la jurisprudence rendue par le Conseil d’État s’agissant de la représentation en justice de l’avocat. Il avait ainsi été admis que la définition du mandat (là encore par référence à l’article 1984 C. civ.) et le principe d’indépendance de l’avocat faisaient obstacle à ce que ce dernier se représente lui-même dans une instance à laquelle il était personnellement partie : « ces dispositions relatives au mandat, ainsi que le principe d’indépendance de l’avocat, impliquent nécessairement que l’avocat soit une personne distincte du requérant, dont les intérêts personnels ne soient pas en cause dans l’affaire, et font obstacle à ce qu’un requérant exerçant la profession d’avocat puisse, dans une instance à laquelle il est personnellement partie, assurer sa propre représentation » (CE 22 mai 2009, req. n° 301186, Manseau, Lebon ; AJDA 2009. 1073 ). Dès lors qu’un avocat engagé à titre personnel dans un procès ne peut postuler pour lui-même, le cheminement suivi par la Cour de cassation paraît tout à fait audible.
Les activités de vente à emporter, de plats confectionnés et cuisinés sur place et de vente de ces plats par internet avec livraison constituent une modalité particulière d’exploitation de l’activité de restauration combinée à celle d’alimentation générale que le bail autorise, ce qui est conforme à l’évolution des usages commerciaux.
La progression de l’épidémie de covid-19 a conduit le gouvernement à réactiver, dès le mois d’octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national jusqu’au 1er juin 2021. Dans le cadre de cette législation, un décret n° 2021-296 du 19 mars 2021 est intervenu pour modifier le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et pour instaurer, dans une première liste de dix-neuf départements en situation sanitaire critique, des restrictions de déplacement en journée ainsi qu’un couvre-feu – ces mesures ayant, depuis lors, été étendues à l’ensemble du territoire national. Ces nouvelles restrictions s’appliquent à toute personne résidant dans les départements concernés, sans distinction ou exception dérogatoire pour les personnes bénéficiant de la campagne de vaccination nationale.
Aussi le 22 mars 2021, un retraité de 83 ans demeurant dans un des départements soumis à ces obligations a saisi le Conseil d’État d’un référé liberté, présenté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin de lui demander de suspendre l’exécution des mesures de restriction de déplacement en tant qu’elles s’appliquent également aux personnes vaccinées. Le requérant soutenait que...
La progression de l’épidémie de covid-19 a conduit le gouvernement à réactiver, dès le mois d’octobre 2020, l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national jusqu’au 1er juin 2021. Dans le cadre de cette législation, un décret n° 2021-296 du 19 mars 2021 est intervenu pour modifier le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et pour instaurer, dans une première liste de dix-neuf départements en situation sanitaire critique, des restrictions de déplacement en journée ainsi qu’un couvre-feu – ces mesures ayant, depuis lors, été étendues à l’ensemble du territoire national. Ces nouvelles restrictions s’appliquent à toute personne résidant dans les départements concernés, sans distinction ou exception dérogatoire pour les personnes bénéficiant de la campagne de vaccination nationale.
Aussi le 22 mars 2021, un retraité de 83 ans demeurant dans un des départements soumis à ces obligations a saisi le Conseil d’État d’un référé liberté, présenté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, afin de lui demander de suspendre l’exécution des mesures de restriction de déplacement en tant qu’elles s’appliquent également aux personnes vaccinées. Le requérant soutenait que...
Une saisie immobilière, mesure temporaire et à caractère provisoire, ne peut porter que sur la totalité du bien saisi, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, qui ne peut invoquer la violation du principe de proportionnalité, la société tierce étant sans qualité à invoquer les conséquences de la saisie pour la société poursuivie, qui n’est pas propriétaire du bien saisi.
Aux termes de l’ordonnance de renvoi, les 16 prévenus cumulaient à eux tous 81 chefs de prévention. Mais mardi dernier, la procureure a requis, outre une requalification, 54 relaxes (sans compter les resserrements de périodes de prévention). L’édifice qui demeure est baroque, puisque les liens entre complices et auteurs principaux sont aussi distendus que ceux entre recels et infractions originaires. Depuis le début du procès, la CFO qui représente la personne morale est au centre de la première ligne des avocats de la défense, de sorte que, visuellement, tous l’entourent, y compris ceux qui la mettent en cause. Ses coprévenus sont installés en retrait, dans la salle. C’est au tour de leurs avocats respectifs de plaider.
Commençons par les quatre policiers renvoyés pour avoir consulté l’ancien fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées). Alain a voulu filer un coup de main à son « cousin de Corse » : son avocat insiste sur le fait qu’il « ne connaît personne dans cette salle, et personne ne le connaît ». À propos du cumul de deux préventions (divulgation de données sensibles et violation du secret professionnel), il parle de « pléonasme judiciaire ». Certes, Alain a procédé à 167 consultations (« ça fait beaucoup »), mais n’en a tiré aucun bénéfice et n’avait « aucune quelconque volonté de nuire à ces gens ». Il poursuit sur le sens d’une peine d’emprisonnement avec sursis (la procureure a requis deux ans) : « Comment voulez-vous qu’à la retraite, dans ses montagnes corses, il consulte [à nouveau] des fichiers ? » L’avocat d’un autre policier dénonce « le vide sidéral en termes d’administration de la preuve » pour requérir la relaxe. Un confrère évoque « un procès en sorcellerie » et insiste sur la collaboration à l’enquête et les états de service (presque) irréprochables de son client. Un autre explique qu’on ne peut plus reconstituer exactement qui a fait quoi et invoque « la jurisprudence du tribunal qui n’en a pas » pour lui demander de « faire preuve de modération ».
Direction le magasin d’Avignon (Vaucluse), avec l’avocat de Patrick, ancien directeur et « cousin de Corse » d’un policier. Il estime que les échanges entre eux étaient de l’ordre du commentaire, et ne portaient donc pas vraiment sur des données personnelles : « Peux-tu jeter un œil ? », demandait l’un ; « Rien de méchant », répondait l’autre. L’avocat de Fabrice, responsable sécurité du magasin, commence par expliquer que « la France a inventé la protection des données personnelles, avec la loi de 1978 ». Ce qui, au demeurant, est inexact : c’est plutôt le Land de Hesse (Allemagne). Toujours est-il qu’il insiste sur l’imprécision de la réponse reçue par son client (« quatre personnes connues »). « Très subsidiairement », il plaide la dispense d’inscription au B2.
Passons au magasin de Reims (Marne). Le conseil de son directeur, Richard, prend la précaution de plaider sur les cinq préventions « abandonnées » par le parquet. Avant de demander au tribunal d’écarter les deux qui restent, tout en faisant mine de s’auto-objecter un principe inédit : « Relaxe sur relaxe ne vaut. » Il précise que les 203 candidats figurant sur la liste qui concerne son client ont tous été embauchés. Ajoute, à l’attention des syndicats parties civiles : « Vous défendez les salariés, c’est bien, mais vous n’avez pas pensé au simple salarié qu’était Richard. Il était des vôtres. » L’avocat du responsable sécurité du magasin, Clarel, plaide la relaxe, mais avec deux subsidiaires : dispense de peine et non-inscription au B2.
On en vient à Jean-Pierre, le patron de la société qui a fourni de « vrais faux » STIC recueillis par le biais de son fameux (et fumeux) logiciel Pegase. Contre lui, la procureure a requis deux ans, dont un avec sursis, pour trois chefs de prévention (sur les sept de l’ordonnance). « On a beaucoup rigolé avec cette histoire de Pegase », attaque son avocat : « Mon opinion, c’est qu’il est beau, il court vite, il a de jolies ailes, il vole, mais c’est un mythe. » Faisant allusion à la récente saisie de pseudo-cachets de MDMA, en fait de simples bonbons, il ajoute : « C’était du “STIC Tagada”. Du sucre, du vent. […] À un moment, il va même falloir se poser la question de le poursuivre pour escroquerie. » Selon lui, le seul lien que l’on puisse établir entre son client et un policier, c’est avec un certain Gaston, placé sous le statut de témoin assisté avant de bénéficier d’un non-lieu : « Il ne peut pas être complice d’une personne qui a été mise hors de cause […], ça n’a aucun sens. » L’avocat ajoute, bravache : « Je ne produis pas d’éléments de personnalité [car] il sera relaxé, et ce sera justice. »
On se rapproche de la société avec Dariusz, le directeur administratif et financier (DAF) qui a contresigné plusieurs factures émises par Jean-Pierre « Pegase ». Son avocat reprend les préventions : « L’élément intentionnel, s’agissant de mon client, repose sur trois lignes de la quatrième des six versions d’un coprévenu, je ne pense pas que vous ayez un standard de preuve satisfaisant. » D’autant que quatre autres coprévenus disent l’inverse : « Pourquoi leurs déclarations auraient-elles moins de poids ? » Il revient enfin sur le contrôle limité du contresignataire d’une facture, et sur le principe même de la poursuite d’un DAF pour son simple contreseing : « Ce serait le poste le plus exposé d’une société, plus encore que celui de PDG. »
« J’ai une affection toute particulière pour les journalistes, même si j’en poursuis beaucoup », commence l’avocat de Claire, ancienne DRH dont la procureure a requis la relaxe intégrale. Propos liminaire de pure forme, puisque tout ce que la salle compte de cartes de presse (et de parties civiles) se fait copieusement engueuler pendant une bonne demi-heure. « Je vais tout de même faire un petit peu de droit », lance-t-il : « Cette matière que des avocats qui l’ignorent tentent d’enseigner à des magistrats qui l’ont oubliée. » Il ajoute : « Une poursuite doit être intelligible à un prévenu, parce que l’avocat n’est pas obligatoire. Or elle ne peut comprendre quoi que ce soit à ce gloubi-boulga. » Il entrecoupe ses phrases d’incises tellement longues qu’au moment où il les termine, on ne se souvient plus comment elles avaient commencé. Puis conclut : « Vous la relaxerez, mais pas seulement. Vous la réhabiliterez. »
On en vient à Sylvie, directrice adjointe de la gestion du risque. Selon son avocate, « l’enquête a bien établi la répartition des rôles. La prérogative de ma cliente, c’était l’hygiène et la sécurité, […] elle n’intervenait que de manière totalement résiduelle dans le domaine […] de la sûreté ». À propos d’échanges d’informations au sein du service, elle ajoute : « On dit que c’était un open space, mais on ne demande pas une condamnation […] sur la base de la disposition d’un bureau. » Elle poursuit sur le directeur du service : « Il joue à la victime, lâchée par son adjointe. Il inverse complètement les rôles. Il était son supérieur, elle obéissait à ses directives et lui rendait compte […]. Il avait l’obligation professionnelle, pour ne pas dire morale, de ne pas lui demander de faire quelque chose d’illégal. »
On passe à l’avocat de Jean-Louis, directeur général au début de la période de prévention. Il pointe les nombreuses imprécisions rédactionnelles de l’ordonnance de renvoi concernant son client, puis ajoute : « Lorsqu’il dit qu’il ne savait rien, on peut le croire ou ne pas le croire, ce n’est pas le problème. Ce qu’il dit est possible. » Il plaide ensuite… un adage de droit romain : testis unus, testis nullus (« un seul témoin, pas de témoin »). Et d’ajouter : « C’est encore pire quand [c’est] un coprévenu. » Il revient sur les réquisitions de la procureure (« une peine qui marque sa vie ») pour en prendre le contre-pied : « Le sens de la peine, selon le code, ce n’est pas de marquer au fer rouge. »
Avance l’avocat de Stefan, qui a succédé à Jean-Louis à la tête de la filiale française en cours de prévention, et dont le parquet a requis la relaxe pure et simple. Lui insiste sur le choc des cultures à l’arrivée de son client en France : « Ce qui est interdit en France, pour nous, c’est une évidence. Mais croyez-vous que ce soit une évidence partout dans le monde ? » Il fait un parallèle : « Préparer un témoin […], pour nous, c’est une subornation. Dans d’autres contrées, ne pas le préparer serait une faute professionnelle. » Il revient à la connaissance de son client : « Personne ne l’informe : un, que ça existe ; deux, que c’est illégal. »
On arrive aux avocats des deux principaux antagonistes du dossier : Jean-François, le directeur de la gestion du risque, et la personne morale. Le premier fait mine de saluer « une défense magnifiquement organisée, dans un concert superbe, chacun jouant sa partition sous le contrôle d’un chef d’orchestre », qui n’est autre que le second. En retour, ce dernier lui donne du « mon contradicteur », alors qu’ils sont du même côté de la barre. Commençons donc par l’avocat de Jean-François, qui tente de démonter la thèse d’une initiative personnelle. Il cite plusieurs déclarations de coprévenus et de témoins, dont il ressort que ce dernier serait « un bon petit soldat ». Qu’avec son adjointe, « ils avaient l’habitude de se couvrir et, dans chaque action, […] d’informer leur hiérarchie avant et après ». Qu’ils étaient tous deux « de bons exécutants ». « Il a un certain nombre de qualités pour le poste », poursuit l’avocat : « Il a une certaine rigidité, et il rend compte. Et puis il est discret. […] Et même trop. S’il avait envoyé un mail à chaque fois, il ne serait pas devant votre juridiction à porter ce fardeau. »
Il résume ce qui constitue selon lui la solution d’Ikea pour faire taire les fortes têtes, et notamment les syndicalistes : « On brise, et si on ne peut pas, on paye. Et si on ne peut pas payer, on brise quand même. » Il passe ensuite en revue les deux préventions retenues par le parquet. La collecte : « On en revient à la thèse de départ sur ce que Jean-Pierre a vendu ou pas. Du vent ? Des fraises Tagada ? On sait aussi que mon client ne fait pas de collecte dans les fichiers RH, puisqu’il n’y a pas accès. » Le recel (habituel) de divulgation : « Les auteurs poursuivis pour [sont] uniquement des policiers, […] or on n’a aucun lien avec eux. » Sur cette seconde infraction, il note au passage que « la poursuite ne peut être exercée que sur plainte de la victime », ce qui n’est pas le cas ici.
Dernier avocat à plaider dans ce procès, celui de la personne morale. Il revient d’abord sur l’éviction du précédent : « Il ne s’agissait pas de sacrifier le bouc émissaire, mais d’appliquer des règles managériales habituelles dans ce type de situation. » Puis passe aux réquisitions de la procureure, selon lesquelles les lacunes du dossier et de l’ordonnance « n’amoindrissent pas la responsabilité des personnes que vous avez à juger dans ce dossier » : « Je suis d’accord [avec elle], ça n’amoindrit pas cette responsabilité. Ça l’exclut. » Il revient sur la responsabilité pénale des organes ou représentants, en martelant : « On est sur des infractions “in-ten-tio-nnelles”. On vous a dit qu’ils étaient menteurs ou incompétents, mais ils ont parfaitement le droit de mentir, et l’incompétence n’est pas un élément constitutif. » Sur le dossier lui-même, il avance : « J’ai l’impression qu’un virus a frappé un certain nombre d’acteurs de ce dossier, celui de la paresse intellectuelle et juridique. Puisque les médias avaient pris le parti de David contre Goliath, pourquoi s’embêter à faire du droit ? »
Il rebondit ensuite sur l’extension de la période de prévention : « Ce ne sont pas des infractions occultes, et comme on ne nous a pas permis […] d’en discuter avant la clôture des débats, c’est réglé. » Sur l’absence de contrôle lors de la contresignature des factures, il rejette la faute sur Jean-François, le directeur de la gestion du risque : « Il nous explique qu’ils ont tous été incompétents parce qu’ils n’ont rien vérifié, mais c’est lui qui s’est fait embourber 187 000 € pour du vent. » Après quelques considérations sur le recel, il sort une botte secrète : la société a été renvoyée sous sa forme sociale actuelle, celle d’une SAS représentée par des personnes physiques. Or, sur la période de prévention, il s’agissait d’une SNC représentée par des personnes morales. Il explique ensuite : « Normalement, quand on plaide la relaxe, on ne plaide pas la peine. Mais à treize millions de dommages et intérêts et deux millions d’amende, je vais quand même en dire un mot. » Avant de conclure par une citation (au mieux) apocryphe : « L’avocat ferait n’importe quoi pour gagner un procès. Parfois, il dirait même la vérité. »
Du début de la procédure, en 2012, jusqu’aux derniers instants du procès, tous les acteurs du dossier auront donc « refusé l’obstacle » des données personnelles. On tiendrait presque le début d’une histoire drôle : des travaillistes, des affairistes et des pénalistes se retrouvent devant une chambre « éco-fi »… de quoi parlent-ils ? Réponse : de tout, sauf de droit des données. Délibéré au 15 juin 2021.
Sur le procès Ikea, Dalloz actualité a également publié :
• Procès Ikea : ouverture et premiers interrogatoires, par Antoine Bloch le 25 mars 2021
• Procès Ikea : « On m’a laissé tout seul comme une merde me débrouiller », par Antoine Bloch le 29 mars 2021
• Procès Ikea : « Sont-ils des menteurs, ou simplement des incompétents ? », par Antoine Bloch le 1er avr. 2021

Après avoir posé, en 2016, les bases à l’occasion de la contestation des communiqués de l’Autorité des marchés financiers (CE, ass., 21 mars 2016, n° 368082, Sté Fairvesta International GmbH, Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 572 ; ibid. 717 , chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 715, obs. M.-C. de Montecler ; AJCA 2016. 302, obs. S. Pelé ; Rev. sociétés 2016. 608, note O. Dexant - de Bailliencourt ; RFDA 2016. 497, concl. S. von Coester ; RTD civ. 2016. 571, obs. P. Deumier ; RTD com. 2016. 298, obs. N. Rontchevsky ; ibid. 711, obs. F. Lombard ), la Haute juridiction était saisie, en l’espèce, d’une délibération de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, autorité chargée de veiller au respect des objectifs de la politique de l’État en la matière, indiquant aux opérateurs de jeux et paris en ligne que leur méconnaissance de dispositions du code de la consommation, notamment celles relatives aux clauses abusives des contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, ou aux pratiques commerciales déloyales, est susceptible de poursuites devant la commission des sanctions. L’Association française du...
Dans deux arrêts du 24 mars, le Conseil d’État précise les conditions du droit à la gratuité du stationnement au bénéfice des personnes handicapées, prévu, avant 2016, par l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles (et désormais par l’art. L. 241-3 du même code).
La haute juridiction était saisie par les villes de Tours et Marseille de pourvois contre des décisions de la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP) déchargeant des automobilistes d’un forfait de post-stationnement (FPS).
À Tours, M. C. s’était vu infliger un FPS, bien que son véhicule ait été utilisé pour les besoins de...
L’affichage et la diffusion de communications syndicales sont une modalité incontournable de l’exercice du droit syndical dans l’entreprise. S’exerçant dans le cadre de la section syndicale, cette faculté d’expression ne s’en trouve pas moins encadrée par des règles assez précises définies aux articles L. 2142-3 et suivants du code du travail. Celles-ci bornent son exercice dans le cadre de l’entreprise. Mais qu’advient-il lorsqu’il est question de salariés n’exerçant pas leur travail au sein de l’entreprise originaire, mais au sein d’une entreprise utilisatrice dans le cadre d’une mise à disposition ? Telle était précisément le cas dans l’arrêt du 17 mars 2021 présentement commenté.
En l’espèce, un syndicat de pilotes de la compagnie Air France a assigné ladite compagnie ainsi que la société Transavia appartenant au même groupe pour qu’il soit ordonné que les pilotes d’Air France détachés à Transavia France puissent prendre connaissance des tracts et publications syndicales diffusés par le syndicat.
Débouté de sa demande par les juges du fond, le syndicat s’est pourvu en cassation en faisant valoir qu’Air France n’était pas en droit de lui interdire de diffuser de l’information syndicale par voie électronique aux salariés mis à disposition de la société Transavia, la première n’ayant aucun pouvoir de contrainte sur la seconde. La cour d’appel avait en effet assis son raisonnement sur le fait que l’employeur initial ne détenait aucun pouvoir pour contraindre la société utilisatrice à procéder à la diffusion d’une information syndicale en son sein.
La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie du pourvoi, a invalidé le raisonnement de la cour d’appel. Elle a, en effet, au visa des articles L. 2142-3 à L. 2142-7 et L. 2314-23 du code du travail, affirmé que les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale au sein de l’entreprise peuvent diffuser des communications syndicales aux salariés de l’entreprise. Les salariés mis à disposition d’une entreprise extérieure, qui demeurent rattachés à leur entreprise d’origine, doivent en effet pouvoir accéder à ces informations syndicales. La haute juridiction pose clairement une obligation à l’égard de l’employeur : celle de...
La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause le lundi de Pâques.
La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause le lundi de Pâques.
La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause le lundi de Pâques.

L’ambition affichée par le Parlement européen dans sa résolution du 10 mars 2021 s’inspire de la loi française (Loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre). Le devoir de vigilance prend progressivement pied dans le débat juridique. Il s’agit d’imposer à certaines sociétés la vigilance sur l’activité de leur sphère d’influence (sous-traitants, fournisseurs, filiales, etc.) concernant le respect de certains droits essentiels. Les sociétés concernées sont qualifiées de « sociétés dominantes » en raison du pouvoir qu’elles détiennent sur d’autres acteurs économiques.
La montée en puissance du devoir de vigilance de la société dominante s’effectue en trois étapes : 1) le temps des mesures volontaires ; 2) le temps des premières obligations ; 3) le temps de l’effectivité. L’adoption d’une directive européenne pourrait en constituer l’aboutissement dans le cadre continental.
Le temps des mesures volontaires. Conscientes des enjeux, de nombreuses sociétés dominantes ont adopté une démarche volontaire de vigilance. Une caractéristique commune émerge : la valeur juridique incertaine de ces engagements. Accompagnés par plusieurs organisations internationales (not. l’OCDE [« Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales », 25 mai 2011] et l’ONU [« Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », Haut-Commissariat aux droits de l’homme, 2011], ils constituent du « droit mou » dont l’effectivité est questionnée. Leur dépassement est rapidement apparu comme une nécessité.
Le temps des premières obligations. L’effondrement du Rana Plaza le 24 avril 2013 constitue un point de rupture. L’intervention du « droit dur », apparaissant désormais comme un impératif, prend forme dans les lois françaises (loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre) et néerlandaise (Wet van 24 oktober 2019 n. 401 houdende de invoering van een zorgplicht ter voorkoming van de levering van goederen en diensten die met behulp van kinderarbeid tot stand zijn gekomen [loi relative à l’introduction d’un devoir de diligence pour empêcher la fourniture de biens et de services provenant du travail d’enfant]). Au niveau international, l’ONU entame des démarches pour la mise en place d’un « instrument international juridiquement contraignant ». Toujours en cours, elles ne semblent pas en mesure d’aboutir à court terme. L’Union européenne (UE) montre également sa détermination à s’engager, tout d’abord au moyen d’une démarche sectorielle (Règl. [UE] n° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil « établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché », 20 oct. 2010 ; Règl. [UE] 2017/821 du Parlement européen et du Conseil « fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les importateurs de l’Union qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais et de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque », 17 mai 2017), complétée par de strictes obligations de reporting non financier (Dir. 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil, 22 oct. 2014, modifiant la dir. 2013/34/UE).
Le temps de l’effectivité ? Après ces premières étapes, des voix s’élèvent afin d’aller plus loin. Elles ont été entendues par le Parlement européen qui se saisit désormais du sujet avec une ambition renouvelée. La résolution adoptée le 10 mars 2021 le démontre. Celle-ci est complétée d’un projet de directive clé en main qui pourrait servir de base de réflexion à la Commission. La directive s’inspirerait largement de la loi vigilance française. Sa philosophie serait identique et la méthode retenue similaire. Il s’agirait d’imposer à la société dominante : 1) d’identifier au sein de sa sphère d’influence les activités à risque concernant « les droits de l’homme, l’environnement et la bonne gouvernance » ; 2) de mettre en place une « stratégie de vigilance » en y associant les « parties prenantes » ; 3) d’assurer la publicité de cette stratégie. La société dominante serait tenue de prendre « toutes les mesures de précaution requises […] pour éviter le préjudice » subi en raison de manquements aux droits humains/environnementaux, soit une obligation de moyens. Le lien avec le droit français est évident. Celui-ci impose aux « sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre » d’établir, publier et mettre en œuvre un plan de vigilance comprenant « les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement » (C. com., art. L. 225-102-4).
Pourrait aboutir une forme de consécration européenne de l’initiative du législateur français. Une nuance s’impose. Ses failles et difficultés de mise en œuvre, mises en lumière par de nombreux commentateurs, semblent avoir été prises en compte par le projet de directive. Celle-ci apporterait de sensibles améliorations en faveur de la dimension contraignante du devoir de vigilance. Il s’agirait notamment :
De définitions rigoureuses : l’article 3 du projet de directive est consacré aux « définitions » : parties prenantes, fournisseurs, sous-traitants, etc. Il est ainsi donné des contours précis aux termes utilisés. Cette démarche est essentielle en raison de l’utilisation d’expressions non juridiques issues de la RSE. La loi vigilance est apparue comme défaillante et largement perfectible sur ce point (V. not., Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, D. 2017. 2501, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; Constitutions 2017. 234, chron. P. Bachschmidt ; ibid. 291, chron. B. Mathieu ).
D’une association obligatoire des parties prenantes : l’article 5 du projet de directive garantirait « le droit pour les syndicats […] et pour les représentants des travailleurs, d’être associés de bonne foi à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie de vigilance de leur entreprise ». Plus généralement, l’association des parties prenantes ne serait pas une option pour la société dominante mais une obligation. Cela n’est pas le cas dans la loi vigilance : « les dispositions selon lesquelles le plan de vigilance « a vocation » à être élaboré avec les « parties prenantes de la société » ont une portée incitative » (Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, préc.).
D’une autorité indépendante chargée de veiller au respect du devoir de vigilance : l’article 12 du projet de directive imposerait la désignation « d’une ou plusieurs autorités nationales compétentes chargées de surveiller l’application de la directive, une fois transposée en droit national […] ». Cette autorité de surveillance devrait être indépendante et disposer de ressources, d’une infrastructure, de l’expertise et de locaux adéquats. Il lui serait accordé un large pouvoir d’enquête et de sanction (art. 13). Dans le cadre de la loi vigilance, cette autorité n’existe pas malgré l’habitude du droit français à recourir à un tel mécanisme (v. l’agence française anticorruption (AFA) de la loi Sapin II (loi n° 2016-1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique). Il s’agit de l’une de ses principales failles, utilement corrigée par le projet de directive.
De sanctions administratives : l’article 18 du projet de directive imposerait, en cas de manquement au devoir de vigilance commis par la société dominante, des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ». Il est précisé que « les autorités compétentes nationales peuvent en particulier infliger des amendes calculées sur la base du chiffre d’affaires d’une entreprise […] ». Le mécanisme de l’amende s’inspire de la loi vigilance adoptée définitivement par l’Assemblée nationale. Il y était prévu que « le juge [puisse] condamner la société au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut être supérieur à 10 millions d’euros ». Cette amende civile a été censurée par le Conseil constitutionnel en raison de l’imprécision des termes retenus par le législateur (Cons. const. 23 mars 2017, n° 2017-750 DC, préc.). En cas de transposition de la directive, il devra se montrer plus exigeant. L’amende permettrait de suppléer les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité civile dans le cadre du devoir de vigilance. En parallèle des sanctions, l’article 13 du projet de directive imposerait un sévère pouvoir administratif de suspension temporaire de l’activité de la société dominante en cas de manquement grave au devoir de vigilance. La loi vigilance permet simplement au juge d’ordonner sous astreinte un respect des obligations (C. com., art. L. 225-102-4).
D’une présomption de responsabilité en cas de préjudice : en raison du caractère « de moyens » du devoir de vigilance, la responsabilité civile associée est nécessairement du fait personnel. Il s’agit de déterminer si le manquement de la société dominante à son devoir de vigilance est en causalité avec le préjudice subi par un tiers. La loi vigilance opère une référence directe aux articles 1240 et 1241 du code civil (C. com., art. L. 225-102-4). Si le projet de directive confirme le recours à la responsabilité civile du fait personnel, il envisage un mécanisme innovant de présomption réfragable de responsabilité (art. 19). Il ne s’agirait plus pour le tiers de prouver la causalité d’une faute avec le préjudice subi, mais à la société dominante de démontrer avoir « pris toutes les mesures de précaution requises […] pour éviter le préjudice, ou que le préjudice se serait produit même si toutes les précautions nécessaires avaient été prises », soit une obligation de moyens renforcée.
De la qualification de loi de police : selon l’article 20 du projet de directive, « les États membres veillent à ce que [s]es dispositions […] soient considérées comme des dispositions impératives dérogatoires au sens de l’article 16 du règlement (CE) n° 864/2007 », dit « Rome II ». Il s’agirait d’imposer de manière heureuse la qualification de loi de police (et de sûreté) au devoir de vigilance afin de garantir son déploiement au-delà des frontières européennes. Cette précision, sollicitée par de nombreux acteurs, a été écartée sans véritable explication par le législateur français dans le cadre de la « loi vigilance ».
En conclusion : le chemin vers un devoir de vigilance européen de la société dominante sera long. La résolution adoptée par le Parlement le 10 mars 2021 démontre une volonté politique. Les prochains mois permettront de savoir si celle-ci se traduira en actes.
Sur l’article 24, le plus polémique du texte (Dalloz actualité, 16 nov. 2020, art. P. Januel), les parlementaires ont suivi la rédaction du Sénat. Il punira de cinq ans de prison « la provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification » d’un policier, gendarme, douanier ou policier municipal en opération. Une protection qui couvrira également les conjoints, ascendants ou enfants de ces fonctionnaires. L’article punira aussi le fichage de fonctionnaires ou de personnes chargées d’une mission de service public, pour des finalités non prévues par le RGPD.
Autre article polémique, le 23 qui supprime les crédits de réduction automatique de peine pour les auteurs d’infractions commises contre les policiers, gendarmes, surveillants pénitentiaires ou élus. Si la CMP a élargi la protection à toute personne dépositaire de l’autorité publique, elle a limité cette suppression aux infractions les plus graves. À noter, le projet de loi Dupond-Moretti (Dalloz actualité, 18 mars 2021, art. P. Januel) prévoit de supprimer plus globalement ces crédits automatiques.
L’article 25 qui autorise le port d’armes pour les policiers et gendarmes hors service avait déjà été voté conforme. Le Sénat a introduit un nouvel article 23 bis qui élargit le délit d’embuscade, pour protéger plus généralement les fonctionnaires et leurs proches. La CMP a également validé l’extension de la protection fonctionnelle des policiers et gendarmes à l’audition libre.
Drones et vidéoprotection
Les drones pourront être utilisés pour le constat de toute infraction punie de cinq ans de prison, ou quand le recours à d’autres outils serait susceptible d’exposer les agents. Le recours sera aussi autorisé pour la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens, la prévention du terrorisme, la sécurité des rassemblements ou la surveillance des frontières. La captation du son et la reconnaissance faciale par drone seront interdites. Des policiers municipaux pourront utiliser les drones « aux fins d’assurer l’exécution des arrêtés de police du maire ».
La CMP a validé l’article voté au Sénat qui permet au ministre de l’Intérieur d’installer des caméras dans les chambres d’isolement des centres de rétention et dans les cellules de garde à vue. Ceci, en cas de risque de suicide ou d’évasion ou afin de collecter des preuves pour des faits survenus lors de la rétention ou de la garde à vue.
Sur les caméras piétons, il ne sera finalement pas possible pour la police de diffuser les images directement dans les médias ou sur les réseaux sociaux. La CMP a par ailleurs rétabli l’article qui facilite le déport d’images vidéo depuis certains immeubles collectifs.
Police municipale, sécurité privée et L214
Dans le cadre d’une expérience, des policiers municipaux pourront constater de nombreux délits (usage de stupéfiants, défaut de permis ou d’assurance, port d’arme, rodéos, occupation illicite des locaux d’une personne publique), faire des relevés d’identité et saisir des objets ayant servi à la commission d’une infraction.
L’article 1erbis renforce les obligations d’information par le parquet des suites judiciaires données à une infraction signalée par un maire ou une police municipale.
Sur l’encadrement de la sécurité privée, la CMP a supprimé l’interdiction de sous-traiter plus de 50 % d’un marché. Pour être agent de sécurité privée, les étrangers devront disposer d’un titre de séjour depuis cinq ans. Mais la mention d’une infraction au casier judiciaire ne sera pas forcément incompatible avec une activité de sécurité privée.
Enfin, un amendement du Sénat « anti-L214 », aggrave les peines du délit d’introduction dans un domicile à trois ans d’emprisonnement, avec l’idée de faciliter le jugement en comparution immédiate. Policiers municipaux et garde champêtres pourront, à titre expérimental, constater cette infraction dans les exploitations agricoles et locaux professionnels.

Au cinquième jour du procès, plaidoiries des parties civiles. Dont, semble-t-il, une nette majorité de « prud’homalistes » : « Cette pâte humaine que l’on retrouve quasi-exclusivement dans les juridictions pénales, je l’avais un peu oubliée », confesse un avocat. Il est beaucoup question de contexte, de « RSE », pour ainsi dire : « Vous avez été aveuglés par votre haine du syndicalisme ». Et bien sûr, du storytelling de l’enseigne : « Ikea, c’est une promesse de jardin d’Eden, mais c’est le royaume d’Hadès ». Certains en profitent pour tirer une nouvelle fois à boulets rouges sur la décennie de procédure : « Rétrospectivement, le parquet de Versailles n’était peut-être pas calibré pour ce dossier ». Pour resserrer sur les faits, un avocat précise que « ce qui choque, c’est vraiment le déni […] face à une pathologie, une addiction […], qui consiste à collecter des données personnelles ». D’autres insistent sur le caractère exemplaire de ce procès, parfois par des moyens détournés : « On est sur quelque-chose de très banal, un secret de polichinelle. Ce qui se passe chez Ikea se passe aussi dans d’autres grands groupes, […] mais quand on le pratique à une échelle industrielle, c’est […] intolérable ». Un autre avocat demande justement au tribunal de donner un « écho maximal » à sa décision à intervenir, en ordonnant « sa publication dans plusieurs supports de presse ».
Plusieurs tiennent à égrener les noms de leurs clients, « parce que ce n’est pas un dossier, ce sont pas des listes. Ce sont des gens ». En réparation de...
Dès lors que le manquement invoqué, stipulé au bail et sanctionné par la clause résolutoire, s’est poursuivi à l’expiration du délai d’un mois suivant la signification du commandement, le juge est tenu de constater l’acquisition de la clause, quelle que soit la gravité du manquement.
Cette décision permet de rappeler le caractère central de la déclaration préalable à l’embauche (DPAE). La formalité de la DPAE a été créée par la loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991 qui prévoyait que « l’embauche d’un salarié ne peut intervenir qu’après la déclaration nominative effectuée par l’employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet ». Cette formulation a été reproduite in extenso dans l’article L. 1221-10 du code du travail. La DPAE est donc en effet essentielle en ce qu’elle constitue un dispositif de lutte contre les différentes formes de travail dissimulé. Au-delà de cet intérêt, elle permet de faire présumer l’existence d’un contrat de travail qui ouvre droit au salarié le bénéfice de l’ensemble des droits (notamment affiliations aux assurances maladie et de chômage) et obligations prévus par le code du travail et facilite ainsi les contrôles opérés par l’inspection du travail.
La question posée à la Haute juridiction concerne l’articulation entre le formulaire A1 et la DPAE. En l’espèce, le procureur de la République de Saint-Malo a diligenté une enquête préliminaire sur des faits d’exercice illégal en France d’une activité d’entreprise de travail temporaire à l’encontre de la société Mistral intérim. L’enquête, initialement ouverte pour travail dissimulé, a par la suite été élargie aux infractions d’abus de biens sociaux et de faux et usage. Condamnés en appel, les personnes poursuivies ont formé un pourvoi en cassation au motif qu’ils avaient fourni les certificats A1, à l’égard des travailleurs concernés. Ils considèrent ainsi que les juges du fond qui ont constaté les certificats en cause émis par les autorités slovaques attestant que les travailleurs détachés par elle en France disposaient d’une protection sociale dans leur pays d’origine. Par conséquent, ils soutiennent qu’en les condamnant néanmoins pour travail dissimulé pour défaut de déclaration aux organismes de sécurité sociale français et complicité de cette infraction, sans constater l’existence d’une fraude, la Cour d’appel aurait violé l’article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux...

Si le projet de loi Climat crée de nombreuses obligations environnementales, il s’interroge peu sur la possibilité pour la justice de s’assurer de leur effectivité. En janvier, pour faire le point sur le sujet, la commission des lois de l’Assemblée nationale avait lancé une « mission flash » sur le référé environnemental.
Conduite par les députées Naïma Moutchou (LREM, ancienne rapporteure de la loi parquet européen) et Cécile Untermaier (PS), la mission conclut à une forte diversité des référés existants. Un éparpillement complexe et nuisible, alors même qu’il s’agit parfois pour le juge d’interrompre des dommages irréversibles. Plutôt que de créer un nouveau référé, les députées proposent de renforcer les dispositifs existants. Plusieurs amendements des deux députées ont été repris par le rapporteur Erwan Balanant (Modem). Toutefois, selon nos informations, le débat se poursuit avec le gouvernement.
Les référés administratifs
L’administration autorisant les activités ou projets polluants, leur contestation relève d’abord de la justice administrative. Les recours les plus utilisés sont les référés généraux d’urgence (référé liberté, référé suspension et référé conservatoire).
En 2020, sur les 299 référés administratifs portant sur l’environnement, 250 étaient des référés suspension. Parmi les problèmes mis en lumière par Naïma Moutchou et Cécile Untermaier, la difficulté de caractériser l’urgence en matière environnementale : « Elle est souvent diffuse et ne se traduit pas toujours par une immédiateté du dommage qui peut apparaître de manière différée ». C’est pourquoi elles proposent qu’en matière environnementale, l’urgence puisse résulter « du caractère manifestement grave ou durable du dommage ou du risque de dommage ».
Par ailleurs, les référés ne sont pas toujours suffisamment rapides, lorsqu’il s’agit par exemple de stopper des travaux de défrichement. Le rapporteur a repris une proposition des députées d’ouvrir au juge la possibilité de suspendre une décision dès réception de la demande de référé. Mais la chancellerie y est réticente. Le gouvernement est également rétif à l’idée de considérer l’article 1er de la Charte de l’environnement (« le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ») comme une liberté fondamentale, invocable en référé liberté.
En plus de ces référés généraux, le droit administratif prévoit de longue date d’autres référés, comme le référé enquête publique ou le référé-étude d’impact. Ce dernier, créé en 1976, visait à s’assurer de la présence de ces études. Elles sont dorénavant systématiques, rendant ce recours inutile. Les députées proposent donc de l’élargir, afin que le juge puisse vérifier que l’étude ne souffre pas d’une « insuffisance manifeste ».
Les référés judiciaires
Il arrive que des contentieux relèvent du juge judiciaire. Ainsi le référé pénal spécial prévu par l’article L. 216-13 du code de l’environnement. Un procureur, agissant d’office ou à la demande d’une victime ou d’une association agréée, peut demander au juge des libertés et de la détention d’ordonner toute mesure utile, comme la suspension d’opérations menées en infraction à la loi pénale.
Une des rares utilisations recensées fut, en 2018, la demande de la Fédération de pêche du Rhône, d’enjoindre à Suez Eau de faire cesser la pollution d’une station d’épuration dans la rivière Brévenne. La Cour de cassation a indiqué que l’application de mesures conservatoires n’était pas subordonnée à la caractérisation d’une faute pénale (Crim. 28 janv. 2020, n° 19-80.091, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. A. Roques ; D. 2020. 864 , note A. Dejean de la Bâtie ; AJ pénal 2020. 135, obs. A. Dumas-Montadre ; RSC 2020. 336, obs. E. Monteiro ). Naïma Moutchou et Cécile Untermaier proposent d’élargir le champ d’application de ce référé à l’ensemble des délits environnementaux. Mais il n’est pas certain que le gouvernement les suive.
Il existe aussi la possibilité de saisir le juge civil, en utilisant le référé conservatoire de l’article 835 du code de procédure civile, afin de prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Mais la notion de « dommage imminent » n’est pas toujours adaptée au droit de l’environnement. Les députées proposaient d’ouvrir ce référé en cas de dommage « grave ou durable ». Une réforme qui relève toutefois du décret.
La logique du business à tout prix peut vite montrer ses limites. Le directeur commercial d’une entreprise d’armement l’a appris à ses dépens, licencié pour avoir organisé un rendez-vous de signature d’un contrat international avec un distributeur basé aux Émirats arabes unis, alors que les vérifications préalables n’avaient pas été effectuées.
La procédure interne en vigueur dans cette entreprise exige en effet, avant chaque signature d’un contrat avec un partenaire commercial export, d’obtenir la validation des différents services, dont celle de la direction du développement international chargée...

Il est possible de « déroger au principe de non-refoulement lorsqu’il existe des raisons sérieuses de considérer que le réfugié représente un danger pour la sécurité de l’État membre où il se trouve ou lorsque, ayant été condamné définitivement pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État » (Convention de Genève, art. 33 et Dir. du 13 déc. 2011, art. 21). Toutefois, interprétant la directive, la Cour de justice de l’Union européenne juge qu’un « État membre ne saurait éloigner un réfugié lorsqu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt dans le pays de destination un risque réel de subir des traitements prohibés par les articles 4 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » (v. CJUE 14 mai 2019, aff. C-391/16, AJDA 2019. 1021 ; ibid. 1641, chron. H. Cassagnabère, P. Bonneville, C. Gänser et S. Markarian ; ibid. 1788, étude J. Fernandez, T. Fleury Graff et A. Marie ; D. 2019. 1047 ; ibid. 2020. 298, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; Rev. crit. DIP 2019. 749, note T. Fleury Graff ; RTD eur. 2020. 136, obs. S. Barbou...
Bien que nombreux, les délits environnementaux sont mal réprimés en France. Comme le précise l’étude d’impact du texte, il existe 2 000 infractions environnementales dans notre droit pénal, éparpillées dans de nombreux codes. Chaque année, les parquets gèrent environ 20 000 affaires. Mais quatre fois sur cinq, la réponse pénale consiste en une alternative aux poursuites. En 2018, seules 2 000 personnes physiques ont été condamnées, à des peines souvent faibles, puisque moins de 30 peines de prison ferme ont été prononcées. S’agissant des personnes morales, il n’y a eu en 2017 que 139 condamnations, et seulement 60 peines d’amende ferme (moyenne : 27 500 €).
La loi sur le parquet européen avait traité de la question des juridictions spécialisées et instauré une CJIP environnementale. Ce texte se centre lui sur la répression et instaure trois nouvelles infractions : un délit de mise en danger de l’environnement, un délit d’atteinte grave à l’environnement et l’écocide.
De la mise en danger de l’environnement à l’écocide
L’article 67 crée un délit de mise en danger de l’environnement, sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui, pour pénaliser des comportements dangereux même sans pollution effective. Plusieurs infractions environnementales pourront être punies lorsque la personne aura exposé « directement la faune, la flore, ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable ». Cette infraction obstacle sera punie de trois ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende.
L’article 68 prévoit deux nouvelles infractions. D’abord, un délit d’atteinte grave à l’environnement. Plusieurs délits environnementaux seront aggravés en cas d’atteintes « graves et durables » à la santé, à la flore, à la faune, à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. La peine sera alors portée à cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, un montant qui pourra même aller jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.
Cette infraction générique vise à regrouper plusieurs délits environnementaux, en fonction d’un critère de gravité. Elle se muera d’ailleurs en délit d’écocide, puni de dix ans de prison, lorsque la personne ayant pollué avait connaissance du caractère grave et durable des dommages induits par ses actes. Pour condamner un écocide, il faudra donc prouver que la personne savait que son comportement entraînerait une pollution, et qu’elle serait grave et durable. Une double condition d’intentionnalité très critiquée, tant par le Conseil d’État que par les députés en commission.
Mais le gouvernement tient pour l’instant à conserver son texte. Inscrire le délit d’écocide dans la loi était une demande de la convention citoyenne, qui en avait une vision très large, avec l’idée de criminaliser les grandes entreprises pollueuses. Le texte débattu se veut une rédaction de compromis, qui, comme la plupart des délits résultant de compromis politiques, est baroque et peu opérationnelle.
Autre point débattu en commission : la très restrictive notion de « grave et durable » prévue pour ces trois délits. Le texte précise que seront considérées comme durables « les atteintes susceptibles de durer au moins dix ans ». Une durée très longue (les pollutions de l’Erika ont duré deux ans), surtout que, concernant le délit de mise en danger de l’environnement, il s’agit d’une pollution virtuelle.
De nouvelles peines complémentaires
Pour ces nouveaux délits, le texte ajoute des peines complémentaires : la dissolution de la personne morale, ainsi que l’interdiction de percevoir toute aide publique. Le tribunal pourra aussi imposer la restauration du milieu naturel, par une procédure d’ajournement avec injonction.
Surtout, un amendement du rapporteur Erwan Balanant (Modem) a rehaussé de nombreuses peines d’amende prévues dans plusieurs délits environnementaux. Ces amendes pourront aussi être calculées en fonction de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, comme c’est le cas pour de nombreux délits économiques.
Plusieurs sujets sont encore en débat. Le rapporteur Erwan Balanant souhaite ainsi élargir la notion de récidive, pour qu’elle englobe les différents délits environnementaux. La députée Naïma Moutchou, proposée par le groupe LREM, souhaite que les mesures de réparation de l’environnement puissent être prononcées dans le cadre des alternatives aux poursuites (qui constituent 80 % des affaires). Enfin, le gouvernement souhaite que les agents de contrôle puissent utiliser des drones.

