La coopération entre l’administration fiscale et le parquet s’est considérablement renforcée depuis la quasi-disparition du « Verrou de Bercy », mesure phare de la loi du 23 octobre 2018. Cette réforme a ainsi redéfini les modalités de saisine du parquet par l’administration fiscale prévues à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales :

­avant son entrée en vigueur, le déclenchement des poursuites pénales était laissé à la discrétion de l’administration fiscale, qui déposait une plainte après avis conforme de la Commission des infractions fiscales.­depuis la loi du 23 octobre 2018, l’administration fiscale a l’obligation de dénoncer au parquet les faits découverts à l’occasion de contrôles fiscaux ayant donné lieu à des rappels d’impôts supérieurs à 100 000 € (ou 50 000 € s’agissant de contribuables soumis à des obligations déclaratives spécifiques, tels les députés, sénateurs, membres du gouvernement et certains responsables publics), et assortis des majorations fiscales les plus importantes, allant de 40 % à 100 %. En dehors de ces cas de dénonciation obligatoire, l’administration fiscale a, comme auparavant, la possibilité de saisir le parquet d’une plainte soumise à l’avis préalable de la Commission des infractions fiscales. Néanmoins, cet avis n’est plus requis lorsqu’il existe une présomption caractérisée de fraude fiscale ainsi qu’un risque de dépérissement des preuves.

Depuis l’entrée en vigueur de ce nouveau dispositif, le nombre total de dossiers transmis par l’administration fiscale aux parquets a considérablement augmenté, passant de 823 dossiers en 2018, à 1 678 dossiers en 2019, puis à 1 272 dossiers en 2020.

L’accroissement de ce contentieux pénal a incité les rédacteurs de la circulaire du 4 octobre 2021 à faciliter davantage les échanges d’informations entre l’administration fiscale, le procureur de la République et les enquêteurs afin d’assurer un meilleur traitement de ces nouveaux dossiers dont les parquets sont saisis.

Une intensification des échanges entre le parquet et l’administration fiscale

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2018 qui prévoyait la levée du secret fiscal à l’égard du procureur de la République (LPF, art. L. 142 A), la circulaire du 7 mars 2019 a envisagé la mise en place d’un « nouvel espace de dialogue » entre les agents de l’administration fiscale et les magistrats du parquet.

La circulaire du 4 octobre 2021 est venue préciser de façon concrète la mise en œuvre de cette mesure.

En premier lieu, la circulaire recommande la mise en place de « rencontres opérationnelles régulières » avec l’administration fiscale, qui constitueraient « une aide précieuse à la direction de l’enquête ». La circulaire présente ces rencontres comme l’occasion d’échanger sur l’avancement des procédures suivies par l’administration fiscale, sur la sensibilité particulière de certains dossiers ou encore sur l’intention de l’administration fiscale de se constituer, à terme, partie civile dans la procédure.

Si la volonté de dynamiser le traitement des dossiers est louable, le cadre juridique de ces rencontres opérationnelles reste indéfini. En effet, le « cadre juridique » de ces « discussions » entre l’autorité judiciaire et l’administration fiscale devrait être précisé dans une « fiche FOCUS » qui, selon la circulaire, doit être prochainement diffusée par la Chancellerie. En l’état, il est impossible de savoir quelles informations ont effectivement été échangées lors de ces réunions, ou qui y a participé. Le premier point pourrait poser, à terme, des difficultés s’agissant de la garantie des droits de la défense. Le second pourrait en soulever s’agissant du respect du secret fiscal. En effet, aux termes de l’article L. 142 A du livre des procédures fiscales celui-ci n’est levé qu’à l’égard du seul procureur de la République. À l’inverse, les officiers de police ne peuvent par exemple avoir accès aux informations couvertes par le secret fiscal que lorsque la loi le permet, et notamment lorsqu’ils agissent dans le cadre de réquisitions du procureur. En l’état, les dispositions de la circulaire ne précisant pas de façon explicite que seul le procureur de la République participera à ces réunions avec l’administration fiscale, il conviendra d’être attentif à ce que la « fiche FOCUS » à venir le confirme.

En second lieu, la circulaire prévoit la communication d’informations complémentaires par l’administration fiscale lors de la transmission des dossiers de dénonciation obligatoire au procureur de la République.

Jusqu’alors, les dossiers de dénonciation obligatoire contenaient (i) une lettre de dénonciation, (ii) la proposition de rectification adressée au contribuable, et (iii) la réponse de l’administration fiscale aux observations du contribuable. La circulaire prévoit désormais que ces observations seront également transmises au parquet. Ce dernier disposera ainsi d’une vision globale et contradictoire permettant une meilleure appréciation du dossier, qui prendra en compte les arguments opposés par la défense à l’administration fiscale.

Dans cette même optique, s’agissant des dossiers présentant une circonstance particulière ou révélant une fraude fiscale grave ou complexe, la circulaire recommande la communication par l’administration fiscale d’une « fiche d’accompagnement » synthétisant les éléments du dossier et apportant des compléments d’information, afin de permettre au parquet de mieux apprécier les éléments matériel et intentionnel des infractions commises. Sans faire de mauvais esprit, l’on peut légitimement s’interroger sur l’objectivité de l’administration fiscale au moment de la rédaction de cette fiche alors qu’elle aura enclenché des procédures de notification de redressement de plusieurs dizaines ou centaines de millions d’euros.

Une meilleure capacité de traitement de l’information par le parquet et les enquêteurs

La circulaire du 4 octobre 2021 a également pour objet d’apporter aux enquêteurs une méthodologie pour le traitement des informations transmises par l’administration fiscale et de renforcer leurs compétences techniques.

À cet égard, les annexes de la circulaire comprennent une série d’outils pédagogiques à destination des procureurs et enquêteurs afin qu’ils puissent exploiter au mieux le contenu des dossiers de dénonciation obligatoire.

L’annexe 1.1 de la circulaire est une « Fiche d’aide à la lecture de la lettre de dénonciation » qui cible 5 informations essentielles à extraire de la lettre de dénonciation afin de commencer un travail de qualification pénale des faits, à savoir (i) le type de contrôle effectué par l’administration fiscale, (ii) la nature des impôts ou taxes objets de la dénonciation, (iii) la période comptable durant laquelle les manquements fiscaux ont été constatés, (iv) le procédé de fraude employé (défaut ou minoration de déclaration) et (v) l’existence d’antécédents fiscaux défavorables.

L’annexe 1.2 de la circulaire est une « Trame commentée d’un exemple de proposition de rectification », conçue comme un guide pratique qui attire l’attention des procureurs et enquêteurs sur les informations utiles à la caractérisation de l’élément matériel de la fraude fiscale (notamment dans la section dédiée au calcul du montant de l’impôt éludé), ainsi que de son élément moral (en particulier dans la section relative à l’abus de droit ou aux manœuvres frauduleuses). L’identification de ces éléments permettra au procureur de définir les orientations de l’enquête en ciblant les actes d’investigation et les demandes d’informations complémentaires adressées à l’administration fiscale. Il faut espérer que ce guide pratique à disposition du parquet ne devienne pas, par facilité, une trame du réquisitoire définitif lorsque l’on connait la charge de travail des procureurs.
Par ailleurs, la circulaire rappelle l’importance du rôle joué, au sein de chaque parquet, par le magistrat désigné comme « référent fraude fiscale » (institué par la circ. du 7 mars 2019). La circulaire du 4 octobre 2021 ajoute que ce magistrat, qui bénéficie d’une formation spécifique à ce type de contentieux, doit se charger à son tour de former les officiers de police judiciaire et de les sensibiliser quant à « la nécessité d’un traitement réactif et efficace des procédures ».

Une réactivité accrue attendue de la part des parquets

Depuis la loi du 23 octobre 2018, le cadre de la saisine du parquet dans les dossiers de fraude fiscale a été profondément redéfini. Toutefois, que le parquet soit saisi dans le cadre de l’obligation de dénonciation qui pèse désormais sur l’administration fiscale, ou dans le cadre d’une plainte déposée par celle-ci, il demeure que ce dernier ne peut pas s’autosaisir en matière de fraude fiscale (ce qui n’est pas le cas en matière de blanchiment de fraude fiscale).

Néanmoins, une fois le parquet saisi, le principe d’appréciation de l’opportunité des poursuites trouve pleinement à s’appliquer de sorte qu’il appartient à ce dernier d’envisager la mise en mouvement de l’action publique au cas par cas.

Dans cette optique, la circulaire du 4 octobre 2021 prévoit des échanges avec le parquet sur les dossiers en amont de leur transmission par l’administration fiscale, puis au cours de l’enquête. La circulaire fournit en outre au parquet un certain nombre d’outils afin de permettre à ce dernier de mieux interpréter les dossiers qui lui sont transmis par l’administration fiscale et donc (i) d’y déceler plus facilement les premiers éléments utiles à la caractérisation de l’infraction et (ii) de mieux définir les actes d’enquête qu’il convient encore de réaliser avant d’envisager un renvoi devant une juridiction répressive ou la mise en œuvre d’un instrument de justice pénale négociée.

Il apparaît ainsi clairement que le but poursuivi par la circulaire est dans un premier temps de favoriser l’ouverture systématique d’enquêtes par le parquet puis, dans un second temps, de limiter au maximum le nombre de décisions de classement sans suite. Ce qui laisse augurer d’une augmentation croissante de ce contentieux pénal. Les contribuables, et en particulier les entreprises, auront donc intérêt à développer une maîtrise robuste de la « compliance fiscale » pour s’éviter à elles, leurs dirigeant.e.s, collaboratrices et collaborateurs les affres d’une procédure pénale et sa kyrielle de risques dont le risque d’image et réputationnel.

(Original publié par Thill)
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M. Mariani, un administrateur judiciaire défaillant, fait à nouveau couler beaucoup d’encre (par ex. multi, L. Leroux, Aix : sept ans de prison pour Guy Mariani. L’ex-administrateur judiciaire est reconnu coupable du détournement de sommes colossales, La Provence.com, 9 sept. 2011) depuis quelques mois, les suites de ses pratiques « professionnelles » et financières venant de faire l’objet d’une énième décision devant la Cour de cassation. Après l’arrêt de la deuxième chambre civile du 17 décembre 2020 qui portait déjà sur les conséquences de certains de ses détournements de fonds avec d’autres sociétés – pour des sommes importantes (20 215 996 francs ou 3 081 908,72 € dans cette affaire) –, et sur une question technique de l’assurance pour compte souscrite par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (R. Bigot, Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, sous Civ. 2e, 17 déc. 2020, n° 19-19.272 FS-P+I, Dalloz actualité, 12 janv. 2021 ; D. 2021. 7 ; ibid. 491, chron. G. Guého, O. Talabardon, S. Lemoine, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier ), est dernièrement tombé, pour des fonds « disparus » dans le cadre de mandats distincts, un autre arrêt le concernant, du 14 octobre 2021, et qui pose désormais la question du jeu de l’action directe dans cette assurance de non-représentation des fonds (n° 19-24.728).

En l’espèce, à l’origine de cette dernière affaire, l’administrateur judiciaire a été désigné par jugement du 4 octobre 1998 en qualité de commissaire à l’exécution d’une mesure de concordat concernant deux sociétés, placées en règlement judiciaire. L’administrateur judiciaire a été mis en examen par un juge d’instruction. L’administrateur provisoire (M. Gillibert) de l’étude Mariani a déclaré le 5 novembre 1998 à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) un sinistre résultant de la non-représentation de fonds pour un montant provisoire. La Caisse de garantie a ensuite régularisé une déclaration de sinistre globale auprès de la société Axa courtage, son assureur de première ligne, et de la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz, son assureur de seconde ligne.

Une expertise a été ordonnée en référé en vue de déterminer la nature et l’étendue des prélèvements effectués par l’administrateur judiciaire concernant notamment les sociétés placées en règlement judiciaire. Les 13 et 15 mai 2015, l’administrateur provisoire désigné en qualité de commissaire à l’exécution du concordat desdites sociétés, a assigné, ès qualités, la Caisse de garantie et la société Allianz en garantie de la non-représentation des fonds exigibles de M. Mariani. Le 11 mars 2016, la société Gillibert et associés, ès qualités, est intervenue à l’instance aux lieu et place de M. Gillibert (l’administrateur provisoire).

Les fondements légaux de la solution

Par un arrêt en date du 24 septembre 2019, la cour d’appel condamne la société d’assurance à verser à la société de l’administrateur provisoire ès qualités la somme de 1 089 174,75 €. La cour d’appel juge que la société d’assurance est tenue dans les termes et limites de la police d’assurance n° 65 062 682 au titre de la non-représentation de fonds imputable à l’administrateur judiciaire défaillant. L’arrêt rappelle les dispositions de l’article L. 814-4 du code de commerce instituant l’obligation pour chaque administrateur judiciaire ainsi que pour chaque mandataire judiciaire inscrit sur les listes de s’assurer contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, du fait de leurs négligences ou de leurs fautes ou de celles de leurs préposés, commises dans l’exercice de leurs mandats (Paris, 24 sept. 2019).

L’article L. 814-3 du code de commerce et l’objet de l’assurance

L’arrêt d’appel ajoute que le contrat d’assurance souscrit par la Caisse de garantie a vocation à couvrir les dommages causés par les agissements pénalement réprimés de M. Mariani dans l’exercice de ses fonctions et que bien que l’action dirigée contre elle soit soumise à un régime probatoire plus favorable puisque sa garantie joue sur la seule justification de la non-représentation des fonds en application du 6e alinéa de l’article L. 814-3 du code de commerce, il n’en demeure pas moins que l’action de la société Gillibert ès qualités s’analyse en une action directe de la victime contre l’assureur. L’arrêt en déduit que, compte tenu de l’objet de la police d’assurance en cause, l’irrecevabilité soulevée par la société d’assurance concernant l’action directe de la société Gillibert doit être écartée, cette faculté étant expressément prévue par l’article L. 124-3 du code des assurances (Paris, 24 sept. 2019).

La société d’assurance de seconde ligne réalise un pourvoi en cassation aux termes duquel elle soutient que « que l’action directe ne peut être exercée qu’à l’encontre de l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage ; que la non-représentation des fonds à un créancier, au sens de l’article L. 814-3 du code de commerce, doit être garantie par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, laquelle peut s’assurer jusqu’à hauteur de 80 % contre ce risque ; que cette assurance s’analyse en une assurance de dommages et non une assurance de responsabilité ; que seule la Caisse de garantie peut en bénéficier ; qu’en l’espèce, la société Allianz faisait valoir que la société Gillibert ès qualités ne disposait d’aucune action directe à son encontre au titre de la non-représentation de fonds imputable à M. Mariani, dès lors que l’assurance de non-représentation sur le fondement de laquelle la société demandait sa condamnation était une assurance de dommages souscrite par la Caisse de garantie, et non une assurance de responsabilité ; qu’en décidant que l’action de la société Gillibert s’analysait en une action directe de la victime contre l’assureur et que le contrat d’assurance souscrit par la Caisse de garantie avait vocation à couvrir les dommages causés par les agissements pénalement réprimés de M. Mariani dans l’exercice de ses fonctions, peu important le régime probatoire de cette action, ce dont elle a déduit que cette action était recevable, la cour d’appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances ».

Par un arrêt rendu le 14 octobre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation suit la demanderesse au pourvoi et censure la cour d’appel au visa de l’article L. 814-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à la cause, et de l’article L. 124-3 du code des assurances.

L’article L. 124-3 du code des assurances et l’action directe en assurance de responsabilité civile

La Cour de cassation rappelle qu’« aux termes du premier texte, une caisse dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants a pour objet de garantir le remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus ou gérés par chaque administrateur judiciaire et par chaque mandataire judiciaire inscrits sur les listes, à l’occasion des opérations dont ils sont chargés à raison de leurs fonctions. La garantie de la caisse joue sans que puisse être opposé aux créanciers le bénéfice de discussion prévu à l’article 2298 du code civil et sur la seule justification de l’exigibilité de la créance et de la non-représentation des fonds par l’administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire inscrits sur les listes. La caisse est tenue de s’assurer contre les risques résultant pour elle de l’application du code de commerce » (Civ. 2e, 14 oct. 2020, n° 19-24.728 F-P, pt 7).

Il en résulte, selon la Haute juridiction, que l’assurance ainsi souscrite par la Caisse de garantie est une assurance de chose contre le risque de perte financière pouvant découler pour elle de la mobilisation de sa garantie au titre de la non-représentation de fonds par ses cotisants (pt 8). En effet, pour le parallélisme des formes, les agréments administratifs des entreprises d’assurance se font par branche. Selon l’article R. 321-1 du code des assurances, la branche 13 est celle de la responsabilité civile générale, la branche 15 porte sur la caution et la branche 16 est relative aux pertes pécuniaires diverses.

La Cour de cassation ajoute qu’aux termes du second texte, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable (pt 9).

Les magistrats du Quai de l’horloge en concluent que la cour d’appel a violé les articles L. 814-3 du code de commerce et L. 124-3 du code des assurances en statuant comme elle l’avait fait, alors que « l’assurance souscrite pour elle-même par la Caisse de garantie au titre de sa garantie de non-représentation des fonds, contrairement à celle souscrite par son intermédiaire par ses cotisants en application de l’article L. 814-4 du code de commerce, n’est pas une assurance de responsabilité et n’ouvre pas, dès lors, aux créanciers auxquels des fonds n’ont pas été représentés une action directe contre l’assureur de la Caisse de garantie » (pt 12). Pour déterminer le jeu de l’action directe, la distinction des contrats à objet différent, et de l’assuré, est ainsi primordiale.

L’explication de la solution

La jurisprudence « a, depuis longtemps, reconnu une action directe au profit des victimes contre l’assureur du responsable (Civ. 14 juin 1926, S. 1927. I. 57, note L. Josserand), et ce en dépit de l’absence de tout fondement légal. Il s’agit du droit donné à la victime d’agir directement contre l’assureur du responsable de son préjudice (C. Jamin, La notion d’action directe, LGDJ, 1991, n° 843). L’action directe a été consacrée par la loi du 17 décembre 2007, venant compléter l’article L. 124-3 du code des assurances d’un nouvel alinéa : « Le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. Celui-ci donne aux victimes un droit propre doté de la force de l’ordre public » (Y. Avril et A. Cayol, Les aspects processuels en assurance de responsabilité, in R. Bigot et A. Cayol, Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 274).

L’action directe non étendue aux assurances de choses

Il est vrai que classiquement, l’unique terrain de jeu de l’action directe de la victime contre l’assureur est celui de l’assurance de responsabilité civile (pour une analyse approfondie, v. D. Noguéro, Aspects de l’action directe en droit français des assurances de responsabilité, in Dimensiones y desafíos del seguro de responsabilidad civil, éd. Thomson Reuters, Civitas, Espagne, Abel B. Veiga Copo [dir.], Miguel Martínez Muñoz [coord.], 2021, Capítulo 24, p. 703). Si l’action directe est réservée à la victime (ou à ses héritiers après son décès) et aux personnes subrogées dans ses droits, elle peut parfaitement être exercée, par exemple, par le liquidateur d’une société. La Cour de cassation a ainsi jugé, dernièrement, qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit au liquidateur de joindre, dans la même instance, à sa demande de condamnation du dirigeant, celle de l’assureur en exerçant contre ce dernier une action directe. En effet, « comme le souligne la chambre commerciale, le liquidateur avait, en l’espèce, « agi en qualité d’organe de chacune des procédures et en représentation de l’intérêt collectif des créanciers aux fins de réparation de leur préjudice et non en représentation des sociétés et pour leur compte » (R. Bigot et A. Cayol, Paiement de l’insuffisance d’actif : action directe du liquidateur contre l’assureur du dirigeant, sous Com. 10 mars 2021, nos 19-12.825 et 19-17.066 F-P, Dalloz actualité, 2 avr. 2021).

Au contraire, une telle action – dont les contours suscitent un contentieux important (v. la première partie relative à l’actualité de l’action directe, R. Bigot et A. Cayol [dir.], Chronique de droit des assurances, Lexbase, Hebdo édition privée n° 874 du 22 juill. 2021) – n’est pas ouverte aux autres assurances de dommages, celles dites de biens ou de choses. En d’autres termes, les assurances de choses ne permettent pas l’action directe du tiers lésé (Civ. 1re, 7 juill. 1993, RGAT 1994. 91, note A. Favre-Rochex). Ainsi, par exemple, l’assurance dommages ouvrage n’est pas éligible à un tel mécanisme (Civ. 3e, 8 juill. 2014, n° 13-18.763 ; comp. Civ. 3e, 10 févr. 2009, n° 07-21.170 ; Civ. 1re, 13 nov. 1996, n° 94-10.031, D. 1996. 265 ).

Dans l’affaire jugée le 14 octobre 2021, « l’action directe de l’administrateur judiciaire en tant que tiers lésé aurait sans doute eu plus de chance d’aboutir s’il avait revendiqué la mise en œuvre à son profit de l’assurance de responsabilité civile souscrite en application de l’article L. 814-4 du code de commerce » (J. Landel, L’action directe du tiers lésé n’est admise qu’en assurance de responsabilité civile, Éditions Législatives, 20 oct. 2021). La doctrine considère par ailleurs qu’« il n’est pas impossible qu’à l’occasion d’un sinistre, une personne puisse agir contre l’assureur en une double qualité : celle d’assuré pour compte (assurance de chose souscrite à son profit) et celle de tiers lésé (assurance de responsabilité souscrite par l’auteur du dommage) » (Le Lamy Assurances, 2021, n° 36).

À plus forte raison, la question demeurait ouverte pour la forme particulière d’assurances collectives de dommages auxquelles appartiennent les assurances de détournement de fonds dont bénéficient les justiciables et la clientèle des différentes grandes professions du droit (R. Bigot, L’indemnisation par l’assurance de responsabilité civile professionnelle. L’exemple des professions du droit et du chiffre, avant-propos H. Slim, préf. David Noguéro, Defrénois, coll. « Doctorat & Notariat », tome 53, 2014, nos 58 s.).

Le doute levé pour l’assurance de non-représentation des fonds souscrite par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires

La Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires a pour rôle de garantir la représentation des fonds gérés par chacun de ces professionnels du droit inscrits sur les listes nationales. À cet effet, elle est tenue de souscrire les assurances nécessaires (C. com., art. L. 814-3 ; mod. par ord. n° 2019-964 du 18 sept. 2019) – dites aussi de non-représentation des fonds (NRF) – prenant la forme d’assurances pour le compte de qui il appartiendra ou de procéder, aux termes d’un dispositif légal de solidarité interne, à des appels de fonds auprès de ces auxiliaires de justice qui abonderont pour régler la défaillance de leur confrère (H. Slim, Les garanties d’indemnisation, in La responsabilité liée aux activités juridiques, Bruylant, 2016, p. 191 s., spéc. n° 23). Articulé avec l’article L. 814-4 du code de commerce, il revient encore à la Caisse de garantie de souscrire un contrat d’assurance collective responsabilité civile – à adhésion obligatoire – pour couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que tous ces professionnels qui y cotisent encourent dans l’exercice de leurs mandats (H. Slim, La responsabilité professionnelle des administrateurs et liquidateurs judiciaires, Litec, LexisNexis, 2002, p. 3 s.) avec, selon l’article R. 814-23 du même code, « une garantie minimale de 800 000 € par sinistre et par an pour chaque personne assurée » (R. Bigot, Assurance pour compte : application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, sous Civ. 2e, 17 déc. 2020, n° 19-19.272 FS-P+I, Dalloz actualité, 12 janv. 2021 ; D. 2021. 7 ; ibid. 491, chron. G. Guého, O. Talabardon, S. Lemoine, E. de Leiris, S. Le Fischer et T. Gauthier ).

L’assurance de non-représentation des fonds correspond à une figure d’assurance spéciale, principalement assimilée à une assurance pour compte (S. Cabrillac, Les garanties financières professionnelles, préf. P. Pétel, th. Litec, 2000, nos 411 s. ; Contra pour un cautionnement, P. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, préf. M. Grimaldi, th. Paris II, éd. Panthéon Assas, 2005, p. 190, n° 225 ; ou une garantie indemnitaire, I. Riassetto, Réflexions sur la nature juridique des garanties professionnelles, LPA 16 déc. 1996, p. 4 s.). Dans la pratique, l’assurance de non-représentation des fonds est parfois nommée « assurance insolvabilité » ou « assurance de responsabilité pécuniaire », cette dernière dénomination pouvant créer une certaine confusion pour le jeu de l’action directe.

Mais la Caisse de garantie, dotée de la personnalité civile et gérée par les cotisants (C. com., art. L. 814-3) est bien la souscriptrice de l’assurance collective pour le compte de qui il appartiendra. Ce mécanisme contractuel donnera la qualité d’assuré pour compte à toute victime potentielle d’un des membres de la profession défaillant ou son représentant (en l’espèce l’administrateur provisoire ès qualité). À ce titre, cette assurance est fondée sur une stipulation pour autrui (comp. pour les avocats, R. Bigot et M.-J. Loyer-Lemercier, Les conditions de l’assurance de non-représentation des fonds par l’avocat, sous Civ. 1re, 8 sept. 2021, n° 19-25.760, Lexbase avocats n° 318 du 7 oct. 2021). Rappelons en effet que l’assurance peut être « contractée pour le compte de qui il appartiendra. La clause vaut, tant comme assurance au profit du souscripteur du contrat que comme stipulation pour autrui au profit du bénéficiaire connu ou éventuel de ladite clause ». Ainsi, « l’assuré pour compte peut être connu au moment de la souscription. Il peut être ou non nominativement désigné. Mais il est tout aussi possible, comme le signale l’article L. 112-1 du code des assurances, de prendre une assurance pour le compte d’une personne dont l’intérêt d’assurance n’existe pas à l’instant de la souscription. Il suffit que l’on rende déterminable cet intérêt et, en conséquence, l’assuré pour compte. […] C’est lors de la mise en jeu de la garantie que l’on constatera que tel intérêt d’assurance est atteint par le sinistre. De façon générale, on parle d’assurance « pour le compte de qui il appartiendra » (Le Lamy Assurances, 2021, n° 36). En d’autres termes, « si le contrat d’assurance est ordinairement conclu, à son profit, par la personne qui se trouve exposée au risque, de sorte que celle-ci cumule les qualités de souscripteur et d’assuré, la police peut également être contractée « pour le compte de qui il appartiendra », comme l’admet l’article L. 112-1 du code des assurances, les parties convenant alors d’attribuer la qualité d’assuré à un tiers au contrat » (M. Asselain, Assurance pour le compte de qui il appartiendra. – Modalités, Assurance - Droit des assurances – Chronique par P.-G. Marly, M. Asselain et M. Leroy, JCP E n° 43-44, 22 oct. 2020, 1413, n° 1).

En définitive, le critère de distinction pour l’action directe tient donc davantage dans l’objet du contrat que son éventuel titulaire. 

(Original publié par rbigot)

La rédaction de Dalloz actualité fait une petite pause la semaine du 1er novembre.

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Auteur d'origine: Thill

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(Original publié par Thill)
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Le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) ne doit pas être manifestement disproportionné par rapport au montant des dépenses exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets. Dans le cadre du litige opposant l’association des contribuables actifs du Lyonnais à la métropole à propos du taux de la TEOM pour 2016, le Conseil d’État précise la nature des dépenses incluses dans les dépenses de fonctionnement susceptibles d’être prises en compte pour apprécier cette proportionnalité.

Détermination du taux de la TEOM

Le Conseil d’État commence par rappeler les règles qui s’appliquent au taux et à l’assiette (CE 31 mars 2014, n° 368111, Ministre délégué, chargé du budget, Lebon ; AJDA 2014. 769 ) : « La taxe d’enlèvement des ordures ménagères susceptible d’être instituée sur le fondement [du I de l’article 1520 du code général des impôts] n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses...

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par Emmanuelle Maupinle 29 octobre 2021

CE 20 oct. 2021, n° 444581

Le Conseil d’État était saisi du pourvoi de plusieurs riverains contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes rejetant leur demande d’annulation d’un arrêté du maire d’Angers délivrant à la société Bouygues Immobilier un permis de construire valant division et comprenant...

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(Original publié par emaupin)

Doit être censuré l’arrêt jugeant que le vendeur n’a pas satisfait à son obligation de délivrance conforme, alors que la clause de pollution n’a pas été reprise dans l’acte de vente et que l’inconstructibilité du terrain constitue non un défaut de conformité, mais un vice caché de la chose vendue.

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(Original publié par Rouquet)
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L’étude publiée le 20 octobre 2021 dans la revue Global Environmental Change (étude menée par Christophe Bonneuil, Pierre-Louis Choquet et Benjamin Franta à partir d’archives et d’entretiens avec d’anciens dirigeants de Total et d’Elf) met une nouvelle fois Total dans la tourmente en révélant que depuis près de cinquante ans l’entreprise connaissait les conséquences de son activité sur le climat. Si l’entreprise mise notamment sur sa filiale Total Quadran pour investir dans les nouvelles énergies à bas carbone, la pollution des sols reste un sujet majeur du droit de l’environnement pour lequel l’entreprise, par l’intermédiaire de ses distributeurs, est souvent tristement mise en cause. En effet, le sol est une ressource à protéger du point de vue de sa consistance et non seulement de son aménagement (v. Droit des sites et sols pollués, ss. la dir. de F. Labelle et D. Thierry, L’harmattan, 2018).

C’est de pollution des sols par hydrocarbures dont il est question dans cet arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 30 septembre 2021 publié au bulletin.

Les faits sont des plus classiques. Le 29 mars 2010, la société Total Mayotte a échangé avec la société Nel une parcelle de terrain, sur laquelle avait été exploitée une station-service de distribution de carburant. Le 31 mai 2010, la société Nel revend ce terrain à la société Station Kaweni. Cette dernière société la donne à bail à la société Sodifram pour y édifier des parkings, commerces et bureaux. En 2013, lors des travaux, une pollution aux hydrocarbures est découverte sur le terrain.

Acquéreur et preneur assignent les cédants successifs en indemnisation de leurs préjudices pour non-respect des articles L. 512-12-1 et R. 512-66-1 du code de l’environnement, manquement à leur obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés. La société Total Mayotte forme un appel en garantie contre la société Nel revendiquant l’application de la clause de pollution qu’elle avait pris soin d’insérer dans l’acte d’échange.

En appel, les cédants successifs sont condamnés in solidum à indemniser acquéreur et preneur. Ils se pourvoient chacun en cassation. En raison de leur connexité, les deux pourvois sont joints.

Deux moyens sont donc examinés par les juges de la Haute Cour et les réponses données sont des plus instructives. S’agissant du premier moyen qui est rejeté, la solution met en lumière les limites d’une clause de pollution. Sur le second moyen, la Cour casse l’arrêt d’appel et rappelle opportunément la différence entre l’obligation de délivrance conforme et la garantie des vices cachés. Le sort des vendeurs successifs est donc différencié avec pour conséquence que c’est in fine la société Total Mayotte qui supportera seule les conséquences de cette pollution.

L’inefficacité de la clause « de pollution »

Les stations-services de distribution de carburant sont des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) relevant du régime de l’enregistrement (autorisation simplifiée). En effet, considérant que cette activité et les risques environnementaux qu’elle présente étaient désormais bien connus, le législateur a estimé en 2009 qu’un régime simplifié pouvait lui être appliqué puisque les prescriptions techniques à faire respecter pouvaient être standardisées et généralisées.

Il n’en reste pas moins que l’exploitant qui cesse son activité doit placer « le site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 et qu’il permette un usage futur comparable à la dernière période d’activité de l’installation » et en informer le propriétaire. L’article R. 512-66-1 du code de l’environnement précise la procédure à suivre et notamment les actions d’élimination, d’évacuation des produits dangereux ou déchets.

L’ambition limitée du législateur peut être regrettée puisque, finalement, l’exploitant n’a pour mission que de remettre en état le terrain pour le même usage, fut-il polluant. Cela n’incite pas à l’effort, l’imputabilité d’une pollution des terres par hydrocarbure étant difficile à établir si plusieurs exploitants se succèdent sur ce même site.

De surcroît, en l’espèce, propriétaire et exploitant ne faisaient qu’un. Il manquait donc un filtre de vigilance au dispositif, la société pouvant difficilement exiger d’elle-même une « meilleure » remise en état de la parcelle… En revanche, la société Total Mayotte était particulièrement bien placée pour connaître les conséquences de son exploitation et délivrer des informations détaillées et pertinentes à son coéchangiste. C’est ce que l’on pouvait attendre de la clause dite « de pollution » présente dans l’acte d’échange (rappelons qu’elle se distingue d’une clause de non-garantie ; cette dernière est nulle comme contraire à l’ordre public lorsqu’elle est insérée par le dernier exploitant de l’ICPE, Civ. 3e, 3 nov. 2011, n° 10-14.986).

La clause en question portait à la connaissance du coéchangiste un « rapport de synthèse de dépollution » et avait corrélativement pour objectif d’exonérer la société Total Mayotte de tout recours en raison de l’état du sol ou du sous-sol de l’immeuble en lien avec l’activité exercée sur ce dernier. En apparence, la société semblait donc avoir respecté son obligation de remise en état lors de la cessation d’exploitation et son obligation d’information. Il était donc logique qu’elle en attende une exonération de responsabilité.

Pourtant, les juges du fond ont relevé que dès les premiers coups de godet des engins de terrassement, la présence d’hydrocarbures a été révélée attestant non seulement d’une pollution effective du sol mais encore d’un travail de dépollution ne correspondant pas au rapport communiqué lors de l’échange et sur lequel toute l’information environnementale reposait. Les faits ne révélaient pas une simple pollution résiduelle pour lesquelles un risque accepté aurait été envisageable mais une pollution massive rendant le terrain inconstructible pendant plusieurs mois.

C’est bien ce décalage entre la réalité de l’état du sol et les affirmations du rapport de synthèse sur lequel reposait l’effet exonératoire de responsabilité de la clause qui pose difficulté. Le rapport technique laissait à penser que le terrain était exempt de pollution résiduelle ce qui n’était pas le cas.

La Haute Cour confirme donc la solution d’appel retenant la responsabilité contractuelle de la société Total Mayotte à l’égard du sous-acquéreur qui jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur. Il y a manquement à son obligation de délivrance en ce que le terrain n’était pas conforme à l’état de dépollution complète annoncé dans le rapport technique joint à l’acte d’échange. Dès lors sa responsabilité délictuelle doit également être retenue à l’égard du preneur.

Cette solution est conforme au droit positif qui retient que le vendeur d’un immeuble présenté comme dépollué est tenu de délivrer un bien conforme à cette caractéristique (Civ 3e, 29 févr. 2012, n° 11-10.318, D. 2012. 736 ; ibid. 1208, chron. A.-C. Monge, V. Guillaudier et I. Goanvic ; AJDI 2013. 453 , obs. F. Cohet-Cordey ; adde, Civ. 3e, 12 nov. 2014, n° 13-25.079).

La sévérité à l’égard du propriétaire-exploitant, professionnel connaissant parfaitement les risques de son activité, est une nouvelle fois confirmée (v. ant., Civ. 3e, 29 juin 2017, n° 16-18.087, D. 2017. 1889 , note N. Rias ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJ contrat 2017. 450, obs. N. Kilgus , la connaissance du vice par le vendeur suffit à faire échec à l’application d’une clause de non garantie des vices cachés).

Peu importe donc que la clause comporte toutes les informations et explications utiles. Dès lors que ces dernières reposent sur un rapport technique erroné (sinon mensonger) au regard de la réalité, l’exonération de responsabilité ne saurait être retenue.

La tentative de démontrer ici que le cessionnaire connaissait et acceptait le risque d’une pollution résiduelle (v. Civ. 3e, 16 janv. 2013, n° 11-27.101, D. 2013. 676 , note O. Sutterlin ; ibid. 647, point de vue B. Parance ; AJDI 2013. 361 , obs. B. Wertenschlag et T. Geib ) pour s’exonérer de son obligation de délivrance est tenue en échec.

La clause se référant au rapport technique alourdit l’obligation du cédant. Alors qu’il n’était administrativement tenu qu’à une obligation de remise en état du site, le vendeur fait entrer dans le champ contractuel la notion de « dépollution complète du site ». Il se trouve alors tenu de délivrer un bien conforme à ce qu’il a annoncé. La solution incite donc tout exploitant à confier les opérations de remise en état à des prestataires dignes de confiance et à veiller à la qualité de rédaction des rapports.

On ne soulignera jamais assez combien la référence à la notion de « dépollution » alourdit considérablement les obligations du vendeur. C’est bien un résultat qui est attendu en matière environnementale et non seulement la mise en œuvre de moyens.

On remarquera en outre que les obligations civiles permettent à la Cour de cassation d’exiger plus que ce qu’impose le dispositif légal au titre de la remise en état des sites sur lesquels une ICPE a été exploitée.

La pollution rendant le sol inconstructible est un vice caché

La cour d’appel avait condamné la société Nel à indemniser l’acquéreur et le preneur pour manquement à son obligation de délivrance conforme. Elle avait en effet considéré que la parcelle destinée à la construction de parkings, commerces et bureaux s’était trouvée inconstructible pendant six mois en raison de la présence de la pollution par hydrocarbures, imputable au manquement de la société Total Mayotte à son obligation de délivrance d’un terrain dépollué.

L’arrêt est cassé au visa des articles 1603, 1604 et 1641 du code civil. Les deux premiers articles énoncent que le vendeur a l’obligation de délivrer une chose conforme à celle promise. Le troisième dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine (…) ».

La Cour de cassation relève que la clause « de pollution » n’a pas été reprise dans l’acte de vente conclu entre la société Nel et la société Station Kaweni. Elle énonce alors que l’inconstructibilité du terrain est un vice caché de la chose vendue et non un défaut de conformité.

Le bien n’avait pas été présenté comme dépollué, dès lors le vendeur n’était pas tenu de délivrer un terrain conforme à cette caractéristique (v. en ce sens, Civ. 3e, 5 déc. 2012, n° 11-20.689).

Dans cette circonstance, la Haute Cour confirme ainsi une solution bien connue : l’inconstructibilité d’un terrain résultant de sa pollution constitue un vice du sol qui relève de la garantie des vices cachés (Civ. 3e, 9 oct. 2013, n° 12-14.502)

Les solutions juridiques retenues sont donc conformes au droit positif.

Il est rappelé qu’une clause d’information relative à la pollution d’un bien ne suffit pas à exonérer le vendeur de ses obligations. Au contraire, elle peut même les renforcer comme en l’espèce où l’obligation de délivrance conforme se hisse au niveau d’une dépollution complète, laquelle est entrée dans le champ contractuel par le biais du rapport technique annexé à l’acte d’échange. Nul besoin de mener une analyse comparée entre usage et affectation, puisque la conformité s’apprécie au regard de l’état dépollué du sol annoncé par l’exploitant. Au lieu de protéger le cédant, la clause s’avère compromettante.

La Cour de cassation met encore en évidence que cette information doit être conforme à la réalité des opérations menées sur le sol. Cela a pour effet de renforcer l’obligation de vigilance de l’exploitant à l’égard du processus de remise en l’état du terrain.

Enfin dès lors que le revendeur n’a pas repris la clause de dépollution dans l’acte de vente ultérieur, c’est la garantie des vices cachés qui doit s’appliquer à l’hypothèse du sol pollué. Cela a pour conséquence de faire supporter l’indemnisation des préjudices subis du fait de la pollution sur le seul exploitant-cédant.

(Original publié par Rouquet)
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Le premier arrêt concerne la société Malongo qui est titulaire depuis 2005 de la marque verbale XPOD pour des classes de produits relevant des machines à café. En 2014, la société Interpool a déposé la marque ZPOD pour désigner des produits similaires. La société Malongo a alors assigné sa concurrente en annulation de la marque ZPOD en formulant également une demande en contrefaçon de sa propre marque XPOD.

Par une décision du 17 mai 2019, la cour d’appel de Paris a effectivement annulé la marque ZPOD en constatant qu’il existait un risque de confusion avec la marque antérieure XPOD. Cependant, la cour a débouté la société Malongo de sa demande en contrefaçon. En effet, pour la juridiction, il ne pouvait y avoir contrefaçon dans la mesure où la marque ZPOD n’avait pas été utilisée avant d’être annulée. La cour notait ainsi que « le dépôt d’une marque annulée, qui est réputée n’avoir pas existé, ne peut à lui seul constituer un acte de contrefaçon ».

La société Malongo a donc formé un pourvoi en cassation puisqu’elle estimait au contraire que la seule demande d’enregistrement de la marque ZPOD, même sans autre utilisation de cette marque, constituait un acte de contrefaçon.

Le second arrêt porte sur la société Wolfberger qui a acheté, en 2012, le fonds de commerce de la société Domaine Lucien Albrecht. Ce fonds de commerce incluait des marques françaises, communautaires et internationales, notamment les marques « Lucien Albrecht » et « Weid » pour désigner des vins et crémants d’Alsace. La famille Albrecht, qui gérait précédemment la société Domaine Lucien Albrecht, a déposé en 2012 et 2013 plusieurs signes, notamment « Jean Albrecht », « Le Weid de Jean Albrecht » et « Famille Albrecht », pour désigner les mêmes produits. L’Institut national de la propriété industrielle a refusé d’enregistrer ces signes mais la société Wolfberger a tout de même assigné les consorts Albrecht pour contrefaçon de ses marques.

Par un arrêt du 3 juillet 2019, la cour d’appel de Colmar a rejeté les demandes de la société Wolfberger tenant à la contrefaçon. La société a alors formé un pourvoi en cassation en avançant que « le dépôt d’une marque, même non suivi de son enregistrement, est susceptible, en soi, de constituer un acte d’usage non autorisé d’une marque antérieure et, par là même, un acte de contrefaçon ».

Dans ces arrêts du 13 octobre 2021, la Cour de cassation devait donc décider si la demande d’enregistrement d’un signe similaire à une marque antérieure, indépendamment de toute autre utilisation de ce signe, pouvait constituer un acte de contrefaçon.

Une jurisprudence antérieure constante mais contestée

La jurisprudence antérieure de la Cour de cassation considérait clairement qu’une demande d’enregistrement pouvait constituer un acte de contrefaçon. La Cour estimait en effet que le dépôt d’une marque contrefaisante portait atteinte au droit exclusif du titulaire de la marque antérieure et, en conséquence, lui causait nécessairement un dommage (Com. 10 juill. 2007, n° 05-18.571, D. 2007. 2112, obs. J. Daleau ; ibid. 2009. 691, obs. S. Durrande ; Rev. crit. DIP 2008. 322, note E. Treppoz ; RTD com. 2007. 712, obs. J. Azéma ; v. égal. Com. 26 nov. 2003, n° 01-11.784 et Com. 24 mai 2016, n° 14-17.533, D. 2017. 318, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; Dalloz IP/IT 2016. 556, obs. N. Martial-Braz ; RTD com. 2016. 729, obs. J. Azéma ).

On peut également noter que la Cour de cassation ne considérait aucunement l’usage commercial d’une marque contrefaisante comme nécessaire à établir un acte de contrefaçon. Elle jugeait au contraire que « l’atteinte portée au droit privatif que constitue la propriété d’une marque justifie à elle seule l’allocation de dommages-intérêts, peu important […] l’absence d’usage dans la vie des affaires de la marque contrefaisante » (Com. 21 févr. 2012, n° 11-11.752, PIBD 2012. III. 311).

Toutefois, cette jurisprudence n’était pas toujours suivie par les juridictions du fond. Par exemple, le tribunal de grande instance de Paris affirmait en 2017 que le « simple dépôt d’une marque ne peut être en soi jugé contrefaisant d’une marque antérieure dans la mesure où la contrefaçon nécessite un usage dans la vie des affaires » (TGI Paris, 3e ch., 21 sept. 2017, n° 16/00723).

Un revirement de jurisprudence net

Dans ses deux arrêts du 13 octobre 2021, qui partagent la même motivation, la Cour de cassation opère explicitement un revirement de jurisprudence. La Cour, citant sa propre jurisprudence, confirme que son interprétation précédente de la loi considérait que le seul dépôt d’une marque pouvait constituer un acte de contrefaçon avant d’affirmer qu’« il y a lieu de reconsidérer cette interprétation à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ».

Ainsi, la Cour de cassation cite l’arrêt Daimler de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 3 mars 2016, aff. C‑179/15, D. 2016. 2141, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2017. 318, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; CCE 2016, n° 32, note C. Caron ; Propr. ind. 2016, n° 26, note A. Folliard-Monguiral ; LEPI 5/2016, p. 1, obs. J.- P. Clavier) et en déduit quatre critères cumulatifs pour définir un acte de contrefaçon :

le signe contrefaisant doit être utilisé dans la vie des affaires ;en l’absence du consentement du titulaire de la marque antérieure ;pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés par la marque antérieure ;et l’utilisation doit provoquer un risque de confusion dans l’esprit du public, ce qui porte atteinte à la fonction essentielle de la marque, sa fonction de garantie de provenance.

En l’occurrence, dans le cas de la marque ZPOD, la marque a été enregistrée puis annulée avant d’avoir été exploitée alors que dans le cas des marques déposées par les consorts Albrecht, les marques n’avaient pas même été enregistrées. Ainsi, les marques potentiellement contrefaisantes avaient seulement été déposées mais n’avaient ensuite fait l’objet d’aucune exploitation. Deux des critères susmentionnés n’étaient donc pas remplis. Les signes n’ont pas été utilisés dans la vie des affaires. De plus, puisqu’ils n’ont jamais servi à désigner de produit ou service commercialisés, ils n’ont pas pu provoquer de risque de confusion, donc d’atteinte à la fonction essentielle des marques antérieures.

En conséquence, le seul dépôt d’une marque, que ce dépôt soit suivi ou non d’un enregistrement, ne constitue pas un acte de contrefaçon.

Une motivation curieuse mais une décision souhaitable

Ces décisions sont très clairement motivées par la volonté de la Cour de cassation de se conformer au droit européen. Or, si cette motivation est légitime, le choix de l’arrêt particulier cité pour la sous-tendre peut paraître contestable.

En effet, la définition de la contrefaçon par la CJUE est bien antérieure à l’arrêt Daimler qui est cité par la Cour de cassation. La liste des quatre critères que retient la Cour provient ainsi de l’arrêt de la CJUE du 12 juin 2008 (O2 Holdings et O2, aff. C-533/06, pt 57, D. 2008. 1824, et les obs. ; CCE 2008, n° 132, note C. Caron ; Propr. ind. 2008, n° 61, note A. Folliard-Monguiral).

Certes, l’arrêt Daimler précise la définition d’un acte de contrefaçon, mais ne le fait que de façon marginale. Son principal apport réside dans la distinction entre le cas où les produits et services désignés par le signe contrefaisant sont identiques à ceux désignés par la marque antérieure et le cas où il existe uniquement une similarité – distinction que la Cour de cassation ne reprend pas à son compte. Le fait, pour la juridiction française, de s’appuyer cette décision de la Cour de justice de l’Union européenne en particulier semble donc constituer une motivation d’opportunité pour justifier du revirement de jurisprudence et de la mise en conformité tardive avec le droit européen.

Par ailleurs, ce revirement de jurisprudence lui-même est bienvenu. À travers la question, certes mineure, de savoir si le seul dépôt d’une marque pouvait constituer un acte de contrefaçon, c’était finalement deux conceptions du droit des marques qui s’opposaient. Si l’on considère que le dépôt d’un signe peut être contrefaisant même en l’absence d’exploitation commerciale, le droit du titulaire de marque est vu comme un droit de propriété classique. Toute atteinte au droit exclusif est donc prohibée de façon absolue. À l’inverse, le droit européen tend à penser le droit des marques dans une approche fonctionnelle, dans laquelle le droit est assujetti à l’objectif qui lui est attribué. Or, dans cette perspective, il est logique qu’une simple demande d’enregistrement ne puisse pas être sanctionnée puisqu’elle ne dérange pas l’objectif ou la fonction du droit.

(Original publié par nmaximin)
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Dix jours après leur publication au Journal officiel, les huit arrêtés de la ministre de la Transition écologique autorisant, dans certains départements du sud-ouest et dans les Ardennes, des méthodes de chasse traditionnelles aux oiseaux (AJDA 2021. 2062 ) ont été suspendus par le juge des référés du Conseil d’État.

Cette décision est tout sauf une surprise, alors que des arrêtés ayant le même objet avaient été annulés par la Haute juridiction en août 2021 (CE 6 août 2021, n° 425435, Ligue française pour la protection des oiseaux, AJDA 2021. 1657 ; D. 2021. 1546, et les obs. ) pour méconnaissance de la directive Oiseaux et conformément à la jurisprudence de la Cour de Luxembourg (CJUE 17 mars 2021, aff. C-900/19, One voice (Assoc.) et Ligue pour la protection des oiseaux c/ Ministre de la transition écologique et solidaire, AJDA 2021. 588 ; ibid. 1086, chron. P. Bonneville, C. Gänser et A. Iljic ; ibid. 1086,...

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(Original publié par Montecler)

Le rapport sénatorial dresse le constat d’un accès difficile aux soins pour de nombreux Français, notamment en raison de délais d’attente trop longs ou de distances trop importantes à parcourir. Selon un sondage de 2019, 63 % des Français ont déjà renoncé ou reporté des soins. Cette situation concerne non seulement les espaces ruraux mais aussi certaines villes moyennes ou des zones périurbaines. Selon les auteurs, l’État, à qui revient la responsabilité exclusive de la politique de la santé, rencontre de grandes difficultés à réduire ces inégalités territoriales. Ainsi, un fossé se serait creusé, au fil des ans, entre le droit et le fait : censé, en principe, garantir à tous les citoyens un égal accès aux soins, notre système de santé n’a pas su empêcher le développement des inégalités territoriales en la matière. Dans ce contexte, l’association des maires ruraux, associée à des acteurs de la santé et à des citoyens, a lancé un cri d’alerte sur la dégradation de la démographie médicale, véritable « bombe à retardement ».

Des initiatives locales pour pallier les insuffisances de l’État

Selon les rapporteurs, bien que la politique de santé incombe juridiquement à l’État, les collectivités territoriales ne sont pas, en pratique, totalement exclues du champ sanitaire. Dans l’attente de solutions pérennes...

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(Original publié par pastor)

Le rapport sénatorial dresse le constat d’un accès difficile aux soins pour de nombreux Français, notamment en raison de délais d’attente trop longs ou de distances trop importantes à parcourir. Selon un sondage de 2019, 63 % des Français ont déjà renoncé ou reporté des soins. Cette situation concerne non seulement les espaces ruraux mais aussi certaines villes moyennes ou des zones périurbaines. Selon les auteurs, l’État, à qui revient la responsabilité exclusive de la politique de la santé, rencontre de grandes difficultés à réduire ces inégalités territoriales. Ainsi, un fossé se serait creusé, au fil des ans, entre le droit et le fait : censé, en principe, garantir à tous les citoyens un égal accès aux soins, notre système de santé n’a pas su empêcher le développement des inégalités territoriales en la matière. Dans ce contexte, l’association des maires ruraux, associée à des acteurs de la santé et à des citoyens, a lancé un cri d’alerte sur la dégradation de la démographie médicale, véritable « bombe à retardement ».

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Selon les rapporteurs, bien que la politique de santé incombe juridiquement à l’État, les collectivités territoriales ne sont pas, en pratique, totalement exclues du champ sanitaire. Dans l’attente de solutions pérennes...

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Auteur d'origine: pastor
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Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (ou de branche à défaut) est indispensable pour qu’un employeur puisse recourir aux forfaits jours sur l’année (C. trav., art. L. 3121-63). Une convention – nécessairement écrite et individuelle – de forfait est ensuite conclue entre l’employeur et le salarié (Soc. 8 mars 2012, n° 10-24.305 D).

Par ailleurs, depuis la loi Travail n° 2016-1088 du 8 août 2016, ayant intégré les exigences jurisprudentielles antérieures (v. not., Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107 P, D. 2011. 1830, et les obs. ; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2011. 474, Controverse B. Van Craeynest et P. Masson ; ibid. 481, étude M.-F. Mazars, S. Laulom et C. Dejours ), l’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge travail des salariés en forfait jours est raisonnable (C. trav., art. L. 3121-60). C’est en principe à l’accord collectif qui prévoit le recours au forfait jours de fixer les modalités du suivi de la charge de travail du salarié (C. trav., art. L. 3121-64), avec par exemple des mécanismes de contrôle et d’alerte (v. par ex., Soc. 8 sept. 2016, n° 14-26.256, D. 2016. 1823 ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; 6 nov. 2019, n° 18-19.752 P, D. 2019. 2186 RECUEIL/JURIS/2019/2641 ; ibid. 2020. 1136, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2019, n° 609, p. 11, obs. D. Castel ; ibid. 2020, n° 612, p. 38, étude M. Julien et J.-F. Paulin ). Mais comment apprécier le critère de la suffisance de ces mesures de contrôle et de suivi ? Que se passe-t-il si la convention ou l’accord collectif se révèle lacunaire sur ce point ? C’est précisément dans ce contexte que s’inscrit l’arrêt du 13 octobre 2021 présentement commenté.

En l’espèce, un salarié avait été embauché par une caisse régionale du Crédit agricole en qualité d’agent administratif, avant de bénéficier d’une promotion au poste de directeur d’agence. Dans le cadre de cette promotion, l’intéressé a signé une convention de forfait en jours prévoyant 206 jours de travail annuel.

Le salarié a démissionné avant de saisir les juridictions prud’homales aux fins d’obtenir la requalification de sa démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ainsi que le prononcé de la nullité de la convention de forfait en jours.

Les juges du fond déboutèrent l’intéressé de sa demande en nullité de la convention individuelle de forfait en jours, après avoir apprécié la suffisance des garanties assurées par la convention collective nationale du Crédit agricole du 4 novembre 1987.

La chambre sociale de la Cour de cassation va, au visa de plusieurs textes à la fois légaux, internationaux et constitutionnel, invalider le raisonnement des juges du fond en cassant l’arrêt d’appel.

La Haute juridiction va en effet rappeler que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, le droit à la santé et au repos...

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Auteur d'origine: Dechriste
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L’article 3 se voulait un progrès important pour le renforcement du secret des avocats. Le texte protège tout d’abord les avocats en introduisant des protections supplémentaires en cas de perquisitions, interception judiciaire ou réquisitions des données de connexion. Le ministre souhaitait également une reconnaissance du secret professionnel de l’avocat. Devant la justice pénale, le secret professionnel de l’avocat n’est actuellement protégé que contre la saisie de documents « en lien avec l’exercice des droits de la défense », comme l’a récemment indiqué la chambre criminelle de la Cour de cassation (Crim. 25 nov. 2020, n° 19-84.304 P, Dalloz actualité, 23 déc. 2020, obs. L. Priou-Alibert). Les députés sont allés plus loin, en prévoyant le secret pour les missions de conseil de l’avocat.

Mais le Sénat, tout en reconnaissant le secret du conseil, a prévu des exceptions pour certains délits (Dalloz actualité, 27 sept. 2021, art. P. Januel) : la fraude fiscale, la corruption et le trafic d’influence, ainsi que leur blanchiment. Plusieurs raisons expliquent ces limitations. Après les Pandora Papers, les sénateurs ne souhaitaient pas affaiblir la lutte contre la fraude fiscale, d’autant que des obligations déclaratives pèsent maintenant sur les avocats. De plus, le Conseil constitutionnel considère que rien dans la Constitution ne consacre « un droit au secret des échanges et correspondances des avocats » (Cons. const. 24 juill. 2015, n° 2015-478 QPC, French Data Network (Assoc.) et autres, AJDA 2015. 1514 ; D. 2015. 1647, et les obs. ; ibid. 2016. 1461, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ). Dès lors, un renforcement trop important du secret du conseil des avocats serait fragile constitutionnellement. D’une part, parce que ces protections ne seraient pas forcément équilibrés avec la nécessité de prévenir les infractions. D’autre part, parce que d’autres professions qui effectuent aussi des missions de conseil, ne bénéficieraient pas des mêmes protections.

En commission mixte paritaire (CMP), les arguments des sénateurs l’ont emporté. Si le texte consacre le secret de la défense et du conseil, il prévoit des exceptions. D’abord, si les documents saisis sont utilisés aux fins de commettre ou de faciliter la commission de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence ou financement du terrorisme (un ajout fait à la demande du gouvernement). Seconde exception, si « l’avocat a fait l’objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d’une infraction ».

La colère des avocats, l’étonnement des parlementaires

L’annonce du compromis a suscité la colère des avocats (Dalloz actualité, 23 oct. 2021, obs. S. Bridier). Les représentants de la profession ont évoqué un « compromis totalement inacceptable », le Barreau de Paris en appelant même au président de la République pour une réécriture de l’article 3.

Côté parlementaires, cette réaction suscite l’étonnement. Loin d’être un recul, pour les parlementaires la reconnaissance du secret du conseil, même avec des exceptions, est un progrès pour les avocats. Le co-rapporteur du texte au Sénat Philippe Bonnecarrère, rappelle que « de l’accès aux dossiers dans les enquêtes préliminaires à la force exécutoire de l’acte d’avocat ou au titre exécutoire du CNB, ce texte contient de très nombreuses avancées pour la profession. » D’autant que pour Laetitia Avia, cheffe de file des députés LREM, « les représentants de la profession ont été évidemment associés à la réflexion et ont reçu la rédaction en amont de la CMP ».

Pour la députée, « l’indivisibilité du secret de l’avocat est un impératif pour nous d’où l’absence d’exception dans l’article préliminaire afin de consacrer le principe. Des exceptions ont été instaurées dans les dispositions relatives à l’opposabilité des documents saisis, sous contrôle du JLD et du bâtonnier ».

La seconde exception, qui prévoit la levée du secret si l’avocat a fait l’objet de manœuvres est contestée par les avocats. Pour Laetitia Avia : « S’il s’agit de clarifier les dispositions du texte cela peut, bien évidemment, se faire. S’il s’agit de revoir son économie générale, c’est nettement plus compliqué. Il faudra surtout convaincre les sénateurs. » Philippe Bonnecarrère indique qu’il n’a pour l’instant pas été saisi d’une demande en ce sens.

Le texte peut encore être amendé, lors des lectures des conclusions de la CMP, qui auront lieu le 16 novembre. Mais l’amendement doit être soutenu par le gouvernement et voté à l’identique par les deux chambres. À défaut, les conclusions de la CMP seraient annulées et le texte reviendrait en nouvelle lecture à l’Assemblée. Ce que, au Parlement ou au gouvernement, personne ne souhaite.

Face à la gronde des avocats, le garde des Sceaux a souhaité rencontrer leur représentants. Lundi après-midi, Éric Dupond-Moretti a reçu Jérôme Gavaudan (président du CNB), Hélène Fontaine (présidente de la conférence des bâtonniers), Olivier Cousi (bâtonnier de Paris) et Vincent Nioret. Charge à eux de se mettre d’accord sur une rédaction, qui puisse convenir aux assemblées. Mais les critiques envers les représentants et l’appel à la verticalité du pouvoir, n’est pas forcément l’attitude la plus adroite dans un processus qui reste parlementaire.

(Original publié par Thill)

Cette proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption était particulièrement attendue des praticiens intervenant en pénal des affaires et désireux de voir les mécanismes en matière de lutte contre la corruption et justice négociée parachevés.

Pour mémoire, les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix s’étaient vu confier, dans le cadre de la mission d’information de la commission des lois, d’évaluer la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 ». Ce travail avait abouti à la formulation de cinquante propositions destinées à compléter la politique anticorruption de la France et dont la présente proposition de loi s’inspire.

Trois axes viennent articuler cette proposition de loi : les dispositions relatives à la lutte contre la corruption et les autres atteintes à la probité (art. 1 à 5), les dispositions relatives à la justice négociée (art. 6 à 8), enfin les dispositions relatives au registre des représentants d’intérêts (art. 9 à 10).

Les dispositions relatives à la lutte contre la corruption et autres atteintes à la probité

La présente proposition de loi vient suggérer plusieurs pistes visant à réformer le statut de l’Agence française anticorruption (AFA). C’est ainsi que les députés souhaitent que soit clarifiée la distribution des rôles entre les fonctions gouvernementales et les fonctions de supervision. Ils proposent ainsi de modifier la loi Sapin 2 ainsi que la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

Concrètement, la proposition de loi consacre le rôle de l’AFA en matière de coordination administrative et de programmation stratégique, et transfère à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) les fonctions de conseil et de contrôle des acteurs publics actuellement remplies par l’AFA. En d’autres termes, l’AFA resterait en charge tant du conseil que du contrôle des acteurs économiques. L’agence conserverait de la même façon ses missions de monitoring et de contrôle de la loi de blocage (art. 1 de la proposition de loi).

Parallèlement, la proposition de loi élargit le champ d’application des sociétés assujetties aux obligations de l’article 17 de la loi Sapin 2. L’article 1er propose ainsi de supprimer la condition tenant à la localisation en France du siège social de la société mère afin de soumettre aux obligations prévues par l’article 17 précité les petites filiales de grands groupes étrangers établies en France, dès lors que la société mère dépasse les seuils prévus par la loi.

Cet article envisage enfin la création d’une commission des sanctions au sein de la HATVP, à l’instar de ce qui existe pour l’AFA.

Les obligations en matière de conformité qui pèsent sur les acteurs publics sont renforcées en identifiant notamment les responsables publics chargés de la mise en œuvre du dispositif. Les obligations prévues pour les acteurs économiques visées à l’article 17 de la loi Sapin 2 se voient adaptées aux acteurs publics aux termes de l’article 2 de la proposition de loi.

L’article 4 de la proposition propose de conférer des pouvoirs de contrôle et de sanction à la Haute Autorité en consacrant trois nouveaux articles dans la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013. Plus précisément, elle envisage d’offrir un droit de communication aux agents de l’HATVP (art. 25). Cet article prévoit des sanctions administratives lorsqu’un représentant d’intérêts ne se conforme pas aux obligations prévues à l’image d’une mise sous astreinte. En ce qui concerne les sanctions susceptibles d’être retenues, la Commission des sanctions peut prononcer six mois après cette mise sous astreinte, une amende susceptible de s’élever à 4 % du chiffre d’affaires ou encore « 50 % des dépenses engagées pour mettre en œuvre les actions de représentation d’intérêts concernées ». Cette seconde notion reste cependant à ce stade floue et mérite d’être précisée (art. 25-1). Enfin, l’article 25-2 de la proposition de loi porte sur les contrôles relatifs aux mesures et procédures de prévention et de détection de la corruption.

Le texte vient également parachever la procédure de sanction en présence de manquement aux obligations de conformité en matière de lutte contre la corruption (art. 5). Ce faisant, elle modifie les dispositions figurant aux IV et V de l’article 17 de la loi Sapin 2.

Concrètement cette disposition rend obligatoire le prononcé d’une mise en demeure avant la saisine de la Commission des sanctions par le président de l’AFA. C’est ainsi que le Président ne pourra saisir la commission de sanctions que si l’entité visée par la mise en demeure ne s’y conforme pas dans le délai expressément fixé. Pour autant, cette obligation est assortie d’une exception, le Président pourra ainsi saisir directement la Commission des sanctions en présence d’un manquement grave c’est-à-dire « lorsque la personne morale n’a pas apporté son concours au contrôle » ou « lorsqu’elle a agi de mauvaise foi ».

Les dispositions en matière de justice négociée

Les dispositions en matière de justice négociée méritent une attention particulière en ce qu’elles renforcent utilement le mécanisme de Convention judiciaire d’intérêt publique (CJIP). L’article 6 de la proposition de loi vient en effet améliorer la CJIP avec comme objectif de « favoriser la révélation spontanée de faits de corruption, et pour cela, renforcer les droits de la personne morale au cours de la négociation de la CJIP ».

Ces pistes d’amélioration se traduisent en pratique par l’extension du champ des infractions concernées pour la conclusion d’une CJIP au délit de favoritisme, la limitation du programme de mise en conformité prévue par la CJIP à cinq ans, la consécration d’une phase intermédiaire permet l’accès au dossier à la personne morale.

L’article 6 envisage également la possibilité pour le procureur de la République avec l’accord de la personne morale concernée de nommer un mandataire ad hoc ou un comité spécial, en fonction de la taille de l’entreprise, pour représenter la société dans le cadre de la négociation de la convention. « Ce mandataire ou comité pourrait également conduire l’enquête interne menée au sein de la personne morale, lorsqu’une telle enquête est ouverte. Cette mesure a pour objectif de faire cesser d’éventuels conflits d’intérêt, dans le cas où certains dirigeants seraient impliqués dans les faits pour lesquels la personne morale est mise en cause ». Un tel mécanisme apparait, dans sa présentation, opportun afin de préserver les éventuels risques de conflits d’intérêts mais également de permettre au dirigeant concerné de se concentrer sur sa propre défense.

La proposition de loi se prononce également sur le sort des documents remis par la personne morale lors des négociations. Elle renforce la protection applicable aux documents et informations transmises au procureur durant cette phase de négociation et étend cette protection aux cas où la personne morale renonce à la conclusion au cours de la période de négociation ou refuse la proposition qui lui est faite par le procureur.

L’article 7 vient utilement renforcer les droits des personnes physiques au cours d’une enquête interne en s’inspirant des droits des personnes gardées à vue. En pratique, la proposition envisage la création de six articles (706-183 à 706-187) au sein du code de procédure pénale. Ces garanties sont envisagées dans l’hypothèse où une personne morale est mise en cause pour un ou plusieurs délits et diligente une enquête interne portant sur les mêmes faits. Si bien que les enquêtes spontanées diligentées en dehors de poursuites pénales sont exclues du périmètre de ces articles.

L’article 706-184 prévoit ainsi que « toute personne convoquée dans le cadre d’une enquête interne ne peut être librement entendue que si cette convocation lui a été notifiée dans un délai raisonnable ». À l’occasion de cette notification, la personne doit avoir été informée :

1° du droit de mettre fin à l’audition lorsqu’elle le souhaite ;2° du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire,3° du droit de se faire accompagner par un avocat choisi par elle ;4° le cas échéant, du droit d’être assistée par un interprète.

La notification doit également indiquer la durée maximale de l’audition.

L’article 706-185 du code de procédure pénale tel que proposé permet aux personnes auditionnées de relire et signer leur procès-verbal et de formuler des observations écrites qui sont annexées.

La proposition de loi consacre également un droit d’accès au dossier de la personne auditionnée dans le cadre d’une enquête interne lorsqu’il existe des raisons plausibles de soupçonner que la personne a participé aux faits sur lesquels porte l’enquête (C. pr. pén., art. 706-186). L’article 706-188  permet à la personne soupçonnée d’être informée de la clôture de l’enquête.

L’article 8 de la proposition de loi propose enfin de réformer les modalités d’engagement de la responsabilité pénale de la personne morale en proposant d’insérer un nouvel alinéa à l’article 121-2 du code pénal comme suit : « les personnes morales sont également responsables pénalement lorsque le défaut de surveillance de leur part a conduit à la commission d’une ou plusieurs infractions par l’un de leur salariés ». Un tel ajout fait écho au concept britannique de « failure to prevent » pour mettre en cause la responsabilité pénale de la personne morale. En l’état, une telle proposition semble cependant périlleuse en raison de son caractère flou et particulièrement extensif.

Les dispositions relatives au registre des représentants d’intérêts

Le titre III de la proposition de loi s’intéresse au registre des représentants d’intérêts afin d’améliorer la transparence des décisions publiques en renforçant « les obligations auxquelles sont soumis les représentants d’intérêts et […] la responsabilité des décideurs publics sur lesquels ne pèse aucune obligation ».

En substance, la proposition de loi envisage une nouvelle réflexion sur la notion de représentants d’intérêts en se concentrant sur l’activité de la personne morale et non sur celles des personnes physiques qui la composent. Elle envisage également de responsabiliser les décideurs publics en leur demandant « de tenir à la disposition de la HATVP, y compris par l’intermédiaire de leur référent déontologue, la liste des représentants d’intérêts avec lesquels ils sont entrés en communication » afin de faciliter le travail de contrôle de la Haute Autorité.

Six ans et demi après l’adoption de la loi Sapin 2, cette nouvelle proposition de loi apparait comme un nouveau souffle utile dans la lutte en France contre la corruption. Il sera intéressant d’observer comment la représentation nationale accueille cette proposition.

(Original publié par Gayet)
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La pratique des clauses contractuelles prévoyant l’inclusion de l’indemnité de congés payés dans la rémunération versée chaque mois (clauses dites « rolled-up holiday pay ») ou partie de rémunération versée annuellement se rencontrent rarement dans la pratique. À défaut d’être expressément prohibées par les dispositions du code du travail relatives aux congés payés, elles n’en demeurent pas moins licites. La difficulté réside dans le fait que le salarié, n’ayant pas nécessairement une conscience claire de percevoir chaque mois son salaire, plus une partie de son indemnité de congés payés, risque fort d’être surpris de ne pas se voir verser cette indemnité lors de la prise de son congé. Aussi avait-il été jugé que le système du versement d’une rémunération globale sans ventilation apparente de ce qui relève du salaire et de ce qui relève de l’indemnité de congés payés, en ce qu’il ne permet pas au salarié d’avoir une vision claire de ce qu’il a perçu au titre du congé payé, antérieurement à la prise de ce congé, n’est pas valide (Soc. 14 nov. 2013, n° 12-14.070 P, D. 2013. 2703 ; ibid. 2014. 302, chron. P. Flores, F. Ducloz, C. Sommé, E. Wurtz, S. Mariette et A. Contamine ; Dr. soc. 2014. 94, obs. J. Mouly ; RTD eur. 2014. 460, obs. B. de Clavière ; RDT 2014. 346, obs. Véricel ; RJS 2014. 111, n° 142). C’est dans le prolongement de cette jurisprudence que s’inscrit l’arrêt du 13 octobre 2021 concernant une part variable de rémunération versée annuellement.

En l’espèce, un salarié a été engagé en qualité d’ingénieur commercial avec une rémunération annuelle composée d’une partie fixe et d’une part variable. L’intéressé fut ensuite licencié et contesta la rupture devant les juridictions prud’homales.

Les juges du fond condamnèrent l’employeur à payer au salarié des rappels de salaires au titre d’indemnités de congés payés. L’employeur insatisfait de cette décision, se pourvu en cassation. En effet, selon lui, le contrat de l’intéressé stipulait que le montant contractuel de la rémunération variable s’entendait « congés payés inclus », clause que le salarié avait acceptée. Dès lors, les demandes de rappel d’indemnités de congés payés au titre des commissions devaient selon lui être considérées comme infondées.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la question, va rejeter le pourvoi et valider le...

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Auteur d'origine: Dechriste

Le logiciel dénommé GCS WMS est une solution de gestion des entrepôts commercialisée par GENERIX (en anglais Warehouse Management System : WMS). Il était édité sous le nom WMS INFOLOG par la société INFOLOG avant l’acquisition de celle-ci par la société GENERIX en 2010. Le responsable du support solutions d’INFOLOG a quitté la société pour créer sa propre société ACSEP en 2011 avec la même activité que GENERIX. D’autres anciens employés de GENERIX ont rejoint ACSEP et certains clients de GENERIX ont mis un terme à leur collaboration pour se tourner vers ACSEP. GENERIX a ensuite appris que ACSEP était en possession des codes sources du logiciel GCS WMS. Après l’établissement d’un constat d’huissier assisté d’un expert informatique, la société GENERIX a assigné la société ACSEP, son fondateur et deux salariés pour contrefaçon et concurrence déloyale.

