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Bars et restaurants de Marseille : des mesures proportionnées ?

L’arrêté du 27 septembre 2020 pris par le préfet des Bouches-du-Rhône instaurait notamment une « zone d’alerte maximale » sur les communes de Marseille et Aix-en-Provence et prescrivant une série de mesures de police administrative en vue de prévenir les risques de propagation des infections, la mesure de fermeture des bars et restaurants étant l’une d’elles. Cet arrêté se justifiait selon le préfet notamment par le passage du département en « zone de circulation active du virus » depuis le 13 août 2020, « l’augmentation significative » des taux d’incidence et de positivité à la covid-19 dans le département et par les indicateurs de l’activité épidémique du 25 septembre montrant une situation fortement dégradée dans la Métropole d’Aix-Marseille.

À noter que, si les éléments d’analyse du préfet concernent le département et l’aire métropolitaine, seules les communes de Marseille et d’Aix-en-Provence ont été in fine concernées ; le préfet justifiant ce sort particulier par la nécessité « de distinguer la situation des communes en fonction notamment de la situation sanitaire et notamment du taux d’incidence qui y est constaté ». On verra que l’essentiel du débat a porté sur la question des chiffres.

Une originalité a pesé dans la décision prise, qui d’ailleurs y fait référence : l’arrêté, limité à quinze jours on le rappelle, a prévu aussi une « clause de revoyure » dans un délai de huit jours. L’existence de cette clause a pesé aussi dans la décision rendue. Si l’autorité de police administrative s’était efforcée de tenir compte des apports de la jurisprudence covid-19 dans la rédaction de l’arrêté, les mesures prises sont-elles pour autant justifiées en droit et en fait ? C’est l’intérêt de l’ordonnance rendue qui a refusé de suspendre l’arrêté.

Une décision sans vraie surprise

Si l’une des parties a évoqué les nouveaux (?) principes relatifs à une mesure de police administrative (CE 6 sept. 2020, n° 443751, Ministre des solidarités et de la santé, Dalloz actualité, 8 sept. 2020, obs. M.-C. de Montecler), l’ordonnance ne répond pas à ce moyen (« La mesure n’est pas adaptée au terrain ce qui lui fait perdre sa lisibilité ») qui à la lecture de l’arrêté semblait quand même difficile à mobiliser.

La jurisprudence covid-19 en matière de police administrative, par son abondance, ses enseignements, voire ses innovations a donné lieu à commentaires et essais de synthèse (v. not. O. Renaudie, La police administrative aux temps du coronavirus, AJDA, 2020.1704 image). L’ordonnance rendue le 30 septembre s’inscrit dans ce sillage juridictionnel. On ne saurait être étonné que la question de l’urgence ne soit pas évoquée dans l’ordonnance dès lors que le juge estime qu’il n’y a pas d’atteinte à une liberté fondamentale. La question de l’urgence devenant ainsi sans objet. On imagine que dans sa confection la décision n’était pas aisée, ayant dû trancher sur deux points classiques qui mettent en évidence la difficulté au cas d’espèce de l’office du juge.

L’appréciation du caractère nécessaire, proportionné et adapté de la mesure de police

C’est « le » sujet. On sait que le caractère proportionné d’une mesure de police s’apprécie « nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d’intérêt général poursuivi ». Le juge a été confronté à des chiffres apportés par les requérants. On imagine la complexité de s’y confronter. Comment les appréhender, comment les retenir ou au contraire les écarter ? La région Sud avait présenté des chiffres selon elle de nature à contredire l’appréciation du préfet. Le juge estime que « ces données qui concernent l’ensemble de la région Sud ne sont pas pertinentes pour apprécier la situation spécifique à Marseille et Aix-en-Provence ». La question des alternatives à l’interdiction a aussi été débattue et on renvoie au paragraphe 9 particulièrement technique et circonstancié. À noter que les autres mesures proposées comme alternative à la fermeture ont été estimées insuffisantes en l’état de la situation sanitaire.