« Négro » à l’encontre d’un salarié de couleur, « grosse vache » à une salariée enceinte, « V’là de la chair fraîche, on va la violer » à propos d’une jeune stagiaire… la décision d’appel qui accordait à la salariée à l’origine de ces propos plus de 30 000 € d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devait faire l’objet d’une cassation. C’est le sentiment que l’on a à la lecture de la motivation, lapidaire, de la décision rendue le 17 mars 2021 par la chambre sociale. Mais un arrêt d’opportunité ne fait généralement pas l’objet d’une publication sur le site de la Cour… il y a donc plus.
En l’espèce, la salariée à l’origine de ces propos a été mise à pied le 22 septembre 2014 à la suite d’une dénonciation, par les délégués du personnel auprès de l’employeur, de faits de harcèlement. Ensemble, ils conviennent de la mise en place d’une cellule psychologique et d’une enquête, menée par une entreprise externe spécialisée dans les risques psychosociaux. Les auditions des salariés victimes et des témoins ont été menées les 25 septembre et 1er octobre 2014, et le licenciement de la salariée pour faute grave prononcé quant à lui le 13 octobre 2014.
L’arrêt d’appel estime que l’enquête, parce qu’elle a été menée par un cabinet externe et sans en informer préalablement la salariée à l’origine des faits de harcèlement, constitue un procédé de preuve déloyal au regard de l’article L. 1222-4 du code du travail. Cet article impose en effet depuis une loi du 31 décembre 1992 (prenant acte de la jurisprudence Neocel du 20 novembre 1991, n° 88-43.120, D. 1992. 73 , concl. Y. Chauvy ; Dr. soc. 1992. 28, rapp. P. Waquet ; RTD civ. 1992. 365, obs. J. Hauser ; ibid. 418, obs. P.-Y. Gautier ) qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».
Dans sa décision du 17 mars 2021, la chambre sociale juge que la cour d’appel a fait une fausse application de l’article L. 1222-4 et du principe de loyauté. Après avoir rappelé le contenu de l’article L. 1222-4 et la déloyauté des dispositifs de contrôle clandestins, la Cour de cassation estime qu’« une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ».
Ce qu’elle n’explique pas en revanche dans sa motivation, c’est pourquoi l’article L. 1222-4 ne serait pas applicable.
On peut se demander si un texte spécial concernant le harcèlement justifierait d’écarter les dispositions générales de l’article L. 1222-4 du code du travail. Or, en matière de harcèlement, l’aménagement de la preuve prévu à l’article L. 1154-1 du code du travail ne profite qu’à la victime. L’employeur qui entend fonder un licenciement sur la faute du salarié harceleur doit prouver les faits de harcèlement, il ne peut se fonder sur une simple présomption de harcèlement (Soc. 7 févr. 2012, n° 10-17.393, Dalloz actualité, 21 févr. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. 506 ; RJS 2012. 273, n° 301 ; Dr. ouvrier 2012. 370, obs. P. Adam ; JSL 2012, n° 319-4, obs. Tourreil). Il n’y a donc pas de spécificité liée aux faits de harcèlement reprochés au salarié qui pourrait justifier la non-application de L. 1222-4.
Est-ce alors parce qu’il ne s’agirait pas à proprement parler d’un « dispositif » de collecte d’« informations personnelles » ? Jusqu’ici, la Cour a toujours estimé qu’une enquête était soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4. Avec néanmoins quelques nuances selon que l’enquête était réalisée par les services RH et cadres de l’entreprise ou, au contraire, confiée à une entreprise externe. Dans le premier cas, nul besoin d’en avertir le salarié, le pouvoir de contrôle relevant des prérogatives normales de l’employeur (ne constitue pas un mode de preuve illicite, même en l’absence d’information préalable du salarié, la simple surveillance de ce dernier sur les lieux du travail par son supérieur hiérarchique, v. Soc. 26 avr. 2006, n° 04-43.582, D. 2006. 1330, obs. E. Chevrier ; ou par un service interne de l’entreprise chargé de cette mission, v. Soc. 5 nov. 2014, n° 13-18.427, Dalloz actualité, 20 nov. 2014, obs. M. Peyronnet ; D. 2014. 2308 ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Dr. soc. 2015. 81, obs. D. Boulmier ; JT 2014, n° 170, p. 11, obs. D. Rieubon ). Dans le second cas, l’information préalable du salarié est requise (Soc. 15 mai 2001, n° 99-42.219, D. 2001. 3015 , obs. T. Aubert-Monpeyssen ) ou faut-il a minima que le salarié n’ait pas été tenu à l’écart de l’enquête (Soc. 26 janv. 2016, n° 14-19.002 P, Dalloz actualité, 8 févr. 2016, obs. M. Peyronnet ; D. 2016. 807, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RJS 4/2016, no 226 ; Gaz. Pal. 2016. 78, note Frouin ; JCP S 2016. 1141, obs. Dauxerre), ou que le rapport définitif ait répondu à toutes les contestations émises par celui-ci (Soc. 28 févr. 2018, n° 16-19.934 NP). Rappelons que la lettre convoquant un salarié à un entretien en vue de son licenciement n’a pas à l’avertir des éléments recueillis contre lui. Le droit du licenciement ignore le principe de l’égalité des armes. Le salarié peut être valablement convoqué à un entretien préalable à un licenciement en ignorant tout des griefs qui vont lui être opposés. Mais admettre qu’on lui oppose à cette occasion, sans l’en avertir, un audit externe, réalisé par des experts, reviendrait à consacrer en quelque sorte l’inégalité des armes. Ce que jusqu’à présent le juge n’admettait pas en exigeant, a minima, d’informer le salarié de l’enquête le concernant.
Rien dans le texte ne semble justifier que le juge écarte l’article L. 1222-4 au vu de la nature des faits en cause. On peut donc se demander si c’est le fait que l’enquête soit menée à la suite d’une dénonciation (qu’importe qu’il s’agisse alors de harcèlement) qui explique sa non-applicabilité. Là encore, le texte ne distingue pas entre une collecte d’informations a priori et une collecte a posteriori de la commission d’une faute par le salarié. Les exemples cités précédemment (v. not. Soc. 26 janv. 2016, n° 14-19.002, préc. concernant une expertise comptable confirmant l’exercice par un salarié d’un pouvoir qui excède ce que sa fonction lui permet) démontrent que, jusqu’à présent, un audit externe faisant suite à une faute devait respecter le principe de loyauté et donc conduire à informer ou associer le salarié à l’enquête. On notera à l’appui de cette interprétation que la chambre sociale déduit de l’article L. 1222-4 que l’employeur « ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal » et que, pour l’application au cas d’espèce, elle estime – pour écarter l’application de L. 1222-4 – qu’il ne s’agit pas d’un « procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié ». On pourrait s’aventurer à considérer cette variation terminologique comme révélatrice d’une intention pour le juge de distinguer les dispositifs de surveillance de l’activité des salariés, en amont de tout fait fautif, des dispositifs de contrôle visant à faire la lumière sur l’auteur et l’importance d’une faute déjà commise.
À notre sens, ce qui semble déterminant, dans cette nouvelle espèce, ce sont les intérêts protégés. D’ordinaire, lors de la commission d’une faute, ce sont les intérêts de l’employeur (droit à la preuve, liberté d’entreprendre) qui s’opposent à ceux du salarié (loyauté de la preuve qu’on lui oppose, respect de la vie privée dans l’obtention de cette preuve). Or, en l’espèce, si l’employeur avertit la salariée à l’origine du harcèlement de l’enquête menée à son sujet, il existe un risque de pression sur les victimes dudit harcèlement avant leur audition. L’absence d’avertissement de la salariée peut donc ici être perçue comme une mesure visant à protéger la santé et la sécurité des travailleurs déjà éprouvés par le harcèlement. Ce ne serait donc plus seulement une mise en balance de deux intérêts distincts – ceux de la salariée fautive et ceux de l’employeur –, mais de trois intérêts en y ajoutant ceux des salariés victimes (leur droit à la santé et à la sécurité au travail), qui justifierait d’écarter L. 1222-4. Une telle mise en balance supposerait, d’une part, de ne pas considérer L. 1222-4 comme étant a priori inapplicable et, d’autre part, cela nécessiterait un contrôle de proportionnalité de la part du juge. Or, en l’espèce, aucun contrôle de ce type n’a été déployé. Ce qui étonne compte tenu des évolutions récentes de la jurisprudence de la Cour en matière de loyauté de la preuve et de respect de la vie privée. La Cour de cassation semblait pourtant avoir pleinement embrassé la technique du contrôle de proportionnalité (Soc. 30 sept. 2020, n° 19-12.058 P, Dalloz actualité, 21 oct. 2020, obs. M. Peyronnet ; D. 2020. 2383 , note C. Golhen ; ibid. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; JA 2021, n° 632, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; Dr. soc. 2021. 14, étude P. Adam ; RDT 2020. 753, obs. T. Kahn dit Cohen ; ibid. 764, obs. C. Lhomond ; Dalloz IP/IT 2021. 56, obs. G. Haas et M. Torelli ; Légipresse 2020. 528 et les obs. ; ibid. 2021. 57, étude G. Loiseau ; 25 nov. 2020, n° 17-19.523, D. 2021. 117 , note G. Loiseau ; Dr. soc. 2021. 21, étude N. Trassoudaine-Verger ; ibid. 170, étude R. Salomon ; RDT 2021. 199, obs. S. Mraouahi ; Dalloz IP/IT 2020. 655, obs. C. Crichton ; Légipresse 2021. 8 et les obs. ) comme invite à le faire la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH 5 sept. 2017, req. n° 61496/08, Barbulescu c. Roumanie, Dalloz actualité, 11 sept. 2017, obs. M. Peyronnet ; AJDA 2017. 1639 ; ibid. 2018. 150, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2017. 1709, et les obs. ; ibid. 2018. 138, obs. J.-F. Renucci ; ibid. 1033, obs. B. Fauvarque-Cosson et W. Maxwell ; ibid. 2019. 157, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; JA 2017, n° 568, p. 40, étude J. Marfisi ; Dr. soc. 2018. 455, étude B. Dabosville ; Dalloz IP/IT 2017. 548, obs. E. Derieux ).
Si le droit du travail impose à l’employeur une obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs (C. trav., art. L. 4121-1 s.), une obligation similaire est parfois mises à la charge d’autres acteurs. C’est notamment le cas lorsque différentes entreprises sont amenées à cohabiter sur un chantier de bâtiment ou de génie civil (C. trav., art. L. 4531-1 s.).
En l’espèce, un maître d’ouvrage délégué avait conclu une mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé avec une société (le coordonnateur) pour un chantier de restructuration d’un centre commercial. Un salarié de la société chargée des travaux d’électricité sur ce chantier avait été victime, en 2007, d’un accident du travail dû à l’effondrement d’un mur qu’il devait démolir. Cet accident avait occasionné une incapacité temporaire de travail de six semaines. Une enquête diligentée avait mis en évidence que ni l’entrepreneur principal ni les sociétés sous-traitantes « n’avaient reçu communication du plan général de coordination établi par [le coordonnateur] et n’avaient rédigé de plan particulier de plan particulier de sécurité et de protection de la santé ».
Le maître d’ouvrage délégué a été cité « devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires ayant causé une incapacité de travail inférieure à trois mois par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce notamment “en ne s’assurant pas de la mise en place des mesures de prévention définies par le plan général de coordination pour la sécurité des travailleurs, ainsi que [de] leur application par les entreprises intervenantes sur le chantier” ».
Aux termes de l’article 222-20 du code pénal, « le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois,...

Le décret n° 2021-309 du 24 mars 2021 fixe la répartition des sièges et les conditions de désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE) à la suite de la réforme de la troisième chambre par la loi organique du 15 janvier 2021 (AJDA 2020. 2468 ).
Celle-ci a prévu une diminution du nombre des conseillers qui seront désormais 175. Le décret détaille la composition des quatre collèges. Les 52 représentants des salariés sont désignés par les organisations syndicales représentatives en fonction de leur...
Des listings de collaborateurs et des antécédents judiciaires ont donc circulé au sein (et en dehors) de l’entreprise. Jusque-là, on avait décortiqué les interactions entre les directions des magasins et le département « gestion du risque », avant ou pendant la période de prévention (de 2009 à début 2012). En ce troisième jour de procès, on remonte la hiérarchie pour déterminer qui, parmi les pontes, aurait pu (ou dû) être au courant de ces agissements, mais aussi si la somme de ces derniers pourrait constituer un « système de surveillance généralisée ». Pour mémoire, les qualifications de l’ordonnance de renvoi (ORTC) reposent sur la collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ; le détournement de finalité ; la divulgation illégale volontaire de données personnelles nuisibles ; la violation du secret professionnel.
Curieusement, des directeurs de magasins ont fait des demandes d’antécédents, mais aucun n’a jamais vu passer la moindre facture. Une perquisition au siège a permis d’en retrouver dix-sept, émanant de la société de Jean-Pierre (avec son improbable logiciel « Pegase »). Sur la période de prévention, le cumul est de l’ordre de 36 000 €. Ces documents sont signés par Jean-François, le directeur de la « gestion du risque », mais en vertu du principe comptable des « quatre z’yeux », ils sont contresignés par un supérieur : souvent, le directeur administratif et financier (DAF), parfois même le DG. La question du contrôle exercé par le contresignataire se pose donc. D’après certains acteurs de la procédure, il est impossible que de telles factures ne suscitent pas de questionnement, en raison de leurs « intitulés elliptiques ». À en croire d’autres, le « contrôle » consiste uniquement à s’assurer que le subordonné ne sort pas de sa compétence, et ne dépasse pas son « plafond » : en l’espèce, 50 000 € par facture.
Pour minorer l’enjeu de ces menues dépenses, l’un des prévenus explique qu’une ouverture de magasin, « c’est au moins 50 millions d’euros ». Un autre raconte qu’il signait annuellement pour « 140 millions d’euros ». Il n’empêche, souligne la procureure, que les prestations ne sont pas conformes aux prescriptions du code général des impôts (CGI) : « Je vous mets au défi de me trouver un DAF qui contresigne une facture pareille ». « Et moi », rétorque vertement un avocat de la défense, « je vous mets au défi de me trouver un DAF d’une boîte qui fait deux milliards de CA et qui vérifie une facture de dix mille balles ». Les commissaires aux comptes (CAC) n’ont pas davantage tiqué. Un autre enjeu du procès réside dans l’absence de délégation de signature entre la DG et les directeurs.
On en vient aux données personnelles, qui n’étaient pas encore encadrées par le règlement européen sur la protection des données (RGPD), mais l’étaient déjà par la loi de 1978, dite « Informatique et libertés ». Et, rappelle la présidente, par le code du travail. Les informations collectées « doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles », dispose un article ; « Aucune information concernant personnellement un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance », précise un autre. Or, on a bel et bien retrouvé de telles données dans un coffre-fort du siège, même si beaucoup de documents sont hors prévention : « des antécédents judiciaires, des immatriculations, des propriétés, des concubins, des trains de vie, etc. », résume la présidente. Jean-François, le directeur de la « gestion du risque », précise que, dans certains pays, le groupe a accès légalement aux antécédents judiciaires des candidats. La procédure comporte d’ailleurs un échange de mails avec la filiale suisse, laquelle a en outre réglé une facture française.
Ce fameux coffre-fort, la directrice adjointe de la « gestion du risque » reconnaît l’avoir vidé de son contenu lors de la parution du premier article, dans Le Canard Enchaîné. Avant, assure-t-elle, de tout remettre en place, à la demande des avocats d’Ikea. Dans la foulée, une réunion de crise s’est tenue au siège, raconte Jean-François : « Une personne de Publicis a dit qu’on allait nier. J’ai répondu que ce n’était pas possible de mentir à toute l’entreprise, alors on m’a conseillé de prendre des vacances ». Et d’ajouter : « Ce qui m’inspire beaucoup de colère, c’est que l’entreprise s’est détachée de sa responsabilité. […] On m’a laissé tout seul comme une merde me débrouiller ».
Il met en cause sa hiérarchie, qui aurait donné des ordres, mais aussi bénéficié de remontées d’informations : « Le DG n’était pas avisé à chaque fois, mais il l’était pour les cas graves, lui ou l’un de ses adjoints ». Il indique aussi que cette question a été évoquée au cours d’un déjeuner, dans le restaurant d’entreprise de l’un des magasins de région parisienne, en présence de Claire, un temps DRH. Elle clame que c’est grotesque : « Vous nous imaginez discuter d’un sujet aussi sensible au milieu des collaborateurs ? ». À Claire, on reproche essentiellement d’avoir « monté un dossier » contre une directrice de la communication qui multipliait les séjours au Maroc pendant un arrêt maladie, et notamment d’avoir reçu et fait suivre une copie de deux pages de son passeport : « Je partais me reposer chez moi, avec l’accord de l’hôpital, de mon médecin traitant et de la sécurité sociale », explique pour sa part l’ancienne collaboratrice devenue partie civile, dans un courrier au tribunal. Dariusz, le DAF, prend la suite à la barre pour alterner circonlocutions et lieux communs.
Le lendemain, on ne tire pas grand chose de plus de Sylvie, directrice adjointe de la « gestion du risque ». Tout juste concède-t-elle que, pour une spécialiste de la prévention des risques psychosociaux, membre du CHSCT, elle n’était pas suffisamment au fait de la réglementation. Puis on passe à Jean-Louis, directeur général au début de la période de prévention, et contresignataire de deux (toutes petites) factures. Il insiste sur le fait qu’il avait d’autres chats à fouetter que de pinailler sur des sommes aussi dérisoires, d’autant que la décennie 2000 était une période de forte expansion. Il nie avoir mis en place un quelconque système, mais lance une phrase lourde de sous-entendus : « C’est dommage qu’on n’ait pas entendu le responsable sécurité international d’Ikea ». Lorsqu’on lui explique que son assistante a tiqué sur l’intitulé des factures, il rétorque élégamment : « Il fallait bien qu’elle s’occupe ».
Arrive Stefan, successeur du précédent à la DG. La présidente résume ainsi sa position : « Vous avez toujours indiqué que vous n’aviez pas été avisé, d’une quelconque façon, par une quelconque personne, d’une quelconque procédure de recherche d’antécédents ». Après avoir concédé qu’aucun élément précis ne le mettait personnellement en cause, la magistrate précise : « Nous sommes ici pour voir si un tel système pouvait être ignoré à votre niveau de responsabilité ». Un avocat lui reproche les décisions a priori contradictoires de licencier certains cadres impliqués, mais d’en laisser d’autres en place : « Le mystère de ceux qui sont là et ceux qui ne le sont pas restera une énigme de ce dossier ». Le point culminant de l’interrogatoire de Stefan, même s’il n’a pas de lien avec l’affaire, reste la lecture de ses comptes-rendus sur la France : « Un pays qui vit dans le passé », avec ses « leaders d’opinion néo-marxistes » et ses syndicats « dirigés plus par l’idéologie et la revanche contre ce que la société leur a donné et contre leurs parents immigrants ».
Karine, la représentante de la personne morale prévenue, brosse un tableau idyllique des relations sociales dans l’entreprise, et insiste sur les formations mises en place depuis l’affaire, notamment sur le traitement des données personnelles et le « recrutement sans discrimination ». La procureure l’asticote : « Vous venez de dire que vous aviez été choquée par ce que vous aviez entendu [pendant ce procès], et que vous condamniez [ces agissements]. Est-ce que la personne morale a essayé de se constituer partie civile ? ». Un avocat fait remarquer qu’est irrecevable à se constituer partie civile une société mise en examen, alors la proc’ précise : « Je demande juste si ça a pu être évoqué ou tenté ». L’avocat d’Ikea se marre : « Pour avoir fréquenté le cabinet d’instruction de votre collègue, […] c’était totalement inenvisageable ».
Plusieurs syndicalistes parties civiles se relaient à la barre. L’un d’eux raconte une vieille anecdote : « Un jour, j’ai mon responsable qui est venu me voir, complètement hystérique, en me reprochant de ne pas avoir averti l’entreprise que j’avais un casier. […] J’ai la malchance d’avoir fait l’objet de recherches, et […] d’avoir un homonyme, ce qui fait qu’à l’âge de 10 ans, j’ai commis un vol à main armée. […] Ça a fait beaucoup rire autour de moi, on m’appelait “le braqueur”. […] Ils étaient tous au courant, tous ». Un deuxième explique que les relations n’étaient pas particulièrement conflictuelles au départ : « Et puis, il y a eu la grève, et [on] m’a dit clairement [qu’on] allait me le faire payer. De là, c’est devenu un cauchemar. […] On m’a traité de parano, [mais] quand c’est sorti dans la presse, j’ai vu […] que tout était vrai ». Un autre ajoute : « Quand on voit des OPJ au service d’une entreprise, […] une entreprise qui peut tout se payer, tout se permettre, moi c’est ça qui me choque ».
Le procès se poursuit cette semaine, avec les (quatorze !) plaidoiries de parties civiles. Avec le réquisitoire de mardi, on entreverra comment les solutions classiques pourraient être transposées à la question « nouvelle » des données personnelles. Car au vu du salmigondis de pièces mises dans les débats par les uns et les autres, tout le monde, dans ce prétoire, ne parle pas tout à fait de la même chose.

Le droit pour tout élève de s’inscrire à la cantine de l’école primaire doit-il être compris comme une obligation pour la commune de garantir le droit d’inscription à tous les enfants scolarisés qui en font la demande, ou seulement comme une interdiction de retenir des critères discriminatoires dans l’attribution des places disponibles ? C’est la question que posait l’affaire présentée devant le Conseil d’État.
En l’espèce, par deux courriers adressés aux services de la commune de Besançon, la mère d’un élève en classe de CE1 a sollicité l’inscription de son fils auprès des services périscolaires de restauration, d’accueil du matin et d’accueil de l’après-midi. Par une décision du 18 septembre 2019, le maire de la commune de Besançon a rejeté chacune de ces demandes d’inscription, au motif qu’aucune place n’était disponible.
Par un jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a partiellement annulé la décision de la commune de Besançon, en tant qu’elle refuse d’inscrire le fils de la requérante auprès du service de restauration scolaire. La commune de Besançon a interjeté appel du jugement en tant qu’il donne satisfaction à la requérante sur ce point. La cour administrative d’appel de Nancy a, par un arrêt du 5 février 2019, rejeté la requête de la commune (CAA Nancy, 5 févr. 2019, n° 18NC00237, AJCT 2020. 73, étude F.-J. Defert ), qui a alors présenté un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État.
Les juridictions du fond ont considéré que la commune ne pouvait se délier de son obligation légale en se prévalant des contraintes techniques et financières auxquelles se heurterait sa mise en œuvre.
La cantine scolaire, un service public « particulier » mais généralisé
Le litige repose sur l’interprétation du droit général posé en ces termes par l’article L. 131-13 du code de l’éducation : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».
Cette disposition, issue de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, a pour objectif de lutter contre la pratique de certaines municipalités, qui prétextent du nombre limité de places disponibles pour refuser d’accueillir des élèves selon des critères discriminatoires, tenant notamment à l’origine ethnique des familles ou à la situation socio-professionnelle des parents des élèves. En effet, face aux contraintes matérielles et financières inhérentes à la mise en place d’un service de restauration scolaire, plusieurs municipalités ont fait le choix de refuser l’inscription à la cantine des élèves dont les parents sont au chômage, au motif que ces derniers seraient suffisamment disponibles pour s’occuper de leurs enfants durant la pause méridienne, et privilégiant par conséquent des familles plus favorisées dans l’accès au service public.
Or, comme l’a récemment relevé le rapporteur public du Conseil d’État dans le dernier épisode de la saga des « menus de substitution » à la cantine (CE 11 déc. 2020, n° 426483, Chalon-sur-Saône (Cne), Lebon avec les concl. ; AJDA 2021. 461 , concl. L. Cytermann ; ibid. 2020. 2464 ; AJCT 2021. 157, obs. H. Bouillon ), la restauration scolaire est un service public particulier à bien des égards et auquel sont très attachés les citoyens. Outre que la cantine scolaire soulage le quotidien des parents qui sont effectivement dans l’impossibilité de récupérer leurs enfants lors de la pause méridienne, elle est également, « pour des millions de familles défavorisées, un élément essentiel de leur capacité à subvenir aux besoins alimentaires de leurs enfants, et son absence durant le confinement a été durement ressentie ».
Aussi, bien que l’article en cause ne soit que la transposition dans la loi d’une jurisprudence administrative jusque-là bien établie, son adoption par les deux chambres n’a pourtant pas été simple. Certains...
Les enseignes de grandes et moyennes surfaces alimentaires ont généralement recours à des procédures d’appels d’offres pour s’approvisionner en sandwichs industriels chauds ou froids destinés à la vente sous marque de distributeur ou sous marque de fabricant. Ces appels d’offres constituent, pour les entreprises actives dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation des sandwichs industriels, la très grande majorité de leur chiffre d’affaires.
Entre septembre 2010 et septembre 2016, trois entreprises du secteur, Roland Monterrat, La Toque Angevine et Daunat, ont mis en œuvre un « pacte de non-agression » (autrement dit, un accord anticoncurrentiel) après s’être livrées à une guerre des prix durant deux ans qui a eu, selon elles, des conséquences importantes sur leur marge de négociation des prix du marché. C’est autour d’un déjeuner que ce « pacte de non-agression » est né, consistant en une répartition des marchés et une neutralisation de la concurrence par les prix. L’une des trois entreprises a affirmé que l’objectif principal était de « cristalliser les positions des opérateurs et, à tout le moins, maintenir les marges en échangeant des informations stratégiques et confidentielles sur les principaux paramètres des négociations ». Le pacte reposait également sur « le maintien du périmètre détenu par chaque industriel auprès de chaque distributeur, tel que constaté fin 2010 dans chaque marché ». L’entente ainsi conclue a permis une coordination entre les trois entreprises via des réunions et échanges informels d’informations sur les appels d’offres ou encore sur l’avancée des négociations avec les distributeurs, conduisant de facto à des réajustements de leurs offres. Le but était, pour chaque appel d’offres, de faire gagner l’une des trois entreprises désignée par avance dans le cadre du « pacte de non-agression », les deux autres prétextant des difficultés financières ou techniques.
C’est la société Roland Monterrat qui a révélé ces pratiques anticoncurrentielles en mai 2016, par le biais de la procédure dite de clémence, « qui permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence à l’Autorité [de la concurrence] et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire ». Cette procédure incite les entreprises à coopérer avec l’Autorité de la concurrence dans la lutte contre les cartels.
L’Autorité s’est autosaisie de l’affaire par une décision n° 16-SO-05 du 13 juillet 2016 et a accordé à la société Roland Monterrat, par un avis de clémence n° 16-AC-01 du 20 juillet 2016, le bénéfice conditionnel d’une exonération totale des éventuelles sanctions encourues pour les pratiques litigieuses dénoncées. Après des opérations de visite et de saisies dans les locaux des entreprises La Toque Angevine et Daunat, ces dernières ont également demandé à bénéficier de la procédure de clémence. Par deux avis de clémence de l’Autorité de la concurrence, n° 18-AC-03 du 21 février 2018 et n° 18-AC-04 du 15 mai 2018, La Toque Angevine et Daunat se voient accorder le bénéfice conditionnel d’une exonération partielle de sanction.
L’affectation des échanges au sein du marché intérieur
L’entente est interdite par l’article L. 420-1 du code de commerce, et surtout par l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui dispose que « sont...
Si le locataire d’un bail commercial ne peut opposer ni force majeure ni défaut de délivrance pour s’exonérer du règlement de ses loyers durant la période de fermeture administrative, les parties doivent s’interroger, dans de telles circonstances, quant à la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives.
À la suite d’observations du public portant sur le caractère imprécis de la notion de surface minéralisée, le commissaire enquêteur avait recommandé de revoir la rédaction de plusieurs articles du projet de règlement de plan local d’urbanisme relatifs aux espaces libres et plantations de la...
Il est possible de modifier le projet de plan local d’urbanisme (PLU) entre la date de sa soumission à l’enquête publique et celle de son approbation, à la double condition que ces modifications procèdent de l’enquête et ne remettent pas en cause l’économie générale du projet.
Devenue il y a un an l’un des premiers clusters de la covid-19, la Balme-de-Sillingy avait organisé les élections municipales, remportées au premier tour par la liste « Un cœur qui Balme », avec 52,2 % des suffrages exprimés, soit 723 voix. En raison d’un taux d’abstention de 60,37 % mais aussi parce que le maire sortant, François Daviet, arrivé second avec 47,8 % mais contaminé et mis en quarantaine à son domicile jusqu’au 14 mars, estimait que ces circonstances avaient porté atteinte à l’égalité des candidats, le tribunal administratif de Grenoble avait annulé ces opérations électorales.
Juge d’appel des élections municipales, le Conseil d’État rappelle que le niveau de l’abstention n’est, par lui-même, « pas de nature à remettre en cause les résultats du...
Lundi, à l’ouverture du procès, pas moins de trente avocats prennent place de part et d’autre de la table soutenant un impressionnant dossier : 26 000 pages (et pas loin de 10 000 cotes). La présidente précise que la formation compte quatre magistrats du siège, puisqu’un assesseur supplémentaire a été prévu, « au cas où nous aurions des difficultés, notamment d’ordre sanitaire ». Émus, honteux ou décontractés, les prévenus défilent pour décliner leurs identités. Parmi les préventions, il est question de collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ; de détournement de finalité ; de divulgation illégale volontaire de données personnelles nuisibles ; de violation du secret professionnel. Le plus souvent sont visés la complicité et/ou le recel habituel de tout ou partie de cette liste d’infractions. La période de prévention s’étend de 2009 à début 2012. Sauf erreur, on a dénombré parmi les parties civiles vingt-quatre personnes morales (syndicats, CSE, etc.) et quatre-vingt-neuf individus en chair et en os. L’un des enjeux du procès est de déterminer dans quelle mesure la somme des pratiques poursuivies pourrait dénoter un « système de surveillance généralisée » au sein du groupe.
Un avocat en défense soutient la nullité partielle de l’ordonnance de renvoi (ORTC) s’agissant de Claire, successivement DRH France et directrice de magasin. « Mais avant », précise-t-il, « il me faut, me semble-t-il, poser le décor. » Il le pose si longuement que ses confrères des parties civiles s’échauffent : « Le procès est long, on ne va pas écouter un confrère raconter sa vie ! » Esclandre. On en vient finalement au cœur du problème : « En 2019, un arrêt de la chambre de l’instruction va décider que rien ne justifiait la garde à vue […]. Les deux seules auditions de ma cliente sont donc annulées […]. Ne reste qu’un interrogatoire de première comparution, pages 9118 à 9124, à savoir une réponse de trois lignes sur un fait antérieur à la période de prévention. » Une prévention qu’il remet également en cause : « Mettre “en l’espèce virgule”, c’est trop demander à un magistrat instructeur ? […] D’ailleurs, on m’impute quatre fois un recel pour un fait unique. Non bis in idem, c’est un principe qu’on enseigne en première année de droit. » Double peine également pour l’assistance : à la durée de ses observations s’ajoutent les premiers calembours mobiliers du procès, à base de dossier bricolé et de magistrats du siège.
L’un de ses confrères enchaîne, sur le même thème des « qualifications détaillées », puis un autre. Du côté des parties civiles, un dernier se lève : « On empiète tellement sur le fond que je vous demande de prendre acte que ce n’est pas soulevé in limine litis. […] Deux heures d’opening statement, nous ne sommes pas devant les prud’hommes ! » La procureure réplique : « Que le tribunal ne confonde pas imprécision, incomplétude et complexité. C’est un contentieux qui est encore méconnu […], et moi-même je souligne la complexité de cette matière, ainsi que le caractère hors-norme du nombre de prévenus. […] Mais le temps d’instruction, huit ans, [leur] a permis de prendre connaissance des faits qui leur étaient reprochés ». Après avoir joint au fond, la présidente récapitule le cheminement de l’affaire : des articles de presse, une plainte contre X, une clé USB, une enquête préliminaire, un audit interne, un contrôle de la CNIL, une ouverture d’information, etc.
Un premier prévenu avance à la barre : Jean-François. Il était le directeur du département « gestion du risque », au siège de l’entreprise. Au cours d’une perquisition, les enquêteurs ont trouvé des traces d’investigations anciennes (2002-2007), portant sur des collaborateurs. Lui indique qu’à la « demande de l’international », il a effectivement sollicité à cette époque un certain nombre d’enquêtes, auprès de sociétés de sécurité. Ces dernières lui fournissaient des « notes blanches » : l’expression renvoie au jargon de feu les renseignements généraux, qui produisaient couramment des procès-verbaux informels, sans en-tête ni signature. « Je précise », ajoute Jean-François, « qu’elles ne comportaient pas d’éléments de collecte de données personnelles. » Il n’en allait en revanche plus de même lorsqu’il s’est adressé à Jean-Pierre, également prévenu, auquel il a demandé de se renseigner sur par moins de 338 collaborateurs (en débordant de la période de prévention) : « Les infos que je demandais à Jean-Pierre, il ne m’avait pas explicitement dit d’où elles provenaient, mais j’ai déduit des libellés que ça devait correspondre au STIC », ancien fichier d’antécédents de la police nationale. Dans le jargon, on appelle cela une « tricoche ». À la présidente, qui l’interroge sur les canaux de communication, il répond : « Les premières réponses ont été reçues à mon domicile. Mais ça n’avait aucun intérêt en termes de discrétion, puisque les factures arrivaient au siège. Alors, ensuite, on a fonctionné par mail. Je ne les effaçais pas tous, la preuve, on n’en serait pas là aujourd’hui. »
Jean-Pierre le remplace justement à la barre. Cet ancien des RG et du renseignement militaire (DRM) raconte que sa société, liquidée amiablement avant le début de l’affaire, était jusqu’alors « leader de l’investigation au service de l’entreprise ». Il nie avoir jamais sollicité des policiers et des gendarmes pour constituer ses fiches : « Nous ne pouvions pas faire de telles quantités de STIC sans attirer l’attention. » Comment, dans ce cas, pouvait-il recueillir des informations qu’il faisait ensuite passer pour des antécédents judiciaires ? « Nous avons dû faire preuve d’inventivité. Au début des années 2000 sont apparues de nombreuses banques de données. Google, la presse nationale et, surtout, la presse régionale, riche en faits-divers, s’installaient en ligne. » Jean-Pierre reviendra s’exprimer à plusieurs reprises au cours des deux premiers jours. Il ressortira de ses interventions ultérieures qu’un mystérieux « informaticien de l’armée particulièrement inventif » aurait mis sur pied pour lui un logiciel redoutable (nom de code « Pégase »), permettant de compiler les données de toutes ces « sources ouvertes », de sorte qu’il suffisait d’entrer un nom pour obtenir le « curriculum » de n’importe qui. Suivant en cela un fameux crédo des RG, il aurait également recherché « d’autres voies et moyens » pour se procurer certaines informations, tels que des assureurs automobiles, des voisins trop bavards, des bureaux d’ordre de tribunaux : « Les décisions judiciaires sont publiques. » Ensuite, il aurait mis en forme tout cela pour entretenir la confusion avec des fichiers comme le STIC : « Jean-François voulait des recherches illicites, je lui ai donné ce qu’il voulait. » Un avocat l’interroge sur les dates de paiement des factures : assurément, il compte pinailler sur la période de prévention.
On passe au magasin de Reims (Marne). Les enquêteurs ont déterminé que plusieurs dizaines de collaborateurs avaient fait l’objet de consultations au STIC, ou au JUDEX (son équivalent gendarmesque). Notamment par un certain Gaston, ami de Jean-Pierre. Pour l’heure, c’est Richard, ancien directeur du magasin, qui avance à la barre. Il explique qu’au moment de l’ouverture, un émissaire du siège lui a proposé de faire vérifier des antécédents, et qu’il a « accepté cette aide ». Il raconte avoir eu un retour oral et pensé que les informations provenaient des bulletins n° 3 des casiers. Mais aussi n’avoir jamais vu passer de factures : « C’est le siège qui gère le compte d’exploitation, [de] plusieurs dizaines de millions d’euros : c’est noyé dans la masse. » Clarel, quant à lui, était le responsable sécurité du magasin. Il a fait suivre une liste « assez conséquente » de noms de collaborateurs : « Je réponds simplement à une demande de mon directeur. Je fais confiance au directeur, à IKEA France aussi, puisqu’on me dit que ça se passe comme ça. Je m’exécute et je ne me pose pas de questions ». Il explique au passage que c’est Sylvie, adjointe de Jean-François à la gestion du risque, qui leur a indiqué la marche à suivre, puis relayé les demandes comme les réponses. Ce qu’elle a reconnu, tout en jurant tout ignorer de la manière dont les informations étaient concrètement obtenues.
Direction le magasin de Franconville (Val-d’Oise), qui était en 2010 au centre d’une grève « historique », sur fond de négociations annuelles obligatoires. À la suite à la séquestration de plusieurs cadres, des « audits » internes ont même envisagé des pistes radicales pour mettre au pas une « masse humaine ennemie naturelle des changements » : il y est notamment question d’une infiltration par une fausse caissière, ou d’un « piège juridique » consistant à mettre en place « une enquête discrète et complète » pouvant permettre de « sortir » un syndicaliste « par les voies externes et légales ». Ambiance. On fait avancer Laurent, alors brigadier de police dans la circonscription. Son identifiant « CHEOPS » a servi à faire vingt-deux consultations STIC concernant des salariés, dont dix seront par la suite licenciés par l’enseigne. Un avocat des parties civiles fait remarquer que, « quand on vous dit que vous avez consulté les antécédents de huit salariés en quatre minutes, vous commencez par préciser que vous n’avez jamais obtenu d’avantages financiers ou en nature ». Laurent raconte avoir traité un certain nombre de plaintes de l’entreprise, notamment pour vol d’un hot dog (à 1,80 €). Plus ou moins considéré comme un « référent » de l’enseigne, il était surnommé « Monsieur Ikea » par ses collègues.
Le cas du magasin d’Avignon (Vaucluse) est particulier. Son directeur, Patrick, a bien fait des demandes d’antécédents judiciaires, « pour suivre les consignes nationales », demeurées « informelles ». En revanche, il n’est pas passé par le canal habituel : il a sollicité son « cousin de Corse », Alain. Ce dernier a, « par amitié », accepté de passer (ou faire passer) des salariés au STIC : trois cent vingt consultations en dix sessions. Il indiquait par exemple « danger » ou « rien de grave », mais « sans mention précise ». Patrick met en cause sa hiérarchie, notamment la directrice générale adjointe d’Ikea France : « Elle m’a demandé si mon équipe était saine et si j’avais fait le nécessaire. » La patronne a pour sa part expliqué qu’elle ne parlait absolument pas de ça, et n’a d’ailleurs pas été mise en cause. Du directeur général, Patrick a indiqué qu’il « ne pouvait pas ne pas être au courant ». Aujourd’hui, il explique que c’était juste « une supposition ».
On ne comprend pas toujours ce que jargonne Fabrice, le responsable de la sécurité de ce même magasin d’Avignon (« management reviews », « taux de démarque inconnue », etc.). Mais il a un humour corrosif et une mémoire impressionnante, ce qui change de certains de ses coprévenus : il cite même des cotes de tête. Il était au courant des agissements de Patrick, le directeur, et de son « cousin de Corse ». Et il a lui-même adressé deux listes à des policiers, sans contrepartie : « Je ne leur ai même pas offert un café. » Ces pratiques, il ne les cautionnait pas vraiment (« j’étais un rouage d’un système que je désapprouvais »), mais les comprenait : « Ce qu’on m’avait vendu, c’est qu’il ne fallait pas de stupéfiants, pas d’agresseurs sexuels dans l’espace où on garde les enfants. » Aujourd’hui, il assume sa part de responsabilité, mais en a gros sur la patate : « Pour moi, c’était formalisé chez Ikea. Quand on me dit que c’est un cas isolé, je le prends super mal. » Incidemment, on découvre que Fabrice est toujours salarié de l’enseigne, alors qu’il n’accomplit plus la moindre tâche : « Par contre, je n’ai pas été augmenté depuis huit ans. » L’un des policiers des RG sollicités par Fabrice ne pense pas que ce dernier ait agi de sa propre initiative : « Il était peut-être sensibilisé par sa hiérarchie. » Lui reconnaît avoir « tricoché » dans l’espoir d’un retour d’ascenseur : « Pour informer notre autorité de tutelle, le préfet, et anticiper des problèmes sociaux qui pourraient avoir lieu sur le site Ikea, des trafics en tous genres, et la gestion des conflits sociaux dans Ikea… C’est aussi notre corps de métier. »
Le procès reprend ce jeudi.
par Emmanuelle Maupinle 25 mars 2021
CE 17 mars 2021, req. n° 440208
La haute juridiction était saisie du refus du ministre des Solidarités et de la Santé d’abroger une phrase – « la recherche de référencement dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix contre rémunération est interdite » – de l’annexe à l’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux règles techniques applicables aux sites internet de commerce électronique de médicaments.
Le ministre soutenait que l’autorité de la chose jugée s’attachant à la décision...
L’article 111-3 du code des assurances, qui fixe les modalités dans lesquelles la garantie ne peut être suspendue et le contrat résilié en cas de non-paiement des primes, ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 124-5 du même code dès lors que le fait engageant la responsabilité de l’assuré survient à une date à laquelle la garantie était en vigueur et que la première réclamation, effectuée après la résiliation du contrat, l’a été dans le délai de garantie subséquente.
On attendait depuis longtemps un projet de loi – promis par l’ex-ministre des Sports Laura Flessel – mais c’est finalement une proposition de loi visant à démocratiser le sport en France que les députés ont adopté le 19 mars. Ce texte inscrit dans la loi la plateforme, déjà existante, destinée à lutter contre les paris truqués et contient un dispositif destiné à lutter contre le streaming illégal dans le sport. Il élargit également le sport sur ordonnance aux maladies chroniques, jusqu’ici réservé aux affections de longue durée.
Pour faciliter la parité dans les fédérations dont la proportion de licenciés d’un des deux genres est inférieure à 25 %, les instances régionales devront prévoir « une proportion minimale de sièges pour les personnes de chaque sexe pouvant prendre en compte la répartition par sexe des licenciés, sans pouvoir être inférieure à 25 % ». Cette parité sera mise en place progressivement puisqu’une dérogation à la parité intégrale sera possible pour les futures...
On attendait depuis longtemps un projet de loi – promis par l’ex-ministre des Sports Laura Flessel – mais c’est finalement une proposition de loi visant à démocratiser le sport en France que les députés ont adopté le 19 mars. Ce texte inscrit dans la loi la plateforme, déjà existante, destinée à lutter contre les paris truqués et contient un dispositif destiné à lutter contre le streaming illégal dans le sport. Il élargit également le sport sur ordonnance aux maladies chroniques, jusqu’ici réservé aux affections de longue durée.
Pour faciliter la parité dans les fédérations dont la proportion de licenciés d’un des deux genres est inférieure à 25 %, les instances régionales devront prévoir « une proportion minimale de sièges pour les personnes de chaque sexe pouvant prendre en compte la répartition par sexe des licenciés, sans pouvoir être inférieure à 25 % ». Cette parité sera mise en place progressivement puisqu’une dérogation à la parité intégrale sera possible pour les futures...

Comment apprécier la suffisance des recherches effectuées auprès des autres entreprises du groupe dans le cadre de l’obligation de reclassement, lorsque l’employeur appartient à un groupe ? Cette problématique, qui a fait l’objet d’une abondante jurisprudence, repose essentiellement sur l’idée d’une exécution loyale de la recherche de reclassement (v., en part., Soc. 7 avr. 2004, n° 01-44.191 P, D. 2004. 1352 ; Dr. soc. 2004. 670, obs. G. Couturier ). Aussi se décline-t-elle également en des problématiques beaucoup plus concrètes, telles que les modalités selon lesquelles l’employeur doit interroger les filiales du groupe, et les éventuelles indications que celui-ci doit leur transmettre dans la perspective de la recherche de poste pouvant correspondre aux salariés concernés par les licenciements économiques. Les lettres de demande de recherche de postes de reclassement doivent en effet être suffisamment précises pour assurer la recherche exhaustive des possibilités. Mais comment apprécier le caractère suffisant de cette précision ? C’est précisément sur ce dernier point que l’arrêt du 17 mars 2021 vient apporter des éléments de réponse.
En l’espèce, une entreprise de transport de voyageurs appartenant à un groupe avait décidé de procéder à une restructuration pour motif économique. Elle avait, dans ce contexte, procédé à des licenciements pour motif économique collectif avec mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Plusieurs salariés licenciés ont alors saisi les juridictions prud’homales afin de faire constater l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et d’obtenir diverses indemnités y afférentes.
Les juridictions du fond donnèrent droit aux salariés en reconnaissant le caractère sans cause réelle et sérieuse des licenciements, estimant que l’employeur ne justifiait pas s’être entièrement libéré de son obligation de reclassement, dans la mesure où ses courriers adressés aux filiales afin qu’elles lui communiquent toutes les possibilités de reclassement, ne comportaient aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés, en particulier quant à leur âge, formation, expérience, qualification et ancienneté.
L’employeur, contestant cette décision et les condamnations afférentes, s’est alors pourvu en cassation.
Il justifiait en effet avoir demandé à ses trois filiales par lettres de lui communiquer « toutes les possibilités de reclassement, accompagnées d’un descriptif de poste détaillé (emploi et qualification, nature du contrat,...