La protection d’un logiciel par le droit d’auteur

Dans sa décision, le tribunal va en premier lieu confirmer l’application du droit d’auteur aux codes sources du logiciel. La protection des logiciels par le droit d’auteur est reconnue au niveau européen depuis la directive du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateurs (Dir. n° 91/250/CE du 14 mai 1991 ; ultérieurement abrogée et remplacée par dir. n° 2009/24/CE du 23 avr. 2009 [ci-après la Directive]). En France, la Cour de cassation avait consacré dès 1986 la jurisprudence des juridictions du fond pour l’application du droit d’auteur au logiciel (Cass., ass. plén., 7 mars 1986 (3 arrêts), n° 84-93.509 Pachot, n° 84-93.509, Atari et n° 85-91.465, Williams Electronics, D. 1986. 405, note Edelman ; RTD com. 1986. 399, obs. Françon ; JCP 1986. II. 20631, note Mousseron, Teyssié et Vivant ; RIDA juill. 1986. 136, note Lucas). Puis la loi n° 94-361 du 10 mai 1994 a transposé la Directive en France. Cette protection par le droit d’auteur s’applique aux logiciels (ou programmes informatiques, termes équivalents en France d’un point de vue juridique) définis de façon large.

Le tribunal vise l’article L. 112-2, 13°, du code de la propriété intellectuelle qui dispose que les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire, sont considérés comme œuvres de l’esprit. Cet article reprend les termes du septième considérant de la Directive également visé par le tribunal. Le tribunal considère qu’il faut « ainsi voir dans les...

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(Original publié par nmaximin)

Identification des actionnaires et exercice de leurs droits

La loi du 8 octobre 2021 (art. 38) transpose en droit interne la directive (UE) 2017/828 du 17 mai 2017 (dite « SRD II ») modifiant la directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 (dite « SRD I ») en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires. Tout d’abord, elle améliore la procédure d’identification des actionnaires des sociétés cotées, substituant explicitement à la procédure de titre au porteur identifiable (TPI) jusque-là en vigueur (cette procédure, introduite dans notre droit en 1987, permet aux sociétés émettrices d’interroger le dépositaire central sur les détenteurs de titres, leur permettant ainsi de connaitre l’identité et le nombre de titres détenus sous la forme de titres « au porteur » chez les intermédiaires financiers) le nouveau dispositif, dit d’identification sur demande, issu de cette directive SRD II (C. com., art. L. 228-2 mod.). La loi nouvelle introduit également de nouveaux articles dans le code de commerce relatifs à l’effectivité des droits des actionnaires pour mettre le droit français en accord avec le droit européen (C. com., art. L. 228-29-7-1 à L. 228-29-7-4 nouv.). En particulier, le nouvel article L. 228-29-7-1 prévoit que les sociétés émettrices doivent transmettre soit aux intermédiaires, soit directement aux actionnaires, toutes les informations nécessaires pour permettre aux actionnaires d’exercer les droits associés aux actions qu’ils détiennent. La loi du 8 octobre 2021 créée enfin un nouvel article L. 22-10-43-1 au sein du même code, dont l’objet est de prévoir les modalités de confirmation électronique de réception des votes, renvoyant, quant à leur contenu, à un décret en Conseil d’État.

Transfert de compétences

La loi du 8 octobre 2021 (art. 39) transpose dans notre droit le transfert des compétences d’agrément et surveillance des prestataires de services de communication de données, aujourd’hui exercées l’autorité nationale compétente, soit en France par l’Autorité des marchés financiers (AMF), à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Ce transfert de compétences s’inscrit dans la refonte des compétences des autorités européennes de surveillance (AES) prévue par la directive (UE) 2019/2177 du 18 décembre 2019 (C. mon. fin., art. L. 549‑1 mod. et L. 549-2 nouv.).

Élargissement du droit d’information du commissaire aux comptes

La loi du 8 octobre 2021 (art. 40) élargit le droit d’information des commissaires aux comptes vis-à-vis de l’AMF pour permettre au régulateur de mieux anticiper les potentielles difficultés des entreprises contrôlées par les commissaires aux comptes. Désormais, les commissaires aux comptes devront communiquer à l’AMF « toute information dont ils ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur mission dans les situations et conditions définies au 1 de l’article 12 du règlement (UE) n° 537/2014 […] du 16 avril 2014 relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public ». L’article 12 de ce règlement organise le rapport des commissaires aux comptes avec les autorités compétentes chargées de la surveillance des entités d’intérêt public. Il établit l’obligation pour le contrôleur légal des comptes d’une entité d’intérêt public de communiquer à l’autorité de supervision (en France, l’AMF) toute information obtenue lors d’un contrôle légal susceptible d’entraîner : une violation significative des dispositions législatives, réglementaires ou administratives qui fixent, le cas échéant, les conditions d’agrément ou qui régissent, de manière spécifique, la poursuite des activités de cette entité d’intérêt public ; un risque ou un doute sérieux concernant la continuité de l’exploitation de cette entité d’intérêt public ; un refus d’émettre un avis d’audit sur les états financiers ou l’émission d’un avis défavorable ou d’un avis assorti de réserves. Le même article élargit le devoir d’information des commissaires aux comptes pour intégrer, là-encore, les exigences de l’article 12 du règlement (UE) n° 537/2014 en droit interne, texte qui ne fait pas de distinction entre les sociétés concernées par le devoir d’information du commissaire aux comptes. Elle élargit ainsi le devoir d’alerte des commissaires aux comptes auprès de l’AMF aux sociétés cotées autres que les sociétés anonymes, ce qui vise au premier chef les sociétés en commandite par actions cotées.

La loi du 8 octobre 2021 (art. 41) élargit, par ailleurs, le spectre des informations que peut demander l’AMF aux commissaires aux comptes contrôlant des sociétés de gestion de portefeuille, le droit interne étant jusque-là considéré comme trop limité par rapport au droit européen (notamment l’article 46, 2, h] de la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs qui précise que les autorités peuvent « exiger des gestionnaires agréés, des dépositaires ou des contrôleurs des comptes qu’ils fournissent des informations »). Elle donne ainsi la possibilité pour l’AMF de demander aux commissaires aux comptes d’une société de gestion de portefeuille « tout renseignement concernant l’application par la société de ses obligations professionnelles définies par les dispositions législatives et réglementaires » (C. mon. fin., art. L. 621-25, al. 2 nouv.). Selon les travaux préparatoires, l’objectif poursuivi est d’« améliorer la qualité des données dont a connaissance l’Autorité des marchés financiers pour lui permettre d’anticiper les potentielles difficultés rencontrées par les sociétés de gestion de portefeuille, notamment en matière de respect des règles relatives aux exigences de fonds propres » (Doc. AN n° 4186, 23 juin 2021, p. 153).

Extension des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

La loi du 8 octobre 2021 (art. 42) confère de nouvelles missions d’information et de nouvelles prérogatives à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour améliorer la supervision des sociétés exerçant dans l’Union européenne sous le régime de la libre prestation de services ou du libre établissement. Elle ajoute une étape dans la procédure d’agrément par l’ACPR d’une entreprise d’assurance lorsque cette dernière demande l’agrément présente un projet comprenant des activités qui seront exercées sous le régime de la libre prestation de services ou du libre établissement dans un autre État membre. Dans ce cas de figure, si l’ACPR estime que ces activités sont de nature à avoir un effet significatif sur le marché de l’État membre d’accueil, elle doit informer l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) de cette demande ainsi que l’autorité de contrôle de l’État membre d’accueil. Il est précisé que l’information doit être suffisamment détaillée pour que l’AEAPP et l’autorité de contrôle de l’État d’accueil soient en mesure de procéder à « une évaluation correcte de la situation » (C. assur., art. L. 321-1 mod.). Une disposition analogue est introduite s’agissant des entreprises de réassurance (C. assur., art. L. 321-1-1 mod.).

L’ACPR se voit, par ailleurs, confier de nouvelles missions. En particulier, dans le cadre de sa supervision des entreprises d’assurance et de réassurance agréées en France et qui opèrent sous un régime de libre prestation de services ou de libre établissement : elle devra informer l’AEAPP si elle constate qu’une entreprise présente une détérioration de ses conditions financières ou un autre risque émergent liés à l’exercice de ses activités en France. Par ailleurs, si elle a des préoccupations « sérieuses et justifiées » sur la protection des consommateurs liées à l’exercice d’activités d’entreprises d’assurance ou de réassurance opérant en France sous le régime de la libre prestation de services ou du libre établissement, elle aura la possibilité : d’en faire état auprès de l’autorité de contrôle de l’État membre d’origine, c’est-à-dire auprès de l’autorité ayant accordé l’agrément ; de demander l’assistance de l’AEAPP pour travailler à résoudre la situation (C. assur., art. L. 321-11-2 nouv.).

Transposition et mise en conformité de textes européens

La loi du 8 octobre 2021 (art. 43) habilite le gouvernement à transposer par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois, la directive (UE) 2021/338 du Parlement européen et du Conseil du 16 février 2021 pour soutenir la reprise à la suite de la crise liée à la Covid-19, dite directive « CMRP Mifid ».

Cette même loi (art. 44) met en conformité le droit français avec la directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres. D’une part, modifiant une nouvelle fois l’article L. 330-1 du code monétaire et financier, elle confirme la reconnaissance du caractère définitif des opérations effectuées au moyen de systèmes de règlement notifiés par un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE). En effet, la rédaction de cet article, telle qu’elle résultait de la loi Pacte du 22 mai 2019, était de nature à créer un doute sur la compatibilité du droit français avec la directive 98/26/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres, dite directive « finalité », dont l’extension aux EEE est admise de longue date. D’autre part, elle entend prémunir la France d’un éventuel conflit de lois entre les règles matérielles de la faillite des pays tiers et les règles françaises issues du droit de l’Union européenne.

La loi du 8 octobre 2021 (art. 45) met, par ailleurs, en conformité notre droit avec le règlement (UE) 909/2014 du 23 juillet 2014 (règlement dit « CSDR »). Ce règlement prévoit un « passeport européen pour les dépositaires centraux de titres (DCT) agréés par l’autorité compétente du pays où ils sont établis » ; en d’autres termes, l’activité de ces dépositaires est désormais ouverte à la libre prestation de services. La loi nouvelle permet de distinguer entre les DCT implantés en France qui reçoivent l’agrément de l’AMF et les DCT étrangers qui relève du droit de l’État dans lequel ils ont été agréés (pays membre de l’Union européenne ou pays tiers). Elle différencie les règles applicables selon le mode d’exercice de l’activité de dépositaire central. Elle distingue ainsi trois catégories de dépositaires centraux : les dépositaires dont le siège social est en France et qui sont agréés par l’AMF ; les dépositaires européens exerçant leur activité à travers une succursale en France ; les dépositaires européens exerçant en libre prestation de services depuis l’État d’origine, sans succursale en France. Désormais, seules les règles de fonctionnement des dépositaires centraux agréés en France sont approuvées par l’AMF (C. mon. fin., art. L. 441-1 mod.).

Sanctions en cas de manquement aux obligations du règlement « SEPA »

La loi du 8 octobre 2021 (art. 46) introduit un régime de sanctions administratives applicables en cas d’infraction à certaines dispositions du règlement n° 260/2012 relatif aux virements et prélèvements transfrontaliers, dit « SEPA ». Ce règlement vise à créer un marché des paiements unifié, en opérant la migration des standards de virements et prélèvements nationaux qui préexistaient vers le format unique « SEPA ». Jusqu’alors le contrôle de l’application de ces dispositions fait intervenir deux acteurs : l’ACPR d’une part, au titre de sa mission générale de supervision des prestataires de services de paiement (PSP) ; la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d’autre part, en application de l’article L. 511-7 du code de la consommation dans les actes de consommation faisant intervenir un paiement par virement ou prélèvement. La loi nouvelle introduit, pour les trois types de manquement prévus par le règlement SEPA (non-respect, par les professionnels, d’une demande de blocage émise par un consommateur pour des opérations de prélèvement et l’application de frais supérieurs en cas de virements transfrontaliers ; méconnaissance de l’interdiction de facturer des commissions d’interchange lors de la réalisation de ces opérations ; refus d’une opération de paiement par un créancier au motif que le compte bancaire n’est pas localisé en France), un nouveau régime de sanctions administratives. Sont désormais prévues des amendes administratives ne pouvant excéder les montants de : 3 000 € en cas de non-respect, par les professionnels, d’une demande de blocage émise par un consommateur pour des opérations de prélèvement ainsi que d’application de frais supérieurs en cas de virements transfrontaliers ; 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale en cas de non-respect de l’interdiction de facturer des commissions d’interchange lors de la réalisation de ces opérations et de refus d’une opération de paiement par un créancier au motif que le compte bancaire n’est pas localisé en France (C. mon. fin., art. L. 362-1 nouv.). La loi du 8 octobre 2021 désigne la DGCCRF comme autorité compétente pour prononcer les sanctions administratives qu’elle a introduites (C. mon. fin., art. L. 362-1 nouv.).

Prestation de services de courriers recommandés électroniques

La loi du 8 octobre 2021 (art. 47) habilite les agents de la DGCCRF à poursuivre les personnes qui proposeraient un service présenté comme un service de lettre recommandée électronique (LRE) sans avoir reçu la qualification de « service d’envoi recommandé électronique » par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) prévue à cet effet. Par ailleurs, elle renforce le niveau des sanctions pour les aligner sur les sanctions applicables en matière de fraude à la consommation : l’amende administrative susceptible d’être infligée passe ainsi de 50 000 € à un montant maximal de 75 000 € pour les personnes physiques et 375 000 € pour les personnes morales (CPCE, art. L. 101 mod.).

Recours des collectivités publiques au financement participatif

La loi du 8 octobre 2021 (art. 48) met en cohérence le droit français avec le règlement (UE) 2020/1503 du 7 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les entrepreneurs. Elle offre la possibilité aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de recourir au financement participatif pour l’ensemble des services publics sauf pour le financement des missions régaliennes pour lesquelles la constitution d’une régie de recettes, au caractère protecteur, restera de vigueur. Elle retient également la possibilité pour les personnes morales de consentir des prêts aux collectivités pour des projets les concernant directement. Elle lance une expérimentation de trois ans pour les collectivités qui souhaitent financer leurs projets de financement participatif par des obligations (CGCT, art. L. 1611-7-1 mod.). Enfin, elle renforce les obligations des plateformes en matière de prévention des risques pénaux encourus par les élus et les responsables des collectivités territoriales : elle sont ainsi tenues de prendre « toutes les mesures visant à détecter et, le cas échéant, à empêcher la conclusion d’un contrat qui serait constitutif d’[une prise illégale d’intérêt] » (C. mon. fin., art. L. 548-6, 12° nouv.).

La loi du 8 octobre 2021 habilite, par ailleurs, le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai d’un an, les mesures relevant du domaine de la loi pour compléter et adapter les dispositions relatives au financement participatif concernées ou non par le règlement européen (UE) 2020/1503, ainsi que pour adapter les dispositions législatives de droit interne encadrant les activités de financement participatif ne relevant pas du droit de l’Union européenne.

Liste d’initiés

La loi du 8 octobre 2021 (art. 48) prévoit les conditions dans lesquelles les émetteurs dont les instruments financiers sont négociés sur un marché de croissance des petites et moyennes entreprises (PME) – soit pour la France Euronext growth – doivent établir leur liste d’initiés, conformément aux obligations prévues par le règlement européen (UE) 596/2014 du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché, dit règlement « MAR », modifié par le règlement (UE) 2019/2115 du 27 novembre 2019. Dans sa version modifiée, le règlement européen autorise ces émetteurs à produire une liste d’initiés simplifiée, au contenu réduit, tout en laissant aux États membres la faculté de maintenir une obligation renforcée « lorsque cela est justifié par des préoccupations nationales spécifiques liées à l’intégrité du marché » (art. 18, § 6, al. 2). Le règlement, en ce qu’il permet aux États membres de déroger à l’autorisation les émetteurs à produire une liste d’initiés simplifiée, prévoit que les sociétés cotées sur un marché de PME seraient soumises à une liste d’initiés standard, intermédiaire entre la liste d’initiés complète qui s’applique aux sociétés émettrices sur les marchés réglementés et la liste d’initiés restreinte. En ce cas, pour réduire le coût de conformité, il est prévu que les modalités déclaratives des émetteurs sont allégées. Pour cela, il est renvoyé à une norme technique d’exécution devant être élaborée par l’AEMF (art. 18, § 6, al. 4). La loi du 8 octobre 2011 fait le choix de déroger aux dispositions simplifiées d’établissement de la liste d’initiés prévue pour les émetteurs dont les instruments financiers sont négociés sur un marché de croissance des PME, en recourant à la faculté laissée par le règlement MAR (C. mon. fin., art. L. 451-4 mod.). En d’autres termes, elle opte pour la liste d’initiés dite « standard » et non pas pour la liste d’initiés « restreinte ». Ce faisant, ces émetteurs devraient également inclure dans cette liste « les personnes étrangères à la société mais qui, de par leurs fonctions, peuvent avoir accès à des informations privilégiées » (Doc. Sénat n° 569, 12 mai 2021, p. 55).

 

Sur la loi « DDADUE 2021 », Dalloz actualité a également publié :

• Adaptation au droit de l’Union européenne par la loi du 8 octobre 2021 : aspects de droit aérien, par Xavier Delpech le 19 octobre 2021

Adaptation au droit de l’Union européenne par la loi du 8 octobre 2021 : modes de transport autres qu’aériens, par Xavier Delpech le 20 octobre 2021

(Original publié par Delpech)

Le Conseil constitutionnel n’a que partiellement censuré la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, qui met en place une nouvelle Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, issue de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la...

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(Original publié par pastor)
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Six mois pile après que le Conseil d’État lui avait enjoint de revoir la règlementation sur la conservation des données par les opérateurs de communications électroniques (CE, ass., 21 avr. 2021, n° 393099, French Data Network, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2021. 828 ; ibid. 1194 , chron. C. Malverti et C. Beaufils ; D. 2021. 1268, et les obs. , note T. Douville et H. Gaudin ; ibid. 1247, point de vue J. Roux ; AJ pénal 2021. 309, chron. A. Archambault ; Dalloz IP/IT 2021. 408, obs. B. Bertrand et J. Sirinelli ; Légipresse 2021. 253 et les obs. ; RFDA 2021. 421, concl. A. Lallet ; ibid. 570, chron. A. Roblot-Troizier ; RTD eur. 2021. 349, étude L. Azoulai et D. Ritleng ), le Premier ministre a publié au Journal officiel du 21 octobre les nouvelles règles en la matière.

Le Conseil d’État avait rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne n’autorise la conservation des données de connexion que « lorsqu’un État est confronté à une menace grave pour la sécurité nationale qui s’avère réelle et actuelle ou prévisible » et « pour une période limitée au strict nécessaire, mais renouvelable en cas de persistance de la menace ». Par le décret n° 2021-1363 du 20 octobre 2021, le Premier ministre enjoint donc aux opérateurs de communications...

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(Original publié par Thill)
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Bien que le contrat d’assurance soit soumis à de nombreuses contraintes légales (notamment l’interdiction de garantir les fautes intentionnelles ou dolosives de l’assuré, C. assur., art. L. 113-1, al. 2), le principe reste celui de la détermination conventionnelle des garanties. Découle de la liberté contractuelle (C. civ., art. 1102) la possibilité pour les parties au contrat d’assurance (comme à tout contrat) « de convenir du champ d’application du contrat et de déterminer la nature et l’étendue de la garantie » (Civ. 1re, 24 mars 1992, n° 90-17.862). « Le processus de spécification, qui tend à déterminer l’objet de la garantie, s’opère généralement en deux étapes. Dans un premier temps, il convient de définir le risque devant être a priori couvert. Dans un second temps, il s’agit d’exclure de la garantie certains éléments du risque, que l’assureur ou l’assuré ne souhaitent pas voir pris en charge pour des raisons économiques ou techniques. La définition du risque contribue ainsi à préciser l’objet de la garantie, qui est ensuite restreint par le jeu des exclusions » (L. Mayaux, La couverture du risque, in J. Bigot, V. Heuzé, J. Kullmann, L. Mayaux, R. Schulz et K. Sontag, Le contrat d’assurance, 2e éd., LGDJ, 2014, n° 1687, p. 836).

L’article L. 113-1, alinéa 1er, du code des assurances précise que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Délicate à définir et à distinguer, notamment, de la condition de garantie, la notion d’exclusion de garantie est source d’un abondant contentieux, ce qu’illustre encore un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 14 octobre 2021 (n° 20-14.094).

En l’espèce, plusieurs dégâts des eaux ont eu lieu dans des locaux dépendant d’un immeuble en copropriété en raison de fuites des canalisations d’eaux dudit immeuble, ayant pour origine un défaut d’entretien et de réparations imputable au syndicat des copropriétaires. Après expertise, le propriétaire des lots affectés par ces dégâts des eaux assigne le syndicat des copropriétaires en exécution forcée de travaux et en réparation de ses préjudices, ainsi que l’assureur de la copropriété. Ce dernier dénie sa garantie.

La cour d’appel déboute le syndicat des copropriétaires de sa demande de garantie contre l’assureur. Elle considère que la clause insérée sous le titre « exclusions communes à toutes les garanties », et précisant que « n’entrait ni dans l’objet ni dans la nature du contrat, l’assurance de dommages ou responsabilité ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui », constituait une clause de non assurance. Selon elle, l’absence d’aléa constituerait une cause de non-assurance, l’exigence du caractère accidentel des désordres correspondant à une condition d’ouverture de la garantie et non à une exclusion de garantie.

Le syndicat des copropriétaires soutient, dans son pourvoi en cassation, que les juges du fond auraient ainsi violé l’article L. 113-1 du code des assurances, ainsi que l’article 1134 du code civil, en sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige. Selon lui, « la clause qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque constitue une clause d’exclusion de garantie, qui doit être formelle et limitée ».

Retenant une telle analyse, la deuxième chambre civile casse et annule la décision rendue par la cour d’appel au visa de l’article L.113-1, alinéa 1er, du code des assurances, en affirmant que la « clause, qui prive l’assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, constitue une clause d’exclusion de garantie ».

Qualifier une telle clause d’exclusion de garantie n’est pas étonnant au regard de la jurisprudence antérieure (déjà, Civ. 2e, 12 déc. 2013, n° 12-29.862 et n° 12-25.777 [deux arrêts], D. 2014. 78 ; RDI 2014. 122, obs. P. Dessuet ; 6 oct. 2011, n° 10-10.001 ; 2 juin 2005, n° 04-11.754).

Après de multiples fluctuations jurisprudentielles, la Cour de cassation a posé comme principe, en 1996, que les clauses d’exclusion de garantie sont celles qui « prive[nt] l’assuré du bénéfice de la garantie des risques […] en considération de circonstances particulières de réalisation du risque » (Civ. 1re, 26 nov. 1996, n° 94-16.058, D. 1997. 1 ; ibid. 2012. 957, chron. S. Abravanel-Jolly ). Au contraire, la qualification de condition de garantie doit être retenue lorsque l’évènement visé par la clause affecte en permanence le risque couvert. Ainsi, l’obligation d’installer un système d’alarme est une condition de garantie (Civ. 1re, 3 mars 1998, n° 96-16.802) ; celle d’enclencher un tel système, une exclusion de garantie (Civ. 1re, 26 nov. 1996, préc.). Autrement dit, lorsque les stipulations « portent sur une situation permanente afférente au risque […], et non pas sur des circonstances particulières de réalisation du sinistre […], la jurisprudence y voit des conditions de la garantie, qu’elle ne soumet pas au régime des exclusions […] » (Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, 14e éd., Dalloz, 2017, n° 465, p. 344).

L’enjeu pratique de la qualification est particulièrement important. Tandis que l’assuré est tenu de prouver qu’il a respecté une condition de garantie (Civ. 1re, 29 oct. 2002, n° 99-10.650, D. 2004. 912 , obs. H. Groutel ), il appartient à l’assureur de rapporter la preuve d’une exclusion de garantie (Civ. 2e, 21 fév. 2013, n° 12-17.528). Surtout, si une clause de condition de garantie doit seulement être « claire et précise » (Civ. 3e, 18 mars 1992, n° 90-10.292), « le législateur subordonne la validité des clauses d’exclusion de garantie au respect de strictes conditions de fond et de forme : nécessairement formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1), elles doivent en outre être mentionnées en caractères très apparents dans la police (C. assur., art. L. 112-4) » (A. Cayol, Le principe de la détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120).

Il est vrai, cependant que la distinction entre les clauses d’exclusion de garantie et de condition de garantie reste « l’une des plus délicates » du droit des assurances (L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances, LGDJ, 2011, n° 134, p. 91). La formule retenue par l’arrêt de 1996 n’est pas, en effet, « une clé générale de distinction » (G. Durry, La distinction de la condition de la garantie et de l’exclusion de risque, in Études offertes à H. Groutel, LexisNexis, 2006, p. 136), au point qu’il a pu être proposé de ne plus retenir qu’une seule catégorie – les restrictions de garantie – et un régime juridique unique afin de « trancher le nœud gordien » (ibid.). De manière moins radicale, la précision du critère de distinction entre les clauses d’exclusion de garantie et de condition de la garantie a été recherchée par la doctrine.

Le critère retenu par la Cour de cassation en 1996 s’avère, en effet, insuffisant à distinguer ces deux notions s’agissant des restrictions autres que des mesures de prévention. Ainsi, en l’espèce, il est difficile de considérer que la stipulation selon laquelle « n’entrait ni dans l’objet ni dans la nature du contrat, l’assurance de dommages ou responsabilité ayant pour origine un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré, caractérisé et connu de lui » fasse référence à une circonstance particulière de réalisation du risque. Il a ainsi été, à juste titre, suggéré de préciser que « la condition est un évènement permanent qui affecte l’obligation de couverture du risque et qui est extérieur à celui-ci. L’exclusion, circonstance particulière de réalisation du sinistre ou élément restrictif de la définition de celui-ci, affecte l’obligation de règlement » (S. Abravanel-Jolly, Nécessité du maintien de la distinction entre exclusion et condition de garantie, D. 2012. 957 ). La clause qui, comme en l’espèce, prévoit un refus de garantie si les dommages résultent d’un défaut d’entretien ou de réparation incombant à l’assuré « vise un évènement inhérent au sinistre, qu’il soit concomitant, causal ou simplement restrictif de sa définition » (ibid.). Il s’agit donc d’une clause d’exclusion de garantie. En effet, « le critère de la concomitance ne vise pas seulement les circonstances qui sont strictement contemporaines du sinistre. Il conduit également à qualifier d’exclusions certaines clauses relatives à l’évènement générateur de celui-ci (comme l’exclusion des accidents provoqués par la pratique d’un sport, ou par le défaut d’entretien du bâtiment endommagé), ainsi qu’aux dommages qui en résultent […]. Toutes ces clauses sont bien afférentes à la « période du sinistre », entendue au sens large » (L. Mayaux, La couverture du risque, in Le contrat d’assurance, op. cit., n° 1717, p. 857). 

Auteur d'origine: rbigot
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L’article L. 1453-4 du code du travail, prévoit la possibilité pour le défenseur syndical, dont le statut résulte de la loi du 6 août 2015 et de son décret d’application du 18 juillet 2016, d’exercer des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale. Ainsi, lors d’un contentieux prud’homal, un salarié peut décider d’être assisté ou représenté, notamment, par un avocat ou un défenseur syndical (C. trav., art. R. 1453-2).

Progressivement, le code du travail et la jurisprudence précisent le statut du défenseur syndical.

Après une réponse récente du Conseil constitutionnel à une question prioritaire de constitutionnalité qui portait sur l’exigence de représentativité des organisations syndicales pour désigner les défenseurs syndicaux (Cons. const. 14 sept. 2021, n° 2021-928 QPC, Dalloz actualité,, 21 sept. 2021, obs. K. Demri ). Les Sages ont, en effet, déclaré inconstitutionnelle l’exigence de représentativité posée par l’alinéa 2 de l’article L. 1453-4 du code du travail au motif qu’elle établissait une différence de traitement entre les organisations représentatives et les autres organisations syndicales et méconnaissait, de la sorte, le principe d’égalité devant la loi. Ainsi, désormais toute organisation syndicale, représentative ou non, peut proposer des candidats destinés à figurer sur la liste des défenseurs arrêtée par l’autorité administrative.

Cette fois, la Cour de cassation était amenée à préciser la question de la compétence territoriale du défenseur syndical.

L’alinéa 3 de l’article L. 1453-4 précise que le défenseur syndical intervient sur le périmètre d’une région administrative. En 2017, le...

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Auteur d'origine: Dechriste

Le Conseil constitutionnel juge contraire à la constitution le 5° de l’article L. 2123-22 du code général des collectivités territoriales, qui énumère les cas dans lesquels les conseils municipaux de certaines communes ont la possibilité de voter une majoration des indemnités de fonction versées à leurs élus. Ces dispositions,...

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(Original publié par pastor)

Premières d’une série de douze notes, dont la publication s’étalera jusqu’en décembre, elles portent sur l’agroécologie, les universités, la justice et les retraites.

S’agissant de l’agroécologie, la Cour constate que les engagements nationaux et européens en matière environnementale remettent en cause le modèle agricole prévalant depuis les années 1960 dans notre pays. Aussi, le secteur agricole doit s’orienter vers une transition agroécologique et la nouvelle politique agricole commune, dont les principes ont été définis en juin 2021, doit être l’occasion de soutenir une ambition...

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(Original publié par emaupin)

Plusieurs millions d’électeurs n’ont pas reçu les professions de foi avant le premier et le second tour.
Les députés Jean-Michel Mis et Raphaël Schellenberger pointent du doigt les fautes commises par certaines sociétés privées en charge des opérations de mise sous plis et de distribution, notamment la société...

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(Original publié par emaupin)

Corrigeant une malfaçon de la loi Pacte du 22 mai 2019, la loi n° 2021-1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce étend l’éligibilité aux fonctions de juge de tribunal de commerce aux juges consulaires en exercice ainsi qu’aux anciens membres des tribunaux de commerce. Le tort de la loi Pacte, probablement trop hâtivement rédigée, est de ne pas avoir retranscrit dans le code de commerce le principe de l’éligibilité, dans le même tribunal ou dans un tribunal de commerce limitrophe, des juges en exercice. Or, relèvent les travaux préparatoires, la conséquence de cette omission en est lourde : sur les 793 juges consulaires dont le mandat s’achève en 2021, 450 à 500 d’entre eux...

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Auteur d'origine: Delpech

En 2020, la dépense nette d’action sociale départementale a augmenté de 1,6 Md€ par rapport à 2019, et dépasse les 40 Md€. La participation financière de l’État est restée presque stable par rapport à 2019 (+ 1,4 %). La charge nette progresse de 1,5 Md€ pour atteindre 31,8 milliards d’euros. Ces augmentations de la dépense nette et de la charge nette sont deux fois plus importantes qu’en 2019.

Secteur par secteur, la palme revient au revenu de solidarité active (RSA) dont la...

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(Original publié par pastor)

Pour le gouvernement, le contexte sanitaire encore très incertain et le risque d’un nouveau variant nécessitent une grande vigilance et la prolongation des dispositifs déjà en œuvre pour lutter contre l’épidémie de covid-19. Dans le même sens, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi « le risque de rebond épidémique demeure avéré (…) et ne permet pas d’envisager dès à présent la levée des mesures de prévention sanitaire sur le territoire métropolitain ».

Dans ce contexte, selon Olivier Véran, ministre de la Santé, l’objectif affiché de ce projet de loi de six articles est de donner au gouvernement « de la visibilité et la possibilité, si la situation l’exige, d’activer tout ou partie des leviers dont nous disposons pour lutter efficacement contre l’épidémie ».

Reporter la sortie du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire

Article phare du projet de loi, l’article 1er reporte au 31 juillet 2022 la date de sortie du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire. Ce régime, créé à titre provisoire en mars 2020 au tout début de l’épidémie, devait initialement cesser le 1er avril 2021, avant d’être maintenu en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

Cette prolongation se justifie par la volonté que subsiste une base législative permettant au gouvernement, si les circonstances l’exigent, en cas de « crise extrême », de déclarer l’état d’urgence sanitaire.

Ce régime juridique permet au Premier ministre de prendre des mesures contraignantes, dont :

réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules ;interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine des personnes susceptibles d’être affectées…

Contrairement au régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, l’état d’urgence sanitaire permet d’instaurer un confinement généralisé de la population ou un couvre-feu, comme ce fut le cas cet été dans plusieurs territoires d’outre-mer.

Ces mesures doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il doit y être mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. En outre, leur prorogation au-delà de quatre semaines est conditionnée au vote du Parlement.

De nombreux députés de l’opposition se sont vivement opposés à cette prolongation estimant que l’état d’urgence devait rester exceptionnel et non s’inscrire dans le droit commun. Le Conseil d’État a néanmoins estimé que « Ce report ne se heurte à aucun obstacle d’ordre juridique ».

Proroger le régime organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire

Autre disposition centrale, l’article 2 proroge jusqu’au 31 juillet 2022 le régime organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire, dont le terme était initialement prévu le 15 novembre 2021.

Le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire s’applique sur l’ensemble des territoires où l’état d’urgence sanitaire n’est plus en vigueur, afin d’aménager un allègement graduel des restrictions.

Dans ce cadre, le Premier ministre est habilité à prendre des mesures de différentes natures, dont :

la réglementation ou l’interdiction de la circulation des personnes et des véhicules et les conditions d’utilisation des transports collectifs ;la réglementation de l’ouverture de catégories d’établissements recevant du public et de lieux de réunion,la réglementation des réunions et rassemblements, notamment sur la voie publique…

Point de crispation majeur, et adopté à une voix près, le Premier ministre peut également subordonner à la présentation d’un passe sanitaire :

les déplacements à destination ou en provenance du territoire ;l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements, ainsi que l’accès à certains moyens de transports.

Le Conseil d’État a jugé que « la prorogation envisagée opère (…) une conciliation qui n’est pas par elle-même contraire à la Constitution des nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales ».

Cet article a fait l’objet de débats très vifs à l’Assemblée nationale, certains parlementaires jugeant excessive une reconduction si longue du passe sanitaire.

Pour répondre à cette problématique, les députés ont adopté un amendement qui prévoit que le recours au passe sanitaire repose sur la prise en compte de plusieurs critères. Il ne pourra ainsi être mis en œuvre que si la situation sanitaire le justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, appréciées en tenant compte des indicateurs sanitaires tels que le taux de vaccination ou le taux de saturation des lits de réanimation. Cet amendement ne va pas aussi loin que le dispositif adopté en Commission des lois la semaine passée, qui prévoyait que le passe sanitaire ne pourrait être mis en œuvre, à l’échelle d’un département, que lorsque le taux d’incidence y sera supérieur ou égal à 50 cas pour 100 000 habitants.

Prolonger l’état d’urgence sanitaire applicable en Guyane

Parallèlement, il est prévu que l’état d’urgence sanitaire est une nouvelle fois prorogé, jusqu’au 31 décembre 2021, en Guyane. Cette mesure, validée par le Conseil scientifique et le Conseil d’État, se justifie selon l’étude d’impact par la situation « très préoccupante en Guyane ».

Prévenir et mieux sanctionner la fraude sanitaire

Parallèlement, le texte renforce les sanctions en cas de fraude au passe sanitaire, en créant deux incriminations :

la première porte sur le fait de transmettre un « passe sanitaire » authentique à un tiers, sanctionnée d’une contravention de quatrième classe ;la seconde porte sur le fait d’utiliser, d’établir, de transmettre ou de proposer un faux « passe sanitaire », sanctionnée d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

Dans la version initiale, le projet de loi prévoyait de réprimer à cette dernière hauteur les deux comportements, ce que le Conseil d’État a estimé manifestement disproportionnée s’agissant de la première infraction.

Enfin, l’assurance maladie pourra contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination, comme elle le fait déjà pour les personnes soumises à l’obligation vaccinale.

Proroger les systèmes d’information

L’article 4 proroge les deux outils informatiques destinés à lutter contre l’épidémie :

le Système d’information national de dépistage (SI-DEP), pour centraliser l’ensemble des résultats des tests effectués« Contact Covid », élaboré par l’Assurance Maladie, pour assurer le suivi des patients et de leurs cas contacts.

À noter l’adoption d’un amendement du gouvernement permettant aux directeurs des établissements d’enseignement scolaire du premier et du second degrés d’avoir accès aux informations relatives au statut virologique des élèves, à l’existence de contacts avec des personnes contaminées ainsi qu’à leur statut vaccinal.

Selon l’exposé des motifs de l’amendement, cela se justifie par le fait qu’ils mettent en œuvre un protocole sanitaire qui implique du contact tracing, la fermeture de classes et la gestion du retour à l’école des élèves.

Le contrôle du Parlement

Le projet de loi prévoit un dispositif d’information du Parlement, avec la remise d’un rapport présentant l’étendue et les modalités de mise en œuvre des pouvoirs qui sont conférés au gouvernement, ainsi que les perspectives d’évolution de la situation sanitaires, avant le 15 février 2022.

L’absence de clause de revoyure au Parlement a suscité de nombreuses critiques de la part des députés. Est en cause la limitation des prérogatives du Parlement en matière de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, que lui confie l’article 24 de la Constitution. De plus, cela reviendrait à accorder un blanc-seing au gouvernement pendant huit mois, alors même que la mise en œuvre l’état d’urgence est susceptible de conduire à l’adoption de mesures attentatoires aux libertés fondamentales.

Le texte doit désormais faire l’objet d’un examen au Sénat, où il est inscrit à l’ordre du jour en séance publique jeudi 28 et vendredi 29 octobre.

(Original publié par pastor)

La loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur du 24 décembre 2020 a restauré le congé d’enseignement ou de recherche, qui avait été abrogé, depuis le 1er janvier 2019, par la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018. Le décret d’application vient d’être publié.

Détail de ce congé « nouvelle formule »

► À noter : il convient de dissocier les dispositions d’ordre public des dispositions supplétives qui ne s’appliquent qu’à défaut d’accord collectif. Nous le précisons ci-dessous.

Salariés bénéficiaires

Le salarié qui souhaite dispenser à temps plein ou à temps partiel un enseignement technologique, professionnel ou supérieur en formation initiale ou continue peut bénéficier :

soit d’un congé ;soit d’une période de travail à temps partiel.

Ce congé vise également le salarié qui souhaite se livrer à une activité de recherche et d’innovation dans un établissement public de recherche, une collectivité territoriale, une entreprise publique ou privée, sauf si son employeur établit que l’exercice de ce droit par le salarié compromet directement la politique de recherche, d’innovation et de développement technologique...

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Auteur d'origine: Dechriste
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L’état de cessation des paiements d’un débiteur est un élément central du droit des entreprises en difficulté. Il conditionne, d’une part, l’application des procédures de redressement et de liquidation judiciaires ou, à défaut, le choix d’opter en faveur d’une autre procédure. D’autre part, la fixation de la date de cessation des paiements permet aussi la détermination de l’étendue de la période suspecte. À ce propos, le code de commerce prévoit qu’au sein du jugement d’ouverture de la procédure, le tribunal fixe la date de cessation des paiements (C. com., art. L. 631-8, al. 1).

En pratique, cette date est arrêtée par les juges au jour de la déclaration de la cessation des paiements, sauf s’ils disposent d’éléments leur permettant de déterminer l’apparition de cet état à une date antérieure. Reste qu’en règle générale, au moment de l’ouverture de la procédure, la connaissance par le tribunal de la situation exacte de l’entreprise est limitée. Partant, la loi prévoit la possibilité, postérieurement au jugement d’ouverture, de reporter une ou plusieurs fois la date de cessation des paiements. Cette dernière règle connaît toutefois deux limites. D’une part, la date de report ne peut être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d’ouverture (C. com., art. L. 631-8, al. 2). D’autre part, la demande de modification de la date doit être présentée au tribunal dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure (C. com., art. L. 631-8, al. 4).

Portant sur ce thème, l’arrêt ici rapporté a ceci d’intéressant qu’il repose sur une problématique en apparence inextricable.

Nous savons que le jugement d’ouverture d’une procédure collective a autorité et force de chose jugée (Com. 13 févr. 2007, n° 05-13.526, Bull. civ. IV, n° 36 ; D. 2007. 583, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2008. 624, obs. A. Martin-Serf ). Or, selon un auteur, l’autorité absolue de la chose jugée attachée au jugement d’ouverture s’étend à la date de cessation des paiements, qu’elle soit fixée par le jugement d’ouverture ou par un...

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(Original publié par bferrari)
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Une clause d’exclusion stipulée dans une police d’assurance en « caractères lisibles et gras » correspond-elle à l’exigence de caractères très apparents posée par l’article L. 112-4 du code des assurances ? Voilà la question qu’a dû se poser la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 14 octobre 2021.

Rappelons qu’afin de protéger la « partie réputée faible », autrement dit le souscripteur, un « formalisme de protection » s’est progressivement développé en droit des assurances, dont le contrat, considéré comme l’archétype du contrat de consommation, est « structurellement déséquilibré » au point de permettre des aménagements au principe de la liberté contractuelle (F. Zenati-Castaing et T. Revet, Cours de droit civil. Contrats, PUF, 2014, p. 34).

Manifestation patente de ce déséquilibre, les assureurs avaient la regrettable habitude de rédiger les documents contractuels en très petits caractères – notamment les clauses restrictives ou exclusives de garantie – avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1930. Or « l’exposé des motifs de la loi de 1930 souligne la volonté de mettre fin à de telles pratiques afin de protéger les assurés : L’obligation de rédiger les clauses et conditions de la police en caractères très apparents a pour objet de remédier à des abus trop fréquents. L’emploi encore trop fréquent de petits caractères oppose en effet de réelles difficultés à la lecture du contrat » (exposé des motifs sous l’article 8 du projet de loi). « L’attention de l’assuré doit être attirée tout particulièrement sur les clauses de nullité ou de déchéance, qu’il a le plus grand intérêt à connaître » (exposé des motifs sous l’art. 9 du projet de loi). La loi de 1930 a imposé que la police soit rédigée en caractères apparents (C. assur., art. L. 112-3) et précisé que « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents » (C. assur., art. L. 112-4, in fine). De même, « la durée du contrat doit être mentionnée en caractères très apparents dans la police » (C. assur., art. L. 113-15, al. 1 ; A. Cayol, Le principe du consensualisme et ses limites, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 1re éd., 2020, p. 114 s., spéc. p. 116). Toute forme d’assurance – individuelle ou de groupe – est concernée par ce formalisme (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, Lextenso, 2018, n° 547, in fine ; Civ. 2e, 8 oct. 2009, n° 08-14.482, RCA 2010. Comm. n° 23, note H. Groutel).

De strictes conditions de fond doivent aussi être respectées par les assureurs dans la rédaction des clauses d’exclusion de garantie. Il est requis que ces clauses soient formelles et limitées (C. assur., art. L. 113-1, al. 1), ce qu’elles ne sont plus dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées (R. Bigot et A. Cayol, L’article L. 113-1 du code des assurances et les clauses d’exclusion non formelles sur la sellette, sous Civ. 2e, 26 nov. 2020, n° 19-16.435, Dalloz actualité, 7 janv. 2021 ; D. 2020. 2397 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Par exemple, dernièrement n’a pu recevoir application parce que jugée non formelle et limitée la clause d’exclusion de garantie, dès lors qu’elle mentionne « et autre "mal de dos" », peu important que l’affection dont est atteint l’assuré soit l’une de celles précisément énumérées à la clause (R. Bigot et A. Cayol, Les assureurs se cassent les dents sur la clause d’exclusion « mal de dos », sous Civ. 2e, 17 juin 2021, n° 19-24.467, Dalloz actualité, 30 juin 2021 ; D. 2021. 1186 ). L’étau du formalisme de protection se resserre ainsi autour des clauses d’exclusion mal rédigées, ce que confirme cette énième affaire sur la question.

En l’espèce, une société financière a donné un véhicule utilitaire en crédit-bail à un artisan. Le contrat était assorti de deux assurances de groupe, souscrites par la société crédit-bailleresse auprès de sociétés d’assurance du même groupe. L’artisan a adhéré, notamment, à un contrat collectif d’assurance couvrant les risques « décès-perte totale et irréversible d’autonomie-incapacité de travail ». Après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral et placé en arrêt de travail, l’assuré a été examiné par un médecin expert, mandaté par l’assureur. Le médecin expert a conclu à un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) inférieur à celui contractuellement fixé et à ce que la pathologie présentée par l’assuré n’était plus liée à l’accident vasculaire et était exclue de la garantie contractuelle. L’assureur a opposé, en conséquence, à l’assuré un refus de garantie au titre de l’« incapacité permanente ».

L’artisan assuré bénéficiaire du crédit-bail a été assigné par la crédit-bailleresse devant un tribunal de grande instance en paiement des sommes restant dues et en restitution du véhicule. L’assureur est intervenu volontairement à l’instance.

Deux importants problèmes de droit se présentaient à la Cour de cassation dans cette affaire, exposés en deux moyens. L’un a trait à l’exigence de caractères très apparents pour les clauses d’exclusion. L’autre concerne l’irrecevabilité de l’expertise médicale non soumise à la discussion contradictoire des parties.

Les clauses d’exclusion soumises à l’exigence de caractères très apparents posée par l’article L. 112-4 du code des assurances

En l’espèce, la cour d’appel déboute l’assuré de sa demande de garantie dirigée contre la société d’assurance, au motif que la clause d’exclusion litigieuse figurant dans la notice d’information prévoit, en caractères lisibles et gras [nous soulignons], des exclusions applicables pour la garantie...

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(Original publié par rbigot)
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Reprenant sa jurisprudence Epoux Afeian (CE 16 avr. 2012, n° 311308, Lebon ; AJDA 2012. 852 ), la Haute juridiction rappelle que « les frais de justice exposés devant le juge administratif en conséquence directe d’une faute de l’administration sont susceptibles d’être pris en compte dans le préjudice résultant de la faute imputable à celle-ci ». En 2012, elle avait admis que « toutefois, lorsque...

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(Original publié par emaupin)
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Si l’extension, au cours du bail expiré, d’une terrasse de plein air devant l’établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative ne saurait s’analyser en une modification des caractéristiques des locaux loués (puisque la terrasse ne fait pas partie de ceux-ci), en revanche, elle peut entraîner le déplafonnement du loyer de renouvellement si elle est constitutive d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité.

Tel est le sens de l’arrêt de censure rapporté, très en prise avec notre réalité post-confinement, qui – avec l’assentiment de l’administration – voit fleurir des terrasses sur les trottoirs dans le prolongement de nombreux cafés-restaurants.

Au cas particulier, le principe du renouvellement d’un bail commercial de locaux dans lesquels était exploité un commerce de restaurant-bar-brasserie avait été acté en 2011 et le contentieux portait sur le quantum du nouveau loyer.

Au soutien de sa demande de déplafonnement, arguant du bénéfice tiré par le preneur d’une terrasse octroyée par l’administration, lui permettant de tirer un meilleur profit de son commerce, le bailleur invoquait tant la modification des caractéristiques des locaux loués que la modification des facteurs locaux de commercialité.

Absence de modification des caractéristiques des locaux loués

Le bailleur échoue à convaincre sur ce premier fondement, dans la mesure où, ainsi que le relève le juge du fond et, après lui, les hauts magistrats, l’extension au cours du bail expiré de la terrasse de plein air devant l’établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative, ne fait pas partie des locaux loués. Or, l’article R. 145-3 du code de commerce vise les caractéristiques « propres au local » (dans le même sens, à propos d’une terrasse close et couverte précaire, v. déjà, Civ. 3e, 25 nov. 2009, n° 08-21.049, D. 2009. 2932 ; AJDI 2010. 378 , obs. Y. Rouquet ; Rappr., jugeant au visa de l’art. R. 145-4 c. com. que la création d’une terrasse sur le domaine public à l’extérieur des lieux loués constitue un élément extrinsèque des locaux ne pouvant s’analyser en une modification des caractéristiques propres du local, Paris, 16 janv. 1996, Loyers et copr. 1996, n° 124, obs. P.-H. B. ; dans le même sens, eu égard au caractère précaire de l’autorisation, v. Civ. 3e, 17 déc. 2002, n° 01-16.833, AJDI 2003. 267 ; Paris, 24 nov. 1999, AJDI 2000. 142 . Comp. cependant jugeant, à propos d’une terrasse fermée et couverte, que son adjonction, qui entraîne l’augmentation de 17 % de la capacité d’accueil, constitue une modification notable des lieux, Paris, 13 sept. 2017, n° 15/18072, Administrer 10/2017. 56, obs. M.-L. Sainturat ; Gaz. Pal. 21 nov. 2017. 85, obs. S. Chastagnier).

Possible prise en compte de l’évolution des facteurs locaux de commercialité

Le bailleur obtient toutefois la censure de l’arrêt d’appel au visa des articles L. 145-33, L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce : le juge d’appel aurait dû, ainsi qu’il y était invité, rechercher si l’extension du commerce du preneur à la faveur de cette terrasse modifiait les facteurs locaux de commercialité et constituait par là-même un motif de déplafonnement.

Il incombera par conséquent à la cour de renvoi de déterminer si l’extension du commerce par une terrasse de plein air devant l’établissement, installée sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative est de nature à faire évoluer favorablement et notablement les facteurs locaux de commercialité.

Ce serait, à notre connaissance une première, mais le texte semble le permettre.

En effet, d’une part, nous pouvons remarquer, avec un auteur (J.-P. Blatter, Traité des baux commerciaux, Le Moniteur, 6e éd., n° 914), que les facteurs locaux de commercialité sont exclusivement externes au bail et au local.

D’autre part, l’article R. 145-6 du code de commerce vise, entre autres, « l’attrait particulier […] que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que [les éléments déterminant les facteurs locaux de commercialité] « subissent d’une manière durable ou provisoire ».

Certes, l’installation temporaire d’une terrasse sur le domaine public n’est pas « subie » par le commerçant (puisqu’elle lui est incontestablement profitable), toutefois, cet argument ne nous semble pas dirimant pour exclure le jeu de cet article.

En effet, texte d’application de l’article L. 145-33 du code de commerce, cet article R. 145-6 est un outil visant à déterminer la valeur locative du local loué au regard de l’intérêt que présentent les facteurs locaux de commercialité pour le commerce considéré (rappr. d’ailleurs, tenant compte : de la pietonnisation d’une rue, Civ. 3e, 10 janv. 2006, n° 04-20.443, AJDI 2006. 282 …. ou de l’élargissement des trottoirs d’une artère, Paris, 2 déc. 2015, n° 14/09224, Administrer 2/2016. 33, obs. Sainturat ; Bordeaux, 12 nov. 2018, n° 17/03506, AJDI 2019. 369 ).

(Original publié par Rouquet)

L’exploitation d’une terrasse devant l’établissement sur le domaine public en vertu d’une autorisation administrative ne constitue pas une modification des caractéristiques des locaux loués, mais peut entraîner le déplafonnement si elle implique une modification notable des facteurs locaux de commercialité.

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(Original publié par Rouquet)

M. K. devait subir une greffe de foie au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Cependant, alors que l’opération avait commencé, les chirurgiens ont été contraints de renoncer à implanter le greffon prévu, prélevé au centre hospitalier du Havre, en raison de la détection d’un cancer chez le donneur. L’implantation d’un autre greffon a pu être réalisée en urgence plusieurs heures plus tard. Ce retard a provoqué de graves complications chez M. K. Celui-ci et son épouse ont obtenu de la cour administrative d’appel de Bordeaux la condamnation solidaire des deux hôpitaux et de l’Agence de la biomédecine à les indemniser au titre de la perte de chance d’échapper à la complication. L’Agence de la biomédecine s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’État juge d’abord, qu’il résulte des...

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(Original publié par pastor)

M. K. devait subir une greffe de foie au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Cependant, alors que l’opération avait commencé, les chirurgiens ont été contraints de renoncer à implanter le greffon prévu, prélevé au centre hospitalier du Havre, en raison de la détection d’un cancer chez le donneur. L’implantation d’un autre greffon a pu être réalisée en urgence plusieurs heures plus tard. Ce retard a provoqué de graves complications chez M. K. Celui-ci et son épouse ont obtenu de la cour administrative d’appel de Bordeaux la condamnation solidaire des deux hôpitaux et de l’Agence de la biomédecine à les indemniser au titre de la perte de chance d’échapper à la complication. L’Agence de la biomédecine s’est pourvue en cassation.

Le Conseil d’État juge d’abord, qu’il résulte des...

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Auteur d'origine: pastor

La circulaire du 4 octobre 2021 a été émise le lendemain de la sortie du dossier Pandora Papers, révélé dans le cadre d’articles de presse publiés le 3 octobre 2021 (v. not., Pandora Papers : plongée mondiale dans les secrets de la finance offshore, Le Monde, 3 oct. 2021). Comme les Lux Leaks et les Panama Papers avant eux, les Pandora Papers sont le fruit du travail du Consortium international de journalistes d’investigations (ICIJ). L’ICIJ a dans ce cadre révélé les pratiques d’évitement d’impôts utilisés par de nombreuses personnalités publiques, dont 35 dirigeants de gouvernements et plus de 330 hommes et femmes politiques.

S’inscrivant dans l’objectif d’un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, cette circulaire a conduit le ministère de la Justice à préciser le régime issu de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale, par des directives opérationnelles.

Contexte global

Dès les premières lignes de son préambule, la circulaire du 4 octobre 2021 pointe la fraude fiscale comme une « atteinte grave au pacte social » en ce qu’elle engendre « une inégalité de fait devant l’impôt ».

Se soustraire au paiement de l’impôt est ainsi présenté comme une atteinte aux intérêts de la collectivité des contribuables et donc à l’intérêt général, et non plus seulement une atteinte aux intérêts budgétaires de l’État.

Cette nouvelle perspective exprime clairement l’ambition du gouvernement de renforcer la répression pénale, concomitamment aux procédures fiscales, et donc de valoriser l’office du juge pénal, et ainsi ne pas laisser la seule administration fiscale avoir la main sur les procédures menées contre les présumés fraudeurs. En ce sens, la circulaire du 4 octobre 2021 s’inscrit dans le prolongement naturel de la loi du 23 octobre 2018, en ce qu’elle érige la lutte contre la fraude fiscale en « enjeu majeur pour l’autorité judiciaire ».

Le durcissement de la répression pénale de ce type d’infraction peut notamment être interprété comme une réponse politique aux reproches d’inertie des pouvoirs publics face à l’évitement fiscal de certains, à l’heure où les mouvements sociaux de 2018 à 2020 dénonçaient la pression fiscale sur les contribuables aux revenus les plus modestes, et ce au bénéfice des plus fortunés selon la majorité des commentateurs.

Si la pénalisation de la fraude fiscale n’est pas nouvelle, la volonté politique de mobiliser de nouveaux moyens pour mettre en œuvre cette réponse pénale l’est quant à elle. Outre le contexte national, cette démarche poursuit une dynamique impulsée à plus grande échelle.

À l’échelon international, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) adopte une approche concrète et opérationnelle dans sa mission d’harmonisation des politiques de poursuite et de répression des infractions fiscales. Dans cette logique, elle a d’abord publié, le 30 novembre 2020, un guide pratique de diagnostic des États s’agissant de leur capacité d’enquête et de répression des délits à caractère fiscal (OCDE [2020], Le Modèle de maturité en matière d’enquêtes sur les délits fiscaux, Paris) ; elle a ensuite publié, le 17 juin 2021, un rapport actualisé présentant une série de dix mécanismes juridiques, institutionnels, administratifs et opérationnels essentiels à la mise en place d’un système efficace de lutte contre les délits fiscaux (OCDE [2021], Lutte contre la délinquance fiscale : les dix principes mondiaux, 2e éd., Paris. Actualisant une 1re édition du rapport publiée le 8 nov. 2017). Parmi les autres recommandations concrètes de l’OCDE certaines ont pu viser en particulier la répression des conseils et intermédiaires fiscaux en tant que facilitateurs dans la commission des infractions fiscales (OCDE [2021], En finir avec les montages financiers abusifs : réprimer les intermédiaires qui favorisent les délits fiscaux et la criminalité en col blanc, Paris).

À l’échelon européen, l’entrée en fonction le 1er juin 2021 du Parquet européen marque un tournant dans la coopération entre les États membres pour la poursuite et la répression d’infractions fiscales et financières constituant une « atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne ». Cette nouvelle institution, certes dotée de compétences propres, contribue à l’élaboration d’un espace commun de justice pénale entre les États membres. À cet égard, il est probable que la collaboration des Parquets européen et nationaux se révèle en pratique utile à la détection et à la répression des fraudes fiscales transfrontalières.

La circulaire du 4 octobre 2021 s’inscrit donc dans ce mouvement d’une poursuite plus efficace et une répression plus ferme des infractions fiscales, en mettant à la disposition des Parquets de nouveaux moyens, méthodes et dispositifs opérationnels.

Le régime issu de la loi du 23 octobre 2018, complétée par la circulaire du 7 mars 2019

La loi du 23 octobre 2018

Le régime actuel de la lutte contre la fraude fiscale est, au niveau national, en grande partie issu de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude fiscale, qui poursuit les objectifs suivants : « mieux détecter, appréhender, et sanctionner la fraude » (Loi préc., Exposés des motifs).

Les principales innovations de cette loi étaient les suivantes :

S’agissant de la détection et de l’appréhension de la fraude, la loi du 23 octobre 2018 prévoyait :

la création d’un service placé sous l’autorité du ministre chargé du budget, chargé d’effectuer des enquêtes judiciaires (il s’agira du service d’enquêtes judiciaire des finances créé par le décr. n° 2019-460 du 16 mai 2019), qui intervient concurremment avec la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, (BNRDF - décr. n° 2010-1318 du 4 nov. 2010) ;la levée du secret fiscal jusqu’alors opposable au procureur de la République ;la suppression du « Verrou de Bercy » : dans un certain nombre de cas, l’administration fiscale a désormais l’obligation de dénoncer les faits au Parquet. En outre, en cas de « présomption caractérisée de fraude fiscale », l’administration fiscale peut désormais dénoncer les faits sans solliciter l’avis de la Commission des infractions fiscales. Dans tous les autres cas, l’avis de la CIF demeure nécessaire ;l’extension de la CRPC et de la CJIP à la fraude fiscale.

S’agissant de la répression de la fraude fiscale, la loi prévoyait également :

une aggravation des peines encourues ;le prononcé automatique de peines complémentaires ;la création d’une amende fiscale pour les professionnels ayant facilité la réalisation de la fraude.

Ces nouvelles dispositions, qui ont profondément remanié le régime français de la lutte contre la fraude fiscale, ont été explicitées par une première circulaire émise le 7 mars 2019.

La circulaire du 7 mars 2019

La première partie de la circulaire CPAE1832503C du 7 mars 2019 relative à la réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale et au renforcement de la coopération entre l’administration fiscale et la Justice en matière de lutte contre la fraude fiscale, a pour seul objet de préciser les dispositions de la loi du 23 octobre 2018 relatives à l’engagement des poursuites pénales pour fraude fiscale, i.e. à la disparition du « Verrou de Bercy ».

La seconde partie de la circulaire est quant à elle consacrée au « renforcement de la coopération et de la coordination entre l’administration fiscale et la Justice ».

Dans ce cadre, la circulaire rappelle les dispositions des articles L. 101 et L. 82 C du livre des procédures fiscales qui prévoient la transmission d’informations et de dossiers par l’autorité judiciaire à l’administration fiscale, et insiste sur la nécessité de procéder rapidement et de façon systématique à de telles transmissions.

Réciproquement, la circulaire rappelle les cas dans lesquels l’administration fiscale doit dénoncer des faits au Parquet sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, cette dénonciation devant également se faire rapidement et de façon systématique.

Afin d’assurer l’efficacité de ces échanges, la circulaire comprend des directives relatives au suivi des suites apportées aux informations transmises par l’administration fiscale à l’autorité judiciaire. À cet effet, elle prévoit la création d’un comité de suivi des échanges et d’un référent fraude fiscale au sein des Parquets.

Les instructions concrètes contenues dans la circulaire du 7 mars 2019 s’inscrivaient ainsi dans un périmètre limité, ce qui a conduit la Chancellerie à les compléter par la circulaire du 4 octobre 2021.

La circulaire du 4 octobre 2021 : un renforcement opérationnel de la lutte contre la fraude fiscale

La circulaire du 4 octobre 2021 comprend ainsi, pour chaque étape de la chaîne pénale, des instructions concrètes et opérationnelles. Ces instructions vont clairement dans le sens d’une plus grande sévérité dans la lutte contre la fraude fiscale.

Cette circulaire comprend trois axes principaux.

Des instructions liminaires relatives à la répartition des attributions respectives des juridictions non spécialisées et spécialisées

Aux termes de ces instructions, les procureurs sont incités à être davantage réactifs dans le traitement des signalements, dénonciations obligatoires et plaintes transmises par l’administration fiscale ainsi que dans le traitement des signalements TRACFIN.

Surtout, il leur est demandé d’envisager de les diriger, selon le cas, vers une des juridictions spécialisées : JIRS (Juridictions interrégionales spécialisées), JUNALCO (Juridiction nationale chargée de la lutte contre la criminalité organisée) et PNF (Parquet national financier). Dans cette optique, la première partie de la circulaire rappelle les champs d’intervention de ces trois juridictions spécialisées. Le PNF est d’ailleurs spécifiquement encouragé à envisager la mise en cause de la responsabilité pénale des intermédiaires institutionnels et conseils juridiques. À titre de précision, les juridictions spécialisées n’avaient pas été évoquées par la circulaire du 7 mars 2019, omission qui pouvait nuire à l’efficacité de la procédure pénale (NB : la JUNALCO n’existait pas encore lors de la parution de la circulaire du 7 mars 2019, puisqu’elle a été créée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mise en place au début de l’année 2020).

Au début de la chaine pénale : les stratégies d’enquête dans le domaine de la fraude fiscale

La circulaire vient préciser l’action des Parquets tant en amont de l’enquête pénale, i.e. au stade des échanges avec l’administration et de l’ouverture de l’enquête, qu’au cours de son déroulement. Tout comme celle du 7 mars 2019, la circulaire du 4 octobre 2021 encourage une coopération renforcée, et des échanges d’informations, entre l’administration fiscale et l’autorité judiciaire, notamment dans le cadre de rencontres opérationnelles régulières.

Par ailleurs, la circulaire contient surtout de nombreuses directives visant à renforcer une meilleure poursuite des infractions par les Parquets.

Ainsi, lors de la « naissance du dossier », il est demandé :

à l’administration fiscale de compléter le contenu de ses dénonciations obligatoires, qui doivent désormais inclure la réponse du contribuable à la proposition de rectification définitive ;aux magistrats de procéder à une évaluation préalable des dossiers, et de fixer des directives précises aux enquêteurs, au moyen d’un soit-transmis détaillé et uniformisé.

En outre, la circulaire comprend des annexes telles qu’un guide de lecture des dossiers de dénonciation obligatoire et des modèles de soit-transmis, visant à éclairer très concrètement les procureurs sur l’application de ces directives.

Enfin, dans l’optique de renforcer l’analyse des dossiers par les Parquets, le recours au détachement d’assistants spécialisés de l’administration fiscale au sein des juridictions spécialisées est encouragé, notamment en vue d’étendre les investigations à d’autres impôts ou à d’autres infractions.

Au bout de la chaine pénale : la détermination des modes de poursuite de la fraude fiscale

Alors que la circulaire du 7 mars 2019 n’évoquait pas les dispositions de la loi du 24 octobre 2018 relatives à la CRPC et à la CJIP, la circulaire du 4 octobre 2021 encourage le recours à ces deux procédures notamment, s’agissant de la CJIP, pour les dossiers à forts enjeux financiers. La portée de cette instruction ne devra pas être sous-estimée, et il conviendra de s’interroger sur ses potentielles conséquences quant au nombre de dossiers pouvant être appréhendés dans ce cadre, ainsi que sur le montant des amendes susceptibles d’être infligées.

En cas de poursuites devant les juridictions répressives, la circulaire encourage les Parquets à requérir systématiquement, en plus des peines principales encourues, la prononciation des peines complémentaires (affichage et diffusion de la décision et inéligibilité). 

(Original publié par Dargent)

L’article L. 333-7 du code minier exclut le caractère forfaitaire de la redevance de fortage lorsqu’il prévoit qu’elle doit varier proportionnellement au tonnage extrait.

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(Original publié par Rouquet)

« En vertu de la combinaison des articles 45 et 47 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010, l’exploitant d’un établissement autorisé à vendre des tabacs manufacturés en qualité de revendeur, tel un établissement pénitentiaire, est tenu, sauf dérogations strictement encadrées, de s’approvisionner exclusivement auprès du débit de tabac ordinaire permanent le plus proche, lequel est dénommé “débit de rattachement”. Il résulte des termes mêmes des articles 47 et 49 de ce décret que, pour leur application, la distance...

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(Original publié par emaupin)

Contrairement à d’autres textes, le Sénat n’a pas bouleversé le projet de loi du gouvernement sur la confiance dans l’institution judiciaire. Il avait même adopté plusieurs articles-clés (encadrement des enquêtes, diffusion des audiences, fin des remises automatiques de peine). Néanmoins, deux points importants font toujours dissensus et seront à trancher lors de la commission mixte paritaire (CMP) qui rassemblera députés et sénateurs ce jeudi matin : le secret de l’avocat et la généralisation des cours criminelles départementales.

Alors que les députés avaient adopté à l’unanimité l’article 3 sur le secret de l’avocat en matière de conseil et défense pénale, les sénateurs sont revenus sur cet article. Si le secret de la défense pénale serait entier, celui du conseil serait exclu en matière de fraude fiscale, corruption, trafic d’influence et blanchiment de ces délits. Une manière pour les sénateurs de garantir la constitutionnalité du dispositif et les impératifs des enquêteurs. Une position inacceptable pour les représentants des avocats et les députés du groupe LREM.

Autre point de dissensus : l’article 7 sur la généralisation des cours criminelles départementales, article que le Sénat a supprimé. Si les oppositions contre ces cours se sont adoucies, les sénateurs LR ne souhaitent pas généraliser dès à présent ce dispositif : ils souhaitent que l’expérimentation prévue jusqu’en mai 2022 aille à son terme.

Les rapporteurs du texte (Stéphane Mazars à l’Assemblée, Agnès Canayer et Philippe Bonnecarrère au Sénat) essaient donc d’arriver à un compromis. Compromis auquel pousse par ailleurs le gouvernement, lui-même divisé sur le secret de l’avocat et qui souhaite accélérer le calendrier parlementaire. Mercredi matin, si les positions commençaient à converger, les rapporteurs n’avaient toujours pas trouvé d’accord. L’issue de la CMP était donc toujours incertaine.

Des compromis sont néanmoins possibles. Concernant le secret de l’avocat, les exceptions pourraient être plus limitées (uniquement la fraude fiscale), et la présence de l’avocat durant les perquisitions abandonnée.

Concernant les cours criminelles, l’expérimentation pourrait se voir prolongée, à défaut d’être immédiatement généralisée.

En cas de réussite, le texte serait rapidement adopté. En cas d’échec, le texte reviendrait en nouvelle lecture à l’Assemblée puis au Sénat, avant une lecture définitive à l’Assemblée. Un échec pourrait également conduire le Sénat à saisir le Conseil constitutionnel, notamment sur l’article 3. C’est ce qu’il fait habituellement en cas d’échec de CMP, dès lors que le texte présente des fragilités constitutionnelles.

(Original publié par Dargent)
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« L’escroquerie est sans doute l’incrimination que l’on associe le plus souvent à la fraude à l’assurance » (Rép. pén., v° Assurance, par B. Neraudeau, A.-C. Pichereau et P. Guillot, n° 55). Les manœuvres frauduleuses d’assurés mal intentionnés (Crim. 19 mars 2014, n° 13-82.416, Bull. crim. n° 89 ; RSC 2015. 93, obs. H. Matsopoulou ; D. 2014. 779 ; ibid. 1564, obs. C. Mascala ; ibid. 2423, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et C. Ginestet ; AJ pénal 2014. 299, obs. C. Renaud-Duparc ; Dr. soc. 2015. 159, chron. R. Salomon ; RSC 2015. 93, obs. H. Matsopoulou ; RTD com. 2014. 425, obs. B. Bouloc ; Dr. pénal 2014, n° 71, 2e esp., note Véron) peuvent conduire l’organisme à réaliser des versements indus. Une telle hypothèse va alors mobiliser les juridictions du domaine des assurances dans un premier temps, et les juridictions répressives dans un second temps. Or, il peut résulter une sorte de conflit de décisions, et plus précisément une contrariété de jugements. Tels étaient les faits qui ont conduit à l’arrêt du 5 octobre 2021.

En l’espèce, un individu a bénéficié, à la suite d’un accident du travail, d’une période d’indemnisation d’arrêt de travail sur un an pour un montant total de 69 115,27 €, versé par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM). Dans ce contexte, le tribunal des affaires de sécurité sociale a rendu une ordonnance de référé qui a constaté l’engagement de la CPAM à indemniser l’individu. À la suite d’une enquête de police, l’intéressé a été cité devant le tribunal correctionnel du chef d’escroqueries, pour s’être, entre autres, fait faussement salarier au sein de la société La Licorne bleue puis avoir, un mois après son embauche, déclaré un accident du travail imaginaire, et ainsi trompé la caisse pour la déterminer à lui remettre des fonds, en l’espèce 69 115,27 €.

Par jugement, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits, l’a condamné à une peine et à indemniser les parties civiles. La cour d’appel a confirmé le jugement sur la culpabilité à raison d’une partie des faits et a ordonné une expertise pour le surplus. La Cour de cassation a cassé cette décision en toutes ses dispositions (Crim. 21 févr. 2017, n°...

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Auteur d'origine: mrecotillet

Un décret du 13 octobre 2021 rend obligatoire le recours à l’évaluation environnementale pour les documents d’urbanisme et toutes les Unités touristiques nouvelles (UTN) soumises à autorisation préfectorale, même dans les communes non couvertes par un SCOT ou un PLU.

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(Original publié par Rouquet)
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Quelques mois après l’adoption de la loi « Climat et Résilience » du 22 août 2021, l’exécutif vient d’adopter un décret visant à renforcer l’intégration des enjeux environnementaux dans les documents d’urbanisme, au moyen de l’évaluation environnementale.

Concrètement, l’évaluation environnementale est une démarche favorisant la prise en compte de l’environnement par les documents d’urbanisme (schémas de cohérence territoriaux, plans locaux d’urbanisme, cartes communales…) qui sont susceptibles d’avoir des incidences notables (directement ou à travers les projets qu’ils permettent) sur l’environnement.

L’évaluation environnementale des documents d’urbanisme n’est pas nouvelle. Elle prend sa source dans la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation de l’incidence de certains plans et programmes sur l’environnement, en ce qui concerne le régime de l’évaluation environnementale du plan local d’urbanisme (PLU) et de toutes les procédures d’évolution des documents d’urbanisme.

Même si la France, en transposant la directive 2001/42/CE, a créé un arsenal juridique conséquent en faveur de l’évaluation environnementale avec les articles R. 104-1 à R. 104-34 du code de l’urbanisme et articles R. 122-1 à R. 122-27 du code de l’environnement, deux arrêts du Conseil d’État ont récemment changé la donne. Tirant toutes les conséquences de la plus Haute juridiction administrative, le législateur a ainsi modifié le régime de l’évaluation environnementale en adoptant l’article 40 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique et son décret d’application n° 2021-1345 du 13 octobre 2021, ici rapporté.

