Après plus d’un an de mesures d’adaptation au contexte de la crise sanitaire, le législateur poursuit la mise en place de nouvelles règles temporaires et dérogatoires en droit des entreprises en difficulté (v. not. Loi n° 2020-1525 du 7 déc. 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, JO 8 déc. ; sur cette loi, v. nos obs. Loi ASAP : prolongation des règles adaptant le droit des entreprises en difficulté à la covid-19, Dalloz actualité, 23 déc. 2020). L’objectif est toutefois différent des textes précédents puisqu’il ne s’agit plus de prévenir les difficultés causées par la crise sanitaire mais de les régler en instaurant une procédure judiciaire dite de « traitement de sortie de crise ». L’habilitation donnée par l’article 196 de la loi Pacte du 22 mai 2019 ne permettant pas au gouvernement de prendre une telle mesure par voie d’ordonnance, la nouvelle procédure est venue se loger, par voie d’amendement, dans le projet de loi. L’article 13 de la loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire (ci-après « la loi ») instaure cette procédure de « traitement de sortie de crise » qui s’applique à compter du 2 juin 2021 jusqu’aux « demandes formées avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de cette même date ». La procédure est donc temporaire et contient diverses mesures dérogatoires au livre VI du code de commerce.
I - Les conditions spécifiques d’ouverture de la procédure
Une procédure à l’initiative exclusive du débiteur. L’initiative de la procédure de traitement de sortie de crise relève exclusivement du débiteur, personne physique ou morale. En cela, elle rejoint les modalités d’ouverture de la procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 620-1). La procédure est toutefois restreinte aux débiteurs qui ne dépasseront pas certains seuils précisés par décret en Conseil d’Etat, relatif au nombre de salariés et à un montant total de bilan. Enfin, les comptes du débiteur doivent apparaître « réguliers, sincères et aptes à donner une image fidèle de la situation financière de l’entreprise » (Loi du 31 mai 2021, art. 13, I A). En conséquence, le débiteur dont les comptes ne peuvent pas permettre d’appréhender avec une grande certitude le passif devra être écarté de cette procédure. Il serait d’ailleurs cohérent que le débiteur transmette au tribunal, à l’appui de sa demande, une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, qui sont les professionnels du chiffre les plus aptes à déterminer de la régularité et de la sincérité des comptes.
Un débiteur en cessation des paiements. La procédure de traitement de sortie de crise exige que le débiteur soit en « cessation des paiements », sans autre précision. Une définition ou un renvoi à l’article L. 631-1 du code de commerce aurait été pertinent au regard de la spécificité de la procédure même si le renvoi est induit de l’application des dispositions relatives au redressement judiciaire (art. 13, III A). Dans ce cas, se pose la question de l’application de la deuxième phrase de l’alinéa 1er dudit article : « Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettant de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements ». Cette disposition ne semble en effet pas applicable à la présente procédure dans la mesure où le débiteur est le seul à pouvoir solliciter l’ouverture et qu’il ne devrait donc pas être dans une position défensive en devant démontrer l’absence de cessation des paiements.
Un débiteur disposant de fonds disponibles pour payer ses créances salariales. Le législateur a également ajouté deux conditions spécifiques pour recourir à cette procédure, en imposant d’abord que le débiteur dispose « des fonds disponibles pour payer ses créances salariales » (salaires et indemnités). Cette condition est importante et tranche avec une conséquence habituelle de l’ouverture d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, celle de l’intervention de l’AGS pour avancer les créances salariales dues à l’ouverture d’une procédure. Il faut ainsi comprendre que l’AGS n’interviendra pas à l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise. L’article 13, III, de la loi exclut d’ailleurs le chapitre V du titre II du livre VI du champ d’application de la procédure (C. com., art. L. 625-1 à L. 625-9).
Un débiteur justifiant être en mesure d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Le débiteur doit également justifier « être en mesure, dans les délais prévus au présent article, d’élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise » (art. 13, I A). Cette condition est double.