La notion de l’astreinte a été introduite dans le code du travail en 2000 par la loi Aubry II (L. n° 2000-37, 19 janv. 2000) puis modifiée par la loi Travail (L. n° 2016-1088, 8 août 2016). L’article L. 3121-9 du code du travail précise désormais que l’astreinte est la période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
Durant l’astreinte, le salarié est dans une phase d’attente d’un éventuel ordre d’intervention au profit de son employeur. Si la qualification de la période durant laquelle il intervient effectivement ne pose pas de difficultés, il n’en va pas de même du temps d’inactivité. L’article L. 3121-9 précité dispose logiquement que la première est considérée comme du temps de travail effectif, et la Cour de cassation y assimile la durée du déplacement pour réaliser l’intervention (Soc. 31 oct. 2007, n° 06-43.834, Bull. civ. V, n° 183 ; Dalloz actualité, 13 nov. 2007, obs. S. Maillard ; D. 2007. 3109, obs. S. Maillard , note C. Lefranc-Hamoniaux ; ibid. 2008. 442, obs. G. Borenfreund, F. Guiomard, O. Leclerc, E. Peskine, C. Wolmark, A. Fabre et J. Porta ; Dr. soc. 2008. 248, obs. C. Radé ; RDT 2008. 41, obs. M. Véricel ). Pour le second, le débat est permis.
Le temps d’inactivité du salarié durant l’astreinte n’est certes pas un temps pendant lequel il travaille. Pour autant, l’obligation d’être disponible pour intervenir en cas de besoin peut interroger sur l’opportunité de la qualifier de temps de repos. C’est le choix qu’a fait le législateur en retenant qu’en dehors des temps d’intervention la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale des repos quotidien et hebdomadaire (C. trav., art. L. 3121-10). Le code du travail a été modifié en ce sens en 2003, anéantissant une position contraire de la Cour de cassation.
Cette dernière avait en effet refusé de retenir comme temps de repos les périodes d’inactivité durant l’astreinte. Confirmant qu’il ne s’agissait pas de temps de travail effectif, les juges du droit justifiaient leur position en soulignant qu’un temps de repos suppose que le salarié soit totalement dispensé, directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d’accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n’est qu’éventuelle ou occasionnelle (Soc. 10 juill. 2002, n° 00-18.452, Bull. civ. V, n° 238 ; D. 2003. 935 , note G. Vachet ; ibid. 2002. 3110, obs. T. Aubert-Monpeyssen ; Dr. soc. 2002. 939, note J.-E. Ray ).
Si le débat semble clos à la suite de la modification du code opérée en 2003, il convient néanmoins de prendre en compte le droit européen.
Ainsi, le Comité européen des droits sociaux a déjà eu l’occasion de préciser que l’assimilation du temps d’astreinte hors intervention à du temps de repos constitue une violation du droit à une durée raisonnable du travail prévue par l’article 2, § 1, de la Charte sociale européenne (CEDS 12 oct. 2004, réclamation collective n° 16/2003, CFE-CGC c. France). Selon cette disposition, les parties signataires de la Charte s’engagent notamment, afin d’assurer l’exercice effectif du droit à des conditions de travail équitables, à fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire.
La position française n’a pas pour autant été modifiée.
La décision de la CJUE rendue le 9 mars 2021 constitue un nouveau coup de boutoir dans notre législation. Celle-ci est rendue dans le cadre d’une question préjudicielle transmise par la Cour suprême de la Slovénie. Cette dernière intervenait à propos d’un litige relatif à la rémunération de périodes d’astreintes. Le requérant, un travailleur slovène qui devait, durant ses périodes d’astreinte, répondre aux appels de son employeur et rejoindre au besoin son lieu de travail (sommet d’une montagne) dans l’heure, réclamait le paiement des périodes d’astreinte comme du temps de travail normal au regard des contraintes subies durant ces périodes. Bénéficiant d’un logement sur le lieu de travail sans obligation de l’occuper, il y séjournait pourtant et arguait du manque d’activités envisageables dans le secteur à l’appui de sa requête.
La question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lequel fixe les définitions des différentes notions envisagées dans la directive. L’article 2 ne contient pas de définition de l’astreinte, visant les seules notions de temps de travail, périodes de repos, périodes nocturnes, travailleur de nuit, travail et travailleur posté, travailleur mobile, activité offshore et enfin repos suffisant.
Le renvoi préjudiciel interrogeait la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le fait de savoir si l’article 2 doit être interprété en ce sens que la période d’astreinte durant laquelle un travailleur doit être joignable et pouvoir rejoindre son lieu de travail, en cas de besoin, dans un délai d’une heure constitue du temps de travail, et si la mise à disposition, au profit de ce travailleur, d’un logement de fonction, en raison de la nature difficilement accessible de son lieu de travail, et le caractère peu propice aux activités de loisir de l’environnement immédiat de ce lieu de travail sont à prendre en considération dans le cadre d’une telle qualification.
Dans sa motivation, le juge européen relève l’importance du droit des travailleurs à des durées maximales de travail et à des périodes de repos, et le fait que la directive ne comporte pas de temps intermédiaire entre le temps de travail et le temps de repos. Il en conclut que la période d’astreinte correspond nécessairement à l’une ou l’autre de ces deux catégories. La CJUE précise également que les États membres ne sauraient déterminer unilatéralement la portée des notions de temps de travail et de période de repos, en subordonnant à quelque condition ou à quelque restriction que ce soit le droit, reconnu directement aux travailleurs par la directive, à ce que les périodes de travail et, corrélativement, celles de repos soient dûment prises en compte, toute autre interprétation ayant pour conséquence de tenir en échec l’effet utile de la directive 2003/88 et de méconnaître sa finalité. Il est enfin rappelé dans l’arrêt qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’une période durant laquelle aucune activité n’est effectivement exercée par le travailleur au profit de son employeur ne constitue pas nécessairement une période de repos.
Dans sa jurisprudence antérieure, la CJUE a déjà retenu qu’il convenait de qualifier l’intégralité d’une période d’astreinte de temps de travail, au sens de la directive 2003/88, lorsqu’en considération de l’impact objectif et très significatif des contraintes imposées au travailleur sur les possibilités, pour ce dernier, de se consacrer à ses intérêts personnels et sociaux, elle se distingue d’une période au cours de laquelle le travailleur doit uniquement être à la disposition de son employeur afin que ce dernier puisse le joindre (CJUE 21 févr. 2018, Matzak, aff. C‑518/15, Dalloz actualité, 23 févr. 2018, obs. M.-C. de Montecler ; AJDA 2018. 367 ; AJFP 2018. 150 , obs. S. Niquège ; AJCT 2018. 344, obs. A. Aveline ; RDT 2018. 449, obs. D. Gardes ). La portée de cet arrêt au regard du droit français était discutée.
Dans son arrêt du 9 mars 2021, la Cour décide que relève de la notion de « temps de travail », au sens de la directive 2003/88, l’intégralité des périodes d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel son travail n’est pas sollicité et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Elle précise qu’inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une telle période n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du temps de travail.
Le juge de Luxembourg ajoute que seules les contraintes qui sont imposées au travailleur, que ce soit par la réglementation, une convention collective ou son employeur peuvent être prises en considération afin d’évaluer si une période d’astreinte constitue intégralement du temps de travail. À l’inverse, les difficultés qui sont la conséquence d’éléments naturels ou du libre choix du salarié ne sauraient être prises en compte.
En présence d’une astreinte, il appartient ainsi aux juridictions nationales de vérifier si la qualification de temps de travail ne s’impose pas eu égard aux conséquences que les contraintes imposées au travailleur occasionnent sur sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de se consacrer à ses propres intérêts. Dans cette recherche, la Cour invite tout particulièrement le juge national à se pencher sur le délai dont dispose le salarié pour se rendre sur le lieu de l’intervention et, dans une moindre mesure, sur la fréquence moyenne des interventions par astreinte. Un délai de quelques minutes et une fréquence élevée d’interventions durant les astreintes s’opposent à la planification d’activités personnelles par le salarié et doivent par principe conduire à retenir la qualification de temps de travail. À défaut de voir retenue cette qualification, c’est celle de temps de repos qui s’applique selon la décision (à l’exception bien sûr du temps d’intervention), et ce en raison de la conception binaire temps de travail/temps de repos adoptée par le droit européen.
Face à cette position du juge de l’Union européenne, l’article L. 3121-10 du code du travail susvisé assimilant de manière intangible les temps d’attente durant l’astreinte à des périodes de repos paraît désormais devoir être nuancé. Il s’avère contraire au droit de l’Union tel qu’interprété par la CJUE dans la présente décision, sauf à considérer – ce qui nous paraît difficile – que le salarié ne serait pas en astreinte si les contraintes sont trop fortes. Il convient de rappeler que la décision, rendue dans le cadre d’une question préjudicielle en interprétation, s’impose à toutes les juridictions nationales saisies d’un problème similaire. En tout état de cause, une appréciation in concreto des modalités des astreintes mises en place dans une entreprise et de leur impact sur la vie personnelle du salarié s’impose pour qualifier le temps durant lequel le salarié est en inactivité.
On notera que la Cour de justice de l’Union européenne ajoute que, compte tenu de leur obligation de protéger les travailleurs contre les risques psychosociaux susceptibles de se présenter dans leur environnement de travail (dir. 89/391/CEE, 12 juin 1989, art. 5 et 6), les employeurs ne peuvent instaurer des périodes d’astreinte à ce point longues ou fréquentes qu’elles constituent un risque pour la sécurité ou la santé de ceux-ci, indépendamment du fait que ces périodes soient qualifiées de périodes de repos. En effet, les services de garde (au sens strict ou au sens de l’astreinte) supposent nécessairement selon le juge européen que des obligations professionnelles soient imposées au travailleur et relèvent par conséquent de leur environnement de travail au sens large.
Enfin, l’arrêt précise que la directive ne s’oppose pas, même en présence d’une qualification du temps d’inactivité de l’astreinte en temps de travail, à une rémunération moindre de la période d’inactivité, seul le droit national ayant vocation à s’appliquer en la matière.
par Xavier Delpechle 24 mars 2021
Com. 3 mars 2021, F-P, n° 19-10.086
Trois sociétés exerçaient une activité de distribution d’articles de literie pour lesquels elles se fournissaient auprès de la société Copirel, société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU). Les relations entre ce fournisseur et les sociétés distributrices ayant été rompues, ces dernières ont souhaité disposer de l’ensemble des informations comptables et financières les concernant et ont, à cet effet, assigné le 29 décembre 2016 la société Copirel en référé devant le président d’un tribunal de commerce. Cela, afin qu’elle soit condamnée sous astreinte à déposer au greffe ses comptes annuels, rapports de gestion, rapports des commissaires aux comptes, propositions d’affectation des bénéfices soumises aux différentes assemblées et les résolutions d’affectation votées. On ignore dans quel sens a statué le président de la juridiction consulaire. En revanche, il est précisé que les trois sociétés distributrices de literie ont obtenu gain de cause devant la cour...
Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions, issues de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, qui prévoient queque certains praticiens diplômés en dehors de l’Union européenne peuvent obtenir une attestation permettant un exercice temporaire de la médecine, de la pharmacie, de la maïeutique ou de l’odontologie.
Cette attestation peut être délivrée aux professionnels « présents dans un...
Un arrêté du 15 mars 2021 a agréé l’Agence d’urbanisme Atlantique et Pyrénées (AUDAP) en qualité d’observatoire local des loyers.
Ces commissions, composées de représentants des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques, ont pour missions d’élaborer la stratégie médicale et le projet médical partagé du groupement et contribuent à l’élaboration de la politique territoriale d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité et de la pertinence...
Ces commissions, composées de représentants des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques, ont pour missions d’élaborer la stratégie médicale et le projet médical partagé du groupement et contribuent à l’élaboration de la politique territoriale d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité et de la pertinence...
En application de l’article 1799-1 du code civil, le cautionnement qui garantit le paiement des sommes dues en exécution du marché, ne doit être assorti d’aucune condition ayant pour effet d’en limiter la mise en œuvre.

Cet arrêt a beau se rattacher à un cas de figure auquel les tribunaux sont fréquemment confrontés – à savoir l’indemnisation d’un passager aérien pour annulation ou retard important de vol –, les circonstances de fait à l’origine du litige paraissent inédites. Celles-ci méritent d’être brièvement relatées. Un passager a acheté un billet d’avion de la compagnie Vueling pour un vol Milan-Paris, aéroport d’Orly, prévu le 11 juin 2018, devant décoller à 21 h et atterrir à 22 h 30. L’avion a décollé avec plus de deux heures de retard – précisément à 23 h 04 – mais a atterri à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à 00 h 18, en raison de la fermeture de l’aéroport d’Orly après 23 h 30. Le passager a alors attrait le transporteur aérien en indemnisation sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 sur les droits des passagers aériens. Sa demande est rejetée par le tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine, qui statuait en premier et en dernier ressort. Il est vrai que l’indemnisation n’est due, en application des articles 5 et 7 de ce règlement et de la jurisprudence Sturgeon de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’en cas de retard de plus de trois heures (CJCE 19 nov. 2009, aff. C-402/07 et C-432/07, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ). Pour rappel, une indemnisation n’est normalement due, en application de l’article 5, § 1er, sous c du règlement 261/2004, qu’en cas d’annulation de vol. Certes, selon cette jurisprudence, les passagers de vols retardés de plus de trois heures peuvent être assimilés aux passagers des vols annulés aux fins de l’application du droit à indemnisation prévu par le règlement. Or, ici, l’avion a atterri, certes avec retard, mais avec un retard inférieur à trois heures par rapport à l’horaire prévu. Mais il n’a pas atterri dans l’aéroport prévu, même si Roissy n’est guère éloignée d’Orly. Pour un passager devant se rendre à Paris intra-muros, cela ne change d’ailleurs pas grand-chose. Oui, mais pour la Cour de cassation, cet élément est indifférent ; le transporteur, en atterrissant dans un aéroport différent de celui prévu, ne s’est tout simplement pas acquitté de ses obligations contractuelles. À en croire la jurisprudence européenne, interprétée a contrario, il semble que même que cette situation soit assimilable à une annulation de vol pure et simple (v. CJUE 5 oct. 2016, aff. C-32/16, D. 2017. 1441, obs. H. Kenfack ; JCP E 2017, n° 1479, spéc. n° 19, obs. Heymann, qui juge que l’art. 2, l, du règl. 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un vol dont les lieux de départ et d’arrivée ont été conformes à la programmation prévue mais qui a donné lieu à une escale non programmée ne peut être considéré comme annulé).
Une fois encore, la Cour de cassation se montre donc impitoyable avec la compagnie aérienne, même si elle sait parfois se départir de son approche consumériste (pour une illustration récente, v. Civ. 1re, 6 janv. 2021, n° 19-19.940, Dalloz actualité, 28 janv. 2021, obs. X. Delpech ; D. 2021. 77 ; JT 2021, n° 238, p. 10, obs. X. Delpech , qui juge l’enfant, âgé de moins de deux ans, qui a voyagé gratuitement sans billet d’avion sur les genoux de ses parents ne peut bénéficier de l’indemnisation forfaitaire réclamée au transporteur aérien sur le fondement du règlement n° 261/2004 en cas d’annulation ou de retard important de vol. On peut s’étonner de ce que la Cour de cassation se situe essentiellement sur le terrain de la preuve, son arrêt étant rendu, entre autres, au visa de l’article 1353 du code civil, texte qui, interprété à l’aune de sa « nouvelle » jurisprudence (Civ. 1re, 21 oct. 2020, n° 19-13.016, Dalloz actualité, 24 nov. 2020, obs. X. Delpech ; D. 2020. 2062 ; ibid. 2021. 483, chron. X. Serrier, S. Robin-Raschel, S. Vitse, Vivianne Le Gall, V. Champ, C. Dazzan, E. Buat-Ménard et C. Azar ; AJ contrat 2020. 575, obs. P. Delebecque ; JT 2020, n° 235, p. 11, obs. X. Delpech ; RTD com. 2020. 942, obs. B. Bouloc ; BTL 2020. 622, obs. N. R.), elle-même inspirée de celle de la Cour de justice (CJUE, ord., 24 oct. 2019, aff. C-756/18, D. 2019. 2133, obs. G. Poissonnier ; ibid. 2020. 1425, obs. H. Kenfack ; JT 2019, n° 225, p. 10, obs. X. Delpech ; RTD eur. 2020. 418, obs. L. Grard ), considère « qu’il incombe au transporteur aérien de démontrer qu’il s’est acquitté de ses obligations ». Il suffisait, à notre avis, de se situer sur le fond du droit et de constater que l’avion n’avait pas atterri à l’aéroport prévu.
Certes, mais si l’avion a atterri à Roissy au lieu d’Orly, ce n’est pas un hasard. Cela tient à ce qu’Orly est situé dans une zone fortement urbanisée et que, pour préserver les riverains des nuisances aéroportuaires, il est interdit d’atterrir sur cet aéroport (ou de décoller de celui-ci) à une heure trop tardive. Il n’est pas inutile de rappeler, à cet égard, qu’il existe une autorité administrative indépendante qui veille au grain, l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) : celle-ci, créée par la loi n° 99-588 du 12 juillet 1999, peut prononcer des amendes administratives à l’encontre des acteurs – et en particulier les compagnies aériennes – qui ne respectent pas les règles du trafic aérien (C. transp, art. L. 6361-12 s.). Le montant maximal est de 40 000 € et l’ACNUSA n’hésite pas à frapper les compagnies aériennes au portefeuille (pour une illustration, v. CAA Paris, 31 déc. 2018, n° 18PA02308, l’ACNUSA avait prononcé une amende administrative d’un montant de 23 000 € à l’encontre d’une compagnie aérienne. Les faits concernaient l’atterrissage à 23 h 48 d’un aéronef certifié 3 – catégorie la plus bruyante d’aéronef – sur la plateforme de Nantes-Atlantique. Or un arrêté ministériel interdit aux avions de cette catégorie d’atterrir entre 23 h 30 et 6 h. Le tribunal administratif de Paris a réduit à 17 000 € le montant de l’amende, au motif qu’il s’agissait d’un premier manquement sur cette plateforme, mais la cour administrative d’appel de Paris a décidé de rétablir le montant initial de l’amende, estimant que l’ACNUSA n’a pas infligé de sanction disproportionnée eu égard à la gêne occasionnée aux riverains par l’atterrissage si tardif d’un avion bruyant et à la récurrence des manquements sur différentes plateformes françaises). Les compagnies font parfois leur calcul : plutôt que d’avoir à payer une amende administrative à l’ACNUSA, elles déroutent leurs aéronefs, quitte à devoir payer l’indemnisation prévue par le règlement 261/2004.
Or, ici, la compagnie aérienne a, en quelque sorte, voulu avoir le beurre et l’argent du beurre, à savoir échapper à la fois à l’amende – ce à quoi elle est probablement parvenue – mais également à l’indemnisation. Elle a, à cet effet, invoqué les « circonstances extraordinaires » prévues par l’article 5, § 3, du règlement, lesquelles, lorsqu’elles sont remplies, permettent au transporteur de ne pas verser l’indemnisation prévue en cas d’annulation – ou de retard important – de vol. Or, pour rejeter la demande d’indemnisation du passager, les premiers juges avaient retenu que le transporteur aérien a précisément dû faire face à des « circonstances extraordinaires » en dirigeant son aéronef vers l’aéroport Charles de Gaulle, celui d’Orly étant impraticable à l’heure prévue, cela en exécution de la décision ministérielle du 4 avril 1968 portant réglementation de l’utilisation de nuit de l’aéroport d’Orly qui exclut tout mouvement aérien entre 23 h 30 et 6 h 15. Cette conception des circonstances extraordinaires, très favorable aux intérêts du transporteur, ne convainc pas la Cour de cassation, qui, en termes très laconiques, casse le jugement : « une telle réglementation ne saurait constituer une circonstance extraordinaire » au sens de l’article 5, § 3.
La solution peut paraître sévère de prime abord mais, en réalité, elle ne saurait surprendre. Surtout si on se donne la peine de la confronter à la conception que se fait le juge européen de la notion de circonstances extraordinaires : ce sont les « événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective » (CJCE 22 déc. 2008, aff. C-549/07, RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ; Europe 2009, n° 103, obs. Bernard). À l’évidence, la réglementation des horaires de vol est une donnée inhérente à l’activité du transporteur aérien même s’il ne la maîtrise pas. Pour s’exprimer familièrement, « il doit faire avec ». C’est une contrainte réglementaire avec laquelle il doit composer et dont le respect ne doit pas le conduire à se soustraire de ses obligations vis-à-vis de ses passagers.
À l’origine de cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) se trouve l’article L. 153-8 du code rural et de la pêche maritime, dont le III concerne l’épandage de pesticides à proximité des habitations. Il prévoit que cet épandage est subordonné à des mesures spécifiques de protections des habitants, mesures formalisées dans des « chartes d’engagement départementales relatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques » qui sont élaborées « après concertation avec les personnes, ou leurs représentants, habitant à proximité des zones susceptibles d’être traitées ».
Pour les associations requérantes, ces dispositions méconnaissent l’article 7 de la Charte de l’environnement, et ce à plusieurs titres. Le premier moyen, général, porte sur l’incompétence négative du législateur, puisque celui-ci n’aurait pas tiré toutes les obligations qui lui incombent aux termes de l’article 7 de la Charte en n’ayant pas suffisamment détaillé la procédure de concertation pour l’élaboration des chartes d’engagement départementales. Le législateur aurait ensuite permis que cette concertation ne se fasse qu’avec des représentants des riverains et non pas avec « toute personne », comme l’exige l’article 7 de la Charte. Enfin, le législateur aurait confié l’organisation de la concertation « aux utilisateurs des produits phytopharmaceutiques sans assortir sa mise en œuvre de garanties de neutralité et d’impartialité ».
Le Conseil constitutionnel suit ce raisonnement, du moins dans ses grandes lignes. Il considère en effet que les chartes d’engagements départementales « sont décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement ». Partant, la disposition visée est déclarée inconstitutionnelle. En effet, le législateur a prévu une procédure de participation du public distincte de celle de l’article L. 123-19-1 du Code de l’environnement, spécifique, et qui ne remplit pas les conditions matérielles imposées par l’article 7 de la Charte. De plus, en permettant que la concertation ne se fasse qu’avec des représentants des habitants des zones visées, la condition d’ouverture de la participation à « toute personne » de l’article 7 de la Charte n’est pas non plus respectée.
C’est sans surprise que le Conseil considère que l’article 7 de la Charte s’applique aux chartes départementales de l’article L. 158-3 du code rural. Logiquement, le Conseil déroule les conséquences de cette application générale, en considérant que la procédure de participation est trop peu encadrée et ne permet pas nécessairement la participation de toute...
Ai-je besoin d’une autorisation d’occupation du domaine public maritime pour installer mon parasol sur la plage ? Si la réponse semble évidente à première vue, le Conseil d’État apporte néanmoins quelques réserves.
L’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) dispose que « nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 [l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les établissements publics] ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous ».
La délivrance d’une autorisation, unilatérale ou contractuelle, par l’autorité compétente est ainsi obligatoire lorsque l’occupation ou l’utilisation du domaine public devient privative, c’est-à-dire, lorsqu’elle dépasse les limites du droit d’usage qui appartient à tous en « [soustrayant] à l’usage commun une portion du domaine au profit d’un particulier » (CAA Nancy, 5 nov. 2009, n° 09NC00181). Ce droit d’usage est déterminé au regard de l’affectation de la dépendance domaniale.
Une société...
Au 4e trimestre 2020, l’ILC enregistre une baisse de 0,32 %, tandis que l’ILAT dévisse de 1,19 %.
Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).
Au quatrième trimestre 2020, l’ILC s’établit à 115,79, en baisse de 0,32 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 68, 19 mars 2021).
Quant à l’ILAT, sur le même trimestre, à 114,06 il enregistre une baisse de 1,19 % sur un an (Informations rapides de l’INSEE n° 69, 19 mars 2021).
Avertissement : même si l’ILC et l’ILAT sont publiés au Journal officiel, la date officielle de leur parution est celle de leur publication dans les Informations rapides de l’INSEE.
L’indice du coût de la construction (ICC) du quatrième trimestre 2020, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 70, 19 mars 2021) s’élève à 1 795, soit une hausse de 1,47 % sur un an, de 7,68 % sur trois ans et de 9,58 % sur neuf ans.
Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.
L’indice du coût de la construction (ICC) du quatrième trimestre 2020, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 70, 19 mars 2021) s’élève à 1 795, soit une hausse de 1,47 % sur un an, de 7,68 % sur trois ans et de 9,58 % sur neuf ans.
Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.
Mme M…, ressortissante burundaise, est entrée sur le territoire avec son fils et a présenté une demande d’asile enregistrée à Mayotte en juillet 2019. Cette demande a été rejetée en avril 2020. Elle fait appel de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte qui a rejeté sa demande tendant à ce que, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il soit enjoint à l’Office français de l’immigration et de l’intégration ou à l’État de...
En refusant de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, le Conseil d’État précise les modalités d’application de cette disposition.
Cet article impose aux « riverains, […] mariniers et autres personnes » de « faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial ». Outre une...
« Le règlement e-Privacy ne doit en aucun cas abaisser le niveau de protection des données offert par l’actuelle directive “vie privée et communications électroniques”, mais devra compléter le RGPD pour apporter de solides garanties pour la confidentialité et la protection de tous types de communications électroniques. » C’est dans ces termes que le Comité européen de la protection des données (CEPD) a amorcé sa déclaration du 9 mars 2021 sur le futur règlement e-Privacy.
Remarque : pour rappel, le règlement sera prochainement débattu au Parlement européen. Les États membres ont approuvé mi-février un mandat de négociation en vue de la révision des règles en matière de protection de la vie privée et de la confidentialité dans l’utilisation des services de communications électroniques.
Traitement et conservation des données de communications électroniques aux fins de préserver la sécurité nationale
Le Comité rappelle que les mesures législatives qui imposent aux fournisseurs de communications électroniques la rétention des données de communication doivent être conformes :
aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;aux arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 octobre 2020 « Privacy International » et « La Quadrature du Net » (v. Dalloz actualité, 6 oct. 2020, obs. C. Crichton) ;
à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La confidentialité des communications électroniques requiert une protection spécifique (art. 6, 6a, 6b, 6c de la proposition de règlement)
À propos du traitement des données personnelles, le CEPD soutient l’approche basée sur une interdiction générale. Il s’inquiète cependant que certaines exceptions (art. 6(1)(c), 6b(1)(e), 6b(1)(f), 6(c)) introduites par le Conseil de l’Union européenne semblent autoriser des types de traitements très larges et rappelle la nécessité de limiter ces exceptions à des fins spécifiques et clairement définies. Ces dernières devraient être explicitement énumérées afin de garantir la sécurité juridique et le plus haut degré de protection possible. Le Comité estime également que le règlement devrait souligner le rôle de l’anonymisation en tant que garantie essentielle qui devrait être systématiquement privilégiée lorsqu’il s’agit de protéger les données personnelles.
Le CEPD ajoute qu’un chiffrement fort et à la pointe de la technologie devrait être la règle générale pour garantir un flux de données sûr, libre et fiable entre les citoyens, les entreprises et les gouvernements, et qu’il s’avère crucial pour assurer le respect de l’obligation de sécurité du RGPD, par exemple pour les données de santé, et la protection des systèmes informatiques dans un contexte de menaces croissantes. Selon lui, le chiffrement de bout en bout, de l’expéditeur au destinataire, est également le seul moyen d’assurer une protection complète des données en transit. Il insiste pour que « le cryptage reste normalisé, solide et efficace ».
La nouvelle réglementation doit renforcer la nécessité du consentement pour les cookies et autres traceurs
Le CEPD considère que la nécessité d’obtenir un consentement libre et éclairé devrait empêcher les fournisseurs de recourir à des pratiques telles que celle du « à prendre ou à laisser », qui font du consentement une condition d’accès aux services et fonctionnalités d’un site internet ou encore la pratique des cookie walls. C’est pourquoi le Comité insiste sur le besoin d’inclure dans le règlement e-Privacy une disposition consacrant cette interdiction, afin de permettre à l’utilisateur d’accepter ou de refuser le suivi publicitaire.
Par ailleurs, le CEPD estime que la dérogation à la nécessité de recueillir le consentement pour les cookies de mesure d’audience devrait être limitée à des pratiques non intrusives, qui ne sont pas susceptibles de créer un risque pour l’utilisateur (analyse de la performance du service demandé par l’utilisateur, limitée à la fourniture de statistiques à l’opérateur). En outre, il considère que la mesure d’audience ne doit pas permettre de collecter des informations de navigation relatives aux utilisateurs sur des sites web/applications distincts et devrait inclure un mécanisme user friendly permettant de refuser toute collecte de données.
Enfin, le CEPD ajoute que le futur règlement devrait redonner le contrôle aux utilisateurs et obliger les navigateurs et les systèmes d’exploitation à mettre en place un mécanisme user friendly efficace, afin de permettre aux responsables de traitement d’obtenir le consentement, dans le but de créer des conditions de concurrence équitables entre tous les acteurs.
Traitement ultérieur pour des finalités compatibles
En ce qui concerne les discussions en cours sur le traitement ultérieur des données de communications électroniques collectées par le biais de cookies et autres traceurs, le CEPD réitère son soutien à l’approche du règlement e-Privacy telle que proposée à l’origine par la Commission européenne et suivie par le Parlement européen, basée sur une interdiction générale, suivie d’exceptions limitées et de l’utilisation du consentement. Selon le Comité, la poursuite du traitement à des fins compatibles risque de compromettre la protection offerte par le règlement e-Privacy. Il souligne que les métadonnées peuvent toujours être traitées sans consentement et sans créer de risques pour les utilisateurs après avoir été rendues anonymes.
Rôle futur des autorités de contrôle, du CEPD et mécanisme de coopération
Afin de concilier un niveau élevé de protection des données à caractère personnel, le CEPD juge utile de confier aux autorités nationales chargées de l’application du RGPD la responsabilité de la mise en œuvre du règlement e-Privacy, sur les dispositions relatives au traitement des données à caractère personnel, ainsi que l’avait initialement proposé la Commission européenne.
Éditions Législatives, édition du 18 mars 2021
Un propriétaire n’est pas recevable à invoquer la violation du droit à la vie privée et familiale de son locataire.

L’arrêt sous étude apporte une précision sur la qualité requise pour invoquer la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et, indirectement, sur la qualité requise pour invoquer le caractère disproportionné de l’ingérence dans le droit au logement que constitue une mesure de démolition ou de remise en état.
Ainsi, d’une part, le propriétaire d’une construction irrégulière donné à bail d’habitation n’a pas la qualité pour invoquer l’article 8 de la Convention européenne afin de s’opposer à sa démolition et, d’autre part, seuls les locataires ont la qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention à cette fin.
Au cas particulier, une personne avait aménagé plusieurs appartements à usage d’habitation sur son terrain, situé en zone agricole du plan d’urbanisme où n’étaient autorisées que les constructions nécessaires à l’activité agricole. La commune l’assigna pour obtenir la remise des lieux en état, ce qui impliquait la démolition des immeubles en question et l’expulsion des locataires qui y avaient été installés.
Les juges du fond ayant ordonné la remise en état, le propriétaire du terrain forme un pourvoi en cassation. Il reproche aux juges du fond, d’une part, d’avoir considéré que seuls les locataires concernés par la mesure de démolition pouvaient invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne et, d’autre part, d’avoir omis de contrôler concrètement la proportionnalité entre la démolition de logements et l’intérêt général recherché.
Il était donc question de savoir si le propriétaire de constructions irrégulières peut invoquer l’article 8 de la Convention européenne pour s’opposer à la démolition, alors que cette mesure n’affecte que le droit au logement de ses locataires. La Cour de cassation répond par la négative, réservant cette qualité aux seuls locataires.
Selon elle, l’article 31 du code de procédure civile ouvre l’action à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention. Il faut cependant, outre l’intérêt, avoir la qualité pour élever ou combattre une prétention ou pour défendre un but déterminé. La qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention suppose de justifier d’un intérêt personnel à agir.
Or, faute d’être personnellement touché par la violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile à la suite de la démolition du logement de ses locataires et à la remise des lieux en état, le propriétaire ne peut pas se prévaloir d’un intérêt personnel à invoquer le droit au logement de l’article 8 de la Convention.
Ainsi, la haute juridiction décide qu’« ayant relevé que le logement [du propriétaire] n’était pas concerné par le litige, et exactement retenu que seuls ses locataires étaient à même d’invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à un contrôle de proportionnalité que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision d’ordonner la remise en état des bâtiments modifiés en méconnaissance des règles d’urbanisme ».
Cette solution apporte deux précisions, l’une positive, l’autre négative.
Le propriétaire n’a pas la qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme
Il résulte tout d’abord de la solution que le propriétaire n’a pas la qualité pour invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention lorsque la mesure de démolition ne concerne que le droit au logement de ses locataires.
Certes, le propriétaire a le droit d’invoquer les dispositions de l’article 8 de la Convention et de s’opposer à une mesure de démolition en invoquant sa disproportion lorsque cette mesure constitue une atteinte à son droit au logement (Civ. 3e, 16 janv. 2020, n° 19-10.375, Dalloz actualité, 27 janv. 2020, obs. J.-M. Pastor ; ibid., 3 févr. 2021, obs. D. Pelet ; AJDA 2020. 143 ; D. 2020. 82 ; RDI 2020. 150, obs. P. Soler-Couteaux ; RTD civ. 2020. 428, obs. W. Dross ; 16 janv. 2020, n° 19-13.645, Dalloz actualité, 27 janv. 2020, obs. préc. ; AJDA 2020. 143 ; D. 2020. 82 ; ibid. 1761, obs. N. Reboul-Maupin et Y. Strickler ; RDI 2020. 150, obs. P. Soler-Couteaux ; ibid. 201, obs. M. Revert ; 3 mars 2010, n° 08-21.911, Dalloz actualité, 16 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2010. 473 ; D. 2010. 767 ; JT 2010, n° 122, p. 13, obs. E. Royer ). Cependant, il ne peut plus invoquer ces dispositions lorsque c’est le droit au logement de ses locataires qui est atteint par la mesure. Dans ce cas, il n’est pas « victime de la violation alléguée ».
Ce raisonnement repose sur la distinction entre le droit au logement du propriétaire et celui de ses locataires. Certes, le logement du locataire est un bien qui appartient au propriétaire, et c’est bien en vertu d’un contrat que le propriétaire s’engage à faire jouir son bien par le locataire. Cependant, il n’en résulte pas une confusion entre leurs droits au logement. La Cour européenne des droits de l’homme a une conception extensive de la notion de « domicile », et qui implique cette distinction (CEDH 16 nov. 2004, Moreno Gomez c. Espagne, n° 4143/03, § 53 ; 18 nov. 2004, Prokopovitch c. Russie, n° 58255/00, § 36).
Le théoricien du droit pourrait déduire que le droit au logement est un droit de la personnalité ou...

Les ressorts du nantissement de créance n’ont pas encore été pleinement élucidés, ainsi qu’en témoigne un arrêt rendu par la première chambre civile le 10 mars 2021. En l’espèce, suivant acte du 29 juin 2007, une banque a consenti à une société deux prêts dont le terme était fixé le 30 juin 2011, garantis, selon deux avenants du 12 septembre 2007, par le nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie souscrit par M. M… auprès de la société Assurances du Crédit Mutuel Vie. Par la suite, le 9 décembre 2009, l’emprunteur a été placé en redressement judiciaire et a bénéficié d’un plan de redressement arrêté par jugement du 7 juin 2011, prévoyant le remboursement des créances de la banque en cent quarante-quatre mensualités jusqu’au 30 juin 2023, qui a été résolu par jugement du 26 mars 2013 ayant, en outre, prononcé la liquidation judiciaire de l’emprunteur. Soutenant que la garantie accordée était venue à terme le 30 juin 2011, le souscripteur a, par actes du 26 septembre 2012, assigné l’assureur et la banque aux fins d’exercer ses droits sur le contrat d’assurance sur la vie, et d’obtenir le paiement de dommages-intérêts. Parallèlement, la banque a exercé ses droits de rachat du contrat d’assurance sur la vie et, le 20 juin 2014, l’assureur a versé à la banque la valeur de rachat.
La cour d’appel de Colmar, dans un arrêt du 28 novembre 2019, a condamné la banque à payer au souscripteur la somme de 76 695,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2014, au titre de la valeur de rachat. Pour parvenir à ce résultat, elle constate, d’abord, que les deux avenants n’indiquent pas la durée de la garantie, mais le terme des prêts garantis du 30 juin 2011 et, ensuite, que la clause selon laquelle « l’adhérent s’engage à reconduire ou à renouveler à l’échéance le contrat d’assurance-vie pendant toute la durée du prêt ou de l’ouverture de crédit » signifie que, dans le cas où le contrat d’assurance arrive à terme avant les contrats de prêt, la durée de la garantie doit être prorogée jusqu’au terme des contrats de prêt, mais non que, dans l’hypothèse inverse, la durée de la garantie est prorogée au-delà de la durée des prêts. Or les avenants n’indiquant pas que la garantie devra être prorogée jusqu’au remboursement intégral des prêts, les magistrats alsaciens en déduisent que les contrats de nantissement doivent être interprétés en faveur de celui qui s’est engagé et que leur durée était celle des prêts expirant le 30 juin 2011. La banque et l’assureur se pourvurent donc en cassation, arguant du fait que le contrat de prêt s’éteint par le remboursement des fonds remis à l’emprunteur, et non par l’arrivée du terme de la dernière échéance et que la durée du prêt s’étend donc au-delà de ladite échéance tant que l’emprunteur n’a pas intégralement remboursé la somme prêtée. L’argument fait mouche et l’arrêt est ainsi censuré, au visa des articles 1234 et 1185 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et des articles 2355 et 2365 du même code : la Cour de cassation rappelle d’abord qu’« il résulte des deux premiers de ces textes qu’un contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, nonobstant l’existence éventuelle d’un rééchelonnement des échéances » (pt 7) et que, « selon les deux derniers, le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens incorporels, présents ou futurs et, en cas de défaillance du débiteur, le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement » (pt 8). Elle considère ensuite qu’« il s’en déduit que, sauf volonté contraire des parties, le prêteur, bénéficiaire du nantissement d’un contrat d’assurance sur la vie donné en garantie du remboursement du prêt, a droit au paiement de la valeur de rachat tant que celui-ci n’a pas été remboursé » (pt 9). Elle en conclut qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le prêt n’avait pas été remboursé à cette date, sans relever une volonté expresse des parties de mettre fin au nantissement avant l’exécution de l’obligation de remboursement, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 11).
Si la solution mérite une pleine approbation, sa formulation est en revanche contestable, et ce à un double titre : d’une part, si le contrat de prêt prend fin lors du remboursement des fonds prêtés, c’est parce que l’obligation de remboursement elle-même s’éteint. L’ancien article 1234 du code civil, au visa duquel l’arrêt est rendu, concernait d’ailleurs l’extinction des obligations et non des contrats (si le texte n’a aucun équivalent suite à la réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, le chapitre IV du titre IV du livre III du code civil est bel et bien consacré à l’extinction de l’obligation, à l’instar de l’ancien chapitre V au sein duquel l’ancien article 1234 était logé). On peine également à comprendre la référence à l’ancien article 1185, qui concernait la distinction entre le terme suspensif et la condition suspensive (« Le terme diffère de la condition, en ce qu’il ne suspend point l’engagement, dont il retarde seulement l’exécution »).
D’autre part, et surtout, il est incohérent d’affirmer que « le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour se faire attribuer la créance donnée en nantissement ». En effet, l’article 2365 du code civil dispose qu’« en cas de défaillance de son débiteur, le créancier nanti peut se faire attribuer, par le juge ou dans les conditions prévues par la convention, la créance donnée en nantissement ainsi que tous les droits qui s’y rattachent. Il peut également attendre l’échéance de la créance nantie ». Il y a donc là une alternative : ou bien le créancier, sans attendre l’échéance de la créance nantie, sollicite l’attribution (judiciaire ou conventionnelle) de cette créance et il est donc désintéressé par cette attribution, ou bien il attend l’échéance de ladite créance et il est alors, de toute façon, le seul à pouvoir en recevoir paiement, conformément à l’article 2363 du code civil. La jurisprudence, à la suite d’une éminente doctrine (v. M. Julienne, Le nantissement de créance, Economica, préf. L. Aynès, 2012), a d’ailleurs récemment consacré le droit exclusif au paiement du créancier nanti (v. Civ. 2e, 2 juill. 2020, nos 19-11.417 et 19-13.636, Dalloz actualité, 28 juill. 2020, obs. R. Bigot ; D. 2020. 1940 , note J.-D. Pellier ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. prat. rec. 2020. 6, obs. D. Cholet et A. Provansal ; ibid. 7, obs. D. Cholet et O. Salati ; ibid. 2021. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2020. 666, obs. C. Gijsbers ; ibid. 946, obs. N. Cayrol ; v. égal. Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.420 ; v. à ce sujet M. Julienne, Le nantissement enfin pris au sérieux !, Banque et droit, sept.-oct. 2020, p. 4 ; J.-D. Pellier, La consécration du droit exclusif au paiement du créancier nanti, D. 2020. 1940 ), anticipant ainsi l’imminente réforme du droit des sûretés (les auteurs de l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés dévoilé par la Chancellerie le 18 décembre 2020 hésitent toutefois entre le droit exclusif au paiement et le droit de rétention, comme en témoigne la rédaction alternative du futur article 2363 : « Après notification, le créancier nanti a un droit exclusif au paiement de la créance donnée en nantissement tant en capital qu’en intérêts. Le créancier nanti, comme le constituant, peut en poursuivre l’exécution, l’autre dûment informé » ou « après notification, le créancier nanti bénéficie d’un droit de rétention sur la créance donnée en nantissement et a seul le droit à son paiement tant en capital qu’en intérêts. Le créancier nanti, comme le constituant, peut en poursuivre l’exécution, l’autre dûment informé »). En d’autres termes, une fois la créance nantie échue, le créancier n’a donc que faire d’une attribution de la créance en paiement puisqu’il peut directement en appréhender l’émolument (rappr. M. Julienne, op. cit., n° 187, au sujet de l’article 2365 du code civil : « Ce texte implique nécessairement que l’attribution opère un effet immédiat, puisqu’elle évite d’avoir à “attendre”. La rédaction de l’article 2365 tend donc à confirmer que la possibilité d’attribution de la créance ne fait aucunement doublon avec le caractère exclusif du droit du créancier nanti à recevoir payement »). La doctrine présente au demeurant l’attribution et le paiement à l’échéance de la créance nantie comme une alternative offerte au créancier (v. par ex. P. Simler et P. Delebecque, Droit civil. Les sûretés, la publicité foncière, 7e éd., Dalloz, 2016, n° 661).
Quoi qu’il en soit, il n’en demeure pas moins que la présente solution est justifiée dans la mesure où le nantissement a naturellement vocation à garantir la créance de remboursement tant que celle-ci n’est pas éteinte (sauf volonté contraire des parties, naturellement, l’article 2358 du code civil prévoyant au demeurant, en son alinéa 1er, que « le nantissement de créance peut être constitué pour un temps déterminé »). Par où l’on mesure, une fois de plus, la grande efficacité du nantissement de créance, à tel point que l’on a hâte de le voir confronté à la cession de créance de droit commun à titre de garantie, une fois que celle-ci aura été consacrée à la faveur de la réforme du droit des sûretés, comme le prévoit l’avant-projet d’ordonnance (art. 2373 s.) conformément à la volonté exprimée par le législateur au sein de l’article 60, I, 9°, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte (sur la comparaison entre les deux mécanismes, v. M. Julienne, Nantissement ou cession(s) fiduciaire(s) : que choisir ?, RDC 2018/2, p. 318, exprimant une certaine préférence pour le nantissement de créance ; comp. J.-D. Pellier, « Pour la cession de créance de droit commun à titre de garantie », in L. Andreu et M. Mignot [dir.], La réforme du droit des sûretés, LGDJ/Institut universitaire Varenne, 2019, p. 243, spéc. nos 10 et 11 ; v. égal. P. Théry, Quelques observations sur le droit des sûretés, advenu et à venir, RDA déc. 2019, p. 122 : « Si, à formalités égales, le créancier a le choix entre cession et nantissement, l’expérience de la loi Dailly qui traitait de la cession et du nantissement des créances professionnelles laisse augurer un abandon du nantissement au profit de la cession dont les effets sont plus énergiques mais aussi plus prévisibles grâce aux solutions dégagées depuis 1981 par la chambre commerciale »).
Le loyer à prendre en compte pour le calcul du loyer de renouvellement est le loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription.

Si la contestation des élections professionnelles représente un abondant contentieux, rares sont toutefois les occasions de questionner les origines et sources du droit électoral professionnel. À cet égard, il convient de relever l’existence d’une filiation évidente entre le droit du travail et le droit électoral (F. Petit, L’influence du droit électoral politique sur les élections professionnelles dans l’entreprise, Dr. soc. 2000. 603 ). Tout comme les élections politiques, les élections professionnelles visent à désigner les personnes qui seront chargées d’exprimer les revendications et opinions des individus représentés. Néanmoins, les élections des membres du CSE ne sauraient être considérées comme un scrutin ordinaire puisque leur objet est singulier – la défense de l’intérêt collectif des salariés – et qu’elles s’inscrivent dans un contexte particulier lié à l’existence d’une relation de travail subordonné.
Les fondements du droit électoral professionnel sont parfois difficiles à appréhender (F. Petit, L’émergence d’un droit électoral professionnel, Dr. soc. 2013. 480 ). S’il arrive que le code du travail se réfère explicitement au code électoral pour encadrer le processus électoral (C. trav., art. L. 2122-10-8), le mutisme du législateur n’en est pas moins criant. À de rares exceptions près, rien ne permet d’identifier les irrégularités susceptibles d’entraîner la nullité des élections professionnelles. Afin de combler ce vide législatif, la Cour de cassation s’est évertuée à construire des passerelles entre le droit du travail et le droit électoral. Pour cela, la chambre sociale a d’abord mis en lumière un « droit commun électoral » (Soc. 26 mai 1976, Bull. civ. V, n° 330), avant de faire reposer son approche sur les « principes généraux du droit électoral ». La Cour de cassation s’est ainsi appuyée sur le droit électoral politique pour réglementer la mise en place des institutions représentatives du personnel. La logique jurisprudentielle consiste à déterminer, parmi les prescriptions du code électoral, celles qui enferment un principe général du droit électoral et sont susceptibles d’être appliquées aux élections professionnelles.
Au gré des arrêts, la jurisprudence a ainsi façonné un cadre juridique hybride par l’extension des points cardinaux du droit électoral aux élections professionnelles (pour de nombreux exemples, F....

La chasse à la glu n’est pas compatible avec la directive Oiseaux. C’est ce qui ressort assez clairement de la réponse que la Cour de justice de l’Union européenne a donné, le 17 mars, aux questions préjudicielles que lui avait posées le Conseil d’État (CE 29 nov. 2019, n° 425519, Association One voice, AJDA 2019. 2464 ).
Pratique traditionnelle autorisée dans cinq départements du sud de la France, la chasse à la glu (dite aussi « aux gluaux ») consiste à capturer des oiseaux à l’aide de baguettes collantes. Ceux-ci sont ensuite utilisés comme appelants, afin d’attirer...
Le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce demandait l’annulation de l’instruction du 6 février 2020 relative à l’occupation des locaux judiciaires par les greffiers des tribunaux de commerce. Le Conseil d’État fait partiellement droit à sa demande.
Il relève que « les greffiers des tribunaux de commerce participent, à raison de l’exercice des missions non détachables de l’activité juridictionnelle qui leur sont...
Le texte a légèrement évolué, si on le compare à l’avant-projet publié début mars par nos confrères d’Actu Juridique. Il pourrait encore être modifié, via des saisines rectificatives du Conseil d’État.
Ainsi, le fait que l’un des assesseurs de la cour d’assises soit un avocat honoraire devient une simple possibilité, par ailleurs expérimentale.
Pour limiter la détention provisoire, le service pénitentiaire d’insertion et de probation sera obligatoirement saisi sur la faisabilité d’une assignation à résidence avec surveillance électronique (ARSE) lors de la seconde prolongation de détention provisoire, si l’infraction est punie de cinq ans ou moins.
Les conditions dans lesquelles un procureur devra laisser l’accès au dossier à une personne faisant l’objet d’une enquête préliminaire, présentée comme coupable dans la presse, ont été précisées.
L’article 10, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel du 4 mars dernier, introduit la notification du droit de se taire à plusieurs stades de la procédure pénale.
La nouvelle version du projet de loi prévoit d’autoriser la dispense d’audience pour les affaires de « DALO injonction » ne présentant pas de difficulté (« lorsque le prononcé d’une injonction s’impose avec évidence au vu de la situation du requérant »).
Les dispositions sur l’examen des pourvois en cassation ont disparu du texte, tout comme la disposition qui prévoyait que les cartes des officiers publics et ministériels ne seraient plus revues que tous les quatre ans (et non tous les deux ans).