Évaluation environnementale dans les documents d’urbanisme : l’État revoit sa copie

 Par une décision n° 400420 du 19 juillet 2017 (CE 19 juill. 2017, n° 400420, France nature environnement (Assoc.), AJDA 2017. 1529 ; RDI 2017. 498, obs. M. Revert ), le Conseil d’État a annulé les articles R. 104-1 à R. 104-16 du code de l’urbanisme en ce qu’ils n’imposaient pas, lorsque cela...

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(Original publié par Rouquet)

Si l’important volet transport de la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances – dite « DDADUE 2021 » – est essentiellement consacré au droit aérien (v. notre brève, Adaptation au droit de l’Union européenne par la loi du 8 octobre 2021 : aspects de droit aérien, Dalloz actualité, 19 oct. 2021), il n’oublie en réalité aucune branche de ce droit. Cette loi s’intéresse, en effet, à la fois au droit des transports routiers, au droit des transports maritimes, ainsi qu’au droit des transports fluviaux. Enfin, elle comporte deux mesures de circonstance destinées à sécuriser juridiquement certaines conséquences du Brexit.

Transport routier

La loi du 8 octobre 2021 (art. 13) procède à la transposition de la directive (UE) 2019/520 du 19 mars 2020 concernant l’interopérabilité des systèmes de télépéage routier et facilitant l’échange transfrontalier d’informations relatives au défaut de paiement des redevances routières dans l’Union au sein d’une section intitulée « Service européen de télépéage » du code de la voirie routière. Pour rappel, le télépéage permet aux usagers d’une autoroute ou d’un ouvrage routier de franchir les péages dans une file dédiée sans avoir à s’arrêter pour s’acquitter de la redevance due à raison de l’utilisation des infrastructures routières concernées. Sa mise en œuvre nécessite l’utilisation d’un dispositif électronique spécifique embarqué au sein du véhicule de l’usager, qui aura pour fonction d’interagir avec le système électronique de la gare de péage. Parmi les dispositions introduites dans le code, on relèvera que la loi nouvelle vient compléter et élargir la définition du service européen de télépéage (SET), qui ne concernait, pour l’heure, que les paiements effectués par les usagers du réseau routier via l’utilisation d’un dispositif électronique embarqué. La nouvelle définition intègre désormais un élément matériel (le service de péage) et un élément organique (l’enregistrement du prestataire de services en tant que prestataire du service européen de télépéage ; C. voirie rout., art. L. 119-2 mod.). Elle confie à l’ART plusieurs missions : une mission de conciliation entre les percepteurs de péage et les prestataires du service de télépéage européen ; l’enregistrement, en tant que prestataire du service européen de télépéage, les personnes morales établies en France qui souhaitent exercer cette activité ; la tenue registre électronique du service européen de télépéage (C. voirie rout., art. L. 119-4 mod.).

La loi nouvelle (art. 14) procède également à une actualisation de l’article L. 330-2 du code de la route pour transposer l’article 23 de la directive (UE) 2019/520 en intégrant le « défaut d’acquittement du péage » au sein des motifs permettant la communication à destination d’autres États membres d’informations relatives à la circulation des véhicules. Cette modification offre une base législative à la transposition de l’article 23 de la directive (UE) 2019/520 qui sera effectuée par voie réglementaire. Elle actualise (art. 15) également l’article L. 1262-3 du code des transports, qui définit les missions de l’ART, en prévoyant un renvoi au code de la voirie routière pour les missions de l’ART concernant le secteur des autoroutes. Elle intègre (art. 16) expressément les sous-concessionnaires du réseau autoroutier parmi les entités susceptibles de faire l’objet de collectes régulières d’information de la part de l’ART (C. voirie rout., art. L. 122-31 mod.). Comme l’ont précisé les travaux préparatoires, cette collecte constitue un enjeu important pour contrôler le respect des engagements pris par les sous-concessionnaires « en matière de modération tarifaire pour les carburants, pour apprécier si la durée des contrats de sous-concession n’excède pas le temps raisonnablement escompté par l’exploitant pour qu’il amortisse les investissements réalisés pour l’exploitation des ouvrages ou des services avec un juste retour sur les capitaux investis, compte tenu des investissements nécessaires à l’exécution du contrat » (Doc. AN n° 4186, 23 juin 2021, p. 85).

Le texte (art. 24) introduit par ailleurs dans notre législation les règles du « Paquet mobilité I », adopté par les instances européennes en juillet 2020, qui vise à harmoniser la législation européenne relative au transport en garantissant une juste concurrence au sein du marché unique et des conditions de travail des conducteurs routiers compatibles avec la préservation de leur santé et de la sécurité routière. Elle vient inscrire au sein du code des transports certaines dispositions des règlements (UE) n° 2020/1054 et n° 2020/1055 du 15 juillet 2020 concernant les temps de conduite et de repos des conducteurs routiers, ainsi que les conditions d’accès au marché du transport routier de marchandises. Elle vient notamment interdire le repos hebdomadaire régulier en cabine, en introduisant le tachygraphe intelligent et en imposant à l’entreprise de transport d’organiser le retour du conducteur routier à son domicile régulièrement. La loi du 8 octobre 2021 (art. 25) transpose également la directive (UE) 2020/1057, également en date du 15 juillet 2020 qui comporte des mesures spécifiques au détachement des conducteurs routiers. Cette directive, dite « lex specialis », est aussi l’une des composantes du « Paquet mobilité I ». Elle vise à appliquer des règles spécifiques aux conducteurs routiers faisant exception au cadre général posé par la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services. L’application de ces règles doit permettre de réduire la concurrence déloyale en garantissant aux conducteurs routiers une rémunération plus juste, reposant sur les règles définies dans l’État membre d’accueil (C. transp., art. L. 1331-1 mod. et L. 1332-1 à L. 1332-8 nouv.).

Enfin, la loi du 8 octobre 2021 (art. 27) ratifie l’ordonnance n° 2021-487 du 21 avril 2021 relative à l’exercice des activités des plateformes d’intermédiation numérique dans divers secteurs du transport public routier.

Transport maritime

La loi du 8 octobre 2021 (art. 17) met en conformité le droit français avec la directive (UE) 2016/802 du 11 mai 2016 concernant la réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides qui vise à réduire la teneur en soufre des combustibles marins. Elle vient préciser, au sein du code de l’environnement, l’existence d’un plafond de teneur en soufre des combustibles marins de 3,50 % en masse pour les navires mettant en œuvre des méthodes de réduction des émissions et qui ne peut être dépassé que pour ceux fonctionnant en système fermé. Elle rend également applicable le régime des sanctions pénales prévu en cas de non-respect de ce plafond. Elle procède enfin à l’extension de l’application de ce régime en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF ; C. envir., art. L. 218-1, L. 218-2, L. 612-1, L. 622-1, L. 632-1 et L. 640-1 mod.).

Cette même loi (art. 18) met en conformité le droit français avec la directive 2008/106 du 19 novembre 2008 concernant le niveau minimal de formation des gens de mer, qui reprend elle-même largement les exigences de deux conventions internationales, la convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille adoptée en 1978 (STCW) et la convention internationale sur les normes de formation du personnel des navigants de pêche, de délivrance des brevets et de veille adoptée en 1995 (convention STCW-F). Elle vient ainsi parachever la transposition mise en œuvre par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (C. transp., art. L. 5547-3) en ajoutant les superviseurs à la liste des personnels des organismes de formation professionnelle maritime dont le niveau de qualification et d’expérience est pris en compte dans le cadre de la délivrance d’un agrément et renvoie au pouvoir réglementaire la définition du niveau de qualification des formateurs et évaluateurs dispensant ces formations (C. transp., art. L. 5547-10 nouv.).

La loi (art. 19) modifie plusieurs dispositions du code des transports relatives à l’autorité de surveillance des équipements marins en vue de l’entrée en vigueur, en juillet 2021, d’une partie du règlement (UE) n° 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance du marché et la conformité des produits, qui modifie le règlement européen (CE) n° 765/2008 du 9 juillet 2008 relatif à l’accréditation et à la surveillance du marché. Il complète en conséquence la définition de la notion d’opérateur économique, en intégrant en son sein les « prestataires de services d’exécution des commandes » et renforce la capacité d’intervention de l’autorité de surveillance des équipements marins sur les matériels présentant un danger ou un risque pour le consommateur.

Le texte (art. 22) met également en conformité les dispositions du code des transports relatives au travail de nuit de jeunes de moins de 18 ans à bord des navires avec la directive 94/33/CE du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail et la directive 2017/159 du 19 décembre 2016 relative à la mise en œuvre de la convention C188 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail dans la pêche. A cette fin, elle prévoit notamment : d’avancer l’heure à laquelle débute le travail dit de nuit, en principe interdit, à 21 heures (au lieu de 22 heures actuellement) afin de couvrir une période de 9 heures consécutives conformément au droit européen (C. transp., art. L. 5544-27 mod.) ; d’étendre la période de repos obligatoire dont bénéficient ces jeunes travailleurs de minuit à 4 heures du matin plutôt que 5 heures (C. transp., art. L. 5544-29 mod.).

Cette même loi (art. 23) soumet, par ailleurs, au versement de cotisations vieillesse les périodes d’activité partielle des marins. En effet, le Brexit et le contexte économique lié à l’épidémie de Covid-19 ont eu pour conséquence un recours massif à l’activité partielle de longue durée dans le secteur maritime. Cette mesure vise ainsi à permettre de prendre en compte ces périodes dans le calcul du salaire forfaitaire sur la base duquel les droits à pension des marins sont déterminés (C. transp., art. L. 5553-4 mod.).

Enfin, la loi du 8 octobre 2021 (art. 28) procède à la ratification de six ordonnances relatives au transport maritime, qui ont été publiées en 2020 et 2021. Ces ordonnances ont été prises par le gouvernement sur le fondement de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM). Parmi celles-ci, l’ordonnance n° 2021-266 du 10 mars 2021 portant application de la convention conclue à Nairobi sur l’enlèvement des épaves.

Transport fluvial

La loi du 8 octobre 2021 (art. 20) actualise la rédaction de l’article L. 4463-2 du code des transports qui pose le principe de l’interdiction de la conclusion de contrats à un prix inférieur au coût de la prestation de services dans le domaine du transport fluvial de marchandises ; il s’agit là d’une infraction pénale assortie d’une amende de 15 000 €. Il s’avère que la rédaction jusque-là en vigueur de cet article n’est pas conforme à l’article 2 de la directive 96/75/CE du 19 novembre 1996 concernant les modalités d’affrètement et de formation des prix dans le domaine des transports nationaux et internationaux de marchandises par voie navigable dans la Communauté, selon lequel les contrats sont librement conclus entre les parties concernées et les prix librement négociés. Désormais, cet article L. 4463-2, dans sa nouvelle rédaction, prévoit que ces prix ne doivent pas constituer, conformément aux règles communautaires en matière de droit la concurrence, des prix bas susceptibles de constituer un abus de position dominante telle qu’elle est définie à l’article L. 420-2 du code du commerce, en conformité avec le droit de l’Union européenne, sous peine de l’application des sanctions prévues à l’article L. 464-2 du même code.

Mesures liées au Brexit

La loi (art. 21) vient sécuriser en droit, dans le contexte du Brexit, la possibilité pour les ferries sous pavillon français naviguant entre la France et le Royaume-Uni d’exploiter exclusivement des appareils de jeu de type « machine à sous ». L’article L. 321-3 du code de la sécurité intérieure prévoit, en effet, la possibilité d’exploiter au sein des casinos installés à bord des navires des appareils de jeu (machines à sous) dans le cadre d’une « ligne régulière intracommunautaire ». Or, le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne fait peser le risque que les navires battant pavillon français ne puissent plus exploiter ces appareils de jeu au regard de la rédaction de cet article qui fait référence à la condition que les navires concernés appartiennent à une « ligne intercommunautaire régulière ». D’où la substitution, au sein de celui-ci, au mot « intercommunautaire », les mots « touchant un port de l’Union européenne ».

Enfin, la loi nouvelle (art. 26) confère une base légale à l’autorisation des installations douanières et sanitaires mises en place en urgence dans la perspective du Brexit et du rétablissement des contrôles aux frontières entre la France et le Royaume-Uni. Ces installations, situées sur la commune de Calais, ont été construites en 2019 et 2020 de manière dérogatoire à la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi « littoral ». Autorisée sur la base d’une habilitation législative à légiférer par ordonnance, leur implantation ne vaut que pour une durée de deux ans, qui devrait expirer en 2022. L’intervention du législateur était donc nécessaire pour pérenniser ces installations et permettre qu’elles fassent l’objet d’un permis de construire. Concrètement, cette dérogation permettra la délivrance d’un permis de construire pour ces infrastructures.

(Original publié par Delpech)

Alors qu’un frémissement des ouvertures de procédures collectives se fait sentir (V. Altares, Études de défaillances et sauvegardes des entreprises en France au 3e trimestre 2021), et après une chute historique des défaillances d’entreprises, les deux décrets d’application de l’article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ayant instauré la procédure judiciaire de traitement de sortie de crise viennent d’être publiés (v. K. Lemercier et F. Mercier, Entreprises en difficulté : instauration temporaire d’une procédure judiciaire de traitement de sortie de crise, Dalloz actualité, 7 juin 2021). L’objectif du législateur est de prévoir une procédure judiciaire pour les entreprises qui rencontrent un problème conjoncturel lié à la crise sanitaire et au financement de leur activité, ce qui exclut les entreprises structurellement en difficulté. Temporaire et spécifique, la procédure est entrée en vigueur le 18 octobre 2021 et s’appliquera jusqu’au 1er juin 2023 (Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, art. 13, VII). Les deux décrets d’application, n° 2021-1354 et n° 2021-1355 du 16 octobre 2021, sont d’inégale contenance. S’ils comportent tous les deux des dispositions d’adaptation réglementaire du code de commerce à la procédure de traitement de sortie de crise spécifiques et des disposition spécifiques, le décret n° 2021-1354 aménage, par ailleurs, les voies de recours de cette procédure et poursuit la modification de vocabulaire liée à la mise en place du « comité économique et social » en supprimant les références aux comités d’entreprise et aux délégués du personnel. Un chapitre du décret est également dédié aux frais de procédures et émoluments du mandataire désigné, émoluments dont les montants seront précisés ultérieurement par arrêté ministériel.

Les conditions spécifiques d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise

La demande d’ouverture d’une procédure de traitement de sortie de crise doit répondre à différentes conditions énumérées par l’article 13 de la loi n° 2021-689 en date du 31 mai 2021 qui ont été précisées par les deux décrets du 16 octobre 2021. À défaut, le tribunal devra rejeter la demande (Décr. n° 2021-1354, art. 3).

Critères et seuils des débiteurs pouvant demander l’ouverture de la procédure

L’initiative de la procédure de traitement de sortie de crise relève exclusivement du débiteur, personne physique ou morale. Elle est toutefois restreinte aux débiteurs dont le nombre de salariés est inférieur à vingt et dont le bilan est inférieur à 3 000 000 € de total du passif hors capitaux propres (Décr. n° 2021-1355, art. 1er). Il s’agit ici de deux critères cumulatifs. Pour ce qui est du premier critère, le nombre de salariés à prendre en compte est « le nombre de salariés employés par le débiteur à la date de la demande d’ouverture de la procédure » ; et s’agissant du second, le bilan est « apprécié à la date de clôture du dernier exercice comptable » (Décr. n° 2021-1355, art. 2 et 3). Si le nombre de salariés est un critère connu, celui du bilan hors capitaux propres est nouveau. Le total du passif sans les capitaux propres permet essentiellement de tenir compte des dettes financières, d’exploitation et des dettes diverses, ainsi que des provisions (pour risques, pour charges, etc.). Ce critère cible spécifiquement l’endettement, ce qui oriente bien sa vocation première, à l’égard des petites entreprises. Le critère des capitaux propres est toutefois moins pertinent pour les associations. Il faut probablement comprendre qu’il s’agit là des fonds associatifs.

Une demande précisant les modalités d’élaboration de l’inventaire

Lors de la demande d’ouverture de la procédure, le débiteur doit préciser les modalités d’élaboration de l’inventaire de son patrimoine et des garanties qui le grèvent (Décr. n° 2021-1354, art. 1er). Trois options s’offrent à lui : soit il s’engage à l’établir lui-même, soit il demande à en être dispensé, soit encore, il demande au tribunal la désignation d’un officier public ou un courtier de marchandises assermenté.

Les pièces jointes à la demande d’ouverture de la procédure

L’article 1er du décret n° 2021-1354 énonce une liste de quatorze pièces à joindre à la demande d’ouverture, en lien avec les conditions spécifiques d’ouverture de la procédure, telles qu’énoncées par l’article 13 de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 (v. K. Lemercier et F. Mercier, préc.). C’est ainsi que le débiteur doit joindre l’état du passif exigible et de l’actif disponible, ainsi qu’une « déclaration de cessation des paiements » (1°). Il doit également fournir une situation de trésorerie (3°). À noter qu’en redressement judiciaire, l’article R. 631-1 du code de commerce précise que cette situation doit être datée de moins d’un mois, précision non reprise pour la procédure de traitement de sortie de crise. Ce critère, tel que décrit, est celui qui prévaut pour la demande de sauvegarde. Le débiteur doit également joindre un compte de résultat prévisionnel (4°). Cette pièce est déjà prévue pour la demande de sauvegarde, mais pas pour celle de redressement judiciaire (v. C. com., art. R. 621-1 pour la sauvegarde et R. 631-1 pour le redressement judiciaire). Toutefois, elle se justifie ici au regard de la nature de la procédure. Le débiteur doit également justifier du nombre des salariés employés à la date de la demande et le total du bilan ainsi que le montant du chiffre d’affaires. La précision du montant du chiffre d’affaires, qui apparait classiquement nécessaire pour que le tribunal apprécie notamment si les critères de désignation d’un administrateur judiciaire sont réunis, semble ici revêtir une moindre importance, si ce n’est pour l’information du tribunal, puisque le montant du chiffre d’affaires n’est pas retenu comme critère d’ouverture de la procédure. Il doit également justifier du paiement des créances salariales échues et fournir l’état chiffré des créances salariales à échoir ; à défaut, le texte précise que le débiteur peut attester sur l’honneur être à jour de ses obligations à l’égard de ses salariés (7°). Le législateur exige, en effet, que le débiteur qui demande l’ouverture de la procédure dispose « des fonds disponibles pour payer ses créances salariales » (Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, art. 13, I A). L’état chiffré des créances et des dettes, ainsi que le montant total des sommes à payer et à recouvrer au cours d’une période de trente jours à compter de la demande, doit également être fourni. Cette pièce permet d’établir le montant des créances à recouvrer. Le débiteur doit également fournir une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de mandat ad hoc ou de procédure de conciliation dans les dix-huit mois précédant la date de la demande ou, dans le cas contraire, la mention de la date de la désignation du mandataire ad hoc ou de l’ouverture de la procédure de conciliation (12°). À noter que lorsque le débiteur était engagé dans une procédure de conciliation lors de la demande, le tribunal devra statuer sur l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise après un rapport du conciliateur (Décr. n° 2021-1354, art. 3). Cette obligation ne concerne que la conciliation et non le mandat ad hoc sans que les raisons d’une telle éviction soient comprises. Les éléments de la demande empruntent ainsi à la sauvegarde et au redressement judiciaire, en y ajoutant le critère spécifique de la justification du paiement des créances salariales. Toutefois, il semble que cette demande écarte une condition déterminante : la justification par le débiteur d’être en mesure, dans le délai de trois mois, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Cette absence interroge, s’agissant là également d’un critère d’éligibilité de la procédure de traitement de sortie de crise (L. n° 2021-689, 31 mai 2021, art. 13, I A). Il sera difficile à la juridiction consulaire d’apprécier l’effectivité de cette condition sans élément objectif apprécier le jour de l’examen de la demande d’ouverture.

La condition de qualité des comptes du débiteur

Outre les quatorze pièces énumérées à l’article 1er, les comptes annuels du dernier exercice sont également exigés. Ceux-ci doivent apparaître « réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise » (Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, art. 13, I A). Afin d’appréhender avec certitude l’ampleur du passif, l’article 2 du décret n° 2021-1354 prévoit que le tribunal peut désigner un administrateur judiciaire, un mandataire judiciaire, un expert, un commissaire aux comptes ou encore un expert-comptable lorsque les comptes du débiteur n’ont pas été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable. Cette mission d’expertise apportée au juge, qui peut également porter sur le respect des obligations relatives aux créances salariales, ne peut excéder un mois. On peut regretter que la mission ne porte pas sur la condition liée à l’obligation pour le débiteur de justifier qu’il est en mesure, dans le délai de trois mois, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.

Déroulement de la procédure de traitement de sortie de crise

Dépôt et vérification de la liste des créanciers

Dans les dix jours du jugement d’ouverture, le débiteur doit déposer au greffe la liste des créances de chaque créancier identifié dans ses documents comptables, ou avec lequel il est lié par un engagement dont il peut justifier l’existence (Décr. n° 2021-1354, art. 6). Cette liste doit contenir les informations détaillées sur les créances de l’article R. 622-5 du code de commerce, auxquelles sont ajoutées les « modalités de calcul des intérêts dont le cours n’est pas arrêté ». Compte tenu de la très grande précision de ces informations, et s’agissant de petites entreprises, l’élaboration de cette liste peut s’avérer difficile. Le mandataire de la procédure de traitement de sortie de crise doit ainsi opérer une vérification de la conformité de la liste établie par le débiteur, avec les documents comptables de l’entreprise (Décr. n° 2021-1354, art. 6, al. 2). La liste établie peut ainsi différer de la liste ayant permis au tribunal d’ouvrir la procédure de traitement de sortie de crise. Ce point interroge dans la mesure où les conditions d’éligibilité de la procédure prévoient la justification par le débiteur qu’il est en mesure, dans le délai de trois mois, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Cette justification, examinée par le tribunal à l’ouverture de la procédure peut donc être remise en cause a posteriori si jamais certaines créances, absentes de la liste annexée à la demande d’ouverture de la procédure, sont ensuite intégrées dans la liste des créances réalisées après l’ouverture de la procédure.

Information des créanciers par le mandataire de justice

Dans les huit jours suivant la remise de la liste, le mandataire communique à chaque créancier concerné les informations relatives aux créances dont il est titulaire, telles qu’elles résultent de la liste (Décr. n° 2021-1354, art. 7 al. 2). Ces créanciers peuvent donc faire connaître au mandataire leur demande d’actualisation des créances mentionnées ou toute contestation sur le montant et l’existence de ces créances, dans le délai d’un mois, soit à compter de la publication de la procédure au BODACC soit de la date de communication des créances par le mandataire (la date retenue étant celle la plus lointaine). Lorsqu’une créance n’a pas été mentionnée sur la liste, le mandataire informe le créancier, s’il peut l’identifier (Décr. n° 2021-1354, art. 8, al. 2). Il est précisé que « lorsqu’une ou plusieurs créances omises sont de nature à remettre en cause la qualité des comptes de l’entreprise ou à compromettre l’exécution du plan de traitement de sortie de crise, le mandataire en informe sans délai le juge-commissaire » (Décr. n° 2021-1354, art. 8, al. 3). Cette précision interroge sur les pouvoirs d’appréciation du mandataire quant à la soutenabilité du plan de traitement de sortie de crise. Alors qu’aucun élément formel n’est prévu dans la demande de procédure de traitement de sortie de crise pour justifier de la possibilité, pour le débiteur, d’élaborer un projet de plan, il semble difficile de pouvoir apprécier si l’ajout de telle ou telle créance sera de nature à compromettre l’exécution d’un plan de traitement de sortie de crise. Par ailleurs, l’information au juge-commissaire est inhérente même à la mission de ce dernier et questionne sur les suites qui pourront être réservées par le juge-commissaire.

Liste des créances

L’article 10 du décret n° 2021-1354, portant sur la liste des créances établie par le mandataire et transmise ensuite au commissaire à l’exécution du plan, précise que les créances rejetées de cette liste par le juge-commissaire ne peuvent se voir imposer « les délais mentionnés au quatrième alinéa de l’article L. 626-18 du code de commerce lorsqu’elles n’ont pas été mentionnées sur la liste prévue par le B du II de l’article 13 de la loi du 31 mai 2021 susvisée » (Décr. n° 2021-1354, art. 10 al. 5). Cet article mérite une attention particulière : sa lecture, peu aisée de prime abord, semble indiquer qu’une créance qui ne relèverait pas de la poursuite d’activité dans le cadre de la période d’observation (et qui serait donc une créance antérieure à l’ouverture de la procédure) et qui n’aurait pas été mentionnée dans la liste des créances antérieures établie par le débiteur et vérifiée par le mandataire, ne pourrait donc pas être intégrée dans le plan de traitement de sortie de crise. Il faut probablement en conclure que cette créance serait alors exigible et que le créancier pourrait donc utiliser tout moyen pour la recouvrir. Cette précision est importante afin d’assurer une certaine sécurité aux créanciers dont les créances auront été omises par le débiteur.

Consultation des créanciers sur le plan

Le délai de consultation des créanciers par le mandataire est en principe de trente jours, délai dans lequel, en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse, dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire, vaut acceptation (Décr. n° 2021-1354, art. 26, II). Toutefois, ce délai peut être réduit à 15 jours, le décret reprenant ici les dispositions transitoires de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020. La consultation par le mandataire répond aux exigences habituelles de l’article R. 626-7 du code de commerce.

Procédure spécifique pour les créances publiques

Les dispositions réglementaires prévues pour le règlement des créances publiques sont applicables à la procédure de traitement de sortie de crise (Décr. n° 2021-1355, art. 4). Toutefois, la saisine de la commission réunissant les chefs des services financiers et les représentants des organismes et institutions intéressés, mentionnée à l’article D. 626-14 du code de commerce, est faite par le mandataire désigné conformément au B du I de l’article 13 de la loi susvisée. Rappelons que la saisine de cette commission doit désormais être réalisée dans un délai de six mois à compter de l’ouverture de la procédure (Décr. n° 2021-1218, 23 sept. 2021, art. 19), ce qui est donc compatible avec la durée de la procédure de traitement de sortie de crise. Il faut souligner ici que la commission dispose d’un délai de deux mois maximum pour rendre sa décision, sauf décision implicite de rejet (C. com., art. D. 626-14 in fine). Ce délai de deux mois pourrait ne pas s’accorder avec la durée rapide de la procédure de traitement de sortie de crise dont la durée est de trois mois maximum.

Recours. Les jugements et ordonnances rendus en matière de procédure de traitement de sortie de crise sont exécutoires de plein droit à titre provisoire (Décr. n° 2021-1354, art. 27). On notera que, par dérogation aux dispositions de l’article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d’appel, statuant en référé, ne peut arrêter l’exécution provisoire que lorsque les moyens à l’appui de l’appel paraissent sérieux. La seconde condition de l’article 514-3 du code de procédure civile, à savoir que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, est donc ici écartée, ce qui semble favoriser la possibilité d’obtenir le sursis à exécution.

Issues de la procédure de traitement de sortie de crise

Arrêté du plan

Au terme de la période d’observation d’une durée maximale de trois mois (Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021, art 13, I D), le tribunal peut statuer sur le projet de plan (Décr. n° 2021-1354, art. 12, I). Dans l’hypothèse où le plan de traitement de sortie de crise est toujours en cours à l’expiration d’un délai d’un an à compter de son arrêté, la radiation des mentions relatives à la procédure de traitement de sortie de crise fait obstacle à toute nouvelle mention intéressant l’exécution du plan de traitement de sortie de crise, sauf si celle-ci est relative à une mesure d’inaliénabilité décidée par le tribunal ou à une décision prononçant la résolution du plan (Décr. n° 2021-1354, art. 24, III 3°). La mesure favorise le rebond du dirigeant en effaçant les mentions de la procédure du traitement de sortie de crise. Le délai est court – un an – et reprend les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 qui prévoyait, de manière transitoire, que les délais mentionnés aux 4° et 5° de l’article R. 123-135 du code de commerce sont réduits à un an (au lieu de deux ans).

Ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à défaut de plan arrêté

Si la présentation d’un projet de plan n’est pas possible dans le délai de trois mois, le ministère public, le mandataire unique ou le débiteur peut saisir le tribunal pour mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise, et ouvrir une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire par application de l’article 13, IV D de la loi du 31 mai 2021 (Décr. n° 2021-1354, art. 12, 3°).

***

La procédure de traitement de sortie de crise fait du critère de l’endettement une condition pivot de son éligibilité. Cela traduit bien la finalité de cette procédure express, qui vise uniquement à la restructuration des dettes de l’entreprise. Celles-ci peuvent être de toute nature (à l’exception de quelques restrictions en matière salariale) ; les dettes résultant de la crise liée à l’épidémie de « Covid-19 » sont les plus ciblées par cette procédure. On pense aux dettes de loyer ou encore aux dettes fiscales et sociales. On pense surtout aux prêts garantis par l’État qui, pour certains, sont déjà en phase d’amortissement mais qui, pour d’autres, le seront à compter du deuxième trimestre 2022 (après deux années de franchise). L’arrêté du 8 juillet 2021 portant modification de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020, permet d’ailleurs à l’établissement prêteur de conserver sa garantie étatique lorsque le prêt est restructuré dans un plan de traitement de sortie de crise. À l’heure où la reprise de l’activité économique apparaît contrainte par des besoins de financement augmentés par les tensions sur les matières premières (prix et disponibilité), cette procédure est un outil supplémentaire que le chef d’entreprise en difficulté devra s’approprier. C’est probablement là son plus grand défi. 

(Original publié par Delpech)

À la suite de l’abandon du projet d’écotaxe poids-lourds, les services des domaines ont cédé les équipements développés par la société Ecomouv’. La société Axxès, société habilitée de télépéage, dont le contrat a été résilié, a demandé à l’État de lui communiquer les documents relatifs à la cession de lots d’équipements électroniques standards. Sa demande ayant été rejeté, la société s’est tournée vers le tribunal administratif de Paris qui a rejeté sa requête.

Pour justifier son refus, l’État soutient que les documents en cause ne seraient...

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(Original publié par emaupin)
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L’obligation faite aux entreprises de transport aérien de procéder au réacheminement de tout étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne qui s’est vu refuser l’entrée sur le territoire français n’est ni nouvelle, ni issue du droit national. Elle trouve son origine, historiquement, au sein de la convention relative à l’aviation civile internationale signée à Chicago le 7 décembre 1944, et a été instaurée par l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985. Depuis, cette obligation a été reprise et précisée par la directive 2001/51/CE du Conseil du 28 juin 2001 visant à compléter les dispositions de l’article 26 de la convention d’application de l’accord de Schengen.

Cette directive, qui « s’inscrit dans un dispositif d’ensemble de maîtrise des flux migratoires et de lutte contre l’immigration illégale », impose aux États membres de prendre « les dispositions nécessaires pour s’assurer que l’obligation des transporteurs de réacheminer les ressortissants de pays tiers » soit effective.

Depuis 2016, l’article L. 213-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (transféré à droit constant, depuis le 1er mai 2021, à l’art. L. 333-3 du même code par l’effet de l’ord. n° 2020-1733 du 16 déc. 2020), vise à assurer la transposition de cette directive. Il prévoit ainsi que « Lorsque l’entrée en France est refusée à un étranger, l’entreprise de transport aérien ou maritime qui l’a acheminé est tenue de le ramener sans délai, à la requête des autorités chargées du contrôle des personnes à la frontière, au point où il a commencé à utiliser le moyen de transport de cette entreprise ». Le 1° de l’article L. 625-7 du CESEDA, devenu depuis l’article L. 821-10, a instauré une amende administrative d’un montant maximal de 30 000 € pour toute compagnie aérienne qui ne respecterait pas cette obligation.

Sur la base de ce régime, la société Air France est régulièrement sanctionnée par le ministère de l’intérieur au paiement de l’amende. Ainsi en 2017, l’État a infligé à la société Air France deux amendes d’un montant total de 35 000 € pour avoir manqué à son obligation de réacheminer deux passagers de nationalité étrangère qu’elle avait débarqués sur le territoire français, alors qu’ils avaient fait l’objet d’une décision de refus d’entrée sur le territoire français.

La société Air France a contesté la légalité de ces deux amendes devant le Conseil d’État. À l’occasion de ces recours, la société a présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à l’encontre des dispositions législatives du CESEDA qui transposent l’obligation de réacheminement et prévoient la sanction applicable.

Au soutien de sa QPC, la société Air France faisait notamment valoir que les dispositions législatives incriminées « lui imposeraient de maintenir sous la contrainte un étranger dans l’avion afin de le réacheminer, la conduisant à exercer, directement ou via les agents d’une société de sécurité privée recrutés afin d’assurer la sécurité et le bon ordre à bord de l’aéronef en cas de réacheminement, des prérogatives de souveraineté et de police réservées à l’État par l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 ».

Par une décision du 9 juillet 2021 (n° 450480), le Conseil d’État a décidé de transmettre la question à l’examen du Conseil constitutionnel .

Le contrôle de la loi transposant une directive européenne

La société Air France reprochait notamment aux dispositions attaquées d’obliger les entreprises de transport aérien à réacheminer les personnes étrangères auxquelles l’accès au territoire national a été refusé, le cas échéant en exerçant des contraintes physiques, dans les cas notamment où la personne refuserait d’embarquer ou de débarquer de l’avion, ayant pour effet de déléguer à une personne privée des compétences de police. Il était également reproché à ces dispositions de méconnaître le droit à la sûreté, le principe de responsabilité personnelle ainsi que l’égalité devant les charges publiques.

En vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel se déclare de longue date incompétent pour contrôler la conformité d’une loi de transposition, lorsque celle-ci se borne à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises d’une directive européenne (Cons. const. 10 juin 2004, n° 2004-496 DC, AJDA 2004. 1534 , note J. Arrighi de Casanova ; ibid. 1937 ; ibid. 1385, tribune P. Cassia ; ibid. 1497, tribune M. Verpeaux ; ibid. 1537, note M. Gautier et F. Melleray , note D. Chamussy ; ibid. 2261, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert ; D. 2005. 199 , note S. Mouton ; ibid. 2004. 1739, chron. B. Mathieu ; ibid. 3089, chron. D. Bailleul ; ibid. 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2004. 651, note B. Genevois ; ibid. 2005. 465, étude P. Cassia ; RTD civ. 2004. 605, obs. R. Encinas de Munagorri ; RTD eur. 2004. 583, note J.-P. Kovar ; ibid. 2005. 597, étude E. Sales ; 29 juill. 2004, n° 2004-499 DC, Ayrault, D. 2005. 1132 ; ibid. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; RFDA 2005. 465, étude P. Cassia ), y compris dans le cadre d’une QPC (Cons. const. 17 déc. 2010, n° 2010-79 QPC, AJDA 2011. 638 ; RFDA 2011. 353, étude G. Eveillard ; Constitutions 2011. 53, obs. A. Levade ; ibid. 581, chron. V. Tchen ; Rev. crit. DIP 2011. 1, étude D. Simon ). En effet, dans cette hypothèse, il n’appartient qu’au juge de l’Union européenne, saisi le cas échéant à titre préjudiciel par le juge interne, de contrôler le respect par la norme européenne qui est transposée des droits fondamentaux garantis par l’article 6 du traité sur l’Union européenne.

En application de cette jurisprudence, le Conseil constitutionnel constate que les dispositions contestées visent à assurer la transposition de la directive du 28 juin 2001, et se bornent à tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises de cette directive. Il se déclare donc incompétent pour contrôle la conformité des dispositions contestées au regard du droit à la sûreté, et du principe d’égalité devant les charges publiques, qui sont des principes protégés par l’ordre juridique européen et qu’il appartient au...

(Original publié par pastor)

La cession de mitoyenneté s’opère par l’effet de la demande d’acquisition et à sa date, à la seule condition imposée au bénéficiaire de payer le prix de la mitoyenneté à acquérir, sans formalisme pouvant donner lieu aux formalités de publicité foncière.

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(Original publié par LE RUDULIER)
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La motivation de la décision d’irrecevabilité Zambrano c/ France du 7 octobre 2021 est tout sauf une surprise.

Et le moins que l’on puisse dire est que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas fait dans la dentelle, pour rejeter la requête de M. Guillaume Zambrano maître de conférences en droit privé à l’Université de Nîmes (et non de Montpellier comme indiqué dans le communiqué de presse), qui contestait la conventionnalité de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire – qui instaure le dispositif du passe sanitaire - et la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire – qui en étend le champ d’application aux activités de la vie quotidienne, en se présentant comme le représentant d’un recours collectif (au nom de 7 934 requérants). Sur son site « no pass », M. Zambrano a en effet encouragé ses soutiens à saisir massivement la Cour pour la submerger. L’objectif étant de « saturer le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme par le nombre de plaintes » afin de créer « un rapport de force » pour « négocier » avec la Cour. Vaste programme … ! Le site renvoyait à un formulaire pré-rempli qu’il suffisait de signer. Au total, ce sont 18 000 requêtes qui ont été adressées à la Cour dans le cadre de la démarche initiée par M. Zambrano. Invité par le président de la Cour européenne à régulariser les 7934 requêtes qui ne comportaient pas la signature originale de M. Zambrano, désigné représentant dans toutes ces requêtes standardisées, celui-ci y est resté totalement indifférent.

Soulignons d’emblée que M. Zambrano assumait le fait de ne pas avoir épuisé les voies de recours internes. Dressant un parallèle (très douteux) avec l’affaire S.A.S. c/ France, il estimait que cette exigence ne s’appliquait pas lorsque la violation résulte de la loi elle-même. On l’aura compris, il s’agit en réalité d’emmener la Cour à se placer sur le terrain de la notion de « victime potentielle ». Qui plus est, dans la mesure où le Conseil constitutionnel a déclaré que le passe sanitaire était conforme à la Constitution (Cons. const. 5 août 2021, n° 2021-824, JT 2021, n° 244, p. 6, obs. E. Royer ), il faisait valoir l’inexistence de recours disponible et effectif permettant de le remettre en cause. Tel est, résumé à grands traits, l’argumentaire développé par le requérant qui invoquait à titre principal une violation de l’article 3 – atteinte à l’intégrité physique – ainsi que articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que l’article 1er du Protocole n° 12. Une simple consultation du guide pratique sur recevabilité disponible sur le site de la Cour lui aurait permis de se rendre compte que son recours ne présentait aucune chance de succès. Au contraire, M. Zambrano, spécialiste de la prédiction jurisprudentielle, a multiplié les vidéos affirmant clairement que la Cour déclarerait la requête recevable. Ainsi, dans une vidéo publiée le 26 août 2021, il déclarait : « il y a une chose que je peux vous garantir, c’est que la requête ne sera pas déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes. C’est une certitude ».

L’ensemble de cet argumentaire est pourtant rejeté avec fermeté par la Cour, qui va déclarer la requête irrecevable pour absence d’épuisement des voies de recours internes et également, et surtout, en raison de son caractère abusif.

Trois points méritent de retenir l’attention.

Sur l’épuisement des voies de recours internes

En premier lieu, sur la question de l’épuisement des voies de recours internes, la Cour rappelle le caractère fondamental de cette règle et le rôle premier des autorités nationales dans l’application de la Convention européenne. Aussi, la décision souligne-t-elle que « dans le contexte de l’épuisement des voies de recours internes et à l’égard du caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, la Cour a toujours reconnu que les autorités nationales jouissent d’une légitimité démocratique directe en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et que grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour évaluer les besoins et le contexte locaux » (§ 24). Se plaçant dans le sillage des décisions d’irrecevabilité Charron et Merle-Montet c/ France (CEDH 16 janv. 2018, n° 22612/15, AJ fam. 2018. 236, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; ibid. 139, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Constitutions 2018. 74, chron. T. Larrouturou ; RTD civ. 2018. 349, obs. J.-P. Marguénaud ) et Graner c/ France (5 mai 2020, n° 84536/17), la Cour met en exergue la différence d’objet et de nature des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité, en particulier la plus-value du contrôle in concreto de conventionnalité par rapport au contrôle in abstracto exercé par le Conseil constitutionnel (§ 27). Parce que ces contrôles sont distincts, « une mesure prise en application d’une loi dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux est établie peut être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu’ils se trouvent garantis par la Convention à raison par exemple de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause » (§ 28 de la décision Charron). Au regard de ces principes, l’argument du requérant selon lequel la décision du Conseil constitutionnel précitée rendait tout recours contre les textes d’application de la loi du 5 août 2021 ineffectif ne pouvait prospérer. Le contrôle de constitutionnalité n’absorbant pas le contrôle de conventionnalité, M. Zambrano pouvait tout à fait saisir le Conseil d’État pour contester la loi sur le passe sanitaire au regard des dispositions conventionnelles. En conséquence de quoi la requête est déclarée irrecevable pour défaut d’épuisement des voies de recours préalables (§ 30). Mais la décision ne s’arrête pas là. Dans un contexte marqué par la multiplication des requêtes sur la gestion du covid-19, le juge européen a tenu à vérifier si la présente requête est susceptible de se heurter à d’autres conditions de recevabilité. Cette œuvre pédagogique paraît essentielle au vu d’un contentieux dont on pressent l’évolution exponentielle (v. égal. en ce sens la décision Le Mailloux c/ France du 3 déc. 2010, n° 18108/20).

Sur la qualité de victime

En second lieu, bien qu’elle reconnaisse que l’obligation d’épuiser les voies de recours internes est indissolublement liée à la question de la qualité de victime, « en particulier s’agissant d’une mesure générale telle qu’une loi » (§ 47), la Cour les examine séparément. Aussi, confronté à la demande du requérant de bénéficier de l’application de la théorie de la victime potentielle telle qu’elle a été appliquée dans l’affaire S.A.S. c/ France (CEDH 1er juill. 2014, n° 43835/11, AJDA 2014. 1348 ; ibid. 1763, chron. L. Burgorgue-Larsen ; ibid. 1866, étude P. Gervier ; D. 2014. 1451, et les obs. ; ibid. 1701, chron. C. Chassang ; ibid. 2015. 1007, obs. REGINE ; Constitutions 2014. 483, chron. M. Afroukh ; RSC 2014. 626, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD civ. 2014. 620, obs. J. Hauser ; RTD eur. 2015. 95, chron. P. Ducoulombier ), le juge européen renoue avec la réitération sacramentelle de l’impossibilité pour les particuliers de se plaindre d’une loi in abstracto : le requérant doit se prétendre effectivement lésé par la violation qu’il allègue et avoir fait l’objet d’une mesure individuelle d’application (§ 41, adde, Le Mailloux préc., dans laquelle le requérant se plaignait, sur le terrain des obligations positives, des omissions de l’État dans la gestion de la crise de la covid-19), ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En effet, « le requérant se plaint in abstracto de l’insuffisance et de l’inadéquation des mesures prises par l’État français pour lutter contre la propagation du virus covid-19. En effet, il ne fournit pas d’informations sur sa situation personnelle et n’explique pas concrètement en quoi les manquements allégués des autorités nationales seraient susceptibles de l’affecter directement et de le viser en raison d’éventuelles caractéristiques individuelles » (§ 43). Bref, il lui est reproché d’avoir orienté exclusivement le débat contentieux sur la conventionnalité abstraite des lois nos 2021-689 et 2021-1040, sans expliquer de manière concrète en quoi sa situation personnelle serait affectée. Au détour d’un paragraphe, la décision prend bien soin de souligner que la loi sur le passe sanitaire n’impose nullement la vaccination. Quid du parallèle avec l’affaire S.A.S. c/ France ? Est-il besoin de le rappeler, la notion de « victime potentielle » permet « à un individu d’agir contre une règle de droit qui ne lui a pas été appliquée » (H. Raspail, Le conflit entre droit interne et obligations internationales de l’État, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », 2013, vol. 129, p. 498)) et dont il risque de subir personnellement les effets. Cela suppose néanmoins que le requérant produise des preuves plausibles et convaincantes de la probabilité de survenance d’une violation dont il subirait personnellement les effets (CEDH 10 mars 2014, Senator Lines GmbH, n° 56672/00). Dans l’affaire S.A.S. par exemple qui concernait l’interdiction du voile intégral, la requérante, de confession musulmane, n’avait certes jamais été condamnée pour avoir porté le voile intégral dans l’espace public, mais la loi du 11 octobre 2010 la plaçait devant un dilemme : « soit (elle se pliait) à l’interdiction et renon(çait) ainsi à se vêtir conformément au choix que (lui) dicte (son) approche de (sa) religion ; soit (elle) ne s’y pli(ait) pas et s’expos(ait) à des sanctions pénales ». Rien de tel en l’espèce (§ 47). Aucun commencement de preuve n’a été fourni par le requérant quant aux conséquences des lois litigieuses sur son droit au respect de la vie privée, ce qui n’est pas sans lien avec le non-respect de l’obligation d’épuiser les voies de recours internes.

Sur l’appel du requérant à faire dérailler l’ensemble du système conventionnel par la multiplication des saisines

En troisième lieu, la Cour revient sur l’appel du requérant à faire dérailler l’ensemble du système conventionnel par la multiplication des saisines. Fait rare pour être souligné, la décision Zambrano retient l’abus du droit de recours au sens de l’article 35, § 3, a), de la Convention. Il faut dire que cet appel n’a pas du tout fait rire les juges européens. On le sait, toute démarche qui aurait pour seule finalité d’entraver le bon fonctionnement de la Cour ou le bon déroulement de la procédure devant elle constitue un abus (CEDH 15 sept. 2009, Miroļubovs et autres c/ Lettonie, n° 798/05, AJDA 2010. 997, chron. J.-F. Flauss ; 10 avr. 2012, Bekauri v. Georgia, n° 14102/02). Compte tenu du problème difficilement surmontable de l’engorgement de la Cour (§ 37), l’appel non équivoque du requérant à « paralyser son fonctionnement » était extrêmement grave, ce qui justifie sans doute le souci du juge d’y répondre alors que le non-épuisement des voies de recours internes permettait déjà de déclarer la requête irrecevable. Il est évident que l’objectif recherché par le requérant était de créer une charge supplémentaire pour la Cour incompatible avec les missions qui sont les siennes. Au-delà même des règles procédurales, c’est toute la Convention qui doit être protégée contre les abus, ainsi qu’en atteste la clause d’interdiction d’abus de droit de l’article 17 de la Convention, valorisée ces dernières années dans le contentieux conventionnel. En ce sens, la référence à « la protection du mécanisme de la Convention » (§ 37) est lourde de sens. La terminologie utilisée par le juge européen dans le cadre de l’article 17 est d‘ailleurs reprise en l’espèce, la décision estimant que la stratégie du requérant s’avérait contraire à l’esprit de la Convention et aux objectifs qu’elle poursuit (comp. par ex., CEDH 20 oct. 2015, M’Bala M’Bala, n° 25239/13, AJDA 2016. 143, chron. L. Burgorgue-Larsen ; RSC 2016. 140, obs. J.-P. Marguénaud ).

Autant dire que la juridiction européenne des droits de l’homme a éparpillé façon puzzle la requête portée par le site no.pass.

Un prochain contrôle conventionnel de la vaccination obligatoire imposée à certaines professions en France

Le même jour, une requête concernant la gestion du covid-19 a été communiquée au gouvernement français (Pierrick Thevenon, n° 46061/21) avec une conséquence : la vaccination obligatoire imposée à certaines professions en France sera passée au crible du contrôle conventionnel. En acceptant de communiquer une requête contre la France concernant les conséquences de l’obligation vaccinale imposée par application de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 aux membres de certaines professions (à l’instar des sapeurs-pompiers), la Cour européenne ouvre en effet la voie à un examen au fond de la vaccination obligatoire. On se souvient que le 25 août 2021, la Cour européenne, siégeant en une formation de chambre de sept juges, avait refusé de faire droit à une demande de mesure provisoire (art. 39) visant à suspendre l’obligation vaccinale des sapeurs-pompiers.

L’examen au fond de la vaccination obligatoire contre la covid-19 sera une première, puisque jusqu’à présent le juge européen s’est seulement prononcé sur une mesure de confinement prise par les autorités roumaines dans le cadre de la lutte contre la covid-19 (CEDH 13 avr. 2021, Terheş c/ Roumanie, n° 49933/20). L’arrêt de grande chambre Vavřička et autres c/ République Tchèque, dans lequel était en cause la vaccination infantile obligatoire, contre des maladies graves tels que la poliomyélite, l’hépatite B et le tétanos intéresse indirectement la problématique du covid-19. Les États parties à la Convention ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisque quatre d’entre eux ont présenté des observations en tant que tiers intervenants en faisant référence à la pandémie de covid-19. Il convient toutefois d’être mesuré ici car l’arrêt, qui conclut in fine à un constat de non-violation de l’article 8, prend bien soin de souligner que « la présente espèce porte sur la vaccination usuelle et de routine des enfants contre des maladies qui sont bien connues de la médecine » (§ 158). Contrairement à une idée reçue, la Cour ne juge pas que la vaccination obligatoire est le seul moyen de lutter contre les maladies graves. Elle se contente de valider une solution posée par un législateur national au regard de la marge d’appréciation qui lui a été reconnue.

(Original publié par Dargent)

La France se veut le « bon élève » de l’Europe. La couleur est annoncée. La loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances – dite « DDADUE 2021 » – constitue la traduction législative de cette volonté politique. Elle vise à permettre à la France, qui assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2022, « de ne présenter aucun déficit de transposition et de disposer d’un droit national conforme à différentes évolutions législatives récentes de l’Union européenne (UE) » (Communiqué de presse du Conseil des ministres du 14 avril 2021). Le droit des transports y occupe une place de choix. À l’intérieur de celui-ci, c’est le droit aérien qui fait l’objet des articles les plus nombreux, certains habilitant le gouvernement à prendre des ordonnances en ce domaine, d’autres contenant des règles substantielles, notamment en matière de sûreté aérienne.

Habilitation du gouvernement à prendre des ordonnances

La loi du 8 octobre 2021 (art. 1er) habilite le gouvernement à prendre, dans un délai de huit mois, une ordonnance pour mettre en œuvre les obligations de conduire de tests d’alcoolémie sur les équipages, et la possibilité d’effectuer des tests pour d’autres substances psychoactives, introduites par le règlement (UE) n° 2018/1042 du 23 juillet 2018 modifiant le règlement (UE) n° 965/2012 du 5 octobre 2012, dit « AIR-OPS », en ce qui concerne les exigences techniques et les procédures administratives applicables à l’introduction de programmes de soutien, l’évaluation psychologique des membres de l’équipage de conduite, ainsi que le dépistage systématique et aléatoire de substances psychotropes en vue de garantir l’aptitude médicale des membres de l’équipage de conduite et de l’équipage de cabine. Le règlement de 2018 se présente comme une réponse à l’accident particulièrement grave qui avait causé la mort, en mars 2015, des passagers d’un vol de la compagnie Germanwings en raison d’un mouvement suicidaire du pilote qui a délibérément précipité l’avion sur un flanc de montagne dans les Alpes du sud. Il impose de nouvelles obligations tant aux États membres de l’Union européenne (mise en place de nouvelles inspections au sol, d’aéronefs en particulier) qu’aux compagnies aériennes. En ce qui concerne ces dernières, elles doivent désormais notamment mettre en place pour les personnels navigants des programmes de soutien pour leur permettre de faire face et surmonter des difficultés susceptibles d’affecter leur capacité à assumer leurs fonctions, procéder à une évaluation psychologique des membres de l’équipage de conduite avant qu’ils effectuent des vols en ligne et enfin mettre en place des programmes de prévention de l’usage de substances psychotropes ainsi qu’un dépistage systématique et aléatoire de substances psychotropes. La mise en conformité de la législation nationale avec le règlement (UE) n° 965/2012 est nécessaire puisqu’il n’existe pas de dispositions en droit interne qui permette d’effectuer des contrôles du niveau d’alcoolémie, notamment sur les pilotes aériens sauf en cas de délit ou de crime, ou des contrôles de la consommation d’autres substances psychoactives. Cette mise en conformité nécessite la modification ou l’ajout de dispositions de nature législative car d’une part, celles-ci devront prévoir un régime de sanctions si les personnes contrôlées dépassent les normes limites fixées et sont en infraction et d’autre part, soumettre des personnes à des tests de cette nature touche aux libertés publiques et aux garanties fondamentales qui les entourent. Tel est donc l’objet de la future ordonnance.

La loi du 8 octobre 2021 (art. 3) habilite, par ailleurs, le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois, des dispositions pour mettre en conformité le code des transports avec plusieurs règlements européens en matière de délivrance des licences d’exploitation et de système de déclaration en ce qui concerne les certificats de transporteur aérien, notamment le règlement (UE) n° 2018/1139 du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne. L’objectif des dispositions de l’ordonnance sera de permettre la délivrance d’une licence d’exploitation communautaire ou régie par la législation nationale indépendamment de l’obtention du certificat de transporteur aérien (CTA) qui pourra désormais être obtenu selon plusieurs procédures, soit par déclaration, soit par demande d’autorisation.

La loi nouvelle (art. 4) habilite également le gouvernement à prendre dans le même délai par ordonnance les dispositions législatives nécessaires pour substituer à des références devenues obsolètes en regard du règlement (UE) n° 2018/1139. L’habilitation concerne également la législation sur les drones car le règlement précité fait entrer ces derniers dans le champ de la réglementation européenne sur les aéronefs.

Elle habilite (art. 12), enfin, le gouvernement à prendre, dans un délai de huit mois, une ordonnance pour renforcer la réglementation visant à lutter contre les faits commis par les passagers indisciplinés à l’intérieur d’un aéronef, notamment en renforçant les sanctions pénales et administratives

Autres dispositions

La loi du 8 octobre 2021 entend tirer les conséquences de règlements européens modifiés (notamment le règlement (UE) n° 1178/2011 du 3 novembre 2011) concernant les âges limites d’exercice des fonctions de pilote d’un certain nombre d’aéronefs (art. 2 ; C. transp., art. L. 6521-4 mod.). Le droit européen fixe une autorisation générale de poursuite de l’activité de pilote jusqu’à 65 ans, âge limite pour exercer la profession. Il précise que les pilotes âgés de 60 ans et plus ne pourront exercer leur activité que s’ils font partie d’un équipage multipilote. Les dispositions de ces règlements qui sont entrés en vigueur sont d’application directe. Les pilotes et copilotes sont donc d’ores et déjà soumis à ces nouvelles règles concernant l’âge, notamment à la règle concernant les pilotes de plus de 60 ans qui peuvent exercer leur activité dans un équipage multipilote et ce, quel que soit l’âge du ou des copilotes. En droit interne, les conditions pour la poursuite de l’activité de pilote ou de copilote au-delà de 60 ans sont fixées par l’article L. 6521‑4 du code des transports. En application de cet article, le titulaire d’une licence de pilote d’avion doit demander annuellement l’autorisation de poursuivre son activité dans la limite de l’âge de 65 ans. Par ailleurs, jusqu’à maintenant, les pilotes de plus de 60 ans ne pouvaient exercer leur activité dans un équipage multipilote que si l’autre pilote avait moins de 60 ans. Il est apparu nécessaire de mettre en cohérence cet article avec les règlements européens pour que les règles nationales correspondent aux prescriptions des règlements. Ces règles ne remettent cependant pas en cause, la possibilité pour les pilotes au-delà de 60 ou de 65 ans de poursuivre une activité professionnelle dans les services aériens, notamment s’il s’agit d’activités au sol, commerciales.

La loi du 8 octobre 2021 (art. 5) étend au transport par voie aérienne certaines dispositions relatives au transport de marchandises dangereuses par voie terrestre afin de respecter les prescriptions de la convention de Chicago du 7 décembre 194, étant précisé que cette réglementation ne s’applique qu’au transport aérien effectué par aéronef civil (C. transp., art. L. 1252-1 A nouv.). L’objectif est de prendre en compte non seulement le transport lui-même de ces marchandises mais aussi les opérations en amont et aval par des personnes autres que les transporteurs aériens.

Cette même loi (art. 6) procède à la ratification de l’ordonnance n° 2019-761 du 24 juillet 2019 relative au régulateur des redevances aéroportuaires prise pour achever la transposition de la directive 2009/12/CE du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires. Il ne s’agit cependant pas d’une ratification « sèche », puisqu’elle introduit une modification pour confier à l’Autorité de régulation des transports (ART) la compétence de fixer les principes des règles d’allocation comptable des actifs, produits et charges du périmètre dit « régulé » (C. transp., art. L. 6327-3-1 nouv.). Selon les travaux préparatoires, la fixation de ces principes par l’ART « permettra de garantir la cohérence et l’homogénéité entre les aéroports pour l’édiction des règles comptables par les exploitants » (Doc. AN n° 4186, 23 juin 2021, p. 49). Par ailleurs, la loi du 8 octobre 2021 confère une nouvelle compétence au régulateur : celle d’assurer un « suivi économique et financier » des « grands » aérodromes (ceux visés à l’art. L. 6327-1 c. transp.), étant précisé qu’il dispose à cette fin d’un droit d’accès aux informations économiques, financières et sociales détenues par les exploitants de ces aérodromes (C. transp., art. L. 6327-3-2 nouv.).

La loi du 8 octobre 2021 (art. 7) élargit le périmètre des liaisons aériennes soumises à des obligations de service public (OSP) conformément à l’article 16 du règlement (CE) n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, dont l’organisation peut être déléguée par l’État aux collectivités territoriales. Jusqu’à maintenant, lorsque l’État use de sa faculté de délégation, il ne peut le faire que pour des liaisons intérieures au territoire français. Cette faculté est élargie à tous les services aériens (nationaux et internationaux) touchant le territoire français, c’est-à-dire vers ou au décollage de celui-ci (C. transp., art. L. 6412-4 mod.).

La loi (art. 8) précise également le régime de responsabilité civile des transporteurs aériens en droit interne. Ce régime est déterminé par la Convention internationale de Montréal du 28 mai 1999, mais ne s’applique pour l’instant en droit interne qu’aux transporteurs aériens disposant d’une licence d’exploitation communautaire (C. transp., art. L. 6421-3). La loi nouvelle étend ce régime de responsabilité aux transporteurs aériens qui ne disposent pas d’une telle licence, cas où les transporteurs aériens ne sont soumis qu’à la réglementation nationale (C. transp., art. L. 6421-4 mod.). Curieusement, le régime jusque-là applicable était celui résultant de la Convention de Varsovie du 12 octobre 1929, alors même que la Convention de Montréal lui a succédé en 2004. Par ailleurs, cette même loi amende le régime de responsabilité qui pèse sur le transporteur aérien effectuant un transport gratuit. Il s’agit, traditionnellement, d’un régime de responsabilité pour faute. Elle maintient ce régime de responsabilité basé sur la faute, mais il introduit un montant de dépenses en deçà duquel seule la faute simple (et non pas la faute inexcusable) doit être prouvée, le montant étant celui fixé au 1 de l’article 21 de la Convention de Montréal (montant, pour les vols réalisés à compter du 28 décembre 2019, fixé à 128 821 DTS, soit approximativement 161 500 €). Il est prévu que ce montant est écarté s’il provient d’une faute inexcusable du transporteur ou de ses préposés. La loi reprend à l’identique la définition de la faute inexcusable du transporteur routier de marchandises de l’article L. 133-8 du code de commerce : « Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ».

Le texte (art. 9) intègre dans le code des transports de nouvelles obligations prévues par les règlements d’exécution (UE) n° 2019/103 du 23 janvier 2019 et (UE) n° 2019/1583 du 25 septembre 2019 relatifs à la vérification des antécédents de certains personnels intervenant dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile, tout en maintenant la procédure propre au droit interne d’habilitation par l’autorité administrative. Ces deux règlements entreront en vigueur le 31 décembre 2021. Ils prévoient d’ajouter à la liste des personnels devant faire l’objet d’une vérification des antécédents de nouvelles catégories de personnel et distinguent deux catégories de contrôle, la vérification renforcée des antécédents (qui vise les personnels responsables de la mise en œuvre de l’inspection/filtrage, du contrôle d’accès ou d’autres contrôles de sûreté) et la vérification ordinaire. Plusieurs articles du code des transports ont dû être modifiés, en particulier son article L. 6342-3. Pris dans sa rédaction nouvelle, il renforce les exigences de contrôle de l’identité et des antécédents de certains personnels qui détiennent un accès ou des informations critiques sur la sécurité aérienne, notamment des personnes ayant des droits d’administrateur ou un accès non surveillé et illimité à des données et systèmes d’information critiques dans le but de maîtriser au maximum les risques d’attaque et de criminalité (C. transp., art. L. 6342-3 mod.).

La loi (art. 10) crée par ailleurs un nouveau délit d’intrusion sur les pistes. Il vise toute personne qui ne dispose pas de l’autorisation prévue à l’article L. 6342‑2 du code des transports et qui pénètre dans la zone côté piste. Ce délit est puni d’une peine maximale de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. La zone côté piste d’un aéroport est définie à l’article 3 du règlement (CE) n° 300/2008 du 11 mars 2008 relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile comme celle regroupant les espaces occupés par les pistes elles-mêmes, mais aussi les salles d’embarquement, les passerelles, les zones de circulation de l’aéroport, les zones de tri des bagages au départ, les zones de livraison des bagages et les espaces dits de sûreté. Le délit est aggravé lorsque l’intrusion est commise en réunion ou lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, de dégradation ou de détérioration. Dans ce cas, la commission du délit ou la tentative de commission est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende (C. transp., art. L. 6372-11 nouv.).

Enfin, la loi (art. 11) confère le pouvoir d’effectuer des constats et procès-verbaux en cas d’infraction aux règles de sécurité de la part des exploitants d’aéronefs et gestionnaires d’aérodrome à des personnes qui jusqu’ici ne pouvaient que transmettre des informations. Les personnes habilitées pour constater ces infractions sont pour l’instant les personnes mentionnées à l’article L. 6142‑1 du code des transports, à savoir les officiers de police judiciaire, les fonctionnaires et agents de l’État, les personnels navigants habilités à effectuer des constats et les marins sur les bases militaires. Or, ont constaté les travaux préparatoires, elles « représentent peu de personnes par rapport à l’ensemble des personnes veillant à la sécurité et à la sûreté dans les aérodromes qui peuvent être amenées à constater, au sens visuel du terme, un grand nombre d’infraction » (Doc. AN, préc., p. 72). La loi nouvelle étend ce pouvoir à l’ensemble des « agents des organismes ou les personnes que le ministre chargé de l’aviation civile habilite à l’effet d’exercer les missions de contrôle au sol et à bord des aéronefs ». Selon ces mêmes travaux préparatoires, l’intérêt d’un tel élargissement est manifeste puisqu’« il permettrait à des personnes beaucoup plus proches du terrain, c’est-à-dire travaillant au contrôle et à l’inspection sur les aérodromes, de dresser des constats et d’enclencher plus rapidement des procédures administratives ou judiciaires en cas de manquement aux règles de sécurité, et donc d’infraction » (C. transp., art. L. 6142-1 mod.). 

(Original publié par Delpech)

Un fonctionnaire qui a interjeté appel de sa condamnation par le tribunal correctionnel fait toujours l’objet de poursuites pénales au sens de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983. L’administration peut donc légalement prolonger sa suspension en l’assortissant, le cas échéant, d’une retenue sur traitement.

M. B., conseiller d’éducation principal stagiaire, a été condamné à vingt mois de prison pour agressions sexuelles sur mineur de quinze ans. Le recteur d’académie l’a suspendu de ses fonctions puis, au bout de quatre mois, a...

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(Original publié par Thill)
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Les chasseurs d’alouette des champs vont pouvoir ressortir leurs pantes et leurs matoles dans plusieurs départements du sud-ouest (Gironde, Landes, Lot-et-Garonne…). Quant à ceux des Ardennes, ils pourront à nouveau utiliser des tenderies (filets) et des lacs (collets) pour capturer vanneaux, pluviers dorés, grives et merles noirs. Huit arrêtés publiés au Journal officiel du 15 octobre autorisent en effet le recours à ces techniques traditionnelles de chasse pour la campagne 2021-2022.

Les défenseurs des oiseaux pensaient pourtant en avoir fini avec ces méthodes de chasse qu’une série d’arrêts du Conseil d’État avaient interdites en août dernier, pour incompatibilité avec la directive Oiseaux (CE 6 août 2021, n° 425435, Ligue française pour la protection des oiseaux, AJDA 2021. 1657 ; D. 2021. 1546, et...

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(Original publié par Thill)

L’ouverture d’une procédure collective sonne, pour le créancier soumis à la discipline collective, le glas de son droit de poursuite individuelle contre le débiteur. Cette limitation de l’activité juridique du créancier est notamment compensée par l’obligation qui lui est faite de procéder à la déclaration de sa créance (C. com., art. L. 622-24). Par cet acte, le créancier vient manifester son intention d’obtenir, dans le cadre de la procédure collective, paiement de ce qui lui est dû par le débiteur.

Figure emblématique du droit des entreprises en difficulté, le régime de la déclaration de créance a été bouleversé par l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 12 mars 2014. Pour l’essentiel, si auparavant, seul le créancier était doté du pouvoir de déclarer sa créance, la réforme a introduit la possibilité pour le débiteur de déclarer pour le compte du créancier (C. com., art. L. 622-24, al. 3) et la faculté pour ce dernier de ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue (C. com., art. L. 622-24, al. 2).

L’arrêt ici rapporté vient confirmer le régime de cette ratification, laquelle peut être seulement « implicite » (plus précisément sur cette question, B. Ferrari, Entre symbole et précision : la ratification implicite de la créance déclarée sans pouvoir, Dalloz actualité, 26 mars 2021).

En l’espèce, une banque a, par l’intermédiaire d’un préposé, déclaré au passif de son débiteur une créance correspondant au solde d’un prêt. Cette créance a été contestée par le mandataire judiciaire au motif que le salarié déclarant était...

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(Original publié par bferrari)
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Le tribunal administratif de Paris dresse un constat sans réponse dans l’affaire dite du « Procès du siècle » : en dépit d’une réduction significative d’émissions de gaz à effet de serre, le préjudice écologique perdure et seul le gouvernement est en mesure de trouver le remède.

Il y a huit mois, le tribunal administratif de Paris condamnait l’État pour sa carence partielle à respecter les objectifs qu’il s’était fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (TA Paris, 3 févr. 2021, n° 1904967, Oxfam France (Assoc.), Notre affaire à tous (Assoc.), Greenpeace France (Assoc.), Fondation pour la nature et l’homme, AJDA 2021. 239 ; D. 2021. 240, obs. J.-M. Pastor ; ibid. 709, chron. Hakim Gali ; ibid. 1004, obs. G. Leray et V. Monteillet ; JA 2021, n° 634, p. 12, obs. X. Delpech ; AJCT 2021. 255, obs. M. Moliner-Dubost ; RFDA 2021. 747, note A. Van Lang, A. Perrin et M. Deffairi ). Il avait également ordonné un supplément d’instruction avant de statuer sur l’évaluation et les modalités de réparation concrètes de ce préjudice.

Dans le présent jugement, le TA indique qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur le caractère suffisant de l’ensemble des mesures susceptibles de permettre d’atteindre l’objectif de réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2030 – question tranchée dans l’arrêt Commune de Grande-Synthe (CE 1er juill. 2021, n° 427301, Grande-Synthe (Cne), Lebon ; AJDA 2021. 1413 ; D. 2021. 1287, et les obs. ; RFDA 2021. 777, concl. S. Hoynck ) – « mais uniquement de vérifier, à la date du présent jugement, si ce préjudice perdure et s’il a déjà fait l’objet de mesures de réparation ».

Une réduction d’ampleur due aux effets de la crise sanitaire

Le tribunal administratif relève que le plafond d’émissions de gaz à effet de serre fixé par le premier budget carbone pour la période 2015-2018 a été dépassé de 62 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt CO2eq). Pour autant, au 28 juillet 2021, les émissions de gaz à effet de serre devraient s’établir à 396 Mt CO2eq pour l’année 2020, soit une différence de l’ordre de 40 Mt CO2eq au regard de la part annuelle indicative fixée à 436 Mt CO2eq. Pour autant, il constate que « cette réduction d’une ampleur inédite est liée, de façon prépondérante, aux effets de la crise sanitaire de la covid-19 », et non à une action spécifique de l’État. En définitive, le tribunal constate que le préjudice perdure à hauteur de 15 Mt CO2eq.

Le gouvernement, seul maître à bord ?

Le tribunal administratif ne fait que dresser le constat. Sur la réparation, il avait conclu en février à l’indemnisation des associations requérantes à l’euro symbolique et rappelé au gouvernement son obligation de réparer en nature le préjudice. Aussi, ordonne-t-il au Premier ministre et aux ministres compétents « de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice à hauteur de la part non compensée d’émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone ». Mais il ajoute que « les mesures concrètes de nature à permettre la réparation du préjudice peuvent revêtir diverses formes et expriment, par suite, des choix relevant de la libre appréciation du gouvernement ». Au regard du quantum du préjudice constaté, le tribunal administratif juge que cette réparation soit effective au 31 décembre 2022, au plus tard et qu’il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

(Original publié par pastor)
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Au début des années 1990, faisant montre d’une audace particulière, la Cour de cassation révélait l’existence d’une véritable obligation de reclassement mise à la charge de l’entreprise en cas de rupture du contrat de travail pour motif économique. Elle a ainsi affirmé que, bien que les autres éléments justifiant la rupture soient réunis, « le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir, en cas de suppression d’emploi, que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise n’est pas possible » (Soc. 1er avr. 1992, n° 89-43.494, Bull. civ. V, n° 228 ; D. 1992. 155 ). Il est depuis acquis que la violation de cette obligation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse car il n’est alors pas justifié de la nécessité de rompre le contrat : « la juridiction suprême donne une consistance particulière à l’idée que le licenciement doit constituer la décision ultime, à défaut d’autres solutions envisageables » (Rép. trav., v° Licenciement pour motif économique : notion, par S. Frossard,  2018, n° 142). Dix ans plus tard (Loi n° 2002-73 du 17 janv. 2002), le législateur a consacré l’obligation de reclassement au sein de l’entreprise du salarié menacé de licenciement ou du groupe auquel elle appartient (C. trav., art. L. 1233-4).

Les partenaires sociaux ont pu en étendre la portée de différentes manières, notamment dans le droit fil de l’accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l’emploi, visant la mise en place, au sein de chaque...

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Au troisième trimestre 2021, l’IRL s’élève à 131,67 (+ 0,83 % sur un an).

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(Original publié par Rouquet)
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La tenue d’une audience de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en visioconférence sans que la personne poursuivie en ait fait la demande prive celle-ci d’une garantie au sens de la jurisprudence Danthony (CE 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony, Lebon ; AJDA 2012. 7 ; ibid. 195 , chron. X. Domino et A. Bretonneau ; ibid. 1484, étude C. Mialot ; ibid. 1609, tribune B. Seiller ; D. 2013. 324, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJDI 2014. 16, étude S. Gilbert ; ibid. 2015. 25, chron. S. Gilbert ; ibid. 2016. 27, étude S. Gilbert ; ibid. 2017. 26, étude S. Gilbert ; AJCT 2015. 388, étude R. Bonnefont ; RFDA 2012. 284, concl. G. Dumortier ; ibid. 296, note P. Cassia ; ibid. 423, étude R. Hostiou ).

À la suite d’un contrôle antidopage positif, une pratiquante de crossfit a été convoquée devant la commission des sanctions de l’AFLD. L’audience s’est tenue par visioconférence, sans que l’intéressée n’ait formulé de demande en ce sens, en méconnaissance des dispositions des articles L. 232-22 et R. 232-95-1 du code du sport.

Outre que la situation sanitaire résultant de l’épidémie de covid-19 prévalant aux mois d’octobre et...

