By Actus on Lundi 13 Septembre 2021
Category: FONCTION PUBLIQUE

Bilan globalement positif pour la médiation préalable obligatoire

Entre le 1er avril 2018 et le 31 mars 2021, 5 516 demandes de médiation préalable obligatoire (MPO) ont été enregistrées dans le cadre de l’expérimentation prévue par la loi Justice du XXIe siècle. Le taux de réussite globale est de 76 %, révèle le bilan final de l’expérimentation que le Conseil d’État vient de rendre public.

Ce bilan était prévu par la loi pour permettre au législateur de décider des suites à donner à l’expérimentation, qui doit s’achever le 31 décembre 2021. Le rapport constate d’importantes disparités entre les territoires et les administrations concernés. Ses préconisations pour l’avenir de la MPO tiennent donc logiquement compte de ces constats.

L’expérimentation (v. AJDA 2018. 1636) concernait deux grands secteurs : des contentieux sociaux et certains litiges de la fonction publique (pour les ministères de l’éducation nationale et des affaires étrangères et des collectivités territoriales volontaires) dans un nombre limité de départements. 82 % des demandes de MPO ont visé des litiges sociaux, Pôle emploi en concentrant la moitié à lui seul et un petit tiers ayant été traité par les délégués du Défenseur des droits (revenu de solidarité active, aides exceptionnelles de fin d’année, aide personnalisée au logement).

Des taux de succès très variables

4 810 MPO ont effectivement été engagées, 13 % des demandes étant irrecevables. Ce taux varie considérablement selon les secteurs. Près de 100 % des demandes adressées aux médiateurs de Pôle emploi étaient recevables, à peine plus de la moitié pour les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CDG). Un constat qui, selon le rapport, peut s’expliquer par des difficultés de lisibilité du dispositif mais « pourrait également traduire un besoin d’élargissement du champ d’application de la MPO ».

Le taux d’accords en fin de médiation est lui aussi très variable : 98 % pour les médiateurs régionaux de Pôle emploi, seulement 37 % pour les délégués du Défenseur des droits et 52 % pour les centres de gestion. Si le rapport en conclut que les médiateurs internes à l’administration semblent plus à même de convaincre celle-ci de revoir sa position, des disparités géographiques semblent moins explicables. Ainsi, les délégués du Défenseur des droits affichent un taux de succès de 16 % en Haute-Garonne, contre 49 % en Loire-Atlantique. Le médiateur de l’académie d’Aix-Marseille a concilié l’administration et ses agents dans 81 % des cas, son homologue de Montpellier affichant un taux de réussite de 18 %.

Encore faut-il préciser qu’une médiation réussie n’implique pas forcément que l’administration a revu sa position. Près de 60 % des accords dans les contentieux sociaux (70 % pour Pôle emploi) concernent ce que le rapport appelle des « médiations pédagogiques », c’est-à-dire que l’administration n’a fait aucune concession mais que la médiation a permis au demandeur de comprendre et d’accepter sa position. Ce type d’accord constitue 44 % des succès des médiateurs académiques et 14 % dans les CDG. Ces médiations « sont et doivent être comptabilisées comme des accords et donc des réussites », insistent les auteurs du rapport, qui concèdent tout de même que « le risque que certaines d’entre elles relèvent in fine plus de la résignation que de l’acceptation et donc de l’accord ne peut être exclu ».

De quelques heures à plusieurs mois

La durée des médiations est également très variable, une moyenne de 56 jours (en augmentation au cours des 3 années d’expérimentation) cache là aussi de fortes disparités, de 30 jours à Pôle emploi à 109 jours pour les délégués du Défenseur des droits, en passant par 52 jours pour les médiateurs des CDG. En pratique, « si certaines MPO se sont achevées en quelques heures, d’autres ont nécessité plusieurs mois. » Le rapport constate que les médiations internes sont plus rapides que les médiations externes mais aussi que les médiateurs professionnels (comme ceux des CDG) sont en mesure de gérer les dossiers plus vite que les bénévoles (délégués du Défenseur des droits).

L’expérimentation a mis en lumière des marges d’amélioration dans le cas où le législateur voudrait pérenniser et élargir le dispositif. Ainsi, l’articulation avec le recours administratif préalable obligatoire pour les contentieux sociaux paraît complexe. Faut-il choisir entre les deux, choix qui pourrait être opéré par le législateur en amont ou par les acteurs au cas par cas ? Cette articulation difficile est l’une des raisons pour lesquelles les caisses d’allocations familiales « ne sont guère convaincues de l’intérêt et de l’utilité de la MPO ». Aussi, même si les conseils départementaux et le Défenseur des droits sont plus mitigés, les auteurs du rapport jugent « préférable d’abandonner la MPO dans ce champ contentieux », tout en y promouvant la médiation de droit commun. En revanche, dans la fonction publique et pour Pôle emploi, la pérennisation et la généralisation sont préconisées.

Le rapport recommande, enfin, que le dispositif soit placé sous la supervision du Défenseur des droits.

Un impact positif sur les flux contentieux

Même si ce n’était pas le seul objectif, on sait que la médiation est, de longue date, pour le Conseil d’État, l’un des moyens de réguler le flot des recours. Selon le rapport, la MPO « n’a pas dégonflé les flux contentieux, du moins pas de manière évidente et significative ». Avec prudence, il évoque cependant un impact « positif », même s’il ne peut être véritablement quantifié. Ainsi, sur les trois années d’expérimentation, le contentieux du RSA a baissé globalement de 21 % dans les départements non expérimentateurs et de 60 % dans les six où a été mise en place la MPO. De même le contentieux de la fonction publique dans l’éducation nationale a augmenté de 63 % dans les départements expérimentateurs contre 72 % ailleurs.

(Original publié par Montecler)