Après la première décision, relative aux pertes d’exploitation à la suite de la pandémie de covid-19, rendue par le tribunal de commerce de Paris le 12 mai 2020, qui avait qualifié de « fantaisiste » l’allégation de l’assureur qui « ne s’appuie sur aucune disposition légale d’ordre public mentionnant le caractère inassurable d’une conséquence d’une pandémie » et en avait déduit qu’il lui incombait « d’exclure conventionnellement ce risque » – ce qui n’avait pas été le cas dans le contrat en cause – (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, obs. sur T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020 ; JT 2020, n° 232, p. 12, obs. X. Delpech ), de nombreuses autres décisions de juges du fond sont intervenues en à peine un an, apportant des réponses variables en fonction des stipulations du contrat d’assurance concerné (A. Zaroui, Covid-19 et pertes d’exploitations : analyses des premiers jugement rendus au fond, Editions législatives 25 sept. 2020). « Chaque décision est liée aux circonstances de l’espèce et à la rédaction du contrat qui lui est soumis » (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29).
L’ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Paris le 11 février 2021 (première décision rendue par ce tribunal judiciaire sur ce sujet) condamne l’assureur à couvrir les pertes d’exploitation du fait des stipulations claires du contrat en ce sens, une résistance abusive de sa part étant en outre retenue (TJ Paris, ord. réf., 11 févr. 2021, n° 21/50243, Stés S., I. et S. c/ Groupama).
En l’espèce, trois sociétés exploitant des restaurants à Paris ont fait assigner leur assureur (Groupama) devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Paris pour demander la prise en charge, par provision, de leurs pertes d’exploitation, ainsi que la désignation d’un expert et la condamnation de l’assureur à leur verser une indemnisation du fait de sa résistance abusive.
Rappelons que « plusieurs obstacles se présentent au professionnel souhaitant être indemnisé par l’assurance privée de ses pertes d’exploitations. Il doit avoir souscrit, primo, une garantie pertes d’exploitation, laquelle n’est que facultative dans les polices multirisques entreprises. Secundo, cette garantie pertes d’exploitations doit pouvoir s’appliquer sans dommage matériel préexistant. Tertio, aucune exclusion relative à un fait générateur de type épidémie ou pandémie ne doit figurer dans la police » (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, préc.). C’est essentiellement ce troisième point qui donne actuellement lieu à contentieux, les assurés tentant d’obtenir la nullité de telles clauses pour vice de forme ou de fond. Ces dernières doivent en effet figurer en caractères très apparents dans la police (C. assur., art. L. 112-4, al. 3), mais aussi être formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1).
En premier lieu, les clauses d’exclusion doivent se détacher du reste du texte (par leur couleur, la taille des caractères…) afin d’« attirer spécialement l’attention de l’assuré » (Civ. 2e, 15 avr. 2010, n° 09-11.667, D. 2011. 1926, obs. H. Groutel ) : elles doivent « sauter aux yeux » (M. Picard et A. Besson, Les assurances terrestres, t. 1, Le contrat d’assurance, LGDJ, 1982, n° 55). Les juges du fond, dont l’appréciation est souveraine (Civ. 1re, 27 mai 1998, n° 95-19.967), se montrent particulièrement exigeants. Ainsi, le tribunal de commerce d’Annecy a condamné, dans un jugement du 22 décembre 2020 (n° 2020R00066) l’assureur Axa à indemniser un hôtelier-restaurateur de ses pertes d’exploitation en écartant la clause d’exclusion de garantie aux motifs que « la typographie de cette clause est identique à celle de la clause d’extension, donc qu’elle ne satisfait pas aux prescriptions de l’article L. 112-4 du code des assurances » et doit ainsi être déclarée nulle.
En second lieu, ces clauses doivent être formelles et limitées. « Avec l’exigence d’une exclusion formelle, le législateur veut que la portée ou l’étendue de l’exclusion soit nette, précise, sans incertitude, pour que l’assuré sache exactement dans quels cas et dans quelles conditions il n’est pas garanti » (Civ. 1re, 8 oct. 1974, D. 1975. 513, note C.-J. Berr et H. Groutel). « Une clause d’exclusion de garantie doit être à la fois claire et précise afin de pouvoir être considérée comme « formelle ». D’une part, la clause doit être suffisamment explicite pour que l’assuré puisse connaître l’étendue de la garantie (Civ. 2, 18 janv. 2006, n° 04-17.279). Ainsi, « une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » (Civ. 1, 22 mai 2001, n° 98-10.849). D’autre part, la clause doit délimiter de façon particulièrement nette le champ dans lequel la garantie n’est pas due. Toute imprécision conduit la Cour de cassation à l’écarter, notamment lorsque « la clause excluant la garantie (…) ne se réfère pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées » (Civ. 2, 6 oct. 2011, n° 10-10.001). Depuis 1987 (Civ. 1re, 18 févr. 1987), la Cour de cassation a en outre érigé le caractère « limité » de la clause en condition autonome de validité. Pour être « limitée », la clause ne doit pas vider la garantie de sa substance (Civ. 2e, 9 févr. 2012, n° 10-31.057, RDI 2012. 290, obs. D. Noguéro ) : le juge est donc tenu de vérifier « l’étendue de la garantie subsistant après application de la clause litigieuse » (Civ. 1re, 9 mars 2004, n° 00-21.974). Également dégagée en droit commun des contrats par la jurisprudence concernant les clauses limitatives de responsabilité (Com. 22 oct. 1996, n° 93-18.632, D. 1997. 121 , note A. Sériaux ; ibid. 145, chron. C. Larroumet ; ibid. 175, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre ; ibid. 1998. 213, obs. N. Molfessis ; RTD com. 1997. 319, obs. B. Bouloc ), une telle solution a été consacrée et généralisée par l’ordonnance du 10 février 2016. L’article 1170 du code civil dispose désormais que « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». Tel est sans conteste le cas d’une clause d’exclusion vidant le contrat de son contenu en réduisant la garantie à néant » (A. Cayol, Le principe de la détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120. Comp. D. Noguéro, L’obligation essentielle de l’assureur non vidée de toute substance, sous Civ. 2e, 24 sept. 2020, n° 19-15.375, Gaz. Pal. 2 mars 2021, n° 9, 398e5, p. 46 s. ; D. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ).
Dernièrement, l’assureur AXA a vu sa condamnation (T. com. Marseille, 15 octobre 2020, n° 2020F00893) pour la première fois confirmée en appel, par un arrêt du 25 février 2021 (Aix-en-Provence, ch. 1-4, 25 févr. 2021, n° 20/10357, S.A. AXA France IARD c/ S.A.S. LE P, Dalloz actualité, 11 mars 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; RGDA mars 2021, n° 118h7, p. 1, obs. J. Kullmann). L’assureur déniait toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante : « Sont exclues - les pertes d’exploitations, lorsque, à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». Selon la cour d’appel, « L’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise : - tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, - faisant l’objet d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique, - sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville. L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie. […] C’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfait pas aux conditions de l’article L. 113-1 du code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite. Leur décision doit ici être confirmée ».
De telles discussions supposent toutefois en principe d’introduire une action au fond et non en référé. Comme le rappelle l’ordonnance rendue le 11 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, le juge des référés ne peut accorder une provision que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » (C. pr. civ., art. 835). Dès lors, « le juge des référés, statuant sur le caractère sérieusement contestable d’une obligation contractuelle ne peut, sans excéder son office, interpréter les termes du contrat, se devant toutefois d’appliquer ses dispositions claires et précises ne nécessitant pas d’interprétation ».
Ceci explique, par exemple, la remise en cause, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 3 décembre 2020 (n° 20/07308), de l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Marseille le 23 juillet 2020 (T. com. Marseille, ord. réf., 23 juill. 2020, n° 2020R00131, Sté X c/ Axa France IARD), aux motifs que « La question de savoir si une épidémie peut ou non, de par sa définition même, entraîner la fermeture administrative d’un seul établissement dans un département ou si elle a pour conséquence nécessaire d’en entraîner la fermeture de plusieurs, ne relève pas de l’évidence, et donc des pouvoirs du juge des référés ; c’est dès lors en excédant ses pouvoirs que le premier juge a estimé que la clause d’exclusion invoquée par l’assureur avait manifestement pour effet de vider la garantie de sa substance, et en a déduit que l’obligation pour l’assureur de verser une indemnisation au titre du contrat n’était pas sérieusement contestable ». Dès lors, une provision pour pertes d’exploitation ne peut être octroyée en référé que lorsque la garantie de ces dernières résulte clairement du contrat d’assurance. Ceci n’est effectivement pas le cas du contrat proposé par AXA, lequel a donné lieu à la majorité des décisions rendues à ce jour concernant la garantie des pertes d’exploitation. Ce contrat comprend en effet une clause d’exclusion de garantie lorsque « au moins un autre établissement » du département « fait l’objet d’une mesure administrative pour une cause identique ».
De nombreux juges des référés ont ainsi refusé de faire droit à des demandes de provisions aux motifs que « les pouvoirs juridictionnels du juge des référés lui permettent de faire application d’un contrat mais pas de l’interpréter afin d’éviter qu’une décision provisoire et exécutoire rendue par un juge unique puisse remettre en cause la loi des parties ». Ainsi, une ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 10 juin 2020 (T. com. Lyon, ord. réf., 10 juin 2020, n° 2020R00303, Le Bacchus / Axa France Iard, RGDA 2020, n° 7, juill., p. 1, obs. L. Mayaux ; Lexbase Hebdo édition privée, n° 829, 25 juin 2020, note D. Krajeski) souligne que « le juge des référés peut éventuellement considérer une clause comme non écrite mais seulement si cet élément est non sérieusement contestable », ce qui n’était pas le cas selon lui dans le contrat en cause (« l’exclusion n’étant pas totale et illimitée, il convient d’analyser si l’essentiel de l’obligation a été retiré (…) ce pouvoir n’appartient pas au juge des référés mais au juge du fond »). Il en est de même, par exemple, du tribunal de commerce de Bordeaux (T. com. Bordeaux, ord. réf., 23 juin 2020, n° 2020R00408, Chez Aldo / Axa France IARD), invitant le restaurateur à agir au fond aux motifs que s’évince de la clause litigieuse « une contradiction de lecture et donc d’analyse des parties, qu’il ne ressort pas de l’office du juge des référés de trancher ».
Au contraire, le contrat proposé par Groupama dans l’affaire donnant lieu à commentaire prévoyait expressément l’indemnisation des pertes d’exploitation. Comme le relève l’ordonnance, « Les contrats en litige comportent tous une clause identique rédigée ainsi : « Perte d’exploitation / A - Evènements Assurés : la garantie du présent contrat porte exclusivement sur les conséquences des dommages ayant donné lieu à indemnisation et causés par : incendie ; explosion (…) Ainsi que l’impossibilité de poursuivre les activités par suite de la survenance : - fermeture de l’établissement sur l’ordre des autorités administratives lorsqu’elle est motivée par la seule survenance effective des évènements suivants : (…) de maladie contagieuse ou d’épidémies ». Cette même clause précise « objet de la garantie le présent contrat a pour objet de garantir les pertes de bénéfice brut et salaires (appointements ou service) subies par la société assurée pendant la période d’indemnisation par suite : de la baisse du chiffre d’affaires causés par l’interruption ou la réduction des activités de l’assuré ; des intérêts de découverts bancaires et / ou le remboursement des prêts entraînés par le sinistre, de l’engagement de frais supplémentaires d’exploitation qui sont la conséquence des dommages matériels causés par les évènements garantis. A l’exclusion des sinistres de responsabilité, de vol, de détournements ». Une clause supplémentaire nommée « dispositions particulières à la garantie perte d’exploitation » indique « Mesures administratives. Si à la suite d’un événement assuré, la durée de la période d’interruption ou de réduction des activités se trouve allongée par une mesure administrative (telle que la mise sous scellés pour enquête, risques de pollution, risques d’accidents, etc.) la garantie perte d’exploitation s’exercera en tenant compte de cet allongement, sans pouvoir excéder 24 mois » (TJ Paris, ord. réf., 11 févr. 2021, n° 21/50243, Sociétés S., I. et S. c/ Groupama, p. 3). Le tribunal judiciaire de Paris en déduit que « Les dispositions précitées supposent, à l’évidence et sans qu’il soit besoin de les interpréter, l’indemnisation des pertes d’exploitation générées par les confinements décidés par les autorités sanitaires ainsi que celles générées par la fermeture administrative des restaurants dans les limites des stipulation contractuelles » (ibid.). L’octroi d’une provision en référé était donc parfaitement possible, dès lors que les conditions posées par le contrat étaient bien remplies.
Par ailleurs, le tribunal judiciaire condamne, en l’espèce, l’assureur à une provision de 15 000 € sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, aux termes duquel « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ». Le tribunal retient en effet la résistance abusive de l’assureur pour avoir refusé tout versement d’indemnité provisionnelle à un restaurateur en exigeant, au préalable, les justificatifs des ventes à emporter réalisées pendant le premier confinement, alors même qu’une telle activité « n’a pu générer, en raison des circonstances, que des revenus sporadiques insusceptibles de modifier substantiellement son droit à indemnisation ».

Issues de la révision constitutionnelle de 2003, les expérimentations permettent aux collectivités territoriales et à leurs groupements, lorsque la loi ou le règlement les y habilite, de déroger, pour un objet et une durée limitée, à des normes législatives ou réglementaires régissant l’exercice de leurs compétences. Pourtant, le fait d’une procédure trop lourde générant des délais excessifs a douché les initiatives locales : depuis 2003, seules quatre expérimentations ont eu lieu dans ce cadre.
Le projet de loi organique, que les députés ont définitivement adopté le 16 mars, s’appuie sur les propositions formulées par le Conseil d’État dans son étude de 2019 sur ce sujet (v., L. Dutheillet de Lamothe et T. Janicot, Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques, AJDA 2019. 2038 ).
Simplifier l’entrée et mieux évaluer
Les collectivités répondant aux conditions prévues par la loi qui permet l’expérimentation pourront désormais décider d’elles-mêmes d’y participer. Jusqu’à présent, elles ne pouvaient qu’en faire la demande : la décision finale relève du gouvernement, qui fixe par décret la liste des collectivités admises à participer. L’entrée dans l’expérimentation sera désormais facilitée puisque les collectivités y entreront, au fur et à mesure, par une simple délibération de leur assemblée délibérante. Cette procédure réduira le délai moyen d’entrée dans l’expérimentation, qui devrait passer d’un an à deux mois. Par ailleurs, les actes pris dans le cadre des expérimentations seront uniquement publiés au Journal officiel à titre d’information. Actuellement, cette publication conditionne leur entrée en vigueur. Le régime spécial du contrôle de légalité exercé sur cette délibération est maintenu. Si le représentant de l’État assortit son recours d’une demande de suspension, la délibération cesse de produire ses effets jusqu’à ce que le tribunal administratif ait statué sur cette demande.
La loi organique maintient le rapport sur l’évaluation finale de chaque expérimentation transmis au Parlement, qui constitue un préalable indispensable aux décisions concernant le devenir des mesures prises à titre expérimental. Le Sénat a ajouté un rapport d’évaluation à mi-parcours de chaque expérimentation, qui peut s’avérer utile pour les collectivités participant à une expérimentation et pour celles qui hésiteraient à les rejoindre.
Deux options nouvelles
À l’issue du délai fixé pour l’expérimentation, les issues qui s’offrent actuellement au législateur ou au pouvoir réglementaire sont, soit de prolonger ou de modifier l’expérimentation pour une durée qui ne peut excéder trois ans, soit de maintenir et de généraliser les mesures prises à titre expérimental, soit, tout simplement d’abandonner l’expérimentation. En dehors de ces trois issues, l’expérimentation ne peut être poursuivie au-delà du terme fixé par la loi qui l’avait organisée. Cette limitation de la sortie de l’expérimentation constituant un frein, la loi organique permettra de décider du maintien des mesures prises dans les collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation, ou dans certaines d’entre elles, et leur extension à d’autres collectivités territoriales.

M. B… et l’Union de français de l’étranger ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des articles 57-2 du décret n° 2021-1262 du 16 octobre 2020 et 56-5 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tous deux issus du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021, en tant qu’ils interdisent, sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire hexagonal d’un Français en provenance d’un pays étranger autre que ceux de l’Union européenne, Andorre, l’Australie, la Corée du Sud, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour ou la Suisse.
La Société antillaise de location de véhicules automobiles et plusieurs autres sociétés et syndicats patronaux antillais ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des mêmes dispositions, en ce qu’elles interdisent tout déplacement en provenance ou à destination des Outre-mer, sauf motifs impérieux.
Après avoir abordé la question de l’urgence, nous traiterons successivement de la question de la liberté en cause, du contrôle opéré en l’espèce par le juge des référés du Palais-Royal et enfin de l’apport de ces décisions quant à l’appréciation des motifs et documents exigés.
Le contrôle de l’urgence
Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi respectivement sur des dispositions identiques par les requérants sur deux fondements différents. En effet, dans la décision Union des français de l’étranger, la requête est déposée sur le fondement du référé-suspension prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Ce dispositif permet à tout requérant quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, de saisir le juge des référés aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision contestée dans la requête au fond. Elle est soumise à deux conditions : d’une part, l’urgence et d’autre part, à la démonstration d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision querellée devant le juge du fond. Pour la décision Société antillaise de location de véhicules et autres, la requête a été introduite sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence est donc commune aux deux typologies de référé. Cependant, le juge ne la mentionne expressément que dans le cadre du référé-liberté, fondant celle-ci sur le fait que « l’arrêt de l’arrivée de touristes en provenance du territoire métropolitain, interdite depuis le 31 janvier dernier, a un impact négatif très important sur le chiffre d’affaires des sociétés requérantes et est susceptible d’avoir à brève échéance des conséquences significatives sur l’ensemble de la situation économique de ces îles qui vivent pour une grande part du tourisme. » L’urgence qui est d’ordre économique ici ne fait aucun doute au regard de l’économie fragile guadeloupéenne, caractéristique des économies des sociétés ultramarines. Sur ce point, il convient de préciser que si la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dit état d’urgence « sécuritaire » a institué expressément une présomption d’urgence à son article 14-1, deuxième alinéa, s’agissant particulièrement assignations à résidence, la loi du n° 2020-290 du 23 mars 2020 n’a rien mentionné à ce niveau. Cependant, le Conseil d’État a intégré dès le départ de son contrôle cette présomption d’urgence pour toutes les décisions prises au titre de l’état d’urgence sanitaire qui lui ont été déférées au titre tant du référé-liberté que celui du référé-suspension. Ainsi, la condition d’urgence est regardée comme ne soulevant pas de difficulté particulière en présence d’un danger actuel ou imminent en lien avec l’épidémie de covid-19 (CE 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes Médecins, Lebon ; Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 655 ; ibid. 851 , note C. Vallar ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier ; ibid. 291, Pratique A. Lami et F. Lombard ; 3 mars 2021, n° 449764, Ordre des avocats du barreau de Montpellier, AJDA 2021. 480 ).
Sur la liberté en cause : le droit fondamental de tout français de rejoindre son pays d’appartenance
S’agissant tout d’abord de la santé, le Conseil d’État a précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sect., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ). Il a indiqué que ce droit incluait « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 13 déc. 2017, M. Pica-Picard, n° 228928, Lebon T.). L’autre aspect que mettent en exergue en arrière-fond les ordonnances rapportées porte sur le principe de précaution, dans le cas présent l’article 5 de la charte de l’environnement aux termes duquel « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il convient de rappeler que les dispositions de cette charte ont valeur constitutionnelle (Cons. const. 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, AJDA 2010. 4 ; ibid. 277 , note W. Mastor ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RFDA 2010. 627, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 277, obs. A. Barilari ; ibid. 281, obs. A. Barilari ; ibid. 283, obs. A. Barilari ). Le juge du Palais-Royal a eu l’occasion d’appliquer ce principe en matière de santé publique en précisant que « le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées (CE 8 oct. 2012, n° 342423, Cne de Lunel, Lebon ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012. 643, obs. P. Soler-Couteaux ; Constitutions 2012. 651, obs. N. Huten ).
Concernant la liberté d’aller et de venir, elle se rattache au principe général de liberté défini par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que l’a indiqué le Tribunal des conflits (T. confl. 9 juin 1986, n° 2434, Commissaire de la République de la région Alsace c/ Eucat, Lebon : « Considérant que la liberté fondamentale d’aller et venir n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ») Elle constitue un principe à valeur constitutionnelle (Cons. const. 12 juill. 1979, n° 79-107 DC, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales). Cette liberté d’aller et venir est consacrée par ailleurs par l’article 2-2° du protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales signé à Strasbourg en 1963 et par l’article 12-2° du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur le 4 févr. 1981 suite à la publication du décr. n° 81-76 du 29 janv. 1981).
Sur le contrôle opéré entre protection de la santé publique et liberté de voyager
Selon le III de l’article L. 3131-15 du code la santé publique, toutes les mesures prescrites au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent être strictement proportionnées aux risque encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu. Le contrôle effectué par le juge administratif relève du contrôle dit de la proportionnalité, ce dernier devant être par principe plus strict lorsque les libertés publiques sont en cause (CE 15 nov. 2017, n° 403275, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, Lebon ; AJDA 2018. 62 , concl. L. Marion ; ibid. 2017. 2222 ; AJCT 2018. 222, obs. P. Jacquemoire ). Il a été institué à la suite de la célèbre décision Benjamin (CE 19 mai 1933, n° 17413, Benjamin et syndicat d’initiative de Nevers, Lebon ), rappelant au passage la formule prononcée par le commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions dans l’affaire Baldy « La liberté est la règle, la restriction de police l’exception » (CE 10 août 1917, n° 59855, Baldy). La nature de cette vérification a été explicitée dans un arrêt rendu le 26 décembre 2011 (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les concl. ; AJDA 2012. 35 , chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2036 ; D. 2011. 2602, et les obs. ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ). La mesure de police sanitaire contestée est soumise ainsi aux trois critères suivants : adaptation, nécessité et proportionnalité stricto sensu. Il s’agit donc de savoir si, dans les deux cas soumis, les restrictions à voyager ne sont pas disproportionnées au regard des objectifs et risques de santé publique. Pour rappel, dans ses différentes décisions rendues sous l’épidémie du covid-19, le juge du Palais-Royal précise le postulat suivant lequel il revient aux autorités publiques, face à une épidémie, telle que celle que connaît aujourd’hui la France, de prendre toute mesure de nature à, prévenir ou limiter les effets de cette épidémie, cela afin de protéger et sauvegarder la population. C’est donc un impératif sanitaire assigné aux pouvoirs publics sur lesquels pèse ainsi une obligation de moyens renforcée. Le juge administratif se trouve en première ligne en devenant le gardien des libertés contre les excès de l’administration.
Dans l’ordonnance M. B… et Union des français de l’étranger, le juge des référés rappelle que le droit des citoyens français d’entrer en France est un droit fondamental dont il ne peut être porté une atteinte qu’en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l’ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. L’État a un devoir, même en cas d’état d’urgence sanitaire, de mettre en place des mesures permettant le retour des français vivant en dehors du territoire national de pouvoir retourner dans leur patrie. En l’espèce, il a jugé disproportionné le fait d’exiger des motifs impérieux pour les français qui souhaitent rentrer en France car il ressort qu’au regard des données connues que de tels déplacements présentent un risque mineur dans la propagation de l’épidémie liée à la covid-19 et à ses variants, vu en l’espèce le nombre limité de déplacements en cause. Les choses auraient certainement été différentes avec un autre tableau épidémique ou encore si un nombre considérable de français vivant à l’étranger décidaient de rejoindre en masse le territoire national.
Par contre, dans son ordonnance Société antillaise de location de véhicules automobiles et autres, il juge que l’obligation d’un motif impérieux pour des déplacements depuis ou vers les Antilles françaises est fondée car proportionnée au risque liée en l’état à la propagation de l’épidémie de la covid-19. Trois éléments sont retenus pour légitimer cette proportionnalité. Le premier tient au fait que la réouverture du flux des touristes en direction des Antilles risque d’accélérer la diffusion des variants présent aujourd’hui largement sur le territoire hexagonal. Il est scientifiquement établi que ces variants sont plus contagieux et donc plus dangereux que la souche originelle de la covid-19. Le deuxième vient du constat que l’engagement pris par les passagers à l’embarquement de respecter un isolement prophylactique de sept jours après l’arrivée sur le territoire antillais puis de réaliser un examen biologique de dépistage virologique est inefficient car il n’est pas respecté par les touristes. À cela s’ajoute le fait qu’il n’y a aucun contrôle effectif de l’engagement pris, lequel se trouve donc dépourvu de toute sanction en cas de non-respect. Une telle carence serait de nature à poser la question d’une responsabilité éventuelle des autorités sanitaires en cas de crise épidémique, dont l’origine serait importée et liée à des passagers dont l’état infectant et contaminant n’aurait pu être identifié en amont, faute d’un suivi médical de l’isolement après leur arrivée sur le territoire concerné. Enfin, le troisième élément est contextuel : si la situation de la Guadeloupe est actuellement meilleure que l’hexagone, la situation se dégrade au point d’avoir justifié l’instauration d’un couvre-feu. Nous savons que l’un des indicateurs importants dans la gestion de l’épidémie de la covid-19 est le taux d’incidence (celui-ci correspond au nombre de personnes testées positives pour la première fois depuis plus de 60 jours exprimé pour 100 000 habitants), son augmentation risquant d’entraîner mécaniquement un niveau de saturation élevé des lits de réanimation. Dès lors, le Conseil d’État juge, au regard de la balance des risques de santé réels et de la nécessité de protéger les populations, parfaitement fondé l’obligation de justifier d’un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire hexagonal et les Antilles ainsi qu’entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l’objectif principal recherché étant d’interdire l’arrivée de touristes sur ces territoires. Cette approche peut être transposée aux autres territoires d’outre-mer qui sont dans la même situation guadeloupéenne pour deux raisons : d’une part, ils sont situés dans des bassins de vie qui n’épousent absolument pas les critères et normes européens (par rapport à l’environnement de la France hexagonale) et d’autre part, les structures de santé sont manifestement insuffisantes et inadaptées pour faire face à une pandémie qui frapperait les populations qui vivent dans ces territoires, avec les risques des variants dits sud-africain et brésilien. Cette fragilité des structures hospitalières a été mise en exergue d’ailleurs dès le début de la pandémie dans un avis fléché « Outre-mer » rendu le mercredi 8 avril 2020 par le Conseil scientifique qui préconisait « de mettre en œuvre dans chaque territoire d’outre-mer des mesures spécifiques qui doivent être différenciées et adaptées à la phase épidémique et aux capacités de chaque territoire ».
Sur la valeur juridique des motifs de déplacement et des documents exigés pour voyager
L’article 10 du décret du 29 octobre 2020 précité soumet les déplacements de personnes par voie aérienne à trois types de motif impérieux : soit personnel ou familial, soit de santé relevant de l’urgence ou soit pour raison professionnelle ne pouvant être différée. Il impose également à tout passager, avant son embarquement, de remplir une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne présente pas de symptôme d’infection au covid-19, de n’avoir pas été en contact avec un cas confirmé de covid-19 dans les quatorze jours précédant le vol, d’accepter qu’un test ou un examen biologique de dépistage virologique de détection du SARS-CoV-2 puisse être réalisé à son arrivée sur le territoire national (pour les personnes âgées de 11 ans ou plus) et enfin de s’engager à respecter un isolement prophylactique de sept jours après son arrivée et, s’il est âgé de onze ans et plus, à réaliser, au terme de cette période, un examen biologique de dépistage virologique permettant la détection du SARS-CoV-2.
Cependant, dans sa décision Société antillaise de location de véhicules et autres, le juge des référés apporte une précision très intéressante à ce niveau en indiquant que les motifs justifiant les déplacements des personnes ainsi que les pièces justificatives exigées ne sont qu’indicatifs, aucune disposition ne pouvant faire obstacle à ce qu’une personne se prévale des motifs autres que ceux énumérés par le ministre. En effet, les contraintes de déplacement sont édictées pour empêcher des déplacements de nature touristique qui présentent un risque certain sur le plan sanitaire en l’état actuel.
Par contre, c’est là que cette décision rejoint celle rendue dans l’affaire M. B… et Union des français de l’étranger. Le juge des référés du Palais-Royal estime en tout état de cause que de telles dispositions « ne peuvent (…) en aucune circonstance empêcher une personne de rejoindre son lieu de résidence », cela où que celui-ci se trouve sur le territoire de la République (hexagone et outre-mer).
Voilà deux décisions qui apportent un éclairage juridique intéressant sur la liberté d’aller et de venir vu sous le prisme du transport aérien avec les contraintes de police liées à ce dernier, en cette période bien compliquée pour voyager en toute sérénité.

M. B… et l’Union de français de l’étranger ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des articles 57-2 du décret n° 2021-1262 du 16 octobre 2020 et 56-5 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, tous deux issus du décret n° 2021-99 du 30 janvier 2021, en tant qu’ils interdisent, sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire hexagonal d’un Français en provenance d’un pays étranger autre que ceux de l’Union européenne, Andorre, l’Australie, la Corée du Sud, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour ou la Suisse.
La Société antillaise de location de véhicules automobiles et plusieurs autres sociétés et syndicats patronaux antillais ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant à ordonner la suspension de l’exécution des mêmes dispositions, en ce qu’elles interdisent tout déplacement en provenance ou à destination des Outre-mer, sauf motifs impérieux.
Après avoir abordé la question de l’urgence, nous traiterons successivement de la question de la liberté en cause, du contrôle opéré en l’espèce par le juge des référés du Palais-Royal et enfin de l’apport de ces décisions quant à l’appréciation des motifs et documents exigés.
Le contrôle de l’urgence
Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi respectivement sur des dispositions identiques par les requérants sur deux fondements différents. En effet, dans la décision Union des français de l’étranger, la requête est déposée sur le fondement du référé-suspension prévu par l’article L. 521-1 du code de justice administrative. Ce dispositif permet à tout requérant quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, de saisir le juge des référés aux fins d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision contestée dans la requête au fond. Elle est soumise à deux conditions : d’une part, l’urgence et d’autre part, à la démonstration d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision querellée devant le juge du fond. Pour la décision Société antillaise de location de véhicules et autres, la requête a été introduite sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Cet article impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures et soumet sa réussite pour l’essentiel à deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La condition d’urgence est donc commune aux deux typologies de référé. Cependant, le juge ne la mentionne expressément que dans le cadre du référé-liberté, fondant celle-ci sur le fait que « l’arrêt de l’arrivée de touristes en provenance du territoire métropolitain, interdite depuis le 31 janvier dernier, a un impact négatif très important sur le chiffre d’affaires des sociétés requérantes et est susceptible d’avoir à brève échéance des conséquences significatives sur l’ensemble de la situation économique de ces îles qui vivent pour une grande part du tourisme. » L’urgence qui est d’ordre économique ici ne fait aucun doute au regard de l’économie fragile guadeloupéenne, caractéristique des économies des sociétés ultramarines. Sur ce point, il convient de préciser que si la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dit état d’urgence « sécuritaire » a institué expressément une présomption d’urgence à son article 14-1, deuxième alinéa, s’agissant particulièrement assignations à résidence, la loi du n° 2020-290 du 23 mars 2020 n’a rien mentionné à ce niveau. Cependant, le Conseil d’État a intégré dès le départ de son contrôle cette présomption d’urgence pour toutes les décisions prises au titre de l’état d’urgence sanitaire qui lui ont été déférées au titre tant du référé-liberté que celui du référé-suspension. Ainsi, la condition d’urgence est regardée comme ne soulevant pas de difficulté particulière en présence d’un danger actuel ou imminent en lien avec l’épidémie de covid-19 (CE 22 mars 2020, n° 439674, Syndicat Jeunes Médecins, Lebon ; Dalloz actualité, 22 mars 2020, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2020. 655 ; ibid. 851 , note C. Vallar ; D. 2020. 687 , note P. Parinet-Hodimont ; AJCT 2020. 175, obs. S. Renard ; ibid. 250, Pratique G. Le Chatelier ; ibid. 291, Pratique A. Lami et F. Lombard ; 3 mars 2021, n° 449764, Ordre des avocats du barreau de Montpellier, AJDA 2021. 480 ).
Sur la liberté en cause : le droit fondamental de tout français de rejoindre son pays d’appartenance
S’agissant tout d’abord de la santé, le Conseil d’État a précisé que le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale (CE, sect., 16 nov. 2011, n° 353172, Ville de Paris, Société d’économie mixte PariSeine, Lebon avec les concl. ; AJDA 2011. 2207 ; ibid. 2013. 2137, étude X. Dupré de Boulois ; AJCT 2012. 156, obs. L. Moreau ; RFDA 2012. 269, concl. D. Botteghi ; ibid. 455, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ). Il a indiqué que ce droit incluait « celui de recevoir les traitements et les soins les plus appropriés à son état de santé, liberté fondamentale à laquelle l’autorité administrative porte atteinte lorsque sa carence risque d’entraîner une altération grave de l’état de santé de la personne intéressée » (CE 13 déc. 2017, M. Pica-Picard, n° 228928, Lebon T.). L’autre aspect que mettent en exergue en arrière-fond les ordonnances rapportées porte sur le principe de précaution, dans le cas présent l’article 5 de la charte de l’environnement aux termes duquel « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. » Il convient de rappeler que les dispositions de cette charte ont valeur constitutionnelle (Cons. const. 29 déc. 2009, n° 2009-599 DC, Loi de finances pour 2010, AJDA 2010. 4 ; ibid. 277 , note W. Mastor ; D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RFDA 2010. 627, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; Constitutions 2010. 277, obs. A. Barilari ; ibid. 281, obs. A. Barilari ; ibid. 283, obs. A. Barilari ). Le juge du Palais-Royal a eu l’occasion d’appliquer ce principe en matière de santé publique en précisant que « le principe de précaution s’applique aux activités qui affectent l’environnement dans des conditions susceptibles de nuire à la santé des populations concernées (CE 8 oct. 2012, n° 342423, Cne de Lunel, Lebon ; D. 2014. 104, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2012. 643, obs. P. Soler-Couteaux ; Constitutions 2012. 651, obs. N. Huten ).
Concernant la liberté d’aller et de venir, elle se rattache au principe général de liberté défini par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ainsi que l’a indiqué le Tribunal des conflits (T. confl. 9 juin 1986, n° 2434, Commissaire de la République de la région Alsace c/ Eucat, Lebon : « Considérant que la liberté fondamentale d’aller et venir n’est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ») Elle constitue un principe à valeur constitutionnelle (Cons. const. 12 juill. 1979, n° 79-107 DC, Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales). Cette liberté d’aller et venir est consacrée par ailleurs par l’article 2-2° du protocole additionnel n° 4 à la Convention européenne des sauvegardes des droits de l’homme et des libertés fondamentales signé à Strasbourg en 1963 et par l’article 12-2° du Pacte international de New York relatif aux droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur le 4 févr. 1981 suite à la publication du décr. n° 81-76 du 29 janv. 1981).
Sur le contrôle opéré entre protection de la santé publique et liberté de voyager
Selon le III de l’article L. 3131-15 du code la santé publique, toutes les mesures prescrites au titre de l’état d’urgence sanitaire doivent être strictement proportionnées aux risque encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu. Le contrôle effectué par le juge administratif relève du contrôle dit de la proportionnalité, ce dernier devant être par principe plus strict lorsque les libertés publiques sont en cause (CE 15 nov. 2017, n° 403275, Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen, Lebon ; AJDA 2018. 62 , concl. L. Marion ; ibid. 2017. 2222 ; AJCT 2018. 222, obs. P. Jacquemoire ). Il a été institué à la suite de la célèbre décision Benjamin (CE 19 mai 1933, n° 17413, Benjamin et syndicat d’initiative de Nevers, Lebon ), rappelant au passage la formule prononcée par le commissaire du gouvernement Corneille dans ses conclusions dans l’affaire Baldy « La liberté est la règle, la restriction de police l’exception » (CE 10 août 1917, n° 59855, Baldy). La nature de cette vérification a été explicitée dans un arrêt rendu le 26 décembre 2011 (CE, ass., 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Lebon avec les concl. ; AJDA 2012. 35 , chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2036 ; D. 2011. 2602, et les obs. ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ). La mesure de police sanitaire contestée est soumise ainsi aux trois critères suivants : adaptation, nécessité et proportionnalité stricto sensu. Il s’agit donc de savoir si, dans les deux cas soumis, les restrictions à voyager ne sont pas disproportionnées au regard des objectifs et risques de santé publique. Pour rappel, dans ses différentes décisions rendues sous l’épidémie du covid-19, le juge du Palais-Royal précise le postulat suivant lequel il revient aux autorités publiques, face à une épidémie, telle que celle que connaît aujourd’hui la France, de prendre toute mesure de nature à, prévenir ou limiter les effets de cette épidémie, cela afin de protéger et sauvegarder la population. C’est donc un impératif sanitaire assigné aux pouvoirs publics sur lesquels pèse ainsi une obligation de moyens renforcée. Le juge administratif se trouve en première ligne en devenant le gardien des libertés contre les excès de l’administration.
Dans l’ordonnance M. B… et Union des français de l’étranger, le juge des référés rappelle que le droit des citoyens français d’entrer en France est un droit fondamental dont il ne peut être porté une atteinte qu’en cas de nécessité impérieuse pour la sauvegarde de l’ordre public, notamment pour prévenir, de façon temporaire, un péril grave et imminent. L’État a un devoir, même en cas d’état d’urgence sanitaire, de mettre en place des mesures permettant le retour des français vivant en dehors du territoire national de pouvoir retourner dans leur patrie. En l’espèce, il a jugé disproportionné le fait d’exiger des motifs impérieux pour les français qui souhaitent rentrer en France car il ressort qu’au regard des données connues que de tels déplacements présentent un risque mineur dans la propagation de l’épidémie liée à la covid-19 et à ses variants, vu en l’espèce le nombre limité de déplacements en cause. Les choses auraient certainement été différentes avec un autre tableau épidémique ou encore si un nombre considérable de français vivant à l’étranger décidaient de rejoindre en masse le territoire national.
Par contre, dans son ordonnance Société antillaise de location de véhicules automobiles et autres, il juge que l’obligation d’un motif impérieux pour des déplacements depuis ou vers les Antilles françaises est fondée car proportionnée au risque liée en l’état à la propagation de l’épidémie de la covid-19. Trois éléments sont retenus pour légitimer cette proportionnalité. Le premier tient au fait que la réouverture du flux des touristes en direction des Antilles risque d’accélérer la diffusion des variants présent aujourd’hui largement sur le territoire hexagonal. Il est scientifiquement établi que ces variants sont plus contagieux et donc plus dangereux que la souche originelle de la covid-19. Le deuxième vient du constat que l’engagement pris par les passagers à l’embarquement de respecter un isolement prophylactique de sept jours après l’arrivée sur le territoire antillais puis de réaliser un examen biologique de dépistage virologique est inefficient car il n’est pas respecté par les touristes. À cela s’ajoute le fait qu’il n’y a aucun contrôle effectif de l’engagement pris, lequel se trouve donc dépourvu de toute sanction en cas de non-respect. Une telle carence serait de nature à poser la question d’une responsabilité éventuelle des autorités sanitaires en cas de crise épidémique, dont l’origine serait importée et liée à des passagers dont l’état infectant et contaminant n’aurait pu être identifié en amont, faute d’un suivi médical de l’isolement après leur arrivée sur le territoire concerné. Enfin, le troisième élément est contextuel : si la situation de la Guadeloupe est actuellement meilleure que l’hexagone, la situation se dégrade au point d’avoir justifié l’instauration d’un couvre-feu. Nous savons que l’un des indicateurs importants dans la gestion de l’épidémie de la covid-19 est le taux d’incidence (celui-ci correspond au nombre de personnes testées positives pour la première fois depuis plus de 60 jours exprimé pour 100 000 habitants), son augmentation risquant d’entraîner mécaniquement un niveau de saturation élevé des lits de réanimation. Dès lors, le Conseil d’État juge, au regard de la balance des risques de santé réels et de la nécessité de protéger les populations, parfaitement fondé l’obligation de justifier d’un motif impérieux pour tout déplacement entre le territoire hexagonal et les Antilles ainsi qu’entre la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, l’objectif principal recherché étant d’interdire l’arrivée de touristes sur ces territoires. Cette approche peut être transposée aux autres territoires d’outre-mer qui sont dans la même situation guadeloupéenne pour deux raisons : d’une part, ils sont situés dans des bassins de vie qui n’épousent absolument pas les critères et normes européens (par rapport à l’environnement de la France hexagonale) et d’autre part, les structures de santé sont manifestement insuffisantes et inadaptées pour faire face à une pandémie qui frapperait les populations qui vivent dans ces territoires, avec les risques des variants dits sud-africain et brésilien. Cette fragilité des structures hospitalières a été mise en exergue d’ailleurs dès le début de la pandémie dans un avis fléché « Outre-mer » rendu le mercredi 8 avril 2020 par le Conseil scientifique qui préconisait « de mettre en œuvre dans chaque territoire d’outre-mer des mesures spécifiques qui doivent être différenciées et adaptées à la phase épidémique et aux capacités de chaque territoire ».
Sur la valeur juridique des motifs de déplacement et des documents exigés pour voyager
L’article 10 du décret du 29 octobre 2020 précité soumet les déplacements de personnes par voie aérienne à trois types de motif impérieux : soit personnel ou familial, soit de santé relevant de l’urgence ou soit pour raison professionnelle ne pouvant être différée. Il impose également à tout passager, avant son embarquement, de remplir une déclaration sur l’honneur attestant qu’il ne présente pas de symptôme d’infection au covid-19, de n’avoir pas été en contact avec un cas confirmé de covid-19 dans les quatorze jours précédant le vol, d’accepter qu’un test ou un examen biologique de dépistage virologique de détection du SARS-CoV-2 puisse être réalisé à son arrivée sur le territoire national (pour les personnes âgées de 11 ans ou plus) et enfin de s’engager à respecter un isolement prophylactique de sept jours après son arrivée et, s’il est âgé de onze ans et plus, à réaliser, au terme de cette période, un examen biologique de dépistage virologique permettant la détection du SARS-CoV-2.
Cependant, dans sa décision Société antillaise de location de véhicules et autres, le juge des référés apporte une précision très intéressante à ce niveau en indiquant que les motifs justifiant les déplacements des personnes ainsi que les pièces justificatives exigées ne sont qu’indicatifs, aucune disposition ne pouvant faire obstacle à ce qu’une personne se prévale des motifs autres que ceux énumérés par le ministre. En effet, les contraintes de déplacement sont édictées pour empêcher des déplacements de nature touristique qui présentent un risque certain sur le plan sanitaire en l’état actuel.
Par contre, c’est là que cette décision rejoint celle rendue dans l’affaire M. B… et Union des français de l’étranger. Le juge des référés du Palais-Royal estime en tout état de cause que de telles dispositions « ne peuvent (…) en aucune circonstance empêcher une personne de rejoindre son lieu de résidence », cela où que celui-ci se trouve sur le territoire de la République (hexagone et outre-mer).
Voilà deux décisions qui apportent un éclairage juridique intéressant sur la liberté d’aller et de venir vu sous le prisme du transport aérien avec les contraintes de police liées à ce dernier, en cette période bien compliquée pour voyager en toute sérénité.
Le découpage de l’entreprise en établissements distincts pour la mise en place du CSE peut résulter d’un accord d’entreprise conclu dans les conditions prévues à l’article L. 2232-12 du code du travail (C. trav., art. L. 2313-2). En l’absence d’un tel accord, et en l’absence de délégué syndical, le nombre et le périmètre des établissements distincts peuvent être déterminés par un accord entre l’employeur et la majorité des élus titulaires du CSE (C. trav., art. L. 2313-3).
A défaut d’accord collectif ou d’accord avec le CSE, l’employeur fixe unilatéralement le nombre et le périmètre des établissements distincts compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (C. trav., art. L. 2313-4).
En cas de litige portant sur cette décision de l’employeur, l’autorité administrative est compétente pour se prononcer sur la division de l’entreprise en établissements distincts. Cette autorité administrative...