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(Original publié par pastor)
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Créé par des partenaires sociaux empiétant sur la compétence du législateur, le CDI intérimaire (CDII), contrat liant pour une durée indéterminée une société de travail temporaire et un salarié pour l’exécution de missions successives, a finalement été consacré par le législateur. L’arrêt commenté, rendu le 29 septembre 2021, permet à la chambre sociale de la Cour de cassation de se prononcer sur les conséquences de l’annulation par le Conseil d’État de l’arrêté d’extension de l’accord de branche ayant créé cette nouvelle catégorie de contrat (Loi n° 2018-771 du 5 sept. 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel).

Le contexte

Il est important, pour comprendre les enjeux de cette décision, de retracer l’historique du CDII. Le 11 janvier 2013, l’ANI relatif à la sécurisation de l’emploi instaura une majoration de la cotisation d’assurance chômage pour les contrats à durée déterminée. La branche du travail temporaire fut exonérée de cette augmentation à la condition de mettre en place un contrat à durée indéterminée pour les intérimaires et d’organiser les conditions d’emploi et de rémunération des personnes qui seraient titulaires de ces contrats (ANI du 11 janv. 2013, art 4). Le CDII fut finalement créé par un accord de branche du 10 juillet 2013 et devait entrer « en vigueur à compter de sa date d’extension et de l’adoption des dispositions législatives et réglementaires qui seraient nécessaires à son application » (Accord du 10 juill. 2013, art. 11). Un arrêté d’extension du 22 février 2014 (NOR : ETST1405084A) rendit cet accord obligatoire dans toutes les entreprises de travail temporaire et eut pour effet de le faire entrer en vigueur.

Le CDII fut par la suite consacré par le législateur, à titre expérimental et pour trois ans, par la loi Rebsamen du 17 août 2015 (Loi n° 2015-994 relative au dialogue social et à l’emploi). Entre temps, une action avait été intentée par FO, non signataire de l’accord du 10 juillet 2013, contre l’arrêté d’extension dont l’annulation, pour excès de pouvoir, était sollicitée. Selon l’organisation syndicale, l’accord ne pouvait être étendu dès lors qu’il créait une nouvelle catégorie de contrat de travail sans habilitation législative, excluant de fait les dispositions d’ordre public applicable au travail intérimaire. Le 27 juillet 2015, le Conseil d’État décida de surseoir à statuer et posa une question préjudicielle au tribunal de grande instance de Paris afin de déterminer « si les parties à l’accord du 10 juillet 2013 avaient compétence pour prévoir la conclusion d’un contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions de travail temporaire » (CE 27 juill. 2015, n° 379677).

Censurant la décision du tribunal ayant considéré que l’accord était valable, la Cour de cassation jugea, par un arrêt rendu au visa de l’article 34 de la Constitution, que l’accord de 2013 créait « une catégorie nouvelle de contrat de travail, dérogeant aux règles d’ordre public absolu qui régissent, d’une part, le contrat de travail à durée indéterminée, d’autre part le contrat de mission, et fix[ait], en conséquence, des règles qui relev[aient] de la loi » (Soc. 12 juill. 2018, n° 16-26.844, Dalloz actualité, 27 juill. 2018, obs. H. Ciray ; D. 2018. 1556 ; ibid. 2203, obs. P. Lokiec et J. Porta ; RDT 2018. 689, obs. Y. Ferkane ).

Anticipant les risques liés à l’annulation de cet arrêté, le législateur avait, en même temps qu’il ancrait de façon pérenne le CDII dans le code du travail (C. trav., art. L. 1251-58-1 s.), procédé à la validation rétroactive des CDII conclus sur le fondement de l’accord de branche étendu, avant l’entrée en vigueur de la loi Rebsamen. En effet, « les contrats de travail à durée indéterminée intérimaires conclus entre le 6 mars 2014 et le 19 août 2015 sur le fondement du chapitre Ier de l’accord du 10 juillet 2013 portant sur la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires sont présumés conformes à l’article 56 de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, sans préjudice des contrats ayant fait l’objet de décisions de justice passées en force de chose jugée » (L. n° 2018-771 du 5 sept. 2018, art. 116, II).

Peu de temps après, le Conseil d’État s’aligna logiquement sur la décision du juge judiciaire et annula l’arrêté d’extension du 22 février 2014. Dès lors que le législateur avait validé les contrats conclus sur le fondement de cet arrêté, son annulation n’avait pas, selon le juge administratif, des conséquences manifestement excessives sur les contrats antérieurement conclus. En revanche, il décida de moduler les effets de l’annulation de l’arrêté (sur la possibilité pour le juge administratif de moduler les effets de l’annulation d’un arrêté d’extension, v. CE 7 mai 2015, n° 375882, Dalloz actualité, 7 mai 2015, obs. B. Ines ; Lebon ) en tant qu’il étend les stipulations de l’article 5 de l’accord du 10 juillet 2013 (CE 28 nov. 2018, n° 379677).

La décision

L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté concernait précisément l’application de ces dispositions conventionnelles à partir de leur extension par l’arrêté du 22 février 2014. L’article 5 de l’accord du 10 juillet 2013 avait créé un Fonds de sécurisation des parcours des intérimaires (FSPI), au sein du Fonds professionnel pour l’emploi dans le travail temporaire (le FPE-TT), alimenté par une contribution versée par les entreprises de travail temporaire. Cette contribution était fonction des salaires versés aux intérimaires en CDI pendant les périodes de mission et de la masse salariale totale de l’ensemble des intérimaires.

Pour le Conseil d’État, la disparition rétroactive de cet article, « essentiellement destiné à financer des actions de formation au profit des salariés intérimaires et alimenté par des cotisations assises sur les salaires versés à ces salariés, susceptibles de contestation dans le délai de prescription, aurait des conséquences manifestement excessives de nature à justifier une limitation dans le temps des effets de leur annulation ». C’est pourquoi il décida que « sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur ce fondement, les effets produits, antérieurement à cette annulation, par l’arrêté du 22 février 2014 en tant qu’il étend les stipulations de l’article 5 de l’accord du 10 juillet 2013 sont regardés comme définitifs » (CE 28 nov. 2018, n° 379677).

En l’espèce, le FPE-TT avait assigné courant 2016 plusieurs entreprises de travail temporaire devant le tribunal de commerce pour obtenir le paiement de la contribution FSPI depuis l’arrêté d’extension, tandis que ces dernières estimaient que cette contribution n’était due qu’à compter de l’entrée en vigueur de la Loi Rebsamen. La cour d’appel de Paris, le 24 février 2020, a accueilli ces demandes, au motif qu’en vertu de la loi du 5 septembre 2018 et de la décision du Conseil d’État, les CDII conclus entre le 6 mars 2014 et le 19 août 2015 étaient valables. Trente-quatre sociétés concernées ont formé un pourvoi en cassation.

Elles arguaient d’abord que l’accord de 2013 n’avait pu entrer en vigueur qu’à compter de la promulgation de la loi Rebsamen, dès lors que l’article 11 de cet accord subordonnait son entrée en vigueur à « l’adoption des dispositions législatives et réglementaires qui seraient nécessaires à son application », et que ni la loi de validation du 5 septembre 2018, ni l’arrêté d’extension n’avaient eu pour effet de modifier cette date. Elles considéraient ensuite que « si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit, c’est à la condition que l’atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ». Selon les sociétés demanderesses, la loi du 5 septembre 2018 avait eu pour effet « de modifier les conditions d’entrée en application déterminées par l’article 11 de l’accord collectif de branche du 10 juillet 2013 et de soumettre rétroactivement l’ensemble des entreprises de travail temporaire aux dispositions de cet accord et au versement de la contribution au FSPI préalablement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 », ce dont il résultait que la cour d’appel aurait dû caractériser le motif d’intérêt général poursuivi par le législateur. Les sociétés relevaient enfin « que la modulation des effets de l’annulation de l’arrêté d’extension par le Conseil d’État a[vait] été prononcée sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de son arrêt du 18 novembre 2018 » ; or il existait, selon elles, « une contestation judiciaire pendante à la date de l’arrêt du Conseil d’État » dès lors que l’action avait été intentée en 2016 et l’appel interjeté contre une décision du tribunal de commerce du 14 juin 2018.

La chambre sociale de la Cour de cassation devait donc se prononcer sur la possibilité, pour le FPE-TT, de demander le paiement des contributions FSPI afférentes au CDII pour la période comprise entre le 6 mars 2014 et le 19 août 2015. Le 29 septembre 2021, elle répond par l’affirmative en rejetant le pourvoi formé par les sociétés. Après avoir présenté le contenu de l’article 5 de l’accord de 2013, relatif aux contributions FSPI, elle précise que l’article 11 subordonnait l’entrée en vigueur de cet accord à l’adoption d’un arrêté d’extension mais « pas nécessairement à l’adoption de dispositions législatives ou réglementaires ». En effet, cet article évoque des dispositions législatives et règlementaires qui seraient nécessaires ; l’usage du conditionnel rendant cette nécessité hypothétique. L’arrêté d’extension ayant été adopté sans réserve sur ce point, l’accord pouvait entrer en vigueur dès 2014, sans attendre la publication de la loi du 17 août 2015.

Elle rappelle ensuite que « l’article 116, II, de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 n’a validé rétroactivement, pour la période du 6 mars 2014 au 19 août 2015, que les CDII conclus durant cette période », en les présumant conformes à la loi Rebsamen, « et ne dispose pas ce qui concerne les contributions dues au FPE-TT en application de l’article 5 de l’accord collectif du 10 juillet 2013 ». Les arguments tendant à contester la légitimité de la loi de validation au regard de l’accord de 2013 étaient donc inopérants.

S’agissant, enfin, de la réserve formulée par le Conseil d’État relative aux actions contentieux en cours engagées à la date de l’annulation de l’arrêté, la Cour de cassation précise que « la réserve des actions contentieuses engagées contre les mesures prises sur le fondement d’un accord collectif ou d’un arrêté ultérieurement annulés vise les seules procédures juridictionnelles par lesquelles le justiciable, que ce soit en demande ou par voie de défense au fond, a invoqué, antérieurement à la décision prononçant l’annulation de l’acte en cause, le grief d’invalidité sur le fondement duquel l’annulation a été prononcée ». Or, cette invalidité n’avait pas été invoquée devant le tribunal de commerce et n’avait été soulevée que devant la cour d’appel, postérieurement à l’arrêt du Conseil d’État.

En définitive, aucun des arguments présentés par les sociétés demanderesses ne permettait sérieusement de remettre en cause le droit pour le FPE-TT de demander le paiement de la contribution FSPI pour la période couverte par la validation rétroactive opérée par le législateur. La décision ne surprend pas au regard du contenu de l’arrêt du Conseil d’État du 28 novembre 2018, modulant dans le temps les effets de l’annulation de l’arrêté d’extension, ou de l’article 116, II de la loi du 5 septembre 2018, sécurisant les CDII conclus sur le fondement de cet arrêté.

Il reste possible de douter du « motif impérieux d’intérêt général » (recherché tant par le Conseil constitutionnel que la CEDH lors de l’examen d’une loi de validation, Cons. const. 14 févr. 2014, n° 2013-366 QPC, Maflow France (Sté), AJDA 2014. 377 ; ibid. 1204 , note J. Roux ; D. 2014. 487 ; ibid. 2015. 1457, obs. L. Gay et A. Mangiavillano ; AJCT 2014. 268, obs. M.-C. Clémence ; Dr. soc. 2014. 387, obs. V. Roulet ; RFDA 2014. 589, chron. A. Roblot-Troizier et G. Tusseau ; RTD civ. 2014. 604, obs. P. Deumier ; CEDH 28 oct. 1999, n° 24846/94, Zielinski c/ France, AJDA 2000. 526, chron. J.-F. Flauss ; D. 2000. 184 , obs. N. Fricero ; RFDA 2000. 289, note B. Mathieu ; ibid. 1254, note S. Bolle ; RTD civ. 2000. 436, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 439, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 629, obs. R. Perrot ) de la disposition légale sécurisant les CDII conclus avant 2015, au regard du nombre de contrats conclus et de la plus faible « sécurisation des parcours professionnels » pour les signataires de ces contrats par rapports aux titulaires d’un CDI de droit commun (v. S. Tournaux, Dr. soc. 2018. 810 ). Pour autant, dès lors que l’argument n’avait pas été soulevé devant le Conseil constitutionnel (Cons. const. 4 sept. 2018, n° 2018-769 DC, AJDA 2018. 1640 ; AJCT 2019. 56, obs. M. Beye ; Constitutions 2018. 374, chron. P. Bachschmidt ) et que les contrats conclus avant 2015 sont présumés conformes à la loi, il était sans doute préférable, pour ne pas compromettre le financement d’actions de formation au bénéfice des intérimaires, de priver le FPE-TT de la contribution en cause.

Auteur d'origine: lmontvalon
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L’assurance construction repose « sur la combinaison de deux polices, l’une de chose, l’assurance dommages- ouvrage (C. assur., art. L. 242-1), l’autre de responsabilité, l’assurance de responsabilité décennale (C. assur., art. L. 241-1). […] Ces deux polices dites obligatoires sont au cœur du dispositif appelé « système à double détente » où l’assurance dommages-ouvrage assure le préfinancement avant de présenter ses recours aux assureurs de responsabilité décennale. […] L’assurance dommages-ouvrage doit être souscrite par tout maître d’ouvrage. Seules les personnes publiques et certaines personnes privées d’importance visées à l’alinéa 2 de l’article L. 242-1 du code des assurances sont exonérées de cette obligation » (C. Charbonneau, L’assurance construction, in R. Bigot et A. Cayol, Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 400). Son intérêt est de permettre une réparation rapide des dommages « en dehors de toute recherche des responsabilités » (C. assur., art. L. 242-1). Subrogé dans les droits de la victime, l’assureur de choses a, dans un second temps, la possibilité d’exercer une action récursoire contre l’assureur de responsabilité du constructeur.

Un tel préfinancement par la garantie dommages-ouvrage est rendue possible par la procédure réglementaire amiable de constatation et d’indemnisation des dommages (issue d’un arrêté du 17 nov. 1978, JO 21 nov.), laquelle présente un caractère d’ordre public et « se caractérise par sa simplicité et sa rapidité, comme également par les contraintes qu’elle impose à l’assureur et la sécurité et les garanties qu’elle procure à l’assuré » (J.-P. Karila, L’assurance construction, Le Lamy Assurance, édition 2021, n° 3352). La première étape est l’obligation pour l’assureur, dans un délai de soixante jours à compter de la déclaration du sinistre par l’assuré de se prononcer sur la mise en jeu des garanties prévues au contrat (C. assur., art. L. 242-1, al. 3).

En application de l’article L. 114-1 du code des assurances, selon lequel « Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance », l’assuré est tenu de déclarer le sinistre dans les deux ans de la connaissance qu’il a pu ou aurait dû en avoir. À défaut, l’assureur peut se prévaloir de la prescription biennale.

Toutefois, lorsque l’assureur ne répond pas à l’assuré dans un délai de soixante jours, « l’assuré peut, après l’avoir notifié à l’assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L’indemnité versée par l’assureur est alors majorée de plein droit d’un intérêt égal au double du taux de l’intérêt légal » (C. assur., art. L. 242-1, al. 5). Autrement dit, l’assureur n’a plus la possibilité d’opposer une prescription déjà acquise ni, plus largement, d’invoquer une cause de non-garantie (Civ. 3e, 28 janv. 2009, n° 07-21.818, D. 2009. 429 ; ibid. 1231, chron. A.-C. Monge et F. Nési ; ibid. 2010. 1740, obs. H. Groutel ; RDI 2009. 191, obs. C. Noblot ), à l’instar de la nullité du contrat d’assurance (Civ. 3e, 2 mai 2015, n° 14-13.074).

Telle est la solution rappelée par la troisième chambre civile le 30 septembre 2021, et ce même dans l’hypothèse où les désordres déclarés sont identiques à ceux précédemment dénoncés dans une première déclaration de sinistre.

En l’espèce, des époux avaient conclu un contrat de construction de maison individuelle le 21 mars 2008. Se plaignant de malfaçons, ils ont, après expertise, assigné le constructeur en résiliation du contrat à ses torts et en indemnisation de leurs préjudices, et appelé en intervention forcée l’assureur dommages-ouvrage et la Caisse de garantie immobilière – cette dernière ayant octroyé une garantie de livraison à prix et délais convenus.

La cour d’appel déclare leur demande irrecevable à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage, aux motifs que les désordres déclarés le 29 décembre 2012 sont exactement identiques à ceux qui ont été dénoncés par une première déclaration de sinistres le 17 avril 2009, et pour lesquels les maîtres de l’ouvrage sont prescrits pour n’avoir pas introduit leur action dans le nouveau délai de prescription biennale ayant couru à la suite de cette première déclaration et de la désignation d’un expert par l’assureur (pt 7).

Dans leur pourvoi en cassation, les époux soutiennent que les juges du fond ont ainsi violé l’article L. 242-1 du code des assurances, lequel impose à l’assureur de répondre dans un délai de soixante jours à toute déclaration de sinistre (pt 4).

Suivant leur argumentation, la troisième chambre civile casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article L. 242-1, alinéas 3 et 5, du code des assurances. Après avoir rappelé l’obligation pour l’assureur de notifier sa décision à l’assuré dans les soixante jours courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, elle précise que cela vaut pour « toute déclaration de sinistres, y compris lorsqu’il estime que les désordres sont identiques à ceux précédemment dénoncés » (pt 6). À défaut, l’assureur « ne peut plus opposer la prescription biennale qui serait acquise à la date de la seconde déclaration » (pt 6).

La solution avait déjà été retenue dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile le 26 novembre 2003 (n° 01-12.469, D. 2004. 911 , obs. H. Groutel ; RDI 2004. 59, obs. P. Dessuet ). Sa sévérité pour l’assureur avait alors pu être soulignée : s’il est juste d’imposer à l’assureur de respecter le délai de soixante jours lorsque la nouvelle déclaration mentionne une aggravation des dommages, il serait en revanche fort discutable d’« admettre que, désormais, l’assuré peut procéder sans limite à des déclarations de sinistres à répétition pour des désordres identiques, jusqu’à ce que l’assureur commette un jour l’erreur de ne pas transmettre son refus dans le délai légal » (P. Dessuet, RDI 2004. 59 ; A. d’Hauteville, RGDA 2004. 447). La seule issue pour l’assureur pourrait alors résider dans l’invocation d’un abus de droit (en ce sens, H. Périnet-Marquet, Defrénois 2004. 451) qui reste « le grand absent du code des assurances » (J. Kullmann, Assurances : quelles punitions, et pour quels faisans et malfaisans ?, in Mélanges en l’honneur du Professeur Gilbert Parleani, IRJS éd., 2021, p. 247 s., spéc. p. 254). Afin d’éviter tout risque d’enrichissement indu de l’assuré, la Cour de cassation a toutefois précisé que, lorsque les dommages ont déjà fait l’objet d’une indemnisation à la suite de la première déclaration de sinistre, aucune nouvelle réparation ne peut être octroyée, et ce même lorsque l’assureur ne répond pas dans les soixante jours à la seconde déclaration des mêmes dommages (Civ. 3e, 10 oct. 2012, n° 11-17.496, Dalloz actualité, 30 oct. 2012, obs. T. de Ravel d’Esclapon.

(Original publié par CAYOL)

L’assureur dommages-ouvrage est tenu de répondre dans un délai de soixante jours à toute déclaration de sinistre, y compris lorsque les désordres sont identiques à ceux précédemment dénoncés. À défaut, il ne peut pas opposer la prescription biennale acquise lors de la seconde déclaration.  

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(Original publié par CAYOL)

La Cour de cassation a rendu le 29 septembre 2021 un arrêt qui mérite un commentaire et une critique.

En l’espèce, un dirigeant – précisément le gérant d’un groupement forestier en liquidation judiciaire – s’était vu infliger la mesure d’interdiction de gérer prévue par l’article L. 653-8 du code de commerce. Il considérait que les droits de la défense avaient été violés, dès lors que l’exigence d’un procès équitable implique qu’en matière de sanction, l’intéressé ou son avocat soit entendu à l’audience et puisse avoir la parole en dernier, mention devant en être faite dans la décision. Or, la cour d’appel n’avait pas relevé que le dirigeant ou son conseil avait été invité à prendre la parole en dernier et il était donc indiqué que l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales avait été violé. La Cour de cassation a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur des moyens qui ne lui paraissaient pas être de nature à entraîner la cassation, en application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile.

Dans cette affaire, la cour d’appel de Versailles avait statué sur une demande de faillite personnelle et d’interdiction de gérer présentée par le liquidateur, à la suite d’une décision de liquidation judiciaire prononcée le 19 décembre 2014. La cassation a été encourue pour un autre motif car le dirigeant avait été condamné pour n’avoir pas tenu de comptabilité alors qu’il s’agissait d’une société civile (ce qu’est un groupement forestier) et que les textes applicables ne semblaient pas lui imposer la tenue d’une comptabilité.

L’interdiction de gérer ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes, la cassation a été encourue pour ce motif, dès lors que l’une des fautes n’était pas constituée et qu’il convenait d’appliquer le principe de proportionnalité. Cependant, la motivation qui nous intéresse concerne l’exigence du procès équitable et...

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(Original publié par Delpech)
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Le Conseil d’État se situe dans le prolongement de l’avis contentieux Thevenin et Ducrot distribution (CE, avis, 24 févr. 2021, n° 447326, Thevenin et Ducrot Distribution (Sté), Lebon ; AJDA 2021. 479 ).

À la suite de divers contrôles ayant conclu à des manquements de la part de la société Alpha Europe Energy, le ministre chargé de l’énergie a, sur le fondement de l’article L. 222-2 du code de l’énergie, prononcé à son encontre l’annulation de certificats d’économies d’énergie et l’a privée de la possibilité d’obtenir de nouveaux certificats pendant une durée de dix-huit mois. Or,...

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(Original publié par pastor)

Avec cette proposition de loi, il s’agit pour Bruno Retailleau, à l’initiative du texte, de ne pas retomber dans les défauts de gestion de la crise sanitaire qui avait conduit à priver ces personnes fragiles de tout...

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Auteur d'origine: pastor

Avec cette proposition de loi, il s’agit pour Bruno Retailleau, à l’initiative du texte, de ne pas retomber dans les défauts de gestion de la crise sanitaire qui avait conduit à priver ces personnes fragiles de tout...

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(Original publié par pastor)

Une fois passé le stade de l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement, la situation du débiteur est en théorie rétablie. Hélas, en théorie seulement, car le plan étant destiné à être exécuté sur un laps de temps plus ou moins long, de nombreux aléas sont susceptibles d’entraver sa bonne exécution. Aussi la modification du plan peut-elle se révéler indispensable. Cette dernière est permise par l’article L. 626-26 du code de commerce à l’initiative du débiteur ou du commissaire à l’exécution du plan, lorsque la modification profite aux créanciers.

Sur un plan technique, et sous l’empire de la loi applicable aux faits de l’espèce commentée, c’est-à-dire antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, le troisième alinéa de l’article R. 626-45 du code de commerce disposait que lorsque la modification du plan envisagée portait sur les modalités d’apurement du passif, le greffier en informait les créanciers intéressés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Ceux-ci disposaient alors d’un délai de quinze jours pour faire valoir leurs observations par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au commissaire à l’exécution du plan.

L’arrêt sous commentaire conduit à s’interroger sur la portée du silence conservé par le créancier à la suite de l’information transmise par le greffier portant sur les modalités d’apurement du passif envisagées pour la modification du plan.

En l’espèce, une société bénéficiant d’un plan de redressement judiciaire a saisi le tribunal d’une demande tendant à la modification substantielle du plan. Elle proposait aux créanciers d’opter entre un remboursement immédiat, assorti d’une remise à hauteur de 80 % de la somme restant due ou un réaménagement des modalités de leur remboursement intégral. En application de l’article R. 626-45 du code de commerce, les créanciers concernés ont été informés de cette demande par le greffier. Or, la société débitrice entendait faire juger que les créanciers n’ayant pas apporté de réponse dans le délai de quinze jours étaient réputés avoir accepté la première option, soit un remboursement à hauteur de 20 % de la dette existante contre abandon du solde. Hélas, la cour d’appel rejette sa demande et elle se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation ne souscrit pas à son argumentation. Pour la Haute juridiction, il convient de ne pas confondre le régime de la consultation des créanciers par le mandataire judiciaire lors de l’élaboration du plan (C. com., art. L. 626-5) et l’information des créanciers par le greffier sur une proposition de modification du plan portant sur les modalités d’apurement du passif. Dans le premier cas, il est exact que le défaut de réponse d’un créancier vaut acceptation des délais ou remises qui lui sont proposés. En revanche, dans le second cas, et sous l’empire de la législation applicable en l’espèce, aucune disposition légale ou réglementaire ne déduisait de l’absence d’observations adressées au commissaire à l’exécution du plan par un créancier l’acceptation par celui-ci de la modification proposée.

Si cet arrêt est intéressant, il l’est pour au moins deux raisons.

D’une part, la Cour de cassation devait répondre à la question, inédite à notre connaissance, de la possibilité, en matière de modification substantielle d’un plan, d’imposer une remise à un créancier demeuré silencieux à la suite de son information par le greffe. D’autre part, l’arrêt est rendu dans un contexte de modifications législatives avec lesquelles il est particulièrement intéressant de le mettre en perspective.

En somme, nous traiterons d’abord de la substance de la solution pour aborder ensuite sa portée.

La substance de la solution

De prime abord, un avis tranché sur la question posée à la Cour de cassation est difficile à formuler.

D’un côté, les arguments tendant à reconnaître que le silence du créancier sur les propositions de modification du plan vaut acceptation sont séduisants, car ils permettraient d’uniformiser les règles applicables à la consultation individuelle des créanciers au stade de l’élaboration du plan et celles gouvernant leur information au stade de la modification substantielle du plan. Relevons, en outre, que tant en matière d’adoption du plan que pour sa modification, les pouvoirs du tribunal sont similaires et il en va de même des voies de recours. Au demeurant, il peut paraître étrange de laisser « impuni » le dépassement du délai de quinze jours au sein duquel les créanciers doivent prendre position sur les propositions de modification du plan. Pourquoi avoir instauré un tel délai si c’est pour considérer qu’un défaut de réponse des créanciers demeure sans conséquence ? Partant, il serait permis de considérer que le défaut de réponse des créanciers vaut approbation des propositions formulées.

D’un autre côté, il est aussi vrai qu’à la différence de la procédure d’adoption du plan, les créanciers ne sont pas consultés, à proprement parler, dans la procédure de modification. Ces derniers sont simplement informés par lettre. Or, là où l’article L. 626-5 du code de commerce prévoit expressément qu’à défaut de réponse du créancier dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre du mandataire, son silence vaut acceptation des propositions de l’organe, rien de tel n’est prévu à propos du délai de quinze jours dont disposent les créanciers à la suite de leur information par le greffe en cas de modification substantielle du plan. Autrement dit, il y aurait peut-être là une atteinte excessive aux droits des créanciers, lesquels accepteraient tacitement de nouvelles modalités d’apurement du passif dans un délai réduit de moitié par rapport au stade de l’élaboration du plan et avec des conditions d’information moindres. Plus précisément, si nous considérons les conditions d’information amoindries, c’est que la lettre adressée aux créanciers lors de la modification du plan n’informe pas les créanciers de ce que leur silence vaudrait acceptation. La comparaison avec la lettre adressée aux créanciers dans le cadre de l’élaboration du plan est frappante. Celle-ci doit contenir un certain nombre d’indications, dont la « reproduction » de ce que le silence du créancier vaut acceptation (C. com., art. R. 626-7, II).

Pour un auteur, une solution de compromis consisterait à estimer que le silence gardé par le créancier vaut refus des propositions, mais que le tribunal conserve alors la possibilité d’imposer des délais de paiement uniformes (N. Borga, La modification du plan, in Les procédures collectives : 10 ans après, Cah. dr. entr., 2016/4. Dossier 36).

En somme, bien que nous comprenions l’attrait que représentait la reconnaissance d’une acceptation tacite des créanciers aux propositions de modification du plan, il nous semble que la solution posée par la Haute juridiction doit être approuvée.

Comme nous l’avons indiqué, l’arrêt intervient dans un contexte de réforme. Or, il faut à présent mettre la substance de la solution à l’épreuve des règles instaurées par l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021.

La portée de la solution

L’arrêt sous commentaire a, pour ainsi dire, choisi son moment !

Quinze jours avant sa parution, la procédure de modification substantielle du plan était modifiée par l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021. Désormais, pour les procédures en cours au 1er octobre 2021, le deuxième alinéa du nouvel article L. 626-26 du code de commerce précise que lorsque la demande de modification substantielle du plan porte sur les modalités d’apurement du passif, les créanciers intéressés sont consultés et leur défaut de réponse à cette consultation vaut acceptation des modifications proposées, sauf s’il s’agit de remises de dettes ou de conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. En somme, le nouvel article R. 626-45 du code de commerce prévoit que lorsque la modification porte sur les modalités d’apurement du passif, le greffier en informe les créanciers intéressés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, mais ils disposent désormais d’un délai de vingt et un jours à compter de la réception de cette information pour faire valoir leurs observations et non plus seulement de quinze jours.

Malgré cette nouvelle règle, la portée de la solution fournie par l’arrêt ici rapporté a tout de même vocation à perdurer.

En effet, si le nouvel article L. 626-26 fait produire au silence gardé par le créancier le même effet d’acceptation que pour le créancier silencieux consulté dans le cadre de l’élaboration du plan, il n’en demeure pas moins que ce principe ne s’applique pas pour les remises de dettes et les conversions de créances en capital. A contrario, le silence gardé par le créancier sur la consultation portant sur la modification du plan ne vaudra acceptation qu’en matière de délais de paiement. Or, en l’espèce, les modalités d’apurement du passif envisagées prenaient la forme d’une remise de dette confinant à un abandon de créance. Par conséquent, tant sous l’empire du droit antérieur que sous l’empire des règles applicables à compter du 1er octobre 2021, nous n’aurions pu déduire du silence conservé par le créancier son acceptation, en l’espèce, des modalités de la modification du plan.

Au bénéfice de la solution fournie par l’arrêt, relevons encore que la retouche des textes en la matière provient de l’une des mesures prises durant la période de crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19. À cet égard, le III de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19 prévoyait déjà ce que contient désormais l’article L. 626-26 du code de commerce. Or, si le législateur a jugé bon d’apporter, durant la crise, une telle modification textuelle, c’est qu’il était auparavant considéré que le silence conservé par le créancier sur la proposition de modification du plan ne pouvait « naturellement » valoir acceptation. Cette position est en tous les cas partagée par une juridiction du fond ayant estimé que, sous réserve des dispositions spéciales adoptées pour faire face à la pandémie de la Covid-19, toute modification du plan portant sur les conditions d’apurement du passif exige, pour être adoptée, que les créanciers concernés aient expressément donné leur accord (Paris, pôle 5 - ch. 8, 13 avr. 2021, n° 20/17061).

Pour conclure, à l’avenir, la solution ici commentée s’appliquera à chaque fois que la modalité d’apurement du passif portée par la modification substantielle du plan concernera une remise de dette ou la conversion d’une créance en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. En revanche, lorsque la mesure envisagée concernera l’octroi de délais de paiement, les créanciers devront prendre garde au fait que leur silence vaudra acceptation.

(Original publié par bferrari)
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Le salarié qui a le sentiment d’être discriminé peut-il demander en référé, avant tout procès, la communication d’éléments RH afin de conforter – ou infirmer – ce sentiment ? C’est ce qu’a souhaité faire en l’espèce un salarié de Canal+. Estimant sa carrière freinée par son employeur en raison de ses activités syndicales, le salarié a voulu constituer un « panel » pour démontrer la différence de traitement qui l’affecte. La technique des panels (V.-A. Chappe, La preuve par la comparaison : méthode des panels et droit de la non-discrimination, Sociologies pratiques, vol. 23, n° 2, 2011, p. 45), largement éprouvée et admise par la Cour de cassation n’est cependant pas des plus évidentes à mettre en œuvre. Le salarié va se heurter à la difficulté de récupérer les éléments lui permettant de comparer sa situation (passée et présente) à celle de ses collègues. Cela nécessite en effet un travail de recherche dans les registres du personnel et l’extraction des fiches de paie de tous les salariés embauchés à la même période sur les mêmes fonctions, les formations auxquels les uns et les autres ont eu droit, etc. Au-delà des difficultés d’accès à ces documents, tous détenus par les services RH, ils constituent pour certains des données personnelles (CNIL, Mesure de la diversité et protection des données personnelles, Rapport, 15 mai 2007, p. 6) pour les salariés dont on cherchera à connaître la rémunération et l’évolution de carrière. Le bulletin de salaire à lui seul révèle non seulement les fonctions exercées, la rémunération, mais aussi l’adresse, le numéro de sécurité sociale, et aujourd’hui le taux d’imposition. Autant d’informations que beaucoup de salariés ne souhaitent pas nécessairement voir communiquer à leur collègue.

Deux questions se posent donc à la chambre sociale. Le référé probatoire est-il justifié ? Et l’atteinte portée à la vie privée des salariés dont on va communiquer les informations personnelles est-elle proportionnée ?

Concernant le bien-fondé du référé probatoire, celui-ci est prévu à l’article 145 du code de procédure civile pour tout justiciable « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ». Pour la cour d’appel, le régime probatoire prévu à l’article L. 1134-1 du code du travail rend inutile le référé probatoire puisque le salarié n’a pas à « établir » l’existence d’une discrimination, et doit simplement présenter des éléments de fait la laissant supposer (art. L. 1134-1).

L’argument ne manque pas d’intérêt. On pourrait en effet considérer qu’admettre le référé probatoire ne ferait qu’encourager une course à l’armement qui ne ferait qu’accroître le travail des juridictions et conduirait au fil du temps à ce que le salarié ne lance une action qu’une fois certains d’avoir en sa possession tous les éléments démontrant l’existence de la discrimination. Ce qui n’était pas l’objectif de l’aménagement probatoire.

Cependant, l’aménagement probatoire n’a fait que déplacer le problème. Il fonctionne parfaitement face à un employeur incapable de justifier et d’objectiver ses prises de décisions. Mais dans les entreprises rompues à l’exercice, le débat probatoire s’est déplacé sur le terrain de la justification et de sa pertinence, ce qui implique pour le salarié de disposer d’autant d’éléments que l’employeur pour pouvoir se défendre. En effet, face aux panels fournis par les salariés, les employeurs se sont mis à fournir des « contre-panels » où ils sélectionnent avec beaucoup de minutie les personnes qu’ils choisissent d’y intégrer. Ce travail d’exclusion consiste pour l’employeur à jouer sur le défaut de comparabilité des situations.

La Cour de cassation rompt avec cette dynamique en admettant le référé probatoire. Elle estime que « la procédure prévue par l’article 145 du code de procédure civile ne peut être écartée en matière de discrimination au motif de l’existence d’un mécanisme probatoire spécifique ».

Ce faisant elle permet d’imposer à l’employeur la communication de toutes les pièces utiles au salarié pour évaluer sa situation en évitant toute rétention d’information. Dès le début du procès pour discrimination, s’il a lieu, l’ensemble des parties auront accès à l’ensemble des éléments de comparaison, le juge sera dès lors plus à même d’apprécier la pertinence du périmètre de comparaison choisi par chacune des parties pour la constitution de son panel.

Cette solution n’est pas inédite. En 2012, la Cour de cassation avait eu l’occasion de valider le recours à la procédure du référé probatoire, celle-ci « n’étant pas limitée à la conservation des preuves et pouvant aussi tendre à leur établissement ». Elle avait ainsi estimé que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel a retenu que les salariées justifiaient d’un motif légitime à obtenir la communication de documents nécessaires à la protection de leurs droits, dont seul l’employeur disposait et qu’il refusait de communiquer » (Soc. 19 déc. 2012, n° 10-20.526, Dalloz actualité, 18 janv. 2013, obs. M. Peyronnet ; D. 2013. 92 ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 2802, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; Dr. ouvrier 2013. 287, obs. Mazardo et Riandey ; JSL 2013, n° 338-2 ; JCP S, 2013, n° 21, obs. Cesaro ; Gaz. Pal. 2013, n° 17, obs. Berleaud ; ibid., n° 145, obs. Amrani-Mekki). Le niveau de contrôle de la Cour de cassation semble aujourd’hui durci puisqu’elle retient cette fois une violation de la loi par la cour d’appel pour avoir écarté l’application de l’article 145 en matière de discrimination.

Si sur le principe il est possible d’avoir recours au référé probatoire en matière de discrimination, faut-il encore que la nature et le contenu des documents demandés par le salarié ne portent pas une atteinte démesurée à d’autres intérêts.

En l’espèce l’employeur avait, la veille de l’audience devant le conseil de prud’hommes, transmis dix bulletins de paie de salariés se trouvant dans une situation comparable au demandeur. Le juge s’y est laissé prendre en estimant que cette communication partielle de pièces suffisait et rendait inutile de faire droit à la communication de l’ensemble des pièces demandées dans le cadre du référé.

Estimant que la cour d’appel « a apprécié la légitimité, non pas de la mesure sollicitée par le salarié mais de la suffisance des pièces que l’employeur a sélectionnées et décidé de communiquer la veille de l’audience devant le conseil de prud’hommes », ce dernier développe un moyen en ce sens.

La Cour de cassation annule la décision d’appel sur ce point, elle estime qu’« en statuant ainsi, sans rechercher, d’abord, si la communication des pièces demandées par le salarié n’était pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la discrimination alléguée et proportionnée au but poursuivi et ensuite, si les éléments dont la communication était demandée étaient de nature à porter atteinte à la vie personnelle d’autres salariés, sans vérifier quelles mesures étaient indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitées, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

La stratégie de l’employeur consistant à transmettre des éléments de comparaison – triés sur le volet – à la veille de l’audience ne saurait être admise et c’est heureux. La Cour rappelle à cette occasion que le juge doit également procéder à un contrôle de proportionnalité entre, d’une part, le droit au respect de la vie privée et, d’autre part, le droit à la preuve, ce qu’elle suggère de faire au visa des « articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et 9 du code de procédure civile ». Ainsi, « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi ».

La logique est similaire à sa précédente décision, qui avait également mis en balance à l’époque le respect du secret des affaires invoqué par l’entreprise pour refuser la communication des pièces : « le respect de la vie personnelle du salarié et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées » (Soc. 19 déc. 2012, nos 10-20.526 et 10-20.528, préc.).

Une question demeure en suspens, est-ce que le salarié a dû démontrer avoir un doute quant à l’existence d’une discrimination pour obtenir toutes ces pièces ?

Dans un arrêt du 3 décembre 2008, la chambre sociale avait refusé d’ordonner la communication des bulletins de salaire des collègues d’un salarié se prétendant victime d’une discrimination syndicale (Soc. 3 déc. 2008, n° 07-42.976, non publié), le juge retenant que la discrimination syndicale était peu probable puisque le salarié n’apportait la preuve d’aucune activité syndicale. Ce filtre, aussi léger soit-il, devrait rassurer les employeurs quant aux risques de recours systématique pour obtenir ces éléments.
Même s’il faut bien admettre qu’il serait intéressant que les salaires versés par l’employeur à ses travailleurs fassent l’objet d’une publication sur l’intranet pour une parfaite transparence. On constate néanmoins que « la combinaison des dispositions probatoires de droit commun avec celles plus favorables, relevant du domaine de la discrimination en droit du travail, conduit à élargir les possibilités de demander la délivrance d’une injonction de produire » (A. Varnek et M. Keim-Bagot, Discrimination syndicale et injonction de produire une pièce détenue par l’employeur, RDT 2009. 105 ).

Auteur d'origine: peyronnet

Le rapport de l’OCEG, publié le 13 septembre 2021, s’attache, à titre introductif, à définir les critères ESG. Il procède, ensuite, à un état des lieux en matière de conformité au sein des entreprises et revient à cette occasion sur la quintessence des critères ESG, la technologie déployée ainsi que les indicateurs utilisés à des fins d’évaluation.

L’analyse de ce rapport révèle, d’une part, un constat en demi-teinte quant à l’état actuel de la conformité des agissements des entreprises aux critères ESG. D’autre part, elle témoigne de la nécessité pour les entreprises d’affirmer leur engagement en la matière.

Un constat en demi-teinte en matière de conformité aux critères ESG

Le constat dressé par l’OCEG témoigne de carences certaines en termes d’adoption et de développement des critères ESG au sein des entreprises dont sont issus les participants à l’enquête. En effet, le rapport révèle que 61 % des personnes interrogées ne disposent pas d’un logiciel permettant de recueillir ou d’analyser des données ESG.

De plus, seulement 30 % des participants indiquent avoir procédé à une évaluation du respect des critères ESG au cours de l’année passée. Aux termes de l’enquête réalisée, il s’avère que ce faible pourcentage pourrait s’expliquer par le fait que « de nombreux participants n’aient pas disposé d’un programme ESG formellement...

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(Original publié par Thill)

Le stade Vélodrome a fait l’objet d’une convention de mise à disposition entre la commune de Marseille, propriétaire du stade, et le club de l’Olympique de Marseille entre le 1er juillet 2009 et le 30 juin 2011 en vue des matchs de football organisés durant cette période. Parallèlement, la cité phocéenne a conclu une autre convention de mise à disposition avec la société Live Nation France entre le 15 et 21 juillet 2009 dans le cadre de l’organisation d’un concert de l’illustre chanteuse américaine Madonna prévu le 19 juillet 2009. Le 16 juillet 2009, la structure métallique de la scène s’est effondrée, entraînant le décès de deux personnes au cours des opérations de montage de la scène du concert. À la suite de ce grave incident, la rencontre OM-LOSC, prévue un mois plus tard, n’a pas pu avoir lieu au stade Vélodrome mais au stade de la Mosson à Montpellier.

S’estimant lésé par l’indisponibilité du stade olympien ce jour-là et, de fait, l’impossibilité de jouer à domicile, le club de l’OM a saisi le tribunal administratif de Marseille d’une demande en réparation du préjudice qu’il estime avoir subi à hauteur de plus d’un million d’euros – demande rejetée par un jugement du 23 mai 2017. L’appel formé par le club de l’OM a également été rejeté par un arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 23 mai 2018 qui a considéré que « la décision de délocaliser le match devant opposer [l’OM] au [LOSC] le 16 août 2009 avait été prise dès le 3 août 2009 de manière unilatérale et irrévocable par [le club de l’OM], de sorte que le préjudice subi par [ce dernier] devait être regardé comme résultant de cette seule décision », et non pas d’une faute de la commune de Marseille pouvant engager sa responsabilité contractuelle.

Un premier arrêt du Conseil d’État en date du 24 avril 2019 a annulé la décision de la cour administrative d’appel pour dénaturation des pièces du dossier, dans la mesure où « une réunion, destinée à faire le point sur les conséquences de l’accident survenu le 16 juillet 2009 et sur le calendrier de l’enquête judiciaire s’est tenue le 29 juillet 2009, en présence du procureur de la République de Marseille, du juge d’instruction chargé de l’enquête, et de représentants de la mairie de Marseille et de [l’OM] (…) ; à l’issue de cette réunion, il a été constaté que les investigations liées à l’enquête judiciaire ne permettraient pas de mettre le stade Vélodrome à disposition de [l’OM] pour la rencontre prévue...

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(Original publié par pastor)
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Le Conseil d’État a renvoyé au Conseil constitutionnel plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité présentées par les organisations et personnes physiques qui ont exercé des recours contre l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique (v. F. Melleray, AJDA 2021. 1443 ). Il a cependant écarté la plupart de celles concernant les nouveaux modes de recrutement en son sein et à la Cour des comptes.

Existe-t-il un principe de valeur constitutionnelle d’indépendance des membres des inspections générales, qui interdirait de supprimer ces corps ? Telle est la première question à laquelle devront répondre les juges de la rue de Montpensier. Selon l’Association des anciens élèves de l’ENA (AAEENA), ce principe résulterait de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ainsi que, le cas, échéant de son article 16 et sa mise en œuvre relèverait des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires de l’État, domaine de la loi en application de l’article 34 de la Constitution. Le Conseil d’État juge la question nouvelle et renvoie donc l’article 6 qui prépare la fonctionnalisation des fonctions d’inspection.

La seconde question renvoyée concerne le Conseil d’État et la Cour des comptes. Et elle a, semble-t-il, donné lieu à un bras de fer entre l’exécutif et les chefs de ces deux juridictions jusqu’aux derniers moments de préparation de l’ordonnance. Elle porte sur la composition des commissions d’intégration qui, au Conseil d’État comme à la Cour des comptes, proposeront la nomination des auditeurs au grade de maître des requêtes (ou conseiller référendaire) ainsi que celle des maîtres des requêtes (ou conseillers référendaires) en service extraordinaire. Ces commissions sont composées de trois membres de la juridiction (dont son chef) et de trois personnalités qualifiées nommées respectivement par les présidents de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat. Six membres donc et aucune voix prépondérante, ni même un président qui puisse convoquer la commission… Pour le Conseil d’État, les moyens présentés par les requérants « selon lesquels les dispositions introduites par le 13° de l’article 7 de l’ordonnance et le 16° de son article 8, en ce qu’elles prévoient une composition paritaire des commissions d’intégration sans désigner leur président ni fixer les règles de départage des voix de leurs membres seraient entachées d’une incompétence négative de nature à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment les principes d’indépendance et d’impartialité indissociables de l’exercice de fonctions juridictionnelles, soulèvent des questions présentant un caractère nouveau ».

En revanche, la Haute juridiction estime que la fin du recrutement direct des auditeurs à la sortie de l’ENA ne porte pas, par elle-même, atteinte à ces principes. Pas davantage que la transformation des postes d’auditeurs en emplois fonctionnels dès lors que ceux-ci « sont soumis aux mêmes droits, garanties et obligations que les membres du Conseil d’État ou de la Cour des comptes, et notamment à l’ensemble des règles qui régissent l’exercice de fonctions juridictionnelles et au respect des principes déontologiques propres à l’exercice des fonctions de membre du Conseil d’État ou de la Cour des comptes ».

Sont de même balayés les arguments de syndicats de magistrats administratifs contre la double obligation de mobilité que leur impose l’ordonnance. Cette obligation « ne porte pas atteinte au principe qu’invoquent les requérants selon lequel les fonctions juridictionnelles sont, en principe, exercées par des personnes qui entendent y consacrer leur vie professionnelle. »

(Original publié par pastor)
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par Emmanuelle Maupinle 13 octobre 2021

Loi n° 2021-1308, 8 oct. 2021, JO 9 oct.

La France qui prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne à compter du 1er janvier 2022 souhaite ainsi faire figure de bonne élève et ne présenter aucun déficit de transposition.

Au milieu de toutes ces dispositions, on relèvera que la loi assouplit l’accès des collectivités territoriales au financement participatif. Jusqu’à présent les collectivités avaient...

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(Original publié par emaupin)
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L’affaire soumise à la plus Haute juridiction de l’ordre administratif présentait, outre son impact juridique et son écho médiatique, des originalités à plus d’un titre.

D’abord, du point de vue procédural, car celle-ci a donné lieu, compte tenu de ses enjeux, à l’inauguration, par le Conseil d’État, d’une expérimentation novatrice : une audience publique d’instruction, rejoignant les réflexions actuelles menées sur la réforme de la Cour de cassation (et l’idée d’instaurer, sur certaines « affaires phares », un débat exceptionnel, appelé « procédure interactive ouverte ») et visant, selon les termes du communiqué de presse du Conseil d’État, « à éclairer la formation de jugement, en amont de l’audience de jugement et en complément de l’instruction écrite, sur les enjeux de l’affaire » et « permettre aux parties d’apporter des éléments de réponse aux questions posées par les membres de la formation de jugement ». Ensuite, et dans une moindre mesure, du point de vue de l’origine de la saisine du Conseil d’État, car celle-ci émanait tant d’organisations syndicales que d’une organisation patronale, preuve que la place de la négociation collective dans l’ordonnancement juridique constitue de part et d’autre un enjeu majeur.

Par cet arrêt emblématique, le Conseil d’État vient préciser les contours de la notion de « salaires minima hiérarchiques », qui constitue la première des treize matières énumérées par l’article L. 2253-1 du code du travail qui représente le « noyau dur » conventionnel relevant par nature de la branche et qui échappe au principe de primauté des accords d’entreprise (posé par l’art. L. 2253-3 du même code). Ce faisant, il précise les places respectives des différents niveaux de négociation collective et celle du pouvoir exécutif.

Les termes du débat : le contexte de l’ordonnance du 22 septembre 2017

Une prévalence de l’accord d’entreprise consacrée par l’ordonnance du 22 septembre 2017

Alors que, jusqu’à l’adoption de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, le niveau de négociation privilégié était celui de la branche, le conflit éventuel entre des normes conventionnelles de niveaux différents se résolvant par l’application de la norme la plus favorable aux salariés – ce que la doctrine a nommé « principe de faveur » (A. Jeammaud, Le principe de faveur, enquête sur une règle émergente, Dr. soc. 1999. 115 ), le législateur a, par cette loi, inversé le principe de primauté pour ériger le niveau de l’entreprise en échelon de droit commun de la négociation collective.

Ce mouvement, poursuivi par la loi du 20 août 2008 qui a consacré, en matière de durée du travail, de très nombreuses hypothèses dans lesquelles la primauté de l’accord d’entreprise est impérative, a été renforcé par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 confortant le principe de cette primauté.

Cette ordonnance a refondu les exceptions à ce principe de prévalence de l’accord d’entreprise en énonçant treize matières, énumérées par le nouvel article L. 2253-1 du code du travail, constituant un « noyau dur » de domaines auxquels, lorsque la convention de la branche s’en empare, les accords d’entreprise ne peuvent déroger, à moins de comporter des garanties au moins équivalentes (selon un principe que l’on peut désormais appeler non plus « de faveur » mais « d’équivalence »).

Les salaires minima hiérarchiques, une notion non définie par le législateur

Parmi ce noyau dur figure, au premier rang de ces dispositions (le 1°), les salaires minima hiérarchiques – qui relèvent, pour reprendre l’expression utilisée par la Haute juridiction administrative, du « premier bloc ».

La notion de SMH est toutefois une notion nouvelle, jusqu’alors inconnue du droit du travail, et qui n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucune définition textuelle. Devant ce vide juridique, la Direction générale du travail (DGT) a globalement retenu, depuis plusieurs années, une conception restrictive, considérant que relève du SMH – et de la garantie de primauté de l’accord de branche qui en découle – le salaire de base stricto sensu, intégrant certains avantages mais excluant tout complément de salaire.

L’arrêté ministériel dont la légalité a été appréciée par le Conseil d’État dans la présente affaire s’inscrivait dans la lignée de cette doctrine.

En mai 2018, quatre organisations syndicales et une organisation patronale de la branche du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire avaient ainsi, par un avenant à leur accord de branche, fixé des SMH comprenant non seulement un salaire de base, mais également une prime de fin d’année et une rémunération du temps de pause.

Par un arrêté du 5 juin 2019, la ministre du Travail a procédé à l’extension de cet avenant, mais en excluant toutefois du champ de cette extension des stipulations prévoyant que les SMH incluent certains compléments de salaire, au motif que les SMH entrant dans le champ de l’article L. 2253-1 du code du travail – et s’imposant, à ce titre, aux accords d’entreprise – ne peuvent se rapporter qu’à un salaire de base. L’arrêté contesté avait, par ailleurs, formulé une réserve d’interprétation similaire relativement au salaire minimum mensuel garanti pour les cadres à temps complet.

Une brèche comblée par le Conseil d’État : l’interprétation extensive de la notion de SMH

Le Conseil d’État, après un rappel de l’état du droit antérieur dont la valeur pédagogique est renforcée par la publication du communiqué de presse déjà mentionné, censure doublement cette interprétation restrictive de l’administration.

Le rappel des règles antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2017

La aute juridiction rappelle ainsi qu’avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, « il revenait à la branche, par voie d’accord collectif s’imposant à tout accord d’entreprise, de fixer un salaire minimum conventionnel pour chaque niveau hiérarchique […], auquel la rémunération effectivement perçue par les salariés de la branche ne pouvait être inférieure », relevant qu’à cet égard, « les conventions de branche pouvaient déterminer, d’une part, le montant de ce salaire minimum conventionnel, et, d’autre part, les éléments de rémunération à prendre en compte pour s’assurer que la rémunération effective des salariés atteigne au moins le niveau du salaire minimum conventionnel correspondant à leur niveau hiérarchique ».

Elle précise, en se fondant sur la « jurisprudence constante de la Cour de cassation » – et cette référence explicite, si elle a été déjà utilisée par la Haute assemblée en matière fiscale (CE 22 févr. 2017, n° 394647 A, SCI Les Roches, Lebon ; AJDA 2017. 916 ), est suffisamment notable pour être soulignée – qu’à défaut de stipulations conventionnelles expresses sur les éléments de rémunération des salariés à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, il convenait de retenir le salaire de base et les compléments de salaire constituant une contrepartie directe à l’exécution de la prestation de travail par les salariés. Sur ce point la Cour de cassation avait en effet jugé qu’« en l’absence de dispositions conventionnelles contraires, toutes les sommes versées en contrepartie du travail entrent dans le calcul de la rémunération à comparer avec le salaire minimum garanti », la circonstance qu’une prime ait pour objectif le maintien du pouvoir d’achat n’excluant pas qu’elle soit versée en contrepartie du travail (Soc. 7 avr. 2010, n° 07-45.322 P, Dr. soc. 2010. 712, obs. C. Radé ).

La consécration, dans le cadre de l’ordonnance de 2017, de la liberté conventionnelle au niveau supérieur de la branche en matière de définition des SMH

S’agissant des nouvelles dispositions applicables issues de l’ordonnance de 2017, dont le Conseil d’État rappelle qu’elle a notamment modifié l’articulation entre les conventions de branche et les accords d’entreprise, la décision relève qu’elles impliquent que la convention de branche peut définir les garanties applicables en matière de SMH, auxquelles un accord d’entreprise ne peut déroger que s’il prévoit des garanties au moins équivalentes.

En outre, si la convention de branche peut, y compris indépendamment de la définition des garanties applicables en matière de SMH, prévoir l’existence de primes, ainsi que leur montant, les stipulations d’un accord d’entreprise en cette matière prévalent sur celles de la convention de branche, qu’elles soient ou non plus favorables (sauf, le cas échéant, en ce qui concerne les primes pour travaux dangereux ou insalubres pour lesquelles la convention de branche, lorsqu’elle le stipule expressément, s’impose aux accords d’entreprise qui ne peuvent que prévoir des garanties au moins équivalentes – C. trav., art. L. 2253-2).

Cette précision, logique au regard de l’esprit et de l’architecture générale de l’ordonnance de 2017, permet d’articuler la liberté conventionnelle que conserve la branche et l’absence d’inclusion des primes au sein du noyau dur garanti par l’article L. 2253-1 du code du travail.

En revanche, en l’absence de définition par ce texte de la notion de SMH, et de tout éclairage sur ce point par les travaux préparatoires de l’ordonnance, le Conseil d’État juge qu’il est loisible à la convention de branche d’en fixer les contours, tout comme les éléments de référence auxquels ils ont vocation à être comparés (soit les seuls salaires de base, soit les rémunérations effectives incluant également certains compléments de salaire), et, bien entendu, d’en fixer le montant par niveau hiérarchique.

Une souplesse d’interprétation consacrée à travers le principe d’équivalence

Pour appliquer ce raisonnement, la Haute juridiction administrative n’exclut pas, a contrario, que même dans l’hypothèse où la convention de branche prévoit que les SMH incluent, outre le salaire de base, les compléments de salaire qu’elle identifie, un accord d’entreprise puisse réduire ou même supprimer ces compléments de salaire minimum. Toutefois, reprenant le « principe d’équivalence » dans une logique de modération de l’ancien « principe de faveur » du système antérieur, il assortit cette faculté de dérogation à la condition que cet accord prévoit alors « d’autres éléments de rémunération permettant aux salariés de l’entreprise de percevoir une rémunération effective au moins égale au montant des SMH fixé par la convention ». Le niveau des garanties salariales fixées à l’échelon de la branche s’en trouve ainsi, globalement, renforcé, mais une souplesse est reconnue à l’accord d’entreprise pour convenir de leurs modalités.

La limitation des prérogatives du pouvoir exécutif et du contrôle politique de la négociation de branche

De ce raisonnement en trois temps, le Conseil d’État déduit que l’exclusion et la réserve retenues par l’arrêté d’extension du ministre du Travail sont entachées d’une erreur de droit.

Ce faisant, il encadre les prérogatives de l’exécutif, et ainsi l’immixtion du pouvoir politique par le biais des restrictions qu’il peut apporter à l’extension des négociations collectives menées au niveau des branches.

Rappelons que la procédure d’extension, instaurée par la loi du 24 juin 1936 permet de généraliser, pour toutes les entreprises entrant dans son périmètre (au-delà donc de celles qui adhèrent aux organisations signataires de l’accord), l’application d’un accord collectif, et poursuit à la fois un objectif tant d’égalité sociale (en offrant des garanties équivalentes aux les salariés d’une même branche ou d’une même profession) qu’économique (en soumettant des entreprises concurrentes aux mêmes coûts sociaux et en limitant les risques de « dumping social »).

Ayant largement contribué à ce que la grande majorité des salariés soient aujourd’hui couverts par un accord de branche, bénéficiant ainsi de droits conventionnels et de garanties étendues, elle est encadrée par le code du travail (art. L. 2261-15 s.), et permet au ministre de pallier l’absence ou la carence des organisations de salariés ou d’employeurs qui fait obstacle à la conclusion d’une convention ou un accord dans une branche d’activité ou un secteur territorial.

Le ministre chargé du travail peut exclure de l’extension, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales. Il peut également refuser, pour des motifs d’intérêt général, notamment pour atteinte excessive à la libre concurrence ou au regard des objectifs de la politique de l’emploi, l’extension d’un accord collectif.

Si le Conseil d’État n’a pas eu à rendre, au contentieux, de décisions de principe l’amenant à contrôler l’appréciation portée par le ministre de motifs d’intérêt général sur lesquels il se serait fondé pour exclure certaines stipulations du champ de l’extension, l’arrêt commenté marque la volonté de la Haute juridiction d’exercer pleinement son contrôle de l’erreur de droit, y compris, dans le silence des textes, au regard de l’état du droit antérieur et de l’articulation des normes consacrée par la jurisprudence judiciaire.

Le raisonnement adopté par le Conseil d’État apparaît d’autant plus remarquable qu’en la matière, le dialogue entre les deux ordres de juridiction est fondamental. Il est vrai que si le juge administratif est compétent pour apprécier la légalité de l’arrêté, c’est au juge judiciaire qu’appartient l’appréciation de la légalité de l’accord conclu. Lorsque la légalité de l’arrêté d’extension est subordonnée à l’appréciation de la validité de la convention collective, le juge administratif doit ainsi surseoir à statuer et renvoyer l’examen de la question préjudicielle au juge judiciaire (CE 4 mars 1960, Dr. soc. 1960. 274, concl. Nicolay ; 7 mars 1986, D. 1988. Somm. 78, obs. Chelle et Prétot ; 3 mai 1993, RJS 1993. 449, n° 767). Réciproquement, en présence d’un arrêté ministériel d’extension, dès lors que l’extension d’un accord collectif par arrêté du ministre du Travail rend les stipulations de l’accord obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans son champ d’application, il appartient seulement au juge judiciaire saisi d’un litige relatif à l’application d’un accord étendu de déterminer si l’employeur est compris dans le champ d’application de ce dernier (Civ. 2e, 12 mars 2020, n° 18-14.382 P, RJS 5/2020, n° 247). Pour autant, les deux ordres juridictionnels ne peuvent s’ignorer et leurs jurisprudences s’enrichissent mutuellement, sous l’impulsion notamment de la jurisprudence récente du tribunal des conflits : le juge, administratif comme judiciaire, saisi au principal peut en effet trancher la question lui-même s’il apparaît manifestement, « au vu d’une jurisprudence établie » (de la juridiction supérieure de l’autre ordre juridictionnel), que la contestation peut être accueillie (T. confl. 15 déc. 2008, n° 3652, Kim c/ Établissement français du sang, Lebon ; AJDA 2009. 365 , chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; RTD com. 2009. 296, obs. G. Orsoni  ; CE 31 mars 2017, n° 401069, Orange (Sté), Lebon ; AJDA 2017. 718 ; AJFP 2017. 307, et les obs. ). L’arrêt du 7 octobre 2021 s’inscrit dans cet esprit de pragmatisme juridictionnel.

Cette décision, largement saluée par les partenaires sociaux, aura probablement un impact majeur sur les entreprises des secteurs indépendants et de la grande distribution, en facilitant, dans le contexte inflationniste actuel, l’extension à un grand nombre de salariés des garanties de pouvoir d’achat minimum négociées au niveau de la branche. 

Auteur d'origine: Dechriste

Adieu recueil des actes administratifs et compte rendu du conseil municipal. L’ordonnance n° 2021-1310 du 7 octobre 2021 portant réforme des règles de publicité, d’entrée en vigueur et de conservation des actes pris par les collectivités territoriales supprime l’un et l’autre. Le premier pour que les collectivités puissent décider librement des modalités pratiques de la publication de leurs actes, la voie électronique étant privilégiée. Le second car il est considéré comme faisant doublon avec le procès-verbal.

Le gouvernement avait été habilité à moderniser, simplifier et harmoniser les règles en la matière par l’article 78 de la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019. Selon le rapport au président de la République, « les règles actuelles forment un cadre juridique complexe et contraignant pour les collectivités territoriales et leurs groupements ». Ce cadre sera donc allégé à compter du 1er juillet 2022, le décret d’application de l’ordonnance étant publié concomitamment à celle-ci.

Dérogation à la publication électronique pour les petites communes

Le recours à la voie électronique, que se soit pour la publication, la transmission ou la conservation des actes est clairement favorisé par l’ordonnance. Ainsi, celle-ci met fin à l’obligation d’assurer l’affichage ou la publication sur papier des actes et prévoit une publication électronique uniquement (sauf pour les actes individuels). Toutefois, une dérogation est prévue pour les communes de moins de 3 500 habitants, les syndicats de communes et les syndicats mixtes qui ne disposent pas forcément des moyens techniques et humains pour dématérialiser leurs actes. Leurs organes délibérants devront choisir, par une délibération valable pour la durée du mandat, entre l’affichage, la publication sous forme électronique et la publication papier. Un second seuil est fixé à 50 000 habitants, au-dessus duquel la transmission des actes au préfet est obligatoirement électronique. À noter qu’en cas d’urgence, un simple affichage peut rendre l’acte exécutoire mais seule la publication normalement requise fait courir le délai de recours contentieux.

Les auteurs de l’ordonnance ont également pensé aux citoyens qui ne disposent pas des moyens techniques ou des compétences pour prendre connaissance d’un acte publié par voie électronique. Le maire ou le président devra répondre à une demande de communication d’une version sauf en cas de demandes abusives, « en particulier par leur nombre ou par leur caractère répétitif ou systématique ». On peut néanmoins s’interroger sur la façon dont les citoyens touchés par l’illectronisme seront informés de l’existence d’un acte pour pouvoir le demander.

Une innovation importante concerne les documents d’urbanisme. Les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme ainsi que les délibérations qui les approuvent devront être publiés, à compter du 1er janvier 2023, sur le portail national de l’urbanisme prévu par l’article L. 133-1 du code de l’urbanisme. Cette publication est indispensable pour qu’ils deviennent exécutoires deux mois après leur transmission au préfet. Toutefois, en cas de dysfonctionnement du portail, ils peuvent être rendus exécutoires par les modalités de publication ordinaires de la collectivité.

On notera, enfin, que l’ordonnances allège les obligations de signature des délibérations et précise le contenu des procès-verbaux des séances des organes délibérants.

(Original publié par Montecler)
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Par l’arrêt rapporté, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 27 mai 2020 qui était venu « préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public » (Paris, 27 mai 2020, n° 19/09638, Dalloz actualité, 17 juill. 2020, obs. P. de Plater ; AJDI 2020. 833 , obs. P. de Plater ; RTD com. 2020. 596, obs. J. Monéger ).

Dans cette affaire, un bailleur commercial avait confié un mandat de vente à une agence immobilière le 3 mars 2018. Ayant trouvé un acquéreur potentiel, le bailleur avait transmis, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 19 octobre 2018 puis par acte d’huissier du 24 octobre 2018, une offre de vente à son preneur qui mentionnait, en sus du prix principal proposé, des honoraires d’agence. Par une lettre du 29 octobre 2018, le preneur avait contesté la régularité de l’offre de vente. Malgré cette contestation, le bailleur avait consenti le 9 novembre 2018 une promesse unilatérale de vente à un tiers, sous la condition suspensive de non-exercice par le preneur de son droit de préférence. Le preneur n’ayant pas accepté l’offre transmise, le propriétaire l’avait fait assigner aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci, ce qui devait lui permettre de vendre le bien au tiers bénéficiaire de la promesse unilatérale de vente.

Le litige portait donc sur la régularité de l’offre de vente transmise au preneur et l’arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2021 pose désormais clairement la jurisprudence : d’une part, le bailleur peut mettre en vente son bien avant de l’offrir à son preneur, à la condition qu’une offre de vente soit transmise au locataire avant la conclusion de la vente avec un tiers ; d’autre part, l’offre de vente envoyée par le bailleur peut mentionner les honoraires de l’agent immobilier dès lors que ceux-ci étaient clairement identifiés.

La possibilité de mettre en vente un local commercial ou artisanal avant de l’offrir en priorité au locataire

L’article L. 145-46-1 du code de commerce dispose que le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal qui « envisage de vendre celui-ci » doit offrir son bien à la vente en priorité au locataire. Or envisager, c’est réfléchir à vendre, se dire que le moment de vendre est peut-être venu. Autrement dit, envisager une vente ne peut en principe qu’être chronologiquement antérieur à toute action positive du vendeur.

Une telle interprétation restrictive pose cependant une immense difficulté pratique. En effet, le propriétaire peut n’avoir aucune idée précise de la valeur de son bien au moment où il envisage de le vendre. Son intérêt est alors de l’offrir au locataire à un prix très élevé pour s’assurer qu’il ne perdra pas d’argent par rapport à une mise sur le marché aboutissant à une vente avec un tiers. Plus encore, même expertisés et faisant l’objet de nombreux avis circonstanciés, le prix de vente et ses conditions ne sont véritablement établis qu’à partir du moment où un acquéreur tiers a formulé une offre d’achat ou accepté l’offre de vente qui lui a été faite par le propriétaire. Avant cet événement, rien n’indique que le bien se vendra bel et bien aux conditions et prix voulus par le propriétaire. C’est ce qui explique que l’article L. 145-46-1 du code de commerce prévoit une obligation pour le notaire, en cas de prix ou de conditions plus avantageux proposés à un tiers, de transmettre cette offre au locataire. Dans cette hypothèse, l’offre est adressée au locataire bien après que le propriétaire a envisagé de vendre son bien, puisqu’elle intervient avant la signature de l’acte notarié de vente avec un tiers. Elle est donc postérieure à la mise en vente et aux négociations précontractuelles.

L’esprit de l’article L. 145-46-1 du code de commerce n’est donc pas d’obliger le propriétaire à formuler une offre de vente dès qu’il envisage de vendre, mais de donner au locataire la préférence pour acquérir un bien, le cas échéant en se substituant à un tiers qui est sur le point de l’acheter. La Cour de cassation a retenu cette interprétation en jugeant que « [l]a cour d’appel a exactement retenu que la notification de l’offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, l’association avait pu confier à la société Immopolis un mandat de vente le 3 mars 2018, puis faire procéder à des visites du bien et que le fait qu’elle ait conclu, le 8 novembre 2018, une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n’invalidait pas l’offre de vente ».

La position de la Cour de cassation est particulièrement claire : l’offre de vente notifiée par un propriétaire à son locataire est valable à la condition qu’elle soit antérieure à la vente avec un tiers. Par cette décision, la Cour de cassation s’assure que le locataire qui exerce son droit de préférence mettra le propriétaire dans la position dans laquelle il aurait été s’il avait vendu son bien à un tiers. Droit de préférence ne signifie pas droit à une réduction du prix ou à des conditions plus avantageuses pour le locataire.

Bien que l’arrêt ne le dise pas expressément, l’interprétation large de la Cour de cassation devrait permettre au propriétaire de faire tout acte préalable à la vente, et notamment de conclure une promesse unilatérale ou synallagmatique de vente avec un tiers.

En effet, en cas de promesse unilatérale, la vente n’est formée qu’au jour de la levée de l’option par le bénéficiaire. Pour se conformer à l’article L. 145-46-1 du code de commerce, il suffira donc que l’offre de vente soit transmise au locataire avant la levée de l’option.

Dans le même sens, bien que l’article 1589 du code civil dispose que la promesse synallagmatique de vente vaut vente s’il y a accord sur la chose et sur le prix, la vente n’est en réalité formée que lorsque les conditions suspensives ont été réalisées. Le propriétaire devrait donc pouvoir conclure une promesse synallagmatique de vente avec un tiers avant de transmettre son offre de vente à son locataire tant que les conditions sont pendantes.

Pour pallier tout risque d’importants contentieux, il conviendrait de stipuler, comme en l’espèce, une condition suspensive de purge du droit de préférence. Sans cette stipulation, la levée de l’option dans le cas d’une promesse unilatérale ou l’accomplissement des autres conditions suspensives dans le cas d’une promesse synallagmatique, pourrait intervenir alors même que le locataire dispose encore de son droit de préférence. Il y aurait alors violation de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, ce qui est susceptible d’entraîner des conséquences particulièrement graves pour le propriétaire et même pour le tiers acquéreur (nullité du contrat de vente, condamnation à payer des dommages et intérêts, etc.).

La mention possible des honoraires d’agence dans l’offre de vente adressée au locataire

Outre la possibilité de transmettre l’offre de vente au locataire tant qu’il n’y a pas vente avec tiers, l’arrêt du 23 septembre 2021 précise que l’offre de vente peut mentionner des honoraires d’agence.

Ceci ne signifie cependant pas que ces honoraires soient dus. La Cour de cassation, dans un arrêt remarqué, a en effet jugé que, dans un tel cas, le locataire pouvait accepter l’offre du propriétaire « au seul prix de vente » (Civ. 3e, 28 juin 2018, n° 17-14.605, D. 2018. 1739 ; ibid. 1736, avis F. Burgaud ; ibid. 1740, note P. Viudès et F. Roussel ; ibid. 2435, chron. A.-L. Collomp, V. Georget et L. Jariel ; ibid. 2019. 1511, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2019. 122 , obs. J.-P. Blatter ; RTD civ. 2018. 875, obs. H. Barbier ; RTD com. 2018. 605, obs. F. Kendérian ). Une telle solution s’imposait dès lors que, comme le rappelait M. Kendérian « le locataire, en tant que titulaire d’un droit de préemption légal, n’a pas à être recherché par l’agent immobilier, qui n’accomplit ici aucune réelle prestation de recherche et de présentation » (RTD com. 2018. 605, § 15 ).

La particularité qu’il convient de souligner ici est que l’acceptation du locataire est formulée dans des termes différents de ceux de l’offre, tout en permettant au contrat d’être malgré tout formé. Offre et acceptation divergentes peuvent donc être sources de contrat… Sans doute est-ce justifié par le caractère d’« offre légale » que revêt l’offre notifiée en vertu de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une figure juridique relativement surprenante.