D’une part, le débiteur doit être en mesure de présenter le projet de plan dans les délais prévus au D de l’article 13, I, de la loi : « Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée de trois mois. Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes. »
D’autre part, le débiteur doit justifier, au moment de l’examen par le tribunal de la demande d’ouverture de procédure, de sa capacité à élaborer un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise (rentabilité prévisionnelle de l’entreprise et adéquation de cette rentabilité avec le passif à apurer). Cette disposition est une condition déterminante de l’éligibilité à la procédure. Se pose ici la question de l’éligibilité à cette procédure des entreprises qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement, et qui sont en cessation des paiements. Il ne semble pas a priori qu’elles soient exclues du dispositif. Ainsi, une entreprise pourrait solliciter cette procédure afin de soumettre un nouveau plan d’apurement, alors même qu’elle a bénéficié d’un premier plan de sauvegarde – ce qui ici ne serait pas nouveau – ou de redressement.
Ces conditions spécifiques d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise permettent de limiter son accès aux seules entreprises viables qui ne connaissent qu’un problème conjoncturel lié à la crise sanitaire et au financement de leur activité, ce qui exclut les entreprises qui sont structurellement en difficulté. L’appréciation du tribunal sur l’éligibilité du débiteur à cette procédure sera déterminante et la motivation du jugement particulièrement importante. D’ailleurs, il faut noter que l’ouverture de la procédure est examinée en présence du ministère public (art. 13, I A, al. 3), ce qui se comprend aisément. Étant le garant de l’ordre public économique, son rôle est déterminant s’agissant d’une procédure exceptionnelle et dérogatoire au droit commun du livre VI du code de commerce. Néanmoins, et de manière classique, il semble que l’avis du ministère public ne lie pas le tribunal.
II - Les désignations dérogatoires des organes de la procédure
La désignation d’un seul auxiliaire de justice. À l’ouverture de la procédure, le tribunal désigne un mandataire de justice qui peut être un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire (art. 13, I B). Il peut également désigner une autre personne « par décision spécialement motivée ». La mesure est ici dérogatoire à l’obligation pour le tribunal de désigner un mandataire judiciaire, par combinaison des alinéas trois et quatre de l’article L. 621-4 du code de commerce ; ces dispositions ont d’ailleurs été expressément écartées du champ d’application de la procédure de traitement de sortie de crise. De même qu’a été écarté l’article L. 621-4-1 du code de commerce permettant de désigner plusieurs mandataires, ce qui est cohérent avec les seuils d’ouverture de la procédure. Ce mandataire de justice unique exerce « les fonctions prévues par les articles L. 622-1, à l’exception de toute mission d’assistance, et L. 622-20 dudit code » (art. 13, I B). Il va donc remplir à la fois une mission de défense de l’intérêt collectif des créanciers qui relève habituellement du mandataire judiciaire et une mission de surveillance qui relève habituellement de l’administrateur judiciaire. Cette seconde mission consiste à vérifier a posteriori que les actes réalisés (en général les actes spécifiques, sortant de la gestion habituelle du débiteur) ne sont pas contraires aux intérêts de la procédure collective. L’article 13, I E de la loi prévoit toutefois que le mandataire unique sera chargé d’« assister » le débiteur dans la présentation du plan d’apurement. L’utilisation du mot « assistance » apparaît maladroite car elle vient en contradiction avec les dispositions de l’article 13, I B. Pour autant, cette disposition doit être entendue au sens que le mandataire devra bien assister – au sens d’accompagner – le débiteur dans l’élaboration et la présentation d’un plan d’apurement.
La désignation des contrôleurs excluant les créanciers publics et l’AGS. De manière classique, le tribunal peut désigner un à cinq contrôleurs parmi les créanciers qui lui en font la demande (art. 13, I C). Rappelons qu’aux termes de l’article R. 621-24, alinéa 3, du code de commerce, aucun contrôleur ne peut être désigné par le juge-commissaire avant l’expiration d’un délai de vingt-et-un jours à compter du prononcé du jugement d’ouverture de la procédure. Les créanciers publics telles les administrations financières ou les institutions mentionnées à l’article L. 3253-14 du code du travail, à savoir l’AGS, ne peuvent être désignés comme contrôleurs (compte tenu de l’exclusion du deuxième alinéa de l’art. L. 621-10 par l’art. 13, I C de la loi). Si l’exclusion est compréhensible pour l’AGS qui n’est pas créancière de la procédure de traitement de sortie de crise, elle l’est moins pour les administrations financières, et autres organismes et institutions dans la mesure où ils peuvent être créanciers du débiteur à l’ouverture de la procédure.