Les époux B… ont acquis le 1er juillet 2014 une parcelle qui était située dans la zone d’aménagement concerté de Maumarin (ZAC), créée le 30 mai 2005 et supprimée le 17 décembre 2013.
Au cours de l’été 2014, les époux B… ont fait construire une piscine, ainsi qu’un local technique de 4 m² implanté en limite de propriété.
Les voisins des époux B…, Mme R… et M. P…, impactés par la construction du local technique, ont assigné en référé les époux B… et le constructeur de la piscine sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile pour obtenir la démolition du local technique.
Les demandeurs invoquaient la violation du plan local d’urbanisme, ainsi que le non-respect du cahier des charges de la zone considérée, et se fondaient en particulier sur l’acte de propriété des époux B… qui reproduisait le cahier des charges de cession des terrains de la ZAC.
Toutefois, la cour d’appel de Nîmes, statuant en référé, dans un arrêt du 27 juin 2019, a rejeté leur demande au motif que le cahier des charges de la ZAC, devenu caduc, ne crée pas à la charge des époux B… une obligation de nature contractuelle et les propriétaires voisins ne peuvent ainsi se prévaloir de la méconnaissance des prescriptions du cahier des charges, pour obtenir la démolition de l’abri technique de piscine.
N’ayant pas été entendus par la cour d’appel de Nîmes, les consorts P… et R… se sont pourvus devant la Cour de cassation, qui a accueilli favorablement leur pourvoi et cassé sur ce point la décision de la cour d’appel.
Pour répondre au problème de droit soulevé par les consorts P… et R…, la troisième chambre civile de la Cour de cassation fonde son raisonnement, à la fois sur l’article 1134 du code civil [auj. art. 1103], selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, mais également sur l’article L. 311-6, alinéa 3, du code de l’urbanisme, qui prévoit que les cahiers des charges de cession de terrains situés à l’intérieur d’une zone d’aménagement concerté signés postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 deviennent caducs à la date de la suppression de la zone.
L’arrêt rapporté précise que la caducité des cahiers des charges des ZAC « ne fait pas obstacle à ce que les stipulations de ces cahiers des charges continuent de régir, en raison de leur caractère contractuel, les rapports entre les propriétaires qui y ont consenti ».
La troisième chambre civile de la Cour de cassation transpose au cahier des charges des ZAC une jurisprudence constante et récurrente, selon laquelle le cahier des charges d’un lotissement constitue, quelle que soit sa date, un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues (Civ. 3e, 18 déc. 1991, n° 89-21.046, Bull. civ. III, n° 328 ; RDI 1992. 302, obs. J.-L. Bergel ; 27 mars 1991, n° 89-19.667, Bull. civ. III, n° 106 ; AJDI 1992. 34 ; ibid. 35 et les obs. ; 21 janv. 2016, n° 15-10.566, D. 2016. 257 ; AJDI 2016. 442 , obs. Marcie Morin et P.-L. Niel ; RDI 2016. 223, obs. J.-L. Bergel ; ibid. 301, obs. P. Soler-Couteaux ; RTD civ. 2016. 356, obs. H. Barbier ; ibid. 394, obs. W. Dross ; ibid. 449, obs. N. Cayrol ; 14 sept. 2017, n° 16-21.329, RDI 2017. 548, obs. P. Soler-Couteaux ).
La cour d’appel de Nîmes, dans sa décision du 27 juin 2019, avait toutefois retenu un raisonnement inverse. Elle considérait qu’en vertu de l’article R. 311-6 du code de l’urbanisme, les cahiers des charges des ZAC étaient caducs à la date de suppression de la zone. Elle en avait déduit en l’espèce que les dispositions du cahier des charges de la ZAC, même s’il en était fait référence dans l’acte notarié des époux B…, ne créaient « pas à la charge de M. et Mme B… une obligation de nature contractuelle dont Mme R. et M. P… seraient susceptibles de se prévaloir pour poursuivre, au motif du trouble manifestement illicite résultant de la méconnaissance des prescriptions de ce cahier des charges, la démolition d’un abri technique de piscine contrevenant à celles-ci ».
La troisième chambre civile de la Cour de cassation censure l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes en considérant qu’en « se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la reproduction, dans l’acte de vente, des stipulations du cahier de charges, qui prévoyaient que tant les règles de droit privé s’ajoutant aux dispositions contenues dans le plan local d’urbanisme que les conditions générales des ventes consenties par l’aménageur devraient être reprises dans tous les actes de revente et s’imposeraient dans les rapports des propriétaires successifs entre eux et que le cahier des charges serait opposable à quiconque détiendrait tout ou partie du territoire de la ZAC, ne caractérisait pas la volonté des parties de conférer à ces obligations, par une stipulation pour autrui, un caractère contractuel, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
La décision rapportée a le mérite de clarifier le régime des cahiers des charges des ZAC, et de l’uniformiser en cohérence avec le régime des cahiers des charges de lotissement, qui ont eux aussi une valeur contractuelle, opposable à tous les colotis entre eux.
Le cahier des charges d’une zone d’aménagement concerté est un document contractuel qui s’impose à tous les propriétaires successifs de biens situés sur la zone considérée, même si le cahier des charges est devenu caduc à la suite de la suppression de la ZAC.
À L’Ile-Saint-Denis, commune d’environ 8 000 habitants, la liste conduite par le maire sortant l’a emporté au second tour. Le tribunal administratif de Montreuil, saisi par un adversaire, a annulé les opérations électorales. Parmi les différents griefs retenus par le tribunal, la distribution, dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, entre les deux tours de l’élection municipale des 15 mars et 28 juin 2020 de chèques alimentaires, prévus pour les familles dont les enfants sont inscrits...
L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 a institué un fonds de solidarité pour les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique, particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la crise sanitaire. Le décret d’application n° 2020-371 du 30 mars 2020 a apporté des précisions quant au champ d’application du dispositif, aux conditions d’éligibilité et d’attribution des aides, à leur montant et aux conditions de fonctionnement et de gestion de ce fonds (Dalloz actualité, 1er avr. 2020, obs. X. Delpech). Déjà modifié à plusieurs reprises, il l’est une nouvelle fois par le présent décret du 9 mars 2021.
Modification des modalités de calcul du chiffre d’affaires de référence concernant les entreprises créées après juin 2019
L’article 3-19 du décret du 30 mars 2020 est modifié. Dans sa nouvelle rédaction, il prévoit, pour les...
Malgré le dépôt d’environ 400 amendements, tous repoussés, le projet de loi ressort de l’hémicycle tel qu’il y était entré, à la virgule près. Le texte comporte un article unique qui vise à modifier l’article 1er de la Constitution, en y insérant, après la troisième phrase du premier alinéa : « Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité...

L’article 885 I ter du code général des impôts (CGI) exonérait de de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), sous certaines conditions, les titres reçus en contrepartie de la souscription au capital de petites et moyennes entreprises (PME) ayant leur siège dans un État membre de l’Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein. Cette exonération s’appliquait également aux titres reçus en contrepartie de souscriptions indirectes au capital de PME communautaires effectuées par l’intermédiaire d’une société holding. Étaient ainsi éligibles à ce dispositif non seulement les souscriptions au capital de sociétés holdings pures (passives) dont l’activité, de nature civile, est exclusivement limitée à la détention des parts ou actions de leurs filiales et au contrôle de leurs assemblées générales, mais aussi les souscriptions au capital de sociétés holdings actives non animatrices qui, outre la détention des titres de leurs filiales, poursuivent une activité supplémentaire juridiquement autonome par rapport à l’activité de leurs filiales (BOI-PAT-ISF-30-40-70-10 nos 330 et 340, 10 juin 2013). N’étaient, par principe, éligibles à ce dispositif que les souscriptions au capital de sociétés holdings pures (holdings passives) dont l’activité, de nature civile, est exclusivement limitée à la détention des parts ou actions de sociétés (BOI-PAT-ISF-40-30-10-20 n° 600, 2 nov. 2016) : c’est dans le cadre de cette exonération que s’inscrit l’affaire Finaréa, à laquelle la Haute juridiction vient de donner une conclusion surprenante.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Deux époux, assujettis à l’ISF, avaient, afin de bénéficier d’une réduction d’impôt conformément à l’article 885-0 V bis du CGI, joint à leurs déclarations d’impôt des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa équinoxe certifiant qu’ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe. Considérant que la société Finaréa équinoxe n’avait pas cette qualité, de sorte que ces contribuables ne pouvaient prétendre à l’avantage en cause, l’administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification. En réponse, les contribuables ont assigné la direction générale des finances publiques, représentée par l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction du contrôle fiscal Centre-Est, afin d’obtenir la décharge des rappels d’ISF pour les années 2009 et 2010. Les juges du fond ayant prononcé la décharge des impositions, l’administration fiscale s’était pourvue en cassation.
Le premier enseignement de cet arrêt concerne la portée des attestations délivrées par les entreprises susceptibles d’ouvrir droit à un avantage fiscal
Les contribuables faisaient grief à la cour d’appel d’avoir rejeté leur demande au motif que « tout contribuable destinataire d’une attestation pouvait s’en prévaloir, sauf pour le service à démontrer à la fois que l’attestation serait erronée (pour "attester" un élément inexact) et que le contribuable destinataire de cette attestation avait connaissance de ce caractère erroné (de sorte qu’il était de mauvaise foi) (…) qu’il en va d’autant plus ainsi que l’attestation émise par une holding certifiant avoir la qualité de "holding animatrice" au sens et pour les besoins de l’application de la réduction ISF-PME prévue par l’article 885-0 V bis du code général des impôts, (…) qu’en cantonnant la valeur de l’attestation émise par la société Finaréa équinoxe à la réduction ISF-PME, pour lui dénier toute valeur en matière d’impôt sur le revenu, la cour d’appel a violé l’article L. 80 A du Livre des procédures fiscales, ensemble l’article 299 septies de l’annexe III au code général des impôts ».
La Cour de cassation rappelle que l’article 885-0 V bis du CGI avait institué le principe d’une réduction d’ISF à hauteur de 75 % de versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu’il prévoyait et qu’en complément de ce texte, l’article 299 septies de l’annexe III du même code énonçait que, lorsqu’un contribuable souscrivait au capital d’une telle société, celle-ci lui délivrait un état individuel, précisant, notamment, qu’elle satisfaisait aux conditions exigées par ce texte, qu’il pouvait joindre à sa déclaration d’ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration. Elle précise toutefois que si la remise de ce document était une formalité nécessaire à l’obtention de l’avantage en cause, elle ne suffisait pas à démontrer que les conditions prévues à l’article 885-0 V bis du CGI étaient réunies et ne conférait aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d’impôt à laquelle il prétendait, fût-il de bonne foi, et qu’aucune règle n’impose à l’administration d’établir, avant de procéder à la rectification de l’imposition du contribuable, qu’il avait connaissance du caractère erroné de ce document joint à sa déclaration.
Il s’agit là d’une application stricte du principe « nul ne peut se fournir de preuve à soi-même », dont les conséquences sont cependant sévères pour le contribuable de bonne foi.
Le second enseignement de cet arrêt concerne le fonctionnement des holdings « animatrices » ou « non animatrices »
L’administration fiscale fait grief à l’arrêt de prononcer la décharge des impositions, en soutenant que l’avantage fiscal prévu par l’article 885-0 V bis du CGI, applicables au litige, concernait la souscription au capital initial ou aux augmentations de capital de PME qui exercent exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l’exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier. Elle précise que cet avantage fiscal peut également s’appliquer aux souscriptions faites dans des sociétés ayant pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés opérationnelles, à l’exclusion des investissements réalisés au profit de sociétés holding animatrices d’un groupe. Le moyen développé devant la Haute juridiction insiste également sur le fait que, pour être qualifiée d’animatrice, la société holding doit entretenir des relations l’amenant à contrôler, gérer et animer ses filiales, que ces actions supposent une participation suffisante de la holding au capital de la société opérationnelle pour exercer une influence réelle sur sa filiale, mais également que les principales décisions économiques et stratégiques du groupe émanent de la holding.
La Cour de cassation définit, pour l’application de ce texte, la société holding animatrice comme étant la société holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale la participation active à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales constituant des PME exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale et se trouvant en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion, et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers. Elle complète cette définition en précisant qu’une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l’article 885-0 V bis, dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la souscription à son capital n’est pas éligible à la réduction d’ISF prévue par ce texte, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Elle remarque ensuite que, postérieurement à l’acquisition des titres par les contribuables, la société Finaréa avait pris, dans diverses sociétés, des participations lui permettant d’orienter leur stratégie, et s’est largement impliquée dans la conduite de ces sociétés, dans le choix de leurs orientations économiques nouvelles, de telle sorte que la holding « passive » s’était muée en une holding « active ». Elle désapprouve la cour d’appel de n’avoir pas recherché les manifestations effectives de la convention d’animation.
À l’attitude des premiers juges, qui avaient constaté qu’aucun support ne venait matérialiser l’implication de la holding Finaréa dans la conduite des affaires de ses filiales, la cour d’appel avait opposé une vision plus théorique, se contentant de relever que la holding s’était dotée de moyens d’orienter la stratégie de ses filiales, faisant d’elle une holding animatrice. La Cour de cassation censure cette appréciation, en exigeant, finalement, que la participation active et effective de la holding soit concrètement constatée, afin de déterminer si les investissements réalisés peuvent, ou non, ouvrir droit à une réduction d’ISF.
On ne saurait blâmer la Cour de cassation de subordonner le bénéfice ou le rejet d’un avantage fiscal à une appréciation in concreto des exigences légales. Dès lors que seules les sociétés holding non animatrices peuvent ouvrir droit à un avantage fiscal, il n’est pas incongru d’exiger une appréciation concrète de leur caractère animateur ou non animateur de leur groupe … Sur ce point, les juges du droit font preuve d’un pragmatisme concret qui semble avoir fait défaut à l’appréciation des juges du fond, qui s’étaient contentés d’une appréciation théorique des relations entre la société Finaréa et ses filiales. Mais on peut également regretter que la Haute juridiction judiciaire n’ait pas adopté la même prudence que son homologue administratif, lequel avait abandonné la qualification de holding animatrice à l’appréciation souveraine des juges du fond (CE 16 juill. 2008, n° 300839, Berland, RJF 11/08, n° 1210, concl. C. Vérot ; BDCF 11/08 n°134 ; 16 juill. 2008, n° 299862, Sté JMSFB, RJF 11/08, n° 1210), avant de s’aventurer sur les chemins d’une appréciation personnelle de cette notion, dans un arrêt où le Conseil d’Etat n’avait cependant pas hésité à statuer au fond, sans renvoi (CE, ass. plén., 13 juin 2018 nos 395495, 399121, 399122, 399124, RJF 10/18, n° 965, concl. Y. Bénard) et on ne peut que se perdre en conjectures devant cette intrusion du juge du droit dans un domaine habituellement circonscrit au juge du fait, la Cour de cassation ne jugeant pas l’affaire au fond mais la renvoyant devant une autre cour d’appel …
Motivation maladroite ?
Pour aussi juste soit-elle sur le plan légal, la solution n’en reste pas moins redoutablement perverse dans ses conséquences pratiques : comment le contribuable peut-il s’assurer que la société holding dans laquelle il a investi cantonne son activité à une simple prise de participation, sans s’immiscer dans le fonctionnement de ses filiales ? La décision rendue par les juges du droit met largement en exergue l’aberration du système mis en place par le législateur fiscal, dans la mesure où elle place les contribuables qui ont souscrit un investissement au capital de sociétés holding face à la difficulté de s’assurer que ces sociétés, dont ils ne maitrisent pas forcément les rouages, se contenteront d’une attitude passive à l’égard de leurs filiales. On pourrait, certes, relever que ces sociétés ne participent pas de multinationales dans lesquelles l’actionnariat est dilué dans un flot d’investisseurs innombrables, mais qu’il s’agit au contraire de PME aux organes de direction plus accessibles, mais ces investisseurs ont-ils la possibilité de s’immiscer, à leur tour, dans les décisions de ces entreprises ?
Ici réside la quadrature du cercle …
Ce n’est pas la première fois que le juge fiscal pose une telle exigence, et l’on peut aisément rapprocher cette solution de celle dégagée en matière d’investissements locatifs et d’exigence d’une surveillance du locataire, par le bailleur bénéficiant d’un amortissement ou d’une réduction d’impôt (CAA Bordeaux, 7 avr. 2015, n° 13BX02674 ; CAA Lyon, 27 sept. 2018, n° 17LY01755 ; CAA Douai, 11 déc. 2018, n° 16DA01705), que nous avons commentée en d’autres temps, et en d’autres lieux (Loyers et copr. 2019. Comm. 6). Mais par-delà l’application stricte de la loi, le juge n’attire-t-il pas, par les incidences perverses des décisions qu’il est conduit à rendre, l’attention du législateur sur les imperfections des textes en vigueur ? Qu’il relève des juridictions judiciaires ou des juridictions administratives, le juge fiscal se trouve, à l’évidence, pris entre le marteau de la loi et l’enclume du réalisme, et les exigences de la démocratie – qui impliquent le respect de la loi - autant que les principes du système juridique français – qui interdisent de juger en équité – conduisent les magistrats à l’édiction de solutions légitimes en droit, mais perverses en application. On peut cependant regretter que la Cour de cassation n’ait pas saisi cette occasion pour s’écarter d’une loi aux conséquences si pernicieuses et rendre un arrêt d’équité, alertant ainsi le législateur sur les imperfections de la loi, comme elle l’avait si magistralement fait dans la scabreuse affaire Jacobet de Nombel (Civ. 1re, 14 janv. 1997, n° 94-20.276, D. 1997. 273 , rapp. X. Savatier ; RTD civ. 1997. 985, obs. B. Vareille ; Defrénois 1997. 420), qui avait alors conduit le législateur civil à prendre la plume pour corriger une imperfection législative…
Pour lutter contre le plastique, les sénateurs ont adopté le 11 mars une proposition de loi qui s’inscrit dans le prolongement de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ( Dalloz actualité, 20 févr. 2020, obs. Y. Rouquet). La proposition de loi visant à lutter contre la pollution plastique, prévoit d’interdire des microbilles...
La commune de Mont-de-Marsan a approuvé, par délibération du 19 décembre 2014, le versement à la société Le Club d’une subvention pour la création d’un établissement de spectacle cinématographique de huit salles situé au centre de la commune. La société Royal cinéma, qui exploite un cinéma en centre-ville, a...
La Haute juridiction était saisie par le CSE de l’unité économique et sociale de la société Mondadori France d’un recours contre la décision de l’Autorité de la concurrence autorisant la prise de contrôle de Mondadori par la société Reworld media. La première question à laquelle elle devait répondre était celle de l’intérêt pour agir du CSE, que l’Autorité de la concurrence contestait sur le principe.
Suivant les conclusions du rapporteur public, Laurent Cytermann, la section rappelle les missions attribuées...
Le décret n° 2021-269 du 10 mars 2021 n’est pas pris à des fins de sanction, mais de prévention.
Des finalités statistiques et d’information du public
Pendant un an, à compter du 11 mars, les exploitants de services de transport public collectif de voyageurs et les gestionnaires des espaces affectés à ces services pourront utiliser leurs systèmes de vidéoprotection aux fins :
d’évaluation statistique pour faire face à l’épidémie de covid-19 ;d’adaptation de leurs actions d’information et de sensibilisation du public.Sont concernés « les territoires où, pour faire face à l’épidémie de covid-19, une loi ou un décret impose le port d’un masque de protection dans les véhicules ou les espaces accessibles au public et affectés au transport public de voyageurs ».
L’absence de stockage et l’anonymisation immédiate des données
Les images seront collectées exclusivement par des caméras fixes situées dans les véhicules ou les espaces affectés au transport public de voyageurs. Elles ne seront pas stockées ni transmissibles à un tiers. Elles devront être « instantanément » anonymisées pour « établir le pourcentage de personnes s’acquittant de l’obligation de port d’un masque de protection ». L’actualisation des...

Un salarié d’une société automobile, qui était par ailleurs élu membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), avait présenté à son employeur une demande d’adhésion au dispositif du congé de maintien de l’emploi des salariés seniors, lui permettant de bénéficier d’une période de travail à temps partiel fin de carrière, suivie d’une période totale de dispense d’activité rémunérée avant la liquidation d’une retraite à taux plein. Les parties convinrent alors d’un avenant au contrat prévoyant le passage de l’intéressé à temps partiel fin de carrière, puis une période de dispense d’activité le conduisant jusqu’à la date de liquidation de sa pension de retraite.
Le salarié, soutenant que les heures de délégations relatives à son mandat de membre du CHSCT devaient lui être versées en sus de la rémunération qui lui était versée pendant cette dernière période, a saisi les juridictions prud’homales dans la perspective d’obtenir leur paiement.
Les juridictions firent droit à la demande du salarié, estimant que celui-ci pouvait effectivement prétendre au paiement de ses heures de délégation dans la mesure où l’employeur n’avait pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en situation de dispense d’activité avec maintien de sa rémunération. L’employeur insatisfait de cette décision et contestant la possibilité pour le salarié de cumuler sa rémunération avec le paiement d’heures de délégation, lesquelles devaient être considérées comme intégrées à celle-ci, s’est alors pourvu en cassation.
La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la question, va rejeter le pourvoi et valider le raisonnement tenu par la cour d’appel. Les hauts magistrats vont en effet rappeler le principe poser par l’article L. 4614-6 (anc.) du code du travail selon lequel l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel, de sorte que lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail.
La chambre sociale complète et précise le principe dans le cas d’une dispense d’activité, où la Haute juridiction affirme qu’il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s’il avait travaillé, de sorte que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique.
Or l’employeur n’avait en l’espèce pas pris la précaution de fixer un planning théorique. Et mal lui en a pris puisque les juges en tirent la conséquence que les heures de délégations réalisées doivent être payées en sus de la rémunération versées.
Une solution rigide pour l’employeur
La solution se révèle rigoureuse pour l’employeur. Faute en effet de pouvoir déterminer si les heures de délégations ont été réalisées pendant ou en dehors des heures de temps de travail, l’application de l’ancien article L. 4614-6 conduit à devoir les régler en plus, alors que la formule de cet article se bornait à prévoir que « Le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale ».
La présente solution n’est toutefois pas sans cohérence avec la ligne jurisprudentielle antérieure. De cette formule en avait été déduit que les heures de délégation prises en dehors de l’horaire de travail doivent non seulement être rémunérées mais doivent encore l’être lorsqu’elles sont réalisées en raison des nécessités du mandat en qualité d’heures supplémentaires (Soc. 25 juin 2008, n° 06-46.223, RJS 11/2008, n° 1096). Pour la Cour de cassation en effet, ce temps de délégation est « un accessoire nécessaire du contrat de travail en cours et impliquant des contraintes qui doivent être spécialement rémunérées, lorsque les heures de délégation ne s’imputent pas sur le temps de travail effectif » (Soc. 20 mars 2002, n° 99-45.516 P, D. 2002. 1237 ). Mais quid lorsque le temps de travail effectif en question demeure théorique et n’est pas réalisé dans les faits ?
C’est là le principal apport de l’arrêt qui vient compléter la jurisprudence antérieure en faisant peser sur l’employeur la charge de définir les heures théoriques de travail du salarié placé en dispense d’activité avec maintien de sa rémunération. Cette solution s’explique par l’obligation qu’a l’employeur de fixer l’horaire de travail. Ces horaires sont en effet nécessaires pour apprécier si les heures de délégations ont été prises pendant ou hors temps de travail effectifs et méritent donc – ou non – une rémunération supplémentaire.
Or dès lors que ces horaires théoriques ne sont pas définis, la sanction est radicale et conduit au paiement des heures de délégations du salarié en sus du maintien de sa rémunération de base ». Il eut été plus avantageux pour l’employeur de retenir une solution présumant – dans la mesure où le salarié considéré n’exerce pas d’activité professionnelle en raison de la dispense dont il bénéficie – que celui-ci est libre d’effectuer sa mission de représentant du personnel pendant des horaires normaux de travail. La présente solution reviendrait à l’inverse à présumer, en l’absence de fixation des horaires théoriques par l’employeur, que les heures de délégations sont exercées en dehors du temps de travail théorique.
Or il avait déjà été jugé que l’obligation de payer à l’échéance normale le temps alloué aux membres du CHSCT pour l’exercice de leurs fonctions ne les dispense pas d’indiquer l’utilisation faite du temps pour lequel ils ont été payés (Soc. 4 févr. 2004, n° 01-46.478 P, RJS 4/2004, n° 421). Il eut été concevable de décider que le salarié qui sollicite le paiement d’heures de délégation en sus de la rémunération qui lui est versée pendant sa dispense d’activité soit dans l’obligation de justifier de la réalisation effectives de telles heures de délégation sur des périodes contraintes par l’exercice de sa mission ; ou encore de réserver l’hypothèse d’un paiement supplémentaire, en présence d’un salarié dispensé d’activité, au seul cas où il aurait été contraint de se rendre à des réunions à l’initiative de l’employeur pendant la période considérée, sauf pour lui à faire état de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement du crédit d’heures de délégation. La chambre sociale ne s’est toutefois pas aventurée sur ce terrain dans cet arrêt du 3 mars 2021.
Une exigence formaliste en présence d’une dispense d’activité
Les employeurs devront donc se montrer particulièrement vigilant lorsqu’un salarié titulaire d’un mandat s’engage dans un processus de retraite progressive le conduisant à une dispense d’activité avec maintien de sa rémunération, ou plus largement dans toutes circonstances impliquant une telle dispense d’activité. Faute pour eux de s’assurer de la preuve de la fixation d’un horaire de travail théorique au salarié concerné par la dispense d’activité, ils s’exposeront à une possible condamnation au paiement d’heures de délégation. Cette exigence peut sembler manquer de pragmatisme en ce qu’il n’est pas commun de délivrer un planning avec un horaire de travail qui n’a pas vocation à être réalisé. Elle prend néanmoins son sens et parait difficilement contournable lorsque l’on combine les deux obligations pesant sur l’employeur : celle de rémunérer les heures de délégations réalisées hors temps de travail et celle de fixer l’horaire de travail du salarié, qui ne disparait donc pas en cas de dispense d’activité et sans laquelle l’appréciation de la première obligation apparaît compromise.
L’article fondant la solution retenue, qui concernait le feu CHSCT, est désormais abrogé mais retrouve sa substance dans l’article L. 2315-10 du code du travail concernant les heures de délégations du Comité social et économique (CSE). La formulation de celui-ci étant reprise, force est d’admettre que la présente décision aura vocation à s’appliquer aux titulaires d’heures de délégation au titre de leur mandat de membre du CSE.
Saisie immobilière : les limites de l’effet dévolutif de l’appel-annulation, juste une mise au point
Au visa des articles R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution et 562 du code de procédure civile, la Cour de cassation rappelle que l’appel est dépourvu d’effet dévolutif sur le fond lorsque le jugement est déclaré nul en raison d’une irrégularité qui affecte l’acte introductif d’instance et que le défendeur n’a pas comparu.

La troisième chambre du tribunal judiciaire de Paris avait à connaître d’un litige opposant la société titulaire et gestionnaire de la majorité des droits de propriété intellectuelle du groupe de rock anglais The Rolling Stones à une société importatrice d’écussons venant de Chine.
Dans cette affaire, le titulaire des marques figuratives de l’Union européenne reproduisant le célèbre logo du groupe The Rolling Stones, déposées notamment pour désigner des insignes, écussons brodés et badges ornementaux, poursuivait en contrefaçon de marque et droit d’auteur, de parasitisme et concurrence déloyale cette société pour avoir importé des produits reprenant ce logo, ornés de motifs du drapeau breton. Le tribunal judiciaire va rejeter les demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, mais va retenir la contrefaçon des marques et du droit d’auteur de la demanderesse.
Notion de marque renommée et assimilation d’un groupe de rock à un produit ou un service
En premier lieu, la demanderesse soutient que ses marques jouissent d’une importante renommée auprès d’une partie significative du public pertinent en France et dans l’Union européenne. Il est rappelé à cet égard que le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne dispose que lorsqu’une marque jouit d’une renommée dans l’Union européenne, il est possible de déroger au principe de spécialité. En d’autres termes, une marque renommée bénéficie d’une protection étendue et exceptionnelle.
Le tribunal va fonder sa décision suivant la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La CJCE, dans un arrêt General Motors c/ Yplon SA du 14 septembre 1999, a précisé « pour répondre à la condition relative à la renommée, une marque enregistrée doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle » (CJCE 14 sept. 1999, aff. C-375/97, D. 2001. 473, et les obs. , obs. S. Durrande ; RTD com. 2000. 87, obs. J.-C. Galloux ; ibid. 530, obs. M. Luby ; RTD eur. 2000. 134, obs. G. Bonet ). D’après la Cour, les éléments que le juge national doit prendre en considération dans l’examen de la condition précitée sont notamment : la part de marché détenue par la marque, l’étendue géographique et la durée de son usage. Le tribunal poursuit en citant l’arrêt Iron Smith KFT c/ Unilever du 3 septembre 2015, qui ajoute que « la condition relative à la territorialité doit être considérée comme remplie lorsque la marque communautaire jouit d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union » (CJUE 3 sept. 2015, aff. C-125/14, D. 2015. 1768 ; ibid. 2016. 396, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; RTD eur. 2015. 880, obs. E. Treppoz ). En l’espèce, sans surprise, le tribunal retient que les marques en cause jouissent d’une importance renommée dans l’Union européenne. Pour fonder sa décision, il fait notamment référence à divers articles de magazines et journaux qui indiquent que ce logo déposé à titre de marque est considéré comme la « langue vivante des Rolling Stones » et que selon certains sondages, le logo des Rolling Stones serait le plus iconique de tous les temps. Par ailleurs, ces marques font l’objet d’un usage intensif (édition de tee-shirt, partenariat avec de grandes marques et clubs de football…).
Il y a ainsi lieu de constater, que lorsque le tribunal judiciaire évoque le lien étroit existant entre le logo et les Rolling Stones, il semble justifier la renommée du logo par la notoriété du groupe de rock anglais planétaire auquel il se rattache. Ainsi, n’assisterions-nous pas parfois à une confusion entre la renommée de la marque et du titulaire de la marque ?
Il est de jurisprudence constante que la fonction essentielle d’une marque consiste à garantir aux consommateurs l’identité d’origine du produit (v. CJUE 22 juin 1976, Terrapin, aff. C-119/75). Par cette décision, il semblerait que le tribunal judiciaire assimile finalement le légendaire groupe The Rolling Stones à un produit ou un service.
Contrefaçon de la marque renommée
En deuxième lieu, le tribunal judiciaire de Paris va se pencher sur la question de la contrefaçon des marques en question. Le principe est que l’appréciation de l’identité d’un signe à une marque relève du pouvoir du juge national. Cela étant rappelé, il appartenait au tribunal d’utiliser la méthode du faisceau d’indices pour déterminer si la défenderesse est auteur d’actes de contrefaçon en important les produits litigieux. À cet égard, l’analyse des juges ne surprend pas. Ils rappellent en effet que, conformément au règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017, le titulaire d’une marque peut interdire aux tiers de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque ce signe est identique ou similaire à la marque et désigne des produits ou services identiques ou similaires et qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Le tribunal va par la suite s’atteler à démontrer l’existence d’un risque de confusion. Il indique, conformément à l’arrêt Sabel BV du 11 novembre 1997 de la CJCE, qu’il « convient de se fonder sur l’impression d’ensemble produite par les signes en cause pour apprécier le risque de confusion » (CJCE 11 nov. 1997, aff. C-251/95, D. 1997. 259 ; RTD com. 1998. 740, obs. M. Luby ; RTD eur. 1998. 605, obs. G. Bonet ). Par ailleurs, la CJCE et la Cour de cassation ont affirmé que la renommée de la marque lui conférant un caractère distinctif très important, sa notoriété est un élément à considérer dans l’appréciation du risque de confusion. En outre, la jurisprudence communautaire, dans la décision General Motors c/ Yplo du 14 septembre 1999 précitée, a dégagé un facteur supplémentaire devant être pris en compte par le juge national dans l’appréciation du risque de confusion, qui est l’étendue de la renommée de la marque. À cet égard, le tribunal va rappeler que « le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important ». En effet, une marque jouissant d’une notoriété importante auprès du public dispose d’un caractère distinctif particulier, rendant donc le risque de confusion plus élevé.
Selon les indications fournies par la décision commentée, les produits saisis reprennent à l’identique les caractéristiques des marques de la demanderesse. En l’espèce, une rapide comparaison entre les marques et les écussons litigieux démontrent une reprise à l’identique de la forme ainsi que du volume de la bouche et des lèvres des marques objets du litige. Le risque de confusion est donc aisément établi, étant donné que la seule différence perceptible entre les marques et les signes litigieux est l’apposition de motifs tirés du drapeau breton au niveau des lèvres. À cet égard, le tribunal a donc sans difficulté estimé que compte tenu de la forte similarité des signes pour des produits identiques, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public entre les marques de la demanderesse et les écussons importés par la société défenderesse. Après avoir énoncé qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public, il va retenir que la société défenderesse est auteur d’actes de contrefaçon sur les marques reproduisant le logo du groupe The Rolling Stones.
Écussons de la défenderesse
Marque de la demanderesse
Atteinte au droit d’auteur
La société demanderesse faisait ensuite valoir qu’en reproduisant le logo du groupe The Rolling Stones sans son autorisation, la société importatrice aurait commis « un plagiat flagrant constituant une atteinte au droit d’auteur de l’artiste John Pasche », dont elle détient les droits patrimoniaux. En l’espèce, après avoir démontré être titulaire des droits sur l’œuvre graphique de John Pasche, la demanderesse va devoir justifier du caractère original de l’œuvre afin de pouvoir bénéficier de la protection accordée par le droit d’auteur.
Tout d’abord, le tribunal va décider que la société demanderesse « en commercialisant sous son nom de façon non équivoque » les patchs brodés reproduisant l’œuvre graphique de John Pasche, est présumée titulaire des droits patrimoniaux d’auteur sur l’œuvre précitée. Ensuite, les juges vont se pencher sur la question de l’originalité de l’œuvre. En effet, seule une œuvre originale portant l’empreinte de la personnalité de son auteur jouit d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, d’après l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle. La jurisprudence, notamment européenne, définit l’originalité d’une œuvre comme constituant une création intellectuelle propre à son auteur. En ce sens, la CJUE, dans un arrêt du 29 juillet 2019 a rappelé que « pour qu’une création intellectuelle puisse être considérée comme étant propre à son auteur, celle-ci doit refléter la personnalité de celui-ci, ce qui est le cas si l’auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l’œuvre en effectuant des choix libres et créatifs » (CJUE 29 juill. 2019, Funke Medien NRW GmbH c/ BundesRepublik Deutschland, aff. C-469/17, D. 2019. 1606 ; Dalloz IP/IT 2019. 464, obs. N. Maximin ; ibid. 2020. 317, obs. A. Latil ; Légipresse 2019. 451 et les obs. ; ibid. 541, obs. V. Varet ; ibid. 2020. 69, étude C. Alleaume ; RTD com. 2020. 53, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 83, obs. F. Pollaud-Dulian ; RTD eur. 2019. 927, obs. E. Treppoz ; ibid. 2020. 324, obs. F. Benoît-Rohmer ). En l’espèce, la société défenderesse avance que John Pasche, suite à la demande de Mick Jagger, s’est inspiré de la représentation de la déesse Kali et que dès lors l’œuvre ne porterait pas l’empreinte de la personnalité de son auteur. Le tribunal judiciaire va alors énoncer que si John Pasche s’en inspire, « il y associe des éléments émanant d’un univers psychédélique et traduit un message invitant à un bouleversement des mœurs, traduisant une vision propre » et en déduit que le logo du groupe The Rolling Stones porte bien la personnalité de son auteur et est donc original. Enfin, en se prêtant à un exercice de comparaison entre les signes litigieux importés en France et l’œuvre de John Pasche et eu égard aux très fortes similitudes, le tribunal judiciaire va retenir la contrefaçon des droits patrimoniaux détenus par la société demanderesse.
La présente décision du tribunal judiciaire de Paris, tout en restant tout à fait fidèle à sa jurisprudence en la matière, vient apporter des indications sur la notion de marque renommée, au sens du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union Européenne, et sur le lien étroit qu’entretient la marque avec son produit, ou en l’espèce « sa personne physique ». On assisterait alors à une « personnification du logo », une marque pourrait ainsi permettre de rattacher un produit à des personnes physiques lorsque ces personnes jouissent d’une notoriété importante.
125 ordonnances en 2020
En début de mandature, la lutte contre les nouvelles normes avait été érigée en priorité. Le constat est connu : il y a trop de nouvelles lois, mal écrites et qui changent trop souvent. Le secrétariat général du gouvernement avait diffusé des indicateurs en 2018 (Dalloz actualité, 31 mai 2018, art. P. Januel), qui avaient été mis à jour en 2019 (Dalloz actualité, 29 avr. 2019, art. P. Januel). Et en 2020 ? Il y a eu la crise et les données n’ont pas été actualisées.
Les chiffres 2021 viennent d’être publiés. Malgré la pause parlementaire causée par la crise sanitaire, le nombre de nouvelles lois s’est maintenu à un niveau important : 47, dont 14 liés à la crise covid-19. 1 221 nouveaux articles de loi ont été promulgués, ce qui est une baisse réelle par rapport à 2019 (1 684).
Mais si les lois étaient moins longues, c’est qu’elles contenaient beaucoup d’habilitation à légiférer par ordonnances (Dalloz actualité, 20 mars 2018, art. P. Januel). Et de fait, le nombre d’ordonnances publié à atteint le nombre record de 125, dont 99 étaient liés à la gestion de la crise sanitaire.
Jusqu’au milieu des années 2010, la mauvaise application des lois était un problème récurrent. Mais dorénavant, la plupart des décrets sont pris à temps (Dalloz actualité, 29 juill. 2020, art. P. Januel) : 88 % des décrets sont publiés dans les six mois. Au total, 1 773 décrets ont été publiés. Le nombre de pages du Journal officiel en 2020 est resté à un niveau important (69 086 pages, soit presque autant qu’en 2019).
Moins de lois d’origine européenne
L’un des éléments notables des statistiques publiés est le faible nombre de textes liés à la transposition de directives européennes. Seuls 4 lois, 9 ordonnances et 22 décrets visaient à se conformer au droit de l’Union européenne. Un chiffre très éloigné du mythe des 80 % des lois qui viendraient de Bruxelles. La publication des traités ou accords internationaux marque elle aussi le pas, puisque il n’y a eu que 59 décrets pour ce motif, soit deux fois moins qu’il y a cinq ans.
La lutte contre les nouvelles circulaires est le point sur lequel la lutte contre l’inflation normative a réussi. Alors qu’il y en avait jusqu’à récemment, 1 300 par année, il n’y a eu que 151 circulaires mises en ligne en 2020. À noter, depuis la loi ESSOC les circulaires sont devenues opposables, ce qui nécessitent qu’elles soient publiées sur les sites des ministères concernés. Autre tendance, le nouveau bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS), qui comme le BOFIP, rassemble dorénavant toutes les circulaires et instructions.
Le poids des lois a doublé en vingt ans
Ces nouvelles normes viennent s’ajouter à un stock important. Au 25 janvier 2021, il y avait 89 185 articles législatifs en vigueur et 242 663 articles réglementaires, contre respectivement 53 207 et 161 995 il y a vingt ans. Par contre, les articles sont devenus plus bavards, passant de 110 mots en moyenne en 2002 à 149 en 2020. Plus de lois et plus bavardes, au total, le nombre de mots dans nos lois consolidées a plus que doublé en vingt ans, pour atteindre 13,3 millions de mots. Un lecteur correct (300 mots par minute) mais passionné mettrait ainsi un mois sans interruption pour lire tous nos articles de loi et 98 jours s’il ajoute les articles réglementaires.
La lutte contre l’inflation normative n’est donc pour l’instant pas gagnée. L’idée de deux normes disparues pour toute création a d’ailleurs disparu des discours politiques. Au-delà, les objectifs de cette politique sont parfois flous : veut-on moins de normes, moins de nouvelles normes, des normes plus adaptées à chaque situation ou des normes plus générales ? Ces objectifs, contradictoires, sont en effet souvent confondus dans les discours.
La Cour était saisie de questions préjudicielles, d’une part, d’une juridiction slovène qui doit trancher le litige entre la télévision du pays et un technicien, d’autre part, d’une juridiction allemande à propos d’un contentieux entre un sapeur-pompier et la ville qui l’emploie. Les deux hommes réclament le paiement comme temps de travail d’heures d’astreinte effectuées dans des conditions sensiblement différentes. Le soldat du feu pouvait se trouver où il le souhaitait… tant qu’il était en mesure de se présenter, vingt minutes après un appel, à n’importe quelle limite de la ville d’Offenbach-sur-le-Main. Quant au technicien, ses astreintes se...
La Cour était saisie de questions préjudicielles, d’une part, d’une juridiction slovène qui doit trancher le litige entre la télévision du pays et un technicien, d’autre part, d’une juridiction allemande à propos d’un contentieux entre un sapeur-pompier et la ville qui l’emploie. Les deux hommes réclament le paiement comme temps de travail d’heures d’astreinte effectuées dans des conditions sensiblement différentes. Le soldat du feu pouvait se trouver où il le souhaitait… tant qu’il était en mesure de se présenter, vingt minutes après un appel, à n’importe quelle limite de la ville d’Offenbach-sur-le-Main. Quant au technicien, ses astreintes se...

Le juge des référés liberté du tribunal administratif de Nice a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre, sous huit jours, une décision autorisant des associations humanitaires à accéder ponctuellement aux locaux attenants à ceux de la police des frontières de Menton et destinés à accueillir les étrangers susceptibles de faire l’objet d’un refus d’entrée sur le territoire et d’une remise aux autorités italiennes. Le juge fonde son ordonnance sur la « liberté d’aider autrui dans un but humanitaire », reconnue par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 6 juill. 2018, n° 2018-717/718 QPC, AJDA 2018. 1421 ; ibid. 1781 ; ibid. 1786 ; ibid. 1781, note J. Roux , note V. Tchen ; D. 2018. 1894, et les obs. , note C. Saas ; ibid. 2019. 1248, obs. E. Debaets et N. Jacquinot ; AJ fam. 2018. 426 et les obs. ; RFDA 2018. 959, note J.-E. Schoettl ; ibid. 966, note M. Verpeaux ; Constitutions 2018. 341, Décision ; ibid. 389, chron. B. Mathieu ; ibid. 399, chron. A. Ponseille ; RSC 2018. 1001, obs. B. de Lamy ). L’ordonnance précise que la décision doit être établie en concertation avec les associations, permettant la conciliation de leurs droits avec l’impératif de bon fonctionnement des locaux en question.
À plusieurs reprises des associations ont demandé au préfet de pouvoir entrer dans ces locaux afin d’apporter une aide médicale, juridique et administrative aux étrangers qui y sont maintenus, ce qui leur a toujours été refusé. À l’appui de leur requête, elles soutenaient que ces locaux ne sont pas utilisés...

Un an après avoir condamné l’artiste contemporain américain dans un litige qui l’opposait aux ayants droit du photographe français Jean-François Bauret (Paris, 17 déc. 2019, n° 17/09695, Dalloz actualité 21 janv. 2020, obs. J. Daleau ; Légipresse 2020. 171, étude P. Pérot ), la cour d’appel de Paris s’est de nouveau trouvée confrontée à une œuvre de Jeff Koons. Ce dernier, se revendiquant du courant de l’art appropriationiste, n’hésite pas à utiliser diverses productions artistiques ou culturelles sans chercher à obtenir l’accord de leurs auteurs. Cette démarche a déjà été à la source de plusieurs litiges (en plus de l’affaire Bauret c/ Koons évoquée plus haut, v. en droit américain Rogers v. Koons, 960 F.2d 301, 2d Cir. 1992 et Blanch v. Koons, 467 F.3d 244, 2d Cir. 2006).
En l’occurrence, le litige est né suite à l’organisation d’une exposition rétrospective de Jeff Koons au Centre Pompidou en 2014. Était exposée une sculpture en céramique intitulée Fait d’hiver, représentant une femme et un cochon dans la neige, inspirée d’un visuel de publicité pour la marque de vêtements Naf-Naf. L’auteur de ce visuel a assigné Jeff Koons en contrefaçon ainsi que le musée et l’éditeur d’un ouvrage dans lequel la sculpture litigieuse était reproduite. Dans un jugement datant de 2018, le tribunal de grande instance de Paris avait accueilli les demandes de l’auteur de l’œuvre première (TGI Paris, 8 nov. 2018, n° 15/02536, Légipresse 2018. 548 et les obs. ). La présente décision fait donc suite à l’appel interjeté par Jeff Koons.
Après avoir relevé que l’œuvre première était bien une œuvre originale, la cour s’attarde sur les arguments ayant trait au caractère transformatif de la sculpture.
La contrefaçon constituée
Pour échapper à la qualification de contrefaçon, Jeff Koons et le Centre Pompidou insistaient sur le caractère fortement transformatif de l’œuvre Fait d’hiver. Ils mettaient en exergue les différences entre la publicité d’origine et la sculpture réalisée par le plasticien, différences visuelles (changement de médium et ajout de nouveaux éléments) et symboliques (message commercial pour le visuel publicitaire, message artistique renvoyant à l’onirique pour la sculpture).
La cour rappelle toutefois, très classiquement, que la contrefaçon s’apprécie au regard des similitudes, lesquelles, en l’espèce, étaient nombreuses (« même jeune femme avec la même expression et la même mèche plaquée sur la joue gauche, allongée dans la neige, les bras relevés au niveau de la tête ; cochon portant un tonnelet de Saint-Bernard dans la même position près de la jeune femme ») ; la contrefaçon est donc bien constituée.
L’exception de parodie écartée
L’artiste se prévalait ensuite de...
Il est acquis que le bénéfice de la personnalité juridique pour une société est subordonné à son immatriculation (C. civ., art. 1842 : droit commun des sociétés ; C. com., art. L. 210-6 : société commerciale). Privée ainsi d’existence juridique, la société en formation est placée dans une situation de « précarité contractuelle ». Ce sont alors ses associés fondateurs et/ou ses dirigeants personnes physiques qui nouent les premiers rapports juridiques pour la société. Ils le font pour le compte de la société, moyennant reprise de ces engagements par celle-ci une fois immatriculée. Le présent arrêt rappelle néanmoins qu’un tel « relais contractuel » obéit à un formalisme bien rigoureux. Les faits sont classiques. Une société en cours de formation, sous la forme d’une EURL, représentée par son gérant (et associé unique), conclut une série de contrats avec une autre société. Peu après son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, l’EURL est placée en liquidation judiciaire. Son cocontractant assigne par la suite en paiement le gérant et associé, prétendant que ce dernier est solidairement responsable des contrats qui ont été conclus.
Au terme d’une analyse des contrats, les juges du fond refusent de faire droit à cette demande. Ils estiment que le gérant et associé n’avait pas agi « pour le compte de la société en formation » en sa qualité d’associé ou de gérant, comme le veut l’usage, afin de pouvoir engager la société elle-même une fois immatriculée, ou, à défaut de reprise de l’acte par la société, d’être engagé lui-même. Au cas présent, c’est la société elle-même, en formation, qui est engagée.
La Cour de cassation, par cet arrêt du 10 février 2021, rejette le pourvoi de la société...
Les députés Jean-François Eliaou et Antoine Savignat ont rendu public le 10 mars leur rapport sur les problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés (MNA). Dit autrement, ils ont souhaité traiter, non pas du sujet des MNA en général, mais bien des problèmes spécifiques posés par les mineurs étrangers délinquants.
Un profil atypique
En 2019, près de 17 000 enfants, principalement originaires de la Guinée, du Mali et de la Côte d’Ivoire, ont été déclarés MNA. Parmi eux, près de 10 % seraient délinquants et refusent toute prise en charge, notamment éducative. Polytoxicomanes, leur situation sanitaire est en général très dégradée et appelle à la plus grande vigilance.
Le profil atypique de ces jeunes doit conduire en priorité à repenser les dispositifs de prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, qui demeure le premier – et l’un des seuls – rempart contre...