Plus encore, que l’offre puisse être acceptée au seul prix de vente sans les honoraires d’agence implique que, même lorsqu’il est fait mention des honoraires, l’offre notifiée est susceptible de remplir les conditions posées par l’article L. 145-46-1 du code de commerce. C’est en tout cas ce qu’a retenu la Cour de cassation dans son arrêt du 23 septembre 2021 en jugeant que « l’offre de vente n’était pas nulle ».

L’idée de validité d’une offre est à première vue difficile à comprendre puisque, en principe, l’offre n’est pas soumise à des conditions de validité mais plutôt d’existence. L’article 1114 du code civil dispose à cet égard que : « L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. À défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation. » Autrement dit, en droit commun, une manifestation de volonté est qualifiée d’offre si elle est suffisamment précise et ferme. Lorsqu’elle ne présente pas ces caractères, la manifestation de volonté n’est pas nulle : elle doit être requalifiée en invitation à entrer en négociation.

Cependant, dans le cas particulier de l’offre notifiée en vertu d’un droit de préférence, l’offre ne trouve pas sa source dans la liberté contractuelle du propriétaire mais dans une obligation légale de proposer de vendre au locataire. Ce dernier doit donc être assuré de bénéficier d’une véritable offre. Ainsi, l’offre doit revêtir ses conditions d’existence (précision ; certitude) mais sa formulation doit également ne pas être susceptible de le tromper.

À cet égard, il convient de rappeler que la réforme du droit des contrats a introduit l’article 1100-1 du code civil qui dispose que « Les actes juridiques sont des manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. Ils peuvent être conventionnels ou unilatéraux. Ils obéissent, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats. » L’offre, si on la qualifie d’acte juridique, est donc susceptible d’être annulée pour les vices du consentement du contrat, et notamment pour erreur. Or il ne fait aucun doute que la mention d’honoraires que le locataire ne doit pas payer est de nature à lui faire croire qu’il doit les payer.

Dans cette affaire, la cour d’appel avait d’ailleurs retenu, pour justifier son arrêt, que l’offre de vente était valable car le locataire savait ne pas avoir à en supporter la charge, le prix de vente étant clairement identifié. Mais dans l’hypothèse où la cour d’appel avait jugé, dans son pouvoir souverain d’appréciation des faits, que le locataire ne savait pas ne pas avoir à supporter la charge des frais d’agence, l’offre transmise aurait été trompeuse, ce qui aurait justifié, semble-t-il, son annulation. Les juges seront donc invités à l’avenir à rechercher si la mention des honoraires dans une offre de vente formulée en vertu de l’article L. 145-46-1 du code de commerce a introduit une confusion dans l’esprit du preneur afin de juger si le droit de préférence du preneur a été respecté.

(Original publié par Rouquet)

Le droit de préférence n’interdit pas au propriétaire de mettre en vente son bien avant de le proposer en priorité au locataire et l’offre envoyée au preneur peut mentionner des honoraires d’agence, dès lors que le prix est clairement identifié.

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(Original publié par Rouquet)

par Xavier Delpechle 13 octobre 2021

Haut Conseil de stabilité financière, décis. n° D-HCSF-2021-7, 29 sept. 2021

Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) est l’autorité macroprudentielle – en ce qu’elle est chargée de prévenir ou d’atténuer les risques systémiques qui pèsent sur le système bancaire et financier – française chargée d’exercer la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. À ce titre, l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier lui confie un certain nombre de missions, parmi lesquelles (5°) la possibilité « sur proposition du gouverneur de la Banque de France et en vue de prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques, [de] fixer des conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou de l’Autorité des marchés financiers et ayant reçu...

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(Original publié par Delpech)

Le Haut Conseil de stabilité financière a adopté une décision – à caractère juridiquement contraignant – relative aux conditions d’octroi de crédits immobiliers qui vise à inciter les établissements financiers à adopter des bonnes pratiques, en particulier une réduction significative de la part de crédits présentant des taux d’effort élevés.

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(Original publié par Delpech)

Quid du salarié qui, exécutant son préavis de licenciement, commet une faute grave pendant celui-ci ? Tel était précisément le cas dans l’arrêt du 22 septembre 2021 commenté.

En l’espèce, un salarié d’une association s’était vu notifier un licenciement pour motif personnel. Au cours de l’exécution de son préavis, l’intéressé a adressé une lettre au président de la fédération Autisme 42, l’autorité de tutelle de son employeur, dans laquelle il avait sciemment détourné le sens d’une recommandation de lecture du psychiatre de l’établissement et dénigré l’association qui l’employait.

L’employeur prit en conséquence l’initiative d’interrompre le préavis du salarié en avançant la qualification de faute grave. L’intéressé saisit alors la juridiction prud’homale de diverses demandes indemnitaires, dont celle en paiement du solde de l’indemnité de préavis non exécuté.

Les juges du fond le déboutèrent de cette demande, caractérisant dans les faits des propos excessifs et diffamatoires qui, profitant ainsi d’une large publicité, traduisait une volonté de nuire à l’association.

Le salarié se pourvut alors en cassation.

La caractérisation de l’abus du salarié dans l’exercice de sa liberté d’expression

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la question, va valider le raisonnement de la cour d’appel et rejeter le pourvoi, estimant que celle-ci avait caractérisé l’existence d’un comportement fautif du salarié suffisamment grave pour justifier l’interruption du préavis.

Ce faisant, la Haute juridiction rappelle que des propos excessifs et diffamatoires assorti à une large publicité peuvent traduire une intention de nuire à l’employeur caractérisant un abus du salarié dans l’exercice de sa liberté d’expression.

Cette solution entre en cohérence avec la jurisprudence en la matière qui affirme de façon constante que la...

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Auteur d'origine: Dechriste

Dans l’épisode 5 de notre podcast, William Feugère, avocat spécialisé en droit pénal des affaires et en compliance, explique comment cartographier ses risques.Il revient sur les différentes étapes du processus… Et surtout sur la méthode à appliquer pour mener à bien ce travail de fondation du programme de compliance.

Conseils recueillis par Stefano Danna, rédacteur en chef de la solution compliance et éthique des affaires et Sophie Bridier, journaliste pour actuel-direction-juridique.fr.

Retrouvez les épisodes précédents d’Enquête interne disponibles ici.

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(Original publié par Dargent)
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« Dès lors que la condition des détenus est en cause, les occasions de se réjouir ne sont guère fréquentes et on a parfois tendance à le faire trop vite » (v. A. Jacquemet-Gauché et S. Gauché, Des tensions, AJDA 2015. 1289 ). 

Le respect de la dignité en détention constitue une priorité d’intérêt supérieur, tant pour la doctrine, qui en dénonce les atteintes, que pour les juridictions, qui les sanctionnent (v. M. Giacopelli et E. Gallardo [dir.], L’élaboration d’un droit de la privation de liberté, LexisNexis, 2020). Plusieurs recours sont ainsi ouverts aux personnes détenues pour dénoncer une atteinte au respect de leur dignité. Parmi eux, le volet administratif a doté le juge d’une capacité d’intervention efficace lorsqu’est en cause non pas une décision administrative, mais de simples agissements de l’administration (v. not., Rép. cont. adm., v° Référés d’urgence : le référé-liberté, par M. de Monsembernard, n° 1). En plus de permettre d’engager la responsabilité de l’État en cas de conditions indignes de détention, ce référé dispose de plusieurs atouts, parmi lesquels la souplesse de son déclenchement, la brièveté du délai imparti au juste pour statuer, et les pouvoirs qui lui sont conférés (v. O. Le Bot, Le référé-liberté est-il victime de son succès ?, RFDA 2021. 657 ). Bref, il s’agit là, selon Roland Vandermeeren, d’une « vedette contentieuse » (v. R. Vandermeeren, La réforme des procédures d’urgence devant le juge administratif, AJDA 2000. 712), dont les justiciables semblent s’être largement saisis (par ex, TA Cergy-Pontoise, ord., 17 sept. 2021, Syndicat Interco CFDT des Hauts-de-Seine, n° 2111434, Dalloz actualité, 28 sept. 2021, obs. T. Bigot ; TA Nîmes, ord., 9 sept. 2021, n° 2102866, Dalloz actualité, 16 sept. 2021, obs. E. Maupin).

C’est dans ce cadre que le 16 septembre 2021, la section française de l’OIP et l’ordre des avocats au barreau de Toulouse ont saisi le juge administratif d’une requête sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, à laquelle sont ensuite intervenus le syndicat des avocats de France et l’association des avocats pour la défense des étrangers.

Pour contextualiser ce recours, il faut rappeler que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) avait rendu, le 28 juin 2021, des recommandations en urgence concernant le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses. Il faisait notamment état d’une surpopulation « dramatiquement élevée », dont le niveau « inacceptable » entraîne des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes détenues, des conditions de détention « indignes au regard des critères de la jurisprudence européenne », l’absence de protection suffisante de l’intégrité́ physique des personnes détenues ainsi que des conditions d’accès aux soins dégradées (§ 1 de la présente décision). Bref, l’établissement semblait dans un état critique au regard des recommandations émises par le CGLPL (v. M. Léna, Actualité, AJ pénal 2021. 340 AJPEN/CHRON/2021/0193 Publication : Actualité juridique Pénal 2021).

Sommairement, la demande formulée par les requérants contenait trente et une mesures d’urgence. Elles étaient destinées, d’une part, à faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées à la dignité humaine au sein du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses et, d’autre part, à garantir des conditions de détention compatibles avec les articles 2 (droit à la vie), 3 (prohibition des peines ou des traitements inhumains ou dégradants) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Conv. EDH).

Les conditions du référé-liberté

Dans son pouvoir d’appréciation, le juge des référés était alors tenu de réunir trois conditions caractéristiques du référé-liberté : une liberté fondamentale en cause, une urgence, et une atteinte manifestement grave et illégale à cette liberté fondamentale (CE, réf., 12 janv. 2001, Mme Hyacinthe, n° 229039, Lebon 12 ; AJDA 2001. 589 , note J. Morri et S. Slama ; D. 2001. 526, et les obs. ).

Concernant la première de ces conditions, il s’agit du droit au respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité humaine (CE 6 juin 2013, Section française de l’observatoire international des prisons, n° 368816, Lebon T. ; AJDA 2013. 1191 ; AJ pénal 2013. 497, obs. E. Péchillon ; CE, ord., 23 nov. 2015, Assoc. Médecins du monde et Secours Catholique - Caritas France, n° 394540, publié au Lebon ; AJDA 2016. 556 , note J. Schmitz ; ibid. 2015. 2238 ; D. 2015. 2624, entretien D. Roman et S. Slama ; ibid. 2016. 336, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; RDSS 2016. 90, note D. Roman et S. Slama ; JCP Adm. 2016, n° 2164, obs. Marti ; ibid. 2015. Actu. 995, veille Erstein).

La seconde condition relève de l’urgence (v. P. Lingibé, La nécessaire démonstration d’une urgence propre dans le cadre du référé liberté, Dalloz actualité, 23 juin 2021). Il s’agit en fait, pour le requérant, de « justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité de bénéficier à très bref délai d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative » (v. not., Rép. cont. adm., v° Référés d’urgence : le référé liberté – Condition d’urgence, par M. de Monsembernard, nos 170 s.), ce bref délai ne pouvant être supérieur à 48 heures (CE 28 févr. 2003, n° 254411, Commune de Pertuis c/ Pellenc, Lebon ; AJDA 2003. 1171 , note P. Cassia et A. Béal ). Ici, les demandeurs se fondaient sur le rapport rendu par le CGLPL, au regard duquel une majorité des symptômes caractéristiques de l’indignité pouvaient être relevés : une surpopulation carcérale endémique (186 % chez les hommes, 145 % chez les femmes), 173 matelas au sol, couplé à la présence de nombreux nuisibles, ce qui aggrave encore la situation de ceux qui dorment au sol, l’absence de toute intimité́ des aires sanitaires, de nombreux faits de violence (environ 150 entre détenus chaque année), et des difficultés d’accès aux soins. La condition d’urgence semblait d’avantage satisfaite, s’il le fallait encore, par l’absence d’effet immédiat des mesures adoptées par le ministre de la Justice à l’issue de la visite du CGLPL.

La troisième condition, c’est-à-dire l’atteinte manifestement grave et illégale à la liberté fondamentale en cause, répond à plusieurs critères. Le juge est tenu d’examiner chacune des conditions de détention soulevée de manière individuelle, et l’atteinte doit être directe et personnelle (v. P. Wachsmann, L’atteinte grave à une liberté fondamentale, RFDA 2007. 58 ; CE, réf., 17 avr. 2002, Meyet, n° 245283, Lebon 154). C’est ainsi que le juge confirme l’existence d’une telle atteinte s’agissant des cours et des espaces de promenades aux abords de l’établissement, lesquels sont encombrés de détritus, fréquentés par des rats, et dépourvu d’équipement permettant l’exercice ou l’agrément. Il en va de même concernant les conditions matérielles de détention, une cellule de 10,5 m2 étant susceptible de loger trois détenus, alors qu’elle ne possède aucun rideau de séparation, ce qui exclue toute intimité mais favorise l’exposition aux nuisibles. Il en va encore de même concernant l’encellulement des personnes à mobilité réduite, l’accès au soin ou les mesures destinées à remédier aux violences des détenus. En revanche, le juge administratif exclue que les conditions d’hygiène puissent constituer une atteinte au droit au respect de la dignité.

Bref, le juge administratif en convient largement : les nombreuses atteintes aux droits et libertés fondamentaux, consacrés par les articles 2, 3 et 8 de la Conv. EDH sont caractérisées (§ 8).

Les mesures d’urgence

Le but premier du référé-liberté est d’octroyer un pouvoir d’injonction au juge administratif, afin que celui-ci « […] ordonne toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale » (CJA, art. L.521-2).

Le référé-liberté permet au juge de prescrire en urgence toutes les mesures de nature à faire cesser la situation attentatoire à la liberté fondamentale, et peut être utilisé pour contraindre l’administration pénitentiaire à procéder à des travaux visant à mettre fin à une situation illégale tenant à des conditions de détention inhumaines ou dégradantes (CE, ord., 22 déc. 2012, nos 364584, 364620, 364621 et 364647, Lebon ; AJDA 2013. 12 ; D. 2013. 1304, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2013. 232, obs. E. Péchillon ; TA Marseille, 10 janv. 2013, n° 1208146, AJDA 2013. 80 ; D. 2013. 1304, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ).

Pourtant, il demeure limité quant à son objet (§ 6). Le juge ne peut donc prononcer des injonctions de portée structurelle, « tendant à la réorganisation du service public de la justice » (CE 19 oct. 2020, n° 439372, Dalloz actualité, 22 oct. 2020, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2021. 694 , note J. Schmitz ; ibid. 2020. 1991 ; D. 2020. 2121, obs. M.-C. de Montecler ; AJ pénal 2020. 593, obs. J.-P. Céré ; ibid. 28 juill. 2017, n° 410677, Section française de l’observatoire international des prisons, Lebon avec les concl. ; Dalloz actualité, 31 juill. 2017, obs. M. B. ; AJDA 2017. 1589 ; ibid. 2540 , note O. Le Bot ; D. 2018. 1175, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2017. 456, obs. J.-P. Céré ; ibid. ord., 30 juill. 2015, n° 392043, Section française de l’observatoire international des prisons [OIP-SF], Dalloz actualité, 31 juill. 2015, art. J. Mucchielli ; Lebon ; AJDA 2015. 1567 ; ibid. 2216 , note O. Le Bot ; TA Fort-de-France, réf., 17 oct. 2014, OIP, n° 1400673, Dalloz actualité, 29 oct. 2014, obs. M. Léna ; AJDA 2015. 1289, tribune A. Jacquemet-Gauché et S. Gauché). C’est pourquoi treize des injonctions demandées par les requérants étaient ici rejetées. Tel était par exemple le cas de l’injonction d’établissement d’un plan global de lutte contre les violences en détention au sein du centre pénitentiaire, ou de l’adoption de procédures transparentes en matière d’accès à l’emploi en termes notamment de publication des offres et de procédures de déclassement (§ 11).

Toutefois, ces rejets n’ont pas fait obstacle à ce que le juge formule onze mesures d’urgence, citées exhaustivement ci-après selon les termes du communiqué de presse du tribunal administratif de Toulouse :

Il a en effet considéré qu’il y avait lieu d’enjoindre au ministre de la Justice d’améliorer et d’aménager les conditions des activités extérieures des détenus, souvent trois par cellule, et l’entretien de ces espaces, notamment pour la nurserie et le service médico-psychologique, encombrés par les détritus et/ou dépourvus de tout équipement. De même la réfection des sanitaires extérieurs et la dératisation de ces espaces s’imposaient. Il a également enjoint à l’administration de redéfinir les conditions de nettoyage des locaux et des abords et de recruter dix détenus en qualité d’auxiliaires affectés à cette mission.

Il a enjoint à l’administration pénitentiaire d’une part, de prendre toute mesure utile pour renforcer la lutte contre les nuisibles, d’autre part de procéder à la séparation physique des sanitaires du reste de la cellule, et enfin de rechercher toute solution, notamment par transfèrement de détenus, permettant de diminuer la surpopulation carcérale, et, en fonction de la situation épidémique, de rétablir le rythme de deux promenades par jour pour les détenus à trois en cellule de moins de 11 m2. Il a été également ordonné la réfection et la réorganisation immédiate des cellules destinées aux détenus handicapés.

En ce qui concerne l’accès aux soins, il a été enjoint aux ministres en charge de la justice et de la santé de définir conjointement un protocole de coordination afin que les prises en charge médicales d’urgence et spécialisées soient assurées dans un délai raisonnable soit par voie d’extraction dans un établissement hospitalier désigné par avance, soit par téléconsultation ou déplacement d’un professionnel de santé dans l’établissement.

S’agissant du climat de violence et d’insécurité, concernant tant les détenus que les personnels pénitentiaires, le juge des référés, qui a tenu compte du programme de lutte contre les violences mis en place par l’administration pénitentiaire et la direction de l’établissement, qui comprend notamment l’installation de 140 caméras supplémentaires, a enjoint l’enregistrement systématique, par le biais de l’application dédiée, de tout fait de violence mettant en cause un détenu ou un agent. De même, il a été enjoint à l’administration d’assurer systématiquement la recension et la traçabilité des requêtes, signalements et demandes des détenus, en leur remettant un récépissé.

Enfin, il a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réunir le conseil d’évaluation de l’établissement dans un délai d’un mois. Il n’y a pas lieu, en revanche, d’ordonner une inspection du centre pénitentiaire par les services du garde des sceaux, peu susceptible d’intervenir à brève échéance, ou d’ordonner le développement des échanges entre l’administration pénitentiaire et les autorités judiciaires, qui fait l’objet d’un protocole régional sur le point d’être conclu. 

(Original publié par mdominati)
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L’application de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale est entrée en vigueur le 1er janvier 2010 pour l’Union européenne, le Danemark et la Norvège, le 1er janvier 2011 pour la Suisse, le 1er mai 2011 pour l’Islande. Elle donne lieu à un contentieux limité mais régulier (par ex., Civ. 1re, 30 janv. 2019, n° 17-28.555 F-P+B, Dalloz actualité, 18 févr. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 261 ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; Rev. crit. DIP 2019. 820, note C. Chalas ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau ; CJUE 2 mai 2019, aff. C-694/17, Dalloz actualité, 27 mai 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 997 ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; RTD com. 2019. 790, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ).

L’arrêt de la Cour de justice du 30 septembre 2021 mérite de retenir l’attention car il se prononce pour la première fois sur une difficulté que les auteurs spécialisés ne semblent pas avoir envisagée.

Un particulier domicilié en Allemagne avait ouvert un compte courant dans ce même État, auprès d’un établissement bancaire de droit allemand. Ce compte présentant un solde débiteur, un litige apparut entre les parties et l’établissement bancaire saisit un juge allemand. Or, le consommateur s’était, postérieurement à la conclusion du contrat mais avant la saisine du juge allemand, installé en Suisse.

La question à résoudre était, dans ces conditions, la suivante : la compétence du juge devait-elle être appréciée à la date de la conclusion du contrat – auquel cas il s’agissait d’un simple litige interne soumis au droit allemand – ou fallait-il prendre en considération l’apparition postérieure d’un élément d’extranéité lié au déménagement du consommateur en Suisse ?

Pour bien comprendre l’arrêt, il faut rappeler que :

- l’article 15 de cette convention dispose qu’« en matière de contrat conclu par une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, la compétence est déterminée par (les art. 15 à 17), sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, paragraphe 5 : a) lorsqu’il s’agit d’une vente à tempérament d’objets mobiliers corporels ; b) lorsqu’il s’agit d’un prêt à tempérament ou d’une autre opération de crédit liés au financement d’une vente de tels objets ; c) lorsque, dans tous les autres cas, le contrat a été conclu avec une personne qui exerce des activités commerciales ou professionnelles dans l’État lié par la (…) convention sur le territoire duquel le consommateur a son domicile ou qui, par tout moyen, dirige ces activités vers cet État ou vers plusieurs États, dont cet État, et que le contrat entre dans le cadre de ces activité » ;
- l’article 16 ajoute, notamment, que « l’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État lié par la (…) convention sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié » et que « l’action intentée contre le consommateur par l’autre partie au contrat ne peut être portée que devant les tribunaux de l’État lié par la (…) convention sur le territoire duquel est domicilié le consommateur ».

La notion de domicile du consommateur est donc essentielle, notamment au regard de l’article 15, §1er, sous c), applicable en l’espèce.

Or, en application de l’article 18 du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 qui énonce par ses articles 17 à 19 des règles équivalentes à celles posées par les articles 15 et suivants de la Convention de Lugano, la Cour de justice a jugé que cette notion doit être interprétée comme désignant le domicile du consommateur à la date de l’introduction du recours juridictionnel (CJUE, ord., 3 sept. 2020, mBank, aff. C-98/20, RTD com. 2021. 227, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ).

L’arrêt du 30 septembre 2021 rappelle cette solution. Il ajoute que l’article 15 de la Convention de Lugano ne prévoit pas que, à la date à laquelle le contrat a été conclu, l’activité professionnelle doit nécessairement être dirigée vers un autre État que celui du siège du professionnel et que, par ailleurs, rien n’indique non plus que l’État dans lequel le consommateur a son domicile doit être, à cette date, un État autre que celui du siège du cocontractant professionnel (arrêt, pt 42). L’arrêt précisé également qu’aucune des trois hypothèses visées à l’article 15 ne fait mention de la nécessité que l’activité exercée présente un élément d’extranéité à la date de la conclusion du contrat (arrêt, pt 49).

La Cour en déduit que l’article 15, paragraphe 1, sous c), « détermine la compétence dans le cas où le professionnel et le consommateur, parties à un contrat de consommation, étaient, à la date de la conclusion de ce contrat, domiciliés dans le même État lié par cette convention, et où un élément d’extranéité du rapport juridique n’est apparu que postérieurement à ladite conclusion, en raison du transfert ultérieur du domicile du consommateur dans un autre État lié par la Convention de Lugano ».

Cette position peut être approuvée, même s’il est certain qu’elle n’a vocation à être mise en œuvre que rarement. Certes, la détermination des règles de compétence applicables dépend alors de la volonté du consommateur, s’il décide de déménager dans un autre État lié par la Convention de Lugano. Toutefois, le risque d’une manipulation de ces règles est très limité car il appartient au juge saisi de vérifier la réalité du nouveau domicile dont il se prévaut. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’objet des dispositions de la Convention de Lugano consacrées aux contrats de consommation est précisément d’offrir au consommateur, considéré par principe comme une partie faible, des règles protectrices.

Il est enfin à noter que la solution retenue par l’arrêt du 30 septembre 2021 peut être transposée à propos des articles 17 et suivants du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, compte tenu de la proximité des règles énoncées par ce texte et celles de la Convention de Lugano.

(Original publié par fmelin)
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Les demandeurs contestaient en effet la validité des clauses annulant toute valeur de leurs titres, de même que celles prévoyant la suppression rétroactive de leurs rémunérations variables ; ils estimaient que ces clauses les privaient de leur liberté d’exercice et étaient léonines.

Le pourvoi portait donc notamment sur la question de savoir si les dispositions statutaires d’une société d’exercice libéral par actions simplifiées peuvent décider valablement que les actions de l’associé sortant seront valorisées à leur valeur nominale, et non à leur valeur réelle, même en cas de sortie non volontaire dudit associé.

De cet arrêt, et de l’arrêt attaqué (Paris, 12 févr. 2020, n° 2018/15568), on peut tirer quatre enseignements : les statuts peuvent décider librement de la valeur des actions, ce qui nous semble faire fi de certaines considérations fiscales ; la clause qui fixe la valeur des titres d’une société, en cas de départ même forcé d’un associé, à la valeur nominale n’est pas léonine, ce qui, de notre point de vue, est contestable ; il est possible de remettre en cause des rémunérations antérieurement votées sous certaines conditions. On verra enfin que ces juridictions font peu de cas de la liberté d’exercice de l’avocat, qui était invoquée au soutien des demandes.

Sur la validité de la clause fixant la valeur des actions à la valeur nominale

Les associés exclus attaquaient tout d’abord les délibérations de l’assemblée générale fondées sur l’article 11-25 du règlement intérieur qui prévoit que : « … l’associé de catégorie A ne dispose d’aucun droit sur les réserves. La cession de ses titres au nominal est une des conditions essentielles et déterminantes de son entrée dans l’association. »

Selon cette clause, la valeur des actions ne tient compte ni de la valeur du fonds libéral, ni des capitaux propres. Il ne s’agit donc pas d’une simple clause de dépatrimonialisation (v. Loi n° 90-1258 du 31 déc. 1990, art. 10), mais d’une disposition beaucoup plus radicale, d’autant que la valeur réelle de la société serait selon les demandeurs, de plus de 21 millions d’euros.

En première instance, le délégué du bâtonnier de Paris avait considéré cette stipulation inapplicable en dehors des cas de départ volontaire, et avait fait droit aux demandes. La cour d’appel infirme et considère, sur l’autel de la force obligatoire du contrat, que la fixation à la valeur nominale est parfaitement valide : « si il n’est pas contesté que la valeur réelle des titres de la SELAS est beaucoup plus élevée que leur valeur nominale, force est de constater que les associés partants, juristes particulièrement expérimentés, ont accepté en pleine connaissance de cause la valorisation des parts à ce montant comme un des éléments déterminants de leur entrée dans la société… ».

La solution repose donc essentiellement sur une « loi des parties » renforcée, s’agissant de juristes expérimentés qui n’ont pas pu se méprendre sur le sens de leurs engagements.

Le pourvoi, alors formé par les associés exclus, est intéressant.

Il s’appuie sur les dispositions de dépatrimonialisation prévues par l’article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, en soutenant qu’il n’est possible de fixer librement les modalités de détermination de la valeur des parts sociales que dans la situation d’une cession volontaire (précisément, ce texte permet de fixer la valeur des parts au gré des associés dans le seul cas du refus d’agrément, lequel fait suite bien à une proposition – volontaire donc – de cession).

Or, selon le moyen, dès lors qu’il s’agit d’une cession forcée, l’article 10 est inapplicable, les actions n’ont pas pu être dépatrimonialisées, et la cour d’appel a statué en violation de ces dispositions.

La Cour de cassation rejette sèchement le moyen, considérant que la cour d’appel a « exactement énoncé que rien n’interdisait à la SELAS d’adopter des dispositions statutaires prévoyant la détermination de la valeur des parts à leur valeur nominale et non réelle ».

Cette décision a le mérite de la clarté : on peut donc faire ce que l’on veut.

Mais on reste cependant sur sa faim. À quoi sert en effet l’article 10 précité ? Ce texte s’évertue à fixer de strictes conditions pour la dépatrimonialisation. Son premier alinéa permet de fixer la valeur librement, mais seulement dans le cas du refus d’agrément. Son second alinéa s’applique dans tous les cas, mais permet seulement de ne pas tenir compte de la valeur de la clientèle.

En d’autres termes, pour fixer la valeur au nominal, il faut être dans le cas du refus d’agrément, et les demandeurs au pourvoi, qui n’étaient pas dans ce cas, étaient donc dans le vrai.

L’arrêt commenté créé donc une incertitude : les associés sont libres de fixer à leur gré la valeur de leurs titres, mais de quelle liberté s’agit-il si elle crée un risque fiscal ?

Le mécanisme de la dépatrimonialisation étant prévu par la loi, il nous semble opposable à l’administration fiscale qui ne devrait pas pouvoir remettre en cause une valorisation découlant d’une telle clause conforme à l’article 10 (à noter toutefois que l’administration ne s’est jamais prononcée sur ce sujet).

Mais quid d’une valorisation qui serait fixée si l’on suit la solution adoptée par la Cour de cassation ? Il n’y a pas d’arrêt de règlement en droit français, et chacun connait l’autonomie du droit fiscal. Il y aurait dès lors un risque non négligeable de redressement si in fine l’évaluation faite par les parties paraît inférieure à la valeur vénale des titres.

La clause qui fixe la valeur des titres d’une société à la valeur nominale n’est pas léonine, même en cas de départ forcé d’un associé

Les demandeurs, selon la sentence, « soutenaient …le caractère léonin de l’article 11-25 … qui exclut … un quelconque droit sur les réserves … »

Sur l’autel, on l’a dit, de l’engagement renforcé du « juriste expérimenté », la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a balayé cet argument : la fixation à la valeur nominale est donc valide et la clause qui le prévoit n’est pas léonine.

Or, s’il parait légitime d’utiliser l’article 10, et d’évacuer la valeur de la clientèle, car après tout, les avocats exclus ont sans doute pu, comme dans 99% des séparations, emporter leurs clients, la dépatrimonialisation « extrême » qui résulte de la privation du droit aux réserves nous semble entrainer une rupture d’égalité entre les associés.

Car au final, les associés restants pourront, s’ils le souhaitent, se partager les réserves, dont une partie a été constituée par l’industrie des exclus.

Sur la remise en cause a posteriori des rémunérations variables

L’article 11-24 prévoyait que « le départ en cours d’exercice d’un associé de catégorie A … entraînera renonciation immédiate et irrévocable à tout complément de rémunération variable au titre de l’exercice en cours… ». Il s’agissait pour les exclus d’une clause pour le moins rigoureuse.

En première instance, le bâtonnier avait annulé les conséquences de ce texte, sans le reconnaitre léonin. La cour d’appel confirme cette solution, mais estime la clause léonine : « la clause prévoyant la renonciation par avance à percevoir toute rémunération variable, ce en toute hypothèse même en cas de résultat définitif positif, apparaît présenter un caractère léonin puisqu’elle conduit à priver en toute hypothèse les partants de toute rémunération variable au seul profit des associés restants [cette expression « au seul profit des associés restants » aurait pu être utilisée tout aussi bien à propos de l’article 11-25 évoqué au paragraphe précédent] ».

Un second alinéa permettait la remise en cause des rémunérations variables de l’année précédente, mais, selon la Cour, « … cette clause n’apparaît pas frappée de nullité, rien n’interdisant de revenir sur le montant d’une rémunération variable déjà votée ».

Cela ne peut toutefois se concevoir que « dans des hypothèses alternatives limitativement prévues et précisément énumérées… ».

Sur la liberté d’exercice

Un argument fort intéressant était proposé par les demandeurs, qui soutenaient que ces règles constituaient ensemble une sanction pécuniaire de nature à dissuader l’associé souhaitant quitter la structure de le faire, et portant atteinte au principe de la liberté d’exercice de l’avocat.

Sur le même fondement du consensualisme, la cour d’appel fait litière de ce principe si cher aux avocats : « … rien n’interdit dans une SELAS d’adopter ces dispositions … qui font la loi des parties ; que ces règles ne constituaient en rien un obstacle à la liberté d’établissement » (à noter la confusion : la sentence évoquait le principe de « la libre installation de l’avocat », mais l’arrêt d’appel celui du « libre établissement ». La liberté d’établissement est une règle de droit européen et il s’agit ici de la liberté d’exercice, déclinaison libérale du principe de la liberté du commerce et de l’industrie).

Quant à la Cour de cassation, elle n’évoque même pas le sujet.

Il aurait pourtant été intéressant de connaître son avis sur cette confrontation liberté d’exercice versus engagement contractuel de l’avocat.

Rappelons que la Cour (Civ. 1re, 12 déc. 2018, n° 17-12.467, Parabellum, note P. Touzet ; D. 2019. 5 ; ibid. 2020. 118, obs. E. Lamazerolles et A. Rabreau ; Rev. sociétés 2019. 322, note B. Brignon ) a déjà évoqué cette question de la liberté d’exercice, en cassant l’arrêt qui avait autorisé le retrait « justifié par la nécessité de permettre à [l’avocate] … de pouvoir assurer cette activité libérale dans le cadre d’une autre structure, en vertu de la liberté d’établissement » [encore une fois mal dénommée, cette fois par la Cour de cassation].

Il restera une autre confrontation à trancher : en présence d’une clause d’exclusivité statutaire, très fréquente en pratique, l’avocat qui entend exercer dans une autre structure ne risque-t-il pas de se le voir interdire, nonobstant la liberté d’exercice, puisqu’il ne peut pas se retirer (à noter que dans le cadre de la réforme de la loi du 31 décembre 1990, lancée par les pouvoirs publics, le Conseil national des barreaux a demandé l’introduction du retrait capitalistique dans la loi ), qu’il est donc toujours associé de son ancienne structure et dès lors toujours tenu à l’exclusivité statutaire ?

(Original publié par Dargent)

Parmi les principales modifications, on retiendra l’introduction dans le CCAG travaux d’une définition du BIM (Business Information Modelling) comme « outil de représentation numérique partagée permettant de faciliter les processus de conception, de construction et d’exploitation et de former une base fiable permettant les prises de décision »....

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(Original publié par emaupin)

Lorsque l’autorité administrative, saisie d’une demande relative à des travaux projetés sur une construction irrégulièrement édifiée ou modifiée qui ne porte pas sur l’ensemble des éléments de la construction, a illégalement accordé l’autorisation de construire, cette illégalité n’est pas régularisable.

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(Original publié par pastor)
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Les règles du sursis à statuer en vue de la régularisation d’une autorisation d’urbanisme (C. urb., art. L. 600-5-1) ou annulation partielle (art. L. 600-5), qui se sont largement étendues ces dernières années, connaissent leurs limites. Elles butent sur la jurisprudence Thalamy (CE 9 juill. 1986, n° 51172, Mme Thalamy, Lebon 201 ).

La société Marésias a acquis, en août 2012, une villa située à Saint-Cyr-sur-Mer, édifiée sur le fondement d’un permis de construire délivré le 15 mai 1962....

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(Original publié par pastor)

Un copropriétaire peut donner à bail les parties privatives de son lot, indépendamment du droit de jouissance privative sur les parties communes attaché à ce lot.

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(Original publié par dreveau)
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C’est la mise en oeuvre de certaines pratiques dans le secteur des isolants thermiques qui aura conduit la Cour de cassation à répondre à la question de savoir si la requête en récusation dirigée contre le rapporteur désigné par l’Autorité de la concurrence pour procéder à une instruction est recevable.

Le point de départ de toute l’affaire réside dans l’arrêt Autorité polynésienne de la concurrence rendu le 4 juin 2020. Dans cet arrêt inédit, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait décidé que « lorsqu’elle est amenée à prononcer une sanction, l’Autorité polynésienne de la concurrence est une juridiction au sens des articles [6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 111-8 du code de l’organisation judiciaire] de sorte que, même en l’absence de disposition spécifique, toute personne poursuivie devant elle doit pouvoir demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant la juridiction ayant à connaître des recours de cette autorité » (Civ. 2e, 4 juin 2020, n° 19-13.775, inédit, RLC sept. 2020, note B. Bouloc ; ibid. oct. 2020, p. 40, note M. Dumarçay ; CCC 2020. Comm. 130, note D. Bosco). C’était là un petit séisme dans le monde des autorités administratives indépendantes dont les répliques ne se sont pas faites attendre. Dès le 24 juillet 2020, le président de la cour d’appel de Paris jugeait, non sans raison, qu’un raisonnement analogue devait être tenu pour admettre la présentation d’une requête en récusation dirigée contre le rapporteur désigné dans le cadre d’une instruction diligentée devant l’Autorité de la concurrence ; et si les requêtes en récusation dont il était saisi étaient finalement déclarées irrecevables, c’était uniquement parce qu’elles n’avaient pas été déposées suffisamment tôt (Paris, 24 juill. 2020, pôle 1 - ch. 7, n° 20/08149).

Les décisions ainsi rendues par le président de la Cour d’appel de Paris ont fait l’objet de pourvois en cassation qui, assez logiquement, s’évertuaient à souligner que les requêtes en récusation étaient bien recevables car, avant l’arrêt rendu le 4 juin 2020, elles n’avaient aucune chance de succès !

Dans les deux arrêts commentés, la Cour de cassation rejette pourtant les pourvois après avoir opéré une substitution de motifs. Au terme de deux arrêts longuement motivés, elle juge que les requêtes en récusation dirigées contre le rapporteur désigné pour instruire l’affaire devant l’Autorité de la concurrence n’était effectivement pas recevables. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour de cassation laisse entendre, sans l’affirmer toutefois expressément, que l’Autorité de la concurrence ne constitue pas une juridiction, si bien que les dispositions organisant la procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime devant les juridictions civiles ne lui sont pas applicables.

Entre arguments logiques et d’autorité

La Cour de cassation avance que l’Autorité de la concurrence constitue une « autorité administrative indépendante », reprenant ainsi à son compte la qualification donnée par l’article L. 461-1 du code de commerce. Mais elle a tenté de démontrer qu’il ne s’agissait pas d’une juridiction ou d’une autorité exerçant un pouvoir juridictionnel en s’appuyant sur une argumentation logique doublée d’arguments d’autorité.

L’argumentation logique de la Cour de cassation est bâtie autour des critères matériels et formels de qualification de la notion de juridiction ; chacun sait que la notion de juridiction est assez fuyante et, en l’absence de certitude, ne peut réellement être déduite qu’à partir d’indices plus ou moins pertinents (L. Cadiet, J. Normand et S. Amrani-Mekki, Théorie générale du procès, 3e éd., PUF, 2020, nos 213 s. ; E. Jeuland, Droit processuel général, 4e éd., LGDJ, 2018, nos 68 s.). La Cour de cassation ne s’est pas dérobée à cette tâche et a recensé divers indices (déjà utilisés par la Cour de justice de l’Union européenne, CJUE 16 sept. 2020, aff. C-462/19, Anesco) : après avoir rappelé la finalité « administrative » de l’Autorité de la concurrence (chargée de veiller au libre jeu de la concurrence et de contrôler les opérations de concentration économique), elle a relevé qu’elle est appelée à devenir partie à l’instance en cas de recours dirigé contre sa décision, qu’elle peut être dessaisie d’une affaire par la Commission européenne et que son président peut former un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris ayant annulé ou réformé sa décision. Autant d’indices qui laissent effectivement penser que l’autorité administrative indépendante ne constitue pas une véritable juridiction car elle peut être dessaisie d’une affaire et ne rend pas ses décisions en qualité de « tiers ».

Quoi qu’il en soit, la Cour de cassation ne s’est cependant pas arrêtée là et a cru bon d’invoquer deux arguments d’autorité en relevant que la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé que l’Autorité de la concurrence n’est pas une juridiction apte à lui poser une question préjudicielle en application de l’article 267 du TFUE (CJUE 16 sept. 2020, aff. C-462/19, préc. ; 31 mai 2005, aff. C-53/03, Syfait, RTD eur. 2006. 477, chron. J.-B. Blaise ) et que le Conseil constitutionnel avait retenu que l’Autorité de la concurrence est une autorité de nature non juridictionnelle (Cons. const. 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC, Groupe Canal Plus (Sté), consid. 16, AJDA 2012. 1928 ; D. 2012. 2382 ; ibid. 2013. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; RFDA 2013. 141, chron. Agnés Roblot-Troizier et G. Tusseau ; Constitutions 2013. 95, obs. O. Le Bot ). Il s’agit là de purs arguments d’autorité ; rien n’interdisait d’ailleurs de penser que la Cour de justice de l’Union européenne ou le Conseil constitutionnel avaient exclu la qualification de juridiction au regard de préoccupations propres…

Même si elle s’est ainsi fondée sur l’autorité de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil constitutionnel, la Cour de cassation n’a pas pour autant occulté la Cour européenne des droits de l’homme. Il est vrai que, pour apprécier l’applicabilité de l’article 6, § 1er, de la Convention, la Cour européenne des droits de l’homme se borne à rechercher non l’existence d’une juridiction ou d’un tribunal, mais si une personne a fait l’objet d’une « accusation en matière pénale » : « la notion de juridiction intervient donc dans la mise en œuvre de l’article 6-1 et non dans ses conditions d’applicabilité » (E. Jeuland, Droit processuel général, 4e éd., LGDJ, 2018, n° 68). Incontestablement, lorsque l’Autorité de la concurrence est appelée à prononcer une éventuelle sanction administrative, elle apprécie le bienfondé d’une accusation en matière pénale (CEDH 3 déc. 2002, n° 53892/00, Lilly France SA c/ France). À ce titre, il faudrait qu’elle puisse être qualifiée de tribunal indépendant et impartial (v. par ex. le raisonnement suivi dans CEDH 4 mars 2014, nos 18640/10, 18647/10, 18663/10, 18668/10 et 18698/10, Grande Stevens et a. c/ Italie, D. 2015. 1506, obs. C. Mascala ; Rev. sociétés 2014. 675, note H. Matsopoulou ; RSC 2014. 110, obs. F. Stasiak ; ibid. 2015. 169, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 2015. 235, obs. L. d’Ambrosio et D. Vozza ) ; mais ce qui importe à la Cour est moins que l’organe ayant prononcé des sanctions puisse être qualifié de tribunal que son indépendance ou son impartialité (même si toutes ces notions sont liées). Or, la Cour européenne des droits de l’homme admet que « dans une procédure de nature administrative, une « peine » soit imposée d’abord par une autorité administrative » dès lors que les sanctions prononcées par celle-ci peuvent faire l’objet de contestations devant un organe judiciaire effectuant un contrôle de pleine juridiction selon une procédure, cette fois-ci, conforme aux canons de l’article 6, §1er de la Convention de sauvegarde (v. par ex., CEDH 10 déc. 2020, n° 68954/13 et 70495/13, Edizioni del Roma societa cooperativa A.R.L. et Edizioni del Roma S.R.L. c/ Italie ; 27 sept. 2011, n° 43509/08, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c/ Italie, RTD eur. 2012. 117, étude M. Abenhaïm ). Ayant rappelé cet état de la jurisprudence, la Cour de cassation avait beau jeu de souligner que les décisions rendues par l’Autorité de la concurrence peuvent faire l’objet d’un contrôle de « pleine juridiction » devant la Cour d’appel de Paris, si bien que la partialité éventuelle de l’Autorité de la concurrence ne saurait de facto entraîner le constat de la violation des garanties tirées du droit à un procès équitable.

Au terme de sa démonstration, la Cour de cassation ne peut tirer qu’une unique conclusion : l’Autorité de la concurrence ne constitue pas une juridiction. Elle ne l’exprime pourtant pas expressément et se borne à en tirer la conséquence principale : il n’y a pas lieu de faire application des instruments propres aux juridictions civiles que sont la procédure de récusation ou de renvoi pour cause de suspicion légitime. 

La démonstration paraît impeccable ; il reste à l’éprouver. À dire vrai, il est particulièrement délicat de démontrer que les critères avancés par la Cour de cassation pour établir que l’Autorité de la concurrence ne constitue pas une juridiction sont erronés, même s’il est toujours permis de discuter de l’un ou de l’autre (par exemple même si l’Autorité de la concurrence est réglementairement « partie à l’instance », elle a un rôle singulier). Les critères qui permettent d’établir qu’une institution constitue une juridiction sont variés et leur mise en œuvre peut conduire à des résultats fluctuants ; on ne saurait donc reprocher à la Cour de cassation d’avoir utilisé certains critères plutôt que d’autres. Tout au plus peut-on regretter qu’elle n’ait pas dégagé ses propres indices et ait préféré reprendre une argumentation développée par la Cour de justice pour répondre à une autre question…

Des exigences procédurales aux techniques de leur mise en oeuvre 

Il ne faudrait pas croire que l’impartialité constitue une exigence qui n’a pas sa place devant l’Autorité de la concurrence. Tel n’est assurément pas le sens des arrêts rendus le 30 septembre 2021 ! Même si la Cour de cassation se refuse, au moins implicitement, à qualifier l’Autorité de la concurrence de juridiction, cela n’exclut nullement que certaines exigences procédurales soient applicables aux procédures se déroulant devant elle. L’article L. 463-1 du code de commerce énonce ainsi qu’en principe l’instruction et la procédure devant l’Autorité de la concurrence sont contradictoires. La Cour de cassation ne nie pas que les exigences d’indépendance et d’impartialité trouvent à s’appliquer, dans une certaine mesure, devant cette autorité : elle souligne ainsi que l’organisation de l’Autorité de la concurrence est fondée sur une stricte séparation des fonctions de poursuite et d’instruction et que les textes fixant la composition du collège de l’Autorité de la concurrence et organisant les procédures devant elle tendent à garantir son indépendance et son impartialité. En somme, l’impartialité a sa place devant l’Autorité de la concurrence ; simplement, les techniques mises en œuvre pour la garantir ne sont pas les mêmes que devant les juridictions civiles…

Il reste alors à se demander ce qu’il reste de l’arrêt du 4 juin 2020. Deux chemins s’offrent à l’interprète.

Le premier revient à considérer que l’arrêt du 4 juin 2020 ne constituait finalement qu’un arrêt d’espèce, peut-être lié aux difficultés de fonctionnement qu’a pu rencontrer l’Autorité polynésienne de la concurrence à ses débuts et qui ne se retrouvent pas (ou en tout cas pas avec la même force) à propos de l’Autorité de la concurrence. Cela inviterait à se demander à l’instar du « professeur Zozo » si « ces arrêts ne méritent jamais le détour et que la lettre D, dont la Cour de cassation les accable, les condamne fatalement aux oubliettes du droit jurisprudentiel » (F. Rome, Yoyo et Zozo sont dans un restau…, D. 2011. 2921 ). Toutefois, l’arrêt du 4 juin 2020 paraît bel et bien formuler un principe. Et l’existence d’une divergence de jurisprudence ou d’un revirement ne peut être admise que si toutes les autres explications méritent d’être écartées.

Il faut donc s’efforcer de concilier ce dernier arrêt avec ceux rendus le 30 septembre qui font l’objet du présent commentaire. En somme, cela revient à se poser la question suivante : existe-t-il une raison justifiant que l’Autorité polynésienne de la concurrence soit qualifiée de juridiction lorsqu’elle est amenée à prononcer une sanction quand l’Autorité de la concurrence n’en constitue pas une ? La chose n’est pas aisée et plusieurs commentateurs de l’arrêt rendu le 4 juin 2020 semblaient admettre que la solution retenue à l’égard de la première devait être transposée, par voie d’analogie, à la seconde (v. notes préc.). Et, en ce sens, il est permis d’observer que l’Autorité polynésienne de la concurrence est bâtie selon un modèle similaire à celui de l’Autorité de la concurrence. Il faut toutefois remarquer que les arrêts faisant l’objet du présent commentaire sont fortement inspirés de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, elle-même fondée en tout ou partie sur le droit de la concurrence de l’Union européenne (et notamment sur l’existence de liens entre la Commission et l’Autorité de la concurrence), droit qui n’a pas vocation à s’appliquer en Polynésie française. Cela pourrait bien expliquer la qualification différente retenue à l’égard de l’Autorité polynésienne de la concurrence…

(Original publié par nhoffschir)

Dans deux espèces (n°s 19-21.605 et 19-10.785), les juges du fond firent droit à la demande du salarié en déclarant la procédure disciplinaire irrégulière, là où ils donnèrent raison à la société dans la troisième décision (n° 20-10.851).

L’hypothèse d’un partage de voix dans une procédure impliquant l’avis préalable d’un conseil de discipline

Était à chaque fois en cause la procédure disciplinaire prévue par le référentiel RH0001 de la SNCF, portant statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel ainsi que les mentions portées sous l’article 26.8 du référentiel RH001444 interne à la SNCF, dans sa version du 11 juillet 2012.

Il ressort en effet de ces textes qu’un avis d’un « conseil de discipline », composé de six membres ayant voix délibératives, est donné à la majorité des voix, à propos des sanctions disciplinaires. Subséquemment, le directeur ne peut prononcer une sanction supérieure à la plus sévère des sanctions proposées par les membres du conseil. Or pour déterminer une majorité, il est prévu que les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s’ajoutent à l’avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu’à avoir trois voix. Ainsi, en présence d’un partage de voix, l’application de la règle conduit à ne pouvoir prononcer que la sanction la moins sévère faisant l’objet dudit partage.

Dans l’une des espèces (n° 19-10.785), le directeur avait prononcé la radiation alors que le conseil s’était prononcé à égalité à trois voix pour la sanction de radiation et à trois voix pour une rétrogradation. Or en application des textes, il ne lui était pas possible de prononcer une sanction plus sévère que la rétrogradation. De même en était-il dans l’affaire jugée au titre du pourvoi n° 20-10.851, où le directeur avait une fois encore prononcé une radiation en dépit d’un partage de voix à trois en faveur de la radiation et trois en faveur d’une mise à pied de douze jours assortie d’une rétrogradation à la qualification inférieure.

Le dernier cas (n° 19-21.605) présentait quant à lui un partage de voix permettant toutefois de dégager une majorité en faveur d’une radiation, qui permit légitimement au directeur de prononcer la rupture de la relation de travail : trois voix pour la radiation, deux pour l’absence de sanction, un vote blanc.

La lecture combinée de ces arrêts met en relief...

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Auteur d'origine: Dechriste

Les 17 octobre et 7 novembre 2018, le Dr. Stephen Thaler, un scientifique de l’Université du Missouri, a déposé deux brevets auprès de l’IPO, l’office anglais des brevets. Le premier concernait un récipient alimentaire et le second un système de signaux clignotants. La particularité de ces demandes de brevet : leur inventeur, un système d’intelligence artificielle (IA) inventif créé par le Dr. Thaler et nommé DABUS (« Device for the Autonomous Bootstrapping of Unified Sentience »).

Du fait de ces demandes de brevets, déposées dans plusieurs pays, les offices ont été contraints de se prononcer sur la possibilité de reconnaître une IA comme inventeur et de la mentionner, à ce titre, dans la demande de brevet.

Alors que l’IPO, l’EPO (office européen des brevets) et l’USPTO (office des brevets américains) ont répondu à cette question par la négative, d’autres pays ont accueilli la demande plus positivement.  

Au-delà des interrogations qu’une telle consécration peut poser, notamment en ce qui concerne le recouvrement et la gestion des droits accordés par le brevet, cette situation soulève une question qui se situe à mi-chemin entre la propriété intellectuelle et la philosophie : est-il possible d’appliquer aux IA un cadre juridique pensé initialement pour des personnes physiques ou morales ?

« Why cannot our own creations also create ? »

L’office sud-africain des brevets est le premier pays à accorder un brevet mentionnant une IA en tant qu’inventeur, suivi de peu par la Cour Fédérale d’Australie qui, dans une décision du 30 juillet dernier (Thaler v Commissioner of Patents [2021] FCA 879) admet également cette possibilité.

Si l’office sud-africain n’a pas encore eu l’occasion d’indiquer les raisons de cette décision, tel n’est pas le cas du juge australien. Par un argumentaire précis et rigoureux, ce dernier infirme la décision de refus de l’office australien et explique pourquoi, au sens de la Patents Regulations 1991 (loi australienne sur les brevets), un système d’IA – qui est une entité non humaine et dépourvue de personnalité juridique – peut être un inventeur.

Selon l’office, l’obligation d’indiquer le nom de l’inventeur sur le formulaire de dépôt sous-entend que ce dernier doit disposer d’une personnalité juridique. La cour énonce, au contraire, qu’il convient de distinguer les notions de propriétaire, d’utilisateur, de titulaire et d’inventeur. Ainsi, si « seul un être humain ou une autre personne morale peut être propriétaire, utilisateur ou titulaire d’un brevet […], c’est une erreur d’en déduire qu’un inventeur ne peut être qu’un être humain ». La cour indique qu’« un inventeur peut être un système d’intelligence artificielle, mais dans une telle circonstance, il ne pourrait pas être le propriétaire, l’utilisateur ou le titulaire du brevet ».

Par ailleurs, le juge australien précise que le fait de refuser le dépôt d’un brevet au prétexte que l’inventeur n’est pas doté de personnalité juridique serait contraire à l’esprit de la loi. En effet, cette dernière a pour but de favoriser l’innovation technologique et sa diffusion auprès du public. La protection offerte par le brevet doit donc s’adapter aux nouveaux enjeux que représente l’IA et le développement d’une créativité « non humaine ». La notion d’inventivité doit ainsi, selon la cour, primer sur celle d’inventeur.

L’inventeur, une personne physique dotée d’un patrimoine

À l’inverse des décisions précédemment évoquées, les offices anglais, européen et américain ont refusé de reconnaître la qualité d’inventeur à DABUS.

Lors du dépôt d’une demande de brevet, deux informations relatives à l’identité de la personne doivent être communiquées à l’office. Tout d’abord, l’identité du déposant ; ensuite, celle de l’inventeur. Dans l’hypothèse classique, le déposant et l’inventeur constituent une seule et même personne. Toutefois dans certaines hypothèses, et notamment dans le cas d’inventions de salariés, le déposant et l’inventeur peuvent être deux personnes distinctes. Tel est le cas lorsque le déposant est la société employant les salariés inventeurs.

En l’occurrence, les demandes de brevet précisaient que le déposant était le Dr. Thaler et que l’inventeur était DABUS. Pour rejeter la demande de brevet, les différents offices ont invoqué le même argument. Selon eux, seule une personne physique peut se voir accorder la qualité d’inventeur. La décision de l’office anglais, confirmée par la High Court ainsi que par la Court of Appeal, s’est fondée sur les textes régissant le dépôt de brevet, qui définissent l’inventeur comme la « personne » ayant créé l’invention. Selon l’office, cela renvoie de facto à une personne physique. Il en est de même pour l’office américain, dont les textes définissent l’inventeur comme un « individual ». De plus, l’USPTO précise que le déposant doit être capable de prêter serment lors du dépôt, ce qu’une IA ne peut faire.

Pour contrecarrer cet argument, le déposant a invoqué le fait que les textes de loi encadrant le dépôt de brevet ont été rédigés au début des années 1960, à une époque où le développement des nouvelles technologies était balbutiant et ne pouvaient donc envisager l’hypothèse de l’IA. De plus, selon lui, aucun de ces textes n’exclut expressément la qualification d’une IA en tant qu’inventeur. Il se trouve que ce terme n’a jamais fait l’objet d’une définition précise, que ce soit dans le droit anglais, américain ou même français, et demeure donc soumis à interprétation.

Par ailleurs, se pose également la question de la titularité des droits. Le fait d’accorder à une personne la qualité d’inventeur entraîne un certain nombre de conséquences juridiques, et notamment l’attribution de droits moraux et patrimoniaux générés par le brevet. Or, l’IA n’ayant pas de personnalité juridique, elle ne dispose pas d’un patrimoine. A ce titre, l’EPO rappelle qu’elle est dans l’impossibilité d’être propriétaire des droits générés par le brevet. 

Afin d’apporter une réponse à la question de la titularité des droits, le Dr. Thaler soutient l’argument selon lequel, étant propriétaire de la machine ayant créé l’objet, il est de facto titulaire des droits générés par le brevet. Or, aucun texte ne semble prévoir une telle dévolution. En effet, la législation anglaise prévoit que, par principe, le titulaire d’un brevet est son inventeur. Par exception, il peut s’agir d’un tiers auquel un texte de loi ou un contrat aurait cédé cette qualité. En l’absence de tout texte de loi ou contrat valablement signé, le titulaire du brevet peut également être l’héritier de l’inventeur.

En l’espèce, il ne fait pas de doute que le Dr. Thaler n’est pas l’inventeur puisqu’il a indiqué que DABUS était à l’origine des inventions. De plus, ce dernier n’ayant pas de personnalité juridique, il n’a pu céder par contrat au Dr. Thaler les droits qu’il détenait sur le brevet. L’IPO a également relevé l’absence de dispositions légales permettant au propriétaire d’une IA d’être investi des droits de propriété intellectuelle générés par cette dernière. Enfin, l’office a considéré que le Dr. Thaler n’était pas l’héritier de DABUS. La transmission des droits de l’IA à son propriétaire ne semble donc pas pouvoir être établie. Il semblerait qu’à l’impossibilité de reconnaître DABUS en tant qu’inventeur s’ajoute donc l’impossibilité de reconnaître le Dr Thaler comme étant le déposant, et donc le titulaire, des brevets.  

Le requérant ayant largement invoqué l’inadéquation de la réglementation avec les innovations technologiques actuelles, l’IPO a rappelé que sa mission était d’appliquer la loi et non d’en faire une interprétation non prévue par les textes, ni par la jurisprudence actuelle.

Un cadre juridique incertain et inadapté

L’EPO, l’IPO et l’USPTO ayant refusé d’attribuer la qualité d’inventeur à l’IA, la question est de savoir qui reconnaître en tant qu’inventeur dans cette hypothèse ? 

Cette question, qui n’est pas nouvelle, a déjà fait l’objet de nombreuses réflexions, principalement dans le domaine du droit d’auteur et du copyright. Elle revient à s’interroger sur la véritable source créative ou inventive dont est issu l’objet de droits. Peut-on encore envisager la machine comme un simple outil, au même titre qu’un pinceau, ou faut-il la reconnaître comme une force créative indépendante ? Le fait de considérer les concepts de créativité, d’inventivité et d’originalité comme étant inhérents à la personne ne semble plus correspondre à la réalité dans laquelle nous passons d’un mode de création assisté par ordinateur à des œuvres et inventions générées par ordinateur.

Pour résoudre cette incertitude juridique, l’une des solutions évoquées est d’attribuer à une personne physique, qui a participé indirectement à la création de l’invention, la qualité d’inventeur. Cette personne physique pourrait, par exemple, être le programmeur de l’IA, son propriétaire ou encore son utilisateur. C’est d’ailleurs sous son propre nom que le Dr. Thaler, inventeur de DABUS, a breveté les précédentes inventions de sa machine. Toutefois, ce dernier estime aujourd’hui que cela ne représente pas la réalité du processus créatif et permet à des individus de s’attribuer faussement la paternité de travaux qu’ils n’ont pas réalisés.

La protection des œuvres et travaux générés par l’IA soulève des questions d’ordre juridique, économique et morale et le débat autour de la place de ces « nouveaux créateurs » n’en est qu’à ses débuts. De nombreux pays mènent une réflexion active pour déterminer comment encadrer juridiquement la protection d’œuvres et d’inventions générées par l’IA : faut-il reconnaître la possibilité d’œuvres sans auteurs (« authorless subject matter »), désigner des auteurs et inventeurs présumés (« deeming authorship ») ou créer une protection sui generis ?

(Original publié par nmaximin)

À la demande de la société Ceetrus France, le tribunal administratif d’Orléans a prononcé la décharge de sa taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) en raison de l’illégalité de la délibération du 16 décembre 2015 fixant le taux de cette taxe.

Le Conseil d’État précise que lorsque le juge est saisi d’une exception d’illégalité d’un acte réglementaire soulevée à l’appui d’une...

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(Original publié par emaupin)
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À la suite de manquements constatés, l’agence de l’eau Rhône Méditerranée et Corse a informé la communauté d’agglomération du pays ajaccien de sa décision de procéder à la réfaction de la subvention qui lui avait été attribuée en vue de la réhabilitation et de l’agrandissement d’une station d’épuration. L’agence de l’eau se pourvoit en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon qui avait estimé que la requérante n’avait pas mis en œuvre de procédure contradictoire.

Le Conseil d’État rappelle que si les décisions accordant une subvention publique à une personne morale constituent des décisions individuelles créatrices de droits, ce n’est que dans la mesure où les conditions dont elles sont assorties sont respectées par leur bénéficiaire (CE 5 juill. 2010, n° 308615, Chambre de commerce et d’industrie de l’Indre, Lebon ; AJDA 2010. 1341 ; ibid. 1916, étude S. Nicinski,...

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(Original publié par pastor)

Lorsqu’une clause fixe les modalités selon lesquelles la renonciation à un droit peut intervenir, cette renonciation ne peut résulter que du respect du formalisme prévu.

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(Original publié par dreveau)

Dans les deux affaires (nos 18-22.204 et 19-12.538), une association avait embauché un salarié sous l’empire de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966. Dans la première espèce (n° 18-22.204), l’intéressé a reçu deux lettres d’observations en date des 24 février et 4 mars 2015, avant d’être finalement licencié pour motif personnel le 13 mai 2015. Or l’employeur a mis fin à l’exécution du préavis en se prévalant d’une faute grave commise par le salarié, le 1er juin de la même année.

Le salarié saisit alors la juridiction prud’homale pour contester la licéité de ces mesures. Les juges du fond déboutèrent le salarié de sa demande tendant à faire qualifier le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse, de sorte que l’intéressé s’est pourvu en cassation.

La chambre sociale va, par une réponse construite en plusieurs temps, finir par rejeter le pourvoi.

Une lettre de cadrage peut être qualifiée de sanction disciplinaire

Le premier point sur lequel la Haute juridiction était amenée à se prononcer était la qualification de sanction disciplinaire s’agissant des courriers reçus par le salarié préalablement à son licenciement. La circonstance est importante dans la mesure où l’article 33 de la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 prévoit que, sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l’égard d’un salarié si ce dernier n’a pas fait l’objet précédemment d’au moins deux des sanctions parmi celles prévues par le texte et prises dans le cadre de la procédure légale.

Une lettre d’observation soumise à entretien préalable au regard de la convention...

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Auteur d'origine: Dechriste
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D’abord remise en cause par Showroomprive.com pour son caractère usuel et son défaut de distinctivité, la marque semi-figurative française n° 4055655 « vente-privee » associée à un dessin de papillon déposée dans les classes 35, 38 et 41 l’emporte non seulement sur le terrain de la distinctivité mais également sur celui du défaut de caractère frauduleux.

Cette joute judiciaire avait commencé en 2013. Le tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 3e ch., 1re sect., 28 nov. 2013, n° 12/12856, D. 2015. 230, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; Légipresse 2014. 12 et les obs. ) avait alors annulé la marque verbale « vente privee.com » n° 3623085 pour défaut de caractère distinctif. En 2015, à la suite de l’appel formé à l’encontre de ce jugement, la cour d’appel de Paris (Paris, pôle 5 - 1re ch., 31 mars 2015, n° 13/23127, D. 2016. 396, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ) avait finalement admis le caractère distinctif de la marque acquis par l’usage. Les juges avaient pris en compte les éléments de preuve démontrant un usage continu et particulièrement intensif de la marque après son enregistrement. Cette décision avait ensuite été réaffirmée par la Cour de cassation en 2016 (Com. 6 déc. 2016, n° 15-19.048, D. 2017. 318, obs. J.-P. Clavier, N. Martial-Braz et C. Zolynski ; Dalloz IP/IT 2017. 226, obs. C. Le Goffic ; Légipresse 2017. 13 et les obs. ; ibid. 88, Étude Y. Basire et P. Darnand ; RTD com. 2017. 339, obs. J. Azéma ; RTD eur. 2017. 336-24, obs. A. Quiquerez ).

En 2019, le tribunal de grande instance de Paris (TGI Paris, 3e ch. - 1re sect., 3 oct. 2019) confirmait l’acquisition du caractère distinctif par l’usage de la marque « vente-privee » associée cette fois au papillon rose. Mais c’était sans compter sur le dernier argument de la société Showroomprive.com : le dépôt qualifié de frauduleux. Le tribunal de grande instance prononce en effet la nullité du dépôt de la marque pour dépôt frauduleux, considérant que la société Vente-privee.com était consciente du fait qu’en procédant à ce dépôt, elle privait ses concurrents de la possibilité d’utiliser les termes « vente privée » pourtant nécessaires à leur activité. En ce sens, le tribunal avait souligné que « la connaissance du caractère générique du terme et les intentions d’appropriation de ce terme par la société Vente-privee.com sont établies et même assumées par le dirigeant de cette société », lequel avait effectivement maladroitement affirmé que « si j’arrive à faire en sorte que le terme “vente privée” nous appartienne un jour, tant mieux. Je comprends qu’on puisse me le reprocher, mais c’est le jeu, chacun défend son territoire ».

Cette solution était critiquable car si un signe, certes utile à tous, est reconnu comme ayant acquis un caractère distinctif par l’usage et est ensuite taxé de « dépôt de mauvaise foi », il risque d’être difficile de bénéficier de la protection pourtant offerte par le code de la propriété intellectuelle.

La cour d’appel de Paris infirme le jugement du tribunal de grande instance et considère que la marque est distinctive et que le dépôt n’était pas frauduleux.

Sur le défaut de caractère distinctif

L’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle (dans sa version applicable au présent litige) prévoit que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits ou des services visés. Toutefois, le dernier alinéa de cet article prévoit que le caractère distinctif d’une marque peut être établi par l’usage.

Sur ce point, la cour d’appel relève d’abord que le papillon rose ne peut être réduit, comme l’avait fait le tribunal de grande instance à un élément « purement accessoire et décoratif », et qu’il est au contraire « parfaitement arbitraire ». En l’état, « l’association de l’expression “vente-privee” et de la représentation d’un papillon de couleur rose sera perçue par le public comme apte à identifier les services précités comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces services de ceux des autres entreprises ».

Le signe présentant un caractère distinctif à l’égard des produits et services de la classe 35, la cour d’appel rejette la demande de nullité de la marque sans qu’il soit nécessaire de statuer sur l’acquisition de son caractère distinctif par l’usage.

Sur le dépôt frauduleux

Si la fraude n’est envisagée par le code de la propriété intellectuelle que dans le cadre de l’action en revendication, la jurisprudence a toutefois recours à l’adage « la fraude corrompt tout » afin de prononcer l’annulation d’une marque déposée de façon frauduleuse. La Cour de cassation juge d’ailleurs de manière constante « qu’un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité » (Com. 25 avr. 2006, n° 04-15.641, D. 2006. 1371, obs. J. Daleau ; RTD com. 2006. 599, obs. F. Pollaud-Dulian ; ibid. 2007. 342, obs. J. Azéma ).

La cour d’appel considère sur ce point que la société Vente-privee.com avait un intérêt légitime à déposer la marque afin de préserver ses droits en raison de l’usage continu qu’elle faisait du signe. Elle relève que le changement de nom de l’appelante en 2019 pour devenir « Veepee » n’était pas plus pertinent à démontrer le caractère frauduleux du dépôt de la marque. Enfin, elle revient sur les preuves apportées par la société Showroomprive.com, à savoir des lettres de mise en demeure de son concurrent sur l’usage de l’expression « vente-privee.com » mais à titre d’AdWords. Selon la cour d’appel, ces lettres n’avaient pas pour intention de priver Showroomprive.com de l’usage des termes du langage courant « vente » et « privée ». En effet, le signe figuratif est protégé dans son ensemble : la protection du signe complexe n’emporte pas la protection de l’expression usuelle et descriptive qui demeure utilisable pour les concurrents du leader des ventes éphémères.

La Cour a donc jugé que la mauvaise foi de la déposante n’était pas démontrée et condamne la société Showroomprive.com à verser à la société Vente-privee.com 30 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’apport essentiel de cette décision est que la cour d’appel fait fi de l’argument du caractère frauduleux de la marque au profit de son usage continu. La cour d’appel insiste également sur le fait que ce soit bien la marque figurative prise dans son ensemble qui est protégée. Les titulaires de marques ont donc tout intérêt à associer un élément figuratif à leurs marques lorsque celles-ci sont constituées de termes génériques. Toutefois, encore faut-il s’assurer que l’élément figuratif est suffisamment distinctif en lui-même. Enfin, cette décision encourage les titulaires de marques à collecter et à conserver précieusement toutes les preuves permettant d’attester d’un usage intense et continu de la marque.

En tout état de cause, la société Vente-privee.com a vraisemblablement décidé d’adopter une nouvelle stratégie. Souhaitant par ailleurs uniformiser le nom de ses marques, connues sous différents noms dans le monde, elle utilise aujourd’hui sa nouvelle marque « Veepee » – mais toujours avec le papillon rose – pour toutes les entités du groupe.

(Original publié par nmaximin)

La Cour de justice de l’Union européenne complète sa jurisprudence Cilfit (CJUE 6 oct. 1982, aff. C-283/81). Elle considère que lorsqu’une juridiction nationale statuant en dernier ressort estime pouvoir s’abstenir de de procéder à un renvoi préjudiciel, les motifs de sa décision doivent faire apparaître l’existence de l’une des trois situations qui lui permettent de le faire.

En 2017, le Conseil d’État italien, juridiction nationale statuant en dernier ressort a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle dans le cadre d’un litige concernant un marché public de services de nettoyage. La Cour a rendu son arrêt en 2018. Les parties à ce litige ont ensuite demandé au Conseil d’État de poser d’autres questions préjudicielles. En 2019, la juridiction nationale a saisi la Cour d’une nouvelle question : une juridiction nationale statuant en dernier ressort est-elle tenue de saisir la Cour d’une question relative à l’interprétation du droit de l’Union lorsque cette question lui est soumise par une partie à un stade avancé du déroulement de la procédure, après que l’affaire a été mise en délibéré pour la première fois ou lorsqu’un premier renvoi préjudiciel a déjà été effectué dans cette affaire ?

En 1982, la Cour avait posé trois exceptions à l’obligation de renvoi préjudiciel : la question n’est pas pertinente pour la solution du litige ; la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ; l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable.

Dans son arrêt, la juridiction réaffirme les trois situations dans lesquelles la juridiction statuant en dernier ressort n’est pas soumise à l’obligation de renvoi préjudiciel.

Appréciation de l’absence de doute raisonnable

S’agissant de la troisième situation – l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable –, la juridiction précise « qu’avant de conclure à l’existence d’une telle situation, la juridiction nationale […] doit être convaincue que la même évidence s’imposerait également aux autres juridictions de dernier ressort des États membres et à la Cour […] ». Et, ajoute-t-elle, l’existence d’une telle éventualité « doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente l’interprétation de ce dernier et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union ». La seule possibilité de faire différentes lectures d’une disposition du droit de l’Union ne suffit pas pour considérer qu’il existe un doute raisonnable quant à son interprétation correcte. « Toutefois, lorsque l’existence de lignes de jurisprudence divergentes – au sein des juridictions d’un État membre ou d’États membres différents – relatives à l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union applicable au litige au principal est portée à la connaissance de la juridiction statuant en dernier ressort, celle-ci doit être particulièrement vigilante dans son appréciation relative à une éventuelle absence de doute raisonnable quant à l’interprétation correcte de ladite disposition. »

La Cour relève ensuite que les juridictions nationales « doivent apprécier sous leur propre responsabilité, de manière indépendante et avec toute l’attention requise, si elles se trouvent dans l’une des hypothèses leur permettant de s’abstenir de soumettre à la Cour une question d’interprétation du droit de l’Union soulevée devant elles ». Si une juridiction s’estime libérée de l’obligation de saisir la Cour, les motifs de sa décision doivent faire apparaître l’existence de l’une de ces trois situations.