III - Une période d’observation simplifiée
Une durée maximale obligatoire plus brève. Le jugement ouvre une période d’observation d’une durée maximale de trois mois (art. 13, I D de la loi). Cette durée était déjà possible puisque la durée de six mois prévue en droit commun est une durée maximale (le tribunal peut donc ouvrir une période d’observation de trois mois seulement). Dès l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise, le tribunal devra fixer une audience dans un délai maximum de deux mois après le jugement d’ouverture, afin d’ordonner la poursuite de la période d’observation, pour un mois maximum, si le débiteur justifie « disposer à cette fin de capacités de financement suffisantes » (art. 13, I D). Ce point interroge. En effet, une des conditions d’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise consiste à ce que le débiteur soit en mesure de justifier de sa capacité à élaborer dans le délai de trois mois, un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise. Cela implique a priori que le débiteur dispose à l’ouverture de la procédure des capacités pour financer la période d’observation et que le tribunal le constate dans le jugement d’ouverture. S’il s’avérait que le débiteur ne peut pas financer un mois supplémentaire de période d’observation (qui est n’est pas particulièrement long), il conviendrait alors légitimement de se poser la question de son éligibilité originelle à cette procédure.
Inapplication des III et IV de l’article L. 622-13 du code de commerce relatifs à la résiliation des contrats en cours. Ces deux exclusions doivent être comprises à la lumière de la philosophie de cette nouvelle procédure ; celle-ci n’a pas vocation à permettre au débiteur de se restructurer, mais d’étaler de manière simple et rapide le passif exigible sur une durée longue dès lors qu’il est la conséquence de la crise sanitaire. En outre, quand bien même un administrateur judiciaire est nommé mandataire unique de la procédure, il n’a pas les pouvoirs qui lui sont conférés habituellement dans le cadre du traitement des contrats en cours dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire. Cette procédure reste toutefois protectrice des intérêts du débiteur dans la mesure où les autres dispositions de l’article L. 622-13 du code de commerce restent applicables. Ainsi, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture.
L’absence d’exclusion de l’article L. 622-13, II interroge. Faut-il comprendre que cet article est applicable ? Rappelons qu’il prévoit que l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au moment où il demande l’exécution du contrat, qu’il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S’il s’agit d’un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant. Alors que le mandataire de justice unique n’a qu’une mission de surveillance, le maintien de cette prérogative de l’administrateur judiciaire fait du mandataire unique un acteur important du traitement des contrats en cours. Il a ainsi la possibilité de poursuivre un contrat en cours ou, au contraire, d’y mettre fin.
IV - La détermination du patrimoine du débiteur
Un inventaire facultatif. L’inventaire du patrimoine du débiteur et des garanties qui le grèvent est établi soit par le débiteur, soit par un officier public ou par un courtier de marchandises assermenté, selon les dispositions du jugement d’ouverture (art. 13, II A). À la demande du débiteur, le tribunal peut dispenser celui-ci de procéder à l’inventaire. Le même article exclut les dispositions de l’article L. 624-19 du code de commerce relatives à la détermination de la consistance des biens de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Exclusion des dispositions relatives aux droits du vendeur de meuble, des revendications et restitutions. L’article 13, III A de la loi exclut également les articles L. 624-9 à L. 624-18 du code de commerce relatifs aux droits du vendeur de meubles, des revendications et des restitutions. Ces dispositions sont de toute évidence inapplicables dans la mesure où le délai maximal de revendication de trois mois à compter de la publication du jugement d’ouverture ne peut s’accorder avec la durée de la procédure de traitement de sortie de crise.