Le domaine des assurances n’est pas épargné par la crise sanitaire mondiale. Cette pandémie a eu un impact économique considérable sur certaines activités qui relèvent du secteur tertiaire telle que la restauration. Afin de ralentir la propagation du coronavirus, les restaurants et débits de boissons ne pouvaient plus accueillir de public jusqu’au 15 avril 2020 (art. 1er de l’arrêté du ministère de la Santé du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, et art. 8 du décr. n° 2020-293 du 23 mars 2020). L’interdiction a été prorogée jusqu’au 2 juin.
L’arrêté ministériel autorisait toutefois, durant le premier confinement, ces établissements à maintenir leurs activités de vente à emporter et de livraison afin de limiter la baisse des recettes. Autrement dit, une activité partielle semblait être possible pour les établissements pour lesquels une activité de vente à emporter était à l’origine autorisée par la clause de destination du bail commercial (C. civ., art. 1719) et déclarée au K-bis. Les établissements qui n’ont pu exercer la vente à emporter ont connu un arrêt total de leur activité engendrant de grandes difficultés financières.
Aujourd’hui encore la viabilité de certaines entreprises est menacée par l’interdiction d’accueil du public qui se poursuit (V. Décr. n° 2020-1310 du 29 oct. 2020, qui en son art. 40 interdit l’accueil du public aux restaurants et débits de boissons – ERP N –, établissements flottants pour leurs activités de restauration et débit de boissons – ERP EF –, restaurants d’altitude – ERP OA –, et aux hôtels pour les espaces dédiés aux activités de restauration et débit de boisson) ; même si par dérogation ces établissements sont autorisés à accueillir du public pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.
Cependant, si la restauration rapide (vente à emporter, livraison) a accru ses parts de marché avec la crise sanitaire par une augmentation de sa fréquentation (selon le bilan 2020 dressé par The NPD Group, spécialiste des études de marché, la restauration rapide concentre aujourd’hui 43 % des visites, contre 36 % il y a un an), tel n’est pas le cas de la restauration à table et débits de boissons (« la restauration à table a perdu la moitié de sa fréquentation et de son chiffre d’affaires en 2020 », The NPD, op. cit.), du fait que la plupart des restaurateurs n’étaient pas préparés, ni équipés pour exercer la vente à emporter et la livraison (absence du dispositif du « click and connect », d’emballages spécifiques adaptés au transport et à l’hygiène alimentaire, etc.). En conséquence, ils ne sont pas parvenus à limiter leurs pertes d’exploitation.
Néanmoins, chaque restaurateur est conscient de connaître un jour une potentielle baisse de son niveau d’activité pouvant résulter d’une fermeture partielle ou totale de son établissement. C’est pour ces raisons que, même si le risque « perte d’exploitation » n’est pas soumis à l’obligation d’assurance, certains restaurateurs souscrivent une « assurance pertes d’exploitation » qui, la plupart du temps, fait partie d’un contrat d’assurance multirisques, comme c’est le cas dans l’arrêt d’appel à commenter : la police garantit les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative. En raison de l’épidémie de covid-19 qui a causé la fermeture de grands nombres d’établissements de restauration, les professionnels, assurés pour le sinistre, se sont tournés vers leur assureur pour être indemnisés de leurs pertes d’exploitation. Or, certaines compagnies d’assurance se sont retrouvées sous le feu des projecteurs en refusant d’indemniser leurs assurés au motif que le risque pandémique était inassurable (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, Dalloz actualité, 28 mai 2020, obs. R. Bigot) ou qu’il existait une exclusion de garantie.
Plusieurs tribunaux de commerce ont été saisis et ont condamné à de nombreuses reprises, tant en référé qu’au fond, les compagnies d’assurances à indemniser les commerçants de leurs pertes d’exploitation à la suite de l’épidémie de covid-19 (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022, préc. ; T. com. Annecy, 22 déc. 2020 n° 2020R00066 ; T. com. Marseille, 23 juill. 2020, n° 2020R00131). Néanmoins, d’autres tribunaux de commerce (T. com. Toulouse, 18 août 2020, n° 2020J00294 ; T. com. Lyon, 4 nov. 2020, n° 2020J00525), ainsi que la cour d’appel d’Aix-en-Provence se sont prononcés en faveur de l’assureur (Aix-en-Provence, 3 déc. 2020, n° 20/07308).
Par l’arrêt rapporté, cette même cour d’appel a cependant condamné la compagnie d’assurance AXA à indemniser un de ses assurés.
Cet arrêt d’appel, qui a été le premier rendu au fond sur la question de l’indemnisation des pertes d’exploitation, était très attendu par les professionnels de la restauration.
Si la position des juges tend majoritairement en faveur des assurés, la divergence des décisions s’explique par les difficultés qui concernent l’étendue de la garantie pertes d’exploitation et la validité des clauses d’exclusion présentes dans différents contrats d’assurance (L. Vogel et J. Vogel, Les contentieux commerciaux liés à la crise sanitaire et leurs enseignements, JCP févr. 2021. 239). « Chaque décision est liée aux circonstances de l’espèce et à la rédaction du contrat qui lui est soumis » (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29).
En l’espèce, l’application de la clause d’exclusion est au cœur du débat.
Un restaurateur marseillais a souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de la compagnie d’assurance AXA France qui garantit les pertes d’exploitation dues à une fermeture administrative consécutive notamment à une épidémie. Cependant, le contrat comporte une clause d’exclusion de garantie pertes d’exploitation qui stipule que ces pertes sont exclues « lorsque au moins un autre établissement, quelle que soit la nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».
Le 14 mars 2020, le ministère des Solidarités et de la santé a prononcé, par un arrêté, l’interdiction des restaurants et débits de boisson à recevoir du public. Cette interdiction a été prorogée par décret du 14 avril 2020 jusqu’au 2 juin 2020. Puis du 28 septembre jusqu’au 4 octobre 2020.
À la suite de cette interdiction pour épidémie de coronavirus, le restaurateur a effectué auprès de la compagnie d’assurance AXA une déclaration de sinistre pour perte financière, laquelle a opposé un refus de garantie en vertu de la clause d’exclusion.
Le restaurateur marseillais a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille son assureur selon la procédure à jour fixe afin d’obtenir l’indemnisation de ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de covid-19.
Le 15 octobre 2020, le tribunal de commerce a, au visa des articles L. 113-1 du code des assurances, 1170 et 1190 du code civil, déclaré la clause d’exclusion de garantie réputée non écrite et a condamné la compagnie d’assurance AXA à indemniser le restaurateur pour ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de Covid-19. Le montant des pertes d’exploitation devra être évalué par une expertise que l’assureur devra mettre en œuvre dans les deux mois de la signification du jugement sous astreinte de 500 € par jour de retard.
L’assureur a interjeté appel. Il invoque l’application de la clause d’exclusion de garantie et demande à la cour d’appel d’infirmer le jugement rendu.
Mais la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans l’arrêt du 25 février 2021 rapporté, a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce. Selon les juges d’appel, la garantie « perte d’exploitation suite à la fermeture administrative » trouve à s’appliquer. En effet, les juges du fond relèvent que le contrat d’assurance multirisque professionnelle souscrit garantit les pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative consécutive à une épidémie et ils constatent que c’est à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant les établissements de restauration à recevoir du public en raison de l’épidémie de covid-19 que l’assuré a subi des pertes d’exploitation.
Ainsi pour les juges, l’interdiction d’accueillir du public est une fermeture administrative de l’établissement de restauration (R. Bigot, op. cit.). L’assureur doit par conséquent prendre en charge les pertes d’exploitation, a fortiori dès lors que la cour d’appel d’Aix-en-Provence estime que la clause d’exclusion présente dans la police ne peut recevoir application en raison de son imprécision et de son absence de limitation.
En effet, pour écarter l’application de la clause d’exclusion, les juges se fondent sur les dispositions de l’article L. 113-1 du code des assurances aux termes duquel « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». À cet égard, il est de principe que le caractère limité d’une clause d’exclusion de garantie au sens de l’article L. 113-1 n’est pas satisfaite si la clause litigieuse est interprétable (Civ. 1re, 22 mai 2001, n° 99-10.849, D. 2001. 2778 , note B. Beignier ; ibid. 2002. 2115, obs. J. Bonnard ; RDI 2001. 488, obs. G. Durry ).
Dans l’arrêt sous étude, si la clause d’exclusion vise « la fermeture administrative pour une cause identique », – dans les faits, l’épidémie de coronavirus – les juges d’appel relèvent l’absence de définition dans la police du terme « épidémie ». Reprenant pour partie la définition du dictionnaire Larousse selon laquelle l’épidémie doit s’entendre comme « le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population » (rappr. : T. com. Lyon, 4 nov. 2020, préc., Gaz. Pal. 5 janv. 2021, p. 29, obs. D. Houtcieff), les juges précisent la notion de « population » qui peut être celle « d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville d’une région, d’un ou de plusieurs pays ». Ils relèvent également à juste titre que le terme de « maladie contagieuse » présent tant dans la définition de l’épidémie que dans le contrat d’assurance n’est pas non plus définie dans la police. Dès lors, doit-on considérer que la notion de « maladie contagieuse » est similaire à celle d’ «épidémie » notamment lorsqu’il a été énoncé « qu’une épidémie ne se situe pas forcément à un niveau territorialement étendu » et peut « naître au sein d’un endroit source précis et toucher un nombre de personnes plus restreint, formant ainsi un foyer limité dans l’espace » ? (T. com. Lyon, 4 nov. 2020, préc.). Il faut alors constater que le terme « épidémie » est soumis à interprétation, excluant de la sorte le caractère limité de l’exclusion de garantie.
Le caractère limité de la clause est également exclu lorsqu’elle vise un « autre établissement » devant faire l’objet d’une fermeture administrative pour cause identique. En effet, il ressort distinctement de la clause que la nature de l’établissement ainsi que son activité importent peu. Il en est de même du « territoire départemental » mentionné, lequel dépasse le simple cadre d’un village ou d’une ville, ce qui laisse entendre que d’autres établissements sur le même territoire seront vraisemblablement touchés. La clause d’exclusion de garantie ne se réfère aucunement « à des critères précis, ni à des hypothèses limitativement énumérées » (L. Vogel et J. Vogel, op. cit.). En raison de son imprécision, la clause litigieuse est source d’interprétation et doit être réputée non-écrite.
Les juges d’appel écartent également l’application de la clause d’exclusion sur le fondement des articles 1170 et 1190 du code civil. Le fait qu’aucune distinction quant à la population visée n’ait été opérée dans la police, ni que le contrat ne mette en exergue les différences entre une « épidémie » et une « maladie contagieuse » signifient que l’assureur s’est engagé à garantir les pertes d’exploitation résultant d’une décision de fermeture à la suite d’une épidémie au sens général du terme. En effet, lorsqu’il a rédigé le contrat, il est évident que l’assureur avait conscience que l’épidémie ne puisse se cantonner à un seul établissement sur le même territoire et que dans une forte probabilité elle puisse être nationale. Il s’ensuit que selon les juges, l’assureur ne pouvait, sans que l’application de la clause d’exclusion prive de sa substance l’obligation essentielle de garantie, d’un côté indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite d’une fermeture administrative liée à une épidémie, « et de l’autre côté, exclure les cas où l’épidémie toucherait un autre établissement dans le même département, quelle que soit son activité » (V. Morales, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Hebdo éd. privée, 15 oct. 2020, N4918BYS). La clause d’exclusion qui vide de son contenu la garantie accordée doit être réputée non écrite. Conscient de cette problématique, l’assureur avait proposé le 28 octobre 2020 à son assuré un avenant définissant avec précision les termes « épidémie et pandémie » afin d’exclure de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie.
La cour d’appel a ainsi condamné l’assureur à allouer à son assuré une indemnité provisoire pour la période du premier confinement ainsi que pour les périodes de fermeture administrative postérieures. Le montant des pertes d’exploitation devra être évaluer par une expertise devant être mise en œuvre par l’assureur.
Les litiges similaires pendants devant plusieurs juridictions de premier degré et d’appel expliquent l’attente de cette décision par les restaurateurs. Il faut néanmoins garder à l’esprit qu’une telle solution ne saurait constituer un principe dans la mesure où toutes les polices ne sont pas identiques.
L’assureur doit indemniser le restaurateur de ses pertes d’exploitation suite à une fermeture administrative pour cause de covid-19. La clause d’exclusion de garantie, qui ne remplit pas la condition de limitation (C. assur., art. L. 113-1) et qui prive l’obligation essentielle de garantie de sa substance, est réputée non écrite.
Bruxelles continue de dérouler la feuille de route qu’elle s’est fixée dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe, annoncé fin 2019. Objectif : rendre l’économie européenne plus durable, et climatiquement neutre en 2050. Pour ce faire, le plan d’actions de la Commission vise un grand nombre de domaines, dont l’industrie, l’énergie, les transports, les bâtiments et l’amélioration des normes environnementales.
Information extra-financière : le projet de directive attendu pour fin mars 2021
C’est dans ce cadre que la Commission a annoncé la révision de la directive sur le reporting extra-financier (2014/95/UE) afin d’améliorer l’information des acteurs économiques en matière de durabilité. Aujourd’hui,...

Moins d’un mois après son annonce par le gouvernement (AJDA 2021. 365 ), le programme Talents du service public entre dans le droit positif avec la publication de l’ordonnance n° 2021-238 du 3 mars 2021 favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public et de son décret d’application n° 2021-239 du 3 mars 2021 instituant des modalités d’accès à certaines écoles de service publique et relatif aux cycles de formation qui y préparent.
Le dispositif expérimental (jusqu’au 31 déc. 2024) concerne, comme annoncé, six concours : École nationale d’administration,...
En l’espèce, une société a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde au passif de laquelle ont été admises des créances déclarées par une autre société. L’admission de ces créances a été prononcée, pour partie, à titre privilégié, sur le fondement de deux warrants agricoles.
Le plan de sauvegarde arrêté au profit de la personne morale débitrice a été résolu par un jugement prononçant, en outre, la liquidation judiciaire. La société créancière a indiqué au liquidateur que subsistait un solde de sa créance et a demandé son admission à titre privilégié dans la nouvelle procédure.
Par lettre de contestation, le liquidateur s’est opposé à cette demande en arguant notamment du défaut de renouvellement de l’inscription des warrants, ce qui remettait en cause, pour le mandataire, le caractère privilégié de la créance. Cette lettre de contestation est demeurée sans réponse de la part du créancier, ce qui lui interdit, en principe, toute contestation ultérieure de la proposition du liquidateur (C. com., art. L. 622-27).
Par une ordonnance du 8 juillet 2016, le juge-commissaire prononce l’admission de la créance à titre chirographaire. La société créancière interjette appel de l’ordonnance d’admission, mais les juges du fond la déclarent irrecevable à défaut de réponse à la lettre de contestation du liquidateur.
La créancière forme alors un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation indique d’abord que c’est à tort que la cour d’appel a opposé au créancier son absence de réponse à la contestation du liquidateur. En effet, puisque sa créance avait été admise au passif de la première procédure, elle devait, en l’absence de toute modification, être admise de plein droit au passif de la liquidation judiciaire subséquente (C. com., art. L. 626-27, III, dans sa rédaction antérieure à l’ord. du 12 mars 2014). Dès lors, la créance n’était pas soumise à une nouvelle procédure de vérification, et donc, à la sanction précitée du défaut de réponse à la lettre de contestation.
Malgré ce rappel, le pourvoi est néanmoins rejeté. En effet, pour la Haute juridiction l’admission au passif de la première procédure collective ne dispensait pas le créancier de procéder au renouvellement de l’inscription des warrants. À défaut, et puisque l’autorité de la chose jugée attachée à l’admission à titre privilégié n’a pas d’effet conservatoire pour l’avenir des sûretés qui ne sont pas renouvelées, le créancier en perd le bénéfice.
Autrement dit si la portée de la dispense de déclaration de créance émancipe le créancier...

L’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 n’en finit pas de perdre sa substance. Après que le Conseil constitutionnel a déclaré ses articles 5 et 16 contraires à la Constitution (Cons. const. 15 janv. 2021, n° 2020-872 QPC, Dalloz actualité, 8 févr. 2021, obs. S. Goudjil ; AJDA 2021. 119 ; D. 2021. 82, et les obs. ; ibid. 280, entretien N. Hervieu ), le Conseil d’État censure cette ordonnance sur le terrain de sa conformité aux engagements internationaux de la France, notamment à la Convention européenne des droits de l’homme.
Diverses organisations professionnelles d’avocats demandaient l’annulation de plusieurs articles de cette ordonnance et de la circulaire du 26 mars 2020 de la garde des Sceaux, ministre de la Justice en présentant les dispositions. Étaient notamment en cause la possibilité pour le juge d’imposer le recours à la visioconférence, voire à des moyens de communication téléphonique, devant l’ensemble des juridictions pénales autres que criminelles (art. 5), ainsi que la prolongation de plein droit des délais maximaux de détention provisoire et de comparution (art. 15, 16 et 17).
La covid-19 ne justifiait pas une telle atteinte au droit au procès équitable
Le mois dernier, le juge des référés du Conseil d’État avait suspendu l’exécution des dispositions similaires de l’ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020 qui autorisaient le recours à la visioconférence, sans l’accord des parties, devant les juridictions pénales autres que criminelles (CE 12 févr. 2021, n° 448972, Syndicat des avocats de France, Conseil national des barreaux, Dalloz actualité, 16 févr. 2021, obs. D. Goetz ; AJDA 2021. 369 ). En avril, les référés-liberté contre l’ordonnance du 25 mars avaient été rejetés par ordonnance de tri (CE, ord., 3 avr. 2020, req. n° 439894, Dalloz actualité, 9 avr. 2020, obs. J.-B. Perrier ; JA 2020, n° 618, p. 12, obs. D. Castel ). Au fond, en revanche, la haute juridiction considère « qu’eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique du justiciable devant la juridiction pénale, ces dispositions portent une atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que ne peut justifier le contexte de lutte contre l’épidémie de covid-19 ».
Ensuite, le Conseil d’État estime que le droit à la sûreté garanti par l’article 5 de la Convention européenne ne fait pas obstacle, en particulier dans le contexte exceptionnel de lutte contre l’épidémie de covid-19, à ce que soient prévues des modalités de prolongation des délais de détention provisoire. Mais, même dans un contexte exceptionnel, la juridiction compétente doit se prononcer « systématiquement, après un débat contradictoire, dans un bref délai à compter de la date d’expiration du titre de détention, sur le bien-fondé du maintien de la détention provisoire ». Cette intervention du juge doit être prévue par la loi elle-même, ce qui n’était pas le cas dans l’ordonnance attaquée.
Annulations différées ou pas ?
Le Conseil d’État juge par conséquent que les articles en cause de l’ordonnance du 25 mars 2020 sont illégaux. Afin de déterminer si l’annulation rétroactive de ces dispositions serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison des effets qu’elles ont produits lorsqu’elles étaient en vigueur, il diffère sa décision afin de recueillir, dans le délai d’un mois, les observations des requérants et de l’administration qui l’éclaireront sur la portée des annulations à prononcer.

L’attente aura été de courte durée.
Saisie par la Cour de cassation le 10 décembre 2020 (Civ. 3e, 10 déc. 2020, n° 20-40.059, Dalloz actualité, 12 janv. 2021, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2021. 121 , obs. J.-P. Blatter ), les juges de la rue de Montpensier se sont en effet prononcés le 5 mars 2021 en faveur de la constitutionnalité de l’article L. 145-14 du code de commerce.
Au soutien de leurs prétentions, les plaideurs ont tout d’abord fait valoir que les dispositions du code de commerce relatives à l’indemnité due au locataire commerçant dont le bail n’est pas renouvelé portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété du propriétaire bailleur.
Ils excipent ensuite de la méconnaissance par le législateur du principe d’égalité devant la loi.
Était en jeu la constitutionnalité de l’indication donnée par l’article L. 145-14, selon laquelle l’indemnité d’éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession ».
Indemnité d’éviction et droit de propriété
Le Conseil constitutionnel commence par reconnaître que l’article L. 145-14 du code de commerce écorne le droit de propriété.
Ce constat s’impose en effet à lecture de ce texte, qui prévoit, d’une part, que l’indemnité d’éviction doit être égale au préjudice que cause au locataire le défaut de renouvellement et, d’autre part, que cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée selon les usages de la profession.
Toutefois, par trois séries de considérations, le Conseil retient que l’atteinte n’est pas disproportionnée.
Objectif d’intérêt général
Les neuf sages remarquent tout d’abord qu’en instaurant une indemnité d’éviction au profit du locataire auquel on dénie le droit au renouvellement de son bail, le législateur poursuit un objectif d’intérêt général : permettre la poursuite de l’activité du preneur et éviter que la viabilité des entreprises commerciales et artisanales soit compromise.
Valeur marchande et droit au renouvellement
Il est par ailleurs relevé, d’une part, que l’indemnité ne comprend que la part de la valeur marchande du fonds de commerce perdue par le locataire et, d’autre part, que l’indemnité disparaît lorsque le locataire ne respecte pas les conditions requises par le statut des baux commerciaux pour bénéficier du droit à renouvellement.
Option
Les hauts magistrats constatent enfin que le bailleur conserve la possibilité de vendre son bien ou d’en percevoir un loyer.
Indemnité d’éviction et égalité devant la loi
Le Conseil rappelle classiquement que, posé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit (dans le même sens, v. récemment. Cons. const. 21 sept. 2018, n° 2018-733 QPC, Dalloz actualité, 26 sept. 2018, obs. E. Maupin ; AJDA 2018. 1809 ; AJCT 2019. 41, obs. G. Durand ; Civ. 2e, QPC, 12 sept. 2019, n° 19-40.021).
Modalités d’évaluation
Or, en l’occurrence, en prévoyant que la valeur du fonds de commerce comprise dans l’indemnité d’éviction doit être déterminée en fonction des usages de la profession, le texte précise les modalités d’évaluation du fonds de commerce sans opérer de différence de traitement.
Situations différentes
Par ailleurs, la situation des parties est évidemment différente selon qu’un fonds de commerce est ou non exploité dans les lieux loués, légitimant une différence de traitement.
L’article L. 145-14 du code de commerce ne méconnaît ni le droit de propriété du bailleur ni le principe d’égalité devant la loi.

Le Conseil constitutionnel a été saisi, par des associations de défense de l’environnement, d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité de l’article 1247 du code civil aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les principaux griefs concernaient la formulation de cet article qui dispose qu’« est réparable, dans les conditions prévues au présent titre, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». Plus exactement, ce sont les mots « non négligeable » qui posaient problème. Selon les associations, en ne prenant pas en compte les atteintes « négligeables », le législateur aurait méconnu les quatre premiers articles de la Charte de l’environnement de 2004 ainsi que le principe de responsabilité résultant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elles reprochaient, par ailleurs, le caractère amphigourique du standard juridique « non négligeable ».
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel se contente, tout d’abord, d’affirmer que le législateur n’a pas méconnu le principe posé par l’article 4 de la Charte de l’environnement (« Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi »). Les juges expliquent ensuite que l’article 1247 du code civil n’a pas pour objet de limiter la réparation qui peut être accordée aux personnes qui subissent un préjudice du fait d’une atteinte à l’environnement.
Il faut d’emblée préciser qu’à la suite d’une décision de 2010 du Conseil constitutionnel (décis. n° 2010-4/17 QPC, Dalloz actualité, 28 juill. 2010, obs. E. Royer ; AJDA 2010. 1508 ; ibid. 2262 , note M. Chauchat ; RDSS 2010. 1061, étude L. Gay ), l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789 n’est pas invocable en QPC. Privées de ce moyen, les prétentions des parties avaient peu de chance d’aboutir. Cependant, il faut ajouter que le recours à un standard juridique n’est pas forcément une mauvaise chose pour les défenseurs de l’environnement. Puisqu’elle est, par nature, une notion floue et malléable, l’expression « atteinte non négligeable » pourra être utilisée dans la jurisprudence judiciaire pour permettre des réparations qui peuvent dès aujourd’hui nous paraître (ou même apparaître à ces associations) négligeables. C’est justement la flexibilité de la notion et son caractère malléable qui permettra de la faire évoluer pour l’adapter aux enjeux sociologiques et écologiques de son temps. Il ne paraît pas non plus insensé de limiter le champ de la réparation à des atteintes importantes aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. Il faut imaginer des atteintes très mineures à des fonctions d’un écosystème qui justifieraient l’application de l’adage de minimis non curat praetor. Un rapport d’information déposé par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire parle volontiers d’« encadrement » pour justifier que tous dommages écologiques purs ne puissent ouvrir droit à réparation : « Compte tenu de son caractère récent et de son encadrement (nécessité d’une atteinte non négligeable), il n’apparaîtrait pas surprenant que le préjudice écologique n’ait pas encore donné lieu à des procédures à ce stade » (N. Bassire et F. Tuffnell, Rapport d’information, n° 1096).
Le Conseil constitutionnel refuse, par ailleurs, de considérer que l’article 1247 du code civil aurait pour objet ou pour effet de limiter la réparation qui peut être accordée aux personnes qui subissent un préjudice du fait d’une atteinte à l’environnement (§ 9). Il faudrait comprendre, aux termes de ce paragraphe, que l’article 1247 du code civil ne portant que sur les atteintes portées à l’environnement, il ne contreviendrait pas à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme duquel on tire le principe de responsabilité général pour faute et qui concerne autrui (C. civ., art. 1240). Dit autrement, l’environnement et autrui sont deux choses différentes et invoquer l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’aurait pas de sens puisque ce dernier vise les préjudices personnels causés à autrui et non les préjudices collectifs causés à l’environnement.
La consécration du préjudice collectif avait pour principal objectif de permettre de réparer efficacement les atteintes portées à l’environnement. Cependant, voilà que c’est son caractère justement collectif qui est utilisé ici comme argument, par les Sages, pour considérer que la disposition visée du code civil ne contrevient pas au principe de responsabilité découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Comme l’a écrit très justement le professeur Dubois, « finalement, en étant le préjudice de tous, il n’est le préjudice de personne » (C. Dubois, La responsabilité civile pourrait-elle voler au secours de la culture ?, RTD civ. 2020. 275 ).
Le raisonnement opéré est juste et implacable même si on oublie souvent de regarder dans nos forêts ou nos cours d’eau un peu d’autrui, rappelant ainsi que « nous sommes une partie de la terre », selon les mots prononcés en 1854 par le chef indien Seathl.
En juin 2020, le PDG Emmanuel Faber fait entrer la raison d’être dans les statuts de Danone. Neuf mois plus tard, le cours boursier de l’entreprise a baissé de 25 %. Croissance responsable ou rentabilité maximale ? Les actionnaires de Danone ont fait leur choix, en limitant les fonctions d’Emmanuel Faber aux seules fonctions de Président. Un message clair : les actionnaires remettent le cap sur une exigence de performance financière. Les fonds d’investissement adossés à Danone lorgnent avec envie les marges des concurrents, comme Nestlé ou Unilever, de l’ordre de 18 % alors que Danone plafonne à 14 %, selon le quotidien Libération. Le dirigeant est donc désavoué, alors qu’un plan de départ de 2 000 salariés a été annoncé en novembre 2020, à contre-courant de la notion d’entreprise socialement responsable. Une situation qui ressemble étrangement à celle de Renault qui a également scindé les fonctions de Président et de Directeur général.
L’exemple de Danone deviendra-t-il un cas d’école montrant les limites des bonnes intentions ? Les sociétés qui ont adopté une raison d’être ou le statut d’entreprise à mission devront-elles à terme se résoudre à rogner sur leurs objectifs sociaux et environnementaux dans une logique de priorisation des bénéfices et des dividendes ? L’étude ne répond pas à cette question mais dresse le bilan de deux ans de raison d’être dans les assemblées générales (AG) de grandes sociétés cotées. La conclusion est positive : les actionnaires ont bien réagi à l’arrivée de cette notion. Mais la raison d’être peut-elle survivre en tant que stratégie de la société dans un environnement concurrentiel ? Peut-elle tenir le choc de la réalité économique et quitter le statut de...

Le département de la Loire lance une procédure de passation d’un accord-cadre ayant pour objet l’émission et la distribution de divers chèques emploi-service universels préfinancés pour l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap. Contrairement au lot n° 1, les lots nos 2 à 6 de cet accord-cadre font l’objet d’une consultation selon une procédure sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Par courriers des 24 et 26 décembre 2019, le département de la Loire invite la société Edenred France à présenter une offre pour chacun des lots nos 2 à 6. La société Edenred, toutefois, informe le département par un courrier du 9 janvier 2020 de son refus de présenter une offre et par la suite saisit le juge du référé précontractuel sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, en annulation des procédures de passation des lots nos 2, 3, 5 et 6 portant sur l’émission et la distribution de chèques emploi service, de titres-restaurants et de chèques cadeaux. Ces procédures de passation sont annulées par une ordonnance du 4 février 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon. Cette ordonnance fait l’objet d’une demande d’annulation par le département de la Loire.
Comme à l’accoutumée, le contentieux de la commande publique place le Conseil d’État face à de multiples problématiques dans le cadre d’une seule et même affaire : la qualification du contrat relatif à l’émission et à la distribution de titres de paiement, l’évaluation de la valeur estimée du besoin d’un tel contrat, et l’appréciation de la lésion pouvant justifier le recours à un référé précontractuel.
Le contrat d’émission et de distribution de chèques emploi-service universels : marché public ou concession ?
Le Conseil d’État reprend la distinction classique entre marché public et concession en rappelant qu’« un contrat par lequel un acheteur public confie l’exécution de travaux ou la gestion d’un service à un ou plusieurs opérateurs économiques ne constitue un contrat de concession que s’il transfère un risque réel lié à l’exploitation de l’ouvrage ou du service et si le transfert de ce risque trouve sa contrepartie, au moins partiellement, dans le droit d’exploiter l’ouvrage ou le service. Le risque d’exploitation est constitué par le fait de ne pas être assuré d’amortir les investissements ou les coûts liés à l’exploitation du service ». Cette summa divisio, qui réside dans le critère du risque lié à l’exploitation, est originairement issue de la jurisprudence de l’ancienne Cour de justice des communautés européennes (CJCE 13 oct. 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen, AJDA 2005. 1983 ; ibid. 2335, chron. E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert ; D. 2005. 2823 ; RDI 2005. 446, obs. J.-D. Dreyfus ) dont s’est inspiré le Conseil d’État (CE 7 nov. 2008, n° 291794, Département de la Vendée, Lebon ; AJDA 2008. 2143 ; ibid. 2454 , note L. Richer ). Inscrite dans le marbre des directives de 2014 puis transposée en droit français par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics une ordonnance 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession et leurs décrets d’application, cette classification dichotomique (pour ne pas dire binaire) est désormais codifiée aux articles L. 1111-1 et L. 1121-1 du code de la commande publique.
Comme l’indique la Haute juridiction administrative, ce n’est le risque lié à l’exploitation (qui est en réalité un risque lié à l’exposition aux aléas du marché) en tant que tel qui permet d’identifier un contrat de concession mais bien le transfert de ce risque de l’autorité concédante vers le concessionnaire.
En l’espèce, il résulte des stipulations du contrat d’émission et la distribution de titres de paiement qu’elles « ne font pas obstacle à ce que, sous réserve des dispositions législatives et...

La RLS visait à compenser, pour les locataires du parc social, la baisse des aides personnalisées au logement (APL), cette mesure que le président de la République lui-même a qualifiée de « boulet » qu’il traînait. Le chef de l’État faisait allusion aux réactions des locataires du parc privé, qui ont enregistré une perte sèche. Celles du monde du logement social n’ont pas été moins vives (AJDA 2018. 1996 ; Dalloz actualité, 22 févr. 2019, obs. M.-C. de Montecler).
L’objectif étant une économie budgétaire pour l’État (de 1,5 milliard d’euros), on aurait pu croire que la Cour...
Interrogée à titre préjudiciel par un tribunal suédois, elle précise le champ d’application de l’article 5 de la directive Oiseaux, dont l’annexe I vise un certain nombre d’espèces protégées. Peu importe, indique la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que les espèces figurent ou non à l’annexe I, les États membres ont l’obligation « d’adopter des régimes de protection de toutes les espèces d’oiseaux vivant naturellement à l’état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est applicable. Des régimes de protection couvrant uniquement des espèces figurant à l’annexe I de cette directive ou des espèces menacées à quelque niveau que ce soit ou dont la population est en...
Un « dispositif opaque aux effets secondaires sensibles » et « à l’exécution complexe ». C’est un référé sévère sur la réduction de loyer de solidarité (RLS) que la Cour des comptes a transmis au gouvernement fin décembre, avant de le rendre public le 4 mars.

Lorsqu’une personne morale est placée en liquidation judiciaire, ses dirigeants encourent une action en responsabilité pour insuffisance d’actif (C. com., art. L. 651-2).
À première vue, cette action s’apparente à une action en responsabilité civile délictuelle tout à fait classique. Son succès est subordonné à la démonstration de trois conditions : une faute – qui doit être une faute de gestion –, un préjudice – qui est à rechercher dans l’insuffisance d’actif – et un lien de causalité – en ce que la faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif.
D’une façon générale, la faute de gestion, pour être répréhensible, doit relever de la gestion et être antérieure au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire. Toutes sortes de fautes relevant de la gestion stricto sensu ou de l’inobservation de dispositions légales ou statutaires sont imputables aux dirigeants et peuvent, en conséquence, être à l’origine d’une action en responsabilité. En revanche, cela ne revient pas à dire que tous les comportements « fautifs » du dirigeant dans la gestion de la personne morale peuvent être condamnés au titre de l’insuffisance d’actif. En effet, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II », a modifié l’article L. 651-2 du code de commerce afin d’écarter la responsabilité pour insuffisance d’actif en cas de simple négligence dans la gestion de la personne morale (comp. Com. 31 mai 2011, n° 09-13.975, Bull. civ. IV, n° 87 ; Dalloz actualité, 9 juin 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2011. 1551, obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2011. 521, obs. P. Roussel Galle ).
L’établissement d’une ligne de partage nette entre la faute de gestion et la simple négligence dans la gestion de la personne morale est source d’incertitudes. Au vrai, ces difficultés confirment que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif est rétive aux canons du droit commun de la responsabilité. D’abord, la distinction précitée n’existe pas en droit commun, l’article 1241 du code civil précisant que « chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Ensuite, par exception au principe de la réparation intégrale du préjudice, le montant de la condamnation à combler le passif peut être inférieur au préjudice subi. Autrement dit, le montant alloué en réparation, s’il ne peut dépasser celui de l’insuffisance d’actif, n’a pas à lui être égal (Com. 24 mai 2018, n° 16-29.116 NP).
La délicate distinction entre la faute de gestion répréhensible au titre de l’insuffisance d’actif et la simple négligence de gestion est au cœur de l’arrêt sous commentaire.
En l’espèce, le liquidateur d’une société en liquidation judiciaire a assigné en responsabilité pour insuffisance d’actif les deux personnes qui se sont succédé dans les fonctions de président de la personne morale débitrice. La cour d’appel ayant rejeté la demande du mandataire, ce dernier se pourvoit en cassation.
Le liquidateur soutenait que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal ne peut pas constituer une simple négligence du dirigeant dans la mesure où ce dernier n’a pu ignorer cet état. En effet, si certains éléments du dossier faisaient apparaître la volonté des dirigeants d’apurer la situation financière de la société, ces circonstances démontraient surtout, pour le mandataire, la connaissance par les dirigeants de la situation de cessation des paiements de la personne morale débitrice.
La Cour de cassation ne souscrit pas à l’analyse et rejette le pourvoi. Pour la haute juridiction, l’existence d’une simple négligence, permettant de faire échec au jeu d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif, ne saurait être réduite à l’hypothèse dans laquelle le dirigeant « a pu ignorer les circonstances ou la situation ayant entouré sa commission ».
L’analyse de l’arrêt est difficile tant la solution qu’il édicte nous paraît subtile. Au vrai, nous pourrions d’abord y voir l’affirmation selon laquelle l’omission de déclarer la cessation des paiements ne constitue qu’une simple négligence dans la gestion de la personne morale insusceptible d’entraîner la responsabilité pour insuffisance d’actif.
Or une telle affirmation, sans nuance, serait probablement faire dire à la Cour de cassation ce qu’elle ne dit pas. En réalité, la haute juridiction ne fait que rejeter l’argument selon lequel l’omission par le dirigeant de déclarer la cessation des paiements, en connaissance de cet état, est suffisante à caractériser l’absence de simple négligence dans la gestion de la société.
Concédons que la frontière est fine entre cette affirmation et le fait d’exclure du giron des fautes de gestion répréhensibles l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal.
Dès lors, l’arrêt semble adopter une interprétation très permissive de la notion de « simple négligence », à tel point, peut-être, qu’il porte en lui le risque d’une réduction réflexe du domaine des fautes de gestion répréhensibles au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif.
L’interprétation permissive de la notion de « simple négligence »
En l’espèce, le liquidateur reprochait aux dirigeants de la société d’avoir omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de quarante-cinq jours à compter de son apparition (C. com., art. L. 640-4).
L’argumentation du mandataire se comprend aisément. La tardiveté de la déclaration de cessation des paiements peut être un fait générateur de responsabilité à condition de démontrer la causalité de ce manquement avec l’augmentation de l’insuffisance d’actif. Tel est par exemple le cas si l’absence de déclaration de cessation des paiements a contribué à l’insuffisance d’actif lorsque des dettes nouvelles sont nées durant ce laps de temps et sans l’apparition concomitante de nouvelles richesses (Com. 3 nov. 2009, n° 08-16.361 NP).
En réalité, la problématique ayant donné lieu à l’arrêt ici rapporté est ailleurs. Il s’agissait moins de déterminer si l’omission de déclarer la cessation des paiements constituait une faute de gestion que de savoir si ce manquement pouvait être qualifié de « simple négligence ».
Or, en l’espèce et pour la Cour de cassation, la connaissance de la cessation des paiements par les dirigeants n’est pas suffisante à disqualifier leur comportement de « simplement » négligent. Cette mansuétude à leur égard a de quoi surprendre, puisqu’elle confère une large portée à la notion de « simple négligence ».
Nous nous permettons cette remarque, car nombreux sont les arrêts de la Cour de cassation où la responsabilité pour insuffisance d’actif a été retenue en raison d’une omission de déclaration de cessation des paiements, sans qu’il ait été besoin de rechercher la connaissance de cet état par les dirigeants (par exemple, v. Com. 22 févr. 2017, n° 15-17.558 NP ; 4 juill. 2018, n° 14-20.117 NP).
En outre, il faut souligner que l’omission volontaire de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la date de cessation des paiements est passible d’une mesure d’interdiction de gérer (C. com., art. L. 653-8). Or, pour des faits analogues à l’arrêt intéressant notre commentaire, la Cour de cassation a jugé que la seule connaissance de l’état de cessation des paiements par le dirigeant était suffisante à constituer une omission volontaire de déclaration susceptible d’entraîner une mesure d’interdiction de gérer (Com. 17 avr. 2019, n° 18-11.743, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 20 juin 2019, obs. X. Delpech ; D. 2019. 886 ; ibid. 1367, chron. A.-C. Le Bras, T. Gauthier et S. Barbot ; ibid. 1903, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ).
Au regard de ces éléments, il peut être étonnant qu’en l’espèce, la connaissance de la cessation des paiements par les dirigeants n’ait pas permis d’exclure en elle-même la qualification de simple négligence.
La solution peut toutefois s’expliquer sous un angle différent.
Selon certains auteurs, l’omission de procéder à la déclaration de cessation des paiements peut constituer une simple négligence, lorsque, de bonne foi, le dirigeant a pensé que la situation financière s’améliorerait et que l’état de cessation des paiements disparaîtrait (B. Dodou, note ss. Com. 5 sept. 2018, n° 17-15.031, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 11 sept. 2018, obs. A. Lienhard ; D. 2018. 1693, obs. A. Lienhard ; ibid. 2019. 1903, obs. F.-X. Lucas et P. Cagnoli ; Rev. sociétés 2019. 543, note B. Dodou ; M. Dizel, L’action en insuffisance d’actif revue par la loi Sapin II, Éditions législatives, 16 déc. 2016). À ce titre, il est vrai que les faits de l’espèce témoignent de la « bonne foi » des dirigeants : ces derniers ont pris plusieurs mesures dans le but de redresser la situation de l’entreprise entre la date d’apparition de l’état de cessation des paiements et celle de l’ouverture de la procédure collective.
Las, cette explication peine à convaincre.
Certes, le fait de réserver la simple négligence aux comportements des dirigeants agissant de bonne foi a ceci d’intéressant qu’il semble conforme à l’esprit de l’article L. 651-2 du code de commerce et favorable au rebond du dirigeant postérieurement à la liquidation judiciaire. Malheureusement, le raisonnement se heurte à la jurisprudence de la Cour de cassation qui a déjà jugé qu’un dirigeant ne pouvait s’exonérer de sa faute en faisant valoir qu’il espérait une amélioration de la situation financière de son entreprise (Com. 27 janv. 2015, n° 13-24.972 NP).
Ces quelques lignes permettent finalement de se demander si une interprétation trop permissive de la notion de simple négligence n’emporte pas le risque de réduire le domaine des fautes de gestion répréhensibles au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif.
Le risque de réduction réflexe du domaine des fautes de gestion répréhensibles
Indépendamment de l’arrêt sous commentaire, rappelons que l’introduction de la notion de « simple négligence » au sein de l’article L. 651-2 du code de commerce a reçu un accueil mitigé en doctrine (F. Pérochon, Sous la loi Sapin, un cadeau de Noël pour le dirigeant fautif ?, BJE, janv. 2017, n° 114c8, p. 1), un auteur allant même jusqu’à préconiser l’abandon des dispositions spéciales au profit d’un retour au droit commun de la responsabilité civile délictuelle (F.-X. Lucas, Réforme de l’action en comblement de passif, BJS janv. 2017, n° 116a2, p. 1).
Certes, l’avènement de la notion de « simple négligence » n’a pas fondamentalement bouleversé la politique judiciaire en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif car, en pratique, seules des fautes de gestion d’une certaine gravité justifiaient les condamnations (P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 11e éd., Dalloz Action, 2021/2022, n° 922.213).
Reste que, jusqu’à présent et à notre connaissance, la Cour de cassation analysait l’omission de déclaration de la cessation des paiements en une faute de gestion répréhensible au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif et non en une simple négligence.
La chronologie des faits de l’espèce commentée témoigne d’un probable « changement de cap » opéré par la Cour de cassation. En l’espèce, la cessation des paiements a été fixée au 5 juillet 2010, tandis que le représentant de la société débitrice a sollicité l’ouverture de la liquidation judiciaire le 22 décembre 2011. Or la responsabilité pour insuffisance d’actif a déjà été retenue par la haute juridiction pour des retards de déclaration de cessation des paiements beaucoup moins importants (pendant plus de deux mois, v. Com. 5 févr. 2020, n° 18-15.075 NP, LEDEN mars 2020, n° 113d2, p. 1, note F.-X. Lucas ; 5 févr. 2020, n° 18-15.062 NP, Gaz. Pal., 21 avr. 2020, n° 377r0, p. 90, note T. Montéran ; de trois mois, v. Com. 5 févr. 2020, n° 18-15.070 NP ; de neuf mois, v. Com. 5 févr. 2020, n° 18-15.064 NP).
Nonobstant ces éléments, nous ne pensons pas que l’arrêt commenté constitue un revirement de jurisprudence.
D’une part, il faut souligner qu’en la matière, les juges du fond ont un pouvoir d’appréciation souverain et la Cour de cassation n’opère qu’un contrôle de qualification (Com. 15 juin 2011, n° 10-18.585 NP).
D’autre part, relevons que le comportement des dirigeants et la situation globale de l’espèce inclinaient à la clémence. Pour ne prendre qu’un exemple, si la cessation des paiements a été fixée au 5 juillet 2010, il est vrai que le bilan de la société arrêté au 31 décembre de la même année faisait apparaître une légère amélioration de sa situation.
Malheureusement, le signal envoyé par l’arrêt – qui plus est publié au bulletin – est troublant.
Une nouvelle fois, la décision confirme l’insaisissabilité du clivage entre ce qui relève de la faute de gestion et ce qui est du domaine de la simple négligence. Au regard de l’arrêt ici rapporté, la tendance semble désormais pencher en faveur de la mansuétude envers les dirigeants tandis que la doctrine semblait présager le contraire (F.-X. Lucas, Réforme de l’action en comblement de passif, art. préc.).
Certes, la portée de l’arrêt peut être discutée, mais il est indéniable qu’il porte en lui le risque de voir s’amenuiser le domaine des fautes de gestion répréhensibles au bénéfice d’une conception trop large de la notion de simple négligence.
Toutefois, peut-être est-ce là le prix à payer du fameux droit au rebond pour les dirigeants de la personne morale en liquidation judiciaire ?
Le Conseil constitutionnel était saisi le 27 novembre 2020 d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale qui réserve le bénéfice du dispositif de retraite progressive aux salariés qui exercent une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail, c’est-à-dire aux salariés dont la durée du travail – exprimée en heures – est inférieure à la durée légale ou conventionnelle de travail. En effet, par deux décisions du 3 novembre 2016 (nos 15-26.275 et 15-26.276), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que le dispositif de retraite progressive ne peut s’appliquer qu’aux salariés dont la durée d’activité à temps partiel est décomptée en heures.
Il est donc reproché à ces dispositions de faire obstacle à ce que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours réduit (inférieur à 218 jours par an) puissent bénéficier de ce dispositif de retraite progressive et d’apporter en conséquence une rupture d’égalité devant la loi sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Il était également avancé par la requérante que ces dispositions créaient une discrimination indirecte puisque les salariés qui concluent des conventions de forfait réduit sont majoritairement des femmes.
Le dispositif de retraite progressif a été institué par la loi relative à la sécurité sociale du 5 janvier 1988 destinée à aménager au travailleur senior une période transitoire qui lui permet de bénéficier d’une fraction de sa pension de retraite tout en continuant à exercer une activité professionnelle réduite. L’objet de ce dispositif est donc d’encourager le maintien des salariés âgés – et expérimentés – dans l’emploi.
Le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Les Sages devaient donc établir le rapport – ou non – avec l’objet de la loi de la différence de traitement entre un salarié dont la réduction de l’activité professionnelle est exprimée en heures et les salariés qui exercent une activité également réduite mais mesurée en jours.
Le Conseil constitutionnel juge que ces salariés sont certes dans une situation différente mais, « en instaurant la retraite progressive, le législateur a entendu permettre aux travailleurs exerçant une activité réduite de bénéficier d’une fraction de leur pension de retraite en vue d’organiser la cessation graduelle de leur activité. Or un salarié ayant conclu avec son employeur une convention de forfait annuelle en jours fixant un nombre de jours travaillés inférieur au plafond légal ou conventionnel exerce, par rapport à cette durée maximale, une activité réduite. Dès lors, en privant ce salarié de toute possibilité d’accès à la retraite progressive, quel que soit le nombre de jours travaillés dans l’année, le législateur a institué une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi ». Dès lors, les mots « qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail » figurant au premier alinéa de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale sont contraires à la Constitution.
Les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité sont toutefois reportés au 1er janvier 2022, l’abrogation immédiate aurait en effet pour conséquence de priver les salariés à temps partiel du bénéfice de la retraite progressive.
Il convient alors de préciser que le projet de loi instituant un système universel de retraite, déposé le 24 janvier 2020 à l’Assemblée nationale, prévoit d’étendre le dispositif de retraite progressive aux travailleurs indépendants ainsi qu’aux salariés ayant conclu un forfait jours. Encore faudrait-il qu’il soit adopté définitivement et publié avant le 1er janvier 2022…
Rappelons en effet que le report de l’abrogation ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’État puisse être engagée du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles.