Plusieurs renvois préjudiciels pour une même affaire

Par ailleurs lorsqu’elle se trouve en présence de l’une des trois situations, une juridiction nationale n’est pas tenue de saisir la Cour, quand bien même la question relative à l’interprétation du droit de l’Union serait soulevée par une partie à la procédure devant elle. En revanche, si la question relative à l’interprétation du droit de l’Union ne répond à aucune de ces situations, la juridiction statuant en dernier ressort est tenue de saisir la Cour. Mais, estime la CJUE, « le fait que ladite juridiction a déjà saisi la Cour à titre préjudiciel dans le cadre de la même affaire nationale ne remet pas en cause cette obligation lorsqu’une question d’interprétation du droit de l’Union dont la réponse est nécessaire pour la solution du litige subsiste après la décision de la Cour ».

Cependant, « elle peut s’abstenir de soumettre une question préjudicielle à la Cour pour des motifs d’irrecevabilité propres à la procédure devant cette juridiction, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité ». Ainsi, le principe d’équivalence requiert que l’ensemble des règles applicables aux recours s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit de l’Union et à ceux, similaires, fondés sur la méconnaissance du droit interne. Quant au principe d’effectivité, les règles de procédure nationales ne doivent pas être de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union.

(Original publié par emaupin)
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Adoptée à l’unanimité par le Sénat il y a quelques mois (AJDA 2021. 1178 ), la proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique semble destinée à faire consensus. Elle a en effet recueilli également la totalité des voix des députés.

L’Assemblée nationale, qui l’a votée le 6 octobre, a accepté six des douze articles sans les modifier. Et les amendements aux six autres ne...

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(Original publié par Montecler)

La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 a créé deux nouveaux cas de recours à des CDD pour les chercheurs :

un CDD « contrat doctoral de droit privé » conclu pour assurer des activités de recherche et participer à la formation du doctorant dès lors qu’elles sont en lien avec sa thèse de doctorat ;un contrat post-doctoral qui doit être conclu au plus tard trois ans après l’obtention du diplôme de doctorat, pour une durée minimale d’un an et maximale de trois ans.

L’objectif du CDD doctoral est d’offrir aux entreprises du secteur privé ce qui existe déjà dans le secteur public. Un décret du 23 avril 2009 a en effet créé un contrat doctoral de trois ans pour les doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche.

Jusqu’à présent, dans le secteur privé, les entreprises qui souhaitaient recruter des doctorants recouraient au CDD de complément de formation (CDD-CF) notamment dans le cadre de conventions CIFRE, conventions qui permettent au doctorant de réaliser sa thèse en étant salarié d’une entreprise. Toutefois, note l’étude d’impact de la loi du 24 décembre 2020, « le CDD-CF n’est pas adapté à la formation doctorale et présente un risque juridique, notamment en cas de non-réinscription du doctorant en école doctorale : qu’elle soit à l’initiative du doctorant, ou de l’université, elle ne constitue pas pour le juge une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat. En outre, le CDD-CF conditionne la conclusion de ce type de contrat à l’obtention d’une aide financière individuelle à la formation par la recherche, ce qui n’est pas toujours le cas en pratique ».

Le CDD à objet défini (CDD-OD) n’apparaissait pas non plus adapté « car peu flexible en termes de durée (36 mois maximum non renouvelable) et restrictif quant aux conditions de recours (fixation d’un objet bien délimité non susceptible d’évoluer dans le temps, nécessité d’un accord de branche) »,...

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Auteur d'origine: Dechriste

Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique présenté à la fin de l’année 2019 n’avait pas pu être examiné par le Parlement en raison de la crise sanitaire. C’est pourquoi lors du Conseil des ministres du 8 avril 2021, un nouveau texte en procédure accélérée a été présenté : le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Ce texte a pour ambition de garantir une meilleure protection aux créateurs, de créer une autorité de régulation du numérique mais également d’assurer au public un accès aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises. Adopté en première lecture au Sénat le 20 mai 2021, il a été modifié par l’Assemblée nationale le 23 juin 2021. Ce projet a été débattu en commission mixte paritaire avant d’être définitivement adopté le 29 septembre 2021. Le lendemain de son adoption, plus de soixante sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel afin de vérifier sa conformité à la Constitution.

Annuellement, le manque à gagner résultant de la consommation de contenus audiovisuels sur des plateformes illégales est estimé que plus d’un milliard d’euros. Cette nouvelle loi entend lutter contre les nombreuses contrefaçons présentes sur internet et ainsi défendre la création culturelle.

La garantie d’un accès du public aux œuvres audiovisuelles françaises

La protection des catalogues d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises est un des principaux objectifs de cette loi. Ce dernier prévoit que lorsque les catalogues d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles seront cédés à une société étrangère, les œuvres qu’ils contiennent devront nécessairement rester accessibles au public français. Le ministère de la Culture devra être notifié d’une telle cession afin de veiller au respect de cette obligation par la société étrangère concernée. Le ministre disposera d’un délai de trois mois pour se prononcer et saisir la « commission de protection de l’accès à l’œuvre ». Si cette commission le juge nécessaire, elle aura la possibilité de contraindre la société étrangère à apporter des garanties supplémentaires. La loi précise également que la décision de cette commission pourra faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire.

Initialement, le gouvernement souhaitait accorder au ministère de la Culture des pouvoirs étendus afin de limiter la cession à des sociétés étrangères de catalogues d’œuvres cinématographiques. Mais dans son avis du 1er avril 2021, le Conseil d’État a considéré excessive la possibilité pour le ministère de la Culture de contraindre administrativement la cession par une injonction sous astreinte et des sanctions importantes dans la mesure où cela équivaut à un droit de véto. L’exécutif s’est vu dans l’obligation de revoir son projet et de proposer un dispositif plus doux que celui initialement imaginé.

Il s’agit de s’assurer que les sociétés étrangères mettront en valeur l’œuvre cinématographique tout en permettant au plus grand nombre de profiter de l’œuvre malgré sa cession. Se faisant, la loi entend protéger le patrimoine audiovisuel français en apportant au public l’assurance que certaines œuvres françaises demeureront toujours accessibles au plus grand nombre.

La fin de la HADOPI et du CSA

La Haute autorité pour le développement des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) existe depuis le décret du 31 décembre 2009. La HADOPI se charge d’encourager le développement de l’offre légale et d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et des objets auxquels est attaché un droit d’auteur ou un droit voisin. Elle doit également protéger ces œuvres de toute forme d’atteinte commise en ligne. La HADOPI a une mission de régulation et de veille dans les domaines des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin. Enfin, la HADOPI sanctionne le piratage par l’intermédiaire de sa Commission de protection des droits, composée exclusivement de hauts magistrats.

Plus de douze ans après sa création, la HADOPI dresse un bilan financier mitigé puisqu’elle a perçu 87 000 € d’amendes alors qu’elle a reçu plus de 82 millions d’euros de subventions publiques. Le bilan de sa lutte principale, contre le téléchargement en peer-to-peer, est également en nuances, dans la mesure où cette technologie ne représente aujourd’hui plus qu’un quart des téléchargements illégaux. La majorité des infractions sont en effet désormais réalisées via des plateformes illégales de streaming.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) existe quant à lui depuis 1989, date à partir de laquelle il a remplacé la Haute autorité de la communication audiovisuelle créée en 1982. Le CSA est une autorité publique dont l’indépendance financière et administrative lui permet le bon exercice de ses missions.

Le CSA est un régulateur de l’audiovisuel puisqu’il est chargé de délivrer des autorisations permettant à l’ensemble des chaines de télévisions et des radios d’émettre par voie hertzienne, par satellite, par câble ou par ADSL. Le CSA surveille et sanctionne également ce qui est diffusé à la radio et à la télévision, en veillant à ce que les distributeurs de services de communication audiovisuelle et des opérateurs de réseaux satellitaires respectent leurs obligations. Celles-ci concernent en particulier la protection des mineurs, la représentation de la diversité, le respect de la dignité humaine ou encore le pluralisme lors des périodes électorales.

Plus de trente-deux ans après sa création, le CSA a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment en raison de son inaction à l’égard de certaines émissions diffusant des propos jugés polémiques. Le CSA a aussi été accusé de ne pas promouvoir la diversité audiovisuelle et de manquer d’impartialité du fait de sa proximité avec l’exécutif.

C’est pourquoi la nouvelle loi a pour intention d’acter la fin de la HADOPI et du CSA. Pour autant, le gouvernement a veillé à ce que leurs missions respectives continuent d’être assurées par une nouvelle autorité administrative indépendante.

La naissance de l’ARCOM

La création d’une autorité de régulation du numérique apparaît comme la clé de voute de cette loi. De la fusion entre la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) naîtra une nouvelle autorité publique indépendante, l’Autorité de régulation de la communication et du numérique (ARCOM).

Le collège de l’ARCOM sera composé de sept personnes, comme l’était auparavant celui du CSA. Son président sera nommé par le président de la République. Deux membres seront désignés par le président du Sénat et deux le seront par le président de l’Assemblée nationale. Un membre sera désigné par le vice-président du Conseil d’État, un autre le sera par le premier président de la Cour de cassation. Les pouvoirs de l’ARCOM seront donc calqués sur ceux de la HADOPI et du CSA mais seront renforcés.

L’ARCOM bénéficiera de nombreux pouvoirs, en particulier en termes de procédure, de conciliation ou d’enquête. Ses missions principales se déclineront dans la sphère de l’audiovisuel et du numérique, notamment à travers la protection des mineurs, la lutte contre la désinformation, la haine en ligne et enfin le piratage.

Les pouvoirs initialement réservés à la HADOPI concernant la protection du droit d’auteur et des droits voisins seront transférés à l’ARCOM. Les pouvoirs de recueil d’informations et d’enquête dont cette dernière hérite du CSA seront quant à eux élargis. Les informations que détiendra l’ARCOM pourront par exemple être échangées avec celles que détient l’Autorité de la concurrence sans que celles-ci ne soient soumises au secret des affaires, comme le prévoit l’article 11 de la loi. Les pouvoirs de sanctions de l’ARCOM seront étendus par rapport à ceux dont bénéficiaient la HADOPI et le CSA (mode de publication, délai de prescription). Enfin, l’ARCOM se verra attribuer de nouvelles compétences. Elle sera en effet tenue d’établir une liste des plateformes de partage de contenus audiovisuels et numériques portant atteinte « de manière grave et répétée au droit d’auteur et aux droits voisins ». L’ARCOM aura enfin la possibilité de contraindre les moteurs de recherche au blocage ou au déréférencement de sites miroirs utilisant les contenus de plateformes illicites. Ces nouveaux pouvoirs conférés à l’ARCOM lui permettent de prendre en compte les problématiques liées au streaming illégal qui n’étaient jusqu’alors pas prises en compte par la HADOPI. Cette évolution constitue par conséquent une réelle avancée dans la mesure où elle s’adapte aux usages actuels.

Le piratage audiovisuel dans le viseur de la loi

L’ambition de cette loi est de limiter au maximum le piratage de contenus cinématographiques et audiovisuels, dans la mesure où il porte un préjudice conséquent à la création culturelle et à certaines économies parallèles.

Si l’on prend l’exemple des matchs de football, le piratage audiovisuel ne représente pas particulièrement une menace pour les grands clubs de football, mais reste un danger pour la survie des autres clubs. En France, le modèle économique des petits clubs de football repose en grande partie sur les subventions publiques alimentées par les droits TV audiovisuels des compétitions sportives. La diffusion de matchs de football en direct sur des plateformes illégales porte donc un coup supplémentaire au financement des petits clubs de football, déjà impactés par le récent accord entre Canal+ et la Ligue de Football professionnel. Le piratage en direct des compétitions sportives représente 500 millions d’euros de pertes pour le financement de la taxe Buffet, courroie de solidarité entre les grands clubs de football professionnel et les petits. La loi entend permettre à la Ligue du Football professionnel et aux médias sportifs de saisir le président du tribunal judiciaire de Paris afin que les plateformes illégales de streaming soient rapidement bloquées.

Accusé par plusieurs parlementaires de ne pas être à la hauteur de la révolution numérique que subissent les œuvres cinématographiques et audiovisuelles, cette loi devra encore être débattu par la commission mixte paritaire en séance publique avant son éventuelle adoption par le Parlement. Cependant par la création de l’ARCOM et par la lutte contre le piratage audiovisuel, cette loi témoigne d’une réelle volonté de lutte contre les plateformes de streaming illégal. Ainsi, cette loi s’inscrit dans lignée de la directive (UE) 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins qui responsabilise les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne.

(Original publié par Dargent)

Le contexte sanitaire lié à la crise de la covid-19 a plombé les comptes de la sécu : le déficit prévisionnel s’élève à 34,8 Md€ pour 2021. Pour redresser la situation et préserver le système de sécurité sociale, le message de la Cour est simple et clair : il faut reconstruire une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux. Pour y parvenir, les magistrats de la rue Cambon formulent quarante-quatre recommandations.

Le retour à l’équilibre implique de contenir les dépenses et...

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Auteur d'origine: emaupin

Le contexte sanitaire lié à la crise de la covid-19 a plombé les comptes de la sécu : le déficit prévisionnel s’élève à 34,8 Md€ pour 2021. Pour redresser la situation et préserver le système de sécurité sociale, le message de la Cour est simple et clair : il faut reconstruire une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux. Pour y parvenir, les magistrats de la rue Cambon formulent quarante-quatre recommandations.

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(Original publié par emaupin)

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Depuis sept ans et l’apparition des premières legaltech, le marché du droit traverse des mutations qui ont parfois provoqué des situations extrêmes. Pourtant le besoin de justice, comme l’inflation législative et règlementaire ou le développement complexe des entreprises, entraînent une croissance soutenue des besoins sur un marché estimé en France à 40 milliards d’euros en 2020. Cette dynamique a d’ailleurs permis la multiplication du nombre des avocats sur les vingt dernières années. Mais cette croissance, contrairement à beaucoup de secteurs économiques, n’avait permis qu’à la marge une réflexion pour passer d’un travail artisanal à une industrie du droit qui pourrait offrir plus de prestations, pour un prix plus abordable, en travaillant ses coûts de revient et ses apports de valeur. Les lois économiques classiques d’un marché mature ont ainsi rattrapé les avocats qui doivent innover et investir pour ne pas être hors marché, sans avoir été préparés, par leurs études et leur organisation, à cette mutation qui dépasse l’impact de l’usage du digital généralisé. Comment rattraper le temps perdu pour innover à 360 degrés ?

Premier d’une longue série à venir, le livre blanc « Innovations et avocat : le temps de faire », sous la direction de Stéphane Baller, entend opportunément s’intéresser à la compréhension des initiatives qui pourraient permettre à la profession d’avocats de s’adapter aux mutations profondes qui la traversent, à savoir sa capacité à innover, au travers d’articles de réflexion sur le marché du droit en général et la profession d’avocat en particulier, et de podcasts d’interviews et de témoignages de ceux qui vivent l’innovation au quotidien.

L’innovation, loin d’être seulement digitale, serait ainsi avant tout managériale et stratégique. Et cette innovation, qui s’apprend et s’expérimente, mais suppose une vision, n’attend plus !

Le Livre Blanc « Innovation et avocats : le temps de faire ! » s’inscrit dans le cadre des travaux du Comité stratégique Avocats Lefebvre Dalloz. Ce comité a pour objet de contribuer à la réflexion relative à la profession d’avocat, dans ses aspects tant d’exercice professionnel, que de gestion ou de stratégie de développement des cabinets ou sociétés d’avocats. ll entend ainsi favoriser l’expression et la diffusion des bonnes pratiques, expériences, ou visions du métier ou du droit, autour d’écrits, de podcasts, de vidéos ou d’événements, afin d’accompagner la compréhension des mutations de la profession et d’animer le débat au sein de la communauté des avocats, de leurs clients, de leurs instances … de leur écosysteme.

(Original publié par Dargent)

Le 16 septembre 2021, sont parues au Journal officiel deux ordonnances très attendues.

La première, l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés, rend plus cohérent le droit applicable aux sûretés – éclaté précédemment entre plusieurs codes – tout en rénovant ou abrogeant certains dispositifs considérés comme obsolètes.

La seconde, l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce, réforme les dispositions relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés, tout en transposant la directive (UE) 2019/1023 du 20 juin 2019 dite « Restructuration et insolvabilité ». Elle s’accompagne de son décret d’application du 23 septembre 2021.

L’entrée en vigueur de ces réformes étant prévues le 1er janvier 2022 pour les sûretés et le 1er octobre 2021 pour le livre VI du code de commerce, nous avons choisi de mettre à la disposition des utilisateurs des codes civil et de commerce Dalloz une version consolidée des articles du code civil et du code de commerce impactés par ces textes.

Le fascicule de consolidation des éditions Dalloz est alors le complément idéal de ces deux codes, permettant de comparer anciennes et nouvelles dispositions. Le lecteur dispose ainsi de la version complète du nouveau livre IV du code civil, étant précisé que pour chaque article, il est mentionné s’il est nouveau, inchangé, modifié ou déplacé, afin de se référer ensuite aux enrichissements présents dans le code civil Dalloz. Une table des matières et une table alphabétique le complètent.

Pour un commentaire de la réforme des sûretés, v. notre dossier, sous la direction de Jean-Denis Pellier, Professeur à l’Université de Rouen, Codirecteur du Master 2 Droit privé général : partie I et partie II. Et, dans le prolongement de ce dossier, vous pouvez vous inscrire ici au colloque Dalloz formation sur la réforme.

Pour un commentaire de la réforme des entreprises en difficultés, v. notre dossier rédigé par Karine Lemercier, Maître de conférences à l’Université du Maine et François Mercier, Administrateur Judiciaire, 2M&associés. Et, dans le prolongement de ce dossier, vous pouvez vous inscrire ici à la formation Elegia Formation.

(Original publié par Dargent)
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Entre 2012 et 2016, le département a dû prendre en charge des frais d’hébergement de 102 familles nécessitant un hébergement d’urgence, en lieu et place de l’État. Sa demande d’indemnisation ayant été rejetée, il a recherché, en vain, devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand la responsabilité de l’État du fait de sa carence fautive dans la mise en œuvre de sa compétence en matière d’hébergement.

En appel, la cour de Lyon rappelle les règles, posées par le Conseil d’État dans sa décision Département de la Seine-Saint-Denis (CE 30 mars 2016, n° 382437, Lebon ; AJDA 2016. 632 ; D. 2017. 261, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJDI 2018. 97, étude F. Zitouni ; AJCT 2016. 456, obs. M.-C. Rouault ; ibid. 2017. 319, étude C. Teixeira ; RDSS 2016. 521, concl. J. Lessi ), sur la répartition des compétences en matière d’aide à l’hébergement des familles en...

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Auteur d'origine: emaupin
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Entre 2012 et 2016, le département a dû prendre en charge des frais d’hébergement de 102 familles nécessitant un hébergement d’urgence, en lieu et place de l’État. Sa demande d’indemnisation ayant été rejetée, il a recherché, en vain, devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand la responsabilité de l’État du fait de sa carence fautive dans la mise en œuvre de sa compétence en matière d’hébergement.

En appel, la cour de Lyon rappelle les règles, posées par le Conseil d’État dans sa décision Département de la Seine-Saint-Denis (CE 30 mars 2016, n° 382437, Lebon ; AJDA 2016. 632 ; D. 2017. 261, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJDI 2018. 97, étude F. Zitouni ; AJCT 2016. 456, obs. M.-C. Rouault ; ibid. 2017. 319, étude C. Teixeira ; RDSS 2016. 521, concl. J. Lessi ), sur la répartition des compétences en matière d’aide à l’hébergement des familles en...

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(Original publié par emaupin)

Dans le cadre de l’examen du projet de loi « Confiance dans l’institution judiciaire », les sénateurs ont fait part de leur désaccord avec la position adoptée par les députés en première lecture. Le texte a donc été amendé afin de rendre compétent le tribunal de commerce de Paris pour connaître des litiges relatifs au devoir de vigilance. « Le plan de vigilance étant inclus dans le rapport de gestion, il est logique que les tribunaux de commerce aient aussi à connaître des actions fondées sur les dispositions des articles L. 225-102-4, II et L. 225-102-5 du code de commerce relatives au devoir de vigilance.

Confirmant cette analyse, la cour d’appel de Versailles a, dans un arrêt du 10 décembre dernier, reconnu la compétence du tribunal de commerce au motif qu’ était « caractérisée l’existence d’un lien direct...

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(Original publié par Thill)
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par Rodolphe Bigot, Maître de conférences, Le Mans Université, et Amandine Cayol, Maître de conférences, Université Caen Normandiele 6 octobre 2021

Civ. 2e, 16 sept. 2021, F-B, n° 19-25.529

L’assurance de groupe est « le contrat souscrit par une personne morale ou un chef d’entreprise en vue de l’adhésion d’un ensemble de personnes […] pour la couverture des risques dépendant de la durée de la vie humaine, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque de chômage » (C. assur., art. L. 141-1, al. 1). Il s’agit d’une assurance de personnes (sauf garantie perte d’emploi). « Son mécanisme contractuel se réalise en deux temps, avec trois acteurs. En premier lieu, le temps de la souscription du contrat d’assurance, entre le souscripteur et l’assureur. En second lieu, le temps de la rencontre du souscripteur et des adhérents, autrement dit de l’adhésion par ces derniers au contrat de groupe souscrit auparavant par le preneur, lequel ne peut être qu’un dirigeant de société/employeur/chef d’entreprise (personne physique) ou un syndicat professionnel, une association et un établissement de crédit (personne morale). Un « lien de même nature » de tous les membres avec le souscripteur est exigé » (R. Bigot, Les assurances collectives, in R. Bigot et A. Cayol [dir.], Le droit des assurances en tableaux, 1re éd., Ellipses, 2020, préf. de D. Noguéro, p. 164). Si l’adhésion prend...

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(Original publié par rbigot)

Des travaux, réalisés sur un bâtiment en ruine en partie effondré mais dont les murs subsistaient, sont des travaux exécutés sur une construction préexistante et ne relèvent pas de l’article 555 du code civil. 

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(Original publié par CAYOL)

Dès 2009, le barreau de Paris avait intégré l’activité d’intermédiaire en assurances dans son règlement intérieur (RIBP, art. P.6.2.0.1 – Créé en séance du Conseil de l’ordre du 17 nov. 2009 ; devenu art. P.6.3.6). La même disposition fut reprise au niveau national à l’article 6.3.6 du RIN, dans sa rédaction issue de la décision à caractère normatif du 26 janvier 2017 (JO 13 avr.), autorisant l’avocat « à exercer à titre accessoire une activité d’intermédiaire en assurances, uniquement en qualité de mandataire de l’assuré ». Cette activité entrait ainsi dans la catégorie des mandats spéciaux de l’avocat au même titre que les missions de mandataire en transaction immobilière, mandataire sportif, délégué à la protection des données, tiers de confiance, représentant d’intérêts ou fiduciaire compatibles avec les principes essentiels de la profession (pour une présentation complète, S. Bortoluzzi, D. Piau et T. Wickers, Règles de la profession d’avocat, Dalloz Action, 6e éd., 2019, nos 640 s.).

L’encadrement de cette activité d’intermédiaire en assurances posait toutefois difficulté, au regard notamment de la règlementation spécifique prévue par le code des assurances. La directive (UE) 2016/97 du Parlement européen et du Conseil du 20 janvier 2016 sur la distribution d’assurances (JOUE L26, 2 févr. 2016), transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 (JO 17 mai, texte n° 29), a modifié la définition de l’intermédiation en assurance. Ainsi, le nouveau régime instauré ne porte plus seulement sur l’activité « d’intermédiation » d’assurance mais sur l’activité de « distribution de produits d’assurance ou de réassurance », laquelle consiste à fournir des recommandations sur des contrats d’assurance ou de réassurance, à présenter, proposer ou aider à conclure ces contrats ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre (C. assur., art. L. 511-1, I ; mod. par Ord. n° 2018-361 du 16 mai 2019, art. 4). Est un distributeur de produits d’assurance ou de réassurance tout intermédiaire d’assurance ou de réassurance, tout intermédiaire d’assurance à titre accessoire ou toute entreprise d’assurance ou de réassurance (C. assur., art. L. 511-1, III).

Un statut d’intermédiaire d’assurances incompatible avec l’exercice de la profession d’avocat

Ce statut d’intermédiaire d’assurances n’est pas apparu compatible avec l’exercice de la profession d’avocat au regard des dispositions de l’article R. 511-2 du code des assurances définissant limitativement les catégories de personnes pouvant exercer l’activité de distribution de produits d’assurance ou de réassurance (courtiers d’assurance ou de réassurance, agents généraux d’assurance, mandataires d’assurance ou d’intermédiaires d’assurance, salariés des entreprises d’assurance ou de réassurance, intermédiaires enregistrés sur le registre d’un autre État membre de l’UE), et de celles de l’article 6.3.6 du RIN, dans sa rédaction issue de la décision à caractère normatif du 26 janvier 2017, limitant l’exercice de cette activité à titre accessoire en qualité de « mandataire de l’assuré » uniquement « rémunéré par son client ». Le mandataire d’un intermédiaire d’assurance n’est pas, par définition, mandataire de l’assuré au sens du RIN. Il est par ailleurs exclu que l’avocat puisse exercer les professions de courtier, d’agent d’assurance ou même de mandataire d’assurances autre qu’un agent.

On soulignera utilement que les activités traditionnelles de conseil de l’avocat, telles qu’elles sont définies aux articles L 511-1, II et R. 511-1, alinéa 2, du code des assurances, se situent hors du champ de l’intermédiation, et donc de la réglementation spécifique applicable aux activités de distribution d’assurances ou de réassurances (fourniture de conseils n’ayant pas pour objet d’aider le souscripteur à conclure ou à exécuter un contrat d’assurance ou de réassurance, activité consistant exclusivement en la gestion, l’évaluation et le règlement des sinistres, travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat d’assurance ou de réassurance mentionnés au I de l’art. L. 511-1).

L’avocat mandataire d’intermédiaire d’assurances

La commission des règles et usages du CNB s’est dès lors emparée de la problématique pour permettre à la fois de clarifier le texte, l’adapter à la règlementation en vigueur et sécuriser l’activité de l’avocat. Elle a ainsi estimé nécessaire de modifier l’article 6.3.6 du RIN afin que le mandat spécial qu’il organise soit compatible avec les dispositions du code des assurances. Il est admis que l’avocat peut parfaitement intervenir dans des opérations d’intermédiation sans conférer un caractère commercial à son activité, dès lors que l’avocat intervient en qualité de mandataire de son client et que cette activité présente un caractère accessoire. Il s’agit en effet d’écarter toute confusion avec le courtage, dont les opérations commerciales par nature sont incompatibles avec l’exercice de la profession (RIN, art. 6.2), et d’éviter à l’avocat de se trouver en situation de conflit d’intérêts.

En conséquence, par décision du 7 mai 2021 portant modification du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat (JO 30 sept., texte n° 22), le CNB supprime de l’article 6.3.6 du RIN l’expression « uniquement en qualité de mandataire de l’assuré » et remplace la notion « d’intermédiaire en assurances » par celle de « mandataire d’un intermédiaire d’assurances ». Elle précise par ailleurs au même article que sa rémunération doit être conforme aux dispositions de l’article 11.3 du RIN, l’avocat intervenant en qualité de mandataire exclusif de son client, intermédiaire d’assurances. Il n’est ni courtier, ni apporteur d’affaires et son activité ne doit pas relever de la pratique des commissions.

Les obligations du code des assurances

La nouvelle rédaction du RIN précise que l’avocat qui décide d’exercer une activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances doit être en conformité avec la réglementation applicable et notamment avec les obligations d’immatriculation et de formation prévues par le code des assurances (C. assur., art. L. 512-1). Il devra ainsi s’immatriculer préalablement auprès du registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, tenu par l’ORIAS. Bien que l’ORIAS effectue un contrôle lors de l’inscription et lors des renouvellements annuels, le contrôle de l’activité des intermédiaires en assurance relève de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), autorité administrative indépendante adossée à la Banque de France.

S’agissant des conditions de solvabilité résultant de l’assurance de responsabilité prévues par le code des assurances, l’activité de l’avocat paraît couverte par son assurance responsabilité civile dès lors qu’elle entre dans les missions particulières énumérées à l’article 6.3 du RIN. L’avocat devra vérifier auprès de son barreau que cette position a bien été validée par la police d’assurance souscrite par ce dernier, ainsi que le niveau de couverture applicable par sinistre.

La déclaration préalable à l’Ordre

Enfin, selon les dispositions de l’article 6.4 du RIN, l’avocat qui entend exercer l’activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances, comme pour celles de mandataire en transaction immobilière, en gestion de portefeuille ou d’immeubles, de mandataire sportif, de mandataire d’artistes et d’auteurs, de lobbyiste, de syndics de copropriété, ou de délégué à la protection des données doit en faire la déclaration à l’Ordre, par lettre ou courriel adressé au bâtonnier. Il s’agit d’une simple déclaration et non d’une autorisation préalable.

Il en ressort que si l’activité de mandataire d’un intermédiaire d’assurances offre un nouveau champ de missions à l’avocat, il appartient à celui-ci d’être particulièrement vigilant sur le mandat qui lui est confié, le caractère accessoire de sa mission et le respect des principes essentiels de sa profession. 

(Original publié par Dargent)

Selon Rabelais, sur la grande porte de Thélème était inscrit :
Cy n’entrez pas, hypocrites, bigotz
Vieux matagotz, marmiteux boursouflés… 

De même, sur la porte de la Juridiction unifiée du brevet (JUB), on pourra inscrire que les pessimistes, hypocrites et ennemis du progrès ont fini par perdre leur pari : la JUB entrera bien en vigueur et ce, prochainement.

Et pourtant, les adversaires de cet immense projet, attendu depuis plus de quarante ans par les utilisateurs du système des brevets n’ont pas désarmé. Une première attaque devant la Cour constitutionnelle allemande s’était soldée par l’annulation en février 2020 de la loi de ratification allemande en raison d’une insuffisante majorité lors du vote au parlement (v. C. Meiller et V. Chapuis, Brevet : sale temps pour la juridiction unifiée du brevet, Dalloz actualité, 8 avr. 2020). Le gouvernement allemand, soutenu par la majorité des industriels et des utilisateurs de brevets, n’a pas tardé à présenter à nouveau au parlement la même loi de ratification. Celle-ci a été votée le 26 novembre 2020 à une large majorité (100 voix de plus que la majorité requise des 2/3).

Les adversaires, notamment la communauté open source, pensent que le brevet unitaire, rendu possible par la mise en œuvre de la juridiction unifiée, entraînerait un changement dans la protection du logiciel par brevet et même la destruction d’emplois. Ils ont donc soutenu le dépôt de deux nouveaux recours devant la Cour constitutionnelle allemande. Ces recours, avec demande d’injonction préliminaire, déposés en décembre 2020, se fondaient sur une prétendue violation de l’État de droit, sur une insuffisance d’indépendance des juges nommés pour six ans (et non à vie) et sur l’existence d’un plafonnement du montant des frais de représentation récupérables par la partie gagnante.

Le 23 juin 2021, la Cour constitutionnelle a rejeté les deux demandes d’injonction préliminaire et dit que la loi de ratification pouvait être promulguée sans attendre la décision au fond. Elle a considéré notamment que la prétendue atteinte à l’État de droit était insuffisamment motivée, que la procédure de nomination des juges ne portait pas atteinte aux principes démocratiques et enfin que l’article 20 de l’accord relatif à la JUB, qui mentionne la primauté du droit de l’Union européenne, avait seulement pour but d’éliminer les doutes sur l’application du droit de l’Union ou du droit national.

À la suite de cette décision, le président de la République fédérale d’Allemagne a procédé à la signature officielle de la loi de ratification le 7 août 2021 et elle a été promulguée le 12 août. La France, ainsi que dix-sept autres États de l’Union ayant déjà ratifié l’accord relatif à la JUB, ce dernier peut entrer en vigueur.

Il reste cependant quelques aménagements indispensables à réaliser, tels que la nomination des juges, l’établissement du greffe, la mise au point du système informatique ou la finalisation du règlement de procédure par le comité administratif. Tout cela demandera un certain temps avant que la juridiction ne soit pleinement opérationnelle. Le Protocole d’application provisoire (PAP) organise cette période transitoire. En outre, les conséquences du Brexit doivent être prises en compte.

À quoi sert le protocole d’application provisoire (PAP) ?

Le PAP, signé le 1er octobre 2015, prévoit que certaines dispositions de l’accord sur la JUB entrent provisoirement en vigueur.

C’est le cas de l’article 7, qui définit l’organisation de la 1re instance de la juridiction avec ses divisions locales et régionales et sa division centrale à Paris (avec les sections de Munich et de Londres). Il en est de même pour les articles 10 à 19 qui concernent le greffe, les différents comités administratifs, budgétaire et consultatif ainsi que les juges et leur formation. C’est encore le cas de l’article 35 sur le centre de médiation et de l’article 41 qui dispose que le règlement de procédure est définitivement adopté par le comité administratif après avis de la Commission européenne. Enfin, sont également concernées différentes dispositions prévues par les statuts de la juridiction, et notamment celles relatives aux élections des présidents de la 1re instance et de la cour d’appel.

Le protocole entre automatiquement en vigueur dès que treize États l’ont signé ou ont indiqué accepter l’application provisoire de ces dispositions. Le 27 septembre, un pas de plus a été franchi avec le dépôt par l’Allemagne des instruments de ratification du protocole. Il ne manque plus que deux États. On peut s’attendre à une ratification prochaine par l’Autriche et la Slovénie.

Dès l’entrée en vigueur du protocole, les préparatifs pour la mise en œuvre de la juridiction unifiée pourront commencer. Il s’agit notamment de la nomination des juges, de l’établissement du greffe, de la mise au point du système informatique ou de la finalisation du règlement de procédure. À cela on peut encore ajouter la finalisation du barème des taxes et des coûts récupérables. Tout cela demandera un certain temps, la durée probable étant estimée à environ huit mois.

Quid du Brexit ?

Le comité administratif pourra en outre procéder aux aménagements du texte de l’accord rendus nécessaires par le départ du Royaume-Uni. L’article 89, qui règle les conditions d’entrée en vigueur, ne nécessite aucun changement, le Royaume-Uni étant automatiquement remplacé par l’Italie en tant que troisième État avec le plus grand nombre de brevets après l’Allemagne et la France.

L’article 7-2 et l’annexe II de l’accord, qui mentionnent expressément une section de la division centrale à Londres, devront en revanche être modifiés. Il s’agit là de dispositions pratiques sans portée juridique, on peut donc penser que les aménagements rendus nécessaires à la suite du Brexit pourront être effectués par le comité administratif sans que les États membres aient l’obligation de procéder à de nouvelles ratifications d’un accord modifié. L’article 87-1 prévoit précisément la possibilité pour le comité administratif de décider d’une révision pour améliorer le fonctionnement de la juridiction. Les États membres peuvent cependant la refuser (art. 87-3), ce qui entraîne alors la convocation d’une conférence de révision. On notera à cet égard, que la loi de ratification allemande exige qu’une telle révision soit acceptée par une loi spécifique (art 1(2)).

Quelles modifications ?

Une section de la division centrale ne peut exister en dehors du territoire des États participants. La section de Londres ne peut pas être instituée depuis que le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne. Sa suppression ne laisse subsister à côté du siège de Paris, que la section de Munich. Les attributions prévues à l’origine pour la section de Londres pourraient, au moins à titre provisoire, être réparties entre Paris, lieu du siège de la division centrale, et Munich. Si, par la suite, une autre section de la division centrale devait être créée dans une autre ville européenne, cela demanderait probablement une ratification par les États Membres (v. W. Tilmann, Zur Nichtigerklärung des EPGÜ-Ratifizierungsgesetzes, GRUR 5/2020. 441).

Conclusion

L’entrée en vigueur du protocole d’application provisoire ne dépend plus que de son acceptation par deux pays. Dès qu’elle sera effective, une part importante de l’accord sur la JUB entrera automatiquement en vigueur.

Pendant une période d’environ huit mois, tout sera mis en œuvre pour que les dispositions restantes de l’accord puissent également s’appliquer. Dès que le comité préparatoire aura annoncé que tous les organes de la juridiction sont prêts (juges nommés, greffe et sous-greffes opérationnels, divisions locales et division centrale prêtes à recevoir les premiers dossiers), l’Allemagne, en tant que dernier État à ne pas l’avoir fait, déposera ses instruments de ratification auprès du Conseil de l’Union européenne. Le premier jour du quatrième mois faisant suite à ce dépôt, l’accord sur la JUB entrera complètement en vigueur et les premières actions en contrefaçon ou demandes de nullité, pourront être portées devant la juridiction.

Simultanément, le règlement (UE) 1257/2012 sur le brevet européen à effet unitaire (le brevet unitaire) deviendra immédiatement applicable dans tous les États ayant ratifié l’accord sur la JUB. Parmi les vingt-sept États membres de l’Union européenne, seize l’ont déjà fait. Les principaux absents sont pour l’instant des pays comme l’Espagne, la Pologne ou la Hongrie. De plus les pays hors de l’Union européenne, comme le Royaume-Uni ou la Suisse, ne peuvent bénéficier ni de la nouvelle juridiction ni du brevet unitaire.

Pour les sceptiques, il restera possible de profiter des dispositions transitoires. Elles permettent, pendant une durée de sept ans (éventuellement prolongeable), de choisir un tribunal national à la place de la JUB ou de faire enregistrer, pour une demande de brevet européen ou un brevet européen, une déclaration de dérogation selon laquelle seuls les tribunaux nationaux sont compétents pour cette demande de brevet ou ce brevet, jusqu’à son expiration. L’enregistrement de ces déclarations auprès du greffe de la juridiction pourra commencer dès l’ouverture d’une période préliminaire (sunrise period), probablement après que le système informatique soit opérationnel et le greffe institué en application du protocole provisoire.

L’avenir nous dira quelle politique adopteront les entreprises. Cela dépendra évidemment de la qualité, du coût et de la rapidité de la procédure devant cette nouvelle juridiction.

(Original publié par nmaximin)
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Quelques mois après que les députés aient publié au rapport sur problématiques de sécurité associées à la présence sur le territoire de mineurs non accompagnés (MNA ; v. AJDA 2021. 534 ), c’est au tour des sénateurs d’appeler à revoir la politique nationale en la matière. Dans un rapport d’information (n° 854), les auteurs formulent quarante propositions et partent d’un constat, celui du manque de cohérence : trop d’acteurs, ce qui engendre une multitude de procédures parallèles, et un défaut de pilotage. Pour les sénateurs, il est nécessaire de réformer la gouvernance de la politique d’accueil et de gestion des MNA en y associant le ministère des Affaires étrangères afin de prendre en compte la dimension internationale. Ils plaident pour le transfert à l’État de l’évaluation de la minorité et de la mise à l’abri des...

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(Original publié par pastor)

M. D., vacciné contre l’hépatite B, à titre obligatoire, pendant son service militaire, a souffert par la suite de divers troubles, en lien avec une myofasciite à macrophages, qu’il a attribués à cette vaccination. Il a bénéficié pour ce motif d’une pension militaire d’invalidité, mais le ministre des armées a rejeté sa demande d’indemnisation des préjudices non indemnisés par cette pension. Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel ont rejeté sa demande d’indemnisation. La...

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(Original publié par emaupin)

M. D., vacciné contre l’hépatite B, à titre obligatoire, pendant son service militaire, a souffert par la suite de divers troubles, en lien avec une myofasciite à macrophages, qu’il a attribués à cette vaccination. Il a bénéficié pour ce motif d’une pension militaire d’invalidité, mais le ministre des armées a rejeté sa demande d’indemnisation des préjudices non indemnisés par cette pension. Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel ont rejeté sa demande d’indemnisation. La...

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Auteur d'origine: emaupin

La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ne cesse décidément de nourrir l’actualité. Alors que la Commission vient de proposer une refonte globale du cadre en la matière (Doc. COM [2021] 420 à 423 final, 20 juill. 2021 ; v. notre article), la CJUE poursuit son travail sur les questions de fond. Et elles sont nombreuses. Le blanchiment des capitaux est une infraction de conséquence à une infraction principale. L’auteur de l’infraction principale peut-il alors être aussi poursuivi pour blanchiment (« autoblanchiment ») ? Dans l’affirmative, ceci ne porte-t-il pas atteinte au principe ne bis in idem ? Classiques en droit français, ces questions viennent d’être tranchées par la CJUE, dans une décision qui, bien qu’importante sur le plan des principes, a un intérêt limité. En effet, la dernière directive en la matière adoptée en 2018 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que certains types d’activités de blanchiment constituent des infractions pénales lorsqu’ils sont le fait de personnes ayant commis l’activité criminelle dont le bien provient ou y ayant participé (Dir. [UE] 2018/1673 du Parlement européen et du Conseil, 23 oct. 2018, art. 3, § 5, JOUE n° L 284, 12 nov.). Autrement dit, depuis la directive (UE) 2018/1673, dite « 5e directive anti-blanchiment », les États doivent incriminer l’autoblanchiment.

En l’espèce, la CJUE a été saisie de l’interprétation de la 4e directive...

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(Original publié par Thill)

Ni le moyen tiré de la méconnaissance des formalités de publicité conditionnant l’entrée en vigueur de la délibération prescrivant le plan local d’urbanisme (PLU) ni celui tiré de la méconnaissance des dispositions d’une zone de protection du patrimoine ne sont invocables contre un PLU approuvé.

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(Original publié par pastor)

La commune de Pertuis, après avoir prescrit la révision générale de son PLU par une délibération du 12 février 2010, a adopté son nouveau PLU par une délibération prise près de six ans plus tard, en décembre 2015.

Le premier moyen de l’arrêt portait sur l’invocabilité, à l’appui du recours dirigé contre un PLU, des moyens dirigés contre la délibération qui en prescrit l’élaboration. Ainsi que le prévoit l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme, les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des...

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(Original publié par pastor)

Dans le cadre de la restructuration d’une maison de culture, la commune de Bobigny a, par un acte d’engagement du 24 juin 2015, confié la réalisation de réseaux scénographiques à la société Amica pour un montant de 1 139 620,98 €. Par un courrier du 9 juin 2017, et à la suite de retards et autres difficultés intervenues durant l’exécution des travaux, la société Amica a adressé une demande de rémunération complémentaire à la commune. Après s’être vue notifier deux projets de décomptes généraux, la société Amica a contesté le décompte général du marché par un courrier du 18 août 2017. A la suite du silence gardé par la commune, la société Amica a saisi le tribunal administratif de Montreuil afin de condamner la commune de Bobigny au versement d’une somme de 1 263 441,85 €, en plus des intérêts moratoires et de la capitalisation des intérêts. Par un arrêt du 15 juin 2020, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par la société requérante contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a initialement rejeté sa demande.

Le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation, s’appuie sur les dispositions de l’article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) : « Si un différend survient entre le titulaire et le maître d’œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en...

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(Original publié par pastor)

La possibilité qu’ont les parties signataires d’un CDI de rompre unilatéralement le contrat se justifie à l’aune du principe de prohibition des engagements perpétuels. Pareil raisonnement ne trouve pas à s’appliquer au CDD, par nature temporaire. Si certains éléments peuvent justifier que les parties mettent un terme prématuré au contrat (C. trav., art. L. 1243-1), la rupture anticipée du CDD est en principe exclue et sanctionnée dès lors qu’elle ne repose sur aucune des exceptions légales. Lorsque le salarié est à l’initiative de la rupture illicite du CDD, l’employeur peut prétendre à des dommages-intérêts en fonction du préjudice subi (C. trav., art. L. 1243-3). En cas de rupture illicite de la part de l’employeur, le salarié peut obtenir le paiement d’une indemnité dont le montant couvre au minimum l’ensemble des salaires qu’il aurait perçu s’il avait travaillé jusqu’au terme de son contrat ainsi que les indemnités de fin de contrat (C. trav., art. L. 1243-4).

Si le principe même de l’indemnisation ne pose pas de véritable problème, il en va différemment lorsqu’on s’intéresse à la nature du dommage ainsi qu’à l’évaluation du préjudice subi. Cette difficulté s’observe notamment lorsque le salarié bénéficie d’un mode de rémunération aléatoire. Comme un témoignage de cette complexité, la chambre sociale s’est récemment prononcée sur l’étendue de l’indemnisation du salarié victime d’une rupture anticipée de son CDD.

En l’espèce, un...

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Auteur d'origine: Dechriste

Conclusion annuelle de la convention récapitulative par une centrale d’achats (avis n° 21-10 du 23 sept. 2021). La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) a été saisie par un fournisseur de produits destinés à la distribution automobile d’une demande d’avis sur la conformité au droit des pratiques mises en œuvre, principalement à l’occasion de la conclusion annuelle de la convention récapitulative, par l’un de ses clients, centrale d’achats. Le fournisseur expose, dans sa demande d’avis, que son client, à compter de la fin d’année 2017, et selon un processus similaire pour les années 2018, 2019 et 2020, a envoyé un projet de convention, élaboré unilatéralement, pour signature dans un délai très court (de l’ordre d’une quinzaine de jours au maximum) et sans laisser de possibilité de négociation. Pour la Commission, la pratique consistant, pour une centrale d’achats du secteur de la distribution automobile, à imposer à son fournisseur sa propre version de la convention récapitulative, sans possibilité de négociation et sous peine de déréférencement, peut, si les conditions prévues par le code de commerce sont réunies, contrevenir à la règle sur le déséquilibre significatif (C. com., art. L. 442-1, I, 2°) et à celle sur l’avantage sans contrepartie (C. com., art. L. 442-1, I, 1°). La solution vaut, selon la Commission,...

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(Original publié par Delpech)

L’adaptation du code de la consommation aux impératifs de la modernité est un objectif si ce n’est fondamental, au moins nécessaire pour la mise en jeu de la protection du consommateur notamment en droit de l’Union européenne (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Dépincé, Droit de la consommation, Dalloz, coll. « Précis », 10e éd., 2020, sur la construction européenne, p. 47, nos 43 s.). L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 sur la garantie légale de conformité vient à la fois moderniser et adapter les règles existantes pour tenir compte de cet objectif. Rappelons que cette ordonnance est la suite logique de la transposition de la directive (UE) 2019/770 sur les contrats de fourniture de contenus numériques ou de services numériques (v. J.-D. Pellier, Le droit de la consommation à l’ère du numérique, RDC 2019, n° 4, p. 86 s.) ainsi que de la directive (UE) 2019/771 concernant les contrats de vente de biens. L’ordonnance a été prise sur le fondement de la loi n°2020-1508 du 3 décembre 2020. Le Rapport remis au Président de la République indique que cette transposition obéit à « un souci de modernisation du cadre juridique de la protection des consommateurs, tenant compte de l’accroissement des ventes de produits connectés (tels que « l’internet des objets »), ainsi que de la fourniture de contenus et services numériques sous différentes formes ». Les nouvelles règles concernant la garantie légale de conformité s’appliquent aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2022 ainsi qu’aux contenus et services numériques fournis à compter de cette date. Cette étape finale permettra aux directives précédemment citées de déployer tous leurs effets en droit positif et d’assurer une protection plus importante du consommateur à une époque où le numérique est omniprésent. Le parcours reste toutefois semé d’obstacles. Les dispositions introduites sont d’une certaine complexité et il faudra composer avec quelques doutes sur le sens de certaines dispositions jusqu’à des interprétations jurisprudentielles prochaines. Ceci n’empêche pas le texte d’être plutôt bien mené et respectueux, dans l’ensemble, des directives transposées avec quelques mois de retard sur la date initialement convenue (à savoir le 1er juill. 2021 avant la pandémie de covid-19).

Nous étudierons les traits caractéristiques de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 afin de les examiner et de percevoir les changements majeurs en droit positif. À titre préliminaire, notons immédiatement que plusieurs dispositions sont touchées de manière incidentes par les modifications opérées par l’ordonnance. Ainsi en est-il particulièrement de l’article liminaire du code de la consommation dont nous verrons que sa refonte peut laisser perplexe certains auteurs. Les principaux changements opérés par l’ordonnance sont sur le volet de la vente de biens et sur le volet de la fourniture de contenus et de services numériques, lequel dépend étroitement du précédent. Tel est le plan de notre étude.

Une modification substantielle de l’article liminaire

L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 vient, en premier lieu, bousculer l’architecture de l’article liminaire du Code de la consommation. Le mot « bousculer » est employé à dessein puisqu’on assiste à une certaine hypertrophie de cet article liminaire avec l’ordonnance nouvelle. On sait que les définitions données avant le 1er octobre 2021 n’étaient pas forcément entièrement satisfaisantes (J.-D. Pellier, Droit de la consommation, Dalloz, coll. « Cours », p. 19, n°11). L’ordonnance du 14 mars 2016 ratifiée par la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 a pu apporter toutefois un éclairage intéressant en proposant un article unifiant trois définitions fondamentales à la matière pour l’application des règles du code de la consommation. La définition du professionnel, absente dans un premier temps, a pu à ce titre clarifier quelques discussions doctrinales en posant de nouvelles questions qui ne sont pas réglées par l’ordonnance n° 2021-1247 (J. Calais-Auloy, H. Temple et M. Depincé, Droit de la consommation, Dalloz, coll. « Précis », p. 4, nos 3 s.). 

Désormais, l’article liminaire du Code de la consommation accueille dix nouveaux venus au rang des définitions apportées : le producteur, les biens comportant des éléments numériques, le contenu numérique, le service numérique, le support durable, la fonctionnalité, la compatibilité, l’interopérabilité, la durabilité et les données à caractère personnel. Il reste assez intéressant de voir la technique à l’œuvre : la définition donnée de ces termes à l’orée du Code de la consommation donne un tempo bien différent de celui du Code civil, par exemple. On sait que certains juristes ont pu s’interroger sur l’utilité et le risque de définir dans la loi (G. Cornu, Les définitions dans la loi, Mélanges dédiés au doyen Jean Vincent, Dalloz LexisNexis, 1981, § 1er à la fois un « trésor de définitions » et § 36 « dogmatique, elle est plus rigide »). Les définitions introduites dans l’ordonnance n° 2021-1247 multiplient, probablement un peu trop, les délimitations légales pour mieux encadrer les transpositions des deux directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771. Mais il n’en reste pas moins que l’article perd probablement un peu en clarté au profit d’une délimitation certaine des notions évoquées par l’ordonnance (v. en ce sens, J.-D. Pellier, La dénaturation de l’article liminaire du code de la consommation (à propos de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques), à paraitre au Recueil).

Quoiqu’il en soit, l’ordonnance vient donc modifier de manière importante le cadre de l’article liminaire du Code de la consommation afin de procéder à des renvois réguliers pour mieux cerner les notions introduites, notamment sous l’angle des éléments numériques que sous-tend la transposition de la directive (UE) 2019/770.

Outre ce changement d’architecture de l’article liminaire, c’est bien évidemment la garantie légale de conformité qui occupe la place centrale de l’ordonnance éponyme. 

La métamorphose de la garantie légale de conformité

Comme le note le compte-rendu du Conseil des ministres du 29 septembre 2021, « la garantie légale de conformité couvre désormais également les produits numériques tels qu’un abonnement à une chaîne numérique ou l’achat d’un jeu vidéo en ligne. Elle est également applicable aux relations contractuelles des consommateurs avec les opérateurs de réseaux sociaux ».

L’ordonnance entend séparer dans deux sections distinctes la garantie légale de conformité pour la vente de biens (art. L. 217-1 à L. 217-32) et pour la fourniture des contenus et services numériques (art. L. 224-25-1 à L. 224-25-32) tous deux frappés du sceau de l’ordre public (art. L. 219-1 et L. 224-25-32) afin d’éviter tout contournement par le contrat ; ce qui réduirait la protection à une peau de chagrin (en ce sens, v. l’art. 22 de la dir. (UE) 2019/770 qui permet bien évidemment d’aller au-delà de la protection offerte par le législateur).

Une constante quel que soit le type de contrat envisagé doit immédiatement attirer l’attention. Les dispositions concernées sont applicables aux contrats conclus entre professionnels et consommateurs mais aussi aux contrats conclus entre professionnels et non professionnels (C. consom., nouvel art. L. 217-32 pour la vente de biens et nouvel art. L. 224-25-31 pour la fourniture de contenus numériques ou de services numériques). C’est une modification substantielle qui élargit la protection à de nouveaux horizons, de manière fort bienvenue puisque le non-professionnel est, peu ou prou, dans une situation comparable à celui du consommateur dans le cadre de la vente de biens ou de fournitures de contenus numériques puisque, par définition, n’agissant pas à des fins professionnels (v. art. liminaire).

Afin de dissuader toute pratique des professionnels faisant obstacle à l’application des règles introduites, l’ordonnance cite une myriade de sanctions civiles (C. consom., art. L. 241-5 à L. 241-7 pour la vente de biens ; art. L. 242-18-1 à L. 242-18-3 pour la fourniture de contenus numériques) et de sanctions administratives (C. consom., art. L. 241-8 à L. 241-15 pour la vente de biens ; art. L. 242-18-4 à L. 242-18-9 pour la fourniture de contenus numériques) afin d’assurer au texte une application raisonnée et, par l’effet comminatoire, empêcher toute inapplication à titre préventif.

Est ajouté un article L. 112-4-1 ainsi libellé : « lorsque le contrat de vente de biens ou le contrat de fourniture de contenus numériques ou de services numériques ne prévoit pas le paiement d’un prix, le professionnel précise la nature de l’avantage procuré par le consommateur au sens des articles L. 217-1 et L. 224-25-2 ». L’addition permet un gain de clarté pour les consommateurs qui sauront à quoi s’en tenir quand un contrat de vente ou de fournitures est offert sans le paiement d’un prix, ce qui se distingue assez souvent d’une complète gratuité par ailleurs puisque parfois des données personnelles peuvent être récoltées par le professionnel.

Afin de mieux cerner les nouveautés, nous diviserons le propos en deux sous-parties. Le texte utilise un modèle, celui de la vente de biens pour parachever la protection en adaptant celui-ci aux fournitures de contenus numériques et de services numériques.

Le modèle de la protection : la vente de biens

En ce qui concerne le domaine de la garantie légale de conformité, l’ordonnance n° 2021-1247 vient réécrire de manière substantielle l’article L. 217-2 du code de la consommation afin de procéder à des exclusions déjà présentes dans la loi (biens vendus par autorité de justice et enchères publiques) et pour expressément exclure les contrats de vente d’animaux. Sur ce point, le Rapport remis au président de la République vient rappeler que des dispositions spécifiques du Code rural sont applicables à ces derniers contrats (p. 2, par renvoi en réalité aux dispositions des vices cachés à certaines conditions).

Les recours demeurent les mêmes qu’auparavant en cas de défaut de conformité : la réparation ou le remplacement du bien comme solution de principe (sans frais, évidemment) avec un délai maximum pour le professionnel de trente jours. Si ceci n’est pas possible, le consommateur obtient la réduction du prix ou la résolution du contrat comme par le passé. La durée de cette garantie reste de deux ans à compter de la délivrance du bien (art. L. 217-3). 

Se créent souvent des discussions autour de ce qu’est la conformité du produit. L’article L. 217-4 issu de l’ordonnance vient, sans réelle surprise, faire référence à la conformité au contrat et l’article L. 217-5 donne des critères de conformité que l’ordonnance liste de manière in abstracto comme l’usage habituellement attendu d’un bien de même type ou la conformité à un échantillon ou à un modèle. Il faudra, bien souvent, préférer l’approche contractuelle car les critères objectifs peuvent laisser perplexes tant il sera difficile pour le consommateur d’y faire référence utilement.

La présomption d’antériorité survit également à l’ordonnance n° 2021-1247 à l’article L. 217-7 lequel subit une réécriture assez importante, par ailleurs, pour y inclure le cas où la vente de biens comporte des éléments numériques prévoyant une fourniture continue de contenus. Notons que pour les biens d’occasion, le délai passe de six actuellement à douze mois au 1er janvier 2022 (art. L. 217-7, al. 2 nouv.).

La construction d’un régime de la garantie légale de conformité pour les contenus numériques et les services numériques s’adosse à ce régime en l’adaptant ponctuellement dans une section dédiée.

Le parachèvement de la protection à travers la fourniture de contenus et services numériques

Sur les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques, deux définitions (celles de l’environnement numérique et de l’intégration) sont données à l’article L. 224-25-1 nouveau, ce qui renforce l’idée selon laquelle les définitions se sont multipliées dans le Code de la consommation afin de respecter au mieux le champ des transpositions notamment de la directive (UE) 2019/770 (sur ce point, v. J.-D. Pellier, Le droit de la consommation à l’ère du numérique, préc., spéc. n° 6).

La garantie légale de conformité applicable aux contenus numériques et aux services numériques ressemble peu ou prou à celle que nous connaissons pour la vente de biens. On y retrouve les traits caractéristiques de l’attente contractuelle avec la conformité du contenu au contrat conclu (C. consom., art. L. 224-25-12 nouv.). Les remèdes offerts par la directive (UE) 2019/770 aux problèmes de conformité se retrouvent aux articles L. 224-25-17 et suivants opérant comme pour la vente de biens pour un choix hiérarchisé. En premier lieu, il s’agit de la mise en conformité du contenu numérique, si possible. En second lieu, le consommateur peut obtenir la réduction du prix ou la résolution du contrat. Cette structure hiérarchisée se déduit des articles L. 224-25-18 à L. 224-25-23 nouveaux du Code de la consommation. On notera l’application possible de l’exception d’inexécution de l’article 1219 du Code civil : le consommateur peut suspendre le paiement de tout ou partie du prix jusqu’à ce que le professionnel ait satisfait aux obligations qui lui incombent dans la mise en conformité du contenu. Voici un renvoi au droit commun fort intéressant montrant que le droit de la consommation reste du droit spécial des contrats.

Le délai retenu est celui de deux ans à partir de la fourniture. Quand le service est fourni de manière continue, le professionnel est tenu des défauts apparaissant au cours de la période de fourniture, ceci n’étant que l’adaptation du délai précédent au type particulier de fourniture pendant un temps précis. La règle permet de prendre acte de manière dynamique des abonnements continus de type abonnement à un cloud (de sauvegarde de données, par exemple) ou de streaming. La présomption d’antériorité est d’une année à compter de la fourniture du service (C. consom., art. L. 224-25-16-I nouv.), là où elle est de deux ans à compter de la délivrance du bien comme nous l’avons étudié précédemment. La présomption est simple, le professionnel peut rapporter la preuve contraire s’il y parvient.

L’ordonnance n° 2021-1247 fait une place de choix aux mises à jour des contenus numériques, à travers les articles L. 224-25-24 nouveaux du code de la consommation avec, une fois de plus, une définition de ce qu’est une mise à jour dont le critère est le maintien, l’adaptation ou l’évolution des fonctionnalités ou des services numériques souscrits. Le consommateur dispose d’un droit à l’information de la disponibilité de ces mises à jour ainsi qu’à leur réception sur le produit concerné. Le Rapport remis au président de la République (p. 3) rappelle, à ce titre, que l’ordonnance reprend les innovations de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 sur la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Ceci se traduit par l’ajout d’une information du consommateur sur la durée des fournitures de mise à jour. L’ajout est important, par exemple, pour les logiciels systèmes qui cessent peu à peu d’être mis à jour quand une nouvelle version payante est disponible.

Conclusion

Voici donc une ordonnance qui entend accompagner le Code de la consommation dans une société du tout-numérique qui évite le gaspillage par ailleurs (v. par ex., l’extension automatique de six mois de la garantie légale en cas de réparation, art. L. 217-3 nouv.). Certains regretteront des définitions à foison et des règles trop nombreuses, parfois qualifiées de peu digestes par la doctrine. Mais le contenu final est une transposition assez fidèle des directives (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771 qui permettent une protection intéressante du consommateur. Le modèle de la vente de biens est tantôt calqué, tantôt adaptée pour éviter des écueils notamment sur les spécificités du numérique et la volatilité de son contenu. Ce premier pas doit être accueilli avec bienveillance et des adaptations se feront au fur et à mesure, notamment en premier lieu avec une loi de ratification.

(Original publié par chelaine)
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Des difficultés persistantes

Par sûretés grevant le fonds de commerce, il faut entendre le privilège du vendeur de ce fonds et le nantissement dudit fonds. Malgré une volonté de clarification du droit positif, ces sûretés ont été les oubliées de la grande réforme intervenue à l’occasion de l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, relative aux sûretés. En effet, ni l’une ni l’autre ont été directement touchées par le nouveau texte. Cependant, leurs régimes et leur efficacité subissent tout de même quelques incidences des règles nouvelles. En effet, le régime spécial du nantissement sur fonds de commerce est source de difficultés pratiques en raison de l’absence d’harmonisation (R. Dammann, La réforme des sûretés mobilières : une occasion manquée, D. 2006. 1298 ), notamment s’agissant de la possibilité ou non de conclure un pacte commissoire et celle de nantir un fonds futur (A. Reygrobellet, Fonds de commerce, Dalloz Action, 2012, nos 73.22 et 73.39). Par ailleurs, l’efficacité de ces sûretés est critiquée par la doctrine alors qu’elles sont fréquemment utilisées – du moins le nantissement – par les entreprises pour garantir leurs financements (M.-P. Dumont-Lefrand et H. Kenfack [dir.] et alii, Droit et pratique des baux commerciaux 2021/2022, 6e éd., Dalloz Action, 2020, n° 783.08). Concernant le droit de préférence reconnu au vendeur du fonds, sa portée réduite lui est reprochée : dans la mesure où le législateur protège les intérêts des créanciers chirographaires de l’acquéreur, le code de commerce dérogeant au principe d’indivisibilité du droit commun des sûretés en vertu duquel toute sûreté garantit la totalité de la dette, il y a un fractionnement du privilège en trois parties (marchandises, matériel, éléments incorporels) et surtout, le paiement des acomptes s’impute chronologiquement sur les marchandises, puis le matériel et, enfin, les éléments incorporels, ce qui implique que la garantie effective dont dispose le vendeur ne s’exerce quasiment jamais sur la totalité de la créance impayée du prix de vente (ibid., n° 783.06 ; A. Reygrobellet, Fonds de commerce, op. cit., n° 71.21 ; S. Rezek, Réflexion sur l’unité du privilège de vendeur de fonds de commerce, JCP N juill. 2011, n° 29, étude 1224 ; S. Rezek, Vingt raisons de réformer la vente des fonds de commerce, JCP N sept. 2006, n° 39, étude 1311). Quant au nantissement, de nombreux griefs sont formulés à son encontre. Au-delà de la complexité de son mode de constitution et son rang relativement médiocre (P. Deniau et P. Rouast-Bertier, Les sûretés réelles dans les financements de projet après l’ordonnance du 23 mars 2006, RD banc. fin. juill. 2008, n° 4, étude 13), il ne permet généralement pas au créancier d’être désintéressé de façon satisfaisante dans la mesure où celui-ci ne peut ni se prévaloir d’un droit de rétention même fictif ni demander l’attribution judiciaire ni en conséquence insérer dans le contrat de nantissement un pacte commissoire et la vente forcée du fonds n’est pas d’un grand secours dans le sens où ledit fonds a généralement perdu une grande partie de sa valeur (A. Reygrobellet, Fonds de commerce, op. cit., n° 71.22 ; M.-P. Dumont-Lefrand et H. Kenfack [dir.] et alii, Droit et pratique des baux commerciaux 2021/2022, op. cit., n° 783.07 ; P. Deniau et P. Rouast-Bertier, Les sûretés réelles dans les financements de projet après l’ordonnance du 23 mars 2006, art. préc.). Qui plus est, l’étroitesse de son assiette est également décriée par certains auteurs, ceux-ci estimant incongrues les restrictions opérées par l’article L. 142-2 du code de commerce qui énumère certains éléments du fonds de commerce alors que « l’universalité de la notion de fonds de commerce ouvrait des perspectives intéressantes » (P. Deniau et P. Rouast-Bertier, Les sûretés réelles dans les financements de projet après l’ordonnance du 23 mars 2006, préc. ; S. Rezek, Vingt raisons de réformer la vente des fonds de commerce, préc.). Voilà bien des doléances que le législateur de 2006 aurait dû entendre, mais il n’en fût rien. Par l’ordonnance de réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021, le législateur est venu impacter les deux garanties en modifiant les dispositions relatives au fonds de commerce dans le code de commerce, mais cela est-il bien suffisant ? Alors que les objectifs poursuivis par la réforme réunissaient la sécurité juridique, le renforcement de l’efficacité du droit des sûretés avec un maintien d’un niveau de protection satisfaisant des constituants et des garants ainsi que le renforcement de l’attractivité du droit français, notamment sur le plan économique, on constate que les changements apportés sont essentiellement superficiels, ce qui, certes, offre une simplification et une meilleure lisibilité des certaines règles en cause, mais ne s’attaque pas aux problèmes d’efficacité et d’attractivité économique en profondeur.

Des apports superficiels

Parmi les améliorations issues de l’ordonnance, on relate d’abord la simplification de certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce. Alors que certaines dispositions relatives à la publicité de ce nantissement complexifiaient inutilement les formalités d’inscription et fragilisaient la sécurité de cette garantie (Rapport au président de la République, sept. 2021, texte n° 18 ; Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés), le nécessaire a été fait avec la modification du second alinéa de l’article L. 142-3 du code de commerce, et la suppression du premier alinéa de l’article L. 142-4 du même code. Ainsi, le défaut d’inscription du nantissement dans le délai préfix n’est plus sanctionné par la nullité, mais par l’inopposabilité de l’acte. Il en va de même pour le défaut d’inscription à l’Institut national de la propriété industrielle qui se voit frappé d’inopposabilité selon la nouvelle formule de l’article L. 143-17, alinéa premier. La même substitution de sanctions (de la nullité par l’inopposabilité) est adoptée pour les défauts d’inscription du privilège du vendeur du fonds de commerce avec la reformulation des articles L. 141-6, alinéa premier et L. 143-17, alinéa premier. On recense également des remaniements terminologiques puisqu’il n’est plus question de « créancier gagiste » mais de « créancier nanti » ou de « créancier inscrit ». De la même manière, les deux sûretés ne sont plus qualifiées de « gages », mais par leur propre appellation. Cela est plutôt bienvenu pour dissiper les éventuelles confusions. Enfin, en vue de clarifier les règles de classement entre créanciers inscrits sur l’entier fonds et ceux inscrits sur un seul élément du fonds, en cas de vente de ce dernier, un nouvel article L. 143-15-1 fait son entrée dans le code de commerce, prévoyant que l’ordre sera fonction de l’antériorité de la date de l’inscription, sans autre distinction. De même, une réorganisation de l’articulation de l’article L. 143-3 est opérée qui précise la procédure par laquelle le juge est saisi d’une demande de vente du fonds en cas de poursuite de saisie-vente à l’encontre de son propriétaire.

Pour le reste, il échet d’admettre que les codificateurs n’ont pas dissout les problématiques de fond intéressant par exemple l’unification de l’assiette du privilège du vendeur de fonds de commerce. Le travail de juriste n’est donc toujours pas facilité sur ce point puisqu’il continuera à effectuer le choix de l’imputation des paiements (S. Rezek, Réflexion sur l’unité du privilège de vendeur de fonds de commerce, préc.). Le droit de préférence de ce privilège n’est pas non plus renforcé dans la mesure où il ne subsiste pas sur le prix de revente de l’ensemble du fonds jusqu’à extinction totale de la dette garantie par le privilège (ibid.). Rien n’est prévu aussi pour corriger l’incohérence du droit de suite en cas de revente du fonds grevé. Le droit de suite est accordé au créancier inscrit uniquement lors de la revente du fonds de commerce dans son universalité alors que le droit de préférence ne lui est réservé que sur les seuls éléments sur lesquels subsiste le privilège de vendeur de fonds de commerce par suite de l’imputation d’ordre public des paiements à terme ou des mensualités bancaires, ce qui est paradoxal (ibid.). Pourtant, l’ordonnance de réforme aurait pu être l’opportunité de cette unification pour simplifier la constitution et l’exercice de ce privilège et améliorer la protection du créancier inscrit sans pour autant léser le débiteur propriétaire du fonds grevé. En outre, le silence est gardé à l’égard des incertitudes inhérentes au nantissement du fonds de commerce en formation, tout comme à propos de la possibilité ou non de conclure un pacte commissoire. S’agissant encore de l’assiette du nantissement du fonds de commerce, aucune innovation n’est envisagée. Cet état des lieux sommaire ne laisse donc pas présager de grands chamboulements.

Des perspectives circonscrites

Ces deux sûretés ne ressortent pas vraiment grandies de cette nouvelle réforme. Et on songe presque à une seconde occasion manquée du législateur (après celle de 2006) de s’attaquer au régime des garanties affectant le fonds de commerce. Si on reconnaît bien volontiers que ces deux garanties demeurent utilisées par la pratique, souvent couplées, et qu’elles présentent une certaine attractivité notamment pour les bailleurs de fonds engagés dans les financements de projet , il reste qu’eu égard aux objectifs défendus par la réforme et à l’utilité des sûretés, qui n’est autre que de gérer le risque d’insolvabilité de son partenaire, ou tout au moins de renforcer ses chances de paiement en aménageant des mécanismes propices à développer la confiance en son débiteur, quelques améliorations auraient probablement mérité de voir le jour. Les perspectives d’avenir du privilège du vendeur et du nantissement de fonds de commerce semblent ainsi circonscrites.

 

 

Sur l’ordonnance « Réforme du droit des sûretés », Dalloz actualité a également publié :

• Réforme du droit des sûretés : saison 2, par Jean-Denis Pellier le 17 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 1) : le cautionnement (dispositions générales), par Jean-Denis Pellier le 20 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formation et étendue du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 20 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 3) : les effets du cautionnement, par Jean-Denis Pellier le 21 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 4) : l’extinction du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 21 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 5) : les privilèges mobiliers, par Cédric Hélaine le 21 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 6) : le gage, par Claire-Anne Michel le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 7) : le nantissement de créance, par Jean-Denis Pellier le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 8) : la réserve de propriété, par Claire-Anne Michel le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 9) : la fiducie utilisée à titre de garantie, par Cédric Hélaine le 23 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 10) : la cession de créance de droit commun à titre de garantie, par Jean-Denis Pellier le 23 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 11) : la cession de somme d’argent à titre de garantie, par Claire-Anne Michel le 24 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode final) : les sûretés réelles immobilières, par Cédric Hélaine le 24 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #1) : le code des procédures civiles d’exécution amendé, par Jean-Denis Pellier le 27 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Spin off #2) : le nantissement de compte-titres, par Cédric Hélaine le 28 septembre 2021

(Original publié par Dargent)

Le 20 juillet 2021, la Commission européenne a rendu public un ensemble de quatre textes dans le but de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Doc. COM (2021) 420 à 423 final, 20 juill. 2021). Dans un avis du 22 septembre 2021, le Contrôleur européen de la protection des données revient sur ce paquet législatif. S’il admet que l’harmonisation permise par le cadre proposé est essentielle pour gagner en efficacité dans la lutte contre les infractions visées et s’il accueille favorablement l’approche adoptée, basée sur les risques, il émet plusieurs recommandations visant à assurer la conformité du dispositif aux règles applicables en matière de protection des données personnelles. Ces recommandations concernent en particulier les données recueillies et les registres des bénéficiaires effectifs mais elles s’étendent en réalité à d’autres...

