La chambre de commerce et d’industrie (CCI) du Pays de Saint-Malo, aux droits de laquelle sont venues la CCI territoriale Saint-Malo Fougères puis la CCI d’Ille-et-Vilaine, attribue un marché portant sur la fourniture et la mise en service d’une grue automobile portuaire à câble à la société Treuils et Grues Labor. La fourniture et l’installation sur la grue d’un système de contrôle et de commande sont sous-traitées à la société Ascorel. Après une réception provisoire des travaux avec des réserves, et malgré de multiples mises en demeure, la société Treuils et Grues Labor ne fait rien pour remédier aux dysfonctionnements qui affectent la grue. La CCI informe le titulaire de sa décision de conclure un marché avec la société In Situ, aux frais et risques de la société Treuils et Grues Labor, en vue de faire expertiser la grue. Les résultats de cette expertise conduisent la CCI à conclure un nouveau marché, portant cette fois-ci sur des travaux de remise en état de fonctionnement de la grue : le premier lot est attribué à la société Saint-Malo Hydraulique, le second à la société Ascorel. Ces travaux supplémentaires ne permettent pas de faire fonctionner la grue ; la CCI résilie le marché passé avec la société Treuils et Grues Labor pour faute.
La CCI saisit le juge du fond d’une part de la résolution du marché litigieux et d’autre part de la réparation du préjudice résultant de la mauvaise exécution de ce marché par la société Treuils et Grues Labor et son sous-traitant, la société Ascorel, mais également de la mauvaise exécution du marché d’expertise et celui portant sur des travaux de remise en état de fonctionnement de la grue par ces deux sociétés ainsi que par la société In Situ. Seule la société Treuils et Grues Labor est condamnée par le tribunal administratif de Rennes au versement d’une somme de plus de 200 000 €. La cour administrative d’appel de Nantes, quant à elle, ne fait que porter les dommages et intérêts dus par la société Treuils et Grues Labor à plus de 900 000 €. Les autres conclusions de la CCI sont rejetées. Alors que la société Treuil et Grues Labor demande l’annulation de l’arrêt de la cour, le Conseil d’État indique les possibilités ouvertes à l’acheteur public en cas de défaillance du titulaire.
Le recours à un marché de substitution aux frais et risques du titulaire défaillant
Le Conseil d’État rappelle que, par principe, « il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que l’acheteur public de fournitures qui a vainement mis en demeure son cocontractant d’exécuter les prestations qu’il s’est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ». Cette règle prétorienne n’est pas nouvelle puisque le Conseil d’État l’applique depuis la fin des années 1970 ; la Haute juridiction administrative considère que « la procédure du marché de gré à gré [pour conclure un contrat de remplacement] peut être utilisée, dans les cas...