Cet arrêt de rejet est l’occasion de revenir sur une structure d’exercice en commun de la profession d’avocat aussi connue dans son existence que mystérieuse dans son régime, à savoir l’association d’avocats. Il s’agit même de la plus ancienne des structures d’exercice des avocats. C’est, en effet, le décret n° 54-406 du 10 avril 1954 qui consacre la possibilité offerte aux avocats d’avoir recours aux associations d’avocats. Son existence a aujourd’hui pour siège l’article 7, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 30 décembre 1971 (« L’avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d’une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l’association ayant accompli l’acte professionnel en cause ») et son régime est succinctement décrit aux articles 124 à 128-2 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
L’introduction en droit français de cette structure « constitua un progrès considérable : pour la première fois, les avocats étaient autorisés à se regrouper pour partager, au travers d’un contrat, leurs charges et leurs bénéfices » (CNB, Guide de l’exercice en association d’avocats [association & AARPI], oct. 2017). Malgré son appellation, il ne s’agit en rien d’une association « loi 1901 ». « Dans la mesure où elle répond à la définition de la société figurant à l’article 1832 du code civil (mise en commun d’apports en vue de partager des bénéfices), l’association d’avocats a la nature juridique d’une société. N’étant pas immatriculée, elle ne dispose pas de la personnalité juridique, ce qui conduit à la considérer comme une société créée de fait » (eod. loc.).
Le présent arrêt de rejet confirme pleinement ces affirmations. Trois avocats avaient décidé de se regrouper et, de ce fait, avaient conclu ensemble une convention d’association. Mais l’un d’entre eux a décidé de se retirer de l’association à compter du 1er novembre 2016, ce dont sont convenus les associés par une convention du 15 novembre 2016. Aucun accord n’étant intervenu sur les modalités de son retrait, l’avocat retrayant a alors saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats de la Haute-Loire d’une demande d’arbitrage. Ces modalités, on l’imagine, étaient essentiellement financières, l’intéressé souhaitant que ses droits au sein du groupement lui soient rachetés à leur juste valeur.
Au stade de l’appel, la cour d’appel de Riom a limité à 14 664,64 € la somme lui demeurant due par ses anciens associés, alors que, visiblement, il en espérait davantage. D’où un pourvoi en cassation. En réalité, il reproche aux juges d’appel d’avoir refusé l’arbitrage à dire d’expert prévu par l’article 1843-4 du code civil pour l’évaluation de ses droits dans l’association d’avocats dont il faisait partie, au motif que la procédure d’arbitrage du bâtonnier était dérogatoire au droit commun et excluait totalement l’application de ce texte. Selon le I de l’article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, « dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d’une cession des droits sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné soit par les parties, soit, à défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible. L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties ». À défaut – et comme c’était toujours le cas avant cette ordonnance – l’expert dispose d’une entière liberté d’appréciation pour fixer la valeur des parts sociales selon les critères qu’il jugeait opportuns.
Pour l’avocat retrayant, la cour d’appel a violé ce texte, ensemble l’article 21 de la loi du 31 décembre 1971. Il précise, se fondant en cela sur la solution retenue par la Cour de cassation il y a près de deux ans à propos de la valorisation des parts d’une société civile d’avocats à la suite du retrait d’un avocat membre de cette société (Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-12.073, Dalloz actualité, 3 juin 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1044 ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 2020. 108, obs. T. Wickers ; Rev. sociétés 2019. 688, note J.-F. Barbièri ), que l’article 21 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, ne dérogeait pas à l’article 1843-4 du code civil. Dans sa rédaction issue de cette dernière loi, il n’y déroge qu’en ce qu’il donne compétence au bâtonnier pour procéder à la désignation d’un expert aux fins d’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats. Compte tenu de la date (15 novembre 2016) de la convention conclue entre les membres de l’association qui acte le retrait de l’un d’entre eux, c’est l’article 21 pris dans sa nouvelle rédaction qui devrait logiquement s’appliquer.
Toutefois, pour la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi de l’avocat retrayant, « [si] une association d’avocats se trouve soumise aux dispositions des articles 1832 à 1844-17 du code civil, cependant, l’article 1843-4 ne lui est pas applicable en l’absence de capital social et ne peut être étendu aux comptes à effectuer lors du départ d’un avocat ».
La solution est doublement intéressante. D’abord, on relèvera l’affirmation selon laquelle l’association d’avocats est soumise aux articles 1832 à 1844-17 du code civil, à savoir les règles du droit commun des sociétés. C’est donc là la confirmation selon laquelle l’association d’avocats constitue effectivement une société. Ensuite, est confirmée l’idée selon laquelle ce groupement est une société non dotée de la personnalité morale, de telle sorte qu’elle n’est pas dotée d’un capital social et ne peut émettre des parts sociales, lesquelles représentent des droits (pécuniaires et politiques) à l’encontre de cette personne morale qu’est la société. Comme dans la société en participation, les associés sont titulaires de « droits qu’ils tiennent du contrat de société », ces droits étant d’ailleurs cessibles (Com. 15 mai 2012, n° 11-30.192, D. 2012. 1401, et les obs. ; Rev. sociétés 2013. 88, note B. Dondero ). C’est ce qui explique l’exclusion de l’article 1843-4 du code civil, lequel ne s’applique qu’en cas de « cession des droits sociaux d’un associé ».
Le rejet de pourvoi est donc logique, mais la Cour de cassation n’en approuve pas pour autant le raisonnement des juges d’appel. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle procède par substitution de motifs. La cour d’appel de Riom avait considéré, en substance, que l’article 21 de la loi de 1971 excluait le jeu de l’article 1843-4 du code civil. Tel n’est en réalité pas le cas. Si ce second texte est écarté, c’est tout simplement parce que la cession de droits tirée du contrat d’association d’avocats ne relève pas du champ d’application de ce texte. L’article 21 – en son alinéa 2 – est ici bel et bien applicable, à l’exception des dispositions qui prévoient que, en cas de désaccord, le bâtonnier, « le cas échéant, procède à la désignation d’un expert pour l’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats ». Il semble donc que ce soit le bâtonnier qui soit tenu de fixer la valeur des droits de l’avocat retrayant, à moins que, comme le prévoit expressément le même alinéa in fine, le « bâtonnier [ait délégué] ses pouvoirs aux anciens bâtonniers ainsi qu’à tout membre ou ancien membre du conseil de l’ordre ».
L’article 1719 du code civil n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité.

Le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 25 février 2021 a fait grand bruit.
Avis de tempête : un jugement et un communiqué du tribunal
Nul n’en doute ! Le jugement rapporté va, poussé par les vents du communiqué de presse du président du tribunal du même jour, provoquer la tempête. Les quarantièmes rugissants, voire les cinquantièmes hurlants et les soixantièmes déferlants, vont-ils noyer les prétoires ? Le jugement du tribunal judiciaire de Paris a-t-il été emporté par une mauvaise vague, ou, au contraire, élève-t-il sagement une digue pour réduire les effets des courants doctrinaux, réputés favorables aux locataires, qui saperaient les fondations civiles du bail ? Certains écriront qu’il eût dû faire un flop car il ne répond pas à l’argumentation qu’ils préfèrent. D’autres observeront que les juges ne peuvent prendre en considération que les seuls éléments de fait et de droit qui leur sont proposés par les parties. D’autres encore retiendront que suivre les courants de la Cour de cassation quant à la mise en œuvre de notre bon vieil article 1719 du code civil n’est guère facile. Il faut du temps pour qu’elle soit invitée à les tracer. Deux siècles d’application montrent que chaque espèce peut conduire à un jugement différent de celui qui a été prononcé hier ou avant-hier. La Cour de cassation n’est pas le juge du fait. Elle ne peut dégager un principe que de la gangue des moyens proposés par les parties. Il est rare qu’elle puisse recourir au sauveur qu’est l’article 1015 du code de procédure civile pour tenter de trancher la question de droit qu’elle décèle. Ce n’est qu’à l’occasion d’un pourvoi pendant devant elle et encore faut-il que les données de l’espèce permettent de dégager ou de rappeler le principe. C’est dire qu’avant que l’on soit à ce stade, ce sont les juges du fond, à la lecture des arguments développés devant eux qui doivent dire, au cas par cas, si la pandémie légitime le non-paiement des loyers et charges à bonne date. Que l’on sache, nulle demande d’avis n’a été transmise à la Cour. D’ailleurs, que pourrait répondre la Cour ? Qu’il appartient aux juges du fond, comme le suggérait Portalis, de mettre en œuvre, cas après cas, ce que le code civil propose ? C’est bien, semble-t-il, ce que le tribunal judiciaire de Paris a entendu faire à propos de l’affaire en cause.
Évidente déception pour les locataires : 1719 ne tient pas les promesses que l’on a pu y voir
Lorsqu’on lit le jugement parisien, que l’on peut rapprocher d’une ordonnance de référé du même tribunal du 20 octobre 2020 (TJ Paris, 10 juill. 2020, n° 20/04516, Dalloz actualité, 21 juill. 2020, obs. M. Ghiglino ; D. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2020. 616 , obs. M.-P. Dumont ; ibid. 549, point de vue J.-D. Barbier ; ibid. 2021. 99, étude P. Jacquot ; RTD com. 2020. 783, obs. F. Kendérian ), il ne fait guère de doute que le locataire concerné ne peut qu’être déçu. Il eût aimé que le tribunal judiciaire de Paris suivît le choix effectué par nombre de juges des référés ou de l’exécution (v. le tableau établi par P. Jacquot, La covid, le loyer et le juge, AJDI 2021. 99 ; Code des baux, Dalloz, éd. 2021, jur. citée ss. art. 1722, note 17, p. 112). L’adoption de l’argumentation développée devant ces derniers en faveur du non-paiement des loyers et des charges au titre de la force majeure (C. civ., art. 1360), de la théorie des risques (C. civ., art. 1722), de l’exception d’inexécution (C. civ., art. 1219) ou de la bonne foi (C. civ., art. 1104) ou même de l’imprévision (C. civ., art. 1195) l’aurait, à l’évidence, comblé d’aise (V. A. et J.-P. Confino, Les baux commerciaux malades de la peste…, AJDI 2020. 322 ; F. Kendérian, Le droit civil des contrats et le bail commercial en temps de crise sanitaire : l’exemple de la covid-19, RTD com. 2020. 265 ; Du rôle central de la bonne foi dans le règlement des litiges locatifs issus de la covid-19, RTD com. 2020. 783 ; Code des baux, op. cit., p. 109 s., C. civ., art. 1722, comm. J. Monéger. et les réf. citées). Pour le locataire et ses conseils, la bonne solution devait être l’adoption de l’une de ces solutions, en particulier le défaut de délivrance du local par celui qui y était tenu.
Un jugement très solidement motivé
Si la question a bien été comprise par le tribunal, il n’a en rien été convaincu. Le jugement est fortement motivé, alors même que l’enjeu pécuniaire était très faible.
Le tribunal était saisi d’abord d’une demande de fixation de l’indemnité d’occupation pour longue période (trois ans et demi) demandant un abattement de 20 % pour précarité, ensuite d’un usage malicieux du bailleur du droit de repentir, enfin, de la fixation du montant du nouveau loyer. Le tribunal accorde la réduction demandée, fixe le loyer du bail issu du renouvellement, mais déboute la demanderesse s’agissant de l’aspect malicieux du repentir, dès lors qu’il a été exercé conformément à la loi. Venait, en parallèle, s’ajouter une demande de la locataire en restitution d’une somme de 1 212 € au motif qu’en raison de l’ordre de fermeture, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, des magasins de vente, elle n’a pu accueillir sa clientèle et a dû fermer son commerce de vente d’objets d’art et de décoration (mentions non occultées par le tribunal).
L’argumentation proposée au tribunal par la locataire s’inscrivait bien dans la tendance développée par nombre d’avocats de locataires et de décision de juge des référés ou de l’exécution (v. P. Jacquot, tableau préc.). Le tribunal relève les éléments de la demande de la locataire : « Cette mesure de fermeture des commerces non essentiels l’a donc empêchée de jouir paisiblement des locaux commerciaux donnés à bail et, partant, d’exploiter son activité commerciale ; que cette circonstance constitue une inexécution des obligations du bailleur de délivrer les locaux et d’en assurer la jouissance paisible mises à sa charge par l’article 1719 du code civil, que cette inexécution est suffisamment grave pour justifier, en application de l’article 1219 du code civil, l’exception d’inexécution du bail, en ce qu’elle a totalement empêché l’exercice de son activité commerciale qui est pourtant l’objet du bail ».
La bailleresse fait valoir que « c’est la décision du gouvernement de fermer les commerces au public, et non l’état de l’immeuble », qui a rendu l’exécution impossible et que, « ne pouvant par aucun moyen contrevenir à la décision administrative […] elle était exonérée de son obligation de délivrance ». C’est là que se situe le cœur de la bombe atomique que ce jugement va être pour certains.
Le jugement
Le tribunal observe qu’« en application de l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d’exercer l’activité prévue par le bail, et d’en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la même durée. Cet article n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s’exerce son activité ». Il s’ensuit qu’« en application de l’article 1728 du code civil, le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus ». Le principe posé, le tribunal poursuit à propos de l’exception d’inexécution au sens des articles 1217 et 1219 du code civil, que la locataire « ne discute et ne conteste pas que la configuration, la consistance, les agencements et l’état des locaux remis […] en exécution du bail […] » pour ajouter que « la fermeture administrative de son commerce […] imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l’épidémie de la covid-19 n’est pas garantie par la bailleresse ». Le tribunal déboute ainsi la locataire sur un seul principe. Il refuse même, faute pour la demanderesse d’avoir fourni le moindre élément comptable, de lui accorder des délais de paiement pour le trimestre en cours (il lui faut espérer la mansuétude du juge de l’exécution).
Quid ad futurum ?
La solution irritera certains qui envisageaient la victoire par KO. En réjouira d’autres qui commençaient à désespérer. Confirmera combien il est difficile d’être schizophrène (J.-P. Blatter, Le bail, la covid-19 et le schizophrène, AJDI 2020. 245 ).
Par le jugement et au-delà du jugement
L’affaire ira-t-elle plus haut ? Si la cour d’appel, puis la Cour de cassation devaient être saisies, le débat pourrait s’orienter sur l’existence d’une obligation pesant sur le bailleur de garantir la commercialité des lieux loués. C’est une prétention à laquelle elle a jusqu’à ce jour résisté. L’arrêt fondateur posait que le bailleur, propriétaire d’un centre commercial ou d’une galerie marchande, n’avait pas, à l’égard des dispositions de l’article 1719 du code civil, d’obligation en cas de désaffectation de la clientèle. Il n’a pas à garantir la forme immatérielle des lieux loués (Civ. 3e, 12 juill. 2000, n° 98-23.171, Champs Élysées Rond point [Sté] c. Grillapolis [Sté], D. 2000. 377 , obs. Y. Rouquet ; RDI 2000. 613, obs. J. Derruppé , JCP E 2000, 1959, JCP N 2001, 66, obs. M. Keita ; Loyers et copr. 2000. 274). Seule une stipulation au bail peut, en l’état de la jurisprudence, fonder une telle prétention (v. en ce sens Nancy, 2e ch., 4 févr. 1998 ; Paris, 16e ch. A, 7 oct. 1998, D. 1998. IR 242 ; D. Affaires 1998. 1843, obs. Y. R. ; JCP E 1998, n° 52, p. 2046 ; ibid. 1999, 1868, n° 19, obs. J. M. ; 28 juin 2005, Loyers et copr. copr. 2005, n° 203, obs. P. Pereira ; Civ. 3e, 26 mai 2016, n° 15-11.307, Gaz. Pal. 5 juill. 2016, p. 52 ; JCP E 2016. 1628, n° 5, et les obs. sur la qualification d’obligation de moyens de l’obligation de maintien d’un environnement commercial favorable). En revanche, lorsque la dégradation résulte de la faute du bailleur, sa responsabilité est susceptible d’être engagée (Civ. 3e, 23 janv. 2020, n° 18-19.051, AJDI 2020. 286 ).
Force est d’admettre la solidité du raisonnement mené par le tribunal, même si, en l’espèce, sa sévérité peut paraître rude. Dans une certaine mesure, cela vient renforcer la rigueur du raisonnement.
Et si l’État était le responsable des dommages qu’il ordonne ?
En dépassant le jugement, et en observant les différents textes accumulés depuis le printemps 2020, il est étonnant que la querelle ne se soit pas portée vers l’origine des maux. Non pas de la covid-19 elle-même – bonne chance à qui voudrait poursuivre la République de Chine ! – mais la République française qui décide avec une remarquable rouerie que telle catégorie de personne devrait supporter les conséquences économiques et financières de sa gestion de la pandémie. Affirmer dans la loi que l’État n’assumera que 50 % de la perte de loyers lorsque le bailleur aura eu la bonté de renoncer à percevoir le loyer dû est une forme de reconnaissance de la responsabilité de la République. Même si le Conseil constitutionnel considère que les atteintes au droit de propriété sont légitimes, ce n’est que si celles-ci restent mesurées. Il serait intéressant de savoir si la perte de 50 % de son revenu, voire plus si l’on devait suivre les propositions tendant à faire supporter au bailleur la totalité de la perte résultant du fait du prince (v. en dernier lieu, à propos d’une indemnité d’éviction d’un montant supérieur à la valeur vénale du bien loué, décr. n° 2020-887, QPC, 5 mars 2021, Dalloz actualité, obs. Y. Rouquet [à paraître]).
On suivra avec un vif intérêt les joutes doctrinales qui ne manqueront pas de se développer à propos de ce jugement.
Ndlr : concernant la même décision, v. J.-D. Barbier, Loyers commerciaux en temps de pandémie : double peine et triple erreur, Dalloz actualité, Droit en débats, 9 mars 2021

Cette date est celle à laquelle, par son arrêt Fédération des promoteurs immobiliers (CE 8 juill. 2016, req. n° 389745, Lebon T. ; AJDA 2016. 1428 ; RTD eur. 2017. 335, obs. A. Bouveresse ), la haute juridiction a reporté l’entrée en vigueur du décret du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal.
Le Conseil d’État était saisi du pourvoi de la société Tradi Art Construction contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant sa demande d’annulation des amendes administratives qui lui avaient été infligées pour manquement aux obligations qui lui incombaient, en tant que donneur d’ordres, en vertu du décret du 30 mars 2015.
Il résulte de l’article L. 1262-2-1 du code du travail, issu de la loi n° 2014-790 du...

Cette date est celle à laquelle, par son arrêt Fédération des promoteurs immobiliers (CE 8 juill. 2016, req. n° 389745, Lebon T. ; AJDA 2016. 1428 ; RTD eur. 2017. 335, obs. A. Bouveresse ), la haute juridiction a reporté l’entrée en vigueur du décret du 30 mars 2015 relatif à la lutte contre les fraudes au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal.
Le Conseil d’État était saisi du pourvoi de la société Tradi Art Construction contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Paris rejetant sa demande d’annulation des amendes administratives qui lui avaient été infligées pour manquement aux obligations qui lui incombaient, en tant que donneur d’ordres, en vertu du décret du 30 mars 2015.
Il résulte de l’article L. 1262-2-1 du code du travail, issu de la loi n° 2014-790 du...

par Leila Admile 8 mars 2021
Décr. n° 2021-192, 22 févr. 2021, JO 23 févr.
L’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 a institué un fonds de solidarité pour les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales liées à la crise sanitaire. Ce fonds prévoit l’allocation d’aides financières destinées à compenser la perte subie du chiffre d’affaires, sous conditions d’éligibilité et d’attribution et sur la base d’éléments déclaratifs. Le décret d’application n° 2020-371 du 30 mars 2020 a apporté de nombreuses précisions quant au champ d’application du dispositif, aux conditions d’éligibilité et d’attribution des aides, à leur montant et aux conditions de fonctionnement et de gestion de ce fonds. Il a déjà été modifié à de nombreuses reprises. Le décret du 22 février 2021 lui apporte de nouvelles modifications.
Prolongation des délais de...
Si, sur le front du marché immobilier francilien, l’année 2020 a été compliquée, elle enregistre un retrait limité par rapport à l’année 2019, année de tous les records.
Le 6 décembre 2017, l’organisation Bezos Family Foundation dépose la marque internationale désignant l’Union européenne portant sur le signe verbal VROOM n° 1413419 pour des « logiciels, à savoir applications mobiles pour la mise à disposition de jeux et d’activités d’information, d’apprentissage et d’éducation dans le domaine du développement de la petite enfance et de l’éducation de la petite enfance ». L’établissement public SNCF Mobilités forme opposition à cette demande d’enregistrement le 27 avril 2018 en se fondant sur la marque française antérieure POP & VROOM, n° 164312202, enregistrée le 3 mars 2017, notamment pour des logiciels et des applications mobiles. Le 17 avril 2019, la division d’opposition de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) fait droit à l’opposition et rejette la marque contestée VROOM. Le 12 juin 2019, l’organisation déposante forme un recours auprès de l’EUIPO, mais celui-ci est rejeté par une décision du 20 novembre 2019. L’organisation déposante saisit donc le Tribunal de l’Union européenne pour que sa marque VROOM puisse être enregistrée.
Dans sa décision du 24 février 2021, le Tribunal de l’Union européenne confirme la décision de la chambre des recours de l’EUIPO en se focalisant sur la rédaction du libellé des produits de la marque antérieure POP & VROOM. En faisant une lecture strictement conforme du libellé déposé, le juge va aussi bien écarter l’argumentation de l’organisation demanderesse quant à la comparaison des produits que celle des signes.
L’impact de la lecture du libellé des produits dans la comparaison des produits en cause
Pendant plus de trois ans, l’organisation déposante aura interprété le libellé des produits de la marque antérieure. Au lieu de l’apprécier tel que déposé, c’est-à-dire pour des « logiciels » et des « applications mobiles », cette dernière en a fait une lecture biaisée (v. CJUE 15 mai 2014, Louis Vuitton Malletier c. OHMI, aff. C-97/12 P, pt 96, D. 2015. 230, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz...
Une initiative sénatoriale
En octobre 2020, le Conseil constitutionnel avait sanctionné l’article 144-1 du code de procédure pénale, car « aucun recours devant le juge judiciaire ne permet[tait] au justiciable d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire ». Le Conseil avait donné au législateur jusqu’au 1er mars pour agir. Le gouvernement pensait introduire cette réforme dans le projet de loi Parquet européen, mais il s’était fait refuser l’amendement comme cavalier législatif. Il a ensuite laissé pourrir la situation jusqu’à ce que François-Noël Buffet, le président de la commission des lois du Sénat, dépose sa proposition de loi. Interrogé par Dalloz actualité, le sénateur indique : « J’ai pris l’initiative de déposer un texte, proche de celui que souhaitait le gouvernement. Ce dernier s’est déclaré intéressé et a déclaré la procédure accélérée. » Après son passage au Sénat, le texte sera étudié en séance à l’Assemblée nationale dès le 19 mars.
Une nouvelle voie de recours
Selon le dispositif, tout détenu qui jugera ses conditions de détention « contraires à la dignité de la personne humaine » pourra saisir le juge de l’application des peines ou, s’il est en détention provisoire, le juge des libertés et de la détention. « Si les allégations figurant dans la requête sont circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu’elles constituent un commencement de preuve que les conditions de détention de la personne ne respectent pas la dignité de la personne », le juge déclare alors la requête recevable. Il pourra alors faire procéder aux vérifications nécessaires et recueillir les observations de l’administration pénitentiaire dans un délai compris entre trois et dix jours.
Toutefois, contrairement aux recours devant le tribunal administratif qui resteront possibles, le juge ne pourra enjoindre à l’administration de prendre des mesures déterminées. Cette dernière sera seule compétente pour apprécier les moyens à mettre en œuvre. Le recours ne sera pas non plus indemnitaire. Si, à l’issue du délai, le juge constate qu’il n’a pas été mis fin aux conditions indignes, le détenu pourra être transféré, bénéficier d’une libération conditionnelle ou d’un aménagement de peine. Toutefois, le juge pourra ne rien ordonner si le détenu s’est opposé au transfèrement proposé (sauf s’il s’agit d’un condamné et que ce transfèrement aurait causé un éloignement familial trop important).
Un dispositif centré sur le transfèrement
C’est l’Observatoire international des prisons (OIP) qui, à l’issue d’une longue stratégie contentieuse, a conduit à la décision du Conseil constitutionnel. Pour Nicolas Ferran, responsable du pôle contentieux de l’association, « le dispositif crée une voie de recours en asséchant toute possibilité de sortie, car il est centré sur le transfèrement. Si les détenus doivent mettre en balance leurs conditions en détention avec le risque d’être transféré, il est possible qu’ils puissent avoir plus à perdre qu’à gagner. J’espère me tromper, mais je pense que cette nouvelle voie sera peu utilisée ».
Pour François-Noël Buffet, « le transfert est une possibilité, en aucun cas une obligation. Si le détenu ne veut pas être transféré, il ne le sera pas. L’enjeu est ici de créer une procédure qui permette à un détenu de saisir un juge judiciaire. Je vois mal les magistrats ensuite se désintéresser de la solution prise. Mais cette nouvelle voie n’est pas un moyen détourné de demander une mise en liberté ».
Autre point soulevé par l’OIP : la difficulté de créer une voie de recours individuelle quand le problème de l’indignité des conditions de détention et de la surpopulation est structurel. François-Noël Buffet en convient : « Ce texte n’a pas vocation à régler, en général, le problème de la surpopulation carcérale. Il a vocation à répondre à une injonction du Conseil constitutionnel et créer une voie de droit. La question de la surpopulation est plus globalement une question de la politique pénale et d’exécution des peines. »

Restrictions à la libre circulation des représentants du personnel dans les locaux de travail en cas d’abus
L’employeur peut apporter des restrictions à la libre circulation des représentants du personnel élus et délégués syndicaux dès lors que les comportements des salariés grévistes, apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel, causent un trouble manifestement illicite.
Le code du travail consacre le principe selon lequel les représentants du personnel élus et les délégués syndicaux peuvent circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, notamment auprès d’un salarié à son poste de travail, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés (C. trav., art. L. 2143-20, L. 2315-5, L. 2325-11).
Si cette liberté est d’ordre public, elle n’est pas sans limites, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans sa décision du 10 février 2021. Elle peut en effet donner lieu à restrictions au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus. Il en est de même en cas de mouvement de grève.
C’est précisément sur cette question de la liberté de circulation dans l’entreprise pendant un mouvement de grève que se prononce la Cour de cassation dans la présente affaire.
Une mobilisation avait été déclenchée par des salariés d’une société prestataire d’un établissement hôtelier. L’employeur avait imposé des restrictions provisoires. Il avait d’abord interdit l’accès à l’hôtel, puis, quelques jours plus tard, avait conditionné l’accès (entrée sans sifflets, ni mégaphone, ni chasubles ; contact à distance par un membre de la direction ou de la sécurité, interdiction d’entrée dans les chambres d’hôtel sans autorisation).
Les salariés et une organisation syndicale ont saisi le président du tribunal de grande instance en invoquant l’entrave et les atteintes au droit de grève dont ils auraient été l’objet.
La chambre sociale approuve la cour d’appel d’avoir jugé que les restrictions mises en place par l’employeur étaient justifiées et proportionnées.
En l’espèce, sans remettre en cause la légitimité d’une action revendicative des représentants du personnel et syndicaux, pouvant s’exercer sous la forme d’une cessation collective et concertée du travail, les juges d’appel ont relevé qu’il avait été constaté, notamment par des actes d’huissier, de la part des représentants participant au mouvement de grève des comportements apportant une gêne anormale au travail des salariés et à la clientèle de l’hôtel (usage de mégaphone et montée dans les étages de l’hôtel pour interpeller les salariés non grévistes, distribution de tracts aux clients, cris et usage de sifflets, montée dans les étages de l’hôtel pour intimider les salariés non grévistes ; entrée de force dans une chambre de l’hôtel).
Ces comportements ont été jugés abusifs et constitutifs, par conséquent, d’un trouble manifestement illicite.
La décision de la Cour de cassation emporte l’adhésion. L’essence même du droit de grève est d’exercer une certaine pression sur l’employeur. Dans cette perspective, l’occupation des locaux par les salariés grévistes n’est pas en elle-même illicite. En revanche, dès lors qu’il résulte de cette occupation une entrave à la liberté du travail des salariés non grévistes (Soc. 8 oct. 2014, n° 13-18.873, Dalloz actualité, 30 oct. 2014, obs. W. Fraisse ; D. 2014. 2054 ), une atteinte à la libre circulation des personnes, une atteinte à la sécurité des personnes et des biens (Soc. 26 févr. 1992, n° 90-16.272) ou encore une atteinte à l’outil de travail, elle cause nécessairement un trouble manifestement illicite, justifiant la mise en place de restrictions par l’employeur à la libre circulation des représentants du personnel élus et délégués syndicaux. Ces restrictions doivent cependant être proportionnées aux abus.
L’interdiction faite aux salariés grévistes d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique ne relève pas du juge judiciaire
En l’espèce, après avoir constaté que les grévistes faisaient une utilisation abusive de matériels sonores aux fins notamment d’apporter une gêne aux clients de l’hôtel, la cour d’appel a fait droit à la demande de l’employeur d’interdire aux salariés grévistes et à toute personne agissant de concert avec eux d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique, en deçà d’un périmètre de 200 mètres autour de l’hôtel et à être autorisé à défaut à faire appel à la force publique.
Cette position est censurée par la Cour de cassation, laquelle considère que, sauf disposition spéciale, le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir dans ce cadre des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique.
Pour ce faire, la haute juridiction excipe du principe de séparation des pouvoirs consacré par la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.

L’ordre des avocats du barreau de Montpellier a saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une requête visant essentiellement à ordonner la suspension de l’exécution de l’article 4 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 en tant qu’il ne prévoit pas de dérogation au couvre-feu instauré de 18 h à 6 h du matin afin d’effectuer des déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit, pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance. La Conférence des bâtonniers, les ordres des avocats du barreau de la Guyane, de Melun, de Périgueux, de Reims, de Seine-Saint-Denis, de Paris, de Béziers, de Meaux, de La Rochelle-Rochefort, de Toulon, le Conseil national des barreaux, le Syndicat des avocats de France (SAF) et la Fédération nationale des unions des jeunes avocats (FNUJA) se sont joints à l’action engagée par l’ordre montpelliérain par des mémoires en intervention.
Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi sur le fondement du référé-liberté prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative qui impose au juge de se prononcer dans un délai de quarante-huit heures. Pour rappel, ce référé particulier suppose pour l’essentiel que soient réunies deux conditions : d’une part, l’urgence et, d’autre part, une atteinte grave et manifestement illégale portée par l’administration à une liberté fondamentale. La première condition tenant à l’urgence ne faisant pas débat, notre commentaire portera sur l’intérêt qu’offre cette décision sur le fond. Nous nous proposons de l’analyser, d’une part, au regard de la liberté fondamentale en cause et, d’autre part, quant au contrôle opéré par le juge des référés au cas de l’espèce.
La liberté fondamentale en cause : l’accès effectif à un avocat versus l’accès au droit par le citoyen-justiciable
Le juge administratif a eu l’occasion d’indiquer que relevaient d’une liberté fondamentale au sens où l’entend l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit au recours effectif (CE 30 juin 2009, req. n° 328879, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales c. Beghal, Dalloz actualité, 23 juill. 2009, obs. C. Biget ; Lebon ; AJDA 2009. 1344 ), la possibilité de garantir de manière effective sa défense devant une juridiction (CE, réf., 3 avr. 2002, Kurtarici, n° 244686 ; dans le même sens, CE 18 sept. 2008, n° 320384, Mohamed Chouaïb Benzineb, Lebon ), le droit pour l’avocat d’accéder librement à des locaux d’une préfecture pour assurer sa mission d’assistance et de représentation de clients étrangers (TA Cergy, ord., 10 déc. 2020, n° 20212496, Dalloz actualité, 17 déc. 2020, obs. P. Lingibé).
La place donnée à l’avocat au niveau européen mérite d’être soulignée. La Cour européenne des droits de l’homme rappelle ainsi que « la liberté des avocats d’exercer leur profession sans entraves est un des éléments essentiels de toute société démocratique et une condition préalable à l’application effective de la Convention, en particulier la garantie d’un procès équitable et le droit à la sécurité personnelle » (CEDH 13 nov. 2003, Elçi c. Turquie, n° 23145/93, § 669). Elle va préciser ainsi le « rôle de l’avocat, considéré comme collaborateur de la justice et appelé à fournir, en toute indépendance et dans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance dont le client a besoin » (§ 24) et préciser que « les avocats occupant une situation centrale dans l’administration de la justice et leur qualité d’intermédiaire entre les justiciables et les tribunaux permettant de les qualifier d’auxiliaires de justice » (§ 42) (CEDH 24 juill. 2008, André et autres c. France, n° 1860303).
Le juge du Palais-Royal a eu l’occasion de se prononcer sur le rôle majeur de l’avocat s’agissant des conditions de l’exercice de son activité et de l’indépendance qui doit présider à celle-ci. Ainsi, il a sanctionné une délibération à caractère normatif (article 1er de la décision des 1er et 2 juillet 2016 du Conseil national des barreaux en tant qu’il modifiait les dispositions de l’article 15.2.2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat) modifiant le Règlement intérieur national (RIN) du Conseil national des barreaux qui permettait à un avocat de domicilier de façon permanente et effective une partie de son activité dans les locaux d’une entreprise, de telles dispositions ayant été jugées « susceptibles de placer les avocats concernés dans une situation de dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l’entreprise qui les héberge et mettent ainsi en cause les règles essentielles régissant la profession d’avocat d’indépendance et de respect du secret professionnel » (CE 29 janv. 2018, n° 403101, Conférence des bâtonniers et autre, Dalloz actualité, 16 févr. 2018, obs. G. Deharo ; Lebon ; AJDA 2018. 189 ; ibid. 634 , concl. L. Dutheillet de Lamothe ; D. 2019. 91, obs. T. Wickers ; D. avocats 2018. 109, obs. F. G’sell ; v. également notre article commentant cet arrêt intitulé « Le juge du Palais Royal : protecteur de l’indépendance matérielle et fonctionnelle de l’avocat … », Village de la Justice, 23 févr. 2018).
Nous constatons qu’au terme de cette jurisprudence, l’accès à l’avocat constitue un droit mais également une garantie d’ordre démocratique. Dans son considérant 6, le juge des référés a acté de l’impossibilité pour un citoyen de venir chez un avocat en dehors de la plage horaire décrétée applicable à toutes et à tous : « Il résulte des ces dispositions […] qu’il n’existe, en l’état, aucune dérogation spécifique permettant aux personnes de se trouver hors de leur lieu de résidence pour se rendre chez un professionnel du droit, en dehors des exceptions générales par ailleurs prévues par ces dispositions ». Deux difficultés existaient en l’espèce qui ont été présentées par le barreau de Montpellier et les autres requérants. La première vient du fait que l’interdiction de tout déplacement hors de son lieu de résidence à partir de 18 heures en dehors des exceptions prévues pose une difficulté sérieuse pour toutes les personnes qui ont des horaires professionnels contraignants au cours de la journée. De plus, la consultation d’un avocat par téléconférence depuis son domicile, comme le préconise la chancellerie, n’est pas matériellement applicable pour une partie de la population, notamment comme le relève le juge des référés, « lorsque le domicile est partagé alors qu’est en cause un différend familial ou privé ». À cela s’ajoute une deuxième difficulté qui créait une discrimination entre les sujets de droit. Ainsi, l’exception mentionnée au 1° du texte critiqué pour les déplacements professionnels portait atteinte à « l’équilibre des armes entre les parties à un procès, du fait que l’une des parties pourrait être regardée comme un professionnel bénéficiant d’un dispositif de liberté de mouvement alors que le non-professionnel, le citoyen lambda, ne disposait d’aucune liberté de déplacement, en particulier dans le cas il y avait une urgence pour une audience imminente ».
Une troisième difficulté, liée à l’activité soutenue des avocats, doit être mise en exergue. En effet, comme le relève le juge des référés dans sa décision, « les avocats étant, en particulier pour certaines spécialités, astreints à être présents aux audiences pendant les heures non soumises à couvre-feu, ils ne peuvent, en pratique, recevoir leurs clients qu’entre 18 heures et 20 heures, voire 21 heures, et se trouvent donc placés dans l’impossibilité de le faire par la mesure en cause ». Rappelons que la version initiale du décret du 29 octobre 2020 prévoyait une exception expresse pour se rendre chez un professionnel du droit. Enfin, une quatrième difficulté apparaissait également. Elle venait du fait que les horaires décrétés ont amené les bâtonniers à solliciter auprès des préfets des départements des dérogations pour que les avocats reçoivent après 18 heures les clients. Quelques préfets ont joué le jeu en délivrant des autorisations, certains se ravisant à la suite de propos tenus par le garde des Sceaux excluant toute dérogation particulière à ce niveau. Cependant, cette situation entraînait une inégalité d’accès à l’avocat entre les territoires, laquelle dépendait en l’occurrence du bon vouloir de l’autorité préfectorale départementale sollicitée et portait ainsi atteinte au principe d’égalité. L’exercice d’une liberté publique ne peut être à géométrie variable au sein de la République d’un territoire à l’autre, sauf à compromettre les fondements de l’État de droit. L’administration n’a manifestement pas compris cela, ce qui nous paraît extrêmement grave. De plus, de sérieux doutes pouvaient être émis quant à la légalité des dérogations préfectorales délivrées. En effet, en matière de police administrative, une autorité de police de niveau inférieur ne peut qu’aggraver une mesure d’une autorité de police de niveau supérieur ; elle ne peut jamais la rendre plus douce (CE 18 avr. 1902, n° 04749, Commune de Néris-les-Bains, Lebon ), sauf dispositions dérogatoires contraires et particulières (Il existe ainsi des dérogations particulières pour les représentants de l’Etat exerçant dans les collectivités énumérées au deuxième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution. Il s’agit d’une part, des cinq départements et régions d’outre-mer (DROM) que constituent la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte et d’autre part, les collectivités d’outre-mer (COM) que sont Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française. La Nouvelle-Calédonie ne relève de cette catégorie duale mais dispose d’un titre XIII dans la Constitution) : un préfet de département ne peut ainsi en sa qualité d’autorité de police générale prendre des dispositions plus permissives que celles décidées par une autorité ministérielle.
Le contrôle exercé par le juge du référé-liberté en période d’état d’urgence sanitaire
Il convient de préciser avant tout que le dispositif de l’état d’urgence sanitaire fait intervenir seulement trois autorités de police précises avec des compétences bien déterminées. En premier, on trouve le Premier ministre, qui dispose de manière native d’un pouvoir réglementaire général déjà reconnu par l’article 21 de la Constitution. Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, l’article L. 3131-15 du code de la santé publique lui permet en plus de prendre dix mesures de police administrative conduisant à des restrictions des libertés dans différents domaines (interdiction de sortir de son domicile, mise en quarantaine, etc.). La deuxième autorité à intervenir en matière est le ministre chargé de la santé : l’article L. 3131-16 du code de la santé publique lui permet de prescrire principalement, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, ce qui est à très large spectre. Enfin, sur le plan local, on a les préfets des départements, qui interviennent sur habilitation des deux autorités précédentes en application de l’article L. 3131-17 du code de la santé. Il convient de noter que le garde des Sceaux n’a de ce fait aucune prérogative particulière, n’étant pas une autorité de police administrative générale ou spéciale. D’ailleurs, la requête en référé-liberté portait sur les dispositions du I de l’article 4 du décret du 29 octobre 2020 dans sa rédaction modifiée par le décret du 15 janvier 2021, texte faisant intervenir en réalité essentiellement le Premier ministre et le ministre de la Santé (le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire est signé par le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé, le ministre de l’intérieur et le ministre des outre-mer). Seul le ministre de la Santé a produit un mémoire en défense dans l’instance qui nous préoccupe, lequel, pour la défense de l’administration, indiquait que, l’épidémie de covid-19 évoluant de façon préoccupante au niveau national et international, notamment du fait de l’émergence de nouveaux variants, celui-ci expliquait l’instauration d’un couvre-feu sans dérogation pour les déplacements chez un professionnel du droit qui était nécessaire et proportionné à la situation épidémique. Cependant, à l’audience, plusieurs représentants du ministère de la Justice étaient présents pour défendre de manière offensive par rapport au représentant du ministère de la Santé, cela alors que la chancellerie occupait une place inversement proportionnelle à son absence dans la procédure de cette affaire.
Cela étant souligné, il convient de rappeler que toutes les mesures qui sont prises par les trois autorités précitées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » (le III de l’article L. 3131-15 du code la santé publique précise : « Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risque sanitaires encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires). C’est le juge administratif qui est, à ce niveau, en tout premier lieu le gardien des libertés contre l’excès de telles décisions au travers des recours que constituent le référé-suspension (l’article L. 521-1 du code de justice administrative auquel renvoie l’article L. 3131-18 du code la santé publique) et le référé-liberté (l’article L. 521-2 du code de justice administrative auquel renvoie l’article L. 3131-18 du code la santé publique). Le Conseil d’État utilise ici la même grille de contrôle des mesures de police sanitaires que celle posée pour les mesures de police générale dans son arrêt de principe Benjamin rendu par le Conseil d’État le 19 mai 1933, n° 17413, Lebon , avec la célèbre formule donnée par monsieur le commissaire du gouvernement Michel : « la liberté est la règle, la restriction de police l’exception ». Cette grille s’est particulièrement étayée par la suite, le juge du Palais-Royal soumettant toute mesure de police à un contrôle de proportionnalité sur trois critères : la mesure doit être adaptée à la situation donnée, nécessaire au règlement de cette situation et enfin proportionnée à l’ordre public qu’elle a vocation à assurer (CE 26 oct. 2011, n° 317827, Association pour la promotion de l’image, Dalloz actualité, 27 oct. 2011, obs. R. Grand ; Lebon avec les conclusions ; AJDA 2012. 35 , chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2036 ; D. 2011. 2602, et les obs. ; RFDA 2012. 377, chron. L. Clément-Wilz, F. Martucci et C. Mayeur-Carpentier ). Le juge constitutionnel applique également ces critères (Cons. const. 21 févr. 2008, n° 2008-562 DC, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, Dalloz actualité, 25 févr. 2008, obs. E. Allain ; AJDA 2008. 714 , note P. Jan ; D. 2008. 1359, chron. Y. Mayaud ; ibid. 2025, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2009. 123, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; Constitutions 2010. 235, obs. M. Disant ; RSC 2008. 731, note C. Lazerges ; ibid. 2009. 166, obs. B. de Lamy ). En l’espèce, le juge des référés du Palais-Royal relève que « l’interdiction de toute dérogation spécifique pour consulter un professionnel du droit et en particulier un avocat au-delà de 18 heures est de nature à rendre difficile, voire, dans certains cas, impossible en pratique l’accès à un avocat dans des conditions, notamment en termes de respect effectif du secret des échanges entre l’avocat et son client, conformes aux exigences du respect des droits de défense pour les personnes qui sont astreintes à des contraintes horaires notamment en raison de leur profession, la consultation par téléconférence depuis son domicile, même lorsqu’elle est matériellement possible, pouvant ne pas être de nature à répondre à ces exigences en particulier s’agissant d’un différend de nature familiale ou personnelle ». Cette absence de dérogation posait manifestement un problème gravissime touchant à l’accès au droit puisqu’il ne permettait pas à une personne de se rendre chez un avocat après 18 heures. Pour le juge des référés, cela constitue en l’espèce à l’évidence « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’exercer un recours effectif devant une juridiction dans des conditions assurant un respect effectif des droits de la défense et du droit à un procès équitable ». En effet, en limitant ou en rendant difficile l’accès à un avocat, l’État neutralise ainsi l’un des droits fondamentaux celui de pouvoir agir en justice, d’initier un procès, de protéger et sauvegarder ses droits. Restreindre l’accès à l’avocat, c’est nécessairement limiter, voire interdire l’accès à la justice puisque l’avocat est la pierre angulaire, l’intermédiaire de confiance à travers lequel le citoyen devient un justiciable. Dans un tel cas, nous ne sommes plus alors dans un État de droit dont la mission première est, faut-il le rappeler, de protéger et de garantir l’effectivité des droits de tous les citoyens notamment contre toute restriction injustifiée de ceux-ci ou encore toute forme d’arbitraire.
Cette ordonnance dépasse donc le cadre fonctionnel stricto sensu de l’avocat : il permet justement de percevoir la place de ce dernier dans la sphère sociétale dans sa lutte contre des dispositions qui menacent les libertés, souvent de manière insidieuse. L’ordonnance rendue présentement à l’initiative de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier et des autres requérants venus en soutien de cette action est venue protéger l’effectivité de l’accès au droit à travers notamment l’accès à un avocat sans lequel il ne peut y avoir de véritable État de droit.
Le Premier ministre et le ministre de la Santé ont tiré immédiatement les conséquences de cette importante décision rendue par le juge des référés. En effet, l’article 2 du décret n° 2021-248 du 4 mars 2021 modifie l’article 4 du décret du 29 octobre 2020, objet du référé-liberté. Ainsi, le 5° du I de cet article a été complété (en gras) et est libellé de la manière suivante : « 5° Déplacements pour répondre à une convocation judiciaire ou administrative ou pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ». De même, au 3° du II de cet article 2, les mots « ou chez un professionnel du droit » ont été supprimés, ce qui donne la rédaction actualisée suivante : « 3° Déplacements pour se rendre dans un service public pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ».
Si la restitution des fruits générés par le bien depuis la vente constitue une conséquence légale de l’anéantissement du contrat, le juge ne peut la prononcer d’office dès lors qu’une telle restitution est subordonnée à la bonne foi du possesseur.
Dans la version adoptée à l’Assemblée nationale le 24 novembre 2020, il est prévu, « sans préjudice du droit d’informer », de pénaliser d’un an de prison et 45 000 € d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention lorsque celle-ci a pour « but manifeste » de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Selon les auteurs de la proposition de loi, cet article a été rendu nécessaire par la diffusion de vidéos de forces de l’ordre sur internet, qui pouvait entraîner menaces ou agressions contre le fonctionnaire concerné.
Pour le ministre de l’Intérieur, la mesure permettait de « protéger ceux qui nous protègent ». À l’inverse, ses opposants y voyaient une disposition « liberticide » qui empêcherait de filmer les policiers et les gendarmes lors d’interventions de sécurité. Ont été en particulier dénoncées les potentielles atteintes à la liberté de la presse. En outre, les opposants ont souligné un risque d’autocensure et ont regretté le caractère flou de la notion d’intentionnalité de nuire. Enfin, le choix de modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et non le code pénal, a fait l’objet de critiques.
Diffusion malveillante des images
Réunie le 3 mars, la Commission des lois du Sénat a réécrit complètement le dispositif en adoptant un amendement des deux co-rapporteurs du texte, Marc-Philippe Daubresse (LR) et Loïc Hervé (Union centriste).
Pour justifier cette réécriture, l’exposé des motifs de l’amendement adopté souligne en premier lieu le risque que toute captation d’image des forces de l’ordre en opération soit regardée juridiquement comme une diffusion malveillante. Par ailleurs, la version adoptée par les députés offrirait une protection insuffisante aux forces de l’ordre. D’une part, les sanctions prévues sont moins lourdes que celles existant pour les infractions proches figurant dans le droit pénal actuel (comme les violences volontaires de nature psychologique sur personne dépositaire de l’autorité publique, punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende). D’autre part, l’article ne sanctionne pas la diffusion d’autres éléments d’identification qui ne seraient pas des images mais qui seraient pourtant diffusés avec la même intention malveillante. De la même façon, il ne serait pas possible de poursuivre celui qui aurait diffusé un commentaire malveillant sous les images publiées, ce qui pourrait pourtant porter atteinte à l’intégrité psychique du fonctionnaire filmé.
Dans le détail, l’article adopté supprime toute référence à la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour s’inscrire dans le code pénal.
Sur le fond, la première partie de l’article adopté par les sénateurs propose de réprimer la provocation à l’identification des forces de l’ordre, et non la diffusion d’élément d’identification. Ainsi, « la provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, à l’identification d’un agent de la police nationale, d’un militaire de la gendarmerie nationale ou d’un agent de la police municipale lorsque ces personnels agissent dans le cadre d’une opération de police est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ».
La finalité est d’assurer une protection efficace des forces de l’ordre contre la volonté malveillante de les identifier à l’occasion des opérations de police tout en garantissant la liberté de la presse. Parallèlement, le champ de la protection est étendu aux membres de leur famille, en cohérence avec l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République (qui crée, en réaction à l’assassinat de Samuel Paty, un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne).
La seconde partie de l’article prévoit, conformément aux recommandations de la CNIL, la répression de la constitution de fichiers visant des fonctionnaires et personnes chargées d’un service public dans un but malveillant (cinq ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende).
Violences sur les forces de l’ordre
Outre la réécriture de l’article 24, la Commission des lois du Sénat a modifié l’article qui supprime la réduction de peine automatique prévue par l’article 721 du code de procédure pénale pour les personnes condamnées à la suite d’infractions commises à l’encontre des forces de l’ordre. Cette mesure, limitée jusqu’ici aux individus condamnés pour des faits de terrorisme, a pour objectif affiché de « mettre un frein aux agressions […] de ceux qui se battent pour notre sécurité », selon l’auteur de la proposition de loi, Jean-Michel Fauvergue.
Les sénateurs ont souhaité restreindre le champ des infractions concernées pour les recentrer sur les infractions les plus graves (meurtres ou actes de torture ou de barbarie, entre autres), en supprimant notamment les violences n’ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours. Ils ont en revanche prévu une extension des personnes au préjudice desquelles ces infractions sont commises en visant les magistrats et les personnes dépositaires de l’autorité publique. Dans la version adoptée par les députés étaient visés les personnes investies d’un mandat électif public, les agents de l’administration pénitentiaire, de la gendarmerie nationale, des douanes ou de la police nationale, les agents de police municipale et les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Enfin, pour inciter à la bonne conduite des détenus en prison, une nouvelle forme de crédits de réduction de peine a été créée pour ceux apportant des preuves suffisantes de bonne conduite.
Enfin, la Commission des lois du Sénat a confirmé l’autorisation d’accès des policiers et des gendarmes armés, en dehors des heures de service, dans des établissements recevant du public. L’objectif est de tirer les enseignements des épisodes terroristes de ces dernières années et de permettre que des personnes entraînées et armées soient présentes pour faire cesser un attentat qui se produirait dans un de ces lieux.
Ces différentes orientations doivent désormais être confirmées par l’ensemble des sénateurs lors de l’examen du texte en séance publique, les 16, 17 et 18 mars 2021.
Il incombe au constructeur de maison individuelle avec fourniture du plan de s’assurer de la nature et de l’importance des travaux nécessaires au raccordement de la construction aux réseaux publics.
L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 posait le principe selon lequel le CSE devait être mis en place au terme des mandats en cours et au plus tard le 31 décembre 2019.
Afin d’assurer progressivement le passage des anciennes institutions représentatives au CSE, l’ordonnance avait prévu une période de transition.
En particulier, l’article 9, III, avait donné la possibilité aux entreprises, lorsque le terme des mandats en cours variait selon l’institution, de les proroger ou de les réduire afin de faire coïncider leur échéance avec la date de la mise en place du comité social et économique.
Une telle décision pouvait résulter soit d’un accord collectif, soit d’une décision de l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, le cas...