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(Original publié par Thill)
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Il arrive que les modes de rupture d’un contrat de travail se superposent puisque les parties sont susceptibles de rompre concomitamment le contrat pour des raisons indépendantes. La question se pose alors de savoir quel mode doit l’emporter sur l’autre, d’autant que chaque mode s’inscrit dans un cadre singulier au regard des enjeux pratiques de la rupture (réalisation d’un préavis, bénéfice de l’assurance chômage, montant de l’indemnisation, possible réintégration, …). Ce type de difficulté survient ainsi lorsque le salarié se trouve licencié pour inaptitude professionnelle après avoir saisi le juge d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Sur le principe, on sait que le juge doit, en premier lieu, statuer sur la demande de résiliation judiciaire avant de se prononcer sur le bien-fondé du licenciement (Soc. 16 févr. 2005, n° 02-46.649, D. 2005. 736 ; ibid. 2499, obs. B. Lardy-Pélissier et J. Pélissier ; Soc. 21 mars 2007, n° 06-40.650). Lorsque le juge accède à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié et analyse la rupture en un licenciement nul, l’employeur est-il malgré tout redevable de l’indemnité spécifique de licenciement ? Sur ce point, l’arrêt en date du 15 septembre 2021 est d’une utilité non négligeable.

Dans les faits, un salarié s’estimant victime de harcèlement moral avait saisi le tribunal pour faire constater l’attentisme de son employeur et obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Victime d’un...

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Auteur d'origine: Dechriste
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La dissolution de l’association Barakacity et celle du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), prononcées sur le fondement du 6° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’association. Le Conseil d’État a rejeté les recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation des décrets en cause, estimant que les publications des associations et de leurs dirigeants sont constitutives de propos haineux, et d’incitation à la haine ou à la violence.

L’association Barakacity (n° 445979) soutenait, comme elle l’avait fait devant le juge du référé du Conseil d’État (CE, ord., 25 nov. 2020, n° 445774, Barakacity (Assoc.), AJDA 2021. 1035 , note Zakia Mestari ; ibid. 2020. 2292 ; JA 2021, n° 632, p. 11, obs. X. Delpech ), que le décret ne pouvait se fonder sur des faits qui n’auraient été imputables qu’au président de l’association et non à l’association elle-même. Le Conseil...

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(Original publié par emaupin)
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La situation du gérant non salarié de succursale de commerce alimentaire se démarque par son caractère hybride : non salarié, il n’en est pas moins bénéficiaire d’un certain nombre de dispositions du code du travail en vertu de son article L. 7322-1. Aussi avait-il été jugé dans ce cadre que le gérant non salarié bénéficie de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale, dont le droit au versement des indemnités journalières en cas de maladie (Soc. 29 mars 1990, n° 87-14.121, RJS 6/1990, n° 536, 2e esp.), ou encore ceux relatifs à l’inaptitude (Soc. 15 mai 2007, n° 06-40.872, D. 2007. 1599 ; Dr. soc. 2007. 1054, obs. J. Savatier ). Et c’est précisément sur ces derniers que l’arrêt du 15 septembre 2021 invite à s’interroger, en particulier concernant le périmètre (fonctionnel) de l’obligation de reclassement qui y est associée.

En l’espèce, le contrat d’un gérant non salarié avait été rompu pour inaptitude. L’intéressé a alors saisi les juridictions prud’homales pour faire assimiler la résiliation à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les juges du fond firent droit à la demande, en déclarant abusive la résiliation, l’assimilant à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en constatant qu’elle avait été accompagnée de circonstances vexatoires préjudiciables pour le gérant imputables à la société, en condamnant par conséquent la société aux indemnités corrélatives.

La société, insatisfaite de cette décision, se pourvut en cassation. Celle-ci contestait en effet ne pas avoir rempli son obligation de reclassement. À ses yeux, il n’était possible de proposer au gérant, du fait de sa qualité, que des postes de co-gérants mandataires non-salariés, à l’exclusion de tout emploi salarié.

La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie de la question, va casser l’arrêt d’appel, au visa des articles L. 1226-10, L. 1226-12 et L. 7322-1 du code du travail dans leur version applicable au litige.

Par une lecture combinée de ces trois dispositions, la haute juridiction va affirmer que si les deux premiers articles précités s’appliquent en principe aux gérants non-salariés de succursales de commerce de détail alimentaire, l’obligation de reclassement en cas d’inaptitude du gérant non salarié de ces succursales s’exécute néanmoins dans le cadre du statut défini par l’article L. 7322-2 du code du travail, de sorte que l’entreprise propriétaire de la succursale n’est pas tenue d’étendre sa recherche aux emplois relevant d’un autre statut.

Or la cour d’appel avait, pour condamner la société, retenu une acception large de l’obligation de reclassement en considérant que celle-ci visait tout poste compatible avec les préconisations du médecin du travail, indépendamment du statut salarié ou non salarié, aussi comparable que possible à l’ancien poste et adapté aux capacités de l’intéressé.

Prédominance de la particularité du statut de gérant salarié sur une lecture stricte de l’obligation de reclassement

La Cour de cassation a pris le parti de ne pas opérer la même lecture croisée des articles du code du travail, en faisant primer la particularité du statut de gérant salarié sur la lettre des articles relatifs à l’obligation de reclassement.

Dès lors que l’intéressé relève de la définition évoquée à l’article L. 7322-2 du code du travail, qui implique notamment une exploitation de type succursale de commerce de détail alimentaire associée à un contrat ne fixant pas les conditions de son travail et lui laissant toute latitude pour embaucher des salariés ou se faire remplacer à ses frais et sous son entière responsabilité. Dès lors que ce statut est caractérisé, le reclassement – dans l’hypothèse où le gérant se trouve déclaré inapte – doit se penser en vase clos parmi les autres éventuels autres postes de gérants non-salariés.

Cette solution est la bienvenue, bien qu’elle n’allait pas de soi à la lecture des articles L. 1226-10, L. 1226-12 et L. 7322-1 du code du travail.

Les premiers de ces articles indiquent en effet que l’employeur doit lui proposer au titre de l’obligation de reclassement « un autre emploi approprié à ses capacités », étant précisé que cette proposition prend en compte « les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise ».

Or si l’article L. 1226-10 précise que l’emploi proposé est « aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé » » il ne dit mot sur l’éventualité d’un changement de statut, le cas échéant tout aussi radical qu’une bascule du non-salariat au salariat.

Cette solution pourra laisser dubitatif quant à l’intérêt de maintenir une obligation de reclassement pour cette catégorie de travailleurs. Comment reclasser un gérant non salarié de commerce de détail alimentaire sur un poste de même statut lorsque l’intéressé a précisément été déclaré inapte sur ce poste ? Sauf à ce que les conditions matérielles d’exécution puissent être aménagées pour amortir les causes qui ont conduit à la déclaration d’inaptitude, tout porte à croire que l’obligation de reclassement conduira dans la grande majorité des cas dans une impasse. Impasse dont s’accommodera plus facilement l’« employeur » propriétaire de la succursale, qui pourra se borner à évoquer l’impossibilité totale de reclassement au sens de l’article L. 1226-12 du code du travail (interprété au prisme des art. L. 7322-1 et L. 7322-2), faute de poste alternatif compatible avec l’avis d’inaptitude et soumis au même statut.

Elle nous apparaît toutefois pragmatique, dans la mesure où ouvrir le reclassement à l’ensemble des postes salariés aurait conduit à travestir la démarcation voulue par le législateur entre ce statut hybride et le salariat. Si le travailleur s’est engagé dans une démarche non salariale, il apparaîtrait effectivement quelque peu incohérent d’imposer à l’employeur de lui proposer un emploi salarié.

L’on notera que s’il ne ressort pas de cet arrêt une obligation pour l’employeur en la matière, il peut être envisageable, si le salarié est prêt à renoncer à son statut non-salarié et en exprime clairement le souhait, de lui proposer un emploi ne correspondant pas au statut identique. Il ne pourra cependant pas être tiré de conséquences de son refus si le poste proposé n’est pas en adéquation avec les éléments précédemment évoqués.

Un périmètre restreint de recherches de reclassement du gérant salarié inapte 

 

Cet arrêt vient donc apporter une réponse quant à l’exigence pesant sur l’employeur – propriétaire de succursale(s) de commerce alimentaire de détail – lorsqu’il est question de reclasser l’un de ses gérants non-salariés. Cette réponse peut être qualifiée de favorable à ce dernier, puisqu’elle implique un périmètre fonctionnel restreint d’office dès lors que le statut de gérant non-salarié est caractérisé. L’on pourrait alors déplorer que cette réduction de l’exigence pesant sur l’employeur se fasse, au moins en théorie, au prix d’une perte de garantie pour le gérant non salarié déclaré inapte et qui serait désireux de se voir proposer d’autres emplois, y compris salariés, dans la même structure ou le même groupe.

Une autre question, non tranchée par l’arrêt mais dont il serait possible d’inférer un début de réponse vient immédiatement à la suite : qu’en est-il de la réciproque ? Un employeur qui ne disposerait d’aucuns emplois salariés mais uniquement de postes de gérants non-salariés serait-il tenu de proposer à un gérant salarié l’un de ces postes ? À suivre la logique qui semble avoir commandé la rédaction de cet arrêt, une réponse négative devrait pouvoir être formulée.

Auteur d'origine: Dechriste

À titre de principe, les relations financières entre la France et l’étranger sont libres (C. mon. fin., art. L. 151-1), ce qui signifie, au premier chef, que les ressortissants étrangers peuvent effectuer librement des investissements étrangers sur notre sol, sous forme de rachat d’une participation dans une société ou d’une branche d’activité essentiellement. Ce principe est toutefois assorti d’exceptions, le gouvernement ayant, en effet, la faculté, pour « assurer la défense des intérêts nationaux », de soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle lesdits investissements, cela dans un certain nombre de secteurs considérés comme sensibles (C. mon. fin., art. L. 151-2). S’agissant des activités dans lesquelles les investissements étrangers sont soumis à autorisation préalable du ministre de l’Économie, ce sont celles « de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts...

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(Original publié par Delpech)

La réglementation de l’assurance vie n’a cessé de proliférer, tentant d’apporter une protection croissante aux acteurs de l’assurance vie, qu’ils soient assureurs, assurés ou bénéficiaires, ces derniers étant dénombrés à 37 millions en France selon la Fédération française de l’assurance (L. Mounoussamy, Assurance-vie : chiffres et fiscalité, LPA 30 sept. 2021, p. 9). Un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 16 septembre 2021 rappelle un principe procédural important : le bénéficiaire, s’il diffère de la personne du souscripteur, a dix ans pour agir dans un litige relatif à un contrat d’assurance sur la vie, et non cinq ans – comme en droit commun des contrats – ou deux ans – comme en droit commun des contrats d’assurance.

En effet, « il arrive que le législateur enserre certaines actions dans un délai spécial, ce qui conduit à écarter tout à la fois la prescription biennale et le délai de droit commun. L’article L. 114-1, alinéa 6, prévoit ainsi que « la prescription est portée à dix ans dans les contrats d’assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d’assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l’assuré décédé ». Cette disposition relève du bon sens. Dans les deux hypothèses visées par le texte, l’allongement du délai de prescription (de 2 à 10 ans) repose en effet sur la volonté de protéger les tiers au contrat désignés en qualité de bénéficiaires dans la police d’assurance. Ces derniers ont pu légitimement...

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(Original publié par rbigot)

Aux termes des articles L. 145-38 et L. 145-34 du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, les seuls indices pouvant être pris en considération à l’occasion de la révision et du renouvellement des baux commerciaux sont l’indice des loyers commerciaux (ILC) et l’indice des activités tertiaires (ILAT).

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(Original publié par Rouquet)

L’indice du coût de la construction (ICC) du deuxième trimestre 2021, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Informations rapides de l’INSEE n° 249, 24 sept. 2021) s’élève à 1 821, soit une hausse de 3,88 % sur un an, de 7,18 % sur trois ans et de 9,30 % sur neuf ans.

Avertissement : même si l’ICC est publié au Journal officiel, la date officielle de sa parution est celle de sa publication dans les Informations rapides de l’INSEE.

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(Original publié par Rouquet)

Après l’Assemblée nationale (v. AJDA 2021. 1117), le Sénat a adopté, le 23 septembre, la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, dite proposition de loi « Matras », du nom du député à l’origine du texte.

Les sénateurs ont accepté l’essentiel du dispositif, qui a le soutien du gouvernement. Leurs amendements, pour l’essentiel ont un caractère rédactionnel. Ils ont cependant supprimé l’article 22 A qui, en affirmant que l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires est « un engagement citoyen, librement décidé et consenti » et que cette activité « ne peut être...

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(Original publié par Montecler)

La législation applicable aux agents publics prévoit que lorsqu’un agent public est victime d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions professionnelles, celui-ci a le droit au maintien de son plein traitement et à la prise en charge, par son employeur public, des frais de soin en lien avec l’accident.

Ce régime, similaire à celui de l’accident de travail applicable aux personnels relevant du droit du travail, permet à l’agent victime d’un tel accident d’être placé en congé pour accident de service, lequel a été remplacé en 2017 par le congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS), durant la période de congé nécessaire à la guérison ou à la consolidation des séquelles médicales résultant de l’accident.

L’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d’activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a instauré, à l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un principe de présomption d’imputabilité au service pour les accidents de service. Il en résulte que, dès lors que l’accident est survenu « dans le temps et le lieu de service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal », l’agent victime n’a pas à démontrer que l’accident est bien en lien direct avec ses fonctions pour obtenir le bénéfice de cette législation. L’article 21 bis prévoit néanmoins deux exceptions : l’existence d’une faute personnelle de l’agent ou d’une circonstance particulière est de nature à renverser la présomption et à détacher l’accident du service. Sous l’empire de l’ancienne législation, et comme ce fût le cas dans la présente affaire jugée par le Conseil d’État, il appartenait à l’agent de démontrer que l’accident survenu durant le travail présentait un lien suffisamment direct et certain avec le service.

Traditionnellement, un accident de service correspond à l’apparition d’un événement soudain qui entraîne une atteinte à l’état de santé de l’agent. Il se caractérise essentiellement par la réunion de trois critères : la survenance d’un événement ou d’un fait qu’il est possible de décrire et de dater, le caractère soudain de cet événement, qui a lieu dans un court laps de temps, et l’existence d’une atteinte à l’état de santé de l’agent.
Toute lésion médicale qui ne résulterait pas d’un accident reconnu comme imputable au service relève dès lors du régime de droit commun, à savoir le placement de l’agent en congé de maladie ordinaire en cas d’arrêt de travail prescrit par son médecin.
 

Victime d’un syndrome anxio-dépressif après son entretien d’évaluation

En l’espèce, une agente du ministère de la Défense a été reçue, le 10 février 2015, par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d’évaluation professionnelle. Le lendemain, l’agente a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire. Le...

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(Original publié par pastor)

Un an après la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale (v. AJDA 2020. 2340), le projet de loi contient de nouvelles mesures fortes en faveur de l’aide aux personnes âgées en perte d’autonomie à domicile ou en établissement. Au total, l’État prévoit de débloquer plus de 400 M€ en 2022 (pour atteindre 1,3 Md€ en 2025). 280 M€ vont être dégagés en faveur des services à domicile. Un tarif national plancher de 22€/h d’intervention va être mis en place, c’est-à-dire un niveau de financement public minimum pour tous les services d’aide à domicile. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, lors de son déplacement à Autun le 23 septembre, une...

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(Original publié par emaupin)

Un an après la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale (v. AJDA 2020. 2340), le projet de loi contient de nouvelles mesures fortes en faveur de l’aide aux personnes âgées en perte d’autonomie à domicile ou en établissement. Au total, l’État prévoit de débloquer plus de 400 M€ en 2022 (pour atteindre 1,3 Md€ en 2025). 280 M€ vont être dégagés en faveur des services à domicile. Un tarif national plancher de 22€/h d’intervention va être mis en place, c’est-à-dire un niveau de financement public minimum pour tous les services d’aide à domicile. Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé, lors de son déplacement à Autun le 23 septembre, une...

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Auteur d'origine: emaupin
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La nécessité d’une acceptation expresse du salarié en cas de modification de son contrat de travail est désormais une garantie bien assise en droit social (v. Soc. 8 oct. 1987, Raquin, D. 1988. 57, note Y. Saint-Jours, Dr. soc. 1988. 135, note J. Savatier ; 10 juill. 1996, n° 93-40.966 P, Dr. soc. 1996. 976, obs. H. Blaise ), et ce quel que soit le motif de la modification (qu’il s’agisse par exemple d’une sanction, v. Soc. 16 juin 1998, n° 95-45.033 P, Hôtel le Berry, D. 1999. 125 , note C. Puigelier ; ibid. 171, obs. M.-C. Amauger-Lattes ; ibid. 359, chron. J. Mouly ; Dr. soc. 1998. 803, rapp. P. Waquet ; ibid. 1999. 3, note C. Radé ; ou encore d’un reclassement, Soc. 15 févr. 2012, n° 10-18.660). La modification non consentie, sous réserve qu’elle soit suffisamment grave pourra même parfois justifier une prise d’acte de rupture ou une demande de résiliation judiciaire du salarié (Soc. 12 juin 2014, n° 13-11.448, D. 2014. 1628 , note L. Driguez ; ibid. 2015. 829, obs. J. Porta et P. Lokiec ; Dr. soc. 2015. 206, chron. S. Tournaux ; RDT 2014. 447, étude P. Flores ).

Et ce principe de sanctuarisation du consentement ne trouve pas exception en présence d’un nouvel accord collectif (de droit commun), comme l’arrêt du 15 septembre 2021 présentement commenté nous en donne une nouvelle illustration.

En l’espèce, un salarié embauché pendant des années en contrat à durée déterminée (CDD) d’usage par France télévisions, évolua ensuite vers un contrat à durée indéterminée (CDI) en qualité de responsable de la mise à l’antenne des bandes annonces.

La rémunération brute mensuelle du salarié était fixée de façon forfaitaire, hors toutes primes ou indemnités. Or à compter de la transposition rétroactive au 1er janvier 2013 de l’accord collectif France télévisions du 28 mai 2013, cette rémunération avait été scindée en un salaire de base dont le taux était diminué pour y intégrer une prime d’ancienneté par avenant, mais sans que l’intéressé y ai consenti.

À la suite de quoi l’intéressé a saisi la juridiction prud’homale afin de faire constater, d’une part, que l’employeur avait modifié sans son accord la structure de sa rémunération et d’en tirer les conséquences indemnitaires et, d’autre part, afin de revendiquer le bénéfice d’une ancienneté intégrant ses périodes d’activité en CDD à proportion de ses périodes d’emploi.

Les juges du fond firent droit aux deux demandes du salarié, de sorte que l’employeur se pourvut en cassation.

L’impossibilité de modifier sans accord individuel la structure de la rémunération

L’employeur contestait l’affirmation selon...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Issues des travaux de l’Assemblée nationale (AJDA 2021. 1534 ), les deux propositions de loi tendent à faire évoluer la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui a vingt ans. Les sénateurs ont cependant émis des réserves quant à l’opportunité de les examiner dans le contexte actuel, au sortir d’une crise sanitaire et économique majeure, à quelques mois des élections présidentielles et alors qu’une réflexion a été engagée au niveau européen sur la réforme du pacte de stabilité, dont les conclusions annoncées...

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(Original publié par pastor)

La révision des seuils de ressources 2021/2022 en deçà desquels un bailleur ne peut imposer à son locataire un bail de sortie de la loi de 1948 est connue.

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(Original publié par Rouquet)
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La Cour de cassation poursuit son œuvre d’uniformisation des sanctions civiles en matière de taux effectif global (TEG), comme en témoigne l’arrêt rendu par sa première chambre civile le 22 septembre 2021. En l’espèce, une banque a consenti à un couple d’emprunteurs deux offres de prêts immobiliers, formalisés par actes authentiques les 17 et 23 octobre 2008. Arguant notamment d’un défaut de communication du taux de période du taux effectif global de chacun des contrats, les emprunteurs ont sollicité la nullité des stipulations d’intérêts.

La cour d’appel de Douai, dans un arrêt du 19 septembre 2019, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 11 janv. 2017, n° 15-24.914, D. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ), a prononcé cette nullité et a substitué le taux d’intérêt légal aux taux conventionnels, après avoir constaté que les taux de période des TEG des prêts incluant la période d’anticipation n’ont été ni mentionnés ni communiqués aux emprunteurs.

L’affaire ayant à nouveau été portée devant la Cour régulatrice, celle-ci censure l’arrêt douaisien au visa des articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et de l’article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 : les hauts magistrats rappellent tout d’abord le contenu de ces textes et l’existence, sous l’empire du droit normalement applicable à la cause, d’une dualité de sanctions suivant que le défaut de communication du TEG affecte l’offre de crédit (déchéance du droit au intérêts, v. par ex., Civ. 1re, 12 juin 2020, n° 19-12.984 et n° 19-16.401, Dalloz actualité, 26 juin 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 1292 ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen ; 6 janv. 2021, n° 18-25.865, Dalloz actualité, 19 janv. 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 76 ; RDI 2021. 145, obs. J. Bruttin ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. V. Valette-Ercole ; RTD com. 2021. 169, obs. D. Legeais ) ou le contrat lui-même (nullité de la stipulation d’intérêt et substitution à celui-ci de l’intérêt légal, v. par ex., Civ. 1re, 24 juin 1981, n° 80-12.903 ; 15 oct. 2014, n° 13-16.555, D. 2014. 2108, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2015. 2145, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RTD com. 2014. 835, obs. D. Legeais ). Ils rappellent également que ces sanctions ne sont encourues que dans l’hypothèse où l’écart entre le taux communiqué à l’emprunteur et le taux réel est supérieur à la décimale (concernant l’offre, v. par ex., Civ. 1re, 5 févr. 2020, n° 19-11.939, Dalloz actualité, 21 févr. 2020, obs. J.-D. Pellier ; D. 2020. 279 ; RDI 2020. 298, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 145, obs. J. Lasserre Capdeville ; Rev. prat. rec. 2020. 29, chron. V. Valette-Ercole ; RTD civ. 2020. 459, obs. N. Cayrol ; RTD com. 2020. 435, obs. D. Legeais . Concernant le contrat, v. par ex., Civ. 1re, 25 janv. 2017, n° 15-24.607, D. 2017. 293 ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2017. 449 , obs. J. Moreau, O. Poindron et B. Wertenschlag ; RTD com. 2017. 152, obs. D. Legeais ; Com. 18 mai 2017, n° 16-11.147, D. 2017. 1958 , note G. Cattalano-Cloarec ; AJDI 2017. 601 , obs. J. Moreau ; AJ contrat 2017. 336, obs. J. Martinet ).

Puis, la Cour fait état de l’évolution du droit en la matière : « pour les contrats souscrits postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n’encourt pas l’annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l’emprunteur » (pt 7). Elle ajoute, ensuite, que « Pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l’emprunteur, le régime des sanctions a été uniformisé et il a été jugé qu’en cas d’omission du taux effectif global dans l’écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d’erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287 P, D. 2020. 1440 ; ibid. 1434, note J.-P. Sudre ; ibid. 1441, note J.-D. Pellier ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2021. 223 , obs. J. Moreau ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 387, obs. F. Guéranger ; RTD civ. 2020. 605, obs. H. Barbier ; RTD com. 2020. 693, obs. D. Legeais ) » (pt 8). La première chambre civile rappelle alors qu’« Il avait également été jugé que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans le contrat de prêt ou un document relatif à celui-ci était sanctionné par la nullité de la clause stipulant l’intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l’intérêt légal (Civ. 1re, 1er juin 2016, n° 15-15.813, RTD com. 2016. 825, obs. D. Legeais ; 7 mars 2019, n° 18-11.617 ; 27 mars 2019, n° 18-11.448) » (pt 9). C’est précisément ce courant jurisprudentiel qui est brisé dans le présent arrêt et ce, au nom de l’uniformisation des sanctions civiles en matière de TEG : « Pour les motifs exposés au point 8 et dans la suite de l’arrêt précité du 10 juin 2020, il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 susvisé » (pt 10). À l’aune de cet objectif d’uniformisation, l’arrêt des juges du fond, en ce qu’il avait prononcé la nullité des stipulations d’intérêts mentionnées dans les contrats de prêts immobiliers et substitué le taux d’intérêt légal aux taux conventionnels sans constater un écart entre le TEG mentionné et le TEG réel supérieur ou égal à la décimale, ne pouvait donc qu’être cassé : « En statuant ainsi, alors que n’était nullement allégué un écart entre le TEG mentionné et le TEG réel supérieur ou égal à la décimale et qu’est seule encourue la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (pt 12).

L’arrêt sous commentaire est une excellente synthèse de l’actuelle position prétorienne à l’égard des sanctions civiles en matière de TEG, qui est en réalité dictée par la volonté de tarir le contentieux dans ce domaine (v. à ce sujet, P. Métais et E. Valette, Le contentieux du TEG : état des lieux d’un contentieux évolutif à l’aube de la réforme, JCP 2019. 122) et de répondre aux objectifs du droit l’Union européenne, qui impose, en matière de crédit comme en d’autres domaines, des « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives » (on retrouve en effet une telle exigence au sein de nombreuses directives, dont la dir. 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avr. 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs [art. 23] et la dir. 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 févr. 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel [art. 38]. La récente dir. 2019/2161/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 nov. 2019, dite « Omnibus », prévoit également cette exigence et met en exergue un certain nombre de critères devant être pris en considération à cet égard. V. à ce sujet, J.-D. Pellier, Regard sur la directive dite Omnibus 2019/2161/UE du 27 novembre 2019, RDC 2020/2, n° 9. Sur l’appréciation de ce triple caractère, v. CJUE 10 juin 2021, aff. C-303/20, Dalloz actualité, 2 juill. 2021, obs. J.-D. Pellier). Il n’en demeure pas moins que la solution adoptée revient à faire une application anticipée de l’ordonnance du 17 juillet 2019 (sur laquelle, v. G. Biardeaud, Succès en trompe-l’œil pour les banques, D. 2019. 1613 ; F. Clapiès, TEG : une clarification attendue du régime des sanctions civiles, RLDA oct. 2019, p. 20 ; X. Delpech, Un nouveau régime de sanctions en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, AJ Contrat 2019. 361 ; J. Lasserre Capdeville, L’adoption d’une sanction unique aux manquements liés au TEG/TAEG, JCP E 12 sept 2019. Act. 574 ; M. Latina, La sanction civile du TAEG est unifiée, L’essentiel Droit des contrats, oct. 2019, p. 2 ; P. Métais et E. Valette, La réforme du TEG adoptée : la déchéance du droit aux intérêts du prêteur proportionnée au préjudice… RLDC oct. 2019, p. 9 ; V. Prevesianos, Une ordonnance fixe les sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d’erreur du taux effectif global, Dalloz actualité, 30 juill. 2019), n’en déplaise à la Cour de cassation (Civ. 1re, 10 juin 2020, n° 18-24.287, D. 2020. 1440 ; ibid. 1434, note J.-P. Sudre ; ibid. 1441, note J.-D. Pellier ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI 2021. 223 , obs. J. Moreau ; RDI 2020. 448, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 387, obs. F. Guéranger ; RTD civ. 2020. 605, obs. H. Barbier ; RTD com. 2020. 693, obs. D. Legeais ; v. égal., Civ. 1re, 10 juin 2020, avis n° 15004, D. 2020. 1410, point de vue G. Biardeaud ; ibid. 2085, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2020. 446, obs. J. Bruttin ). Ce faisant, comme nous l’avions déjà souligné, elle applique (sans le dire) le principe de la rétroactivité in mitius en matière civile alors que ce principe est traditionnellement cantonné à la matière répressive en vertu de l’article 112-1, alinéa 3, du code pénal (en faveur d’une telle application, v. P.-Y. Gautier, Pour la rétroactivité in mitius en matière civile, in Mélanges dédiés à la mémoire du doyen J. Héron, LGDJ, 2009, p. 235).

En outre, et corrélativement, elle consacre une hypothèse de déchéance sans texte, ce qui est remarquable dans la mesure où elle y est en principe hostile (v. par ex., en matière de regroupement de crédits, Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 17-20.565, Dalloz actualité, 24 janv. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 68 ; AJDI 2019. 632 , obs. J. Moreau, M. Phankongsy et O. Poindron ; RDI 2019. 440, obs. J. Salvandy ; AJ contrat 2019. 184, obs. J. Lasserre Capdeville ; v. égal., en matière de surendettement, Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-25.160, D. 2020. 484 ; Rev. prat. rec. 2020. 9, chron. M. Draillard, Rudy Laher, A. Provansal, O. Salati et E. Jullien ; JCP E 11 juin 2020. 1227, note J.-D. Pellier). Il est vrai, cependant, que la solution présente le mérite de la cohérence, la Cour de cassation poursuivant son œuvre d’uniformisation, comme elle le déclare elle-même (v. égal., Com. 24 mars 2021, n° 19-14.307, Dalloz actualité, 8 avr. 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 692 ; AJDI 2021. 456 ; RTD civ. 2021. 404, obs. H. Barbier ).

(Original publié par jdpellier)

La première chambre civile de la Cour de cassation considère qu’il convient de poursuivre l’uniformisation des sanctions en matière de TEG et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans un contrat de crédit immobilier est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l’écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l’annexe à l’article R. 313-1 du code de la consommation.

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(Original publié par jdpellier)
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La faute intentionnelle occupe, une nouvelle fois, le devant de la scène judiciaire. Les enjeux sont importants : trop ouvrir la conception d’une telle faute conduit les assureurs à la soulever avec beaucoup d’opportunisme ; trop la restreindre risque, au contraire, d’inhiber les vertus préventives de ce mécanisme disciplinaire de l’assurance. Dans l’affaire soumise à la deuxième chambre civile le 16 septembre 2021, le recours d’un assureur de dommages à l’encontre de l’assureur de responsabilité de l’auteur d’un incendie s’étant propagé au-delà de ses espérances met en lumière ces deux conceptions possibles de la faute intentionnelle, l’une restrictive, garante de l’indemnisation des victimes, l’autre assouplie, garante de la fonction normative face à de tels comportements antisociaux. La Cour de cassation devait ainsi, à nouveau, faire un choix entre ces deux approches de la faute intentionnelle, en somme entre deux sortes d’individus : l’« âne incendiaire » et l’« âme incendiaire ». L’âne incendiaire, lequel n’est pas conscient des dommages collatéraux dont il est à l’origine, doit-il continuer à bénéficier de la couverture d’assurance pour les dommages qu’il n’avait pas envisagés en démarrant le feu ? Doit-on le distinguer du pyromane ayant une âme incendiaire, lequel a délibérément recherché la réalisation de l’entier dommage, tel qu’il est survenu ? En présence d’une infraction pénale, la Cour de cassation continue de marquer sa préférence pour la conception restrictive de la faute intentionnelle, s’inscrivant généralement, et fort légitimement, dans une politique jurisprudentielle d’indemnisation des victimes.

La faute intentionnelle, cause d’exclusion de garantie de l’assureur

Rappelons que « L’assureur ne répond pas des pertes et dommages résultant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré » (C. assur., art. L. 113-1, al. 2). En effet, « une telle faute supprime l’aléa qui doit être la source de la réalisation du risque. L’absence d’assurance vaut alors « à l’égard de tous » (Civ. 1re, 15 janv. 1985, n° 83-14.742) : toutes les personnes qui auraient pu bénéficier de la garantie de l’assureur s’en trouvent privées. Seule la faute de l’assuré est prise en compte (par ex. le meurtre de l’assuré par un tiers demeure un évènement aléatoire, et donc un risque assurable). La jurisprudence retient, traditionnellement, une conception unitaire de la faute inassurable, la faute dolosive étant absorbée par la faute intentionnelle. Cette dernière est définie très strictement, la Cour de cassation exigeant que l’auteur de la faute ait eu « la volonté de commettre le dommage tel qu’il s’est réalisé » (Civ. 2e, 23 sept. 2004, n° 03-14.389, D. 2005. 1324 ; ibid. 1317, obs. H. Groutel ; RDI 2004. 517, obs. L. Grynbaum ). Il ne suffit pas d’avoir voulu l’acte à l’origine du dommage : d’une part, le dommage doit lui-même avoir été recherché (Civ. 1re, 10 avr. 1996, n° 93-14.571 : ne commet pas de faute intentionnelle le conducteur qui provoque délibérément une collision s’il n’est pas établi qu’il avait la volonté de causer le dommage en ayant résulté) et, d’autre part, ce dernier ne doit pas excéder, lors de sa survenance, ce que son auteur avait l’intention de causer (Civ. 1re, 11 déc. 1990, n° 88-19.614 : lorsque l’assuré a voulu incendier un immeuble mais n’a pas recherché la réalisation de dommages aux propriétés voisines, sa faute intentionnelle n’est pas caractérisé concernant ces derniers) » (A. Cayol, Les garanties interdites, in R. Bigot et A. Cayol (dir.), Le droit des assurances en tableaux, préf. D. Noguéro, Ellipses, 1re éd., 2020, p. 122).

Dit autrement, « deux visions s’affrontent concernant la notion même de faute intentionnelle en droit des assurances » (D. Krajeski, note sous art. L. 113-1, in B. Beignier et J.-M. Do Carmo Silva [dir.], Code des assurances, LexisNexis, 2021, p. 95, n° 17).

En l’espèce, le propriétaire d’un immeuble a subi la destruction de son bien par suite d’un incendie volontaire. Par jugement du tribunal correctionnel, l’auteur des dommages a été déclaré coupable de l’infraction de dégradation ou détérioration du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes, et condamné à une peine d’emprisonnement. Par décision du 26 septembre 2014, le tribunal correctionnel, statuant sur intérêts civils, a condamné l’incendiaire à réparer le préjudice matériel subi par le propriétaire.

Ce dernier a perçu de son assureur « multirisque habitation », la société Gan assurances, une somme au titre de l’indemnité immédiate et une partie de l’indemnité différée. La société Gan assurances, exerçant son recours subrogatoire, a ensuite réclamé à la société Aviva assurances – assureur de l’auteur des dommages – le règlement de la somme payée, à titre amiable, à son assuré. La société Aviva assurances lui a opposé un refus, au regard de l’exclusion de garantie prévue au contrat « multirisque habitation ». Le propriétaire a alors assigné la société Aviva assurances afin que soit retenue la garantie de cette dernière, en qualité d’assureur « responsabilité civile » de l’auteur des dommages, et qu’elle soit condamnée à l’indemniser des dommages subis du fait de son assuré. La société Gan assurances est intervenue volontairement à l’instance aux fins de condamnation de la société Aviva assurances à lui payer les sommes versées à son assuré.

La cour d’appel a débouté la victime de ses demandes, aux motifs que « la faute intentionnelle était caractérisée dès lors que l’assuré avait volontairement commis un acte dont il ne pouvait ignorer qu’il allait inéluctablement entraîner le dommage et faire disparaître l’aléa attaché à la couverture du risque et qu’il n’était dès lors pas nécessaire de rechercher si l’assuré avait voulu le dommage tel qu’il s’est réalisé » (pt 13). La conception souple - ou large - de la faute intentionnelle, était donc retenue. Les juges du fond relèvent ainsi que les pièces de l’enquête pénale établissent l’intention l’auteur du dommage de causer un préjudice à autrui dès lors qu’il a enflammé, en pleine nuit, volontairement, avec un briquet, de l’essence sous une porte vitrée de l’immeuble qui a explosé sous l’effet de la chaleur. Ils soulignent que l’auteur du dommage a recherché à commettre par incendie des dégâts dans des lieux habités, et qu’il importe peu que « son degré de réflexion ne lui ait pas fait envisager qu’il n’allait pas seulement nuire à son ex-compagne, qu’il a consciemment agi en utilisant des moyens à effet destructeur inéluctable avec la volonté manifeste de laisser se produire le dommage survenu » (pt 15).

Se voyant ainsi opposé une exclusion de garantie pour tous les préjudices causés par la faute intentionnelle de l’incendiaire, le propriétaire et son assureur de dommages ont formé un pourvoi en cassation. Selon eux, la cour d’appel aurait violé l’article L. 113-1 du code des assurances en retenant une faute intentionnelle sans caractériser la volonté de l’assuré de causer le dommage tel qu’il est survenu.

La Cour de cassation censure partiellement la décision des juges du fond, au visa de l’article 1134, devenu 1103, du code civil et de l’article L. 113-1 du code des assurances. Elle rappelle, tout d’abord, le principe selon lequel « la faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu et n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l’infraction » (pt 11). Elle réaffirme aussi qu’il en résulte que, « pour exclure sa garantie en se fondant sur une clause d’exclusion visant les dommages causés ou provoqués intentionnellement par l’assuré, l’assureur doit prouver que l’assuré a eu la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu » (pt 12). 

La Cour de cassation en conclut que la cour d’appel a violé les textes susvisés en retenant la qualification de faute intentionnelle « alors qu’il résultait de ses propres constatations que l’assuré, qui avait agi dans le but de détruire le bien de sa compagne, n’avait pas eu la volonté de créer le dommage tel qu’il était survenu » (pt 16). En somme, l’âme incendiaire portant sur l’entier dommage est écartée.

Bien que le contrat litigieux intègre une clause d’exclusion de garantie pour faute de l’assuré distincte de l’exclusion légale posée par l’article L. 113-1 – la deuxième chambre civile admettant cette autonomie (Civ. 2e, 18 oct. 2012 et 30 avr. 2014) à l’inverse de la chambre commerciale (Com. 20 nov. 2012) –, l’analyse retenue par la Cour de cassation en l’espèce conduit en pratique à dénuer une telle clause de toute utilité. La définition de la faute intentionnelle, au sens de la clause contractuelle, est en effet la même que celle de la faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances.

Une conception stricte de la faute intentionnelle

La Cour de cassation retient, en l’espèce, une conception stricte – objective – de la faute intentionnelle, à l’instar de nombreuses décisions similaires rendues par le passé. Tel a notamment été le cas concernant des collégiens qui avaient mis le feu à la façade, recouverte de vigne vierge, de leur établissement scolaire, dans le seul but de gêner l’administration, l’incendie s’étant propagé au-delà de leurs espérances. Dans la mesure où ces adolescents n’avaient pas souhaité aboutir à un tel dommage, aucune faute intentionnelle n’a été retenue à leur encontre (Civ. 1re, 21 juin 1988, n° 86-15.819). Le même raisonnement a été retenu concernant des incendies qui se sont étendus à d’autres biens que ceux visés par les incendiaires : l’incendie se propageant à un immeuble voisin de celui incendié volontairement (Civ. 1re, 13 nov. 1990, RCA 1991, n° 28 ; RGAT 1991. 53, note Maurice ; Civ. 1re, 11 déc. 1990, RCA 1991, n° 68), l’incendie de la porte d’un appartement se répandant à la cage d’escalier (Civ. 1re, 29 oct. 1985, n° 84-14.039, D. 1987. Somm. 35, obs. H. Groutel) ou encore l’incendie d’un appartement résultant d’une explosion elle-même provoquée par le gaz au moyen duquel le locataire s’était suicidé (Civ. 1re, 24 janv. 1966, Bull. civ. I, n° 51 ; D. 1966. 375 ; RGAT 1966. 375, note Besson ; 28 avr. 1993, RCA 1993, n° 241, obs. S. Bertolaso).

Rappelons que la qualification pénale ne lie pas les juges du fond concernant l’aspect assurantiel du litige. Ces derniers sont tenus d’examiner à nouveau que le fait générateur du dommage a été voulu, tout comme l’entier dommage qui en est résulté (Civ. 1re, 9 juin 2011, n° 10-15.933). L’assuré bénéficiant d’une ordonnance de non-lieu peut parfaitement être soumis à l’examen d’une faute intentionnelle devant le juge civil (Civ. 2e, 18 janv. 2006, n° 04-15.790, RCA 2006. Comm. 151).

Autrement dit, la faute intentionnelle selon le juge pénal n’est pas assimilable à la faute intentionnelle au sens de l’assurance et retenue par un juge judiciaire (Civ. 1re, 6 avr. 2004, n° 01-03.494, D. 2004. 1425, et les obs. ; Rev. sociétés 2005. 190, note H. Matsopoulou ; RGDA 2004. 370, note J. Kullmann). Seul le dommage recherché par l’assuré – condamné pénalement – est exclu de la garantie due par l’assureur, en présence d’une faute intentionnelle impliquant la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu (Civ. 2e, 12 juin 2014, n° 13-15.836, RGDA 2014. 496, note J. Kullmann ; RCA 2014. 321, note H. Groutel ; 9 juin 2011, n° 10-15.933, RGDA 2011. 954, note J. Bigot). En dehors du domaine de l’incendie, un assuré condamné pour coups et blessures volontaires, mais n’ayant pas manifesté le désir d’obtenir le dommage tel qu’il est survenu, a ainsi obtenu la garantie de son assureur (Civ. 1re, 22 juill. 1985, n° 84-10.087). Le principe retenu par la Cour de cassation est que « la faute intentionnelle au sens de l’article susvisé, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu, n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l’infraction » (Civ. 2e, 12 juin 2014, n° 13-15.836, RGDA 2014. 496, note J. Kullmann ; 16 janv. 2020, n° 18-18.909, RCA 2020. 95, obs. H. Groutel). La deuxième chambre civile s’est encore récemment prononcée en ce sens pour des faits similaires à ceux de l’affaire commentée (incendie volontaire d’un local) concernant les dommages collatéraux causés à l’immeuble (Civ. 2e, 8 mars 2018, n° 17-15.143, LEDA 2018, obs. F. Patris).

La doctrine s’accorde à dénoncer la complexité des situations factuelles et le manichéisme des conséquences pour les victimes (S. Abravannel-Jolly, La faute intentionnelle ou dolosive en droit des assurances, intervention au congrès international du droit des assurances, bjda.fr 2019, n° 66 ; J. Bigot, L. Mayaux et A. Pélissier, Faute intentionnelle, faute dolosive, faute volontaire : le passé, le présent et l’avenir, RGDA 2015. 75). Après de nombreux tâtonnements, il semble que la Cour de cassation sorte progressivement du « flou » (J. Bigot et alii, Traité de droit des assurances. Le contrat d’assurance, 2e éd., LGDJ, t. 3, 2014, n° 1651) dans laquelle elle pouvait parfois s’inscrire. La décision du 16 septembre 2021 confirme le maintien de la faute intentionnelle et de sa conception stricte dans le domaine de l’incendie volontaire en cas de condamnation pénale. Elle marque ainsi une césure nette avec la faute dolosive, retenue dans d’autres domaines, avec d’importants efforts pédagogiques, par la deuxième chambre civile (Civ. 2e, 20 mai 2020, n° 19-11.538, Dalloz actualité, 9 juin 2020, obs. R. Bigot : « La faute intentionnelle et la faute dolosive, au sens de l’article L. 113-1 du code des assurances, sont autonomes, chacune justifiant l’exclusion de garantie dès lors qu’elle fait perdre à l’opération d’assurance son caractère aléatoire, la prise de risque en ayant manifestement conscience de commettre un dommage suffisant à caractériser la faute dolosive »). Bien qu’elle ne fasse pas expressément référence à la notion de faute dolosive, la troisième chambre civile a récemment retenu les mêmes critères pour exclure la garantie de l’assureur dans un arrêt inédit (Civ. 3e, 10 juin 2021, n° 20-10.774, R. Bigot et A. Cayol [dir.], « Chronique de droit des assurances », Lexbase, Hebdo édition privée, n° 874 du 22 juill. 2021). Elle semble ainsi enfin faire un pas vers la consécration d’une faute dolosive distincte de la faute intentionnelle, en abandonnant sa conception unitaire de ces deux notions (D. Noguéro, Vers une évolution de la troisième chambre civile pour une conception moins stricte de la faute intentionnelle ou dolosive ?, RDI 2017. 485 ; Faute intentionnelle ou dolosive ? Tradition confirmée de la troisième chambre civile de l’exigence du dommage tel qu’il est survenu, RDI 2015. 425 ). Un tel pluralisme des fautes (B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 3e éd., LGDJ, Lextenso, 2018, n° 512) permet de s’adapter aux spécificités de certains secteurs (par ex. de certaines professions réglementées, R. Bigot, Le radeau de la faute intentionnelle inassurable (à propos de Civ. 1re, 29 mars 2018, nos 17-11.886, 17-16.558), bjda.fr 2018, n° 57 ; La faute intentionnelle ou le phœnix de l’assurance de responsabilité civile professionnelle, RLDC 2009/59, n° 3406, p. 72-77) ou à leur complexité.

Afin que les victimes n’aient plus à supporter le risque de ne pas être indemnisées en cas d’insolvabilité du débiteur, il a pu être proposé de prévoir en la matière une simple déchéance de garantie – opposable à l’assuré mais pas aux victimes – (S. Pellet, La faute dolosive est inassurable : la deuxième chambre civile de la Cour de cassation persiste et signe, RDC 2019, n° 1, p. 42). Plutôt que sonder parfois l’insondable âme incendiaire, ne serait-ce pas une voie pour dissuader davantage l’âne incendiaire tout en préservant les victimes collatérales ?

(Original publié par rbigot)

Dès lors que le propriétaire d’un immeuble classé ou inscrit aux monuments historiques s’est vu notifier ce classement, la servitude afférente lui est opposable, même si elle n’a pas été annexée au plan local d’urbanisme (PLU). De ce fait, sa demande de permis de construire relève de la procédure dérogatoire prévue à l’article L. 621-7 du code du patrimoine et le silence de l’administration pendant cinq mois vaut refus.

La société civile La Place Gambetta avait fait réaliser des travaux, incluant une modification de la...

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(Original publié par Thill)

Depuis le 1er octobre 2018, les procédures de passation des marchés publics d’un montant supérieur à 25 000 € HT doivent être totalement dématérialisées. Les soumissionnaires, mais également les acheteurs publics, peuvent toutefois se heurter à des difficultés techniques qui ont des conséquences, nouvelles pour le juge administratif, sur la passation d’un contrat. C’est l’hypothèse, en particulier, de la tardiveté d’une offre causée par les dysfonctionnements de la plateforme de dépôt de l’acheteur public.

La Régie autonome des transports parisiens (RATP), par un avis d’appel public à la concurrence publié le 25 novembre 2019, lance une procédure négociée en vue de passer un accord-cadre multi-attributaire à marchés subséquents relatif à la fourniture d’autobus électriques standards de douze mètres, avec un montant maximum de 825 000 000 € et sans montant minimum. La société Alstom-Aptis, spécialisée dans le secteur de la construction de véhicules automobiles, voit son offre rejetée par la RATP par un courrier en date du 17 décembre 2020 au motif que cette offre aurait été remise tardivement sur la plateforme numérique dédiée.

La société Alstom-Aptis saisit le juge des référés du tribunal administratif de...

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(Original publié par pastor)

Aux côtés de la délégation élue du personnel, le code du travail a prévu la présence de représentants des syndicats représentatifs dans l’entreprise au comité social et économique. Chaque organisation syndicale concernée peut ainsi choisir un membre du personnel, qui doit remplir les conditions pour être éligible audit comité, pour porter ses couleurs aux séances avec une voix consultative. L’article L. 2314-2 du code du travail, situé dans la section relative à la composition du CSE, limite cette désignation aux entreprises d’au moins 300 salariés. Un renvoi à l’article L. 2143-22 du code permet de savoir qu’en deçà de ce seuil, c’est le délégué syndical qui remplit cette mission, étant de droit représentant syndical au comité social et économique. Il s’agit d’une transposition de règles déjà applicables au comité d’entreprise.

Partant, la distinction concernant la personne occupant ces fonctions, fondée sur l’effectif, paraît simple. Cependant, au regard de la rédaction des textes, la question de la situation des entreprises de moins de cinquante salariés pouvait se poser. Si, auparavant, ces dernières n’étaient pas concernées par le comité d’entreprise, la réforme organisant la suppression de celui-ci et des délégués du personnel les a dotées d’un comité social et économique. Or, les dispositions relatives à cette institution y prévoyant la présence du représentant syndical ne précisent pas qu’il n’a lieu d’être que dans les entreprises...

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Auteur d'origine: Cortot

par Cédric Hélaine, Docteur en droit, Juriste assistant placé auprès du Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provencele 29 septembre 2021

Civ. 1re, 22 sept. 2021, F-B, n° 19-24.817

Les panneaux photovoltaïques continuent de nourrir avec abondance le contentieux de droit de la consommation tant les particuliers qui les font installer peuvent parfois être déçus de la production effective d’électricité qu’ils peuvent revendre à EDF par raccordement au réseau ERDF. C’est ainsi qu’un certain nombre de déçus engagent des actions en nullité des contrats qui se répercutent nécessairement sur les emprunts qui y sont attachés. Dans d’autres situations, c’est au moment d’une action du prêteur de deniers qu’une demande reconventionnelle de nullité apparaît devant les juridictions. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 septembre 2021 commenté aujourd’hui s’inscrit dans cette seconde optique. Les faits sont classiques : une personne a conclu avec une société un contrat de fourniture et d’installation de douze panneaux photovoltaïques d’une puissance globale de 3 000 Wc financé par un crédit souscrit le même jour auprès d’une société bancaire aux droits de laquelle vient une autre société très connue du grand public. Une fois les panneaux posés, l’emprunteur ne rembourse aucune échéance du prêt conclu. La banque assigne donc en paiement l’acquéreur qui a sollicité reconventionnellement la nullité des contrats conclus hors établissement après avoir mis en cause la société venderesse des panneaux photovoltaïques.

L’affaire mélange un certain nombre de points car l’emprunteur avait soulevé de nombreux moyens devant la juridiction d’appel. Trois points majeurs ont été discutés devant les juges du fond. D’abord, la cour d’appel d’Orléans a refusé de voir dans le bon de commande les insuffisances reprochées par l’acquéreur des panneaux photovoltaïques. Ensuite, la composition collégiale a également refusé la nullité des contrats de vente sur le fondement...

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(Original publié par chelaine)

Afin d’endiguer la recrudescence des cas de contamination liée au covid-19 et de protéger les populations les plus fragiles prises en charge dans les secteurs médico-sociaux, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a introduit une obligation vaccinale pour les personnels de santé ainsi que l’ensemble des personnes travaillant dans des établissements de santé et des services sociaux et médico-sociaux.

À cet effet, l’article 12 de la loi du 5 août 2021 a déterminé le périmètre d’application de l’obligation vaccinale autour de plusieurs critères alternatifs : un premier critère en fonction du lieu d’exercice (établissements de santé et établissements et services sociaux et médico-sociaux notamment), un deuxième critère en référence à la profession des personnes, tels que les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique, et enfin un troisième critère relatif aux conditions de travail pour les personnes qui, ne répondant pas aux deux premiers critères, travaillent dans les mêmes locaux que les professionnels soumis à l’obligation vaccinale. Les locaux sont définis, en vertu du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 pris pour l’application de cette loi, comme « les espaces dédiés à titre principal à l’exercice de l’activité des professionnels » soumis à l’obligation vaccinale ainsi que « ceux où sont assurées, en leur présence régulière, les activités accessoires, notamment administratives, qui en sont indissociables ».

Ainsi les agents territoriaux, titulaires ou contractuels, exerçant leur activité dans certains établissements et services dont la liste est définie au 1° du I de cet article sont soumis à l’obligation vaccinale. Sont notamment visés les centres de...

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(Original publié par pastor)

Alors que le décret d’application de la procédure judiciaire de traitement de sortie de crise se fait toujours attendre (K. Lemercier et F. Mercier, Entreprises en difficulté : instauration temporaire d’une procédure judiciaire de traitement de sortie de crise, Dalloz actualité, 7 juin 2021), celui de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 réformant le droit des entreprises en difficulté vient d’être publié au Journal officiel. Les dispositions de cette ordonnance et de son décret d’application n° 2021-1218 du 23 septembre 2021 entreront en vigueur le 1er octobre 2021, et seront applicables aux procédures ouvertes à compter de cette date.

Toutefois, il est précisé que pour les procédures ouvertes avant le 22 mai 2020, les modifications des plans arrêtés seront soumises aux nouvelles dispositions relatives à la consultation des créanciers. L’organisation des dispositions du décret d’application suit celle de l’ordonnance. On y retrouve des dispositions de mise en cohérence des textes modifiant le code de commerce sur les aspects de droit des entreprises en difficulté, mais également d’adaptation avec la mise en place du « comité social et économique » et la modification de vocabulaire en droit des sûretés. Nos observations suivront l’articulation qui avait été choisie pour commenter l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 (K. Lemercier et F. Mercier, Entreprises en difficulté : la nouvelle réforme publiée !, Dalloz actualité, 17 sept. 2021 ; Réforme du droit des entreprises en difficulté : instauration des classes de parties affectées, Dalloz actualité, 20 sept. 2021).

Les dispositions relatives à la prévention des difficultés des entreprises

Afin de renforcer le pouvoir du président du tribunal, l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 lui permet de déclencher une phase de « mini-enquête » dès qu’il convoque le dirigeant. L’article 3 du décret d’application précise que le délai pour la déclencher est de « trois mois au plus tard à compter de la date d’envoi de la convocation » (C. com., art. R. 611-12 mod.).

Dans le cadre de la procédure de conciliation, l’article 5 du décret d’application crée une nouvelle disposition imposant au débiteur de dresser, avec l’assistance du conciliateur, un état de l’intégralité des frais liés à cette procédure, mais également au mandat ad hoc qui aurait « immédiatement précédé l’ouverture de la conciliation » (C. com., art. R. 611-39-1 nouv.). Il s’agit d’une nouvelle exigence propre à la procédure de conciliation. Cette disposition vise une plus grande transparence dans le coût global des procédures amiables. Si les montants des honoraires tant du conciliateur que du mandataire ad hoc étaient déjà connus de la juridiction consulaire, puisqu’arrêtés par le président du tribunal, il n’en n’était pas ainsi pour les autres intervenants (avocat, expert-comptable, société de conseil et d’analyse financière). Au nom de cet objectif de transparence, la disposition souffre peut-être d’un écueil, celui de ne pas viser la situation, certes exceptionnelle mais possible, où trois procédures amiables se succèdent (conciliation, puis mandat ad hoc, puis conciliation) en raison par exemple de l’absence de finalisation de la négociation dans le délai classique de quatre voire cinq mois de la première conciliation). Les honoraires du conciliateur (de la première conciliation) ne semblent pas devoir être intégrés dans cet état.

On relèvera in fine la modification du premier alinéa de l’article R. 611-44 du code de commerce par l’article 6 du décret d’application prévoyant que l’accord de conciliation ne peut être communiqué au tiers opposant « qu’une fois la tierce opposition déclarée recevable ». Cette assertion renforce la confidentialité de la conciliation en évitant un détournement de la tierce opposition aux fins de se voir communiquer l’accord.

Les dispositions relatives à la procédure de sauvegarde et à la procédure de sauvegarde accélérée

Nous avions vu que l’article 23 de l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 avait apporté une précision utile en prévoyant que « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel », et ce même avant paiement. Dans ce prolongement, l’article 13 du décret d’application précise que le débiteur doit porter à la connaissance du mandataire judiciaire l’identité de ces personnes. Celui-ci les informe ensuite de la possibilité qui leur est offerte de solliciter le bénéfice des dispositions de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers prévue aux articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation (C. com., art. R. 622-5-1 nouv.). La conséquence de cette disposition est double. D’une part, l’information du mandataire judiciaire constitue un complément à la liste des créances que doit lui remettre le débiteur. Pour ces créanciers invités à déclarer leurs créances, on peut supposer qu’il s’agit d’un avis à produire spécifique en ce qu’il doit mentionner les articles L. 711-1 et suivants du code de la consommation. D’autre part, et dans ce prolongement, cette disposition vise à assurer une meilleure information des personnes physiques sur le recours aux mesures de traitement des situations de surendettement.

L’article 14 du décret d’application modifie le premier alinéa de l’article R. 622-7 du code de commerce en substituant les mots : « le prix est remis » par les mots : « la quote-part du prix est remise ». Cette modification était attendue depuis longtemps au regard de la contradiction entre l’article L. 622-8 du code de commerce (qui parle du versement de la « quote-part » du prix) et l’article R. 622-7 du code de commerce (qui parlait du versement du « prix »). Cette correction clarifie désormais le périmètre du prix qui fait l’objet de la consignation.

Des dispositions sont précisées en ce qui concerne les créances publiques au sein des articles 18 et 19 du décret d’application qui étendent les délais pour saisir la commission des chefs des services financiers (CCSF). Le délai de deux mois prévu jusqu’à présent est porté à cinq mois maximum à compter de l’ouverture de la procédure de conciliation, ce qui correspond à la durée maximum de la procédure de conciliation (C. com., art. D. 626-12 mod.). Le délai passe, par ailleurs, de deux mois à six mois pour l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire (C. com., art. D. 626-13 mod.), ce qui est le délai maximum pour la première période d’observation. La modification apparaît opportune : les délais prévus initialement apparaissaient courts en pratique pour avoir un regard éclairé sur le retournement de l’entreprise et, par-delà, finaliser une demande auprès de la CCSF.

L’article 21 du décret d’application augmente de quinze à vingt-et-un jours le délai pour permettre aux créanciers de faire part de leurs observations au commissaire à l’exécution du plan dans le cadre d’une consultation adressée par le greffe sur une modification substantielle du plan de sauvegarde ou de redressement (C. com., art. R. 626-45, mod.). La modification de la disposition est ici favorable aux créanciers pour lesquels le délai de quinze jours pouvait sembler court.

En revanche, une incohérence textuelle apparaît pour l’obligation de notification à la caution afin qu’elle puisse faire valoir ses droits alors même que le juge-commissaire a statué sur la créance. L’incohérence apparaît entre le nouvel alinéa 2 de l’article L. 624-3-1 (Ord., art. 26) et la modification de l’article R. 624-8 du code de commerce (Décr., art. 17) puisque le premier indique la « notification » à la caution alors que le second utilise le terme de « signification ». Or, il s’agit de modalités procédurales différentes, la lettre recommandée avec accusé de réception pour la notification, un acte d’huissier de justice pour la signification. La notification prévue dans le nouvel article L. 624-3-1 du code de commerce pouvait d’ailleurs laisser penser que celle-ci devait être effectuée par le greffe du tribunal au visa des observations présentes sur l’état des créances déposé par le mandataire judiciaire. Or, l’emploi du terme « signification » nous amène, de manière plus cohérente, a imposé cette obligation au créancier poursuivant qui devra, avant d’assigner le garant personne physique ou morale en paiement, purger cette voie de recours.

En outre, on notera que désormais, le créancier ne peut plus assigner le débiteur pour que le tribunal statue sur le projet de plan ou aux fins de clôture de la procédure (Décr., art. 31 ; suppression des mots « ou par assignation d’un créancier » à l’art. R. 628-11 c. com.).

Enfin, est supprimée la disposition réduisant le délai avant l’expiration duquel le juge-commissaire ne peut désigner aucun contrôleur, qui était de huit jours (contre 21 jours en droit commun ; Ord., art. 33 ; abrogation des art. R. 628-14 à R. 628-19 c. com.).

Les dispositions relatives au rebond du dirigeant

Dans le prolongement des dispositions relatives au rebond du dirigeant, la valeur de la réalisation de l’actif est réhaussée de 5 000 à 15 000 € pour l’ouverture d’un rétablissement professionnel (Décr., art. 44 ; C. com., art. R. 645-1 mod.).

Dans ce même objectif, une précision utile est apportée lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer (prévue à l’art. L. 653-8 c. com.). L’acte de notification du jugement doit mentionner « que la procédure pour obtenir le relèvement de ces sanctions est régie par les articles L. 653-11 et R. 653-4 du code de commerce » (Décr., art. 45 ; C. com., art. R. 653-3 mod.). Cette mesure d’information est une modification heureuse, le débiteur ayant souvent méconnaissance de la possibilité de relèvement de ces sanctions, notamment en contribuant personnellement au paiement du passif de la société.

Les dispositions relatives aux classes de parties affectées

À l’instar des dispositions relatives aux classes de parties affectées dans l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, celles du décret d’application du 23 septembre 2021 sont prévues dans un seul article (Décr., art. 22) portant réécriture intégrale de la section 3 du chapitre VI du titre II du livre VI du code de commerce.

Seuils pour le champ d’application des classes de parties affectées

Parmi les dispositions attendues, le décret précise les seuils pour le champ d’application des classes de parties affectées. Sans surprise, ils correspondent à ceux des tribunaux de commerce spécialisés désignés pour les grandes entreprises (C. com., art. L. 721-8), soit 250 salariés et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires net, ou 40 millions d’euros de chiffre d’affaires net. Les seuils d’application sont donc réhaussés par rapport aux anciens comités de créanciers (si le seuil du chiffre d’affaires ne change pas, le nombre de salariés passe de 150 à 250). Ce rehaussement circonscrit davantage le nombre de sociétés pouvant bénéficier de plein droit de cette mesure phare de la réforme du livre VI du code de commerce.

Délais

Le décret précise en outre quelques délais applicables dans la mise en place des classes de parties affectées.

En particulier :

l’administrateur judiciaire invite les parties affectées à lui faire connaître par tout moyen l’existence d’un accord de subordination (mentionné au II de l’art. L. 626-30 c. com.) au plus tard dans un délai de dix jours à compter de la réception ou de la publication de cet avis (C. com., art. R. 626-55 nouv.). Ce bref délai concourt à l’accélération de la procédure ;au moins vingt et un jours avant la date du vote, l’administrateur judiciaire notifie à chaque partie affectée les modalités de répartition en classes et de calcul des voix retenues, au sein de la ou des classes auxquelles elle est affectée (C. com., art. R. 626-58 nouv.) ;chaque partie affectée est informée du projet de plan, au plus tard dix jours avant le vote des classes (C. com., art. R. 626-60, al. 2 nouv.) ;le nouvel article R. 626-62 du code de commerce précise les délais de mise en place et de consultation des détenteurs du capital. Ceux-ci peuvent être répartis au sein d’une ou plusieurs classes et sont convoqués selon les dispositions du livre II du code de commerce. Les délais afférents à la convocation sont toutefois aménagés par rapport au droit commun de la consultation des assemblées de détenteurs de capital, afin de permettre un déroulement rapide de la consultation des classes de parties affectées.

Voies de recours

Le décret précise également les voies de recours ouvertes aux classes de parties affectées. L’article R. 626-54, dans sa rédaction modifiée, précise que la décision par laquelle le juge-commissaire autorise qu’il soit fait application des dispositions des articles L. 626-29 à L. 626-34 est « une mesure d’administration judiciaire » ). Par conséquent, aucun recours n’est possible, notamment de la part des créanciers. Il en était de même avec les comités de créanciers.

Surtout, s’agissant de la contestation relative à la qualité de partie affectée et aux modalités de répartition en classes et de calcul des voix , le calendrier de la purge de la contestation est cadencé : délai de contestation devant le juge-commissaire de dix jours à compter de la notification par l’administrateur judiciaire ; convocation par le greffe sans délai ; décision du juge-commissaire dans un délai de dix jours au terme duquel, en cas d’absence de décision du juge-commissaire, le tribunal peut être saisi et dispose d’un délai de dix jours pour rendre sa décision ; appel contre la décision du juge-commissaire ou du tribunal pouvant être formé dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision ; cour d’appel qui statue dans un délai de quinze jours de sa saisine. Le calendrier est donc serré (entre 2 et 3 mois maximum) et favorise le déroulement rapide du process (C. com., art. R. 626-58-1 nouv.).

En outre, au plus tard dans un délai de dix jours à compter du vote des classes sur le projet de plan, la partie affectée, qui a voté contre le projet de plan et qui entend contester le respect de la condition prévue au 4° de l’article L. 626-31 ou du cinquième ou du dixième alinéa de l’article L. 626-32, saisit le tribunal par requête déposée au greffe contre récépissé (C. com. art. R. 626-64, I nouv.). Dans son jugement, le tribunal devra notamment statuer sur la valeur de l’entreprise du débiteur, au besoin en ordonnant une expertise. Nous avions déjà souligné que la détermination de la valeur de l’entreprise est source d’un contentieux compte tenu de son importance dans l’effectivité du respect des critères susvisés. Le décret d’application aménage un appel de la décision du tribunal et l’encadre dans un délai de dix jours à compter de sa notification ou de sa communication (pour le ministère public).

Nous noterons enfin le recours à la communication par voie électronique afin de faciliter et accélérer les échanges entre l’administrateur judiciaire et les classes de parties affectées, tout particulièrement le troisième alinéa du nouvel article R. 626-55 du code de commerce aux termes duquel : « Vaut consentement à la transmission par voie électronique l’utilisation de ces modalités de communication électronique » (Décr., art. 22). Cette adaptation des dispositions aux moyens de communication électroniques s’inscrit au demeurant dans les objectifs de la directive « restructuration et insolvabilité ». La boucle est bouclée… ou presque ! 

(Original publié par Delpech)
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Droit antérieur à la réforme

Dans une étude datant de 1995, un auteur a pu estimer que « le nantissement des valeurs mobilières ne représente qu’un aspect de l’éparpillement des techniques de mise en gage et renforce la nécessité d’une réforme d’ensemble du droit des sûretés, pour en faire un outil plus cohérent et mieux adapté aux richesses » (D. Fasquelle, Le nantissement de valeurs mobilières, RTD com. 1995. 1, spéc. n° 74 ). À l’heure de la publication de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, il est bon de savoir si les changements apportés au nantissement de compte-titres, à travers l’article 29 de l’ordonnance modifiant l’article L. 211-20 du code monétaire et financier et financier, sont parvenus à cet objectif.

Le nantissement de compte-titres – anciennement dénommé gage de compte d’instrument financier – a pu gagner souplesse et efficacité grâce à la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 (J.-Cl. BCB, v° Nantissement de compte titre, juin 2020, n° 4). L’institution a fait l’objet de plusieurs réformes successives jusqu’à arriver au modèle que nous connaissons aujourd’hui avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1192. L’article L. 211-20 du Code monétaire et financier parle d’instruments financiers, changement terminologique plutôt récent et important pour englober tout à la fois les valeurs mobilières classiques et les parts et actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) incluant fonds communs et sociétés d’investissement à capital variable abrégés par la pratique en SICAV (L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, Paris, LGDJ, Droit civil, 2020, 14e éd., n° 537). Sous ce vocabulaire emportant avec lui donc tant les titres financiers que les contrats financiers, le législateur a voulu unifier la dénomination des titres éligibles à un nantissement de compte-titres (Pour une approche antérieure à cette dénomination, v. P. Emy, Le titre financier, thèse, Bordeaux, sous la dir. de B. Saintourens et la recension de la thèse par E. Putman, RTD civ. 2006. 647 ).

Actuellement, le mécanisme fonctionne grâce à une constitution très simple puisqu’il s’agit d’une déclaration signée par le titulaire du compte qui est la suite logique d’un contrat passé entre les parties sur les modalités du nantissement du compte-titres en lui-même (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, Dalloz, coll. « Précis », 7e éd., 2016, p. 630, n° 575). Cette déclaration est exigée à peine de nullité en nécessitant des mentions spécifiques prévues par l’article D. 211-10 du code monétaire et financier. Une solution rendue à propos de la législation antérieure – celle du gage de compte d’instruments financiers – a pu préciser que « la constitution en gage d’un compte d’instruments financiers est réalisée, tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration de gage signée par le titulaire du compte » (Com. 20 juin 2018, n° 17-12.559, D. 2018. 1381 ; ibid. 1884, obs. P. Crocq ; AJ contrat 2018. 439, obs. L.-J. Laisney ). En d’autres termes, l’opposabilité du gage d’un compte d’instruments financiers (ou d’un nantissement de compte-titres depuis la nouvelle dénomination issue de l’ordonnance n° 2009-107 du 30 janv. 2009) n’est pas subordonnée à sa notification (sur cette question, S. Chenu, L’efficacité des sûretés réelles conventionnelles dans les financements d’acquisitions à effet de levier, thèse, Université Bretagne Loire, 2018, p. 59, nos 92 s.). La solution est garante d’une efficacité redoutable pour le créancier. L’article L. 211-20 du code monétaire et financier évoque le virement des titres nantis vers un compte spécifiquement dédié au nantissement que l’on appelle le compte spécial. Mais la doctrine s’accorde à dire que cette condition n’est pas exigée sous l’angle de la validité de la sûreté (Rép. civ., v° Nantissement, par P. Crocq, n° 86). C’est d’ailleurs également le cas pour l’inventaire décrit dans la fin du I- de l’article qui dispose que « le créancier nanti peut obtenir, sur simple demande au teneur de compte, une attestation de nantissement de compte-titres, comportant inventaire des titres financiers et sommes en toute monnaie inscrits en compte nanti à la date de délivrance de cette attestation ». Sur l’assiette du gage, l’article L. 211-20 prévoit encore une certaine souplesse faisant la part-belle à la subrogation réelle et à l’accession en considérant les titres substitués ou ceux qui les complètent comme compris dans l’assiette du nantissement à l’instar des fruits et produits des titres figurant initialement dans le compte et les titres financiers et sommes postérieurement inscrits (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, op. cit. p. 631, n° 675). La réalisation de la sûreté implique une condition essentielle : une mise en demeure du débiteur notifiée au constituant du nantissement quand il n’est pas le débiteur par ailleurs tout comme au teneur du compte quand il n’est pas le créancier nanti. La mise en demeure comprend des mentions exigées à peine de nullité à l’article D. 211-11 du code monétaire et financier. Dans sa thèse, Mme Claire Séjean-Chazal note le caractère tout à fait remarquable de cette disposition expresse alors que le droit commercial est normalement plus souple que le droit commun (C. Séjean-Chazal, La réalisation de la sûreté, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèse », 2019, p. 279, n° 227). Ceci montre l’attention portée par le législateur à la réalisation de la sûreté réelle et aux droits du débiteur défaillant pour que le créancier puisse appréhender le prix de vente ou s’attribuer le bien objet de la sûreté.

Quelles nouveautés sont issues de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 ? Avant toute chose, notons que le nantissement de compte-titres reste dans le code monétaire et financier ; ce qui est discuté par une partie de la doctrine depuis 2006 qui souhaitait son inclusion dans le code civil. L’avant-projet présidé par Michel Grimaldi avait, en effet, prévu un plan du Livre IV « Des sûretés » incluant dans son Titre II « Des sûretés réelles » et dans son Chapitre III « Du nantissement », une sous-section III « Du nantissement d’instruments financiers ». La proposition était restée, assez malheureusement, lettre-morte. L’éparpillement reste ici de mise encore à partir du 1er janvier 2022 puisque l’institution est toujours codifiée à l’article L. 211-20 du code monétaire et financier.

Droit issu de la réforme et perspectives

Le droit issu de l’ordonnance n’entend pas bouleverser le nantissement de compte-titres mais il procède à de nombreux changements rendant l’institution encore plus souple et efficace contre quelques crans de sécurité supplémentaires pour le débiteur constituant. À titre liminaire, précisons que même si l’ordonnance nouvelle prévoit que les nantissements ne confèrent pas, en principe, un droit de rétention, le nantissement de comptes-titres conserve un tel droit de rétention car ce dernier est mentionné expressément par l’article L. 211-20 du code monétaire et financier (rapport remis au président de la République, s.-sect. 3 : dispositions relatives au nantissement de meubles incorporels citant, Com. 26 nov. 2013, n° 12-27.390, D. 2014. 1610, obs. P. Crocq ; RTD civ. 2014. 158, obs. P. Crocq ; J.-D. Pellier, Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 7) : le nantissement de créance, Dalloz actualité, 22 sept. 2021). La précision est importante car la rétention fonde partiellement l’efficacité de cette sûreté (pour une étude de la rétention à la lumière des titres financiers, J.-D. Pellier, Droit de rétention et nantissement de titres financiers, D. 2019. 1846 distinguant l’universalité de fait du compte-titre et le titre lui-même ; sur les titres nantis spécifiquement et la possibilité des blockchain, M. Julienne et S. Praicheux, Réforme du code civil, crise financière, blockchain : où en sont les garanties financières ?, in Réforme du droit des sûretés et activités bancaires, ss dir. de H. Synvet, RD banc. fin. 2018. Dossier 27, art. 32).