La simplification de la détermination de l’état des créances. Le débiteur porte la responsabilité d’établir la liste des créances avec les mentions usuelles au jour de l’ouverture de la procédure de traitement de sortie de crise (art. 13, II B). Aucun délai n’est mentionné pour l’établissement de cette liste. Celle-ci fait l’objet d’un contrôle dont les modalités seront fixées par décret en Conseil d’État. Aucune vérification des créances déclarées n’est réalisée par le mandataire de justice ni validé par le juge-commissaire (l’article 13, III A exclut l’application des articles L. 624-1 à L. 624-4 du code de commerce relatifs à la vérification et l’admission des créances). Aucun délai n’est non plus mentionné pour le dépôt au greffe de la liste des créances par le débiteur. Le mandataire de justice unique transmet à chaque créancier figurant sur la liste, les éléments de sa créance tels qu’ils figurent sur la liste (art. 13, II C). Le délai de cette transmission et les modalités (forme électronique, courrier recommandé) ne sont pas précisés. Compte tenu du caractère dérogatoire de cette procédure, des précisions sur ces différents points seraient nécessaires pour assurer l’équité et la transparence dans le déroulement de cette procédure. Le créancier peut faire connaître au mandataire de justice unique sa demande d’actualisation du montant de la créance ou toute contestation sur le montant ou l’existence de sa créance (art. 13, II C). Le délai imparti au créancier à cette fin sera fixé par décret en Conseil d’État. Il n’est pas précisé les modalités de cette transmission par le créancier (forme électronique, courrier recommandé) ni le sort de la demande ou de la contestation du créancier qui l’adresserait au mandataire unique après le délai imposé. Les propositions de plans seront établies sur la base de la liste établie par le seul débiteur, dont le montant des créances devra être actualisé des observations des créanciers. Seront exclues des dispositions du plan, les créances qui font l’objet d’une contestation (art. 13, II D).
En cas de contestation par un créancier de l’existence ou du montant de sa créance portée sur la liste établie par le débiteur, le juge-commissaire, saisi par le mandataire désigné, le débiteur ou le créancier, statue sur la créance dans les conditions fixées à l’article L. 624-2 du code de commerce (art. 13, III B). La décision du juge-commissaire n’a d’autorité qu’à l’égard des parties entendues ou convoquées. Les conditions et formes du recours contre sa décision sont fixées par décret en Conseil d’État. Cette disposition organise un recours judiciaire en cas de contestation sur l’existence ou le montant de la créance portée sur la liste par le débiteur. La saisine du juge-commissaire est à l’initiative du débiteur du créancier, et également du mandataire de justice. Le juge-commissaire statue dans les conditions fixées à l’article L. 624-2 du code de commerce, de sorte qu’on peut s’interroger sur l’obligation faite au mandataire de justice de faire une proposition quant à la contestation.
V - L’arrêté du plan
Une procédure simplifiée. Aux termes de l’article 13, IV A de la loi, le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues pour le plan de sauvegarde. Il peut ainsi prévoir l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une ou plusieurs activités. Il peut également prévoir des licenciements à la seule condition que le débiteur soit en mesure de les financer immédiatement. Dans la mesure où le mandataire de justice « assiste » le débiteur selon les dispositions de l’article 13, I E de la loi, et dès lors que l’article L. 626-2 du code de commerce est applicable, il semble que le mandataire de justice doive réaliser un bilan économique et social, et le cas échéant, environnemental. Seules les créances mentionnées par le débiteur sur la liste qu’il a établie, sont soumises aux dispositions du plan, à l’exception de certaines créances limitativement nommées (art. 13, IV B). Au demeurant, il n’est pas possible d’éluder la question de l’exactitude de la liste que le débiteur sera amené à établir. Le caractère contraignant de l’interdiction de paiement posée à l’article L. 622-7 du code de commerce a pour corollaire le caractère collectif de cette interdiction. Compte tenu du caractère dérogatoire et particulièrement simplifié de cette procédure, qui ne remet pas fondamentalement en cause l’universalité de ses conséquences sur les créanciers (hors cas spécifiquement énoncés), il importe qu’une vérification de ce caractère collectif soit a minima réalisée afin d’éviter le « debt shopping », c’est-à-dire la soumission, volontaire ou pas, de tel ou tel créancier au plan d’apurement.