Près d’un an et demi après l’avoir votée à l’unanimité, le Sénat a adopté en seconde lecture, le 2 mars, la proposition de loi visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine (AJDA 2019. 2089 ).
Les quelques modifications apportées par les députés en janvier 2020 à ce texte très consensuel constituent un « bon compromis » selon le rapport de Sabine Drexler. Toutefois, le Sénat ne pouvait pas voter le texte conforme. En effet, les...

L’exercice de la tierce-opposition dans le contexte d’une procédure collective est source d’un important contentieux (v. Com. 20 janv. 2021, n° 19-13.539, Bull. civ. IV, à paraître ; Dalloz actualité, 3 févr. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 132 ; Rev. sociétés 2021. 201, obs. L. C. Henry ). En règle générale, les difficultés soulevées par cette voie de recours exceptionnelle portent sur ses conditions de fond (par ex., Com. 26 janv. 2016, n° 14-11.298, Bull. civ. IV, n° 16 ; D. 2016. 309, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; RTD com. 2016. 859, obs. J.-L. Vallens ; 15 nov. 2017, n° 16-14.630, Bull. civ. IV, n° 154 ; Dalloz actualité, 30 nov. 2017, obs. M. Kebir ; D. 2017. 2366 ; RTD com. 2018. 1024, obs. H. Poujade ). Or, l’arrêt ici rapporté se démarque de cette habitude, car il s’intéresse aux conditions de forme de la tierce-opposition.
En la matière, nous savons notamment que les décisions arrêtant ou modifiant un plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution d’un de ces plans sont susceptibles de tierce-opposition de la part d’un créancier (C. com., art. L. 661-3), à condition pour ce dernier de se prévaloir d’une fraude à ses droits ou d’un moyen qui lui est propre (C. pr. civ., art. 583). En outre, sauf dispositions contraires, la tierce-opposition doit être formée par déclaration au greffe dans le délai de dix jours à compter du prononcé de la décision (C. com., art. R. 661-2).
L’interprétation de la notion de « déclaration au greffe » est au cœur de l’arrêt sous commentaire.
En l’espèce, un créancier exerce une tierce-opposition à l’encontre d’un jugement arrêtant un plan de redressement judiciaire par une lettre recommandée de son conseil adressée au greffe. Ce recours ayant été jugé irrecevable, en ce qu’il ne répondait pas au mode de saisine de la juridiction prescrit par la loi, le créancier forme un pourvoi en cassation en arguant notamment d’un excès de formalisme nuisant à son droit à l’accès au juge.
Las pour le demandeur, la Cour de cassation ne souscrit pas à l’argumentaire. D’abord, elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ne peut être assimilée à la déclaration au greffe exigée à l’article R. 661-2 du code de commerce. Ensuite, elle confirme la sanction de l’irrecevabilité du mode de saisine de la juridiction ne correspondant pas à celui prescrit par la loi. Enfin, la Cour de cassation rappelle que les formalités à observer pour former un recours visent à assurer la bonne administration de la justice et la garantie, en particulier, du principe de la sécurité juridique. Elle concède, en revanche, que le respect des règles formelles ne doit pas empêcher le justiciable de se prévaloir d’une voie de recours disponible. En l’espèce, la Haute juridiction retient que les modalités formelles de la tierce-opposition, aussi strictes soient-elles, n’ont pas pour effet de priver les créanciers de l’exercice de ce recours, ceux-ci ayant toute latitude, en cas d’impossibilité pour eux de se déplacer au greffe, de mandater un avocat pour ce faire. Par conséquent, la cour d’appel, n’ayant pas fait preuve d’un formalisme excessif, n’a pas méconnu les exigences du procès équitable.
Bien qu’il ne soit pas exempt de toutes critiques, le raisonnement de la Cour de cassation est cohérent, car en retenant une interprétation stricte du formalisme requis pour l’exercice de la tierce-opposition, la Haute juridiction peut ensuite conclure à l’irrecevabilité de la déclaration ne respectant pas le mode de saisine prescrit par la loi.
L’interprétation stricte du formalisme
La solution portée par l’arrêt ici commenté ne surprendra pas les spécialistes de la matière.
En effet, la Cour de cassation avait déjà considéré que l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, d’une lettre simple ou d’une télécopie, même portant la mention de « déclaration de tierce-opposition », ne pouvait être considéré comme valant déclaration au greffe (par ex., Com. 29 avr. 2014, n° 12-20.988 NP). Autrement dit, pour la Haute juridiction, seule la déclaration au greffe au moyen d’une comparution du tiers opposant en personne ou de son avocat peut satisfaire aux formes requises par la lettre de l’article R. 661-2 du code de commerce.
Cette interprétation restrictive de la notion de « déclaration au greffe » peut toutefois être discutée.
En l’espèce, la Cour de cassation cantonne la notion de déclaration au greffe à l’hypothèse...
Peu importe que la construction, dont le permis de construire a été annulé, ait été édifiée avant un classement en zone inondable, il suffit qu’à la date où le juge statue, elle soit située dans un périmètre classé en zone inondable pour en justifier sa démolition.
Les consorts O. ont été autorisés, en vertu d’un permis de construire initial délivré le 24 décembre 2010, puis d’un permis modificatif délivré le 1er février 2011, à édifier une maison d’habitation sur un terrain leur appartenant.
Par un arrêté préfectoral du 28 février 2012, le Plan de prévention du risque inondation (PPRI) sur la commune de Nîmes a été approuvé et a classé la parcelle des consorts O. en zone inondable rouge avec un « aléa très fort ».
À la demande de la société L., les deux permis de construire de 2010 et 2011 ont été annulés le 10 avril 2015 par la juridiction administrative, qui a considéré que le projet portait atteinte à la sécurité publique.
La société L., impactée par les constructions des Consorts O., a assigné ces derniers en démolition des constructions dont les permis de construire ont été annulés.
La cour d’appel de Nîmes, dans un arrêt du 19 décembre 2019, a condamné les consorts O. à procéder à la démolition de leur construction située à Nîmes, a assorti cette condamnation d’une astreinte de 500 € par jour de retard durant six mois et a condamné les consorts O. à payer à la société L. la somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts.
Les consorts O., insatisfaits de la décision de la cour d’appel de Nîmes, se sont pourvus devant la Cour de cassation, qui a rejeté l’ensemble des moyens de leur pourvoi.
Dans la décision rapportée, la Cour de cassation précise les conditions dans lesquels les tiers peuvent agir en démolition et les conditions de démolition d’une construction dont le terrain a été classé en zone inondable postérieurement à sa construction.
Action des tiers en démolition lorsque la construction est située dans une zone de protection particulière
Pour répondre à la question qui lui était soumise, la Cour de cassation commence par préciser les règles prévues dans le code de l’urbanisme relatives à l’action des tiers en démolition.
La troisième chambre civile rappelle que l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi « Macron » du 6 août 2015, limite l’action...

Le nombre considérable d’études consacrées à l’analyse des liens entre le droit des entreprises en difficulté et la procédure civile témoigne de l’appétence de la doctrine pour les interactions entre ces deux branches du droit. En la matière, la jurisprudence met en lumière des problématiques récurrentes d’ordre procédural au sein du contentieux des procédures collectives. À n’en pas douter, l’arrêt ici rapporté suscitera la réflexion et ne manquera pas d’attiser la flamme, déjà vive, des difficultés liées aux aspects procéduraux de la matière.
En l’espèce, par un jugement du 13 février 2018, un dirigeant et une société holding luxembourgeoise sont condamnés à supporter solidairement une partie de l’insuffisance d’actif d’une société en liquidation judiciaire. En outre, il a été prononcé à l’encontre du dirigeant une mesure d’interdiction de gérer. Ce dernier et la société holding ont interjeté appel et ont sollicité l’arrêt de l’exécution provisoire du jugement de condamnation. Las, par une première ordonnance, le premier président de la cour d’appel va rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire et par une seconde ordonnance, rectifier la première, en ajoutant la mention du « curateur » de la société holding luxembourgeoise en sa qualité d’intervenant volontaire.
Le dirigeant condamné et le curateur se pourvoient en cassation contre ces deux ordonnances.
La réponse de la Cour de cassation revêt les habits d’un principe et mérite, à ce titre, d’être retranscrite au sein de ce commentaire.
Pour la Haute juridiction, l’article R. 661-1 du code de commerce « n’ouvrant pas, par une disposition spéciale, la voie du recours en cassation contre la décision d’un premier président de cour d’appel saisi d’une demande tendant à arrêter l’exécution provisoire facultative d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer, il y a lieu [conformément à l’art. R. 662-1, 1°, c. com.], d’appliquer l’article 525-2 du code de procédure civile, selon lequel les décisions arrêtant ou refusant d’arrêter l’exécution provisoire ne peuvent, en droit commun, faire l’objet d’un pourvoi. Il en est, par conséquent, de même de celles qui rectifieraient une erreur matérielle affectant de telles décisions. Il n’est fait exception à l’interdiction du recours en cassation qu’en cas d’excès de pouvoir ».
Ainsi, en relevant que les demandeurs n’invoquent aucun excès de pouvoir, la Cour de cassation en déduit que les pourvois sont irrecevables.
Cette irrecevabilité concerne tant le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, que celui exercé sur l’ordonnance rectificative.
L’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée
L’arrêt ici rapporté mérite l’approbation, bien que sa lecture ne soit pas aisée du fait du renvoi à un nombre conséquent de textes. À ce stade de l’analyse, nous nous concentrerons sur l’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée.
Le premier texte visé par l’arrêt est l’article R. 661-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable aux faits de l’espèce, c’est-à-dire celle antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 entré en vigueur le 1er janvier 2020.
Cet article prévoit que les jugements et ordonnances rendus en matière de procédure collective sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. Par exception, le deuxième alinéa du texte prévoit notamment que les jugements et ordonnances rendus en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif (C. com., art. L. 651-2) et de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer (C. com., art. L. 653-8) ne sont pas exécutoires de plein droit à titre provisoire. Pour que ces jugements produisent un tel effet, le juge doit l’ordonner.
En l’espèce, les jugements de condamnation en responsabilité pour insuffisance d’actif et en interdiction de gérer étaient effectivement assortis de l’exécution provisoire et les demandeurs en sollicitaient l’arrêt sur le fondement du troisième alinéa de l’article R. 661-1 du code de commerce.
Ce passage de l’article est important pour la compréhension de l’argumentation des demandeurs au pourvoi.
Ce texte prévoit que le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux (C. com., art. R. 661-1, al. 3 – par ex., Com. 5 févr. 2008, n° 07-15.011, Bull. civ. IV, n° 29 ; D. 2008. 607 , obs. A. Lienhard ; Rev. sociétés 2008. 426, note P. Roussel Galle ). Cet article déroge expressément au droit commun de la procédure civile dans sa version applicable aux faits de l’espèce. En effet, l’article 524 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, prévoyait que l’arrêt de l’exécution provisoire d’un jugement ne peut être ordonné que par le premier président de la cour d’appel et lorsque l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (Comp. : depuis le 1er janvier 2020, C. pr. civ., art. 514-3 : « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives »).
Toujours en droit commun, l’article 525-2 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019 dispose que lorsque le premier président de la cour d’appel est saisi aux fins d’arrêter ou d’ordonner l’exécution provisoire d’un jugement (C. pr. civ., art. 524, 525, et 525-1), sa décision est insusceptible de pourvoi (ce texte est devenu l’art. 514-6 depuis le 1er janv. 2020).
Bien que l’arrêt ne le précise pas, nous pouvons, à partir de ces dispositions, deviner l’argumentation des demandeurs. Pour ces derniers, la recevabilité à exercer le pourvoi était acquise dans la mesure où le principe (à l’époque) édicté à l’article 525-2 du code de procédure civile, fermant la voie du pourvoi en cassation, ne s’appliquait pas aux décisions du premier président de la cour d’appel prises sur le fondement de l’article R. 661-1 du code de commerce, mais serait limité aux décisions relevant de l’ancien article 524 du code de procédure civile.
Partant, en poussant plus loin l’analyse, la Cour de cassation devait régler la question de savoir si la dérogation prévue à l’article R. 661-1, écartant le jeu de l’article 524 du code de procédure civile, était limitée aux seules conditions de fond de la décision prononçant l’exécution provisoire ou si elle s’étendait également au recours dont peut faire l’objet cette décision.
Or, en affirmant que la décision refusant d’arrêter l’exécution provisoire d’un jugement rendu en matière de responsabilité pour insuffisance d’actif et d’interdiction de gérer ne peut pas faire l’objet d’un pourvoi sauf en cas d’excès de pouvoir, la Cour de cassation a opté, à raison, d’une part, pour l’application du droit commun de la procédure civile, et d’autre part, pour la limitation de la dérogation de l’article R. 661-1 aux conditions de fond de la décision prononçant l’exécution provisoire.
Cette solution doit être pleinement approuvée.
D’abord, la Haute juridiction cantonne la dérogation prévue à l’article R. 661-1 du code de commerce aux seules conditions de fond de l’arrêt de l’exécution provisoire : si le code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret du 11 décembre 2019, exigeait la preuve des conséquences manifestement excessives, le code de commerce requiert des moyens sérieux à l’appui de l’appel. En la matière, à défaut de précisions, les règles du droit des entreprises en difficulté n’influent donc pas sur les voies de recours du droit commun.
Ensuite et à ce propos, rappelons que l’article R. 662-1, 1°, du code de commerce prévoit qu’à moins qu’il n’en soit disposé autrement les règles du code de procédure civile sont applicables aux aspects procéduraux du droit des entreprises en difficulté.
Or, l’articulation de ce texte avec la lettre de l’ancien article 525-2 du code de procédure civile est décisive. Si en l’espèce les règles du droit commun ont trouvé à s’appliquer, c’est que les dispositions du droit des entreprises en difficulté ne règlent pas spécifiquement la situation du recours ouvert pour la décision prise dans le cadre du troisième alinéa de l’article R. 661-1 du code de commerce.
Dès lors, s’agissant spécialement des voies de recours statuant sur la demande d’arrêt de l’exécution provisoire, la Cour, en constatant que le livre VI du code de commerce ne contenait aucune disposition spéciale, a appliqué les règles du code de procédure civile par le renvoi prévu à l’article R. 662-1, 1°, du code de commerce afin de conclure à l’irrecevabilité du pourvoi en cassation (C. pr. civ., art. 525-2).
Par conséquent, l’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée est tout à fait logique et, de surcroît, en accord avec la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ayant déjà affirmé que le droit commun de la procédure civile s’appliquait pour des décisions qui n’étaient pas visées au sein des dispositions spéciales du livre VI du code de commerce régissant les voies de recours (Com. 5 mai 2004, n° 01-16.758, Bull. civ. IV, n° 83 ; D. 2004. 1734, et les obs. ; RTD com. 2004. 612, obs. J.-L. Vallens - C. com., art. L. 661-1 s.).
La logique mise en œuvre par l’arrêt sous commentaire permet ensuite à la haute juridiction de se prononcer sur la recevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectificative.
L’irrecevabilité du pourvoi portant sur l’ordonnance rectificative
Comme le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, celui ayant pour objet l’ordonnance rectificative est également irrecevable.
Pour aboutir à une telle conclusion, la Cour de cassation mobilise, d’une part, les mêmes arguments que pour la première ordonnance en y associant, d’autre part, le régime de la rectification des décisions.
En la matière, l’article 462 du code de procédure civile prévoit que les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. Surtout, le dernier alinéa du texte précité prévoit que si la décision est passée en force de chose jugée, elle ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation.
Pourtant, comme pour le pourvoi portant sur l’ordonnance rectifiée, celui ayant pour objet l’ordonnance rectificative est également jugé irrecevable.
Ici encore, cette irrecevabilité est tout à fait justifiée.
En effet, il est de jurisprudence constante que si la décision rectifiée est insusceptible de pourvoi, il doit en aller de même concernant la décision rectificative (par ex., Soc. 13 oct. 1993, n° 90-44.911, Bull. civ. V, n° 229).
Pour conclure, cet arrêt permet de contredire l’idée répandue selon laquelle le droit des entreprises en difficulté serait absolument dérogatoire au droit commun de la procédure… En l’occurrence, les règles se complètent et l’arrêt ici rapporté en témoigne !
Le Conseil d’État précise les modalités de consultation des personnes publiques associées à la modification du projet de plan local d’urbanisme avant l’ouverture de l’enquête publique.
Saisi d’un litige relatif à la communication de documents administratifs portant sur la création d’une zone d’aménagement concertée (ZAC) par des particuliers expropriés de leur exploitation agricole, le Conseil d’État précise les règles en matière d’accès aux documents administratifs notamment aux informations en matière d’environnement.
Le conseil municipal de Cestas avait engagé une procédure de déclaration de projet, nécessitant une mise en compatibilité du plan d’occupation des sols, pour la réalisation d’une opération d’aménagement. L’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement a émis son avis sur l’évaluation environnementale et, à l’issue d’une enquête publique, le conseil municipal a déclaré le projet d’intérêt général et approuvé la mise en compatibilité du plan d’occupation des sols de la commune. Le projet a été attaqué devant le juge administratif.
Une commune...
par Emmanuelle Maupinle 4 mars 2021
À l’appui de son pourvoi, la requérant soutenait que l’annulation par un arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy de l’arrêt du préfet déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la création de la ZAC avait fait perdre aux documents demandés leur caractère préparatoire. « Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler la régularité et le bien-fondé d’une décision de refus de communication de documents administratifs sur le fondement des dispositions […] des articles L. 311-1 et L. 311-2...
En l’espèce, la société Noël a confié une partie du transport de ses marchandises à la société Rave, le 30 novembre 2011. Placée en liquidation judiciaire le 29 septembre 2012, la société Noël a été cédée à la société Franciaflex qui n’a repris que certains éléments du fonds de commerce et conclu un accord le 16 novembre 2012 sur les tarifs pratiqués par la société Rave à compter du 1er novembre de la même année. À la suite de l’annonce de l’augmentation de ses tarifs par la société Rave en 2014, la société Franciaflex engage une négociation infructueuse et décide alors de mettre un terme à la relation commerciale. Cette rupture s’organise en trois temps : est d’abord rompue l’activité « distribution » le 1er août 2014 à effet au 5 septembre 2015, est ensuite rompue l’activité « tournées » le 24 octobre 2014 à effet la semaine suivante, est enfin rompue l’activité « locations exclusives », le 24 octobre 2014 à effet le 1er décembre 2014.
La société Rave demande en conséquence une indemnité pour rupture brutale d’une relation commerciale établie fondée sur l’ancien article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce (devenu, dans des termes différents, l’art. L. 442-1). Sa demande ayant été rejetée devant les juges du fond, elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 février 2019 et soulève deux moyens.
Le premier moyen invite la Cour de cassation à se prononcer sur l’incidence d’une cession d’activité...
Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale s’intéresse aussi à l’expérimentation d’encadrement des loyers par voie préfectorale en zone tendue.

À l’heure où la question des relations triangulaires de travail est souvent associée à celle, largement débattue, de l’« ubérisation » de notre société (V., I. Daugareilh et T. Pasquier, La situation des travailleurs des plateformes : l’obligation de recourir à un tiers employeur doit-elle être encouragée ?, RDT 2021. 14 ), on en vient à oublier que le portage salarial a, en la matière, longtemps cristallisé l’attention. Pour rappel, le portage salarial est un modèle spécifique de mise à disposition de main-d’œuvre qui consiste à mettre en relation une personne dite « portée », une entreprise de portage salarial et une entreprise cliente. Sur le principe, il appartient au salarié porté, capable de justifier d’une expertise, d’une qualification et d’une certaine autonomie, de démarcher une entreprise cliente avant de la mettre en relation avec l’entreprise de portage salarial. Dans les faits, le salarié porté négocie les conditions de son intervention avec l’entreprise cliente, notamment le contenu de la prestation et les modalités financières. En parallèle, le contrat commercial conclu entre la société de portage salarial et l’entreprise cliente vise à encadrer les conditions de facturation de la prestation réalisée par le salarié porté.
Le mécanisme de portage salarial permet au salarié porté d’exercer une activité de nature indépendante tout en bénéficiant d’un statut de salarié qui lui est garanti par l’entreprise de portage salarial. À ce titre, cette dernière est tenue de...

Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice, en vue de construire un centre de recherche et de traitement de la maladie d’Alzheimer, conclut le 16 juin 2010 un marché de « terrassement, fondations spéciales, gros œuvres et maçonnerie » avec un groupement d’entreprises constitué des sociétés Cari, devenue par la suite Fayat Bâtiment, et Pro-Fond. L’exécution dudit marché est interrompue du 18 avril au 31 mai 2011, du fait de dommages causés aux bâtiments voisins.
La société Pro-Fond, s’estimant lésée par l’interruption des travaux, engage une action devant le juge judiciaire en responsabilité des autres constructeurs, dont son co-traitant la société Fayat Bâtiment, pour obtenir réparation de ses propres préjudices et être dégagée de toute responsabilité. Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice rejette ses demandes par ordonnance du 3 mars 2017.
Les sociétés Fayat Bâtiment et Pro-Fond saisissent toutes les deux le tribunal administratif de Nice d’un recours en responsabilité quasi-délictuelle. Par un jugement du 16 octobre 2020, le tribunal administratif de Nice considère que le litige ne relève pas de la juridiction administratif en raison, notamment, du contrat de droit privé liant les sociétés co-traitantes Fayat Bâtiment et Pro-Fond. En l’occurrence, le juge constate que les conclusions présentées par la société Fayat Bâtiment contre la société Pro-Fond et celles présentées par la société Pro-Fond contre la société Fayat Bâtiment sont exclusives de tout litige avec le CHU de Nice en sa qualité de maître de l’ouvrage.
Or, dans la mesure où l’ordonnance du 3 mars 2017 rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice, devenue définitive, décline la compétence du juge judiciaire, le tribunal administratif de Nice sursoit à statuer et renvoie au Tribunal des conflits le soin de déterminer la juridiction compétente en la matière, conformément à l’article 32 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.
Le Tribunal des conflits, sans opérer un revirement, clarifie sa jurisprudence relative aux litiges nés de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux.
Compétence de principe du juge judiciaire pour connaître d’un litige opposant des parties liées par un contrat de droit privé
Le Tribunal des conflits rappelle que « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties sont unies par un contrat de droit privé ». Selon cette jurisprudence de principe, issue de la décision Société De Castro c/ Bourcy et Sole (T. confl. 24 nov. 1997, n° 3060, Société de Castro c/ Bourcy et Sole, Lebon ; D. 1998. 363 , obs. P. Terneyre ; RDI 1998. 251, obs. F. Llorens et P. Terneyre ), le Tribunal des conflits affirme que c’est la relation contractuelle entre les parties aux litiges qui détermine la juridiction compétente pour en connaître, sans même rechercher l’existence d’un contrat de droit public liant les parties au maître de l’ouvrage.
La jurisprudence De Castro fait l’objet d’une application constante par le Tribunal des conflits et le Conseil d’Etat pendant près d’une quinzaine d’années (T. confl. 25 mai 1998, n° 3017, SARL Benetière c/ Syndicat intercommunal à vocation multiple des Auberges et Berger, Lebon ;...

Le 20 octobre 2006, la société SMI a d’abord confié sa comptabilité (établissements des comptes annuels et des bulletins de salaire) à la société AGSC, puis a décidé, le 3 mars 2011, de réduire les missions qui lui étaient confiées et de recruter un comptable avant de résilier définitivement le contrat la liant à ce prestataire extérieur le 31 juillet 2012. Ce dernier l’a alors assignée en paiement de factures pour des prestations impayées, d’une indemnité de résiliation contractuelles et de sommes en réparation des préjudices causés par le retrait de sa mission, constitutif d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie. La société AGSC, qui a obtenu partiellement satisfaction devant les juges du fond, se pourvoit en cassation en soulevant six moyens.
L’intérêt de ce commentaire se trouve dans l’étude du premier moyen car il pose la question de savoir si l’activité d’expert-comptable peut se voir appliquer les dispositions relatives à la rupture brutale d’une relation commerciale établie (C. com., anc. art. L. 442-6, I, 5°, devenu, avec plusieurs changements, art. L. 442-1).
Pour l’auteur du pourvoi, l’existence d’un lien de confiance n’est pas exclusive du caractère commercial de la relation entre l’expert-comptable et son client. Il est vrai que l’activité d’expertise comptable a connu, comme beaucoup d’activités analogues, des modifications législatives récentes permettant notamment l’exercice d’activités accessoires à la mission principale (v. not. L. n° 2010-853, 23 juill. 2010, art. 22 à 28 ; L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 65 ; ord. n° 2016-394, 31 août 2016, art. 8 ; L. n° 2019-486, 22 mai 2019, art. 33). Ce professionnel est désormais autorisé à réaliser des études statistiques, économiques, administratives dans le domaine social et fiscal, y compris pour des clients qui ne les sollicitent que sur ces aspects.
Le recours est encore plus justifié au regard de l’incertitude qui règne au sein des juridictions inférieures. Sur la question de savoir si l’expert-comptable peut être considéré comme victime d’une rupture commerciale établie, la cour d’appel de Paris a d’abord décidé que « le caractère libéral de la profession d’expert-comptable ne lui interdit pas une activité commerciale au sens de l’article L. 442-6, I, 5°, pourvu qu’elle soit directement en rapport avec l’exercice de la profession » (Paris, 11 févr. 2016, n° 14/17563) mais s’est ensuite ravisée quelques mois plus tard au détour d’une riche motivation : « la profession d’expert-comptable, soumise à des règles particulières qui la distinguent des professions à caractère commercial et la rapprochent d’autres professions libérales, relève des professions réglementées ; qu’en contrepartie de l’art libéral qu’il exerce, l’expert-comptable perçoit des honoraires et non des bénéfices commerciaux ; que cette profession ne s’inscrit pas dans la seule recherche du profit, comme tel est le cas des professions commerciales, mais dans une relation de confiance nouée avec son client […] qu’il doit être libre de tout lien extérieur d’ordre personnel, professionnel ou financier qui pourrait être interprété comme une entrave à son intégrité ou à son objectivité […] qu’il s’en déduit que la relation existant entre un expert-comptable et son client ne constitue pas une relation commerciale au sens de l’article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce » (Paris, 18 mars 2016, n° 13/17054).
La question méritait donc d’être posée d’autant que les hésitations des juges du fond ne concernent pas uniquement la profession d’expert-comptable, d’autres professions libérales sont effectivement concernées (v. par ex., pour la profession d’avocat, TGI Nanterre, 12 avr. 2018, n° 16/13977, Dalloz actualité, 28 oct. 2018, obs. C.-S. Pinat ; RTD civ. 2019. 128, obs. P.-Y. Gautier ).
Consciente du tournant libéral emprunté par la profession, la Cour de cassation refuse de trancher radicalement le débat et déroule un raisonnement par étapes, inscrit dans la temporalité du litige.
La chambre commerciale commence par rappeler l’article 22 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, portant institution de l’ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable, qui dispose « que l’activité d’expert-comptable est incompatible avec toute activité commerciale ou acte d’intermédiaire ». Elle souligne ensuite l’apport de la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 qui autorise l’accomplissement d’une activité commerciale à la condition qu’elle soit accessoire à l’activité principale et qu’elle ne porte pas atteinte aux « règles d’indépendance et de déontologie de la profession ». Or, dans la mesure où les conditions et limites à ces activités accessoires, qui devaient être fixées par des « normes professionnelles élaborées par le conseil supérieur de l’ordre et agréées par arrêté du ministre chargé de l’Économie » n’ont jamais été communiquées et puisqu’en tout état de cause, l’auteur du pourvoi n’a pas établi « que les prestations de services dont elle reprochait à la société SMI l’interruption brutale étaient accessoires à sa mission d’expert-comptable et de nature commerciale », le moyen est écarté.
Cet arrêt éclaire sur la manière dont seront désormais qualifiées les activités de l’expert-comptable. Sa mission principale de comptabilité demeure une prestation libérale, incompatible avec la qualification d’activité commerciale (v., sur la notion de prestation intellectuelle, Com. 5 déc. 2006, n° 04-20.039, Dalloz actualité, 5 janv. 2007, obs. E. Chevrier ; D. 2007. 89, obs. E. Chevrier ; RTD com. 2007. 673, obs. B. Saintourens ). En revanche, les activités complémentaires, comme l’accompagnement juridique, administratif ou fiscal, sont susceptibles de s’épanouir dans le cadre d’une « relation commerciale » dont la rupture brutale pourrait éventuellement être sanctionnée sur le fondement du nouvel article L. 442-1 du code de commerce. Au moment des faits litigieux, l’établissement des bulletins de paie au profit de la société défenderesse aurait ainsi pu recevoir la qualification de relation commerciale si l’auteur du pourvoi était parvenu à en démontrer la teneur et si, ce que nous ne savons pas en l’espèce, cette mission restait accessoire à la mission principale d’établissement des comptes. Notons sur ce dernier point que les dernières législations n’exigent plus systématiquement ce caractère accessoire en admettant que certaines missions extérieures à la mission comptable puissent être exercées isolément (accompagnement administratif, notamment).
Cette affaire tient tout à la fois du casse-tête juridique et de la croisade. Casse-tête juridique entre juridictions judiciaires française et américaine. Croisade filiale, celle de Léone Meyer, 80 ans, qui veut récupérer ce tableau, volé par les nazis à sa famille adoptive, pour en faire don au Musée d’Orsay.
Cette peinture de Camille Pissarro appartenait à la collection Meyer. En 1940, cette famille juive pense la mettre à l’abri au Crédit commercial de France de Mont-de-Marsan. Mais, en 1941, les Allemands s’en saisissent. À la fin de la guerre, la famille récupère une partie de ses biens. Mais pas La Bergère rentrant ses moutons qui va entamer une étrange transhumance. D’abord par la Suisse, avant de réapparaître à New York en 1956 dans une galerie spécialisée dans l’impressionnisme.
Cette peinture figure au Répertoire des biens spoliés en France, publié en 1947, consultable par n’importe quel musée, galeriste ou collectionneur digne de ce nom.
En janvier 1957, Clara et Aaron Weitzenhoffer, un couple de collectionneurs, achètent cette Bergère avant de la léguer en 2000 à la Fondation de l’université de l’Oklahoma. En 2010, Léone Meyer retrouve le tableau familial et engage une procédure aux États-Unis. En février 2016, elle finit par signer un accord transactionnel avec la Fondation de l’université d’Oklahoma ratifié par la justice américaine. Et exequaturé en France en octobre 2016.
Il prévoit que le titre de propriété du tableau soit transféré à Mme Meyer sans que cette dernière puisse le vendre sans l’accord de la Fondation. Après cinq ans d’exposition en France, une rotation tous les trois ans doit s’effectuer entre institutions muséales en France et aux États-Unis, faute de quoi le tableau reviendra au Département d’État américain. Le tableau est censé repartir aux États-Unis le 16 juillet 2021. Le musée d’Orsay a refusé la donation en l’état, estimant cette rotation trop contraignante.
Depuis, Mme Meyer a saisi la justice française pour obtenir l’annulation de cet accord et la restitution du tableau sur la base de l’ordonnance du 21 avril 1945 sur les biens spoliés. Avant d’examiner l’affaire au fond, le juge des référés avait ordonné une médiation à laquelle les parties américaines ont refusé de participer.
Ce qui, mardi, a quelque peu énervé la magistrate. « Je regrette que l’on considère que les décisions françaises n’ont pas lieu d’être respectées alors que celles des tribunaux américains sont menées tambour battant », a-t-elle indiqué à l’avocat de la fondation américaine, estimant que ce refus constituait « une forme d’outrage pour les tribunaux français ».
En réponse à la procédure initiée en France, la Fondation de l’université d’Oklahoma a saisi la justice américaine. Le 24 février, un juge du tribunal du district ouest d’Oklahoma ordonné à Mme Meyer de se désister de sa procédure française sous peine d’une amende de 3,65 millions de dollars. Mardi, le juge des référés n’a pu examiner l’assignation déposée par les avocats de Mme Meyer contre cette décision américaine. En effet, l’avocat de la partie américaine a assuré ne pas l’avoir reçu en dépit de copies de mails présentées à l’audience par les avocats de Mme Meyer. Le juge a fixé au 9 mars une nouvelle audience pour l’examen de cette assignation.
Sur le fond, Me Olivier de Baecque, avocat de la partie américaine, a estimé que la justice française n’était pas compétente car l’accord de 2016 prévoyait que la loi régissant cet accord soit celle de l’Oklahoma. Il a par ailleurs plaidé que l’ordonnance de 1945 sur les biens spoliés ne pouvait s’appliquer à cette affaire. Ce que contestent avec force les avocats de Mme Meyer. « Rien ne peut faire obstruction à la restitution d’une œuvre spoliée par les nazis », a souligné Me Ron Stoffer, rappelant que le tableau était en France jusqu’au 21 juillet 2021.
Le juge des référés se prononcera le 13 avril sur la demande de séquestre formulée par Mme Meyer.
Lorsqu’un mandat d’agent commercial dans le domaine immobilier est confié à une personne physique, celle-ci peut, si le contrat le prévoit, se substituer une personne morale dès lors que cette dernière est titulaire de la carte professionnelle d’agent immobilier.
La Commission, n’ayant reçu de l’Espagne aucune information concernant l’adoption et la publication des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2016/680 (dite « Police-Justice ») à l’expiration du délai de transposition, le 6 mai 2018, lui a adressé une mise en demeure puis, le 25 janvier 2019, un avis motivé l’invitant à prendre les mesures nécessaires dans un délai de deux mois. L’Espagne a expliqué que la procédure administrative pour l’adoption des mesures de transposition de la directive était en cours et devait s’achever à la fin du mois de juillet 2019. La Commission a finalement introduit un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, le 4 septembre 2019, estimant que l’Espagne avait manqué à ses obligations en vertu de...
par Marie-Christine de Monteclerle 3 mars 2021
CE, ord., 26 févr. 2021, n° 449692
Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté pour la deuxième fois une demande de réouverture des cinémas, théâtres et salles de spectacles. Tout en admettant que cette fermeture peut avoir un effet négatif sur l’état psychologique de la population, il estime qu’au regard du risque élevé d’augmentation des contaminations dans les prochaines semaines, la mesure reste justifiée.
La requête du chanteur Francis Lalanne et d’autres personnalités du monde du spectacle invoquait en effet, outre les libertés fondamentales déjà reconnues de création...

Lorsqu’elle arrive à son terme, la procédure de licenciement aboutit nécessairement à la rupture du contrat de travail du salarié. Si le salarié peut en contester le bien-fondé lorsqu’il estime que l’employeur n’avait pas de motif valable pour rompre la relation contractuelle, il n’en reste pas moins que la finalité de la procédure est souvent bornée à une logique indemnitaire. Le code du travail ouvre bien la voie de la réintégration lorsque la rupture est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais celle-ci est toutefois largement hypothétique car conditionnée à la volonté réciproque des parties (C. trav., art. L. 1235-3).
Néanmoins, il en va différemment en cas de licenciement nul. En effet, lorsque le licenciement est entaché d’une nullité telle que la violation d’une liberté fondamentale, des faits de harcèlement ou une discrimination avérée (C. trav., art. L. 1235-3), le salarié peut, de droit, demander sa réintégration. Précisons que ni l’employeur, ni le juge ne peuvent dans ce cas s’y opposer (Soc. 14 févr. 2018, n° 16-22.360). La seule limite au principe tient à l’impossibilité matérielle de réintégrer le salarié dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Il en va par exemple ainsi lorsque le salarié a liquidé ses droits à la retraite (Soc. 14 nov. 2018, n° 17-14.932 P, D. 2018. 2239 ; 13 févr. 2019, n° 16-25.764, D. 2019. 386 ; Dr. soc. 2019. 365, obs. J. Mouly ; 8 juill. 2020, n° 17-31.291 P, D. 2020. 2312, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ), lorsque le salarié s’est rendu coupable d’actes de concurrence déloyale après le licenciement (Soc. 25 juin 2003, n° 01-46.479, D. 2004. 1761, et les obs. , note M. Julien ; Dr. soc. 2003. 1024, obs. P. Waquet ) ou bien en cas de liquidation de l’entreprise (Soc. 20 juin 2006, n° 05-44.256, Dr. soc. 2007. 564, note F. Petit ). Dans ce cas, l’employeur est admis à refuser la réintégration et le salarié se voit allouer une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six...
La décision par laquelle l’administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d’un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l’égard du demandeur pour l’ensemble des dommages causés par ce fait générateur et ce quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question.
Par suite, la victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l’administration à l’indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n’étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Une fois le délai expiré, la saisine du juge est irrecevable car tardive (CE 7 juin 2004, n° 252869, Assistance publique à...
Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus1 : un préfet ne peut dématérialiser les procédures de demandes de titre de séjour juge le tribunal administratif de Rouen.
Le jugement rendu le 18 février 2021 est l’occasion de rappeler l’adage latin Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus. Il sanctionne un arrêté préfectoral pour avoir instituer une obligation de dématérialisation non prévue par la loi pour les demandes de titre de séjour.
Il convient de rappeler préalablement l’arrière-plan dans lequel est intervenu l’acte attaqué. Un programme dénommé Action Publique 2022 a été lancé par le Premier ministre Édouard Philippe le 13 octobre 2017. Il est confié à un comité dénommé CAP 22 de 44 membres issus du secteur public et privé, d’élus et d’économistes, lequel va analyser 21 politiques publiques. L’objectif visait à transformer l’administration sur trois points : améliorer la qualité des services publics en développant la relation de confiance entre les usagers et les administrations et en travaillant prioritairement sur la transformation numérique ; offrir aux agents publics un environnement de travail modernisé en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi des transformations ; accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques avec un engagement ferme, à savoir réduire de trois points la part de la dépense publique dans le PIB d’ici 2022. Ce comité a remis au Premier ministre en juin 2018 un rapport de plus de 100 pages intitulé « Service Public se réinventer pour mieux servir. Nos 22 propositions pour changer de modèle » qui formule 22 propositions, dont les propositions 3 et 4 visent à créer un véritable service public numérique2. C’est dans le cadre d’une démarche qualité pour l’accueil des usagers du bureau du séjour et afin de réduire les temps d’attente au guichet, que le préfet de la Seine-Maritime a décidé de fixer, par deux arrêtés successifs des 18 juin 2014 et 9 février 2017, les catégories de titre de séjour dont la première demande doit être déposée par voie postale. A cette même fin, conformément à la stratégie posée par le rapport précité « Action publique 2022 », l’autorité préfectorale a ouvert aux ressortissants étrangers la possibilité de déposer certaines premières demandes de titre de séjour par voie dématérialisée. Par l’arrêté attaqué du 6 mars 2020, le préfet a fixé les modalités de dépôt de certaines catégories de titres de séjour, en prévoyant notamment l’obligation de déposer certaines premières demandes de titre de séjour par voie dématérialisée et a, dans le même temps, abrogé l’arrêté préfectoral du 18 juin 2014. Par une requête enregistrée le 15 mai 2020, La Cimade, le Syndicat des avocats de France (SAF), le Groupe d’information et de soutien aux immigrés (GISTI) et la Ligue des droits de l’homme ont...
Par trois arrêtés du 24 février 2021, Brest, Clermont Métropole et la région stéphanoise se dotent d’un observatoire local des loyers agréé. Au total, près de 350 communes sont concernées.