Une modification majeure réside dans l’insertion explicite de la possibilité d’exclure les fruits et produits par la convention des parties au nantissement de comptes-titres. Le créancier et le débiteur peuvent donc tout à fait librement faire le choix d’inclure ou non les fruits et produits, ce qui laisse une marge importante à la liberté contractuelle. L’article L. 211-20 nouveau prévoit également, à ce titre, désormais une dualité terminologique plus claire pour distinguer le « compte spécial » (le compte qui fait l’objet du nantissement de compte-titres) et le « compte fruits et produits » (celui spécifiquement dédié pour y inscrire au crédit lesdits fruits et produits des titres). La distinction permet d’éviter des confusions sémantiques qui peuvent conduire à des erreurs dans le maniement de la sûreté notamment au moment de sa réalisation.

La souplesse préside, là-encore, quand le texte mentionne que l’inscription au crédit du compte fruits et produits peut avoir lieu à tout moment. Ceci permet de contrebalancer la dernière phrase l’article L. 211-20, III- nouveau qui prévoit qu’« à défaut d’inscription au crédit d’un compte fruits et produits, à la date à laquelle la sûreté peut être réalisée, les fruits et produits sont exclus de l’assiette du nantissement » (nous soulignons). Ite missa est : la loi est donc très claire sur la nécessité d’ouverture d’un compte « fruits et produits » spécifique pour que le créancier puisse en bénéficier. C’est l’un des crans de sécurité supplémentaires dont nous parlions précédemment. En pratique, les fruits et produits seront bien souvent dans l’assiette du nantissement pour maximiser l’efficacité de la sûreté.

L’exigence d’unification préside quand la dernière partie de l’article L. 211-20 du code monétaire et financier prend acte de l’abrogation de l’article L. 521-3 du code de commerce (Ord., art. 28). Ceci pouvait créer une interrogation sur la réalisation du gage commercial lequel se distinguait de la réalisation du nantissement de compte-titres. Le projet d’ordonnance notait en commentaire que « la réalisation du nantissement de compte titres portant sur des titres cotés repose sur une simple mise en demeure. Ainsi, dès lors que le gage commercial est supprimé et que les dispositions de l’article L. 521-3 sont reprises au sein de l’article L. 211-20 il ne semble pas justifié de maintenir cette différence. Il y a lieu d’aligner les modalités de réalisation dans un souci de simplification et de cohérence ». Il faut très certainement approuver cette unification qui conduit à reformuler à droit constant le V° de l’article L. 211-20 nouveau, mis à part donc sur l’unification de la notification au lieu d’une « simple signification » actuellement prévue pour le gage commercial par l’article L. 521-3, alinéa 1er, du code de commerce. Des perspectives intéressantes s’ouvrent donc, avec cette réforme, quant à l’objectif d’unité du gage et du nantissement évoqué par M. Fasquelle en 1995 (D. Fasquelle, Le nantissement de valeurs mobilières, préc.). Le texte harmonise d’ailleurs également les délais applicables pour la réalisation de la sûreté selon la qualité du titre qu’il soit ou non admissible à une plateforme de négociation.

Autre ajout textuel explicite important, celui de la possibilité de nantir successivement un même compte-titres qui avait fait l’objet d’un débat doctrinal en raison de l’indivisibilité du droit de rétention (contra pour une « impossibilité implicite », J. Mestre, M. Billiau et E. Putman, Traité de droit civil – Tome 2 : Droit spécial des sûretés réelles, ss la dir. de J. Ghestin, 1996, p. 389, n° 948 ; Pro : L. Aynès, P. Crocq et A. Aynès, Droit des sûretés, op. cit. n° 538 : « rien ne s’oppose à ce que, à l’instar du tiers possesseur en cas d’entiercement, celui-ci exerce cette possession, et le droit de rétention qui en serait la conséquence, pour le compte de plusieurs créanciers »). Le débat est désormais terminé, l’ordonnance tranchant pour la solution la plus souple pour la sûreté. La prise de rang est alors classique, selon la date de la déclaration initiale étudiée précédemment mais les parties peuvent aménager ce point par convention ; ce qui est assurément une bonne chose en laissant donc une place encore importante à la liberté contractuelle.

On notera également, de manière plus ou moins anecdotique la substitution de l’expression de la qualité des titres « négociés sur un marché réglementé » par « admis sur une plateforme de négociation » que nous avions croisée déjà pour la fiducie à titre de garantie (C. Hélaine, Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 9) : la fiducie utilisée à titre de garantie, Dalloz actualité, 23 sept. 2021). L’expression nouvelle recoupe, effectivement la sémantique utilisée par le Code monétaire et financier à l’article L. 420-1 qui définit la notion ainsi : « une plateforme de négociation est un marché réglementé au sens de l’article L. 421-1, un système multilatéral de négociation au sens de l’article L. 424-1 ou un système organisé de négociation au sens de l’article L. 425-1 ». L’harmonisation du vocabulaire poursuit donc sa route et le droit des sûretés n’y fait pas exception.

Conclusion

L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 vient à la fois assouplir, clarifier et maintenir les grandes lignes d’une institution appréciée par la pratique. Le nantissement de compte-titre se trouve renforcé d’abord, par un gain de souplesse notamment sur ce que le contrat peut prévoir (par l’exclusion des fruits et produits du nantissement ou par la modification de la prise de rang en cas de nantissements successifs du même compte-titres). Cette souplesse était, à dire vrai, probablement déjà permise malgré des débats doctrinaux mais sa confirmation est fort bienvenue. L’institution se trouve, ensuite, également clarifiée, par exemple grâce à la spécificité terminologique entre compte spécial (le compte nanti) et compte « fruits et produits » qui permettra de savoir rapidement, au moment de la réalisation de la sûreté, si le créancier peut se servir également sur ces accroissements. Enfin, il faut noter que la conservation des grandes lignes de l’institution permettra aux créanciers de continuer à l’utiliser sans heurts, notamment en raison de son efficacité par le droit de rétention. L’avenir nous dira si ces modifications plus ou moins importantes auront conduit à conserver le nantissement de comptes-titres parmi les sûretés de droit spécial particulièrement appréciées par la pratique notamment bancaire et plus généralement du monde des affaires.

(Original publié par Dargent)
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Une salariée embauchée comme infirmière de prévention par un organisme de sécurité sociale avait été en arrêt de travail pour maladie d’origine non professionnelle, reconnue en affection de longue durée, entre le 27 décembre 2013 et le 24 janvier 2016 – soit environ vongt-cinq mois. Estimant avoir acquis des droits à congé payé durant cet arrêt de travail, elle avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande en paiement de dommages-intérêts correspondant aux congés payés dont elle n’avait pas bénéficié ainsi que de dommages-intérêts pour discrimination indirecte.

Dispositions légales

Aucun droit à congé n’avait pourtant été acquis en vertu des dispositions légales en vigueur, en l’absence de travail effectif. En effet, « le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur », dans la limite de trente jours ouvrables par an (C. trav., art. L. 3141-3).

En principe, ce droit à congé est réduit proportionnellement à la durée des absences du salarié ; toutefois pour protéger les salariés des conséquences de certaines absences légitimes, des périodes sont assimilées par la loi à du temps de travail effectif pour l’acquisition des congés payés. C’est le cas notamment « des périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption », ou encore « des périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendu pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle » (C. trav., art. L. 3141-5). Il en va différemment, en revanche, des arrêts de travail consécutifs à une maladie ou un accident non professionnel.

La solution de l’arrêt commenté ne découlait cependant pas de ces dispositions légales mais plutôt de l’articulation des dispositions du droit de l’Union européenne relatives aux congés payés avec des dispositions conventionnelles encadrant l’acquisition de droits à congé payé dans les organismes de sécurité sociale.

Droit de l’Union européenne

Le droit de l’Union européenne, en prévoyant que « tout travailleur » a droit à une période annuelle de congés payés (Dir. 2003/88/CE du 4 nov. 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, art. 7 ; Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, art. 31,§ 2), s’oppose à ce qu’une législation nationale distingue les travailleurs absents de ceux ayant effectivement travaillé et, entre les travailleurs ayant été absents, opère une distinction fondée sur l’origine – professionnelle ou non – de l’absence (CJUE 20 janv. 2009, aff. C-350/06, Schultz-Hoff, AJDA 2009. 245, chron. E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert ; RDT 2009. 170, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2010. 673, chron. S. Robin-Olivier ; Rev. UE 2014. 296, chron. V. Giacobbo-Peyronnel et V. Huc ).

Saisie d’une question préjudicielle par la Cour de cassation, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a pu enjoindre aux juges nationaux d’interpréter les dispositions de droit interne afin de parvenir à une interprétation permettant de garantir la pleine effectivité de l’article 7 de la directive de 2003 (CJUE 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Dominguez, D. 2012. 369 ; ibid. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; JA 2012, n° 454, p. 12, obs. L.T. ; RDT 2012. 371, obs. M. Véricel ; ibid. 578, chron. C. Boutayeb et E. Célestine ; RFDA 2012. 961, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RTD eur. 2012. 490, obs. S. Robin-Olivier ; ibid. 2013. 677, obs. F. Benoît-Rohmer ; Rev. UE 2014. 243, chron. E. Sabatakakis ). Depuis lors, la Cour de cassation recourt à la méthode de l’interprétation conforme pour faciliter l’acquisition de droits à congé par les salariés absents en raison, par exemple, d’un accident de trajet (Soc. 3 juill. 2012, n° 08-44.834, Dalloz actualité, 24 juill. 2012, obs. L. Perrin ; D. 2012. 1897 ). Cette méthode avait cependant montré ses limites s’agissant des absences liées à une maladie non professionnelle qui n’ouvraient toujours pas droit à des congés payés (Soc. 13 mars 2013, n° 11-22.285, Dalloz actualité, 8 avr. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 778 ; Dr. soc. 2013. 564, obs. S. Laulom ; ibid. 576, chron. S. Tournaux ; RDT 2013. 341, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2014. 435, obs. B. Le Baut-Ferrarese ; ibid. 460, obs. B. de Clavière ).

Une solution différente pourrait résulter de la nouvelle jurisprudence de la CJUE, ayant jugé qu’en cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec les dispositions de droit de l’Union précitées, « la juridiction doit laisser ladite règlementation nationale inappliquée […]. Cette obligation s’impose à la juridiction nationale en vertu de l’article 7 de la directive 2003/88/CE et de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un tel ayant droit [ou un salarié] à un employeur ayant la qualité d’autorité publique, et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose l’ayant droit [ou le salarié] à un employeur ayant la qualité de particulier » (CJUE 6 nov. 2018, aff. C-569/16, Stadt Wuppertal c/ Bauer (Mme), AJDA 2018. 2165 ; ibid. 2019. 559, étude C. Fernandes ; RDT 2019. 261, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2019. 387, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 401, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 693, obs. S. Robin-Olivier et C-570/16 Willmeroth, RTD eur. 2019. 387, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 401, obs. F. Benoît-Rohmer ; ibid. 693, obs. S. Robin-Olivier ; Dalloz actualité, 12 nov. 2018, obs. M.-C. de Montecler ; ). Le recours à la Charte permettrait ainsi de contourner l’absence d’effet horizontal de la directive de 2003 dans un litige entre particuliers.

Dispositions conventionnelles

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, outre les dispositions légales et européennes, les juges devaient faire application de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 (la CCN), complétée par un « règlement intérieur type » qui en détermine les conditions d’application et s’applique de droit à défaut de règlement d’établissement spécifique (CCN, art. 62). Or, la CCN comme le règlement intérieur contiennent des dispositions relatives aux modalités d’acquisition des congés payés :

l’article 38, d), alinéa 4, de la CCN dispose, d’une part, que les absences provoquées notamment par « les jours d’absence pour maladie constatée par certificat médical » ou pour « longue maladie […] sont, lorsqu’ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel » ;le paragraphe XIV, alinéa 4, du règlement intérieur type prévoit, d’autre part, que le droit aux congés annuels n’est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs.

En l’espèce, la salariée avait bénéficié du maintien de salaire durant un arrêt pour longue maladie d’une durée supérieure à 12 mois. Elle était donc concernée par ces deux dispositions en apparence contradictoires.

Procédure

La cour d’appel de Nancy, le 19 décembre 2019, a accueilli les demandes de la salariée en limitant toutefois la période d’acquisition des congés payés durant l’arrêt de travail à douze mois. Pour ce faire, elle a considéré que les dispositions de l’article 38 de la CCN, plus favorables que les dispositions légales, devaient être appréciées « au regard des dispositions du règlement intérieur type » qui en « réduit les effets ». Les juges du fond ont refusé de faire une application stricte du règlement intérieur, qui aurait eu « pour effet de priver le salarié de tout droit à report, en contravention avec les règles européennes » précitées. Ils ont décidé « qu’en revanche, ces dispositions [pouvaient] très bien s’interpréter comme ouvrant un droit aux congés annuels dans le cadre d’une interruption de moins de douze mois consécutifs ». Le cumul des droits aux congés annuels a par conséquent été limité à une période de douze mois, pour un arrêt de travail de vingt-cinq mois. Au-delà de cette période, le congé annuel serait « dépourvu de son effet positif pour le travailleur, au regard de sa finalité de temps de repos, pour ne garder que sa finalité de période de détente et de loisirs » (Nancy, 19 déc. 2019, n° 18/02180).

L’employeur a formé un pourvoi en cassation contre cette décision, considérant que la salariée n’avait acquis aucun droit durant son arrêt de travail et ne pouvait bénéficier du report des congés non pris avant son arrêt de travail. La salariée a également formé un pourvoi incident pour demander au contraire à ce que l’intégralité de l’arrêt de travail soit pris en compte pour le calcul de ses droits. Par un arrêt rendu le 15 septembre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi principal formé par l’employeur mais casse néanmoins l’arrêt d’appel en accueillant le moyen du pourvoi incident formé par la salariée.

Le droit à congé payés

L’employeur reprochait aux juges du fond d’avoir interprété le paragraphe XIV du règlement intérieur comme donnant droit à l’attribution de congés payés durant les douze premiers mois d’un arrêt de travail, avec report des congés acquis au terme de cet arrêt. Selon lui, il résulte de ces dispositions, suffisamment claires et précises, « que, si l’arrêt maladie a, en tout, duré douze mois ou plus, aucun droit à congés annuels ne saurait, alors, être acquis par le salarié ». Il dénonçait également une application horizontale de la directive de 2003 alors que celle-ci, non transposée en droit interne, ne peut permettre, dans un litige entre particuliers, d’écarter les effets d’une disposition de droit national contraire ».

Pour la Cour de cassation, à l’inverse, « il résulte de la combinaison des textes conventionnels que le paragraphe XIV, alinéa 4, du règlement intérieur annexé à la convention collective ne s’applique pas aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie et qui entrent dans les prévisions de l’article 38 d) alinéa 4 de la convention collective ». La salariée ayant bénéficié d’un maintien de sa rémunération, la cour d’appel avait justement « procédé à une interprétation des dispositions conventionnelles à la lumière de l’article 7 de la directive 2003/88/CE, sans donner un effet direct à celui-ci ». Elle en avait par conséquent exactement « décidé que cette période n’entraînait aucune réduction du droit à congé payé ».

Cette solution contraste avec le fait que les juges du fond avaient pourtant limité à douze mois la période, au cours de l’arrêt de travail, durant laquelle la salarié avait acquis des congés payés. Dans son pourvoi incident, la salariée faisait précisément grief à l’arrêt d’appel d’avoir limité « à une certaine somme [3 302,68 € contre les 6 841,80 € octroyés en première instance] la condamnation de l’employeur à titre d’indemnité compensatrice de congés annuels ». Dès lors que la cour d’appel avait constaté que la situation de la salariée entrait dans les prévisions de l’article 38 de la CCN et non dans celui du paragraphe XIV du règlement intérieur, elle aurait dû faire une pleine application du premier et ne pouvait par conséquent limiter la période pendant laquelle la salariée avait accumulé des droits à congé payé. Ces droits acquis devaient être reportés à son retour dans l’entreprise et, par conséquent, être intégralement indemnisés dans le cadre de sa demande.

L’argument a convaincu les juges de la chambre sociale de la Cour de cassation. Malgré le rejet du pourvoi principal, l’arrêt d’appel est cassé en ce qu’il limite l’indemnisation octroyée à la salariée. La Cour rappelle que les congés acquis durant une période d’absence doivent être reportés à la date de reprise du travail (v. infra) ; or, « si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d’un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives », tel n’était pas la fonction du paragraphe XIV du règlement intérieur. Ce texte a en effet « pour objet de limiter à douze mois la période pendant laquelle un salarié, absent pour l’une des causes qu’il prévoit, peut acquérir des droits à congés payés et non d’organiser la perte de droits acquis qui n’auraient pas été exercés au terme d’un délai de report substantiellement supérieur à la période de référence ». Il en résultait, d’une part, que la salarié avait acquis des droits à congé durant l’intégralité de son arrêt de travail ; d’autre part, que l’intégralité de ces droits avait été reportée à la date de reprise du travail.

Le report des droits à congé non exercés

Dans cette affaire, les juges étaient également invités à se prononcer sur les conditions dans lesquelles des droits à congé non exercés pouvaient être reportés d’un exercice à l’autre. En l’espèce, les juges du fond avaient indemnisé la salariée pour les congés non pris avant son arrêt de travail, considérant que « les congés payés acquis [devaient] être reportés après la date de reprise », « eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive » de 2003.

Au moyen de son pourvoi, l’employeur arguait « que, en tout état de cause, des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d’un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d’une période de report à l’expiration de laquelle le droit à congé payé s’éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence ». La salarié ayant été en arrêt de travail pendant plus de deux ans, il considérait que les congés acquis avant cet arrêt ne devaient pas être reportés.

Il ressort de la solution retenue par la Cour de cassation que des dispositions ou pratiques nationales peuvent en effet limiter dans le temps le report des congés payés, comme le relevait l’employeur. La jurisprudence de la CJUE conditionne cette faculté à la condition que la période au terme de laquelle les congés acquis sont perdus « dépasse substantiellement la durée de la période de référence ». Une période de report de quinze mois a été jugée suffisamment longue (CJUE 22 nov. 2011, aff. C-214/10, KHS, JA 2012, n° 453, p. 12, obs. L.T. ; RDT 2012. 371, obs. M. Véricel ; RTD eur. 2012. 490, obs. S. Robin-Olivier ; Rev. UE 2014. 243, chron. E. Sabatakakis ) alors qu’une période de neuf mois ne l’était pas (CJUE 3 mai 2012, aff. C-337/10, Neidel, D. 2012. 1269 ; RFDA 2012. 961, chron. C. Mayeur-Carpentier, L. Clément-Wilz et F. Martucci ; RTD eur. 2012. 490, obs. S. Robin-Olivier ; ibid. 2013. 677, obs. F. Benoît-Rohmer ; Rev. UE 2014. 243, chron. E. Sabatakakis ). Pour autant, en l’absence de limitation par le droit interne, le juge est-il tenu fixer lui-même une telle limite ?

Le juge administratif a répondu à cette question par l’affirmative, considérant qu’« en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant ainsi une période de report des congés payés qu’un agent s’est trouvé, du fait d’un congé maladie, dans l’impossibilité de prendre au cours d’une année civile donnée, le juge peut en principe considérer, afin d’assurer le respect des dispositions de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003, que ces congés peuvent être pris au cours d’une période de quinze mois après le terme de cette année » (CE 26 avr. 2017, n° 406009, Dalloz actualité, 3 mai 2017, obs. M.-C. de Montecler ; Lebon ; AJDA 2017. 911 ; AJFP 2017. 216, et les obs. ; AJCT 2017. 405, obs. L. Derridj ). Pour la Cour de cassation, en revanche, il n’appartient pas au juge de fixer un délai qu’aucune disposition de droit interne n’a défini (Soc. 21 sept. 2017, n° 16-24.022, D. 2017. 1921, obs. N. explicative de la Cour de cassation ; JA 2018, n° 572, p. 39, étude J.-F. Paulin et M. Julien ; RDT 2018. 63, obs. M. Véricel ). Seuls les délais de prescription applicables peuvent éventuellement faire obstacle à ce droit au report (Soc. 4 déc. 1996, n° 93-46.418).

Le moyen est donc écarté au motif, d’une part, que la directive ne fait pas obligation aux État membres de prévoir une telle limitation et, d’autre part, que les dispositions conventionnelles applicables en l’espèces encadraient les conditions d’acquisition du droit à congé mais ne pouvaient avoir pour effet de priver la salarié de tout droit à report.

La discrimination

L’employeur contestait enfin, par voie de conséquence, la condamnation prononcée par les juges à 1 000 € de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec l’état de santé de la salarié. Le moyen a logiquement été rejeté par la Cour de cassation, dès lors que « le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence ». La discrimination liée à l’état de santé pouvait être retenue dès lors que la salariée avait été injustement privée des congés qu’elle aurait dû acquérir durant son arrêt de travail.

Conclusion

En définitive, l’arrêt commenté illustre bien les difficultés rencontrées par les juges lorsqu’il s’agit d’appliquer des dispositions légales incompatibles avec une directive européenne dépourvue d’effet horizontal. Interprétant les dispositions légales et, en l’espèce, les dispositions conventionnelles applicables, à la lumière de la directive de 2003, la Cour de cassation a retenu la solution la plus avantageuse pour la salariée et, surtout, la plus conforme aux objectifs de ladite directive et à la finalité qu’elle assigne aux congés payés.

Pour clarifier et simplifier le contentieux, une intervention du législateur, sollicitée avec insistance depuis 2013, par les juges du Quai de l’Horloge tant en matière d’acquisition des congés durant un arrêt de travail que de report des congés (Rapport annuel 2018, p. 100 s.), apparaît aujourd’hui plus que nécessaire.

Auteur d'origine: lmontvalon

L’exploitant qui envisage une modification des conditions d’exploitation doit, en vertu des dispositions de l’article R. 515-53 du code l’environnement, « porter ce projet à la connaissance du préfet avant sa mise en œuvre, par le dépôt d’un dossier comportant les éléments d’appréciation prévus à l’article R. 515-54 du même code ». Si le préfet considère que le regroupement projeté est de nature à entraîner une...

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(Original publié par pastor)
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Le premier décret d’application de l’ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de l’État (v. F. Melleray, AJDA 2021. 1443 ) a été publié au Journal officiel du 23 septembre. Ce sera sans doute l’un des plus courts (trois articles) mais aussi l’un des plus symboliques puisqu’il concerne l’accès aux deux prestigieux grands corps juridictionnels : le Conseil d’État et la Cour des comptes.

L’ordonnance, on le sait, vise à éviter les trajectoires linéaires, de la sortie de...

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L’article L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, prévoyait la possibilité pour les délégués du personnel de saisir l’employeur en cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, et notamment en cas de harcèlement. L’employeur devait alors procéder sans délai à une enquête et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, le délégué, si le salarié intéressé ne s’y opposait pas, pouvait saisir le conseil de prud’hommes afin qu’il soit ordonné toutes mesures utiles.

Ce droit d’alerte, inchangé dans son principe, est aujourd’hui codifié à l’article L. 2312-59 et confié au CSE.

Une difficulté surgit lorsque, dans ce cadre, les demandes formulées par une organisation syndicale sur des faits de harcèlement sont rejetées par les juges. Le salarié intéressé peut-il saisir...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Chacun sait que les procédures civiles d’exécution sont l’auxiliaire du droit des obligations en général et du droit des sûretés, réelles en particulier (v. à ce sujet, N. Cayrol, Droit de l’exécution, 2e éd., 2016, nos 22 et 23 ; A. Leborgne, avec le concours de C. Brenner et C. Gijsbers, Droit de l’exécution. Voies d’exécution et procédures de distribution, 3e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2019, n° 6 ; R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Dalloz, 2013, nos 3 et 4 ; v. égal., M. Bandrac, Procédures civiles d’exécution et droit des sûretés, RTD civ. 1993, n° spécial, p. 49 ). La nouvelle réforme du droit des sûretés ne pouvait donc rester muette sur un certain nombre de points intéressant directement les voies d’exécution. Au demeurant, l’article 60, I, 15°, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE », avait autorisé le gouvernement à « Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative permettant d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application des 1° à 14° du présent I ». Et l’avant-projet de réforme du droit des sûretés dévoilé le 18 décembre 2020 contenait un nombre considérable de dispositions relatives aux procédures civiles d’exécution. Parmi ces dispositions, seules celles relevant du domaine de la loi ont été finalement adoptées par l’ordonnance du 15 septembre 2021 (v. à ce sujet, J.-D. Pellier, Les dispositions du code des procédures civiles d’exécution dans l’avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés, D. 2021. 579 ), les autres étant appelées à faire l’objet d’un décret. L’article 30 de l’ordonnance du 15 septembre 2021 est précisément consacré aux « dispositions modifiant le code des procédures civiles d’exécution ».

Il était tout d’abord nécessaire de tirer les conséquences de l’admission d’un gage portant sur des immeubles par destination (sur cette figure, v. A. Hontebeyrie, Le gage sans dépossession et l’immeuble par destination, JCP N 2016.1108 ; J.-D. Pellier, Réflexions sur le gage ayant pour objet un immeuble par destination ou un meuble par anticipation, D. 2020. 1236 . Pour une réflexion plus générale sur les problèmes suscités par les immeubles par destination, v. C. Gijsbers, Sûretés réelles et droit des biens, préf. Grimaldi, 2015, Économica, nos 433 s.). Le nouvel article 2334 du code civil dispose en effet que « Le gage peut avoir pour objet des meubles immobilisés par destination. L’ordre de préférence entre le créancier hypothécaire et le créancier gagiste est déterminé conformément à l’article 2419 » (le nouvel art. 2419 prévoit que « L’ordre de préférence entre les créanciers hypothécaires et les créanciers gagistes, dans la mesure où leur gage porte sur des biens réputés immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes ». V. égal. nouv. art. 2472, tirant également les conséquences de l’admission de cette possibilité dans l’hypothèse de l’aliénation d’un immeuble incluant un immeuble par destination gagé).

Mais encore fallait-il organiser la saisie d’un tel bien indépendamment de l’immeuble. C’est précisément ce que permet la modification apportée à l’article L. 112-3 du code des procédures civiles d’exécution, ainsi rédigé : « Les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment de l’immeuble, sauf pour paiement de leur prix ou pour la réalisation du gage dont ils sont grevés. Dans ce dernier cas, ils ne peuvent être saisis que si la séparation d’avec l’immeuble auquel ils ont été rattachés peut intervenir sans dommage pour les biens » (c’est nous qui surlignons). Jusqu’à présent, la seule exception au principe de l’insaisissabilité des immeubles par destination indépendamment de l’immeuble était l’action du vendeur impayé. Désormais, le gagiste pourra également emprunter la voie de la saisie-vente (C. pr. exéc., art. L. 221-1 s. et R. 221-1 s.) pour réaliser son gage, à moins qu’il ne préfère la voie de l’attribution, judiciaire ou conventionnelle (v. à ce sujet, C. Séjean-Chazal, La réalisation de la sûreté, préf. M. Grimaldi, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de Thèses », vol. 190, 2019). Les auteurs de l’ordonnance ont toutefois souhaité préciser que cette saisie ne serait possible qu’en l’absence de dommage pour les biens concernés. Comme le souligne le rapport au président de la République, il y a là un emprunt (tout à fait bienvenu) au régime de la réserve de propriété, l’article 2370 du code civil disposant en effet que « L’incorporation d’un meuble faisant l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage ».

Dans le même ordre d’idées, il était également nécessaire d’intégrer cette hypothèse dans le cadre de la procédure de distribution des deniers et ce, aussi bien dans le cas d’une saisie-vente que dans celui d’une saisie immobilière : ainsi, dans le premier cas, l’article L. 221-5 du code des procédures civiles d’exécution disposera que « Seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente les créanciers saisissants ou opposants qui se sont manifestés avant la vérification des biens saisis et ceux qui, avant la saisie, ont procédé à une mesure conservatoire ou à la publication d’une sûreté sur les mêmes biens » (c’est nous qui surlignons). À vrai dire, cette disposition a une portée plus large puisqu’elle vise tous les créanciers titulaires d’une sûreté publiée. D’ailleurs, le rapport au président de la République indique à ce sujet que « L’article L. 221-5 est complété afin renforcer les droits du créancier titulaire d’une sûreté publiée en cas de saisie-vente d’un bien meuble, en lui permettant de faire valoir ses droits sur le prix de vente de faire valoir ses droits sur le prix de vente ». Il convient de souligner que ce texte entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023, car il s’agit d’une disposition dont la mise en œuvre dépend du registre des sûretés mobilières, qui, aux termes du rapport au président de la République, requiert « à la fois des mesures réglementaires d’application et des développements informatiques », raison pour laquelle la date d’entrée en vigueur relative à ces dispositions est retardée d’un an par rapport aux autres dispositions de la nouvelle ordonnance. Dans l’hypothèse d’une saisie immobilière, deux nouvelles dispositions permettent de prendre en considération le nouveau gage portant sur un immeuble par destination : d’une part, l’article L. 322-14 disposera que « Le versement du prix ou sa consignation et le paiement des frais de la vente purgent de plein droit l’immeuble de toute sûreté publiée du chef du débiteur à compter de la publication du titre de vente » (c’est nous qui surlignons) et, d’autre part, l’article L. 331-1 énoncera que « Seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure, les créanciers énumérés à l’article 2377 et au 3° de l’article 2402 du code civil ainsi que les créanciers titulaires d’une sûreté publiée sur les immeubles par destination saisis avant la publication du titre de vente » (c’est nous qui surlignons). Ces deux dispositions entreront en vigueur, quant à elles, dès le 1er janvier 2022, car il n’y avait aucune raison d’en retarder l’application.

Enfin, l’article L. 211-3 du code des procédures civiles d’exécution est également modifié par l’ordonnance afin d’étendre aux nantissements l’obligation de déclaration du tiers saisi, dans le cadre d’une saisie-attribution (sur laquelle, v. R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, op. cit., nos 389 s.) : « Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations, nantissements ou saisies antérieures » (c’est nous qui surlignons).

L’innovation était nécessaire et elle mérite d’autant plus d’être saluée que le créancier nanti se trouve désormais investi, sans l’ombre d’un doute, d’un droit exclusif au paiement de la créance nantie, ce droit étant curieusement fondé sur un droit de rétention, consacré par la nouvelle ordonnance au sein de l’article 2363 du code civil (v. à ce sujet, M. Julienne, Le régime du nantissement de créance complété et modernisé, Rev. Banque, avr. 2021, p. 65 ; J.-D. Pellier, Le nantissement de créance, Dalloz actualité, 22 sept. 2021) et ce, alors même que la jurisprudence était parvenue au même résultat sans le secours du droit de rétention (v. à ce sujet, Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-11.417 et 19-13.636, D. 2020. 1940 , note J.-D. Pellier ; ibid. 1917, obs. J.-J. Ansault et C. Gijsbers ; Rev. prat. rec. 2020. 6, obs. D. Cholet et A. Provansal ; ibid. 7, obs. D. Cholet et O. Salati ; ibid. 2021. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2020. 666, obs. C. Gijsbers ; ibid. 946, obs. N. Cayrol ; v. égal., Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-10.420, D. 2020. 1836 ; RTD civ. 2020. 946, obs. N. Cayrol . Rappr. Civ. 2e, 10 déc. 2020, n° 19-19.340. V. à ce sujet, M. Julienne, Le nantissement enfin pris au sérieux, Banque et Droit, n° 194, sept.-oct. 2020, p, 4 ; J.-D. Pellier, La consécration du droit exclusif au paiement du créancier nanti, D. 2020. 1940 ). Toutefois, l’on peut se demander pourquoi cette obligation de déclaration du tiers saisi n’a pas été étendue à d’autres opérations sur obligations, qu’elles soient créatrices (certes, en visant les délégations, l’actuel art. L. 211-3 permet d’englober non seulement la délégation non novatoire, dite imparfaite, mais également la délégation novatoire, dite parfaite. Cependant, il laisse de côté les hypothèses, certes plus rares, de novations ne reposant pas sur une délégation. V. à ce sujet, J. François, Traité de droit civil, dir. C. Larroumet, t. 4, Les obligations – Régime général, Économica, 5e éd., 2020, nos 123 s.) ou translatives (cession de contrat, cession de dette ou encore subrogation personnelle. Cette dernière opère également une transmission de la créance, même si elle est toujours envisagée au titre du paiement par le code civil, l’art. 1346-4, al. 1er, c. civ. ne laissant aucun doute à ce sujet. Comp. D. R. Martin et L. Andreu, La subrogation personnelle, in La réforme du régime général des obligations, dir. L. Andreu, Dalloz, coll. « Thèmes et Commentaires », 2011, p. 93 ; v. égal., P. Delebecque, Les limites de la subrogation personnelle in Mélanges en l’honneur de Jacques Mestre, LGDJ, 2019, p. 361 ; E. Savaux, Le paiement avec subrogation in Le nouveau régime général des obligations, Dalloz, coll. « Thèmes et Commentaires », 2016, p. 141). 

(Original publié par Dargent)

Dans le cadre d’une zone à urbaniser (zone U), la lutte contre l’étalement urbain s’apprécie notamment au regard du projet d’aménagement et de développement durables (PADD).

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(Original publié par pastor)

Le règlement du plan local d’urbanisme (PLU) des Avenières Veyrins-Thuellin avait institué des zones U dans lesquelles les nouvelles constructions ont été interdites. La cour administrative d’appel de Lyon a jugé illégales ces dispositions, estimant qu’elles avaient pour effet d’interdire la...

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(Original publié par pastor)
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S’agissant des frais professionnels liés à l’exécution du contrat de travail, l’employeur est classiquement assujetti à une obligation de remboursement de ce que le salarié a dépensé sur présentation de justificatifs. La couverture des frais professionnels peut également prendre la forme d’une allocation forfaitaire. Tel est le cas pour l’indemnité de déplacement et de grand déplacement dans les travaux publics.

Plusieurs décisions ont été rendues au sujet de la prise en charge des frais professionnels par l’employeur en application d’une convention collective, faisant état d’une forte volonté du juge de retenir une interprétation stricte des accords et conventions collectives en la matière. À titre d’exemple, lorsqu’une convention collective prévoit une indemnité de repas due pendant les périodes de déplacement du salarié pour raison de service pendant les heures normales de repas, lesquelles sont comprises entre onze heures et treize heures pour le déjeuner, l’employeur ne peut s’exonérer sous aucun prétexte du versement de cette indemnité (Soc. 17 déc. 2004, n° 04-44.103, Dr. soc. 2005. 325, obs. C. Radé ). De même, le refus du salarié de travailler alors que l’employeur ne lui payait pas les frais qu’il avait exposés, en violation des dispositions contractuelles, ne constituait pas une faute justifiant un licenciement (Soc. 23 janv. 2001, no 98-45.271).

Dans ce contexte-là, l’arrêt rendu le 15 septembre 2021 par la Cour de cassation ne déroge pas à une application stricte par les juges d’une convention collective renfermant une clause d’indemnité de grand déplacement, et vient clôturer une procédure (Soc. 10 oct. 2018, n° 17-19.720 D ; Lyon, 10 janv. 2020, n° 18/08064).

L’indemnité de grand déplacement dans les BTP : le critère de l’existence d’un moyen de transport en commun

En l’espèce, un salarié embauché en qualité de peintre plâtrier et a été amené à se déplacer à plus de 50 km de son lieu de résidence. Le 6 mai 2013, il a saisi le conseil des prud’hommes d’une demande en paiement d’indemnités de grand déplacement. Il revendique le bénéfice...

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Auteur d'origine: Dechriste
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Le statut des baux commerciaux instaure une règle de plafonnement du loyer renouvelé par le jeu de la variation des indices légaux afin de limiter une hausse importante et brutale du loyer de nature à compromettre la viabilité de l’exploitation du locataire.

Cette règle du plafonnement peut être écartée dans des cas limitativement énumérés par la loi.

En effet, en application des dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce, la modification notable d’un des éléments constitutifs de la valeur locative mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code, à savoir les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité, suffit à écarter la règle du plafonnement du loyer du bail renouvelé (Civ. 3e, 9 juill. 1979, Gaz. Pal. 1979. 2. Somm. 480). Le nouveau loyer est alors porté au montant de la valeur locative.

Cependant, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite « Pinel » a introduit une règle appelée « le plafonnement du déplafonnement », selon laquelle la variation de loyer  ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente (C. com., art. L. 145-34, in fine). Cette nouvelle limitation s’applique aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

Le litige rapporté permet à la Cour de cassation de rappeler, dans un premier temps, les conditions du déplafonnement acquis en raison d’une modification des caractéristiques des lieux loués, avant d’évoquer, dans un second temps, la date de départ des intérêts du loyer de renouvellement fixé judiciairement.

En l’espèce, une société bailleresse a donné à bail, à compter du 1er juillet 2002, des locaux à usage commercial.

Dans un congé délivré le 28 décembre 2010, la bailleresse a offert le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2011 moyennant un loyer annuel de 180 000 € hors taxes et hors charges. La locataire a accepté le principe du renouvellement, mais a refusé le nouveau loyer.

En l’absence d’accord sur le montant du loyer du bail renouvelé, la bailleresse a, par acte d’huissier du 31 juillet 2013, fait assigner la locataire devant le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.

Le juge des loyers commerciaux a, dans un jugement rendu le 6 mars 2017, fixé le montant du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 136 543 € hors taxes et hors charges à compter du 1er juillet 2011, a déclaré que les arriérés de loyers seraient productifs d’intérêts au taux légal à compter de cette même date et a ordonné la capitalisation des intérêts.

La cour d’appel de Caen a, dans l’arrêt rendu le 2 mai 2019, confirmé le jugement dans toutes ses dispositions.

La locataire s’est pourvue en cassation.

Sur la modification notable des caractéristiques des locaux loués

Aux termes des dispositions des articles R. 145-3 et R. 145-4 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ; de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ; de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ; de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ; de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire et des locaux accessoires ou loués par le même bailleur et susceptibles d’une utilisation conjointe avec le local principal.

Comme indiqué, la modification des caractéristiques du local loué est, selon l’article L. 145-34 du code de commerce, un motif de déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

La jurisprudence admet, à ce titre, que des travaux réalisés par le locataire dans les locaux objet du bail consituent un motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé lorsqu’ils modifient la caractéristique des lieux concernés. En effet, dans la mesure où la surface des lieux loués constitue une caractéristique essentielle du local donné à bail, des travaux qui améliorent la capacité commerciale du local, en augmentant notamment les surfaces accessibles au public, justifie un déplafonnement (Civ. 3e, 2 déc. 1980, Gaz. Pal. 1981. Pan. 122 ; Paris, 6 oct. 1992, Loyer et copr. 1993. 58).

Dans l’arrêt rapporté, la configuration des locaux donnés à bail a été modifiée. La surface de vente s’est trouvée augmenter par le fait que la locataire a réalisé au cours du bail des travaux consistant à supprimer plusieurs cloisons afin d’intégrer dans la surface commerciale de vente une partie bureau et une partie réserve.  En outre, l’emplacement de la porte d’accès aux locaux a été modifié.

Nonostant l’absence de définition précise de la notion de « travaux modifiant les caractéristiques des locaux », et au regard de la jurisprudence nombreuse en la matière, il est permis de considérer que l’augmentation de la surface commerciale par le locataire, en raison de la suppression de plusieurs cloisons, emporte modification des caractéristiques des locaux justifiant le déplafonnement dès le premier renouvellement du bail qui suit l’exécution des travaux (en ce sens, v. Civ. 3e, 31 mars 2016, n° 15-12.356, D. 2016. 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2016. 685 , obs. D. Lipman-W. Boccara  ; Loyers et copr. 2016, n° 123, obs. E. Chavance – à comparer avec les travaux constituant des améliorations au sens de l’article R. 145-8, lesquels ne peuvent être pris en compte pour déterminer la valeur locative qu’à l’occasion du deuxième renouvellement suivant leur réalisation (v. par ex., Civ. 3e, 4 mars 1998, n° 96-16.671, AJDI 1998. 620 ; ibid. 621, obs. J.-P. Blatter ; RDI 1998. 429, obs. F. Collart-Dutilleul et J. Derruppé ; RTD com. 1998. 578, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin ; Paris, 10 avr. 2019, n° 17/12035).

Cependant, la modification des caractéristiques des locaux ne suffit pas à entraîner le déplafonnement du loyer du bail renouvelé. Le bailleur doit, en sus, établir le caractère notable de la modification, c’est-à-dire démontrer une modification substantielle (Civ. 3e, 14 mai 1997, n° 95-15.444, D. 1997. 137 ; AJDI 1999. 325 ; ibid. 326, obs. G. Teilliais ; 24 mars 2004, n° 02-16.933, D. 2004. 1456 , obs. Y. Rouquet ). En ce sens, il a été jugé par exemple que la démolition d’une partie d’un gros mur ayant permis d’agrandir la surface accessible à la clientèle, en supprimant l’arrière-boutique et la réserve, entraînant ainsi une restructuration des locaux, est une modification notable des caractéristiques des lieux loués (Civ. 3e, 17 déc. 2002, n° 01-15.684, AJDI 2003. 117 ).

Relevant d’une question de fait, l’appréciation du caractère notable de la modification est soumis au pouvoir souverain des juges du fond (Civ. 3e, 3 juin 1992, n° 90-18.048, Bull. civ. III, n° 183 ; Administrer 6/1993. 22, note J.-D. Barbier).

C’est ainsi que, dans l’arrêt sous étude, la cour d’appel de Caen a estimé que les travaux réalisés par la locataire postérieurement au 1er juillet 2002 constituent, par leur nature et leur incidence sur la configuration des locaux donnés à bail, une modification notable des caractéristiques des locaux loués, suffisante à justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé par application des dispositions combinées des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce.

Cette décision des juges d’appel est contestée par la locataire qui soutient qu’une modification des caractéristiques des locaux loués intervenue au cours du bail expiré ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer qu’autant qu’elle a eu une incidence favorable sur l’activité exercée par le locataire. Or, la preuve d’une incidence favorable sur l’activité du locataire est propre à la modification notable des facteurs locaux de commercialité (C. com., art. R. 145-6) et non à la modification des caractéristiques du local loué, sauf si les travaux ont été réalisés par le bailleur (Civ. 3e, 9 juill. 2008, n° 07-16.605, D. 2008. 1992, et les obs. ; AJDI 2008. 849 , obs. J.-P. Blatter  ; Administrer 10/2008. 55, obs. D. Lipman-W. Boccara ; ibid. 11/2008. 40, note J.-D. Barbier) ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Une telle preuve n’est pas non plus exigée lorsque le bailleur se prévaut d’une modification de la destination des lieux (Civ. 3e, 18 janv. 2012, n° 11-10.072, Galvao c/ Joyet (Mme), D. 2012. 278, obs. Y. Rouquet ; ibid. 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2012. 506 , obs. F. Planckeel ; RTD com. 2012. 298, obs. F. Kendérian ). En somme, seule l’appréciation de la modification des facteurs locaux de commercialité repose sur la notion d’ « intérêt pour le commerce considéré ».

Néanmoins, la condition d’un intérêt pour le commerce considéré a été assouplie par la jurisprudence, qui retient la modification notable des facteurs locaux de commercialité comme motif de déplafonnement qu’autant qu’elle est « de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité du locataire » (Civ. 3e, 14 sept. 2011, n° 10-30.825, D. 2011. 2273, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2012. 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2011. 867 ; ibid. 829, point de vue A. Confino ; RTD com. 2012. 84, obs. J. Monéger  ; Loyers et copr. 2011, n° 321, obs. P.-H. Brault ; TGI Verdun, 12 juill. 2012, n° 10/00289, Dalloz actualité, 24 sept. 2012, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2012. 753 ; ibid. 733, étude P. Mélin  ; Paris, 28 oct. 2016, n° 14/18317, Administrer 12/2016. 35, obs. M.-L. Sainturat ; Civ. 3e, 14 sept. 2017, n° 16-19.409, AJDI 2017. 778 ).

En tout état de cause, pour que le déplafonnement soit définitivement acquis, la modification doit, en outre, être intervenue au cours du bail expiré, c’est-à-dire postérieurement à la date d’effet du bail et antérieurement à la date d’effet du nouveau bail. Dans l’arrêt rapporté, le bail a pris effet le 1er juillet 2002 et l’offre de renouvellement du bail a été faite à compter du 1er juillet 2011. Il ressort des pièces du dossier que les travaux ont été réalisés postérieurement au 1er juillet 2002, soit pendant la durée du bail.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la troisième chambre civile de la Cour de cassation ne pouvait qu’entériner la décision des juges d’appel d’avoir constaté que « la nature et l’incidence des travaux sur la configuration des locaux donnés à bail, dont il n’était pas soutenu qu’ils fussent d’amélioration et qui avaient été décidés et réalisés par la locataire, ont, au cours du bail expiré, modifié notablement les caractéristiques des locaux loués justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé ». Les Hauts magistrats rappellent ainsi le principe acquis selon lequel une modification notable des caractéristiques des locaux loués suffit à justifier le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

Le loyer déplafonné doit en conséquence être fixé à la valeur locative déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 145-33 du code de commerce.

Le juge du droit a procédé à une rédaction minutieuse de sa solution. Il a pris le soin d’énumérer, une à une, l’ensemble des conditions exigées pour retenir qu’une modification des caractéristiques des locaux loués justifie le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, même celles qui n’ont fait l’objet d’aucun débat entre les parties, tout en spécifiant concomitamment que l’ensemble des conditions étaient remplies en l’espèce.

Il faut constater, à l’évidence, que la réalisation de travaux n’est pas sans risque pour le locataire, qui peut être amené à supporter une double charge. En effet, non seulement le locataire finance les travaux importants mais il s’expose, du fait de son initiative, à une augmentation de son loyer.
 

Sur les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement

Si la Cour régulatrice approuve la cour d’appel d’avoir retenu que les travaux réalisés par la locataire ont entraîné une modification notable des caractéristiques des locaux loués justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé, elle censure néanmoins, au visa de l’article 1155 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’arrêt qui a condamné la locataire à payer au bailleur les intérêts au taux légal sur l’arriéré résultant du loyer déplafonné depuis le 1er juillet 2011, date à laquelle le bail commercial a été renouvelé.

En application des dispositions susvisées, la Cour de cassation, qui censure partiellement l’arrêt d’appel, rappelle sa solution adoptée dans l’arrêt du 3 octobre 2012 selon laquelle les intérêts dus sur la différence entre le loyer du bail renouvelé et le loyer payé depuis le renouvellement, courent, en l’absence de convention contraire, non pas à compter de la date d’effet du bail renouvelé (même si cette solution a été retenue pendant de nombreuses années, v. en ce sens, Civ. 3e, 23 mars 1988, n° 86-18.067, Gaz. Pal. 1989. I. Somm. 47, obs. P. Brault ; 14 sept. 2017, n° 16-19.409, AJDI 2017. 778 ), mais à compter de la délivrance de l’assignation en fixation du prix lorsque celle-ci émane du bailleur (Civ. 3e, 3 oct. 2012, n° 11-17.177, R., p. 443 ; D. 2012. 2388, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2540, chron. A. Pic, V. Georget et V. Guillaudier ; ibid. 2013. 1794, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2013. 113 , obs. J.-P. Blatter ; 18 juin 2014, n° 13-14.715, D. 2014. 1374, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2014. 868 , obs. J.-P. Blatter ; 16 mars 2017, n° 16-10.216, AJDI 2017. 353 ; 12 avr. 2018, n° 16-26.514, D. 2018. 846 ; AJDI 2018. 853 , obs. J.-P. Blatter ; 11 juill. 2019, n° 18-19.376, AJDI 2020. 212 , obs. D. Lipman-W Boccara ), en l’espèce à compter du 31 juillet 2013.

Cette solution conforme à la lettre de l’ancien article 1155 du code civil n’est applicable qu’aux actions introduites avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (l’anc. art. 1155 n’ayant pas été recodifié par l’ordonnance précitée). 

(Original publié par sandjechairi)

Une modification notable des caractéristiques des locaux loués en cours du bail expiré justifie, à elle seule, le déplafonnement du loyer et en l’absence de convention contraire, les intérêts de retard courent à compter de la délivrance de l’assignation en fixation du prix lorsque celle-ci émane du bailleur.

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(Original publié par sandjechairi)
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Droit antérieur à la réforme

L’importance prise par les sûretés réelles immobilières ne fait aucun doute. D’une efficacité redoutable, elles sont devenues rapidement incontournables et ce, qu’elles soient fondées sur la préférence ou sur l’exclusivité. Afin de traiter au mieux l’état du droit antérieur de cette question, nous rappellerons des constantes autour de leur qualification d’une part puis autour de leur régime, d’autre part.

D’une part, leur qualification est inchangée entre l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 et le droit actuel. Comme le disent certains auteurs, « on pénètre dans le domaine des sûretés réelles immobilières un peu comme on rentre dans une étude de notaire : à pas feutrés, et avec une certaine déférence » (P. Delebecque et P. Simler, Droit civil – Les sûretés. La publicité foncière, 7e éd., Dalloz, 2016, p. 383, n° 373). L’actuel article 2373 du code civil énumère leur nombre : « les sûretés sur les immeubles sont les privilèges, le gage immobilier et les hypothèques. » avant d’ajouter dans son second alinéa « la propriété de l’immeuble peut également être retenue ou cédée en garantie. ». Ainsi, à l’hypothèque faut-il rajouter le gage immobilier (que l’on appelait jadis l’antichrèse) et les privilèges immobiliers.

D’autre part, leur régime a pu connaître des évolutions importantes ces dernières années. La loi fait une place très importante à l’hypothèque que l’on appelle encore parfois volontiers « la reine des sûretés ». D’une importance cruciale, cette garantie occupe aujourd’hui de très nombreux articles du code civil. Mais il faut ici distinguer entre les sûretés pour dresser les traits caractéristiques des règles applicables du droit antérieur à l’ordonnance. Nous ne pourrons pas élaborer un état exhaustif de chaque question mais nous tenterons de dégager les grandes orientations de ce droit applicable jusqu’en 2022.

En ce qui concerne l’hypothèque, toute l’économie de cette sûreté réelle immobilière est résumée autour de l’article 2393 du code civil. Ce texte permet de comprendre plusieurs caractéristiques essentielles de l’hypothèque qui sont reprises et détaillées dans la suite des dispositions. En somme, l’hypothèque est un droit réel, accessoire et indivisible qui ne porte que sur les immeubles en dépit de l’existence de figures originales comme l’hypothèque maritime. La formulation même de l’article 2393 concernant son indivisibilité est une traduction en français assez fidèle de l’adage latin formulé par Dumoulin hypotheca est tota in toto et tota in qualibet parte qui a des effets importants sur des mécanismes ayant pour conséquence l’extinction partielle d’une dette garantie (sur ce point, C. Hélaine, L’extinction partielle des dettes, thèse Aix-en-Provence, 2019, dir. V. Égea et E. Putman, n° 36, p. 53).

L’hypothèque se présente donc comme une technique incontournable, notamment pour accéder au crédit. Elle peut être légale, conventionnelle ou judiciaire. Quand elle est conventionnelle, le débiteur s’exposant à un certain danger sur l’immeuble objet de la sûreté, toute une série de dispositions permet de rendre l’opération sécurisée. Son aspect solennel en est un des principaux traits caractéristiques. L’une des questions ayant agité le droit antérieur à ce sujet a notamment concerné l’hypothèque dite rechargeable qui a connu un sort plutôt funeste, tantôt supprimée, tantôt rétablie (L. Andreu, L’hypothèque rechargeable ressuscitée, JCP E 26 janv. 2015. 134 ; C. Gijsbers, Hypothèque rechargeable : rétablissement pour les professionnels par la loi du 20 décembre 2014, D. 2015. 69 ).

Devant l’ampleur de la question des règles applicables à l’hypothèque, nous comparerons les éléments de régime qui ont fait l’objet de modifications dans l’état futur du droit positif applicable selon les règles de droit transitoire de l’ordonnance n° 2021-1192 (v. infra).

En ce qui concerne le gage immobilier, le législateur a érigé cette sûreté sur le calque de l’hypothèque pour un nombre important de dispositions comme en témoigne l’article 2388 actuel du Code civil. De l’essence même du contrat (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, op. cit., p. 385, n° 375), la dépossession reste un trait distinctif du gage immobilier. Sa dénomination a d’ailleurs évolué : d’abord intitulée antichrèse, elle fut ensuite nommée gage immobilier pour simplifier sa qualification et éviter le recours à un terme jugé obscur. Cette dépossession se comprend surtout dans l’optique de la jouissance du bien puisque le créancier gagiste peut percevoir les fruits civils générés par le bien immeuble gagé.

En ce qui concerne les privilèges, le régime antérieur à l’ordonnance est gouverné par le concours entre privilèges immobiliers généraux et spéciaux que l’on retrouve également pour les privilèges mobiliers. Il faut se rappeler que la loi d’habilitation n’avait pas permis leur réforme en 2006 et il avait alors fallu maintenir en l’état le système antérieur. L’avant-projet rédigé sous l’égide de l’Association Henri Capitant avait jugé que les privilèges immobiliers spéciaux – prenant rang avant la date de leur inscription – n’étaient pas tolérables en l’état. S’est ainsi créé en doctrine un certain mouvement militant pour que ces privilèges spéciaux soient transformés en hypothèques légales qui ne prendraient effet qu’à la date de leur inscription. Le droit antérieur des privilèges immobiliers est donc régi par une certaine insécurité juridique à travers cette spécialité. À cette incertitude, s’ajoutent également des privilèges tout simplement inadaptés à notre époque comme nous l’avons vu pour les privilèges mobiliers (sur ce point de la réforme, C. Hélaine, Les privilèges mobiliers, Dalloz actualité, 21 sept. 2021).

Voici donc des sûretés plurielles que la loi regroupait autour du terme générique « sûretés réelles immobilières ».

Quels sont les changements issus de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 ?

Droit issu de la réforme et perspectives

Sur l’hypothèque

L’hypothèque voit plusieurs parties de son régime évoluer assez drastiquement. Mais avant de les évoquer, il faut rapidement étudier si ses caractéristiques générales ont changé. L’article 2393 actuel ayant été jugé imprécis, l’ordonnance entend le réécrire. Ce constat a conduit le gouvernement à proposer une définition de l’hypothèque éclatée dans plusieurs articles. Exit les principaux caractères dès le premier article ! Les principaux traits caractéristiques de l’institution sont disséminés aux quatre vents. Sur le fond, rien ne change toutefois sur les caractères de l’hypothèque désormais définie à l’article 2385 nouveau comme « l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation sans dépossession de celui qui la constitue ».

Parmi les disparitions importantes, une attire l’attention. La fameuse règle « les meubles n’ont point de suite par hypothèque » de l’article 2398 du code civil (RTD civ. 1994. 543, obs. E. Putman ) est abandonnée. On peut le regretter, même si l’ordonnance le justifie avec l’inadaptation de la règle eu égard à la possibilité de l’hypothèque sur les navires, bateaux et aéronefs. La raison n’est-elle pas au moins discutable en raison du caractère dérogatoire de la nature juridique de ces biens ?

On retrouve ensuite la présentation classique : hypothèque légale, hypothèque conventionnelle et hypothèque judiciaire.

Sur cette dernière, on notera l’apparition d’un article 2408 nouveau indiquant que l’hypothèque judiciaire conservatoire est régie par le code des procédures civiles d’exécution. Ceci vient pallier un silence dans le Code civil de cette technique bien connue des voies d’exécution. On remarque ainsi la place désormais discrète de l’hypothèque judiciaire dans le code civil.

L’hypothèque légale est celle la plus touchée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. Elle voit son régime aménagé pour que la transformation des privilèges immobiliers spéciaux puisse être accueillie dans les nouveaux articles 2391 et suivants et plus précisément à partir des articles 2402 et suivants. La solution paraît logique tant il existe des liens entre l’hypothèque légale et les privilèges (Rép. civ., v° Hypothèque légale, par A. Fournier, n° 2). Ainsi, peut-on désormais lire que les hypothèques légales sont générales ou spéciales pour tenir compte de ce changement. Cette coexistence entre hypothèques légales générales et spéciales complexifie un peu cet aspect de l’hypothèque il faut bien le dire.

Sur les hypothèques légales générales, notons la suppression massive de l’hypothèque légale des époux qui n’est conservée que pour un régime matrimonial très peu choisi, la participation aux acquêts. Il faut également bien accueillir la reconnaissance officielle de l’hypothèque légale du mineur qui, au lendemain de la loi n° 2007-208 du 5 mars 2007, avait été incertaine par la suppression d’une référence à ce sujet dans l’article 2409 du Code civil. Le projet d’ordonnance hésitait, dans un premier temps, sur le maintien de l’hypothèque légale des frais de dernière maladie et de fournitures de subsistances. L’ordonnance n° 2021-1192 les a supprimées pour éviter des hypothèques légales désuètes.

La suppression des privilèges immobiliers spéciaux pour devenir des hypothèques légales spéciales est probablement l’une des plus grandes nouveautés de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. L’effet de ce changement est fondamental : la prise de rang se fait à l’inscription et non plus à la date de naissance de la créance (J.-D. Pellier, Les sûretés réelles immobilières, Lexbase, n° 3). Le but avoué est évidemment de « simplifier et unifier les sûretés immobilières » comme le précise le projet d’ordonnance de décembre 2020. Encore faudra-t-il se méfier des privilèges immobiliers spéciaux nés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance comme le note sur ce point le Rapport remis au président de la République concernant l’ordonnance étudiée. Les questions de droit de transitoire en droit des sûretés réelles immobilières ont encore de beaux jours devant elles !

L’hypothèque conventionnelle connaît quelques bouleversements. En premier lieu, l’article 2409 nouveau lequel reprend l’article 2416 du code civil hésitait – dans le cadre du projet d’ordonnance – à se défaire de la possibilité de conclure sous seing privé une promesse d’hypothèque (jurisprudence constante, Civ. 3e, 7 janv. 1987, Bull. civ. III, n° 4 depuis Civ. 7 févr. 1854). Il faut bien admettre que cette jurisprudence selon laquelle une telle promesse est valable est contraire au parallélisme des formes, certes. Le maintien d’une telle solution était, selon les rédacteurs du projet, assez discutable compte tenu de l’absence d’efficacité de la révocation de la promesse unilatérale de contrat issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (Rép. civ., v° Hypothèque conventionnelle, par C. Juillet, n° 56 ; V. Brémond, Hypothèque et promesse d’hypothèque, les liaisons dangereuses, JCP N 2003, nos 1369 et 1374). Mais sur ce point, le projet était un peu trop sévère et il est tout à fait bienvenue que l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’ait pas consacré une telle formule notariée pour la promesse d’hypothèque. Relevons également la codification à droit constant de la forme notariée du mandat d’hypothéquer, ce qui respecte parfaitement le principe de parallélisme des formes (P. Simler et P. Delebecque, Droit civil – Les sûretés, op. cit., p. 415, n° 407 ; Rép. civ., v° Hypothèque conventionnelle, par C. Juillet, n° 12 et spéc. n°55).

Beaucoup de règles concernant l’hypothèque conventionnelle sont ensuite modernisées et renumérotées en raison de la suppression de certains textes. L’une des interrogations que suscite la lecture de l’ordonnance concerne le principe classique de prohibition des hypothèques sur bien futur lequel est complètement renversé. Il existe alors une difficulté sur le domaine de l’ordonnance puisque l’article 60, 12°, de la loi d’habilitation du 22 mai 2019 ne permettait qu’une réforme « élargissant les dérogations à la prohibition des hypothèques de biens à venir » (nous soulignons). En renversant le principe, l’article 2414 dispose désormais « l’hypothèque peut être consentie sur des immeubles présents ou futurs ». Or, il ne s’agit plus d’élargir mais de changer de paradigme à ce sujet. La disposition nouvelle brouille les frontières entre ce que pouvait faire l’ordonnance et ce qu’elle fait réellement. N’aurait-il pas fallu procéder par voie ordinaire et donc permettre des débats parlementaires pour cette question susceptible de beaucoup d’applications pratiques ? Bien évidemment, la loi de ratification viendra éliminer cette question (J.-D. Pellier, Les sûretés réelles immobilières, op. cit., n°5).

L’effet des hypothèques comprend désormais une première sous-section sur le droit de préférence et le droit de suite puis une seconde sur la purge. Cette présentation dynamique permet une meilleure compréhension des dispositions qui font l’objet de modernisation et de clarification diverses.

On notera que la purge qui profite au tiers acquéreur trouve désormais application également pour le gage d’un immeuble par destination (C. civ., art. 2472 nouv.) ; ce qui est assez original mais tout à fait pertinent. Le projet d’ordonnance l’explique ainsi : « en cas d’aliénation d’un immeuble incluant un immeuble par destination gagé, il est indispensable que soit ouverte la faculté de procéder à la purge de ce gage ; à défaut, en effet, aucun acquéreur ne se présenterait et le commerce des immeubles serait paralysé ».

Une subtilité importante concerne les droits du tiers acquéreur. Abandonnant une jurisprudence récente (Civ. 2e, 19 févr. 2015, n° 13-27.691, D. 2015. 964 , note P. Théry ; ibid. 1339, obs. A. Leborgne ; ibid. 1810, obs. P. Crocq ; RTD civ. 2015. 652, obs. W. Dross ) qui avait précisé que le tiers détenteur ne pouvait pas se prévaloir de la prescription de la créance principale (en l’espèce pour obtenir la mainlevée du commandement de payer, valant saisie), l’article 2455 nouveau du code civil issu de l’ordonnance dispose désormais que « le tiers acquéreur qui n’est pas personnellement obligé à la dette peut s’opposer à la vente de l’immeuble s’il demeure d’autres immeubles, hypothéqués à la même dette, en la possession du débiteur principal, et en requérir la discussion préalable selon la forme réglée au chapitre Ier du titre Ier du livre IV du présent code. Pendant cette discussion, il est sursis à la vente de l’immeuble hypothéqué » avant d’ajouter que « Ce tiers acquéreur peut encore, comme le pourrait une caution, opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal ». Voici de quoi assurer aux tiers acquéreurs une sécurité bienvenue et conforme aux règles du droit des sûretés concernant l’opposabilité des exceptions (v. sur ce point l’analyse de C. Juillet, Rép. civ., préc. n° 90). Il faut également souligner que l’alinéa 1er de l’article 2455 nouveau offre une extension importante du bénéfice discussion du tiers acquéreur face aux créanciers disposant d’une hypothèque spéciale sur l’immeuble alors que l’actuel article 2466 ne le permet pas.

En ce qui concerne l’extinction de l’hypothèque, on ne peut qu’apprécier l’ajout du vocable « notamment » dans les causes d’extinction citées à l’article 2474 du code civil issu de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. Il existe, en effet, d’autres causes d’extinction que celles citées comme celle que rappelle d’ailleurs le projet d’ordonnance, le défaut de déclaration dans une procédure de rétablissement personnel (v. à ce sujet, J.-D. Pellier, Droit de la consommation, 3e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2021, p. 457, n° 362). On accueille également bien volontiers la suppression de la référence à la prescription dans l’extinction de l’hypothèque. Lorsqu’une créance est prescrite, l’hypothèque s’éteint par voie accessoire. Ainsi, il n’y a pas de nécessité de citer la prescription à l’article 2474 du code civil. L’ordonnance vient ici supprimer une référence surabondante de l’article 2488, 4°, en vigueur.

D’autres changements pourraient être utilement cités comme la modernisation du droit de suite (on préfère désormais l’expression de tiers acquéreur au tiers détenteur, plus juste), la modification de certains points de la purge judiciaire, l’abandon de la faculté de délaissement de l’article 2467 du code civil, etc. Sur ce point, la partie des « Des effets de l’hypothèque » du Rapport remis au président de la République est particulièrement éclairante sur les différentes modifications opérées.

Sur les autres sûretés réelles

En ce qui concerne les privilèges immobiliers, les changements introduits par l’ordonnance sont importants comme nous l’avons noté. Le 12° de l’article 60 de la loi du 22 mai 2019 précisait que l’ordonnance devait « améliorer les règles relatives aux sûretés réelles immobilières, notamment en remplaçant les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité par des hypothèques légales ». C’était une proposition de l’Association Henri Capitant qui a été suivie ici. La modification reste une très bonne nouvelle pour la prise de rang qui sera ainsi celle de l’inscription de l’hypothèque. Certains privilèges immobiliers spéciaux sont purement et simplement supprimés comme celui des architectes de l’article 2382 en raison d’un formalisme trop important.

Pour les privilèges généraux, il faut noter que l’article 2377 nouveau, actuel article 2375 du code civil, est grandement modernisé. Le privilège des frais de justice comprend la même référence que pour son pendant en privilèges mobiliers, i.e. « sous la condition qu’ils aient profité au créancier auquel le privilège est opposé ».

C’est une codification à droit constant qui n’appelle aucune remarque particulière tant la solution est acquise (Com. 17 nov. 1970, Bull. civ. IV, n° 305). En ce qui concerne le privilège des salaires, la numérotation du Code du travail est reprise pour correspondre aux dernières réformes. Cet article 2377 nouveau sert de structure pour le classement des privilèges comme l’indique le nouvel article 2378 reprenant en la matière l’actuel article 2376. La disparition des privilèges spéciaux conduit à une importante renumérotation d’un certain nombre d’articles.

Il faut noter que les dispositions portant sur le gage immobilier n’ont fait l’objet d’aucune modification substantielle sauf – et c’est essentiel – concernant la définition du mécanisme. Le nouvel article 2379 du code civil dispose que « Le gage immobilier est l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation avec dépossession de celui qui la constitue ». Voici une formulation qui semble mettre fin à un débat sur la dépossession comme effet ou comme condition du gage immobilier. La formulation se dirige dans le sens d’une condition, faisant probablement de cette sûreté réelle un contrat réel, ce qui est remarquable compte tenu de l’appauvrissement de cette catégorie juridique (sur ce point, v. J.-D. Pellier, Retour sur le gage immobilier à la lumière de la nouvelle réforme du droit des sûretés, à paraître). L’ensemble a été renuméroté aux articles 2379 et suivants du code civil. L’ordonnance n’a, mis à part pour la définition, opéré qu’une modification mineure, très souvent de formulation ou de renvois. Il faut peut-être regretter sur ce point que le terme d’antichrèse ne soit pas revenu dans le giron du code civil. Ceci aurait permis – comme le voulait le projet Capitant – une unité du gage comme une sûreté des meubles corporels. La proposition sera restée lettre morte. Ici donc, peut-être un regret mais assez mineur. La loi a peut-être évité le recours à un terme peu connu du grand public. Le futur dira si nous reviendrons à la dénomination d’antichrèse, plus fidèle à l’institution en elle-même.

En somme, le droit des sûretés réelles immobilières connaît des modifications importantes, plus ou moins conformes à la loi d’habilitation. Le droit qui en résulte est grandement modernisé et il faut probablement s’en féliciter. Des interrogations perdurent toutefois sur l’hypothèque de biens futurs ou sur la nécessité du maintien de certaines hypothèques légales spéciales, i.e. en réalité de certains privilèges immobiliers spéciaux du droit antérieur. Mais l’ensemble reste très intéressant sous l’angle de la technique juridique employée : moderniser sans trahir, restaurer sans trop en ajouter.

 

 

Sur l’ordonnance « Réforme du droit des sûretés », Dalloz actualité a également publié :

• Réforme du droit des sûretés : saison 2, par Jean-Denis Pellier le 17 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 1) : le cautionnement (dispositions générales), par Jean-Denis Pellier le 20 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formation et étendue du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 20 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 3) : les effets du cautionnement, par Jean-Denis Pellier le 21 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 4) : l’extinction du cautionnement, par Laetitia Bougerol le 21 septembre 2021

• Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 5) : les privilèges mobiliers, par Cédric Hélaine le 21 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 6) : le gage, par Claire-Anne Michel le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 7) : le nantissement de créance, par Jean-Denis Pellier le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 8) : la réserve de propriété, par Claire-Anne Michel le 22 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 9) : la fiducie utilisée à titre de garantie, par Cédric Hélaine le 23 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 10) : la cession de créance de droit commun à titre de garantie, par Jean-Denis Pellier, le 23 septembre 2021

Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 11) : la cession de somme d’argent à titre de garantie, par Claire-Anne Michel, le 24 septembre 2021

(Original publié par Dargent)
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Multiplication des sûretés-propriétés mobilières. En matière de sûretés mobilières, les évolutions les plus marquantes de l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés ne sont sans doute pas celles relatives au sûretés préférentielles (gage ou nantissement). Innovantes certes, elles s’inscrivent néanmoins dans la continuité de la voie initiée par l’ordonnance du 23 mars 2006. Bien différente est la conclusion qui s’impose s’agissant des sûretés-propriétés : entre consécration de la validité de la cession de créance à titre de garantie et consécration de la cession de somme d’argent à titre de garantie, la présente ordonnance fait œuvre de nouveauté. C’est à la faveur de l’article 60-I, 11°, de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 habilitant le gouvernement à « inscrire et organiser dans le code civil le transfert de somme d’argent au créancier à titre de garantie », que celui que l’on dénomme communément le « gage-espèces » est, « dans un souci d’attractivité du droit français, de lisibilité et de sécurité juridique » (v. Rapport au président de la République, spéc. sous présentation de l’art. 11 de l’ordonnance ), aujourd’hui consacré. En effet, en dépit de son importance pratique considérable, le gage-espèces s’épanouissait jusqu’alors sans support textuel spécifique. Or, les évolutions législatives contemporaines (consécration du gage avec dépossession de choses fongibles – art. 2341 c. civ. – ou encore fiducie-sûreté – art. 2011 c. civ. –) avaient fait naître des interrogations quant à la qualification de l’opération et donc quant à son régime, incertitudes que la présente ordonnance dissipe.

Ainsi, jusqu’à présent dans l’ombre, le gage-espèces accède aujourd’hui à la lumière.

Le droit antérieur à la réforme: une sûreté dans l’ombre

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 15 septembre 2021, lequel a vocation à s’appliquer jusqu’à l’entrée en vigueur de cette dernière le 1er janvier 2022 (Ord., art. 37), les principes avaient été établis par la jurisprudence, toutefois, leur pérennité était incertaine en raison de l’avènement, à l’initiative de l’ordonnance du 23 mars 2006, de l’article 2341 du code civil.

S’agissant des principes jurisprudentiels, une distinction devait être opérée selon le sort réservé à la somme remise au créancier. À défaut d’individualisation de la somme au sein du patrimoine de ce dernier, l’opération emportait transfert de la propriété de cette somme. La qualification de cession fiduciaire était retenue, en conséquence de quoi, à l’image de tout mécanisme fiduciaire, le créancier s’engageait à restituer la somme au constituant dès lors que l’obligation garantie était exécutée. En cas d’inexécution, il devenait définitivement propriétaire de la somme et la compensation fondait alors l’extinction de l’obligation de restitution (Com. 3 juin 1997, n° 95-13.365, D. 1998. 61 , note J. François ; ibid. 104, obs. S. Piédelièvre ; RTD com. 1997. 663, obs. M. Cabrillac ; ibid. 686, obs. A. Martin-Serf ; ibid. 1998. 403, obs. B. Bouloc ). Cette qualification ne pouvait en revanche être retenue dans l’hypothèse où la somme remise