La procédure de consultation des créanciers affectés par le plan. Cette procédure est mise en œuvre par le mandataire de justice unique. Les délais afférents sont applicables : en cas de consultation par écrit, les créanciers disposent d’un délai de 30 jours pour se positionner sur les propositions d’apurement, le défaut de réponse valant acceptation (C. com., art. L. 626-5). L’articulation de ce délai avec la durée de la procédure de traitement de sortie de crise interpelle. La combinaison de ces délais doit amener le débiteur à finaliser le projet de plan dans un délai inférieur à deux mois à compter de l’ouverture de la procédure (plus certainement dans un délai inférieur à 45 jours), afin de permettre la consultation régulière des créanciers (en cas de consultation écrite). Ce cadencement renforce l’étroitesse de l’éligibilité à cette procédure du point de vue du débiteur : ne seront éligibles que les débiteurs qui sont structurellement rentables mais qui doivent ponctuellement, en raison d’un endettement non maîtrisé lié à la crise sanitaire, traiter de manière collective et coercitive, cet endettement afin de permettre son apurement en corrélation avec leur capacité financière. Un point de vigilance doit également être apporté sur les réponses des établissements bancaires en présence d’un prêt garanti par l’État (PGE) d’une durée de six ans, qui est garanti à 90 % par la Banque publique d’investissement (BPI). Si l’établissement bancaire accepte un étalement de ce prêt sur dix ans, le maintien de cette garantie donnée par la BPI pourrait se poser en cas de résolution dudit plan. Et dans l’hypothèse où l’établissement bancaire refuse la durée proposée mais que le tribunal applique la durée de dix ans, se pose la question de la position de la BPI alors même que le garanti a refusé la proposition.
Le montant dérogatoire des annuités. L’article 13, IV C de la loi dispose que « le montant des annuités prévues par le plan à compter de la troisième ne peut être inférieur à 8 % du passif établi par le débiteur ». Cette disposition est dérogatoire au droit commun des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, pour lesquelles le seuil est fixé à 5 % (sauf exploitations agricoles).
Ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire à défaut de plan arrêté. Si la présentation du projet de plan n’est pas possible dans le délai de trois mois, le ministère public, le mandataire unique ou le débiteur peut saisir le tribunal pour mettre fin à la procédure de traitement de sortie de crise, et ouvrir un redressement judiciaire ou liquidation judiciaire par application de l’article 13, IV D de la loi. La période d’observation de trois mois ne s’impute pas sur la durée maximale de la période d’observation du redressement judiciaire. Ainsi, la soumission des créanciers aux conséquences de l’article L. 622-7 du code de commerce et à l’interdiction des paiements peut durer jusqu’à vingt et un mois, ce qui était déjà le cas avec l’application de l’ordonnance du 27 mars 2020.
De manière sous-jacente à cette nouvelle procédure apparaît une inquiétude grandissante sur le risque de défaillances d’entreprises fragilisées par la crise sanitaire mais viables, à savoir les entreprises structurellement rentables au 17 mars 2020 (date du début du premier confinement). À l’heure où la renégociation de PGE se heurte à la limite d’amortissement de six ans en raison de contraintes réglementaires et de la garantie étatique, cette procédure peut permettre de restructurer l’endettement (PGE, loyers impayés, etc.). Et là est tout l’intérêt de cette nouvelle procédure : celui de « sauver » ces entreprises du risque de « faillite ». La nouvelle procédure semble toutefois conserver l’exigence de la publicité de la procédure – l’article R. 621-8 du code de commerce n’ayant pas été écarté. La publicité du jugement d’ouverture (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, journal d’annonces légales, mention au registre du commerce et des sociétés) reste un frein important pour qu’un débiteur demande l’ouverture d’une procédure judiciaire de « traitement de sortie de crise », auquel s’ajoute le verrou psychologique, qui reste le plus difficile à lever.