L’appréciation de l’atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale

La batterie des libertés fondamentales a été utilement mobilisée (liberté d’entreprendre, liberté du commerce et de l’industrie, droit de propriété, liberté d’aller et venir, la région Sud ayant aussi invoqué la libre administration des collectivités territoriales, au sujet de la fermeture des salles de sport, le juge des référés rappelle que le principe d’égalité devant la loi n’est pas une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du CJA, v. TA Nice, ord, 30 sept. 2020, n° 2003885). La gravité des atteintes aux libertés fondamentales est certes reconnue par l’ordonnance (§ 10) mais, dès lors que l’interdiction « au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi » ne revêt pas un caractère manifestement disproportionné le juge refuse de suspendre. Visant au passage la clause de revoyure qui a donc pesé.

Un sujet qui reste d’actualité ?

Les suites de l’ordonnance désamorcées par la « clause de revoyure »

Un appel contre l’ordonnance avait été immédiatement annoncé dès le délibéré et formalisé. À noter que le juge des référés marseillais a rejeté d’autres requêtes ayant le même objet (ord. 2 oct. 2020, nos 2007347 et 2007348). Le revirement de situation a depuis changé la donne : le premier ministre ayant contacté la maire de Marseille pour évaluer les mesures prises et définir des adaptations nécessaires ; dès le 1er octobre, le ministre de la santé dans sa conférence de presse n’avait pas écarté, au motif du frémissement à la baisse de la situation à Marseille, de revoir le dispositif à condition de s’accorder sur des règles validées préalablement par le Haut Conseil de la santé publique. Le lundi 5 octobre les bars et restaurants sont de nouveau autorisés à ouvrir sous réserve de respecter des contraintes sanitaires plus drastiques. L’arrêté a donc épuisé ses effets et les appelants se sont désistés. Pour autant et au-delà du référé-liberté et même si le juge ne se prononcera pas sur le fond (a priori aucun recours en annulation n’ayant été déposé) des interrogations demeurent sur la légalité de ce type d’arrêté.

Des questions qui demeurent en suspens

Quid des rapports entre police administrative et carence dans la gestion du service public ? Si on s’en tient à la lecture de l’ordonnance un sujet n’a pas été évoqué devant le juge qui semble toutefois mériter débat car il est bien au cœur du sujet sanitaire : une mesure de police administrative est-elle faite et peut-elle être édictée, fût-ce en partie, pour pallier la carence et les insuffisances du service public hospitalier ? L’arrêté vise la hausse des contaminations et un afflux massif des patients qui seraient de nature à détériorer les capacités d’accueil du système médical départemental. S’il est clair que la mesure de police vise à éviter la propagation de l’épidémie, il ne saurait donc être sérieusement discutable que l’un des buts de la mesure litigieuse est d’éviter aussi que les structures hospitalières, un des critères du passage en zone d’alerte maximale étant la part de patients covid-19 dans les services de réanimation (30 %). Si c’est donc aussi pour éviter l’apoplexie du service public hospitalier on en mesure la conséquence immédiate, la question n’est pas sans interroger.

Quid des rapports entre police administrative et carence éventuelle dans la répression des infractions ? Le préfet, pour justifier sa décision, a mis en exergue les difficultés de faire respecter dans les bars et restaurants le port du masque et les gestes barrières. Cela pose un problème de fond qui renvoie à la manière dont depuis le mois de mars a minima les agents de police nationale ou municipale ont effectivement assuré les contrôles nécessaires, à tout moment et en tout lieu, et réprimandé les infractions constatées. La mesure d’interdiction semble aussi avoir été motivée en vérité par la carence des autorités de police dans le contrôle et la répression des infractions en temps utile. Là encore, est-ce le but et le motif d’une mesure de police administrative que de répondre à une carence (si elle est avérée) de ce type ? La question reste posée.

On relèvera qu’était reprochée entre autres l’absence de l’avis de l’ARS, pourtant visé dans l’arrêté. L’ordonnance indique que l’avis était en possession du préfet au moment de sa prise de décision. On suppose que des horodatages d’actes ont permis cette précision. Il n’est pas interdit sur ce point de relever la grande performance consistant un dimanche à recevoir pour l’autorité administrative l’avis de l’ARS, l’analyser, l’intégrer à la réflexion et rédiger l’arrêté en un temps record. On aimerait que ce soit tous les jours ainsi dans l’ensemble des administrations.

Auteur d'origine: pastor
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Invité
jeudi 28 mars 2024

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